Leforum de summilux.net, sponsorisĂ© par les amis de summilux.net. Index des galeries ‱ Index du forum â€č Photos â€č Sans Le matĂ©riel; AdhĂ©rer; Les murs ont la parole. 251 messages ‱ Page 1 sur 17 ‱ 1, 2, 3,
Modifier mon compte Mes commandes S'identifier Nous contacter CGV Mes favoris DĂ©connexion Accueil MusĂ©es, Expositions Galeries L'exposition Plan d'accĂšs Avis "Les murs ont la parole !" exposition collective Techniques mixtes. Lieu Le Cabinet d'amateur, Paris 11e Date de dĂ©but 16 mai 2013 Date de fin 2 juin 2013 Programmation Dates et horaires cet Ă©vĂšnement est dĂ©sormais terminĂ© Pour le confort et la santĂ© de tous, merci de respecter les consignes sanitaires mises en Ɠuvre par les lieux culturels prĂ©sentation d'un "pass sanitaire", port du masque, usage de gel hydroalcoolique et distanciation physique. Derniers avis Avis publiĂ© par Le cabinet d'amateur le 3 mai 2013 SP38 / EPI2MIK / PAELLA / JP MALOT / MISTER P. Exposition du 16 mai au 2 juin 2013 Quarante cinq ans aprĂšs Mai 68, Ă  l'heure d'Internet et des rĂ©seaux sociaux, de la communication, de la libertĂ© d'expression et de l'Ă©galitĂ© pour tous, les murs de la ville reprennent la parole. Les artistes s'en emparent et veulent exprimer leurs angoisses, leurs dĂ©sirs, leur constat sur la sociĂ©tĂ©. Reflet de notre Ă©poque, ils sont lĂ  pour inscrire dans l'histoire, avec ironie, humour ou provocation, ce que d'autres n'osent pas dire. Ils poursuivent chacun leur route par conviction, avec ou sans paroles, ils nous font rĂ©agir et prendre conscience du monde dans lequel nous vivons. SP38, colle ses slogans en français ou en anglais, Ă  Berlin depuis 1995 et dans le monde entier, il ne parle toujours pas allemand. Epi2mik rend visible la contamination de notre planĂšte. Avec ses phrases incisives, Paella affiche avec humour, l'actualitĂ© et les grandes questions de sociĂ©tĂ©. JP Malot, entre Pop art et graffiti, en pleine crise Ă©conomique, s'impose avec sa sĂ©rie "Shoot The Bank". Mister P. a trouvĂ© sa Marylin en la figure iconique du GĂ©nĂ©ral. À voir Ă©galement... Adresse du lieu Plan d'accĂšs Le Cabinet d'amateur - Paris 11e12 rue de la Forge Royale 1 avis sur Les murs ont la parole ! Avis publiĂ© par Le cabinet d'amateur le 3 mai 2013 SP38 / EPI2MIK / PAELLA / JP MALOT / MISTER P. Exposition du 16 mai au 2 juin 2013 Quarante cinq ans aprĂšs Mai 68, Ă  l'heure d'Internet et des rĂ©seaux sociaux, de la communication, de la libertĂ© d'expression et de l'Ă©galitĂ© pour tous, les murs de la ville reprennent la parole. Les artistes s'en emparent et veulent exprimer leurs angoisses, leurs dĂ©sirs, leur constat sur la sociĂ©tĂ©. Reflet de notre Ă©poque, ils sont lĂ  pour inscrire dans l'histoire, avec ironie, humour ou provocation, ce que d'autres n'osent pas dire. Ils poursuivent chacun leur route par conviction, avec ou sans paroles, ils nous font rĂ©agir et prendre conscience du monde dans lequel nous vivons. SP38, colle ses slogans en français ou en anglais, Ă  Berlin depuis 1995 et dans le monde entier, il ne parle toujours pas allemand. Epi2mik rend visible la contamination de notre planĂšte. Avec ses phrases incisives, Paella affiche avec humour, l'actualitĂ© et les grandes questions de sociĂ©tĂ©. JP Malot, entre Pop art et graffiti, en pleine crise Ă©conomique, s'impose avec sa sĂ©rie "Shoot The Bank". Mister P. a trouvĂ© sa Marylin en la figure iconique du GĂ©nĂ©ral. Donner mon avis sur Les murs ont la parole ! Nota Bene pour ĂȘtre publiĂ©, le contenu de votre avis doit respecter nos conditions gĂ©nĂ©rales d'utilisation. Newsletter Chaque mercredi, le meilleur des sorties culturelles Ă  Paris. RĂ©seaux sociaux Suivez-nous sur Instagram, Facebook ou Twitter MUSÉES ET CENTRES CULTURELS
Ace qu'il paraĂźt t'es plein de bla bla bla. Les Murs ont des oreilles, les murs ont des oreilles. Les Murs ont des oreilles, les murs ont des oreilles. La rumeur tourne tourne tourne, la rumeur

Les murs ont la parole Dans le domaine du sensible, de ces voies inexplorĂ©es du cerveau humain, de l’activitĂ© mĂ©diumnique, les relations sont audibles et issues d’un dĂ©terminisme qui relĂšve de mondes transfigurĂ©s en lesquels des Etres s’adressent les uns aux autres d’une maniĂšre qui peut nous apparaĂźtre Ă©trange mais qui restent dans le rĂ©el et ne sont pas les consĂ©quences d’une imagination dĂ©bridĂ©e ou maladive. La transcription, l’émotion, l’intuition sont des vecteurs spontanĂ©s de cette audition qui gĂ©nĂšre des rĂ©vĂ©lations sur des domaines matĂ©riels, spirituels issus d’actes humains qui imprĂšgnent la densitĂ© physique, qui alors devient chargĂ©e d’une Ă©motion particuliĂšre que chacun peut ressentir suivant son degrĂ© de perception. Il est des murs, des lieux, des configurations qui restituent la parole, incitent Ă  la parole et ont pour vocation de donner des indices sur ce qui a Ă©tĂ© fait, sur ce qui a Ă©tĂ© dit, et bien plus sur les actes eux-mĂȘmes qui se sont produits. RĂ©vĂ©lateurs, ils s’intensifient chez le mĂ©dium d’une maniĂšre appropriĂ©e afin que la rĂ©alitĂ© embrase leur densitĂ© et Ă©closent d’une orientation, d’une action en rĂ©paration, ou bien d’une attention tout simplement. Un exemple d’insistance s’est manifestĂ© chez x qui aprĂšs avoir visitĂ© un appartement, n’était pas en accord avec son achat et toutefois se trouva y habiter l’achat de cet appartement ayant Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© par y. Des manifestations se produisirent suite Ă  son arrivĂ©e, claquage du bois des tables, des armoires, apparition sauvage notamment d’un personnage monstrueux. Petit Ă  petit les sources se firent plus oppressantes, prenant les contours d’une fixation pathologique, le verbe tuer revenant sans cesse, faisant accroire Ă  x qu’il devenait fou, alors qu’il ne faisait qu’entendre mais qu’il ne devinait pas encore ce que cela signifiait dans le contexte ou il Ă©tait. L’appartement Ă©tait initialement propriĂ©tĂ© d’une famille trĂšs catholique, dont l’un des enfants est devenu prĂȘtre et officie en Afrique. Le fait pour X d’invoquer le Christ suffisait pour apaiser les humeurs qu’il entendait, humeurs qui se transformaient en visions particuliĂšrement sordides, scĂšnes de sodomies, scĂšnes de sexualitĂ© dĂ©bridĂ©es, scĂšnes de luxure Ă©prouvante. Retournant le problĂšme, x se dĂ©cida d’écouter et d’entendre, sans tenir compte de la peur que lui inspirait chaque parole qui rĂ©sonnait des murs et l’enveloppaient comme pour mieux le dĂ©naturer. Il essaya de comprendre, puis petit Ă  petit le terme tuer fut remplacĂ© par la phrase, j’ai Ă©tĂ© tuĂ©. Et cette voix qui lui parlait au-delĂ  du brouillard Ă©mis par le personnage monstrueux qu’il avait vu, Ă©tait une voix d’adolescent qui disait se nommer Itrich Didier. Il Ă©tait scout, et ami des enfants de la famille qui vivait dans cet appartement avant l’arrivĂ©e de x et de y. Il venait suivre l’éducation religieuse qui y Ă©tait dispensĂ©e par un prĂȘtre qu’il nommait Dumont Lionel. De jour en jour la lumiĂšre des explications venait jusqu’à ce jour oĂč x entendit et vit clairement s’inscrire les actes qui possĂ©daient cet appartement. Itrich Didier expliqua qu’il Ă©tait seul avec Dumont Lionel, que ce dernier l’avait approchĂ© et commencĂ© Ă  l’attoucher, et devant son refus, s’était dirigĂ© vers la cuisine pour prendre un couteau et le soumettre Ă  sa volontĂ©. ViolĂ© sous la menace, l’adolescent expliqua que Dumont l’avait tuĂ© pour taire ses cris et profiter de sa dĂ©pouille, puis mutilĂ©. Tout s’expliquait et Ă  la question mais qu’est ce que tu es devenu et qu’est-il devenu, Itrich Didier rĂ©pondit qu’il avait Ă©tĂ© incinĂ©rĂ© par Dumont dans un hospice Parisien dont il ne connaissait pas le nom, mais qu’il savait que ce personnage Ă©tait confesseur Ă  Saint Martial en ArdĂšche, et qu’il n’avait jamais payĂ© pour son crime. DĂšs lors, les murs se turent, ils avaient libĂ©rĂ© leur mĂ©moire et x retrouva son Ă©quilibre, qu’il n’avait jamais perdu au demeurant, mais qu’il croyait corrompu ne reconnaissant pas ses capacitĂ©s mĂ©diumniques. Cette relation n’est qu’une relation parmi tant d’autres que maintiennent secrĂštes bien des Etres Humains de peur de croire qu’ils ont sombrĂ© dans un chaos sans fin, alors qu’ils sont tout simplement en relation avec une histoire, un fait, un drame, ou bien tout simplement une banalitĂ©. Les exemples de ce type ne manquent pas, et il serait intĂ©ressant d’allier Ă  certaines recherches, notamment criminologiques ces restitutions qui permettraient peut ĂȘtre d’élucider un certain nombre de disparitions, de crimes, de faits historiques et divers. © Vincent Thierry The walls have the word In the field of the sensitive one, of these unexplored ways of the human brain, mediumnic activity, the relations are audible and resulting from a determinism which concerns transfigured worlds in which Beings address the ones to the others in a manner which can appear strange to us but which remains in reality and are not the consequences of an unslung or morbid imagination. The transcription, the emotion, the intuition are spontaneous vectors of this hearing which generates revelations on material fields, spiritual resulting from human acts which impregnate the physical density, which then becomes in charge of a particular emotion that each one can feel according to its degree of perception. It is walls, places, configurations which restore the word, encourage with the word and have the role to give indices on what was made, on what was said, and much more on the acts themselves which occurred. Revealing, they intensify at the medium in a suitable way so that reality sets ablaze their density and hatch of an orientation, an action in repair, or of an attention quite simply. An example of insistence appeared at X which after having visited an apartment, was not in agreement with its purchase and however was to live there the purchase of this apartment having been realized by Y. Of the demonstrations occurred following its arrival, breakdown of the wood of the tables, of the cupboards, appearance wild in particular of a monstrous character. Gradually the sources were made more oppressive, taking contours of a pathological fixing, the verb to kill returning unceasingly, making accroire with X that it became insane, whereas it did nothing but hear but that it did not guess yet what that meant in the context or it was. The apartment was initially property of a very catholic family, of which one of the children became priest and officiates in Africa. The fact for X of calling upon Christ was enough to alleviate moods which he heard, moods which were transformed into particularly sordid visions, scenes of sodomies, unslung scenes of sexuality, scenes of testing lust. Turning over the problem, X decided to listen and hear, without taking account of the fear which each word inspired to him which resounded of the walls and wrapped it as for denaturing best. It tried to include/understand, then gradually the term to kill was replaced by the sentence, I was killed. And this voice which spoke to him beyond the fog emitted by the monstrous character that it had seen, was a voice of teenager who said to name Itrich Didier. It was scout, and friend of the children of the family which lived in this apartment before the arrival of X and Y. It came to follow the religious education which was exempted there by a priest that it named Dumont Lionel. From day in day the light of the explanations came so far where X intended and clearly saw to be registered the acts which had this apartment. Itrich Didier explained why it was alone with Dumont Lionel, that this last had approached it and started with the attoucher, and in front of its refusal, had moved towards the kitchen to take a knife and to subject it to its will. Violated under the threat, the teenager explained that Dumont had killed it to conceal its cries and to benefit from its skin, then mutilated. Was very explained and the question but that is what you became and who it became, Itrich Didier answered that it had been incinerated by Dumont in a Parisien old people's home of which it did not know the name, but that it knew that this character was confessor with Saint Martial in Ardeche, and that it had never paid for his crime. Consequently, the walls were keep silent, they had released their memory and X found its balance, which it had never lost moreover, but that it believed corrupted not recognizing its mediumnic capacities. This relation is only one relation among as well others as maintain secret many Human beings of fear of believing as they sank in a chaos without end, whereas they are quite simply in relation to a history, a fact, a drama, or quite simply a banality. The examples of this type do not miss, and it would be interesting to combine with certain research, in particular criminological these restitutions which would allow can be to elucidate a certain number of disappearances, crimes, historical and various facts. © Vincent Thierry

Certainesinscriptions retranscrises dans le livre sont amusantes. Celà plaira trÚs certainement aux soixante-huitards attardés et aux bobos Voir tous les avis Caractéristiques Auteur Julien

MYSTÈRE " C'est le serpent, dit-elle; je l'ai écouté, et il m'a trompée. " GenÚse. CHANT PREMIER NAISSANCE. Il naquit sur la terre un Ange, dans le temps OÃÂč le Médiateur sauvait ses habitants. Avec sa suite obscure et comme lui bannie, Jésus avait quitté les murs de Béthanie; 5 À travers la campagne il fuyait d'un pas lent, Quelquefois s'arrÃÂȘtait, priant et consolant, Assis au bord d'un champ le prenait pour symbole, Ou du Samaritain disait la parabole, La brebis égarée, ou le mauvais pasteur, 10 Ou le sépulcre blanc pareil à l'imposteur; Et, de là , poursuivant sa paisible conquÃÂȘte, De la Chananéenne écoutait la requÃÂȘte, À la fille sans guide enseignait ses chemins, Puis aux petits enfants il imposait les mains. 15 L'aveugle-né voyait, sans pouvoir le comprendre, Le lépreux et le sourd se toucher et s'entendre, Et tous, lui consacrant des larmes pour adieu, Ils quittaient le désert oÃÂč l'on exilait Dieu. Fils de l'homme et sujet aux maux de la naissance, 20 Il les commençait tous par le plus grand, l'absence, Abandonnant sa ville et subissant l'Édit, Pour accomplir en tout ce qu'on avait prédit. Or, pendant ces temps-là , ses amis en Judée Voyaient venir leur fin qu'il avait retardée 25 Lazare, qu'il aimait et ne visitait plus, Vint à mourir, ses jours étant tous révolus. Mais l'amitié de Dieu n'est-elle pas la vie? Il partit dans la nuit; sa marche était suivie Par les deux jeunes soeurs du malade expiré, 30 Chez qui dans ses périls il s'était retiré. C'étaient Marthe et Marie; or Marie était celle Qui versa les parfums et fit blùmer son zÚle. Tous s'affligeaient; Jésus disait en vain " Il dort. " Et lui-mÃÂȘme, en voyant le linceul et le mort, 35 Il pleura. - Larme sainte à l'amitié donnée, Oh! vous ne fûtes point aux vents abandonnée! Des Séraphins penchés l'urne de diamant, Invisible aux mortels, vous reçut mollement, Et comme une merveille, au Ciel mÃÂȘme étonnante, 40 Aux pieds de l'Éternel vous porta rayonnante. De l'oeil toujours ouvert un regard complaisant Émut et fit briller l'ineffable présent; Et l'Esprit-Saint sur elle épanchant sa puissance, Donna l'ùme et la vie à la divine essence. 45 Comme l'encens qui brûle aux rayons du soleil Se change en un feu pur, éclatant et vermeil, On vit alors du sein de l'urne éblouissante S'élever une forme et blanche et grandissante, Une voix s'entendit qui disait " Éloa! " 50 Et l'Ange apparaissant répondit " Me voilà . " Toute parée, aux yeux du Ciel qui la contemple, Elle marche vers Dieu comme une épouse au Temple; Son beau front est serein et pur comme un beau lis, Et d'un voile d'azur il soulÚve les plis; 55 Ses cheveux, partagés comme des gerbes blondes, Dans les vapeurs de l'air perdent leurs molles ondes, Comme on voit la comÚte errante dans les cieux Fondre au sein de la nuit ses rayons gracieux; Une rose aux lueurs de l'aube matinale 60 N'a pas de son teint frais la rougeur virginale; Et la lune, des bois éclairant l'épaisseur, D'un de ses doux regards n'atteint pas la douceur. Ses ailes sont d'argent; sous une pùle robe, Son pied blanc tour à tour se montre et se dérobe, 65 Et son sein agité, mais à peine aperçu, SoulÚve les contours du céleste tissu. C'est une femme aussi, c'est une Ange charmante; Car ce peuple d'Esprits, cette famille aimante, Qui, pour nous, prÚs de nous, prie et veille toujours, 70 Unit sa pure essence en de saintes amours L'Archange RaphaÃl, lorsqu'il vint sur la Terre, Sous le berceau d'Éden conta ce doux mystÚre. Mais nulle de ces soeurs que Dieu créa pour eux N'apporta plus de joie au ciel des Bienheureux. 75 Les Chérubins brûlants qu'enveloppent six ailes, Les tendres Séraphins, dieux des amours fidÚles, Les TrÎnes, les Vertus, les Princes, les Ardeurs, Les Dominations, les Gardiens, les Splendeurs, Et les RÃÂȘves pieux, et les saintes Louanges, 80 Et tous les Anges purs, et tous les grands Archanges, Et tout ce que le Ciel renferme d'habitants, Tous, de leurs ailes d'or voilés en mÃÂȘme temps, AbaissÚrent leurs fronts jusqu'à ses pieds de neige, Et les Vierges ses soeurs, s'unissant en cortÚge, 85 Comme autour de la Lune on voit les feux du soir, Se tenant par la main, coururent pour la voir. Des harpes d'or pendaient à leur chaste ceinture; Et des fleurs qu'au Ciel seul fit germer la nature, Des fleurs qu'on ne voit pas dans l'Été des humains, 90 Comme une large pluie abondaient sous leurs mains. " Heureux, chantaient alors des voix incomparables, Heureux le monde offert à ses pas secourables! Quand elle aura passé parmi les malheureux, L'esprit consolateur se répandra sur eux. 95 Quel globe attend ses pas? Quel siÚcle la demande? NaÃtra-t-il d'autres cieux afin qu'elle y commande? " Un jour... Comment oser nommer du nom de jour Ce qui n'a pas de fuite et n'a pas de retour? Des langages humains défiant l'indigence, 100 L'éternité se voile à notre intelligence, Et, pour nous faire entendre un de ces courts instants, Il faut chercher pour eux un nom parmi les temps. Un jour, les habitants de l'immortel empire, Imprudents une fois, s'unissaient pour l'instruire. 105 " Éloa, disaient-ils, oh! veillez bien sur vous Un Ange peut tomber; le plus beau de nous tous N'est plus ici pourtant dans sa vertu premiÚre On le nommait celui qui porte la lumiÚre; Car il portait l'amour et la vie en tout lieu, 110 Aux astres il portait tous les ordres de Dieu; La terre consacrait sa beauté sans égale, Appelant Lucifer l'étoile matinale, Diamant radieux, que sur son front vermeil, Parmi ses cheveux d'or a posé le soleil. 115 Mais on dit qu'à présent il est sans diadÚme, Qu'il gémit, qu'il est seul, que personne ne l'aime, Que la noirceur d'un crime appesantit ses yeux, Qu'il ne sait plus parler le langage des Cieux; La mort est dans les mots que prononce sa bouche; 120 Il brûle ce qu'il voit, il flétrit ce qu'il touche; Il ne peut plus sentir le mal ni les bienfaits; Il est mÃÂȘme sans joie aux malheurs qu'il a faits. Le Ciel qu'il habita se trouble à sa mémoire, Nul ange n'oserait vous conter son histoire, 125 Nul ange n'oserait dire une fois son nom. " Et l'on crut qu'Éloa le maudirait; mais non, L'effroi n'altéra point son paisible visage, Et ce fut pour le Ciel un alarmant présage. Son premier mouvement ne fut pas de frémir, 130 Mais plutÎt d'approcher comme pour secourir; La tristesse apparut sur sa lÚvre glacée AussitÎt qu'un malheur s'offrit à sa pensée; Elle apprit à rÃÂȘver, et son front innocent De ce trouble inconnu rougit en s'abaissant; 135 Une larme brillait auprÚs de sa paupiÚre. Heureux ceux dont le coeur verse ainsi la premiÚre! Un ange eut ces ennuis qui troublent tant nos jours, Et poursuivent les grands dans la pompe des cours; Mais, au sein des banquets, parmi la multitude, 140 Un homme qui gémit trouve la solitude; Le bruit des nations, le bruit que font les rois, Rien n'éteint dans son coeur une plus forte voix. Harpes du Paradis, vous étiez sans prodiges! Chars vivants dont les yeux ont d'éclatants prestiges! 145 Armures du Seigneur, pavillons du saint lieu, Étoiles des bergers tombant des doigts de Dieu, Saphirs des encensoirs, or du céleste dÎme, Délices du nebel, senteurs du cinnamome, Vos bruits harmonieux, vos splendeurs, vos parfums 150 Pour un ange attristé devenaient importuns; Les cantiques sacrés troublaient sa rÃÂȘverie, Car rien n'y répondait à son ùme attendrie Et soit lorsque Dieu mÃÂȘme, appelant les esprits, Dévoilait sa grandeur à leurs regards surpris, 155 Et montrait dans les cieux, foyer de la naissance, Les profondeurs sans nom de sa triple puissance, Soit quand les chérubins représentaient entre eux Ou les actes du Christ ou ceux des bienheureux, Et répétaient au Ciel chaque nouveau mystÚre 160 Qui, dans les mÃÂȘmes temps, se passait sur la terre, La crÚche offerte aux yeux des mages étrangers, La famille au désert, le salut des bergers, Éloa, s'écartant de ce divin spectacle, Loin de leur foule et loin du brillant tabernacle, 165 Cherchait quelque nuage oÃÂč dans l'obscurité Elle pourrait du moins rÃÂȘver en liberté. Les anges ont des nuits comme la nuit humaine. Il est dans le Ciel mÃÂȘme une pure fontaine; Une eau brillante y court sur un sable vermeil; 170 Quand un ange la puise, il dort, mais d'un sommeil Tel que le plus aimé des amants de la terre N'en voudrait pas quitter le charme solitaire, Pas mÃÂȘme pour revoir dormant auprÚs de lui La beauté dont la tÃÂȘte a son bras pour appui. 175 Mais en vain Éloa s'abreuvait dans son onde, Sa douleur inquiÚte en était plus profonde; Et toujours dans la nuit un rÃÂȘve lui montrait Un ange malheureux qui de loin l'implorait. Les vierges quelquefois, pour connaÃtre sa peine, 180 Formant une priÚre inentendue et vaine, L'entouraient, et, prenant ces soins qui font souffrir, Demandaient quels trésors il lui fallait offrir, Et de quel prix serait son éternelle vie, Si le bonheur du Ciel flattait peu son envie; 185 Et pourquoi son regard ne cherchait pas enfin Les regards d'un archange ou ceux d'un séraphin. Éloa répondait une seule parole " Aucun d'eux n'a besoin de celle qui console. On dit qu'il en est un... " Mais détournant leurs pas, 190 Les vierges s'enfuyaient et ne le nommaient pas. Cependant, seule, un jour, leur timide compagne, Regarde autour de soi la céleste campagne, Étend l'aile et sourit, s'envole, et dans les airs Cherche sa terre amie ou des astres déserts. 195 Ainsi dans les forÃÂȘts de la Louisiane, Bercé sous les bambous et la longue liane, Ayant rompu l'oeuf d'or par le soleil mûri, Sort de son lit de fleurs l'éclatant Colibri; Une verte émeraude a couronné sa tÃÂȘte, 200 Des ailes sur son dos la pourpre est déjà prÃÂȘte, La cuirasse d'azur garnit son jeune coeur, Pour les luttes de l'air l'oiseau part en vainqueur... Il promÚne en des lieux voisins de la lumiÚre Ses plumes de corail qui craignent la poussiÚre; 205 Sous son abri sauvage étonnant le ramier, Le hardi voyageur visite le palmier. La plaine des parfums est d'abord délaissée; Il passe, ambitieux, de l'érable à l'alcée, Et de tous ses festins croit trouver les apprÃÂȘts 210 Sur le front du palmiste ou les bras du cyprÚs; Mais les bois sont trop grands pour ses ailes naissantes. Et les fleurs du berceau de ces lieux sont absentes; Sur la verte savane il descend les chercher; Les serpents-oiseleurs qu'elles pourraient cacher 215 L'effarouchent bien moins que les forÃÂȘts arides. Il poursuit prÚs des eaux le jasmin des Florides, La nonpareille au fond de ses chastes prisons, Et la fraise embaumée au milieu des gazons. C'est ainsi qu'Éloa, forte dÚs sa naissance, 220 De son aile argentée essayant la puissance, Passant la blanche voie oÃÂč des feux immortels Brûlent aux pieds de Dieu comme un amas d'autels, TantÎt se balançant sur deux jeunes planÚtes, TantÎt posant ses pieds sur le front des comÚtes, 225 Afin de découvrir les ÃÂȘtres nés ailleurs, Arriva seule au fond des Cieux inférieurs. L'Éther a ses degrés, d'une grandeur immense, Jusqu'à l'ombre éternelle oÃÂč le chaos commence. SitÎt qu'un ange a fui l'azur illimité, 230 Coupole de saphirs qu'emplit la Trinité, Il trouve un air moins pur; là passent des nuages, La tournent des vapeurs, serpentent des orages, Comme une garde agile, et dont la profondeur De l'air que Dieu respire éteint pour nous l'ardeur. 235 Mais, aprÚs nos soleils et sous les atmosphÚres OÃÂč, dans leur cercle étroit, se balancent nos sphÚres, L'espace est désert, triste, obscur, et sillonné Par un noir tourbillon lentement entraÃné. Un jour douteux et pùle éclaire en vain la nue, 240 Sous elle est le chaos et la nuit inconnue; Et, lorsqu'un vent de feu brise son sein profond, On devine le vide impalpable et sans fond. Jamais les purs esprits, enfants de la lumiÚre, De ces trois régions n'atteignent la derniÚre; 245 Et jamais ne s'égare aucun beau séraphin Sur ces degrés confus dont l'Enfer est la fin. MÃÂȘme les chérubins, si forts et si fidÚles, Craignent que l'air impur ne manque sous leurs ailes, Et qu'ils ne soient forcés, dans ce vol dangereux, 250 De tomber jusqu'au fond du chaos ténébreux. Que deviendrait alors l'exilé sans défense? Du rire des démons l'inextinguible offense, Leurs mots, leurs jeux railleurs, lent et cruel affront, Feraient baisser ses yeux, feraient rougir son front. 255 Péril plus grand peut-ÃÂȘtre il lui faudrait entendre Quelque chant d'abandon voluptueux et tendre, Quelque regret du Ciel, un récit douloureux Dit par la douce voix d'un ange malheureux. Et mÃÂȘme, en lui prÃÂȘtant une oreille attendrie, 260 Il pourrait oublier la céleste patrie, Se plaire sous la nuit et dans une amitié Qu'auraient nouée entre eux les chants et la pitié. Et comment remonter à la voûte azurée, Offrant à la lumiÚre éclatante et dorée 265 Des cheveux dont les flots sont épars et ternis, Des ailes sans couleurs, des bras, un col brunis, Un front plus pùle, empreint de traces inconnues Parmi les fronts sereins des habitants des nues, Des yeux dont la rougeur montre qu'ils ont pleuré, 270 Et des pieds noirs encor d'un feu pestiféré? Voila pourquoi, toujours prudents et toujours sages, Les anges de ces lieux redoutent les passages. C'était là cependant, sur la sombre vapeur, Que la vierge Éloa se reposait sans peur; 275 Elle ne se troubla qu'en voyant sa puissance, Et les bienfaits nouveaux causés par sa présence. Quelques mondes punis semblaient se consoler; Les globes s'arrÃÂȘtaient pour l'entendre voler. S'il arrivait aussi qu'en ces routes nouvelles 280 Elle touchùt l'un d'eux des plumes de ses ailes, Alors tous les chagrins s'y taisaient un moment, Les rivaux s'embrassaient avec étonnement; Tous les poignards tombaient oubliés par la haine; Le captif souriant marchait seul et sans chaÃne; 285 Le criminel rentrait au temple de la loi; Le proscrit s'asseyait au palais de son roi; L'inquiÚte insomnie abandonnait sa proie; Les pleurs cessaient partout, hors les pleurs de la joie; Et, surpris d'un bonheur rare chez les mortels, 290 Les amants séparés s'unissaient aux autels. CHANT DEUXIÈME SÉDUCTION Souvent parmi les monts qui dominent la terre S'ouvre un puits naturel, profond et solitaire; L'eau qui tombe du ciel s'y garde, obscur miroir OÃÂč, dans le jour, on voit les étoiles du soir. 5 Là , quand la villageoise a, sous la corde agile, De l'urne, au fond des eaux, plongé la frÃÂȘle argile, Elle y demeure oisive, et contemple longtemps Ce magique tableau des astres éclatants, Qui semble orner son front, dans l'onde souterraine, 10 D'un bandeau qu'enviraient les cheveux d'une reine. Telle, au fond du chaos qu'observaient ses beaux yeux, La vierge, en se penchant, croyait voir d'autres Cieux. Ses regards, éblouis par les soleils sans nombre, N'apercevaient d'abord qu'un abÃme et que l'ombre. 15 Mais elle y vit bientÎt des feux errants et bleus Tels que des froids marais les éclairs onduleux; Ils fuyaient, revenaient, puis échappaient encore; Chaque étoile semblait poursuivre un météore; Et l'ange, en souriant au spectacle étranger, 20 Suivait des yeux leur vol circulaire et léger. BientÎt il lui sembla qu'une pure harmonie Sortait de chaque flamme à l'autre flamme unie Tel est le choc plaintif et le son vague et clair Des cristaux suspendus au passage de l'air, 25 Pour que, dans son palais, la jeune Italienne S'endorme en écoutant la harpe éolienne. Ce bruit lointain devint un chant surnaturel Qui parut s'approcher de la fille du Ciel; Et ces feux réunis furent comme l'aurore 30 D'un jour inespéré qui semblait prÚs d'éclore. A sa lueur de rose un nuage embaumé Montait en longs détours dans un air enflammé, Puis lentement forma sa couche d'ambroisie, Pareille à ces divans oÃÂč dort la molle Asie. 35 Là , comme un ange assis, jeune, triste et charmant, Une forme céleste apparut vaguement. Quelquefois un enfant de la Clyde écumeuse, En bondissant parcourt sa montagne brumeuse, Et chasse un daim léger que son cor étonna, 40 Des glaciers de l'Arven aux brouillards du Crona, Franchit les rocs mousseux, dans les gouffres s'élance, Pour passer le torrent aux arbres se balance, Tombe avec un pied sûr, et s'ouvre des chemins Jusqu'à la neige encor vierge de pas humains; 45 Mais bientÎt, s'égarant an milieu des nuages, Il cherche les sentiers voilés par les orages; Là , sous un arc-en-ciel qui couronne les eaux, S'il a vu, dans la nue et ses vagues réseaux, Passer le plaid léger d'une Écossaise errante, 50 Et s'il entend sa voix dans les échos mourante, Il s'arrÃÂȘte enchanté, car il croit que ses yeux Viennent d'apercevoir la soeur de ses aïeux, Qui va faire frémir, ombre encore amoureuse, Sous ses doigts transparents la harpe vaporeuse; 55 Il cherche alors comment Ossian la nomma, Et, debout sur sa roche, appelle Évir-Coma. Non moins belle apparut, mais non moins incertaine, De l'ange ténébreux la forme encor lointaine, Et des enchantements non moins délicieux 60 De la vierge céleste occupÚrent les yeux. Comme un cygne endormi qui seul, loin de la rive, Livre son aile blanche à l'onde fugitive, Le jeune homme inconnu mollement s'appuyait Sur ce lit de vapeurs qui sous ses bras fuyait. 65 Sa robe était de pourpre, et, flamboyante ou pùle, Enchantait les regards des teintes de l'opale. Ses cheveux étaient noirs, mais pressés d'un bandeau; C'était une couronne ou peut-ÃÂȘtre un fardeau L'or en était vivant comme ces feux mystiques 70 Qui, tournoyants, brûlaient sur les trépieds antiques. Son aile était ployée, et sa faible couleur De la brume des soirs imitait la pùleur. Des diamants nombreux rayonnent avec grùce Sur ses pieds délicats qu'un cercle d'or embrasse; 75 Mollement entourés d'anneaux mystérieux, Ses bras et tous ses doigts éblouissent les yeux. Il agite sa main d'un sceptre d'or armée, Comme un roi qui d'un mont voit passer son armée, Et, craignant que ses voeux ne s'accomplissent pas, 80 D'un geste impatient accuse tous ses pas Son front est inquiet; mais son regard s'abaisse, Soit que, sachant des yeux la force enchanteresse, Il veuille ne montrer d'abord que par degrés Leurs rayons caressants encor mal assurés, 85 Soit qu'il redoute aussi l'involontaire flamme Qui dans un seul regard révÚle l'ùme à l'ùme. Tel que dans la forÃÂȘt le doux vent du matin Commence ses soupirs par un bruit incertain Qui réveille la terre et fait palpiter l'onde; 90 Élevant lentement sa voix douce et profonde, Et prenant un accent triste comme un adieu, Voici les mots qu'il dit à la fille de Dieu " D'oÃÂč viens-tu, bel Archange? oÃÂč vas-tu? quelle voie Suit ton aile d'argent qui dans l'air se déploie? 95 Vas-tu, te reposant au centre d'un Soleil, Guider l'ardent foyer de son cercle vermeil; Ou, troublant les amants d'une crainte idéale, Leur montrer dans la nuit l'Aurore boréale; Partager la rosée aux calices des fleurs, 100 Ou courber sur les monts l'écharpe aux sept couleurs? Tes soins ne sont-ils pas de surveiller les ùmes Et de parler, le soir, au coeur des jeunes femmes; De venir comme un rÃÂȘve en leurs bras te poser, Et de leur apporter un fils dans un baiser ? 105 Tels sont tes doux emplois, si du moins j'en veux croire Ta beauté merveilleuse et tes rayons de gloire. Mais plutÎt n'es-tu pas un ennemi naissant Qu'instruit à me haïr mon rival trop puissant? Ah! peut-ÃÂȘtre est-ce toi qui, m'offensant moi-mÃÂȘme, 110 Conduiras mes Païens sous les eaux du baptÃÂȘme; Car toujours l'ennemi m'oppose triomphant Le regard d'une vierge ou la voix d'un enfant. Je suis un exilé que tu cherchais peut-ÃÂȘtre Mais, s'il est vrai, prends garde au Dieu jaloux ton maÃtre; 115 C'est pour avoir aimé, c'est pour avoir sauvé, Que je suis malheureux, que je suis réprouvé. Chaste beauté! viens-tu me combattre ou m'absoudre? Tu descends de ce Ciel qui m'envoya la foudre, Mais si douce à mes yeux, que je ne sais pourquoi 120 Tu viens aussi d'en haut, bel Ange, contre moi. " Ainsi l'esprit parlait. A sa voix caressante, Prestige préparé contre une ùme innocente, A ces douces lueurs, au magique appareil De cet ange si doux, à ses frÚres pareil, 125 L'habitante des Cieux, de son aile voilée, Montait en reculant sur sa route étoilée, Comme on voit la baigneuse au milieu des roseaux Fuir un jeune nageur qu'elle a vu sous les eaux. Mais en vain ses deux pieds s'éloignaient du nuage, 130 Autant que la colombe en deux jours de voyage Peut s'éloigner d'Alep et de la blanche tour D'oÃÂč la sultane envoie une lettre d'amour Sous l'éclair d'un regard sa force fut brisée; Et, dÚs qu'il vit ployer son aile maÃtrisée, 135 L'ennemi séducteur continua tout bas " Je suis celui qu'on aime et qu'on ne connaÃt pas. Sur l'homme j'ai fondé mon empire de flamme, Dans les désirs du coeur, dans les rÃÂȘves de l'ùme, Dans les liens des corps, attraits mystérieux, 140 Dans les trésors du sang, dans les regards des yeux. C'est moi qui fais parler l'épouse dans ses songes; La jeune fille heureuse apprend d'heureux mensonges; Je leur donne des nuits qui consolent des jours, Je suis le Roi secret des secrÚtes amours. 145 J'unis les coeurs, je romps les chaÃnes rigoureuses, Comme le papillon sur ses ailes poudreuses Porte aux gazons émus des peuplades de fleurs, Et leur fait des amours sans périls et sans pleurs. J'ai pris au Créateur sa faible créature; 150 Nous avons, malgré lui, partagé la Nature Je le laisse, orgueilleux des bruits du jour vermeil, Cacher des astres d'or sous l'éclat d'un Soleil; Moi, j'ai l'ombre muette, et je donne à la terre La volupté des soirs et les biens du mystÚre. 155 " Es-tu venue, avec quelques Anges des cieux, Admirer de mes nuits le cours délicieux? As-tu vu leurs trésors? Sais-tu quelles merveilles Des Anges ténébreux accompagnent les veilles? " SitÎt que, balancé sous le pùle horizon, 160 Le soleil rougissant a quitté le gazon, Innombrables Esprits, nous volons dans les ombres En secouant dans l'air nos chevelures sombres L'odorante rosée alors jusqu'au matin Pleut sur les orangers, les lilas et le thym. 165 La Nature, attentive aux lois de mon empire, M'accueille avec amour, m'écoute et me respire; Je redeviens son ùme, et pour mes doux projets Du fond des éléments j'évoque mes sujets. Convive accoutumé de ma nocturne fÃÂȘte, 170 Chacun d'eux en chantant à s'y rendre s'apprÃÂȘte. Vers le ciel étoilé, dans l'orgueil de son vol, S'élance, le premier, l'élégant rossignol; Sa voix sonore, à l'onde, à la terre, à la nue, De mon heure chérie annonce la venue; 175 Il vante mon approche aux pùles alisiers, Il la redit encore aux humides rosiers; Héraut harmonieux, partout il me proclame; Tous les oiseaux de l'ombre ouvrent leurs yeux de flamme. Le vermisseau reluit; son front de diamant 180 RépÚte auprÚs des fleurs les feux du firmament, Et lutte de clartés avec le météore Qui rÎde sur les eaux comme une pùle aurore. L'étoile des marais, que détache ma main, Tombe et trace dans l'air un lumineux chemin. 185 " Dédaignant le remords et sa triste chimÚre, Si la vierge a quitté la couche de sa mÚre, Ces flambeaux naturels s'allument sous ses pas, Et leur feu clair la guide et ne la trahit pas. Si sa lÚvre s'altÚre et vient prÚs du rivage 190 Chercher comme une coupe un profond coquillage, L'eau soupire et bouillonne, et devant ses pieds nus Jette aux bords sablonneux la conque de Vénus. Des esprits lui font voir de merveilleuses choses, Sous des bosquets remplis de la senteur des roses; 195 Elle aperçoit sur l'herbe, oÃÂč leur main la conduit, Ces fleurs dont la beauté ne s'ouvre que la nuit, Pour qui l'aube du jour aussi sera cruelle, Et dont le sein modeste a des amours comme elle. Le silence la suit; tout dort profondément; 200 L'ombre écoute un mystÚre avec recueillement. Les vents, des prés voisins, apportent l'ambroisie Sur la couche des bois que l'amant a choisie. BientÎt deux jeunes voix murmurent des propos Qui des bocages sourds animent le repos. 205 Au fond de l'orme épais dont l'abri les accueille, L'oiseau réveillé chante et bruit sous la feuille. L'hymne de volupté fait tressaillir les airs, Les arbres ont leurs chants, les buissons leurs concerts, Et, sur les bords d'une eau qui gémit et s'écoule, 210 La colombe de nuit languissamment roucoule. " La voilà sous tes yeux l'oeuvre du Malfaiteur; Ce méchant qu'on accuse est un Consolateur Qui pleure sur l'esclave et le dérobe au maÃtre, Le sauve par l'amour des chagrins de son ÃÂȘtre, 215 Et, dans le mal commun lui-mÃÂȘme enseveli, Lui donne un peu de charme et quelquefois l'oubli. " Trois fois, durant ces mots, de l'Archange naissante La rougeur colora la joue adolescente, Et, luttant par trois fois contre un regard impur, 220 Une paupiÚre d'or voila ses yeux d'azur. CHANT TROISIÈME CHUTE D'oÃÂč venez-vous, Pudeur, noble crainte, Î MystÚre, Qu'au temps de son enfance a vu naÃtre la terre, Fleurs de ses premiers jours qui germez parmi nous, Rose du Paradis! Pudeur, d'oÃÂč venez-vous? 5 Vous pouvez seule encor remplacer l'innocence, Mais l'arbre défendu vous a donné naissance; Au charme des vertus votre charme est égal, Mais vous ÃÂȘtes aussi le premier pas du mal; D'un chaste vÃÂȘtement votre sein se décore 10 Ève avant le serpent n'en avait pas encore; Et, si le voile pur orne votre maintien, C'est un voile toujours, et le crime a le sien; Tout vous trouble, un regard blesse votre paupiÚre, Mais l'enfant ne craint rien, et cherche la lumiÚre. 15 Sous ce pouvoir nouveau, la Vierge fléchissait, Elle tombait déjà , car elle rougissait; Déjà presque soumise au joug de l'Esprit sombre, Elle descend, remonte, et redescend dans l'ombre. Telle on voit la perdrix voltiger et planer 20 Sur des épis brisés qu'elle voudrait glaner, Car tout son nid l'attend; si son vol se hasarde, Son regard ne peut fuir celui qui la regarde... Et c'est le chien d'arrÃÂȘt qui, sombre surveillant, La suit, la suit toujours d'un oeil fixe et brillant. 25 Ô des instants d'amour ineffable délire! Le coeur répond au coeur comme l'air à la lyre. Ainsi qu'un jeune amant, interprÚte adoré, Explique le désir par lui-mÃÂȘme inspiré, Et contre la pudeur aidant sa bien-aimée, 30 EntraÃnant dans ses bras sa faiblesse charmée, Tout enivré d'espoir, plus qu'à demi vainqueur, Prononce les serments qu'elle fait dans son coeur, Le prince des Esprits, d'une voix oppressée, De la Vierge timide expliquait la pensée. 35 Éloa, sans parler, disait " Je suis à toi; " Et l'Ange ténébreux dit tout bas " Sois à moi! " Sois à moi, sois ma soeur, je t'appartiens moi-mÃÂȘme; Je t'ai bien méritée, et dÚs longtemps je t'aime, Car je t'ai vue un jour. Parmi les fils de l'air 40 Je me mÃÂȘlais, voilé comme un soleil d'hiver. Je revis une fois l'ineffable contrée, Des peuples lumineux la patrie azurée, Et n'eus pas un regret d'avoir quitté ces lieux OÃÂč la crainte toujours siÚge parmi les Dieux. 45 Toi seule m'apparus comme une jeune étoile Qui de la vaste nuit perce à l'écart le voile; Toi seule me parus ce qu'on cherche toujours, Ce que l'homme poursuit dans l'ombre de ses jours, Le dieu qui du bonheur connaÃt seul le mystÚre, 50 Et la Reine qu'attend mon trÎne solitaire. Enfin, par ta présence, habile à me charmer, Il me fut révélé que je pouvais aimer. " Soit que tes yeux, voilés d'une ombre de tristesse, Aient entendu les miens qui les cherchaient sans cesse, 55 Soit que ton origine, aussi douce que toi, T'ait fait une patrie un peu plus prÚs de moi, Je ne sais, mais depuis l'heure qui te vit naÃtre, Dans tout ÃÂȘtre créé j'ai cru te reconnaÃtre; J'ai trois fois en pleurant passé dans l'Univers; 60 Je te cherchais partout dans un souffle des airs, Dans un rayon tombé du disque de la lune, Dans l'étoile qui fuit le ciel qui l'importune, Dans l'arc-en-ciel, passage aux Anges familier, Ou sur le lit moelleux des neiges du glacier; 65 Des parfums de ton vol je respirais la trace; En vain j'interrogeai les globes de l'espace, Du char des astres purs j'obscurcis les essieux, Je voilai leurs rayons pour attirer tes yeux, J'osai mÃÂȘme, enhardi par mon nouveau délire, 70 Toucher les fibres d'or de la céleste lyre. Mais tu n'entendis rien, mais tu ne me vis pas. Je revins à la terre, et je glissai mes pas Sous les abris de l'homme oÃÂč tu reçus naissance. Je croyais t'y trouver protégeant l'innocence, 75 Au berceau balancé d'un enfant endormi, RafraÃchissant sa lÚvre avec un souffle ami; Ou bien comme un rideau développant ton aile, Et gardant contre moi, timide sentinelle, Le sommeil de la vierge aux cÎtés de sa soeur, 80 Qui, rÃÂȘvant, sur son sein la presse avec douceur. Mais seul je retournai sous ma belle demeure, J'y pleurai comme ici, j'y gémis, jusqu'à l'heure OÃÂč le son de ton vol m'émut, me fit trembler, Comme un prÃÂȘtre qui sent que son Dieu va parler. " 85 Il disait; et bientÎt comme une jeune reine, Qui rougit de plaisir au nom de souveraine, Et fait à ses sujets un geste gracieux, Ou donne à leurs transports un regard de ses yeux, Éloa, soulevant le voile de sa tÃÂȘte, 90 Avec un doux sourire à lui parler s'apprÃÂȘte, Descend plus prÚs de lui, se penche, et mollement Contemple avec orgueil son immortel amant. Son beau sein, comme un flot qui sur la rive expire, Pour la premiÚre fois se soulÚve et soupire; 95 Son bras, comme un lis blanc sur le lac suspendu, S'approche sans effroi lentement étendu; Sa bouche parfumée en s'ouvrant semble éclore, Comme la jeune rose aux faveurs de l'aurore, Quand, le matin lui verse une fraÃche liqueur, 100 Et qu'un rayon du jour entre jusqu'à son coeur. Elle parle, et sa voix dans un beau son rassemble Ce que les plus doux bruits auraient de grùce ensemble; Et la lyre accordée aux flûtes dans les bois, Et l'oiseau qui se plaint pour la premiÚre fois, 105 Et la mer quand ses flots apportent sur la grÚve Les chants du soir aux pieds du voyageur qui rÃÂȘve, Et le vent qui se joue aux cloches des hameaux, Ou fait gémir les joncs de la fuite des eau " Puisque vous ÃÂȘtes beau, vous ÃÂȘtes bon, sans doute; 110 Car, sitÎt que des Cieux une ùme prend la route, Comme un saint vÃÂȘtement nous voyons sa bonté Lui donner en entrant l'éternelle beauté. Mais pourquoi vos discours m'inspirent-ils la crainte? Pourquoi sur votre front tant de douleur empreinte? 115 Comment avez-vous pu descendre du Saint Lieu? Et comment m'aimez-vous, si vous n'aimez pas Dieu? " Le trouble des regards, grùce de la décence, Accompagnait ces mots, forts comme l'innocence; Ils tombaient de sa bouche, aussi doux, aussi purs, 120 Que la neige en hiver sur les coteaux obscurs; Et comme, tout nourris de l'essence premiÚre, Les anges ont au coeur des sources de lumiÚre, Tandis qu'elle parlait, ses ailes à l'entour, Et son sein et son bras répandirent le jour 125 Ainsi le diamant luit au milieu des ombres. L'archange s'en effraye, et sous ses cheveux sombres Cherche un épais refuge à ses yeux éblouis; Il pense qu'à la fin des temps évanouis, Il lui faudra de mÃÂȘme envisager son maÃtre, 130 Et qu'un regard de Dieu le brisera peut-ÃÂȘtre; Il se rappelle aussi tout ce qu'il a souffert AprÚs avoir tenté Jésus dans le désert. Il tremble; sur son coeur oÃÂč l'enfer recommence, Comme un sombre manteau jette son aile immense, 135 Et veut fuir. La terreur réveillait tous ses maux. Sur la neige des monts, couronne des hameaux, L'Espagnol a blessé l'aigle des Asturies, Dont le vol menaçait ses blanches bergeries; Hérissé, l'oiseau part et fait pleuvoir le sang, 140 Monte aussi vite au ciel que l'éclair en descend, Regarde son Soleil, d'un bec ouvert l'aspire, Croit reprendre la vie au flamboyant empire; Dans un fluide d'or il nage puissamment, Et parmi les rayons se balance un moment; 145 Mais l'homme l'a frappé d'une atteinte trop sûre; Il sent le plomb chasseur fondre dans sa blessure; Son aile se dépouille, et son royal manteau Vole comme un duvet qu'arrache le couteau. Dépossédé des airs, son poids le précipite; 150 Dans la neige du mont il s'enfonce et palpite, Et la glace terrestre a d'un pesant sommeil Fermé cet oeil puissant respecté du Soleil. Tel, retrouvant ses maux au fond de sa mémoire, L'Ange maudit pencha sa chevelure noire, 155 Et se dit, pénétré d'un chagrin infernal " Triste amour du péché! sombres désirs du mal! De l'orgueil, du savoir gigantesques pensées! Comment ai-je connu vos ardeurs insensées? Maudit soit le moment oÃÂč j'ai mesuré Dieu! 160 Simplicité du coeur, à qui j'ai dit adieu! Je tremble devant toi, mais pourtant je t'adore; Je suis moins criminel puisque je t'aime encore; Mais dans mon sein flétri tu ne reviendras pas! Loin de ce que j'étais, quoi! j'ai fait tant de pas! 165 Et de moi-mÃÂȘme à moi si grande est la distance, Que je ne comprends plus ce que dit l'innocence; Je souffre, et mon esprit, par le mal abattu, Ne peut plus remonter jusqu'à tant de vertu. " Qu'ÃÂȘtes-vous devenus, jours de paix, jours célestes? 170 Quand j'allais, le premier de ces Anges modestes, Prier à deux genoux devant l'antique loi, Et ne pensais jamais au delà de la foi? L'éternité pour moi s'ouvrait comme une fÃÂȘte; Et, des fleurs dans mes mains, des rayons sur ma tÃÂȘte, 175 Je souriais, j'étais... J'aurais peut-ÃÂȘtre aimé! " Le Tentateur lui-mÃÂȘme était presque charmé; Il avait oublié son art et sa victime, Et son coeur un moment se reposa du crime. Il répétait tout bas, et le front dans ses mains 180 " Si je vous connaissais, Î larmes des humains! " Ah! si dans ce moment la Vierge eût pu l'entendre, Si la céleste main qu'elle eût osé lui tendre L'eût saisi repentant, docile à remonter... Qui sait? le mal peut-ÃÂȘtre eût cessé d'exister. 185 Mais, sitÎt qu'elle vit sur sa tÃÂȘte pensive De l'Enfer décelé la douleur convulsive, Étonnée et tremblante, elle éleva ses yeux; Plus forte, elle parut se souvenir des Cieux, Et souleva deux fois ses ailes argentées, 190 Entr'ouvrant pour gémir ses lÚvres enchantées, Ainsi qu'un jeune enfant, s'attachant aux roseaux, Tente de faibles cris étouffés sous les eaux. Il la vit prÃÂȘte à fuir vers les Cieux de lumiÚre. Comme un tigre éveillé bondit dans la poussiÚre, 195 AussitÎt en lui-mÃÂȘme, et plus fort désormais, Retrouvant cet esprit qui ne fléchit jamais, Ce noir esprit du mal qu'irrite l'innocence, Il rougit d'avoir pu douter de sa puissance, Il rétablit la paix sur son front radieux, 200 Rallume tout à coup l'audace de ses yeux, Et longtemps en silence il regarde et contemple La victime du Ciel qu'il destine à son temple; Comme pour lui montrer qu'elle résiste en vain, Et s'endurcir lui-mÃÂȘme à ce regard divin. 205 Sans amours, sans remords, au fond d'un coeur de glace, Des coups qu'il va porter il médite la place, Et, pareil au guerrier qui, tranquille à dessein, Dans les défauts du fer cherche à frapper le sein, Il compose ses traits sur les désirs de l'ange; 210 Son air, sa voix, son geste et son maintien, tout change Sans venir de son coeur, des pleurs fallacieux Paraissent tout à coup sur le bord de ses yeux. La vierge dans le Ciel n'avait pas vu de larmes, Et s'arrÃÂȘte; un soupir augmente ses alarmes. 215 Il pleure amÚrement comme un homme exilé, Comme une veuve auprÚs de son fils immolé; Ses cheveux dénoués sont épars; rien n'arrÃÂȘte Les sanglots de son sein qui soulÚvent sa tÃÂȘte. Éloa vient et pleure; ils se parlent ainsi 220 " Que vous ai-je donc fait? Qu'avez-vous? Me voici. - Tu cherches à me fuir, et pour toujours peut-ÃÂȘtre. Combien tu me punis de m'ÃÂȘtre fait connaÃtre! - J'aimerais mieux rester; mais le Seigneur m'attend. Je veux parler pour vous, souvent il nous entend. 225 - Il ne peut rien sur moi, jamais mon sort ne change, Et toi seule es le Dieu qui peut sauver un Ange. - Que puis-je faire? Hélas! dites, faut-il rester? - Oui, descends jusqu'à moi, car je ne puis monter. - Mais quel don voulez-vous? - Le plus beau, c'est nous-mÃÂȘmes. 230 Viens! - M'exiler du Ciel? - Qu'importe, si tu m'aimes? Touche ma main. BientÎt dans un mépris égal Se confondront pour nous et le bien et le mal. Tu n'as jamais compris ce qu'on trouve de charmes A présenter son sein pour y cacher des larmes. 235 Viens, il est un bonheur que moi seul t'apprendrai; Tu m'ouvriras ton ùme, et je l'y répandrai. Comme l'aube et la lune au couchant reposée Confondent leurs rayons, ou comme la rosée Dans une perle seule unit deux de ses pleurs 240 Pour s'empreindre du baume exhalé par les fleurs, Comme un double flambeau réunit ses deux flammes, Non moins étroitement nous unirons nos ùmes. - Je t'aime et je descends. Mais que diront les Cieux? " En ce moment passa dans l'air, loin de leurs yeux, 245 Un des célestes choeurs, oÃÂč, parmi les louanges, On entendit ces mots que répétaient des Anges " Gloire dans l'Univers, dans les Temps, à celui Qui s'immole à jamais pour le salut d'autrui. " Les Cieux semblaient parler. C'en était trop pour elle. 250 Deux fois encor levant sa paupiÚre infidÚle, Promenant des regards encore irrésolus, Elle chercha ses Cieux qu'elle ne voyait plus. Des Anges au Chaos allaient puiser des mondes. Passant avec terreur dans ses plaines profondes, 255 Tandis qu'ils remplissaient les messages de Dieu, Ils ont tous vu tomber un nuage de feu. Des plaintes de douleur, des réponses cruelles, Se mÃÂȘlaient dans la flamme au battement des ailes. " OÃÂč me conduisez-vous, bel Ange? - Viens toujours. 260 - Que votre voix est triste, et quel sombre discours! N'est-ce pas Éloa qui soulÚve ta chaÃne? J'ai cru t'avoir sauvé. - Non, c'est moi qui t'entraÃne. - Si nous sommes unis, peu m'importe en quel lieu! Nomme-moi donc encore ou ta soeur ou ton Dieu! 265 - J'enlÚve mon esclave et je tiens ma victime. - Tu paraissais si bon! Oh! qu'ai-je fait? - Un crime. - Seras-tu plus heureux? du moins es-tu content? - Plus triste que jamais. - Qui donc es-tu? - Satan. " Écrit en 1823, dans les Vosges. LE DÉLUGE MYSTÈRE. " Serait-il dit que vous fassiez mourir le juste avec le méchant ? " GenÚse. I La Terre était riante et dans sa fleur premiÚre; Le jour avait encor cette mÃÂȘme lumiÚre Qui du Ciel embelli couronna les hauteurs Quand Dieu la fit tomber de ses doigts créateurs. 5 Rien n'avait dans sa forme altéré la nature, Et des monts réguliers l'immense architecture S'élevait jusqu'aux Cieux par ses degrés égaux, Sans que rien de leur chaÃne eût brisé les anneaux. La forÃÂȘt, plus féconde, ombrageait, sous ses dÎmes, 10 Des plaines et des fleurs les gracieux royaumes, Et des fleuves aux mers le cours était réglé Dans un ordre parfait qui n'était pas troublé. Jamais un voyageur n'aurait, sous le feuillage, Rencontré, loin des flots, l'émail du coquillage, 15 Et la perle habitait son palais de cristal Chaque trésor restait dans l'élément natal, Sans enfreindre jamais la céleste défense; Et la beauté du monde attestait son enfance; Tout suivait sa loi douce et son premier penchant, 20 Tout était pur encor. Mais l'homme était méchant. Les peuples déjà vieux, les races déjà mûres, Avaient vu jusqu'au fond des sciences obscures; Les mortels savaient tout, et tout les affligeait; Le prince était sans joie ainsi que le sujet, 25 Trente religions avaient eu leurs prophÚtes, Leurs martyrs, leurs combats, leurs gloires, leurs défaites, Leur temps d'indifférence et leur siÚcle d'oubli; Chaque peuple, à son tour dans l'ombre enseveli, Chantait languissamment ses grandeurs effacées. 30 La mort régnait déjà dans les ùmes glacées; MÃÂȘme plus haut que l'homme atteignaient ses malheurs. D'autres ÃÂȘtres cherchaient ses plaisirs et ses pleurs. Souvent, fruit inconnu d'un orgueilleux mélange, Au sein d'une mortelle on vit le fils d'un ange. [" Les enfants de Dieu, voyant que les filles des hommes étaient belles, prirent pour femmes celles qui leur avaient plu. " Gen., chap. VI, V. 2.] 35 Le crime universel s'élevait jusqu'aux cieux. Dieu s'attrista lui-mÃÂȘme et détourna les yeux. Et cependant, un jour, au sommet solitaire Du mont sacré d'Arar, le plus haut de la Terre, Apparut une vierge et prÚs d'elle un pasteur 40 Tous deux nés dans les champs, loin d'un peuple imposteur, Leur langage était doux, leurs mains étaient unies Comme au jour fortuné des unions bénies; Ils semblaient, en passant sur ces monts inconnus, Retourner vers le Ciel dont ils étaient venus; 45 Et, sans l'air de douleur, signe que Dieu nous laisse, Rien n'eût de leur nature indiqué la faiblesse, Tant les traits primitifs et leur simple beauté Avaient sur leur visage empreint de majesté. Quand du mont orageux ils touchÚrent la cime, 50 La campagne à leurs pieds s'ouvrit comme un abÃme. C'était l'heure oÃÂč la nuit laisse le Ciel au jour Les constellations pùlissaient tour à tour; Et, jetant à la Terre un regard triste encore, Couraient vers l'Orient se perdre dans l'aurore, 55 Comme si pour toujours elles quittaient les yeux Qui lisaient leur destin sur elles dans les Cieux. Le Soleil, dévoilant sa figure agrandie, S'éleva sur les bois comme un vaste incendie; Et la Terre aussitÎt, s'agitant longuement, 60 Salua son retour par un gémissement. Réunis sur les monts, d'immobiles nuages Semblaient y préparer l'arsenal des orages; Et sur leurs fronts noircis qui partageaient les Cieux Luisait incessamment l'éclair silencieux. 65 Tous les oiseaux, poussés par quelque instinct funeste, S'unissaient dans leur vol en un cercle céleste; Comme des exilés qui se plaignent entre eux, Ils poussaient dans les airs de longs cris douloureux. La Terre cependant montrait ses lignes sombres 70 Au jour pùle et sanglant qui faisait fuir les ombres; Mais, si l'homme y passait, on ne pouvait le voir Chaque cité semblait comme un point vague et noir, Tant le mont s'élevait à des hauteurs immenses Et des fleuves lointains les faibles apparences 75 Ressemblaient au dessin par le vent effacé Que le doigt d'un enfant sur le sable a tracé. Ce fut là que deux voix, dans le désert perdues, Dans les hauteurs de l'air avec peine entendues, OsÚrent un moment prononcer tour à tour 80 Ce dernier entretien d'innocence et d'amour - " Comme la Terre est belle en sa rondeur immense! La vois-tu qui s'étend jusqu'oÃÂč le Ciel commence? La vois-tu s'embellir de toutes ses couleurs? Respire un jour encor le parfum de ses fleurs, 85 Que le vent matinal apporte à nos montagnes. On dirait aujourd'hui que les vastes campagnes ÉlÚvent leur encens, étalent leur beauté, Pour toucher, s'il se peut, le Seigneur irrité. Mais les vapeurs du ciel, comme de noirs fantÎmes, 90 AmÚnent tous ces bruits, ces lugubres symptÎmes Qui devaient, sans manquer au moment attendu, Annoncer l'agonie à l'univers perdu. Viens, tandis que l'horreur partout nous environne, Et qu'une vaste nuit lentement nous couronne, 95 Viens, Î ma bien-aimée! et, fermant tes beaux yeux, Qu'épouvante l'aspect du désordre des cieux, Sur mon sein, sous mes bras repose encor ta tÃÂȘte, Comme l'oiseau qui dort au sein de la tempÃÂȘte; Je te dirai l'instant oÃÂč le ciel sourira, 100 Et durant le péril ma voix te parlera. " La vierge sur son coeur pencha sa tÃÂȘte blonde; Un bruit régnait au loin, pareil au bruit de l'onde, Mais tout était paisible et tout dormait dans l'air; Rien ne semblait vivant, rien, excepté l'éclair. 105 Le pasteur poursuivit d'une voix solennelle " Adieu, monde sans borne, Î terre maternelle! Formes de l'horizon, ombrages des forÃÂȘts, Antres de la montagne, embaumés et secrets; Gazons verts, belles fleurs de l'Oasis chérie, 110 Arbres, rochers connus, aspects de la patrie! Adieu! tout va finir, tout doit ÃÂȘtre effacé, Le temps qu'a reçu l'homme est aujourd'hui passé; Demain rien ne sera. Ce n'est point par l'épée, Postérité d'Adam, que tu seras frappée, 115 Ni par les maux du corps ou les chagrins du coeur; Non, c'est un élément qui sera ton vainqueur. La Terre va mourir sous des eaux éternelles, Et l'Ange en la cherchant fatiguera ses ailes. Toujours succédera, dans l'Univers sans bruits, 120 Au silence des jours le silence des nuits. L'inutile Soleil, si le matin l'amÚne, N'entendra plus la voix et la parole humaine; Et quand sur un flot mort sa flamme aura relui, Le stérile rayon remontera vers lui. 125 Oh! pourquoi de mes yeux a-t-on levé les voiles? Comment ai-je connu le secret des étoiles? Science du désert, annales des pasteurs! Cette nuit, parcourant vos divines hauteurs Dont l'Égypte et Dieu seul connaissent le mystÚre, 130 Je cherchais dans le Ciel l'avenir de la terre; Ma houlette savante, orgueil de nos bergers, Traçait l'ordre éternel sur les sables légers, Comparant, pour fixer l'heure oÃÂč l'étoile passe, Les cailloux de la plaine aux lueurs de l'espace. 135 " Mais un ange a paru dans la nuit sans sommeil; Il avait de son front quitté l'éclat vermeil, Il pleurait, et disait dans sa douleur amÚre " Que n'ai-je pu mourir lorsque mourut ta mÚre! " J'ai failli, je l'aimais. Dieu punit cet amour, 140 " Elle fut enlevée en te laissant au jour. " Le nom d'Emmanuel que la terre te donne, " C'est mon nom. J'ai prié pour que Dieu te pardonne; " Va seul au mont Arar, prends ses rocs pour autels, " Prie, et seul, sans songer au destin des mortels, 145 " Tiens toujours tes regards plus hauts que sur la Terre; " La mort de l'Innocence est pour l'homme un mystÚre; " Ne t'en étonne pas, n'y porte pas tes yeux; " La pitié du mortel n'est point celle des Cieux. " Dieu ne fait point de pacte avec la race humaine; 150 " Qui créa sans amour fera périr sans haine. " Sois seul, si Dieu m'entend, je viens. " Il m'a quitté; Avec combien de pleurs, hélas! l'ai-je écouté! J'ai monté sur l'Arar, mais avec une femme. " Sara lui dit " Ton ùme est semblable à mon ùme, 155 Car un mortel m'a dit " Venez sur Gelboé, " Je me nomme Japhet, et mon pÚre est Noé. " Devenez mon épouse, et vous serez sa fille; " Tout va périr demain, si ce n'est ma famille. " Et moi je l'ai quitté sans avoir répondu, 160 De peur qu'Emmanuel n'eût longtemps attendu. " Puis tous deux embrassés, ils se dirent ensemble " Ah! louons l'Éternel, il punit, mais rassemble! " Le tonnerre grondait; et tous deux à genoux S'écriÚrent alors " Ô Seigneur, jugez-nous! " II LE DÉLUGE. 165 Tous les vents mugissaient, les montagnes tremblÚrent, Des fleuves arrÃÂȘtés les vagues reculÚrent, Et du sombre horizon dépassant la hauteur, Des vengeances de Dieu l'immense exécuteur, L'Océan apparut. Bouillonnant et superbe, 170 EntraÃnant les forÃÂȘts comme le sable et l'herbe, De la plaine inondée envahissant le fond, Il se couche en vainqueur dans le désert profond, Apportant avec lui comme de grands trophées Les débris inconnus des villes étouffées, 175 Et là bientÎt plus calme en son accroissement, Semble, dans ses travaux, s'arrÃÂȘter un moment, Et se plaire à mÃÂȘler, à briser sur son onde Les membres arrachés au cadavre du Monde. Ce fut alors qu'on vit des hÎtes inconnus 180 Sur les bords étrangers tout à coup survenus; Le cÚdre jusqu'au Nord vint écraser le saule; Les ours noyés, flottants sur les glaçons du pÎle, HeurtÚrent l'éléphant prÚs du Nil endormi, Et le monstre, que l'eau soulevait à demi, 185 S'étonna d'écraser, dans sa lutte contre elle, Une vague oÃÂč nageaient le tigre et la gazelle. En vain des larges flots repoussant les premiers, Sa trompe tournoyante arracha les palmiers; Il fut roulé comme eux dans les plaines torrides, 190 Regrettant ses roseaux et ses sables arides, Et de ses hauts bambous le lit flexible et vert, Et jusqu'au vent de flamme exilé du désert. Dans l'effroi général de toute créature, La plus féroce mÃÂȘme oubliait sa nature; 195 Les animaux n'osaient ni ramper ni courir; Chacun d'eux résigné se coucha pour mourir, En vain fuyant aux cieux l'eau sur ses rocs venue L'aigle tomba des airs, repoussé par la nue. Le péril confondit tous les ÃÂȘtres tremblants. 200 L'homme seul se livrait à des projets sanglants. Quelques rares vaisseaux qui se faisaient la guerre, Se disputaient longtemps les restes de la terre; Mais, pendant leurs combats, les flots non ralentis Effaçaient à leurs yeux ces restes engloutis. 205 Alors un ennemi plus terrible que l'onde Vint achever partout la défaite du monde; La faim de tous les coeurs chassa les passions; Les malheureux, vivants aprÚs leurs nations, N'avaient qu'une pensée, effroyable torture, 210 L'approche de la mort, la mort sans sépulture. On vit sur un esquif, de mers en mers jeté, L'oeil affamé du fort sur le faible arrÃÂȘté; Des femmes, à grands cris, insultant la nature, Y réclamaient du sort leur humaine pùture; 215 L'athée, épouvanté de voir Dieu triomphant, Puisait un jour de vie aux veines d'un enfant; Des derniers réprouvés telle fut l'agonie. L'amour survivait seul à la bonté bannie; Ceux qu'unissaient entre eux des serments mutuels, 220 Et que persécutait la haine des mortels, S'offraient ensemble à l'onde avec un front tranquille, Et contre leurs douleurs trouvaient un mÃÂȘme asile. Mais sur le mont Arar, encor loin du trépas, Pour sauver ses enfants l'ange ne venait pas; 225 En vain le cherchaient-ils les vents et les orages N'apportaient sur leurs fronts que de sombres nuages. Cependant sous les flots montés également Tout avait par degrés disparu lentement Les cités n'étaient plus, rien ne vivait, et l'onde 230 Ne donnait qu'un aspect à la face du monde. Seulement quelquefois sur l'élément profond Un palais englouti montrait l'or de son front; Quelques dÎmes, pareils à de magiques Ãles, Restaient pour attester la splendeur de leurs villes. 235 Là parurent encore un moment deux mortels L'un, la honte d'un trÎne, et l'autre, des autels; L'un se tenant au bras de sa propre statue, L'autre au temple élevé d'une idole abattue. Tous deux jusqu'à la mort s'accusÚrent en vain 240 De l'avoir attirée avec le flot divin. Plus loin, et contemplant la solitude humide, Mourait un autre roi, seul sur sa pyramide. Dans l'immense tombeau, s'était d'abord sauvé Tout son peuple ouvrier qui l'avait élevé; 245 Mais la mer implacable, en fouillant dans les tombes, Avait tout arraché du fond des catacombes; Les mourants et les dieux, les spectres immortels, Et la race embaumée, et le sphinx des autels; Et ce roi fut jeté sur les sombres momies 250 Qui dans leurs lits flottants se heurtaient endormies. Expirant, il gémit de voir à son cÎté Passer ses demi-dieux sans immortalité, Dérobés à la mort, mais reconquis par elle Sous les palais profonds de leur tombe éternelle; 255 Il eut le temps encor de penser une fois Que nul ne saurait plus le nom de tant de rois, Qu'un seul jour désormais comprendrait leur histoire, Car la postérité mourait avec leur gloire. L'arche de Dieu passa comme un palais errant. 260 Le voyant assiégé par les flots du courant, Le dernier des enfants de la famille élue Lui tendit en secret sa main irrésolue, Mais d'un dernier effort " Va-t'en, lui cria-t-il De ton lùche salut je refuse l'exil; 265 Va, sur quelques rochers qu'aura dédaignés l'onde, Construire tes cités sur le tombeau du monde; Mon peuple mort est 1à , sous la mer je suis roi. Moins coupables que ceux qui descendront de toi, Pour étonner tes fils sous ces plaines humides, 270 Mes géants [" Or, il y avait des géants sur la terre. Car, depuis que les fils de Dieu eurent épousé les filles des hommes, il en sortit des enfants fameux et puissants dans le siÚcle. " GenÚse, ch. VI, V. 4] glorieux laissent les pyramides; Et sur le haut des monts leurs vastes ossements, De ces rivaux du Ciel terribles monuments, Trouvés dans les débris de la terre inondée, Viendront humilier ta race dégradée. " 275 Il disait, s'essayant par le geste et la voix, A l'air impérieux des hommes qui sont rois, Quand, roulé sur la pierre et touché par la foudre, Sur sa tombe immobile il fut réduit en poudre. Mais sur le mont Arar l'ange ne venait pas; 280 L'eau faisait sur les rocs de gigantesques pas, Et ses flots rugissants vers le mont solitaire Apportaient avec eux tous les bruits du tonnerre. Enfin le fléau lent qui frappait les humains Couvrit le dernier point des oeuvres de leurs mains; 285 Les montagnes, bientÎt par l'onde escaladées, CachÚrent dans son sein leurs tÃÂȘtes inondées. Le volcan s'éteignit, et le feu périssant Voulut en vain y rendre un combat impuissant, A l'élément vainqueur il céda le cratÚre, 290 Et sortit en fumant des veines de la Terre. III LA MORT DES JUSTES. Rien ne se voyait plus, pas mÃÂȘme des débris; L'univers écrasé ne jetait plus ses cris. Quand la mer eut des monts chassé tous les nuages, On vit se disperser l'épaisseur des orages; 295 Et les rayons du jour, dévoilant leur trésor, Lançaient jusqu'à la mer des jets d'opale et d'or; La vague était paisible, et molle et cadencée, En berceaux de cristal mollement balancée ; Les vents, sans résistance, étaient silencieux; 300 La foudre, sans échos, expirait dans les cieux; Les cieux devenaient purs, et, réfléchis dans l'onde, Teignaient d'un azur clair l'immensité profonde. Tout s'était englouti sous les flots triomphants; Déplorable spectacle! excepté deux enfants. 305 Sur le sommet d'Arar tous deux étaient encore, Mais par l'onde et les vents battus depuis l'aurore. Sous les lambeaux mouillés des tuniques de lin, La vierge était tombée aux bras de l'orphelin; Et lui, gardant toujours sa tÃÂȘte évanouie, 310 MÃÂȘlait ses pleurs sur elle aux gouttes de la pluie. Cependant, lorsqu'enfin le soleil renaissant Fit tomber un rayon sur son front innocent, Par la beauté du jour un moment abusée, Comme un lis abattu, secouant la rosée, 315 Elle entr'ouvrit les yeux et dit " Emmanuel! Avons-nous obtenu la clémence du Ciel? J'aperçois dans l'azur la colombe qui passe; Elle porte un rameau; Dieu nous a-t-il fait grùce? - La colombe est passée et ne vient pas à nous. 320 - Emmanuel, la mer a touché mes genoux. - Dieu nous attend ailleurs à l'abri des tempÃÂȘtes. - Vois-tu l'eau sur nos pieds? - Vois le ciel sur nos tÃÂȘtes. - Ton pÚre ne vient pas; nous serons donc punis? - Sans doute aprÚs la mort nous serons réunis. 325 - Venez, Ange du Ciel, et prÃÂȘtez-lui vos ailes! - Recevez-la, mon pÚre, aux voûtes éternelles! " Ce fut le dernier cri du dernier des humains. Longtemps, sur l'eau croissante élevant ses deux mains. Il soutenait Sara par les flots poursuivie; 330 Mais, quand il eut perdu sa force avec la vie, Par le ciel et la mer le monde fut rempli, Et l'arc-en-ciel brilla, tout étant accompli. Écrit à Oloron, dans les Pyrénées, en 1823. LIVRE ANTIQUE ANTIQUITÉ BIBLIQUE LA FILLE DE JEPHTÉ POÈME. " Et de là vient la coutume qui s'est toujours observée depuis en IsraÃl, " Que toutes les filles d'IsraÃl s'assemblent une fois l'année, pour pleurer la fille de Jephté de Galaad pendant quatre jours. " Juges, ch. IX, V. 40. Voilà ce qu'ont chanté les filles d'IsraÃl, Et leurs pleurs ont coulé sur l'herbe du Carmel - Jephté de Galaad a ravagé trois villes; Abel! la flamme a lui sur tes vignes fertiles! 5 AroÃr sous la cendre éteignit ses chansons, Et Mennith s'est assise en pleurant ses moissons! Tous les guerriers d'Ammon sont détruits, et leur terre Du Seigneur notre Dieu reste la tributaire. IsraÃl est vainqueur, et par ses cris perçants 10 ReconnaÃt du TrÚs-Haut les secours tout-puissants. À l'hymne universel que le désert répÚte Se mÃÂȘle en longs éclats le son de la trompette, Et l'armée, en marchant vers les tours de Maspha, Leur raconte de loin que Jephté triompha. 15 Le peuple tout entier tressaille de la fÃÂȘte. - Mais le sombre vainqueur marche en baissant la tÃÂȘte; Sourd à ce bruit de gloire, et seul, silencieux, Tout à coup il s'arrÃÂȘte, il a fermé ses yeux. Il a fermé ses yeux, car, au loin, de la ville, 20 Les vierges, en chantant, d'un pas lent et tranquille, Venaient; il entrevoit le choeur religieux; C'est pourquoi, plein de crainte, il a fermé ses yeux. Il entend le concert qui s'approche et l'honore La harpe harmonieuse et le tambour sonore, 25 Et la lyre aux dix voix, et le kinnor, léger, Et les sons argentins du nebel étranger, Puis, de plus prÚs, les chants, leurs paroles pieuses, Et les pas mesurés en des danses joyeuses, Et, par des bruits flatteurs, les mains frappant les mains, 30 Et de rameaux fleuris parfumant les chemins. Ses genoux ont tremblé sous le poids de ses armes; Sa paupiÚre s'entr'ouvre à ses premiÚres larmes C'est que, parmi les voix, le pÚre a reconnu La voix la plus aimée à ce chant ingénu 35 - " Ô vierges d'IsraÃl! ma couronne s'apprÃÂȘte La premiÚre à parer les cheveux de sa tÃÂȘte; C'est mon pÚre, et jamais un autre enfant que moi N'augmenta la famille heureuse sous sa loi. " Et ses bras à Jephté donnés avec tendresse, 40 Suspendant à son col leur pieuse caresse " Mon pÚre, embrassez-moi! D'oÃÂč naissent vos retards? Je ne vois que vos pleurs et non pas vos regards. Je n'ai point oublié l'encens du sacrifice J'offrais pour vous hier la naissante génisse. 45 Qui peut vous affliger? Le Seigneur n'a-t-il pas Renversé les cités au seul bruit de vos pas? " - " C'est vous, hélas! c'est vous, ma fille bien-aimée? " Dit le pÚre en rouvrant sa paupiÚre enflammée; " Faut-il que ce soit vous! Î douleur des douleurs! 50 Que vos embrassements feront couler de pleurs! Seigneur, vous ÃÂȘtes bien le Dieu de la vengeance; En échange du crime il vous faut l'innocence. C'est la vapeur du sang qui plaÃt au Dieu jaloux! Je lui dois une hostie, Î ma fille! et c'est vous! 55 - " Moi! " dit-elle. Et ses yeux se remplirent de larmes. Elle était jeune et belle, et la vie a des charmes. Puis elle répondit " Oh! si votre serment Dispose de mes jours, permettez seulement " " Qu'emmenant avec moi les vierges mes compagnes, 60 J'aille, deux mois entiers, sur le haut des montagnes, Pour la derniÚre fois, errante en liberté, Pleurer sur ma jeunesse et ma virginité! " " Car je n'aurai jamais, de mes mains orgueilleuses, Purifié mon fils sous les eaux merveilleuses; 65 Vous n'aurez pas béni sa venue, et mes pleurs Et mes chants n'auront pas endormi ses douleurs; " Et, le jour de ma mort, nulle vierge jalouse Ne viendra demander de qui je fus l'épouse, Quel guerrier prend pour moi le cilice et le deuil 70 Et seul vous pleurerez autour de mon cercueil. " AprÚs ces mots, l'armée assise tout entiÚre Pleurait, et sur son front répandait la poussiÚre. Jephté sous un manteau tenait ses pleurs voilés; Mais, parmi les sanglots, on entendit " Allez " 75 Elle inclina la tÃÂȘte et partit. Ses compagnes, Comme nous la pleurons, pleuraient sur les montagnes, Puis elle vint s'offrir au couteau paternel. - Voilà ce qu'ont chanté les filles d'IsraÃl. Écrit en 1824. LA FEMME ADULTÈRE POÈME. " L'adultÚre attend le soir, et se dit " Aucun oeil ne me " verra; " et il se cache le visage, car la lumiÚre est pour lui comme la mort. " Job, ch. XXIV, V. 15-17. I " Mon lit est parfumé d'aloÚs et de myrrhe; L'odorant cinnamome et le nard de Palmyre Ont chez moi de l'Égypte embaumé les tapis. J'ai placé sur mon front et l'or et le lapis; 5 Venez, mon bien-aimé, m'enivrer de délices Jusqu'à l'heure oÃÂč le jour appelle aux sacrifices. Aujourd'hui que l'époux n'est plus dans la cité, Au nocturne bonheur soyez donc invité; Il est allé bien loin. " - C'était ainsi dans l'ombre, 10 Sur les toits aplanis et sous l'oranger sombre, Qu'une femme parlait, et son bras abaissé Montrait la porte étroite à l'amant empressé. Il a franchi le seuil oÃÂč le cÚdre s'entr'ouvre, Et qu'un verrou secret rapidement recouvre; 15 Puis ces mots ont frappé le cyprÚs des lambris " Voilà ces yeux si purs dont mes yeux sont épris! Votre front est semblable au lis de la vallée; De vos lÚvres toujours la rose est exhalée. Que votre voix est douce et douces vos amours! 20 Oh! quittez ces colliers et ces brillants atours! - Non; ma main veut tarir cette humide rosée Que l'air sur vos cheveux a longtemps déposée C'est pour moi que ce front s'est glacé sous la nuit! - Mais ce coeur est brûlant, et l'amour l'a conduit. 25 Me voici devant vous, Î belle entre les belles! Qu'importent les dangers? que sont les nuits cruelles Quand du palmier d'amour le fruit va se cueillir, Quand sous mes doigts tremblants je le sens tressaillir? - Oui... Mais d'oÃÂč vient ce cri, puis ces pas sur la pierre? 30 - C'est un des fils d'Aaron qui sonne la priÚre. Eh quoi! vous palissez! Que le feu du baiser Consume nos amours qu'il peut seul apaiser, Qu'il vienne remplacer cette crainte farouche, Et fermer au refus la pourpre de ta bouche!..." 35 On n'entendit plus rien, et les feux abrégés Dans les lampes d'airain moururent négligés. II Quand le soleil levant embrasa la campagne Et les verts oliviers de la sainte montagne, A cette heure paisible oÃÂč les chameaux poudreux 40 Apportent du désert leur tribut aux Hébreux; Tandis que, de sa tente ouvrant la blanche toile, Le pasteur qui de l'aube a vu pùlir l'étoile Appelle sa famille au lever solennel, Et salue en ses chants le jour et l'Éternel; 45 Le séducteur, content du succÚs de son crime, Fuit l'ennui des plaisirs et sa jeune victime. Seule, elle reste assise, et son front sans couleur Du remords qui s'approche a déjà la pùleur Elle veut retenir cette nuit, sa complice, 50 Et la premiÚre aurore est son premier supplice Elle vit tout ensemble et la faute et le lieu, S'étonna d'elle-mÃÂȘme et douta de son Dieu. Elle joignit les mains, immobile et muette, Ses yeux toujours fixés sur la porte secrÚte; 55 Et semblable à la mort, seulement quelques pleurs Montraient encor sa vie en montrant ses douleurs. Telle Sodome a vu cette femme imprudente Frappée au jour oÃÂč Dieu versa la pluie ardente, Et, brûlant d'un seul feu deux peuples détestés, 60 Éteignit leurs palais dans des flots empestés Elle voulut, bravant la céleste défense, Voir une fois encor les lieux de son enfance, Ou, peut-ÃÂȘtre, écoutant un coeur ambitieux, Surprendre d'un regard le grand secret des cieux; 65 Mais son pied tout à coup, à la fuite inhabile, Se fixe; elle pùlit sous un sel immobile, Et le juste vieillard, en marchant vers Ségor, N'entendit plus ses pas qu'il écoutait encor. Tel est le front glacé de la Juive infidÚle. 70 Mais quel est cet enfant qui paraÃt auprÚs d'elle? Il voit des pleurs, il pleure, et, d'un geste incertain, Demande, comme hier, le baiser du matin. Sur ses pieds chancelants il s'avance, et, timide, De sa mÚre ose enfin presser la joue humide. 75 Qu'un baiser serait doux! elle veut l'essayer; Mais l'époux, dans le fils, la revient effrayer; Devant ce lit, ces murs et ces voûtes sacrées, Du secret conjugal encore pénétrées, OÃÂč vient de retentir un amour criminel, 80 Hélas! elle rougit de l'amour maternel, Et tremble de poser, dans cette chambre austÚre, Sur une bouche pure une lÚvre adultÚre. Elle voulut parler, mais les sons de sa voix, Sourds et demi-formés, moururent à la fois, 85 Et sa parole éteinte et vaine fut suivie D'un soupir qui sembla le dernier de sa vie. Elle repousse alors son enfant étonné, Tant la honte a rempli son coeur désordonné! Elle entr'ouvre le seuil, mais là tombe abattue, 90 Telle que de sa base une blanche statue. III Ce jour-là , des remparts, on voyait revenir Un voyageur parti pour la ville de Tyr. Sa suite et ses chevaux montraient son opulence; Guidés nonchalamment par le fer d'une lance, 95 Fléchissaient sous leur poids, et l'onagre rayé, Et l'indolent chameau, par son guide effrayé; Et douze serviteurs, suivant l'étroite voie, Courbaient leurs fronts brûlés sous la pourpre et la soie; Et le maÃtre disait " Maintenant, Séphora 100 Cherche dans l'horizon si l'époux reviendra; Elle pleure, elle dit " Il est bien loin encore! " Des feux du jour pourtant le désert se colore! " Et du cÎté de Tyr je ne l'aperçois pas. " Mais elle va courir au-devant de mes pas; 105 Et je dirai " Tenez, livrez-vous à la joie! " Ces présents sont pour vous, et la pourpre et la soie, " Et les moelleux tapis, et l'ambre précieux, " Et l'acier des miroirs que souhaitaient vos yeux. " Voila ce qu'il disait, et de Sion la sainte 110 Traversait à grands pas la tortueuse enceinte. IV Tout Juda cependant, aux fÃÂȘtes introduit, Vers le temple, en courant, se pressait à grand bruit Les vieillards, les enfants, les femmes affligées, Dans les longs repentirs et les larmes plongées, 115 Et celles que frappait un mal secret et lent, Et l'aveugle aux longs cris, et le boiteux tremblant, Et le lépreux impur, le dégoût de la terre, Tous, de leurs maux guéris racontant le mystÚre, Aux pieds de leur Sauveur l'adoraient prosternés. 120 Lui, né dans les douleurs, roi des infortunés, D'une féconde main prodiguait les miracles, Et de sa voix sortait une source d'oracles De la vie avec l'homme il partageait l'ennui, Venait trouver le pauvre et s'égalait à lui. 125 Quelques hommes, formés à sa divine école, Nés simples et grossiers, mais forts de sa parole, Le suivaient lentement, et son front sérieux Portait les feux divins en bandeaux glorieux. Par ses cheveux épars une femme entraÃnée, 130 Qu'entoure avec clameur la foule déchaÃnée, ParaÃt ses yeux brûlants au ciel sont dirigés, Ses yeux, car de longs fers ses bras nus sont chargés. Devant le Fils de l'Homme on l'amÚne en tumulte. Puis, provoquant l'erreur et méditant l'insulte, 135 Les scribes assemblés s'avancent, et l'un d'eux " MaÃtre, dit-il, jugez de ce péché hideux; Cette femme adultÚre est coupable et surprise Que doit faire IsraÃl de la loi de Moïse? " Et l'épouse infidÚle attendait, et ses yeux 140 Semblaient chercher encor quelque autre dans ces lieux; Et la pierre à la main, la foule sanguinaire S'appelait, la montrait " C'est la femme adultÚre! Lapidez-la déjà le séducteur est mort! " Et la femme pleura. - Mais le juge d'abord 145 " Qu'un homme d'entre vous, dit-il, jette une pierre S'il se croÃt sans péché, qu'il jette la premiÚre! " Il dit, et, s'écartant des mobiles Hébreux, Apaisés par ces mots et déjà moins nombreux, Son doigt mystérieux, sur l'arÚne légÚre, 150 Écrivait une langue aux hommes étrangÚre, En caractÚres saints dans le Ciel retracés... Quand il se releva, tous s'étaient dispersés. Écrit en 1819. LE BAIN. FRAGMENT D'UN POÈME DE SUZANNE ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€© ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€© C'était prÚs d'une source à l'onde pure et sombre, Le large sycomore y répandait son ombre. Là , Suzanne, cachée aux cieux déjà brûlants, Suspend sa rÃÂȘverie et ses pas indolents, 5 Sur une jeune enfant que son amour protÚge S'appuie, et sa voix douce appelle le cortÚge Des filles de Juda, de Gad et de Ruben Qui doivent la servir et la descendre au bain; Et toutes à l'envi, rivales attentives, 10 Détachent sa parure entre leurs mains actives. L'une Îte la tiare oÃÂč brille le saphir Dans l'éclat arrondi de l'or poli d'Ophir; Aux cheveux parfumés dérobe leurs longs voiles, Et la gaze brodée en tremblantes étoiles; 15 La perle, sur son front enlacée en bandeau, Ou pendante à l'oreille en mobile fardeau; Les colliers de rubis, et, par des bandelettes, L'ambre au cou suspendu dans l'or des cassolettes. L'autre fait succéder les tapis préparés 20 Aux cothurnes étroits dont ses pieds sont parés; Et, puisant l'eau du bain, d'avance elle en arrose Leurs doigts encore empreints de santal et de rose, Puis, tandis que Suzanne enlÚve lentement Les anneaux de ses mains, son plus cher ornement, 25 Libres des noeuds dorés dont sa poitrine est ceinte, Dégagés des lacets, le manteau d'hyacinthe, Et le lin pur et blanc comme la fleur du lis, Jusqu'à ses chastes pieds laissent couler leurs plis. Qu'elle fut belle alors! Une rougeur errante 30 Anima de son front la blancheur transparente; Car, sous l'arbre oÃÂč du jour vient s'éteindre l'ardeur, Un oeil accoutumé blesse encore sa pudeur; Mais, soutenue enfin par une esclave noire, Dans un cristal liquide on croirait que l'ivoire 35 Se plonge, quand son corps, sous l'eau mÃÂȘme éclairé, Du ruisseau pur et frais touche le fond doré. ANTIQUITÉ HOMÉRIQUE LE SOMNAMBULE. POÈME. A M. SOUMET Auteur de Clytemnestre et de SaĂƒÂŒl. " Ora di plhgaz tasde, cardiaz siqin. Eddousa gar jqhn ommasin lamprunitai, 'En hmerade moir' aprdscopoz brotw. " Aisculoz " O?a d? p????? t?sde, ?a?d?a? s????. Eddo?sa ??? f??? ?””as?? ?a”p????ta?, 'E? ?”??ad? ”o??' ?p?ds?opo? Ãƞ??t?. " ?s?????. " Voyez, en esprit, ces blessures l'esprit, quand on dort, a des yeux, et, quand on veille, il est aveugle. " ESCHYLE. " Déjà , mon jeune époux? Quoi! l'aube paraÃt-elle? Non; la lumiÚre, au fond de l'albùtre, étincelle Blanche et pure, et suspend son jour mystérieux; La nuit rÚgne profonde et noire dans les cieux. 5 Vois, la Clepsydre encor n'a pas versé trois heures; Dors prÚs de ta Néra, sous nos chastes demeures, Viens, dors prÚs de mon sein. " Mais lui, furtif et lent, Descend du lit d'ivoire et d'or étincelant. Il va, d'un pied prudent, chercher la lampe errante, 10 Dont il garde les feux dans sa main transparente, Son corps blanc est sans voile, il marche pas à pas, L'oeil ouvert, immobile, en murmurant tout bas " Je la vois, la parjure!... Interrompez vos fÃÂȘtes, Aux mùnes un autel... des cyprÚs sur vos tÃÂȘtes... 15 Ouvrez, ouvrez la tombe... Allons... qui descendra? " Cependant à genoux et tremblante, Néra, Ses blonds cheveux épars, se traÃne. " ArrÃÂȘte, écoute, ArrÃÂȘte, ami! les dieux te poursuivent, sans doute; Au nom de la pitié, tourne tes yeux sur moi; 20 Vois, c'est moi, ton épouse en larmes devant toi; Mais tu fuis; par tes cris ma voix est étouffée! Phoebé, pardonnez-lui; pardonne-lui, Morphée. " " J'irai... je frapperai... le glaive est dans ma main; Tous les deux... Pollion... c'est un jeune Romain... 25 Il ne résiste pas. Dieux ! qu'il est faible encor! D'un blond duvet, son front à peine se décore, L'amour a couronné ce luxe éblouissant... Écartez ce manteau, je ne vois pas le sang. " Mais elle " Ô mon amant! compagnon de ma vie! 30 Des foyers maternels si ton char m'a ravie Tremblante mais complice, et si nos voeux sacrés Ont fait luire à l'Hymen des feux prématurés, Par cette sainte amour nouvellement jurée, Par l'antique Vesta, par l'immortelle Rhée 35 Dont j'embrasse l'autel, jamais nulle autre ardeur De mes pieux serments n'altéra la candeur; Non, jamais Pénélope, à l'aiguille pudique, Plus chaste n'a vécu sous la foi domestique. Pollion, quel est-il? - Je tiens tes longs cheveux... 40 Je dédaigne tes pleurs et tes tardifs aveux, Corinne, tu mourras... - Ce n'est pas moi! Ma mÚre, Il ne m'a point aimée! Oh! ta sainte colÚre A comme un Dieu vengeur poursuivi nos amours! Que n'ai-je cru ma mÚre, et ses prudents discours? 45 Je ne détourne plus ta sacrilÚge épée; Tiens, frappe, j'ai vécu, puisque tu m'as trompéeñ€© Ah! Cruel!... mon sang coule!... Ah! reçois mes adieux, Puisses-tu ne jamais t'éveiller! - Justes dieux! " Écrit en 1819 LA DRYADE IDYLLE DANS LE GOUT DE THÉOCRITE Prwton men euch prosdeuw qewn Thn prwtomaten Gaianñ€© Sidw di Numjazñ€© Aisculoz ???to? ”?? e??? p?osde?? ???? T?? p??to”ate? Ga?a?ñ€© S?d? d? ??”fa?ñ€© ?s?????. " Honorons d'abord la Terre, qui, la premiÚre entre les dieux, rendit ici les oracles... " J'adore aussi les nymphes. " ESCHYLE. Vois-tu ce vieux tronc d'arbre aux immenses racines? Jadis il s'anima de paroles divines; Mais par les noirs hivers le chÃÂȘne fut vaincu. Et la dryade aussi, comme l'arbre, a vécu. 5 Car, tu le sais, berger, ces déesses fragiles, Envieuses des jeux et des danses agiles, Sous l'écorce d'un bois oÃÂč les fixa le sort, Reçoivent avec lui la naissance et la mort. Celle dont la présence enflamma ces bocages 10 Répondait aux pasteurs du sein de verts feuillages, Et, par des bruits secrets, mélodieux et sourds, Donnait le prix du chant ou jugeait les amours. Bathylle aux blonds cheveux, Ménalque aux noires tresses, Un jour lui racontaient leurs rivales tendresses. 15 L'un parait son front blanc de myrte et de lotus; L'autre, ses cheveux bruns de pampres revÃÂȘtus, Offrait à la dryade une coupe d'argile; Et les roseaux chantants enchaÃnés par Bathylle, Ainsi que le dieu Pan l'enseignait aux mortels, 20 S'agitaient, suspendus aux verdoyants autels. J'entendis leur priÚre, et de leur simple histoire Les Muses et le temps m'ont laissé la mémoire. MÉNALQUE. Ô déesse propice! écoute, écoute-moi! Les faunes, les sylvains dansent autour de toi, 25 Quand Bacchus a reçu leur brillant sacrifice; Ombrage mes amours, Î déesse propice! BATHYLLE. Dryade du vieux chÃÂȘne, écoute mes aveux! Les vierges, le matin, dénouant leurs cheveux, Quand du brûlant amour la saison est prochaine, 30 T'adorent; je t'adore, Î dryade du chÃÂȘne! MÉNALQUE. Que Liber protecteur, pÚre des longs festins, Entoure de ses dons tes champÃÂȘtres destins, Et qu'en écharpe d'or la vigne tortueuse Serpente autour de toi, fraÃche et voluptueuse! BATHYLLE. 35 Que Vénus te protÚge et t'épargne ses maux, Qu'elle anime, au printemps, tes superbes rameaux; Et, si de quelque amour, pour nous mystérieuse, Le charme te liait à quelque jeune yeuse, Que ses bras délicats et ses feuillages verts 40 A tes bras amoureux se mÃÂȘlent dans les airs! MÉNALQUE. Ida! j'adore Ida, la légÚre bacchante Ses cheveux noirs, mÃÂȘlés de grappes et d'acanthe, Sur le tigre, attaché par une griffe d'or, Roulent abandonnés; sa bouche rit encor 45 En chantant Évoé; sa démarche chancelle; Les pieds nus, ses genoux que la robe décÚle, S'élancent, et son oeil, de feux étincelant, Brille comme Phébus sous le signe brûlant. BATHYLLE. C'est toi que je préfÚre, Î toi, vierge nouvelle, 50 Que l'heure du matin à nos désirs révÚle! Quand la lune au front pur, reine des nuits d'été, Verse au gazon bleuùtre un regard argenté, Elle est moins belle encor que ta paupiÚre blonde, Qu'un rayon chaste et doux sous son long voile inonde. MÉNALQUE. 55 Si le fier léopard, que les jeunes sylvains Attachent rugissant au char du dieu des vins, Voit amener au loin l'inquiÚte tigresse Que les faunes, troublés par la joyeuse ivresse, N'ont pas su dérober à ses regards brûlants, 60 Il s'arrÃÂȘte, il s'agite, et de ses cris roulants Les bois sont ébranlés; de sa gueule béante, L'écume coule à flots sur une langue ardente; Furieux, il bondit, il brise ses liens, Et le collier d'ivoire et les jougs phrygiens 65 Il part, et, dans les champs qu'écrasent ses caresses, Prodigue à ses amours de fougueuses tendresses. Ainsi, quand tu descends des cimes de nos bois, Ida! lorsque j'entends ta voix, ta jeune voix, Annoncer par des chants la fÃÂȘte bacchanale, 70 Je laisse les troupeaux, la bÃÂȘche matinale, Et la vigne et la gerbe oÃÂč mes jours sont liés Je pars, je cours, je tombe et je brûle à tes pieds. BATHYLLE. Quand la vive hirondelle est enfin réveillée, Elle sort de l'étang, encore toute mouillée, 75 Et, se montrant au jour avec un cri joyeux, Au charme d'un beau ciel, craintive, ouvre les yeux; Puis, sur le pùle saule, avec lenteur voltige, Interroge avec soin le bouton et la tige; Et, sûre du printemps, alors, et de l'amour, 80 Par des cris triomphants célÚbre leur retour. Elle chante sa joie aux rochers, aux campagnes, Et, du fond des roseaux excitant ses compagnes " Venez! dit-elle; allons, paraissez, il est temps! Car voici la chaleur, et voici le printemps. " 85 Ainsi, quand je te vois, Î modeste bergÚre! Fouler de tes pieds nus la riante fougÚre, J'appelle autour de moi les pùtres nonchalants, A quitter le gazon, selon mes voeux, trop lents; Et crie, en te suivant dans ta course rebelle 90 " Venez! oh! venez voir comme GlycÚre est belle! " MÉNALQUE. Un jour, jour de Bacchus, loin des jeux égaré, Seule je la surpris au fond du bois sacré Le soleil et les vents, dans ces bocages sombres, Des feuilles sur ses traits faisaient flotter les ombres; 95 Lascive, elle dormait sur le thyrse brisé; Une molle sueur, sur son front épuisé, Brillait comme la perle en gouttes transparentes, Et ses mains, autour d'elle, et sous le lin errantes, Touchant la coupe vide, et son sein tour à tour, 100 Redemandaient encore et Bacchus et l'Amour. BATHYLLE. Je vous adjure ici, nymphes de la Sicile, Dont les doigts, sous les fleurs, guident l'onde docile; Vous reçûtes ses dons, alors que sous nos bois, Rougissante, elle vint pour la premiÚre fois. 105 Ses bras blancs soutenaient sur sa tÃÂȘte inclinée L'amphore, oeuvre divine aux fÃÂȘtes destinée, Qu'emplit la molle poire, et le raisin doré, Et la pÃÂȘche au duvet de pourpre coloré; Des pasteurs empressés l'attention jalouse 110 L'entourait, murmurant le nom sacré d'épouse; Mais en vain nul regard ne flatta leur ardeur; Elle fut toute aux dieux et toute à la pudeur. Ici, je vis rouler la coupe aux flancs d'argile; Le chÃÂȘne ému tremblait, la flûte de Bathylle 115 Brilla d'un feu divin; la dryade un moment, Joyeuse, fit entendre un long frémissement, Doux comme les échos dont la voix incertaine Murmure la chanson d'une flûte lointaine. Écrit en 1815. SYMÉTHA ÉLÉGIE A PICHALD Auteur de Léonidas et de Guillaume Tell. " Navire aux larges flancs de guirlandes ornés, Aux Dieux d'ivoire, aux mùts de roses couronnés, Oh! qu'Éole, du moins, soit facile à tes voiles! Montrez vos feux amis, fraternelles étoiles! 5 Jusqu'au port de Lesbos guidez le nautonier, Et de mes voeux pour elle exaucez le dernier Je vais mourir, hélas! Symétha s'est fiée Aux flots profonds; l'Attique est par elle oubliée. Insensée! elle fuit nos bords mélodieux, 10 Et les bois odorants, berceaux des demi-Dieux, Et les choeurs cadencés dans les molles prairies, Et, sous les marbres frais, les saintes Théories. Nous ne la verrons plus, au pied du Parthénon, Invoquer Athénée, en répétant son nom; 15 Et, d'une main timide, à nos rites fidÚle, Ses longs cheveux dorés couronnés d'asphodÚle, Consacrer ou le voile, ou le vase d'argent, Ou la pourpre attachée au fuseau diligent. Ô vierge de Lesbos! que ton Ãle abhorrée 20 S'engloutisse dans l'onde à jamais ignorée, Avant que ton navire ait pu toucher ses bords! Qu'y vas-tu faire? Hélas! quel palais, quels trésors Te vaudront notre amour? Vierge, qu'y vas-tu faire? N'es-tu pas, Lesbienne, à Lesbos étrangÚre? 25 AthÚne a vu longtemps s'accroÃtre ta beauté, Et, depuis que trois fois t'éclaira son été, Ton front s'est élevé jusqu'au front de ta mÚre; Ici, loin des chagrins de ton enfance amÚre, Les Muses t'ont souri. Les doux chants de ta voix 30 Sont nés Athéniens; c'est ici, sous nos bois, Que l'amour t'enseigna le joug que tu m'imposes; Pour toi mon seuil joyeux s'est revÃÂȘtu de roses. " " Tu pars; et cependant m'as-tu toujours haï, Symétha? Non, ton coeur quelquefois s'est trahi; 35 Car, lorsqu'un mot flatteur abordait ton oreille, La pudeur souriait sur ta lÚvre vermeille; Je l'ai vu, ton sourire aussi beau que le jour; Et l'heure du sourire est l'heure de l'amour. Mais le flot sur le flot en mugissant s'élÚve, 40 Et voile à ma douleur le vaisseau qui t'enlÚve; C'en est fait, et mes pieds sont déjà chez les morts; Va, que Vénus du moins t'épargne le remords! Lie un nouvel hymen! va; pour moi, je succombe; Un jour, d'un pied ingrat tu fouleras ma tombe, 45 Si le destin vengeur te ramÚne en ces lieux Ornés du monument de tes cruels adieux. " - Dans le port du Pirée, un jour fut entendue Cette plainte innocente, et cependant perdue; Car la vierge enfantine, auprÚs des matelots, 50 Admirait et la rame et l'écume des flots; Puis, sur la haute poupe accourue et couchée, Saluait, dans la mer, son image penchée, Et lui jetait des fleurs et des rameaux flottants, Et riait de leur chute et les suivait longtemps; 55 Ou, tout à coup rÃÂȘveuse, écoutait le Zéphire, Qui, d'une aile invisible, avait ému sa lyre. Écrit en 1815. LE BAIN D'UNE DAME ROMAINE. Une esclave d'Égypte, au teint luisant et noir, Lui présente, à genoux, l'acier pur du miroir; Pour nouer ses cheveux une Vierge de GrÚce Dans le compas d'Isis unit leur double tresse; 5 Sa tunique est livrée aux femmes de Milet, Et ses pieds sont lavés dans un vase de lait. Dans l'ovale d'un marbre aux veines purpurines L'eau rose la reçoit; puis les filles latines, Sur ses bras indolents versant de doux parfums, 10 Voilent d'un jour trop vif les rayons importuns, Et sous les plis épais de la pourpre onctueuse La lumiÚre descend molle et voluptueuse Quelques-unes, brisant des couronnes de fleurs, D'une hùtive main dispersent leurs couleurs, 15 Et, les jetant en pluie aux eaux de la fontaine, De débris embaumés couvrent leur souveraine, Qui, de ses doigts distraits touchant la lyre d'or, Pense au jeune Consul et, rÃÂȘveuse, s'endort. Le 20 mai 1817. LIVRE MODERNE. DOLORIDA POÈME. Yo amo mas d tu amor que Ã¥ tu vida. Prov. espagnol. J'aime mieux ton amour que ta vie. Est-ce la Volupté qui, pour ses doux mystÚres, Furtive, a rallumé ces lampes solitaires? La gaze et le cristal sont leur pùle prison. Aux souffles purs d'un soir de l'ardente saison 5 S'ouvre sur le balcon la moresque fenÃÂȘtre; Une aurore imprévue à minuit semble naÃtre, Quand la lune apparaÃt, quand ses gerbes d'argent Font pùlir les lueurs du feu rose et changeant; Les deux clartés à l'oeil offrent partout leurs piÚges; 10 Caressent mollement le velours bleu des siÚges, La soyeuse ottomane oÃÂč le livre est encor, La pendule mobile entre deux vases d'or, La Madone d'argent, sous deux roses cachée, Et sur un lit d'azur une beauté couchée. 15 Oh! jamais dans Madrid un noble cavalier Ne verra tant de grùce à plus d'art s'allier; Jamais pour plus d'attraits, lorsque la nuit commence, N'a frémi la guitare et langui la romance; Jamais dans nulle église on ne vit plus beaux yeux 20 Des grains du chapelet se tourner vers les cieux; Sur les mille degrés du vaste amphithéùtre On n'admira jamais plus belles mains d'albùtre Sous la mantille noire et ses paillettes d'or, Applaudissant, de loin, l'adroit toréador. 25 Mais, Î vous qu'en secret nulle oeillade attentive Dans ses rayons brillants ne chercha pour captive, Jeune foule d'amants. Espagnols à l'oeil noir, Si sous la perle et l'or vous l'adoriez le soir, Qui de vous ne voudrait dût la dague andalouse 30 Le frapper au retour de sa pointe jalouse Prosterner ses baisers sur ces pieds découverts, Ce col, ce sein d'albùtre, à l'air nocturne ouverts, Et ces longs cheveux noirs tombant sur son épaule, Comme tombe à ses pieds le vÃÂȘtement du saule? 35 Dolorida n'a plus que ce voile incertain, Le premier que revÃÂȘt le pudique matin Et le dernier rempart que, dans sa nuit folùtre, L'amour ose enlever d'une main idolùtre. Ses bras nus à sa tÃÂȘte offrent un mol appui. 40 Mais ses yeux sont ouverts, et bien du temps a fui Depuis que, sur l'émail, dans ses douze demeures, Ils suivent ce compas qui tourne avec les heures. Que fait-il donc, celui que sa douleur attend? Sans doute il n'aime pas, celui qu'elle aime tant. 45 A peine chaque jour l'épouse délaissée Voit un baiser distrait sur sa lÚvre empressée Tomber seul, sans l'amour; son amour cependant S'accroÃt par les dédains et souffre plus ardent. PrÚs d'un constant époux, peut-ÃÂȘtre, Î jeune femme! 50 Quelque infidÚle espoir eût égaré ton ùme; Car l'amour d'une femme est semblable à l'enfant Qui, las de ses jouets, les brise triomphant, Foule d'un pied volage une rose immobile, Et suit l'insecte ailé qui fuit sa main débile. 55 Pourquoi Dolorida, seule en ce grand palais OÃÂč l'on n'entend, ce soir, ni le pied des valets, Ni, dans la galerie et les corridors tristes, Les enfantines voix des vives caméristes? Trois heures cependant ont lentement sonné; 60 La voix du temps est triste au coeur abandonné; Ses coups y réveillaient la douleur de l'absence, Et la lampe luttait; sa flamme sans puissance Décroissait inégale, et semblait un mourant Qui sur la vie encor jette un regard errant. 65 A ses yeux fatigués tout se montre plus sombre, Le crucifix penché semble agiter son ombre; Un grand froid la saisit; mais les fortes douleurs Ignorent les sanglots, les soupirs et les pleurs Elle reste immobile, et, sous un air paisible, 70 Mord, d'une dent jalouse, une main insensible. Que le silence est long! Mais on entend des pas! La porte s'ouvre, il entre elle ne tremble pas! Elle ne tremble pas, à sa pùle figure Qui de quelque malheur semble traÃner l'augure; 75 Elle voit sans effroi son jeune époux, si beau, Marcher jusqu'à son lit comme on marche au tombeau. Sous les plis du manteau se courbe sa faiblesse; MÃÂȘme sa longue épée est un poids qui le blesse. Tombé sur ses genoux, il parle à demi-voix 80 " Je viens te dire adieu; je me meurs, tu le vois, Dolorida, je meurs! une flamme inconnue, Errante, est dans mon sang jusqu'au coeur parvenue, Mes pieds sont froids et lourds, mon oeil est obscurci; Je suis tombé trois fois en revenant ici. 85 Mais je voulais te voir; mais, quand l'ardente fiÚvre Par des frissons brûlants a fait trembler ma lÚvre, J'ai dit " Je vais mourir; que la fin de mes jours " Lui fasse au moins savoir qu'absent j'aimais toujours. " Alors je suis parti, ne demandant qu'une heure 90 Et qu'un peu de soutien pour trouver ta demeure. Je me sens plus vivant à genoux devant toi. - Pourquoi mourir ici, quand vous viviez sans moi? - Ô coeur inexorable! oui, tu fus offensée! Mais écoute mon souffle, et sens ma main glacée; 95 Viens toucher sur mon front cette froide sueur; Du trépas dans mes yeux vois la terne lueur. Donne, oh! donne une main; dis mon nom. Fais entendre Quelque mot consolant, s'il ne peut ÃÂȘtre tendre. Des jours qui m'étaient dus je n'ai pas la moitié; 100 Laisse en aller mon ùme en rÃÂȘvant ta pitié! Hélas! devant la mort montre un peu d'indulgence! - La mort n'est que la mort et n'est pas la vengeance. - Ô dieux! si jeune encor! tout son coeur endurci! Qu'il t'a fallu souffrir pour devenir ainsi! 105 Tout mon crime est empreint au fond de ton langage, Faible amie, et ta force horrible est mon ouvrage. Mais viens, écoute-moi, viens, je mérite et veux Que ton ùme apaisée entende mes aveux. Je jure, et tu le vois, en expirant, ma bouche 110 Jure devant ce christ qui domine ta couche, Et, si par leur faiblesse ils n'étaient pas liés, Je lÚverais mes bras jusqu'au sang de ses pieds; Je jure que jamais mon amour égarée N'oublia loin de toi ton image adorée; 115 L'infidélité mÃÂȘme était pleine de toi, Je te voyais partout entre ma faute et moi, Et sur un autre coeur mon coeur rÃÂȘvait tes charmes, Plus touchants par mon crime et plus beaux par tes larmes. Séduit par ces plaisirs qui durent peu de temps, 120 Je fus bien criminel; mais, hélas! j'ai vingt ans. - T'a-t-elle vu pùlir ce soir dans tes souffrances? - J'ai vu son désespoir passer tes espérances. Oui, sois heureuse, elle a sa part dans nos douleurs; Quand j'ai crié ton nom, elle a versé des pleurs; 125 Car je ne sais quel mal circule dans mes veines; Mais je t'invoquais seule avec des plaintes vaines. J'ai cru d'abord mourir et n'avoir pas le temps D'appeler ton pardon sur mes derniers instants. Oh! parle; mon coeur fuit; quitte ce dur langage; 130 Qu'un regard... Mais quel est ce blanchùtre breuvage Que tu bois à longs traits et d'un air insensé? - Le reste du poison qu'hier je t'ai versé. " Écrit en 1823, dans les Pyrénées. LE MALHEUR Suivi du Suicide impie, A travers les piles cités, Le Malheur rÎde, il nous épie, PrÚs de nos seuils épouvantés. 5 Alors il demande sa proie; La jeunesse, au sein de la joie, L'entend, soupire et se flétrit; Comme au temps oÃÂč la feuille tombe, Le vieillard descend dans la tombe, 10 Privé du feu qui le nourrit. OÃÂč fuir? Sur le seuil de ma porte Le Malheur, un jour, s'est assis; Et, depuis ce jour, je l'emporte A travers mes jours obscurcis. 15 Au soleil, et dans les ténÚbres, En tous lieux ses ailes funÚbres Me couvrent comme un noir manteau De mes douleurs ses bras avides M'enlacent; et ses mains livides 20 Sur mon coeur tiennent le couteau. J'ai jeté ma vie aux délices, Je souris à la volupté; Et les insensés, mes complices; Admirent ma félicité. 25 Moi-mÃÂȘme, crédule à ma joie, J'enivre mon coeur, je me noie Aux torrents d'un riant orgueil; Mais le Malheur devant ma face A passé le rire s'efface, 30 Et mon front a repris son deuil. En vain je redemande aux fÃÂȘtes Leurs premiers éblouissements, De mon coeur les molles défaites Et les vagues enchantements 35 Le spectre se mÃÂȘle à la danse; Retombant avec la cadence, Il tùche le sol de ses pleurs, Et, de mes yeux trompant l'attente, Passe sa tÃÂȘte dégoûtante 40 Parmi les fronts ornés de fleurs. Il me parle dans le silence, Et mes nuits entendent sa voix; Dans les arbres il se balance Quand je cherche la paix des bois, 45 PrÚs de mon oreille il soupire; On dirait qu'un mortel expire Mon coeur se serre épouvanté. Vers les astres mon oeil se lÚve, Mais il y voit pendre le glaive 50 De l'antique fatalité. Sur mes mains ma tÃÂȘte penchée Croit trouver l'innocent sommeil. Mais, hélas! elle m'est cachée, Sa fleur au calice vermeil. 55 Pour toujours elle m'est ravie, La douce absence de la vie; Ce bain qui rafraÃchit les jours, Cette mort de l'ùme affligée, Chaque nuit à tous partagée, 60 Le sommeil m'a fui pour toujours. " Ah! puisqu'une éternelle veille Brûle mes yeux toujours ouverts, Viens, Î Gloire! ai-je dit; réveille Ma sombre vie au bruit des vers. 65 Fais qu'au moins mon pied périssable Laisse une empreinte sur le sable. " La Gloire a dit " Fils de douleur, OÃÂč veux-tu que je te conduise? Tremble; si je t'immortalise, 70 J'immortalise le Malheur. " Malheur! oh! quel jour favorable De ta rage sera vainqueur? Quelle main forte et secourable Pourra t'arracher de mon coeur, 75 Et dans cette fournaise ardente, Pour moi noblement imprudente, N'hésitant pas à se plonger, Osera chercher dans la flamme, Avec force y saisir mon ùme, 80 Et l'emporter loin du danger? Écrit un 1820. LA PRISON POÈME XVIIe SIÈCLE Oh! ne vous jouez plus d'un vieillard et d'un prÃÂȘtre! Étranger dans ces lieux, comment les reconnaÃtre? Depuis une heure au moins, cet importun bandeau Presse mes yeux souffrants de son épais fardeau. 5 Soin stérile et cruel! car de ces édifices Ils n'ont jamais tenté les sombres artifices. Soldats! vous outragez le ministre et le Dieu, Dieu mÃÂȘme que mes mains apportent dans ce lieu. " Il parle; mais en vain sa crainte les prononce 10 Ces mots et d'autres cris se taisent sans réponse. On l'entraÃne toujours en des détours savants. TantÎt crie à ses pieds le bois des ponts mouvants, TantÎt sa voix s'éteint à de courts intervalles, TantÎt fait retentir l'écho des vastes salles, 15 Dans l'escalier tournant on dirige ses pas; Il monte à la prison que lui seul ne voit pas, Et, les bras étendus, le vieux prÃÂȘtre timide Tùte les murs épais du corridor humide. On s'arrÃÂȘte; il entend le bruit des pas mourir, 20 Sous de bruyantes clés des gonds de fer s'ouvrir. Il descend trois degrés sur la pierre glissante, Et, privé du secours de sa vue impuissante, La chaleur l'avertit qu'on éclaire ces lieux; Enfin, de leur bandeau l'on délivre ses yeux. 25 Dans un étroit cachot dont les torches funÚbres Ont peine à dissiper les épaisses ténÚbres, Un vieillard expirant attendait ses secours Du moins ce fut ainsi qu'en un brusque discours Ses sombres conducteurs le lui firent entendre. 30 Un instant, en silence, on le pria d'attendre. " Mon prince, dit quelqu'un, le saint homme est venu, - Eh! que m'importe, à moi? " soupira l'inconnu. Cependant, vers le lit que deux lourdes tentures Voilent du luxe ancien de leurs pùles peintures, 35 Le prÃÂȘtre s'avança lentement, et, sans voir Le malade caché, se mit à son devoir. LE PRETRE. Écoutez-moi, mon fils. LE MOURANT. Hélas! malgré ma haine, J'écoute votre voix, c'est une voix humaine 40 J'étais né pour l'entendre, et je ne sais pourquoi Ceux qui m'ont fait du mal ont tant d'attrait pour moi. Jamais je ne connus cette rare parole Qu'on appelle amitié, qui, dit-on, vous console; Et les chants maternels qui charment vos berceaux 45 N'ont jamais résonné sous mes tristes arceaux; Et pourtant, lorsqu'un mot m'arriva moins sévÚre, Il ne fut pas perdu pour mon coeur solitaire. Mais, puisque vous m'aimez, Î vieillard inconnu, Pourquoi jusqu'à ce jour n'ÃÂȘtes-vous pas venu? LE PRÃƠTRE. 50 Ô, qui que vous soyez! vous que tant de mystÚre, Avant le temps prescrit, sépara de la terre, Vous n'aurez plus de fers dans l'asile des morts Si vous avez failli, rappelez les remords, Versez-les dans le sein du Dieu qui vous écoute; 55 Ma main du repentir vous montrera la route. Entrevoyez le Ciel par vos maux acheté Je suis prÃÂȘtre, et vous porte ici la liberté. De la confession j'accomplis l'oeuvre sainte; Le tribunal divin siÚge dans cette enceinte. 60 Répondez, le pardon déjà vous est offert; Dieu mÃÂȘme... LE MOURANT. Il est un Dieu? J'ai pourtant bien souffert! LE PRÃƠTRE. Vous avez moins souffert qu'il ne l'a fait lui-mÃÂȘme. Votre dernier soupir sera-t-il un blasphÚme? 65 Et quel droit avez-vous de plaindre vos malheurs, Lorsque le sang du Christ tomba dans les douleurs? Ô mon fils, c'est pour nous, tout ingrats que nous sommes, Qu'il a daigné descendre aux misÚres des hommes; A la vie, en son nom, dites un mùle adieu. LE MOURANT. 70 J'étais peut-ÃÂȘtre roi. LE PRÃƠTRE. Le sauveur était Dieu; Mais, sans nous élever jusqu'à ce divin MaÃtre, Si j'osais, aprÚs lui, nommer encor le prÃÂȘtre, Je vous dirais Et moi, pour combattre l'enfer, 75 J'ai resserré mon sein dans un corset de fer; Mon corps a revÃÂȘtu l'inflexible cilice, OÃÂč chacun de mes pas trouve un nouveau supplice. Au cloÃtre est un pavé que, durant quarante ans, Ont usé chaque jour mes genoux pénitents. 80 Et c'est encor trop peu que de tant de souffrance Pour acheter du Ciel l'ineffable espérance. Au creuset douloureux il faut ÃÂȘtre épuré Pour conquérir son rang dans le séjour sacré. Le temps nous presse; au nom de vos douleurs passées, 85 Dites-moi vos erreurs pour les voir effacées; Et devant cette croix oÃÂč Dieu monta pour nous, Souhaitez avec moi de tomber à genoux. Sur le front du vieux moine, une rougeur légÚre Fit renaÃtre une ardeur à son ùge étrangÚre; 90 Les pleurs qu'il retenait coulÚrent un moment; Au chevet du captif il tomba pesamment; Et ses mains présentaient le crucifix d'ébÚne, Et tremblaient en l'offrant, et le tenaient à peine. Pour le coeur du chrétien demandant des remords, 95 Il murmurait tout bas la priÚre des morts. Et, sur le lit, sa tÃÂȘte, avec douleur penchée, Cherchait du prisonnier la figure cachée. Un flambeau la révÚle entiÚre ce n'est pas Un front décoloré par un prochain trépas, 100 Ce n'est pas l'agonie et son dernier ravage; Ce qu'il voit est sans traits, et sans vie, et sans ùge Un fantÎme immobile à ses yeux est offert, Et les feux ont relui sur un masque de fer... Plein d'horreur à l'aspect de ce sombre mystÚre, 105 Le prÃÂȘtre se souvient que, dans le monastÚre, Une fois, en tremblant, on se parlait tout bas D'un prisonnier d'État que l'on ne nommait pas; Qu'on racontait de lui des choses merveilleuses, De berceau dérobé, de craintes orgueilleuses, 110 De royale naissance, et de droits arrachés, Et de ses jours captifs sous un masque cachés. Quelques pÚres disaient qu'à sa descente en France, De secouer ses fers il conçut l'espérance; Qu'aux geÎliers un instant il s'était dérobé, 115 Et, quoiqu'entre leurs mains aisément retombé, L'on avait vu ses traits; et qu'une Provençale, Arrivée au couvent de Saint-François de Sale Pour y prendre le voile, avait dit, en pleurant, Qu'elle prenait la Vierge et son Fils pour garant 120 Que le Masque de fer avait vécu sans crime, Et que son jugement était illégitime; Qu'il tenait des discours pleins de grùce et de foi, Qu'il était jeune et beau, qu'il ressemblait au roi, Qu'il avait dans la voix une douceur étrange, 125 Et que c'était un prince ou que c'était un ange. Il se souvint encor qu'un vieux bénédictin, S'étant acheminé vers la tour, un matin, Pour rendre un vase d'or tombé sur son passage, N'était pas revenu de ce triste voyage 130 Sur quoi, l'abbé du lieu pour toujours défendit Les entretiens touchant le prisonnier maudit! Nul ne devait sonder la récente aventure; Le Ciel avait puni la coupable lecture Des mystÚres gravés sur ce vase indiscret. 135 Le temps fit oublier ce dangereux secret. Le prÃÂȘtre regardait le malheureux célÚbre; Mais ce cachot tout plein d'un appareil funÚbre, Et cette mort voilée, et ces longs cheveux blancs, Nés captifs et jetés sur des membres tremblants, 140 L'arrÃÂȘtÚrent longtemps en un sombre silence. Il va parler enfin; mais, tandis qu'il balance, L'agonisant du lit se soulÚve et lui dit " Vieillard, vous abaissez votre front interdit; Je n'entends plus le bruit de vos conseils frivoles; 145 L'aspect de mon malheur arrÃÂȘte vos paroles. Oui, regardez-moi bien, et puis dites, aprÚs, Qu'un Dieu de l'innocent défend les intérÃÂȘts; Des péchés tant proscrits, oÃÂč toujours l'on succombe, Aucun n'a séparé mon berceau de ma tombe; 150 Seul, toujours seul, par l'ùge et la douleur vaincu, Je meurs tout chargé d'ans, et je n'ai pas vécu. Du récit de mes maux vous ÃÂȘtes bien avide Pourquoi venir fouiller dans ma mémoire vide, OÃÂč, stérile de jours, le temps dort effacé? 155 Je n'eus point d'avenir et n'ai point de passé; J'ai tenté d'en avoir; dans mes longues journées, Je traçais sur les murs mes lugubres années; Mais je ne pus les suivre en leur douloureux cours. Les murs étaient remplis, et je vivais toujours. 160 Tout me devint alors obscurité profonde; Je n'étais rien pour lui, qu'était pour moi le monde? Que m'importaient des temps oÃÂč je ne comptais pas? L'heure que j'invoquais, c'est l'heure du trépas. Écoutez, écoutez quand je tiendrais la vie 165 De l'homme qui toujours tint la mienne asservie, J'hésiterais, je crois, à le frapper des maux Qui rongÚrent mes jours, brûlÚrent mon repos; Quand le rÚgne inconnu d'une impuissante ivresse Saisit mon coeur oisif d'une vague tendresse, 170 J'appelais le bonheur, et ces ÃÂȘtres amis Qu'à mon ùge brûlant un songe avait promis. Mes larmes ont rouillé mon masque de torture; J'arrosais de mes pleurs ma noire nourriture; Je déchirais mon sein par mes gémissements; 175 J'effrayais mes geÎliers de mes longs hurlements; Des nuits, par mes soupirs, je mesurais l'espace; Aux hiboux des créneaux je disputais leur place, Et, pendant aux barreaux oÃÂč s'arrÃÂȘtaient mes pas, Je vivais hors des murs d'oÃÂč je ne sortais pas. " 180 Ici tomba sa voix. Comme aprÚs le tonnerre De tristes sons encore épouvantent la terre, Et, dans l'antre sauvage oÃÂč l'effroi l'a placé, Retiennent en grondant le voyageur glacé, Longtemps on entendit ses larmes retenues 185 Suivre encore une fois des routes bien connues; Les sanglots murmuraient dans ce coeur expirant. Le vieux prÃÂȘtre toujours priait en soupirant, Lorsqu'un des noirs geÎliers se pencha pour lui dire Qu'il fallait se hùter, qu'il craignait le délire. 190 Un nouveau zÚle alors ralluma ses discours. " Ô mon fils! criait-il, votre vie eut son cours; Heureux, trois fois heureux, celui que Dieu corrige! Gardons de repousser les peines qu'il inflige Voici l'heure oÃÂč vos maux vous seront précieux, 195 Il vous a préparé lui-mÃÂȘme pour les cieux. Oubliez votre corps, ne pensez qu'à votre ùme; Dieu lui-mÃÂȘme l'a dit " L'homme né de la femme " Ne vit que peu de temps, et c'est dans les douleurs. " Ce monde n'est que vide et ne vaut pas des pleurs. 200 Qu'aisément de ses biens notre ùme est assouvie! Me voilà , comme vous, au bout de cette vie; J'ai passé bien des jours, et ma mémoire en deuil De leur peu de bonheur n'est plus que le cercueil. C'est à moi d'envier votre longue souffrance, 205 Qui d'un monde plus beau vous donne l'espérance; Les anges à vos pas ouvriront le saint lieu Pourvu que vous disiez un mot à votre Dieu, Il sera satisfait. " Ainsi, dans sa parole, MÃÂȘlant les saints propos du livre qui console, 210 Le vieux prÃÂȘtre engageait le mourant à prier, Mais en vain tout à coup on l'entendit crier, D'une voix qu'animait la fiÚvre du délire, Ces rÃÂȘves du passé " Mais enfin je respire! Ô bords de la Provence! Î lointain horizon! 215 Sable jaune oÃÂč des eaux murmure le doux son! Ma prison s'est ouverte. Oh! que la mer est grande! Est-il vrai qu'un vaisseau jusque là -bas se rende? Dieu! qu'on doit ÃÂȘtre heureux parmi les matelots! Que je voudrais nager dans la fraÃcheur des flots! 220 La terre vient, nos pieds à marcher se disposent, Sur nos mùts arrÃÂȘtés les voiles se reposent. Ah! j'ai fui les soldats; en vain ils m'ont cherché; Je suis libre, je cours, le masque est arraché; De l'air dans mes cheveux j'ai senti le passage, 225 Et le soleil un jour éclaira mon visage. - " Oh! pourquoi fuyez-vous? Restez sur vos gazons, Vierges! continuez vos pas et vos chansons; Pourquoi vous retirer aux cabanes prochaines? Le monde autant que moi déteste donc les chaÃnes? " 230 Une seule s'arrÃÂȘte et m'attend sans terreur Quoi! du Masque de fer elle n'a pas horreur! Non, j'ai vu la pitié sur ses lÚvres si belles, Et de ses yeux en pleurs les douces étincelles. - " Soldats! que voulez-vous? quel lugubre appareil! 235 J'ai mes droits à l'amour et ma part au soleil; Laissez-nous fuir ensemble. Oh! voyez-la! c'est elle Avec qui je veux vivre, elle est là qui m'appelle; Je ne fais pas le mal; allez, dites au roi Qu'aucun homme jamais ne se plaindra de moi; 240 Que je serai content si, prÚs de ma compagne, Je puis errer longtemps de montagne en montagne, Sans jamais arrÃÂȘter nos loisirs voyageurs! Que je ne chercherai ni parents ni vengeurs; Et, si l'on me demande oÃÂč j'ai passé ma vie, 245 Je saurai déguiser ma liberté ravie; Votre crime est bien grand, mais je le cacherai. Ah! laissez-moi le Ciel, je vous pardonnerai. Non!... toujours des cachots... Je suis né votre proie... " Mais je vois mon tombeau, je m'y couche avec joie. 250 Car vous ne m'aurez plus, et je n'entendrai plus Les verrous se fermer sur l'éternel reclus. Que me veut donc cet homme avec ses habits sombres? Captifs morts dans ces murs, est-ce une de vos ombres? Il pleure. Ah! malheureux, est-ce ta liberté? LE PRÃƠTRE. 255 Non, mon fils, c'est sur vous voici l'éternité. LE MOURANT. A moi? Je n'en veux pas; j'y trouverais des chaÃnes. LE PRÃƠTRE. Non, vous n'y trouverez que des faveurs prochaines. Un mot de repentir, un mot de notre foi, Le Seigneur vous pardonne. LE MOURANT. 260 Ô prÃÂȘtre! laissez-moi! LE PRÃƠTRE. Dites " Je crois en Dieu. " La mort vous est ravie. LE MOURANT. Laissez en paix ma mort, on y laissa ma vie. Et d'un dernier effort l'esclave délirant Au mur de la prison brise son bras mourant. 265 " Mon Dieu! venez vous-mÃÂȘme au secours de cette ùme! " Dit le prÃÂȘtre, animé d'une pieuse flamme. Au fond d'un vase d'or, ses doigts saints ont cherché Le pain mystérieux oÃÂč Dieu mÃÂȘme est caché Tout se prosterne alors en un morne silence. 270 La clarté d'un flambeau sur le lit se balance; Le chevet sur deux bras s'avance supporté, Mais en vain le captif était en liberté. Resté seul au cachot, durant la nuit entiÚre, Le vieux religieux récita la priÚre; 275 AuprÚs du lit funÚbre il fut toujours assis. Quelques larmes souvent, de ses yeux obscurcis, Interrompant sa voix, tombaient sur le saint livre. Et, lorsque la douleur l'empÃÂȘchait de poursuivre, Sa main jetait alors l'eau du rameau bénit 280 Sur celui qui du ciel peut-ÃÂȘtre était banni. Et puis, sans se lasser, il reprenait encore, De sa voix qui tremblait dans la prison sonore, Le dernier chant de paix; il disait " Ô Seigneur! Ne brisez pas mon ùme avec votre fureur; 285 Ne m'enveloppez pas dans la mort de l'impie. " Il ajoutait aussi " Quand le méchant m'épie, Me ferez-vous tomber, Seigneur, entre ses mains? C'est lui qui sous mes pas a rompu vos chemins; Ne me chùtiez point, car mon crime est son crime. 290 J'ai crié vers le Ciel du plus profond abÃme. Ô mon Dieu! tirez-moi du milieu des méchants! " Lorsqu'un rayon du jour eut mis fin à ses chants, Il entendit monter vers les noires retraites, Et des voix résonner sous les voûtes secrÚtes. 295 Un moment lui restait, il eût voulu du moins Voir le mort qu'il pleurait sans ces cruels témoins; Il s'approche, en tremblant, de ce fils du mystÚre Qui vivait et mourait étranger à la terre; Mais le Masque de fer soulevait le linceul, 300 Et la captivité le suivit au cercueil. Écrit en 1821, à Vincennes. MADAME DE SOUBISE POÈME DU XVIe SIÈCLE A M. ANTONY DESCHAMPS "Le 24 du mesme mois s'exploita l'execution tant souhaitée, qui deliura la chrestienté d'un nombre de pestes, au moyen desquelles le diable se faisoit fort de la destruire, attendu que deux ou trois qui en reschappe- rent font encore autant de mal. Ce jour apporta merveilleux allegement et soulas à l'Eglise. " La vraye et entiere histoire des troubles, par le frere de LAVAL. I " ARQUEBUSIERS! chargez ma coulevrine! Les lansquenets passent! sur leur poitrine Je vois enfin la croix rouge, la croix Double, et tracée avec du sang, je crois! 5 Il est trop tard; le bourdon Notre-Dame Ne m'avait donc éveillé qu'à demi? Nous avons bu trop longtemps, sur mon ùme! Mais nous buvions à saint Barthélemy. II " Donnez une épée, 10 Et la mieux trempée, Et mes pistolets, Et mes chapelets. Déjà le jour brille Sur le Louvre noir; 15 On va tout savoir - Dites à ma fille De venir tout voir. " III Le baron parle ainsi par la fenÃÂȘtre; C'est bien sa voix qu'on ne peut méconnaÃtre; 20 Courez, varlets, échansons, écuyers, Suisses, piqueux, pages, arbalétriers! Voici venir madame Marie-Anne, Elle descend l'escalier de la tour; Jusqu'aux pavés baissez la pertuisane, 25 Et que chacun la salue à son tour. IV Une haquenée Est seule amenée, Tant elle a d'effroi Du noir palefroi. 30 Mais son pÚre monte Le beau destrier. Ferme à l'étrier " N'avez-vous pas honte Dit-il, de crier! V 35 " Vous descendez des hauts barons, ma mie; Dans ma lignée, on note d'infamie Femme qui pleure, et ce, par la raison Qu'il en peut naÃtre un lùche en ma maison. Levez la tÃÂȘte et baissez votre voile; 40 Partons. Varlets, faites sonner le cor. Sous ce brouillard la Seine me dévoile Ses flots rougis... Je veux voir plus encor. VI " La voyez-vous croÃtre La tour du vieux cloÃtre? 45 Et le grand mur noir Du royal manoir? Entrons dans le Louvre. Vous tremblez, je croi Au son du beffroi? 50 La fenÃÂȘtre s'ouvre, Saluez le roi. " VII Le vieux baron, en signant sa poitrine, Va visiter la reine Catherine; Sa fille reste, et dans la cour s'assied 55 Mais sur un corps elle heurte son pied " Je vis encor, je vis encor, madame; ArrÃÂȘtez-vous et donnez-moi la main; En me sauvant, vous sauverez mon ùme; Car j'entendrai la messe dÚs demain. VIII 60 - Huguenot profane, Lui dit Marie-Anne, Sur ton corselet Mets mon chapelet. Tu prieras la Vierge, 65 Je prierai le roi. Prends ce palefroi, Surtout prends un cierge, Et viens avec moi. " IX Marie ordonne à tout son équipage 70 De l'emporter dans le manteau d'un page, Lui fait Îter ses baudriers trop lourds, Jette sur lui sa cape de velours, Attache un voile avec une relique Sur sa blessure, et dit, sans s'émouvoir 75 " Ce gentilhomme est un bon catholique, Et dans l'église il vous le fera voir. " X Murs de Saint-Eustache! Quel peuple s'attache A vos escaliers, 80 A vos noirs piliers, TraÃnant sur la claie Ces morts sans cercueil, La fureur dans l'oeil, Et formant la haie 85 De l'autel au seuil? XI Dieu fasse grùce à l'année oÃÂč nous sommes! Ce sont vraiment des femmes et des hommes; Leur foule entonne un Te Deum en choeur, Et dans le sang trempe et dévoue un coeur, 90 Coeur d'amiral arraché dans la rue, Coeur gangrené du schisme de Calvin. On boit, on mange, on rit; la foule accrue Se l'offre et dit " C'est le pain et le vin. " XII Un moine qui masque 95 Son front sous un casque Lit au maÃtre-autel Le livre immortel; Il chante au pupitre, Et sa main trois fois, 100 En faisant la croix, Jette sur l'épÃtre Le sang de ses doigts. XIII " Place! dit-il; tenons notre promesse D'épargner ceux qui viennent à la messe. 105 Place! je vois arriver deux enfants Ne tuez pas encor, je le défends; Tant qu'ils sont là , je les ai sous ma garde. Saint Paul a dit " Le temple est fait pour tous. " Chacun son lot, le dedans me regarde; 110 Mais, une fois dehors, ils sont à vous. XIV - Je viens sans mon pÚre; Mais en vous j'espÚre Dit Anne deux fois, D'une faible voix; 115 Il est chez la reine; Moi, j'accours ici Demander merci Pour ce capitaine Qui vous prie aussi. " XV 120 Le blessé dit " Il n'est plus temps, madame; Mon corps n'est pas sauvé, mais bien mon ùme; Si vous voulez, donnez-moi votre main, Et je mourrai catholique et romain; Épousez-moi, je suis duc de Soubise. 125 Vous n'aurez pas à vous en repentir C'est pour un jour. Hélas! dans votre église Je suis entré, mais pour n'en plus sortir. XVI " Je sens fuir mon ùme! ÃƠtes-vous ma femme? 130 - Hélas! dit-elle, oui, " Se baissant vers lui. Un mot les marie. Ses yeux, par l'effort D'un dernier transport, 135 Regardent Marie; Puis il tombe mort. XVII Ce fut ainsi qu'Anne devint duchesse; Elle donna le fief et sa richesse A l'ordre saint des frÚres de Jésus 140 Et leur légua ses propres biens en sus. Un faible corps qu'un esprit troublé ronge Résiste peu, mais ne vit pas longtemps Dans le couvent des nonnes, en Saintonge, Elle mourut vierge et veuve à vingt ans. Écrit à la Briche, en Beauce. Mai 1828. LA NEIGE POÈME I QU'IL est doux, qu'il est doux d'écouter des histoires, Des histoires du temps passé, Quand les branches d'arbre sont noires, Quand la neige est épaisse, et charge un sol glacé! 5 Quand seul dans un ciel pùle un peuplier s'élance, Quand sous le manteau blanc qui vient de le cacher L'immobile corbeau sur l'arbre se balance, Comme la girouette au bout du long clocher! Ils sont petits et seuls, ces deux pieds dans la neige. 10 DerriÚre les vitraux dont l'azur le protÚge, Le roi pourtant regarde et voudrait ne pas voir, Car il craint sa colÚre et surtout son pouvoir. De cheveux longs et gris son front brun s'environne, Et porte en se ridant le fer de la couronne; 15 Sur l'habit dont la pourpre a peint l'ample velours, L'empereur a jeté la lourde peau d'un ours. Avidement courbé, sur le sombre vitrage Ses soupirs inquiets impriment un nuage. Contre un marbre frappé d'un pied appesanti, 20 La sandale romaine a vingt fois retenti. Est-ce vous, blanche Emma, princesse de la Gaule? Quel amoureux fardeau pÚse à sa jeune épaule? C'est le page Éginard, qu'à ses genoux le jour Surprit, ne dormant pas, dans la secrÚte tour. 25 Doucement son bras droit étreint un cou d'ivoire, Doucement son baiser suit une tresse noire, Et la joue inclinée, et ce dos oÃÂč les lis De l'hermine entourés sont plus blancs que ses plis. Il retient dans son coeur une craintive haleine, 30 Et de sa dame ainsi pense alléger la peine, Et gémit de son poids, et plaint ses faibles pieds Qui, dans ses mains, ce soir; dormiront essuyés; Lorsqu'arrÃÂȘtée Emma vante sa marche sûre, LÚve un front caressant, sourit et le rassure, 35 D'un baiser mutuel implore le secours, Puis repart chancelante et traverse les cours. Mais les voix des soldats résonnent sons les voûtes, Les hommes d'armes noirs en ont fermé les routes; Éginard, échappant à ses jeunes liens, 40 Descend des bras d'Emma, qui tombe dans les siens. II Un grand trÎne ombragé des drapeaux d'Allemagne De son dossier de pourpre entoure Charlemagne. Les douze pairs, debout sur ses larges degrés, Y font luire l'orgueil des lourds manteaux dorés. 45 Tous posent un bras fort sur une longue épée, Dans le sang des Saxons neuf fois par eux trempée; Par trois vives couleurs se peint sur leurs écus La gothique devise autour des rois vaincus. Sous les triples piliers des colonnes moresques, 50 En cercle sont placés des soldats gigantesques, Dont le casque fermé, chargé de cimiers blancs, Laisse à peine entrevoir les yeux étincelants. Tous deux joignant les mains, à genoux sur la pierre, L'un pour l'autre en leur coeur cherchant une priÚre, 55 Les beaux enfants tremblaient, en abaissant leur front, TantÎt pùle de crainte ou rouge de l'affront. D'un silence glacé régnait la paix profonde. Bénissant en secret sa chevelure blonde, Avec un lent effort, sous ce voile, Éginard 60 Tente vers sa maÃtresse un timide regard. Sous l'abri de ses mains Emma cache sa tÃÂȘte, Et, pleurant, elle attend l'orage qui s'apprÃÂȘte Comme on se tait encore, elle donne à ses yeux A travers ses beaux doigts un jour audacieux. 65 L'empereur souriait en versant une larme, Qui donnait à ses traits un ineffable charme; Il appela Turpin, l'évÃÂȘque du palais, Et d'une voix trÚs douce il dit " Bénissez-les. " Qu'il est doux, qu'il est doux d'écouter des histoires, 70 Des histoires du temps passé, Quand les branches d'arbre sont noires, Quand la neige est épaisse et charge un sol glacé! 1830 LE COR. POÈME I J'aime le son du Cor, le soir, au fond des bois, Soit qu'il chante les pleurs de la biche aux abois, Ou l'adieu du chasseur que l'écho faible accueille, Et que le vent du nord porte de feuille en feuille. 5 Que de fois, seul, dans l'ombre à minuit demeuré, J'ai souri de l'entendre, et plus souvent pleuré! Car je croyais ouïr de ces bruits prophétiques Qui précédaient la mort des Paladins antiques. Ô montagne d'azur! Î pays adoré! 10 Rocs de la Frazona, cirque du Marboré, Cascades qui tombez des neiges entraÃnées, Sources, gaves, ruisseaux, torrents des Pyrénées; Monts gelés et fleuris, trÎne des deux saisons, Dont le front est de glace et le pied de gazons! 15 C'est là qu'il faut s'asseoir, c'est là qu'il faut entendre Les airs lointains d'un Cor mélancolique et tendre. Souvent un voyageur, lorsque l'air est sans bruit, De cette voix d'airain fait retentir la nuit; À ses chants cadencés autour de lui se mÃÂȘle 20 L'harmonieux grelot du jeune agneau qui bÃÂȘle. Une biche attentive, au lieu de se cacher, Se suspend immobile au sommet du rocher, Et la cascade unit, dans une chute immense, Son éternelle plainte au chant de la romance. 25 Âmes des Chevaliers, revenez-vous encor? Est-ce vous qui parlez avec la voix du Cor? Roncevaux! Roncevaux! dans ta sombre vallée L'ombre du grand Roland n'est donc pas consolée! II Tous les preux étaient morts, mais aucun n'avait fui. 30 Il reste seul debout, Olivier prÚs de lui; L'Afrique sur les monts l'entoure et tremble encore. " Roland, tu vas mourir, rends-toi, criait le More; Tous tes pairs sont couchés dans les eaux des torrents. " - Il rugit comme un tigre, et dit " Si je me rends, 35 Africain, ce sera lorsque les Pyrénées Sur l'onde avec leurs corps rouleront entraÃnées. " - " Rends-toi donc, répond-il, ou meurs, car les voilà . " Et du plus haut des monts un grand rocher roula. Il bondit, il roula jusqu'au fond de l'abÃme, 40 Et de ses pins, dans l'onde, il vint briser la cime. - " Merci, cria Roland; tu m'as fait un chemin. " Et jusqu'au pied des monts le roulant d'une main, Sur le roc affermi comme un géant s'élance, Et, prÃÂȘte à fuir, l'armée à ce seul pas balance. III 45 Tranquilles cependant, Charlemagne et ses preux Descendaient la montagne et se parlaient entre eux. À l'horizon déjà , par leurs eaux signalées, De Luz et d'ArgelÚs se montraient les vallées. L'armée applaudissait. Le luth du troubadour 50 S'accordait pour chanter les saules de l'Adour; Le vin français coulait dans la coupe étrangÚre; Le soldat, en riant, parlait à la bergÚre. Roland gardait les monts; tous passaient sans effroi. Assis nonchalamment sur un noir palefroi 55 Qui marchait revÃÂȘtu de housses violettes, Turpin disait, tenant les saintes amulettes " Sire, on voit dans le ciel des nuages de feu; Suspendez votre marche; il ne faut tenter Dieu. Par monsieur saint Denis, certes ce sont des ùmes 60 Qui passent dans les airs sur ces vapeurs de flammes. Deux éclairs ont relui, puis deux autres encor. " Ici l'on entendit le son lointain du Cor. - L'Empereur étonné, se jetant en arriÚre, Suspend du destrier la marche aventuriÚre. 65 " Entendez-vous? dit-il. - Oui, ce sont des pasteurs Rappelant les troupeaux épars sur les hauteurs, Répondit l'archevÃÂȘque, ou la voix étouffée Du nain vert Obéron qui parle avec sa Fée. " Et l'Empereur poursuit; mais son front soucieux 70 Est plus sombre et plus noir que l'orage des cieux. Il craint la trahison, et, tandis qu'il y songe, Le Cor éclate et meurt, renaÃt et se prolonge. " Malheur! c'est mon neveu! malheur! car, si Roland Appelle à son secours, ce doit ÃÂȘtre en mourant. 75 ArriÚre, chevaliers, repassons la montagne! Tremble encor sous nos pieds, sol trompeur de l'Espagne! " IV Sur le plus haut des monts s'arrÃÂȘtent les chevaux; L'écume les blanchit; sous leurs pieds, Roncevaux Des feux mourants du jour à peine se colore. 80 À l'horizon lointain fuit l'étendard du More. - " Turpin, n'as-tu rien vu dans le fond du torrent? - J'y vois deux chevaliers l'un mort, l'autre expirant. Tous deux sont écrasés sous une roche noire; Le plus fort, dans sa main, élÚve un Cor d'ivoire, 85 Son ùme en s'exhalant nous appela deux fois. " Dieu! que le son du Cor est triste au fond des bois! Écrit à Pau, en 1825. LE BAL POÈME La harpe tremble encore et la flûte soupire, Car la valse bondit dans son sphérique empire, Des couples passagers éblouissent les yeux, Volent entrelacés en cercles gracieux, 5 Suspendent des repos balancés en mesure, Aux reflets d'une glace admirent leur parure, Repartent; puis, troublés par leur groupe riant, Dans leurs tours moins adroits se heurtent en criant. La danseuse, enivrée aux transports de la fÃÂȘte, 10 SÚme et foule en passant les bouquets de sa tÃÂȘte, Au bras qui la soutient se livre, et, pùlissant, Tourne, les yeux baissés sur un sein frémissant. Courez, jeunes beautés, formez la double danse. Entendez-vous l'archet du bal joyeux, 15 Jeunes beautés? BientÎt la légÚre cadence Toutes va, tout à coup, vous mÃÂȘler à mes yeux. Dansez, et couronnez de fleurs vos fronts d'albùtre Liez au blanc muguet l'hyacinthe bleuùtre. Et que vos pas moelleux, délices d'un amant, 20 Sur le chÃÂȘne poli glissent légÚrement; Dansez, car dÚs demain vos mÚres exigeantes A vos jeunes travaux vous diront négligentes; L'aiguille détestée aura fui de vos doigts, Ou, de la mélodie interrompant les lois, 25 Sur l'instrument mobile, harmonieux ivoire, Vos mains auront perdu la touche blanche et noire; Demain, sous l'humble habit du jour laborieux, Un livre, sans plaisir, fatiguera vos yeux... Ils chercheront en vain, sur la feuille indocile, 30 De ses simples discours le sens clair et facile; Loin du papier noirci, votre esprit égaré, Partant, seul et léger, vers le bal adoré, Laissera de vos yeux l'indécise prunelle Recommencer vingt fois une page éternelle. 35 Prolongez, s'il se peut, oh! prolongez la nuit, Qui d'un pas diligent plus que vos pas s'enfuit! Le signal est donné, l'archet frémit encore Elancez-vous, liez ces pas nouveaux Que l'Anglais inventa, noeuds chers à Terpsichore, 40 Qui d'une molle chaÃne imitent les anneaux. Dansez, un soir encore usez de votre vie L'étincelante nuit d'un long jour est suivie; A l'orchestre brillant le silence fatal SuccÚde, et les dégoûts aux doux propos du bal. 45 Ah! reculez le jour oÃÂč, surveillantes mÚres, Vous saurez du berceau les angoisses amÚres Car, dÚs que de l'enfant le cri s'est élevé, Adieu, plaisir, long voile à demi relevé, Et parure éclatante, et beaux joyaux des fÃÂȘtes, 50 Et le soir, en passant, les riantes conquÃÂȘtes Sous les ormes, le soir, aux heures de l'amour, Quand les feux suspendus ont rallumé le jour. Mais, aux yeux maternels, les veilles inquiÚtes Ne manquÚrent jamais, ni les peines muettes 55 Que dédaigne l'époux, que l'enfant méconnaÃt, Et dont le souvenir dans les songes renaÃt. Ainsi, toute au berceau qui la tient asservie, La mÚre avec ses pleurs voit s'écouler sa vie. Rappelez les plaisirs, ils fuiront votre voix, 60 Et leurs chaÃnes de fleurs se rompront sous vos doigts. Ensemble, à pas légers, traversez la carriÚre; Que votre main touche une heureuse main, Et que vos pieds savants à leur place premiÚre Reviennent, balancés dans leur double chemin. 65 Dansez un jour, hélas! Î reines éphémÚres! De votre jeune empire auront fui les chimÚres. Rien n'occupera plus vos coeurs désenchantés, Que des rÃÂȘves d'amour bien vite épouvantés, Et le regret lointain de ces fraÃches années 70 Qu'un souffle a fait mourir, en moins de temps fanées Que la rose et l'oeillet, l'honneur de votre front; Et du temps indompté lorsque viendra l'affront, Quelles seront alors vos tardives alarmes? Un teint, déjà flétri, pùlira sous les larmes, 75 Les larmes à présent, doux trésors des amours, Les larmes, contre l'ùge, inutile secours Car les ans maladifs, avec un doigt de glace, Des chagrins dans vos coeurs auront marqué la place, La morose vieillesse... Ô légÚres beautés! 80 Dansez, multipliez vos pas précipités, Et dans les blanches mains les mains entrelacées, Et les regards de feu, les guirlandes froissées, Et le rire éclatant, cri des joyeux loisirs, Et que la salle au loin tremble de vos plaisirs. Paris, 1818. LE TRAPPISTE [" On a proposé au roi de profiter du temps pour quitter Madrid avec une escorte sûre; mais l'infortuné prince n'a pu se résoudre à suivre ce conseil. Le bruit s'étant répandu parmi les gardes que le roi était emmené hors du palais, prisonnier des CortÚs, l'ardeur de cette troupe fidÚle ne pouvait plus se contenir. Elle résolut de pénétrer jusqu'au palais et de mettre le roi en liberté. AprÚs une charge meurtriÚre, ils parvinrent sur la place du palais. Ils attendaient impatiemment des ordres; nul ordre ne fut donné de l'intérieur! Figurez-vous le palais du roi entouré de ses malheureux gardes, dix piÚces de canon braquées contre les portes et les fenÃÂȘtres, dix mille personnes, tant miliciens que bandits, poussant des cris épouvantables... Ils ont combattu... Le nombre des gardes échappés vers l'armée de la Foi est d'environ trois cents... Le roi a paru au balcon et a salué le peuple. " Moniteur, 15 juillet 1822.] POÈME C'ETAIT une des nuits qui des feux de l'Espagne Par des froids bienfaisants consolent la campagne; L'ombre était transparente, et le lac argenté Brillait à l'horizon sous un voile enchanté; 5 Une lune immobile éclairait les vallées OÃÂč des citronniers verts serpentent les allées; Des milliers de soleils, sans offenser les yeux, Tels qu'une poudre d'or, semaient l'azur des cieux, Et les monts inclinés, verdoyante ceinture 10 Qu'en cercles inégaux enchaÃna la nature, De leurs dÎmes en fleurs étalaient la beauté, RevÃÂȘtus d'un manteau bleuùtre et velouté. Mais aucun n'égalait, dans sa magnificence, Le mont Serrat, paré de toute sa puissance 15 Quand des nuages blancs sur son dos arrondi Roulaient leurs flots chassés par le vent du midi, Les brisant de son front, comme un nageur habile, Le géant semblait fuir sous ce rideau mobile; TantÎt un piton noir, seul dans le firmament, 20 Tel qu'un fantÎme énorme, arrivait lentement; TantÎt un bois riant, sur une roche agreste, S'éclairait, suspendu comme une Ãle céleste. Puis enfin, des vapeurs délivrant ses contours, Comme une forteresse au milieu de ses tours, 25 Sortait le pic immense il semblait à ses plaines Des vents frais de la nuit partager les haleines; Et l'orage indécis, murmurant à ses pieds, Pendait encor d'en haut sur les monts effrayés. En spectacles pompeux la nature est féconde, 30 Mais l'homme a des pensers bien plus grands que le monde. Quelquefois tout un peuple endormi dans ses maux S'éveille, et, saisissant le glaive des hameaux, Maudissant la révolte impure et tortueuse, ÉlÚve tout à coup sa voix majestueuse 35 Il redemande à Dieu ses autels profanés, Il appelle à grands cris ses rois emprisonnés; Comme un tigre, il arrache, il emporte sa chaÃne; Il s'élÚve, il grandit, il s'étend comme un chÃÂȘne, Et de ses mille bras il couvre en liberté 40 Les sillons paternels du sol qui l'a porté. Ainsi, terre indocile, à ton roi seul constante, Vendée, oÃÂč la chaumiÚre est encore une tente, Ainsi de ton Bocage aux détours meurtriers Sortirent en priant les paysans guerriers 45 Ainsi, se relevant, l'infatigable Espagne Fait sortir des héros du creux de la montagne. Sur des rochers, non loin de ces antres sacrés, OÃÂč Pélage appela les Goths désespérés, D'oÃÂč sort toujours la gloire, et qui gardent encore, 50 Hélas! les os français mÃÂȘlés à ceux du More, Au-dessus de la nue, au-dessus des torrents, Viennent de s'assembler les montagnards errants. La pourpre du réseau dont leur front s'environne Forme autour des cheveux une mùle couronne, 55 Et la corde légÚre, avec des noeuds puissants, S'est tressée en sandale à leurs pieds bondissants. Le silence est profond dans la foule attentive; Car la hache pesante, avec la flamme active, D'un chÃÂȘne que cent ans n'ont pas su protéger 60 Ont fait pour leur priÚre un autel passager. Là ce chef dont le nom sÚme au loin l'épouvante Dépose devant Dieu son oraison fervente; Triomphateur sans pompe, il va d'une humble voix Chanter le TE DEUM sous le dÎme des bois. 65 Est-ce un guerrier farouche? est-ce un pieux apÎtre? Sous la robe de l'un il a les traits de l'autre Il est prÃÂȘtre, et, pourtant, promptement irrité, Il est soldat aussi, mais plein d'austérité; Son front est triste et pùle, et son oeil intrépide; 70 Son bras frappe et bénit, son langage est rapide; Il passe dans la foule et ne s'y mÃÂȘle pas; Un pain noir et grossier compose ses repas; Il parle, on obéit; on tremble s'il commande, Et nul sur son destin ne tente une demande. 75 Le Trappiste est son nom ce terrible inconnu, Sorti jadis du monde, au monde est revenu; Car, soulevant l'oubli dont ces couvents funÚbres A leurs moines muets imposent les ténÚbres, Il reparut au jour, dans une main la croix, 80 Dans l'autre, secouant, au nom des anciens rois, Ce fouet dont Jésus-Christ, de son bras pacifique, Du haut des longs degrés du temple magnifique, Renversa les vendeurs qui souillaient le saint mur, Dans les débris épars de leur trafic impur. 85 Soit que la main de Dieu le couvre ou se retire, Le condamne à la gloire oÃÂč l'élÚve au martyre, S'il vit, il reviendra sans plainte et sans orgueil, D'un bras sanglant encore achever son cercueil, Et, reprendre, courbé, l'agriculture austÚre 90 Dont il s'est trop longtemps reposé dans la guerre. Tel un mort, évoqué par de magiques voix, Envoyé du sépulcre, apparaÃt pour les rois, Marche, prédit, menace, et retourne à sa tombe, Dont la pierre éternelle en gémissant retombe. 95 Parmi les montagnards, ces robustes bergers, Aventuriers hardis, chasseurs aux pieds légers, Qui rangent sous sa loi leur troupe volontaire, Nul n'a voulu savoir ce qu'il a voulu taire. Dieu l'inspire et l'envoie, il le dit c'est assez, 100 Pourvu que leurs combats leur soient toujours laissés. Joyeux, ils voyaient donc, sanctifiant leur gloire, Ce prÃÂȘtre offrir à Dieu leur premiÚre victoire. Pour lui, couvert de l'aube et de l'étole orné, Devant l'autel agreste il s'était retourné. 105 Déjà , soldat du Christ prÚs d'entrer dans la lice, Il remplissait son coeur des baumes du calice. Mais des soupirs, des bruits s'élÚvent; un grand cri L'interrompt; il s'étonne, et, lui-mÃÂȘme attendri, Voit un jeune inconnu, dont la tÃÂȘte est sanglante, 110 TraÃnant jusqu'à l'autel sa marche faible et lente, Montrant un fer brisé qui soutenait sa main, Qui défendit sa fuite et fraya son chemin. C'est un de ces guerriers dont la constante veille Fait qu'en ses palais d'or la royauté sommeille. 115 Il tombe! mais il parle, et sa tremblante voix S'efforce à ce discours entrecoupé trois fois " Pour qui donc cet autel au milieu des ténÚbres? N'y chantez pas, ou bien dites des chants funÚbres. Quel Espagnol ne sait les hymnes du trépas? 120 Les nouveaux noms des morts ne vous manqueront pas J'apporte sur vos monts de sanglantes nouvelles. - Quoi! le roi n'est-il plus? disaient les voix fidÚles. - Pleurez! - Il est donc mort? - Pleurez; il est vivant! " Et le jeune martyr, sur un bras se levant, 125 Tel qu'un gladiateur dont la paupiÚre errante Cherche le sol qui tourne, et fuit sa main mourante " Nos combats sont finis, dit-il, en un seul jour; Nos taureaux ont quitté le cirque, et sans retour, Puisque le spectateur à qui s'offrait la lutte 130 N'a pas daigné lui-mÃÂȘme applaudir à leur chute. Pour vous, si vous savez les secrets du devoir, Partez, je vais mourir avant de les savoir. Mais, si vous rencontrez, non loin de ces montagnes, Des soldats qui vont vite à travers les campagnes, 135 Qui portent sous leurs bras des fusils renversés, Et passent en silence et leurs fronts abaissés, Ne les engagez pas à cesser leur retraite; Ils vous refuseraient en secouant la tÃÂȘte; Car ils ont tous besoin, mon pÚre, ainsi que moi, 140 De retremper leur ùme aux sources de la foi. Nul ne sait s'il succombe ou fidÚle ou parjure, Et si le dévoûment ne fut pas une injure. Vous, habitant sacré du mont silencieux, Instruit des saintes morts que préfÚrent les Cieux, 145 Jugez-nous et parlez... Vous savez quelle proie Le peuple osa vouloir dans sa féroce joie? Vous le savez, un roi ne porte pas des fers Sans que leur bruit s'entende an bout de l'univers. Nous qui pensions encore, avant l'heure oÃÂč nous sommes, 150 Qu'un serment prononcé devait lier les hommes, Partant avec le jour, qui se levait sur nous Brillant, mais dont le soir n'est pas venu pour tous, Au palais, dont le peuple envahissait les portes, En silence, à grands pas, marchaient nos trois cohortes 155 Quand le balcon royal à nos yeux vint s'offrir, Nous l'avons salué, car nous venions mourir. Mais, comme à notre voix il n'y paraÃt personne, Aux cris des révoltés, à leur tocsin qui sonne, A leur joie insultante, à leur nombre croissant, 160 Nous croyons le roi mort parce qu'il est absent; Et, gémissant alors sur de fausses alarmes, Accusant nos retards, nous répandions des larmes. Mais un bruit les arrÃÂȘte, et, passé dans nos rangs, Fait presque de leur mort repentir nos mourants. 165 Nous n'osons plus frapper, de peur qu'un plomb fidÚle N'aille blesser le roi dans la foule rebelle. Déjà , le fer levé, s'avancent ses amis, Par nos bourreaux sanglants à nous tuer admis. Nous recevons leurs coups longtemps avant d'y croire, 170 Et notre étonnement nous Îte la victoire. En retirant vers vous nos rangs irrésolus, Nous combattions toujours, mais nous ne pleurions plus. " II se tut. Il régna, de montagne en montagne, Un bruit sourd qui semblait un soupir de l'Espagne. 175 Le Trappiste incliné mit sa main sur ses yeux. On ne sait s'il pleura; car, tranquille et pieux, Levant son front creusé par les rides antiques, Sa voix grave apaisa les bataillons rustiques Comme au vent du midi la neige au loin se fond, 180 La rumeur s'éteignit dans un calme profond. La lune alors plus belle écartait un nuage, Et du moins héroïque éclairait le visage; Troublé sur ses sommets et dans sa profondeur, Le mont de tous ses bruits déployait la grandeur; 185 Aux mots entrecoupés du vainqueur catholique, Se mÃÂȘlait d'un torrent la voix mélancolique, Le froissement léger des mélÚzes touffus, D'un combat éloigné les coups longs et confus, Et des loups affamés les hurlements funÚbres, 190 Et le cri des vautours volant dans les ténÚbres. " FrÚres, il faut mourir; qu'importe le moment? Et si de notre mort le fatal instrument Est cette main des rois qui, jadis salutaire, Touchait pour les guérir les peuples de la terre; 195 Quand mÃÂȘme, nous brisant sous notre propre effort, L'arche que nous portons nous donnerait la mort; Quand mÃÂȘme par nous seuls la couronne sauvée Écraserait un jour ceux qui l'ont relevée, Seriez-vous étonnés, et vos fidÚles bras 200 Seraient-ils moins ardents à servir les ingrats? Vous seriez-vous flattés qu'on trouvùt sur la terre La palme réservée au martyr volontaire? Hommes toujours déçus, j'en appelle à vous tous; Interrogez vos coeurs, voyez autour de vous; 205 Rappelez vos liens, vos premiÚres années, Et d'un juste coup d'oeil sondez vos destinées. Amis, frÚres, amants, qui vous a donc appris Qu'un dévoûment jamais dût recevoir son prix? Beaucoup semaient le bien d'une main vigilante, 210 Qui n'ont pu récolter qu'une moisson sanglante. Si la couche est trompeuse et le foyer pervers, Qu'avez-vous attendu des rois de l'univers? Ô faiblesse mortelle, Î misÚre des hommes! Plaignons notre nature et le siÚcle oÃÂč nous sommes 215 Gémissons en secret sur les fronts couronnés; Mais servons-les pour Dieu qui nous les a donnés. Notre cause est sacrée, et dans les coeurs subsiste. En vain les rois s'en vont la royauté résiste, Son principe est en haut, en haut est son appui; 220 Car tout vient du Seigneur, et tout retourne à lui. Dieu seul est juste, enfants; sans lui tout est mensonge, Sans lui le mourant dit " La vertu n'est qu'un songe. " Nous allons le prier, et pour le prince absent, Et pour tous les martyrs dont coule encor le sang. 225 Je donne cette nuit à vos derniÚres larmes Demain, nous chercherons, à la pointe des armes, Pour le roi la couronne, et des tombeaux pour nous. " Amen! dit l'assemblée, en tombant à genoux. En 1822, à Courbevoie. LA FRÉGATE LA SÉRIEUSE OU LA PLAINTE DU CAPITAINE POÈME I QU'ELLE était belle, ma frégate, Lorsqu'elle voguait dans le vent! Elle avait, au soleil levant, Toutes les couleurs de l'agate; 5 Ses voiles luisaient le matin Comme des ballons de satin; Sa quille mince, longue et plate, Portait deux bandes d'écarlate Sur vingt-quatre canons cachés; 10 Ses mùts, en arriÚre penchés, Paraissaient à demi-couchés. Dix fois plus vive qu'un pirate, En cent jours du Havre à Surate Elle nous emporta souvent. 15 - Qu'elle était belle, ma frégate, Lorsqu'elle voguait dans le vent! II BREST vante son beau port et cette rade insigne OÃÂč peuvent manoeuvrer trois cents vaisseaux de ligne; BOULOGNE, sa cité haute et double, et CALAIS, 20 Sa citadelle assise en mer comme un palais; DIEPPE a son vieux chùteau soutenu par la dune, Ses baigneuses cherchant la vague au clair de lune, Et ses deux monts en vain par la mer insultés; CHERBOURG a ses fanaux de bien loin consultés, 25 Et gronde en menaçant Guernsey la sentinelle Debout prÚs de Jersey, presque en France ainsi qu'elle. LORIENT, dans sa rade au mouillage inégal, Reçoit la poudre d'or des noirs du Sénégal; SAINT-MALO dans son port tranquillement regarde 30 Mille rochers debout qui lui servent de garde; LE HAVRE a pour parure ensemble et pour appui Notre-Dame de Grùce et HONFLEUR devant lui; BORDEAUX, de ses longs quais parés de maisons neuves, Porte jusqu'à la mer ses vins sur deux grands fleuves; 35 Toute ville à MARSEILLE aurait droit d'envier Sa ceinture de fruits, d'orange et d'olivier; D'or et de fer BAYONNE en tout temps fut prodigue; Du grand cardinal-duc LA ROCHELLE a la digue; Tous nos ports ont leur gloire ou leur luxe à nommer; 40 Mais TOULON a lancé la Sérieuse en mer. LA TRAVERSÉE III Quand la belle Sérieuse Pour l'Égypte appareilla, Sa figure gracieuse Avant le jour s'éveilla; 45 A la lueur des étoiles Elle déploya ses voiles, Leurs cordages et leurs toiles, Comme de larges réseaux, Avec ce long bruit qui tremble, 50 Qui se prolonge et ressemble Au bruit des ailes qu'ensemble Ouvre une troupe d'oiseaux. IV DÚs que l'ancre dégagée, Revient par son cùble à bord, 55 La proue alors est changée, Selon l'aiguille et le nord. La Sérieuse l'observe, Elle passe la Réserve, Et puis marche de conserve 60 Avec le grand Orient Sa voilure toute blanche Comme un sein gonflé se penche; Chaque mùt, comme une branche, Touche la vague en pliant. V 65 Avec sa démarche leste, Elle glisse et prend le vent, Laisse à l'arriÚre l'Alceste, Et marche seule à l'avant. Par son pavillon conduite, 70 L'escadre n'est à sa suite Que lorsqu'arrÃÂȘtant sa fuite, Elle veut l'attendre enfin Mais, de bons marins pourvue, AussitÎt qu'elle est en vue, 75 Par sa manoeuvre imprévue, Elle part comme un dauphin. VI Comme un dauphin elle saute, Elle plonge comme lui Dans la mer profonde et haute, 80 OÃÂč le feu Saint-Elme a lui. Le feu serpente avec grùce; Du gouvernail qu'il embrasse Il marque longtemps la trace, Et l'on dirait un éclair 85 Qui, n'ayant pu nous atteindre, Dans les vagues va s'éteindre, Mais ne cesse de les teindre Du prisme enflammé de l'air. VII Ainsi qu'une forÃÂȘt sombre 90 La flotte venait aprÚs, Et de loin s'étendait l'ombre De ses immenses agrÚs. En voyant le Spartiate, Le Franklin et sa frégate, 95 Le bleu, le blanc, l'écarlate, De cent mùts nationaux, L'armée, en convoi, remise Comme en garde à l'Artémise, Nous nous dÃmes " C'est Venise 100 Qui s'avance sur les eaux. " VIII Quel plaisir d'aller si vite, Et de voir son pavillon, Loin des terres qu'il évite Tracer un noble sillon! 105 Au large on voit mieux le monde, Et sa tÃÂȘte énorme et ronde Qui se balance et qui gronde, Comme éprouvant un affront, Parce que l'homme se joue 110 De sa force, et que la proue, Ainsi qu'une lourde roue, Fend sa route sur son front. IX Quel plaisir! et quel spectacle Que l'élément triste et froid 115 Ouvert ainsi sans obstacle Par un bois de chÃÂȘne étroit! Sur la plaine humide et sombre, La nuit, reluisaient dans l'ombre Des insectes en grand nombre, 120 De merveilleux vermisseaux, Troupe brillante et frivole, Comme un feu follet qui vole, Ornant chaque banderole Et chaque mùt des vaisseaux. X 125 Et surtout la Sérieuse Était belle, nuit et jour; La mer, douce et curieuse, La portait avec amour, Comme un vieux lion abaisse 130 Sa longue criniÚre épaisse, Et, sans l'agiter, y laisse Se jouer le lionceau; Comme sur sa tÃÂȘte agile Une femme tient l'argile, 135 Ou le jonc souple et fragile D'un mystérieux berceau. XI Moi, de sa poupe hautaine Je ne m'absentais jamais, Car, étant son capitaine, 140 Comme un enfant je l'aimais J'aurais moins aimé peut-ÃÂȘtre L'enfant que j'aurais vu naÃtre; De son coeur on n'est pas maÃtre. Moi, je suis un vrai marin; 145 Ma naissance est un mystÚre; Sans famille, et solitaire, Je ne connais pas la terre, Et la vois avec chagrin. XII Mon banc de quart est mon trÎne, 150 J'y rÚgne plus que les rois; Sainte Barbe est ma patronne; Mon sceptre est mon porte-voix; Ma couronne est ma cocarde; Mes officiers sont ma garde; 155 A tous les vents je hasarde Mon peuple de matelots, Sans que personne demande A quel bord je veux qu'il tende, Et pourquoi je lui commande 160 D'ÃÂȘtre plus fort que les flots. XIII Voilà toute la famille Qu'en mon temps il me fallait; Ma frégate était ma fille. " Va! " lui disais-je. Elle allait, 165 S'élançait dans la carriÚre, Laissant l'écueil en arriÚre, Comme un cheval sa barriÚre; Et l'on m'a dit qu'une fois Quand je pris terre en Sicile 170 Sa marche fut moins facile Elle parut indocile Aux ordres d'une autre voix. XIV On l'aurait crue animée! Toute l'Égypte la prit, 175 Si blanche et si bien formée, Pour un gracieux Esprit Des Français compatriote, Lorsqu'en avant de la flotte, Dont elle était le pilote, 180 Doublant une vieille tour, Elle entra, sans avarie, Aux cris " Vive la patrie! " Dans le port d'Alexandrie, Qu'on appelle Abou-Mandour. LE REPOS XV 185 Une fois, par malheur, si vous avez pris terre, Peut-ÃÂȘtre qu'un de vous, sur un lac solitaire, Aura vu, comme moi, quelque cygne endormi, Qui se laissait au vent balancer à demi. Sa tÃÂȘte nonchalante, en arriÚre appuyée, 190 Se cache dans la plume au soleil essuyée Son poitrail est lavé par le flot transparent, Comme un écueil oÃÂč l'eau se joue en expirant; Le duvet qu'en passant l'air dérobe à sa plume Autour de lui s'envole et se mÃÂȘle à l'écume; 195 Une aile est son coussin, l'autre est son éventail; Il dort, et de son pied le large gouvernail Trouble encore, en ramant, l'eau tournoyante et douce, Tandis que sur ses flancs se forme un lit de mousse, De feuilles et de joncs, et d'herbages errants 200 Qu'apportent prÚs de lui d'invisibles courants. LE COMBAT XVI Ainsi prÚs d'Aboukir reposait ma frégate; A l'ancre dans la rade, en avant des vaisseaux, On voyait de bien loin son corset d'écarlate Se mirer dans les eaux. 205 Ses canots l'entouraient, à leur place assignée. Pas une voile ouverte, on était sans dangers. Ses cordages semblaient des filets d'araignée, Tant ils étaient légers. Nous étions tous marins. Plus de soldats timides 210 Qui chancellent à bord ainsi que des enfants; Ils marchaient sur leur sol, prenant des Pyramides, Montant des éléphants. Il faisait beau. - La mer, de sable environnée, Brillait comme un bassin d'argent entouré d'or; 215 Un vaste soleil rouge annonça la journée Du quinze thermidor. La Sérieuse alors s'ébranla sur sa quille Quand venait un combat, c'était toujours ainsi; Je le reconnus bien, et je lui dis " Ma fille, 220 Je te comprends, merci! " J'avais une lunette exercée aux étoiles; Je la pris, et la tins ferme sur l'horizon. - Une, deux, trois, - je vis treize et quatorze voiles Enfin, c'était Nelson. 225 Il courait contre nous en avant de la brise; Et la Sérieuse à l'ancre, immobile s'offrant, Reçut le rude abord sans en ÃÂȘtre surprise, Comme un roc un torrent. Tous passÚrent prÚs d'elle en lùchant leur bordée; 230 FiÚre, elle répondit aussi quatorze fois, Et par tous les vaisseaux elle fut débordée, Mais il en resta trois. Trois vaisseaux de haut bord - combattre une frégate! Est-ce l'art d'un marin? le trait d'un amiral? 235 Un écumeur de mer, un forban, un pirate, N'eût pas agi si mal! N'importe! elle bondit, dans son repos troublée, Elle tourna trois fois jetant vingt-quatre éclairs, Et rendit tous les coups dont elle était criblée, 240 Feux pour feux, fers pour fers. Ses boulets enchaÃnés fauchaient des mùts énormes, Faisaient voler le sang, la poudre et le goudron, S'enfonçaient dans le bois, comme au coeur des grands ormes Le coin du bûcheron. 245 Un brouillard de fumée oÃÂč la flamme étincelle L'entourait; mais, le corps brûlé, noir, écharpé, Elle tournait, roulait, et se tordait sous elle, Comme un serpent coupé. Le soleil s'éclipsa dans l'air plein de bitume. 250 Ce jour entier passa dans le feu, dans le bruit; Et, lorsque la nuit vint, sous cette ardente brume On ne vit pas la nuit. Nous étions enfermés comme dans un orage Des deux flottes au loin le canon s'y mÃÂȘlait; 255 On tirait en aveugle à travers le nuage Toute la mer brûlait. Mais, quand le jour revint, chacun connut son oeuvre. Les trois vaisseaux flottaient démùtés, et si las, Qu'ils n'avaient plus de force assez pour la manoeuvre; 260 Mais ma frégate, hélas! Elle ne voulait plus obéir à son maÃtre Mutilée, impuissante, elle allait au hasard; Sans gouvernail, sans mùt, on n'eût pu reconnaÃtre La merveille de l'art! 265 Engloutie à demi, son large pont à peine, S'affaissant par degrés, se montrait sur les flots; Et là ne restaient plus, avec moi capitaine, Que douze matelots. Je les fis mettre en mer à bord d'une chaloupe, 270 Hors de notre eau tournante et de son tourbillon; Et je revins tout seul me coucher sur la poupe Au pied du pavillon. J'aperçus des Anglais les figures livides, Faisant pour s'approcher un inutile effort 275 Sur leurs vaisseaux flottants comme des tonneaux vides, Vaincus par notre mort. La Sérieuse alors semblait à l'agonie; L'eau dans ses cavités bouillonnait sourdement; Elle, comme voyant sa carriÚre finie, 280 Gémit profondément. Je me sentis pleurer, et ce fut un prodige, Un mouvement honteux; mais bientÎt l'étouffant " Nous nous sommes conduits comme il fallait, lui dis-je; Adieu donc, mon enfant! " 285 Elle plonge d'abord sa poupe, et puis sa proue; Mon pavillon noyé se montrait en dessous; Puis elle s'enfonça, tournant comme une roue, Et la mer vint sur nous. XVII Hélas! deux mousses d'Angleterre 290 Me sauvÚrent alors, dit-on, Et me voici sur un ponton ; - J'aimerais presque autant la terre! Cependant je respire ici L'odeur de la vague et des brises. 295 Vous ÃÂȘtes marins. Dieu merci! Nous causons de combats, de prises; Nous fumons, et nous prenons l'air Qui vient aux sabords de la mer, Votre voix m'anime et me flatte, 300 Aussi je vous dirai souvent Qu'elle était belle ma frégate, Lorsqu'elle voguait dans le vent! " Dieppe, 1828. LES AMANTS DE MONTMORENCY ÉLÉVATION I ETAIENT-ILS malheureux? Esprits qui le savez! Dans les trois derniers jours qu'ils s'étaient réservés, Vous les vÃtes partir tous deux, l'un jeune et grave, L'autre joyeuse et jeune. Insouciante esclave, 5 Suspendue au bras droit de son rÃÂȘveur amant, Comme à l'autel un vase attaché mollement, Balancée en marchant sur sa flexible épaule Comme la harpe juive à la branche du saule; Riant, les yeux en l'air, et la main dans sa main, 10 Elle allait en comptant les arbres du chemin, Pour cueillir une fleur demeurait en arriÚre, Puis revenait à lui, courant dans la poussiÚre, L'arrÃÂȘtait par l'habit pour l'embrasser, posait Un oeillet sur sa tÃÂȘte, et chantait, et jasait 15 Sur les passants nombreux, sur la riche vallée Comme un large tapis à ses pieds étalée; Beau tapis de velours chatoyant et changeant, Semé de clochers d'or et de maisons d'argent, Tout pareils aux jouets qu'aux enfants on achÚte 20 Et qu'au hasard pour eux par la chambre l'on jette. Ainsi, pour lui complaire, on avait sous ses pieds Répandu des bijoux brillants, multipliés, En forme de troupeaux, de village aux toits roses Ou bleus, d'arbres rangés, de fleurs sous l'onde écloses, 25 De murs blancs, de bosquets bien noirs, de lacs bien verts, Et de chÃÂȘnes tordus, par la poitrine ouverts; Elle voyait ainsi tout préparé pour elle Enfant, elle jouait, en marchant, toute belle, Toute blonde amoureuse et fiÚre; et c'est ainsi 30 Qu'ils allÚrent à pied jusqu'à Montmorency. II Ils passÚrent deux jours d'amour et d'harmonie, De chants et de baisers, de voix, de lÚvre unie, De regards confondus, de soupirs bienheureux, Qui furent deux moments et deux siÚcles pour eux. 35 La nuit, on entendait leurs chants; dans la journée, Leur sommeil, tant leur ùme était abandonnée Aux caprices divins du désir! Leurs repas Etaient rares, distraits; ils ne les voyaient pas. Ils allaient, ils allaient au hasard et sans heures, 40 Passant des champs aux bois, et des bois aux demeures, Se regardant toujours, laissant les airs chantés Mourir, et tout à coup restaient comme enchantés. L'extase avait fini par éblouir leur ùme, Comme seraient nos yeux éblouis par la flamme. 45 Troublés, ils chancelaient, et, le troisiÚme soir, Ils étaient enivrés jusques à ne rien voir Que les feux mutuels de leurs yeux. La nature Étalait vainement sa confuse peinture Autour du front aimé, derriÚre les cheveux 50 Que leurs yeux noirs voyaient tracés dans leurs yeux bleus. Ils tombÚrent assis sous des arbres peut-ÃÂȘtre... Ils ne le savaient pas. Le soleil allait naÃtre Ou s'éteindre... Ils voyaient seulement que le jour Était pùle, et l'air doux, et le monde en amour... 55 Un bourdonnement faible emplissait leur oreille D'une musique vague au bruit des mers pareille, Et formant des propos tendres, légers, confus, Que tous deux entendaient, et qu'on n'entendra plus. Le vent léger disait de sa voix la plus douce 60 " Quand l'amour m'a troublé, je gémis sous la mousse. " Les mélÚzes touffus s'agitaient en disant " Secouons dans les airs le parfum séduisant Du soir, car le parfum est le secret langage Que l'amour enflammé fait sortir du feuillage. " 65 Le soleil incliné sur les monts dit encor " Par mes flots de lumiÚre et par mes gerbes d'or, Je réponds en élans aux élans de votre ùme; Pour exprimer l'amour mon langage est la flamme. " Et les fleurs exhalaient de suaves odeurs; 70 Autant que les rayons de suaves ardeurs; Et l'on eût dit des voix timides et flûtées Qui sortaient à la fois des feuilles veloutées; Et, comme un seul accord d'accents harmonieux, Tout semblait s'élever en choeur jusques aux cieux; 75 Et ces voix s'éloignaient, en rasant les campagnes, Dans les enfoncements magiques des montagnes; Et la terre sous eux palpitait mollement, Comme le flot des mers ou le coeur d'un amant; Et tout ce qui vivait, par un hymne suprÃÂȘme, 80 Accompagnait leurs voix qui se disaient " Je t'aime ! " III Or, c'était pour mourir qu'ils étaient venus là . Lequel des deux enfants le premier en parla? Comment dans leurs baisers vint la mort? Quelle balle Traversa les deux coeurs d'une atteinte inégale 85 Mais sûre? Quels adieux leurs lÚvres s'unissant LaissÚrent s'écouler avec l'ùme et le sang? Qui le saurait? Heureux celui dont l'agonie Fut dans les bras chéris avant l'autre finie! Heureux si nul des deux ne s'est plaint de souffrir! 90 Si nul des deux n'a dit Qu'on a peine à mourir! Si nul des deux n'a fait, pour se lever et vivre, Quelque effort en fuyant celui qu'il devait suivre; Et, reniant sa mort, par le mal égaré, N'a repoussé du bras l'homicide adoré? 95 Heureux l'homme surtout s'il a rendu son ùme, Sans avoir entendu ces angoisses de femme, Ces longs pleurs, ces sanglots, ces cris perçants et doux Qu'on apaise en ses bras ou sur ses deux genoux, Pour un chagrin; mais qui, si la mort les arrache, 100 Font que l'on tord ses bras, qu'on blasphÚme, qu'on cache Dans ses mains son front pùle et son coeur plein de fiel, Et qu'on se prend du sang pour le jeter au ciel. - Mais qui saura leur fin? - Sur les pauvres murailles 105 D'une auberge oÃÂč depuis l'on fit leurs funérailles, Auberge oÃÂč pour une heure ils vinrent se poser, Ployant l'aile à l'abri pour toujours reposer, Sur un vieux papier jaune, ordinaire tenture, Nous avons lu des vers d'une double écriture, 110 Des vers de fou, sans rime et sans mesure. - Un mot Qui n'avait pas de suite était tout seul en haut; Demande sans réponse, énigme inextricable, Question sur la mort. - Trois noms sur une table, Profondément gravés au couteau. - C'était d'eux 115 Tout ce qui demeurait... et le récit joyeux D'une fille au bras rouge. " Ils n'avaient, disait-elle, Rien oublié. " La bonne eut quelque bagatelle Qu'elle montre en suivant leurs traces, pas à pas. - Et Dieu? - Tel est le siÚcle ils n'y pensÚrent pas. Écrit à Montmorency, 27 avril 1830. PARIS. ÉLÉVATION. " Prends ma main. Voyageur, et montons sur la Regarde tout en bas, et regarde à l'entour. Regarde jusqu'au bout de l'horizon, regarde Du nord au sud. Partout oÃÂč ton oeil se hasarde, 5 Qu'il s'attache avec feu, comme l'oeil du serpent Qui pompe du regard ce qu'il suit en rampant, Tourne sur le donjon qu'un parapet prolonge, D'oÃÂč la vue à loisir sur tous les points se plonge Et rÚgne, du zénith, sur un monde mouvant 10 Comme l'éclair, l'oiseau, le nuage et le vent. Que vois-tu dans la nuit, à nos pieds, dans l'espace, Et partout oÃÂč mon doigt tourne, passe et repasse? - Je vois un cercle noir si large et si profond, Que je n'en aperçois ni le bout ni le fond. 15 Des collines, au loin, me semblent sa ceinture, Et pourtant je ne vois nulle part la nature, Mais partout la main d'homme et l'angle que sa main Impose à la matiÚre en tout travail humain. Je vois ces angles noirs et luisants qui, dans l'ombre, 20 L'un sur l'autre entassés, sans ordre ni sans nombre, Coupent des murs blanchis pareils à des tombeaux. - Je vois fumer, brûler, éclater des flambeaux, Brillant sur cet abÃme oÃÂč l'air pénÚtre à peine Comme des diamants incrustés dans l'ébÚne. 25 - Un fleuve y dort sans bruit, replié dans son cours, Comme dans un buisson la couleuvre aux cent tours. Des ombres de palais, de dÎmes et d'aiguilles, De tours et de donjons, de clochers, de bastilles, De chùteaux-forts, de kiosks et d'aigus minarets; 30 De formes de remparts, de jardins, de forÃÂȘts, De spirales, d'arceaux, de parcs, de colonnades, D'obélisques, de ponts, de portes et d'arcades, Tout fourmille et grandit, se cramponne en montant, Se courbe, se replie, ou se creuse ou s'étend. 35 - Dans un brouillard de feu je crois voir ce grand rÃÂȘve. La Tour oÃÂč nous voilà dans ce cercle s'élÚve; En le traçant jadis, c'est ici, n'est-ce pas, Que Dieu mÃÂȘme a posé le centre du compas? Le vertige m'enivre, et sur mes yeux il pÚse. 40 Vois-je une Roue ardente, ou bien une Fournaise? " - Oui, c'est bien une Roue; et c'est la main de Dieu Qui tient et fait mouvoir son invisible essieu. Vers le but inconnu sans cesse elle s'avance. On la nomme PARIS, le pivot de la France. 45 Quand la vivante Roue hésite dans ses tours, Tout hésite et s'étonne, et recule en son cours. Les rayons effrayés disent au cercle " ArrÃÂȘte. " Il le dit à son tour aux cercles dont la crÃÂȘte S'enchùsse dans la sienne et tourne sous sa loi. 50 L'un le redit à l'autre; et l'impassible roi, Paris, l'axe immortel, Paris, l'axe du monde, Puise ses mouvements dans sa vigueur profonde, Les communique à tous, les imprime à chacun, Les impose de force, et n'en reçoit aucun. 55 Il se meut; tout s'ébranle, et tournoie et circule; Le coeur du ressort bat, et pousse la bascule; L'aiguille tremble et court à grands pas; le levier Monte et baisse en sa ligne, et n'ose dévier. Tous marchent leur chemin, et chacun d'eux écoute 60 Le pas régulateur qui leur creuse la route. Il leur faut écouter et suivre; il le faut bien Car lorsqu'il arriva, dans un temps plus ancien, Qu'un rouage isola son mouvement diurne, Dans le bruit du travail demeura taciturne, 65 Et, brisa, par orgueil, sa chaÃne et son ressort, Comme un bras que l'on coupe, il fut frappé de mort. Car Paris l'éternel de leurs efforts se joue, Et le moyeu divin tournerait sans la roue; Quand mÃÂȘme tout voudrait revenir sur ses pas, 70 Seul il irait; lui seul ne s'arrÃÂȘterait pas, Et tu verrais la force et l'union ravie Aux rayons qui partaient de son centre de vie. C'est donc bien, voyageur, une roue en effet. Le vertige parfois est prophétique. Il fait 75 Qu'une fournaise ardente éblouit ta paupiÚre? C'est la fournaise aussi que tu vois. - Sa lumiÚre Teint de rouge les bords du ciel noir et profond; C'est un feu sous un dÎme obscur, large et sans fond; Là , dans les nuits d'hiver et d'été, quand les heures 80 Font du bruit en sonnant sur le toit des demeures, Parce que l'homme y dort, là veillent des Esprits, Grands ouvriers d'une oeuvre et sans nom et sans prix. La nuit, leur lampe brûle, et, le jour, elle fume; Le jour, elle a fumé, le soir, elle s'allume, 85 Et toujours et sans cesse alimente les feux De la Fournaise d'or que nous voyons tous deux, Et qui, se reflétant sur la sainte coupole, Est du globe endormi la céleste auréole. Chacun d'eux courbe un front pùle, il prie, il écrit, 90 Il désespÚre, il pleure; il espÚre, il sourit; Il arrache son sein et ses cheveux, s'enfonce Dans l'énigme sans fin dont Dieu sait la réponse, Et dont l'humanité, demandant son décret, Tous les mille ans rejette et cherche le secret. 95 Chacun d'eux pousse un cri d'amour vers une idée. L'un [M. l'abbé de Lamennais] soutient en pleurant la croix dépossédée, S'assied prÚs du Sépulcre et seul, comme un banni, Il se frappe en disant Lamma Sabacthani; Dans son sang, dans ses pleurs, il baigne, il noie, il plonge 100 La couronne d'épine et la lance et l'éponge, Baise le corps du Christ, le soulÚve, et lui dit " Reparais, Roi des Juifs, ainsi qu'il est prédit; Viens, ressuscite encore aux yeux du seul apÎtre. L'Église meurt renais dans sa cendre et la nÎtre, 105 RÚgne, et sur les débris des schismes expiés, Renverse tes gardiens des lueurs de tes pieds. " Rien. Le corps du Dieu ploie aux mains du dernier homme, PrÃÂȘtre pauvre et puissant pour Rome et malgré Rome. Le cadavre adoré, de ses clous immortels 110 Ne laisse plus tomber de sang pour ses autels; Rien. Il n'ouvrira pas son oreille endormie Aux lamentations du nouveau Jérémie, Et le laissera seul, mais d'une habile main, Retremper la tiare en l'alliage humain. 115 " Liberté! " [Benjamin Constant] crie un autre, et soudain la tristesse Comme un taureau le tue aux pieds de sa déesse, Parce qu'ayant en vain quarante ans combattu, Il ne peut rien construire oÃÂč tout est abattu. N'importe! Autour de lui des travailleurs sans nombre, 120 Aveugles, inquiets, cherchent à travers l'ombre Je ne sais quels chemins qu'ils ne connaissent pas, Réglant et mesurant, sans rÚgle et sans compas, L'un sur l'autre semant des arbres sans racines, Et mettant au hasard l'ordre dans les ruines. 125 Et, comme il est écrit que chacun porte en soi Ce mal qui le tuera, regarde en bas, et voi. DerriÚre eux s'est groupée une famille forte, [L'école Saint-Simonienne] Qui les ronge et du pied pile leur oeuvre morte, Écrase les débris qu'a faits la Liberté, 130 Y roule le niveau qu'on nomme Égalité, Et veut les mettre en cendre, afin que pour sa tÃÂȘte L'homme n'ait d'autre abri que celui qu'elle apprÃÂȘte; Et c'est un temple un temple immense, universel, OÃÂč l'homme n'offrira ni l'encens, ni le sel, 135 Ni le sang, ni le pain, ni le vin, ni l'hostie, Mais son temps et sa vie en oeuvre convertie, Mais son amour de tous, son abnégation De lui, de l'héritage et de la nation. Seuls, sans pÚre et sans fils, soumis à la parole, 140 L'union est son but et le travail son rÎle, Et, selon celui-là qui parle aprÚs Jésus, Tous seront appelés et tous seront élus. - Ainsi tout est osé! Tu vois, pas de statue D'homme, de roi, de Dieu, qui ne soit abattue, 145 Mutilée à la pierre et rayée au couteau, Démembrée à la hache et broyée au marteau! Or ou plomb, tout métal est plongé dans la braise, Et jeté pour refondre en l'ardente fournaise. Tout brûle, craque, fume et coule; tout cela 150 Se tord, s'unit, se fend, tombe là , sort de là , Cela siffle et murmure ou gémit; cela crie, Cela chante, cela sonne, se parle et prie; Cela reluit, cela flambe et glisse dans l'air, Éclate en pluie ardente ou serpente en éclair. 155 OEuvre, ouvriers, tout brûle; au feu tout se féconde Salamandres partout! - Enfer! Éden du monde! Paris! principe et fin! ombre et flambeau!... - Je ne sais si c'est mal, tout cela; mais c'est beau! Mais c'est grand ! mais on sent jusqu'au fond de son ùme 160 Qu'un monde tout nouveau se forge à cette flamme, Ou soleil, ou comÚte, on sent bien qu'il sera; Qu'il brûle ou qu'il éclaire, on sent qu'il tournera, Qu'il surgira brillant à travers la fumée, Qu'il vÃÂȘtira pour tous quelque forme animée, 165 Symbolique, imprévue et pure, on ne sait quoi, Qui sera pour chacun le signe d'une foi, Couvrira, devant Dieu, la terre comme un voile, Ou de son avenir sera comme l'étoile, Et, dans des flots d'amour et d'union, enfin 170 Guidera la famille humaine vers sa fin; Mais que peut-ÃÂȘtre aussi, brûlant, pareil au glaive Dont le feu dessécha les pleurs dans les yeux d'Eve, Il ira labourant le globe comme un champ, Et semant la douleur du levant au couchant 175 Rasant l'oeuvre de l'homme et des temps comme l'herbe Dont un vaste incendie emporte chaque gerbe, En laissant le désert, qui suit son large cours Comme un géant vainqueur, s'étendre pour toujours. Peut-ÃÂȘtre que, partout oÃÂč se verra sa flamme, 180 Dans tout corps s'éteindra le coeur, dans tout coeur l'ùme, Que rois et nations, se jetant à genoux, Aux rochers ébranlés crieront " Écrasez-nous! Car voilà que Paris encore nous envoie Une perdition qui brise notre voie! " 185 - Que fais-tu donc, Paris, dans ton ardent foyer? Que jetteras-tu donc dans ton moule d'acier ? Ton ouvrage est sans forme, et se pétrit encore Sous la main ouvriÚre et le marteau sonore; Il s'étend, se resserre, et s'engloutit souvent 190 Dans le jeu des ressorts et du travail savant, Et voilà que déjà l'impatient esclave Se meut dans la Fournaise, et, sous les flots de lave, Il nous montre une tÃÂȘte énorme, et des regards Portant l'ombre et le jour dans leurs rayons hagards. 195 Je cessai de parler, car, dans le grand silence, Le sourd mugissement du centre de la France Monta jusqu'à la tour oÃÂč nous étions placés, Apporté par le vent des nuages glacés. - Comme l'illusion de la raison se joue! 200 Je crus sentir mes pieds tourner avec la roue, Et le feu du brasier qui montait vers les cieux M'éblouit tellement que je fermai les yeux. - " Ah! dit le Voyageur, la hauteur oÃÂč nous sommes De corps et d'ùme est trop pour la force des hommes. 205 La tÃÂȘte a ses faux pas comme le pied les siens; Vous m'avez soutenu, c'est moi qui vous soutiens, Et je chancelle encor, n'osant plus sur la terre Contempler votre ville et son double mystÚre. Mais je crains bien pour elle et pour vous, car voilà 210 Quelque chose de noir, de lourd, de vaste, là , Au plus haut point du ciel, oÃÂč ne sauraient atteindre Les feux dont l'horizon ne cesse de se teindre; Et je crois entrevoir ce rocher ténébreux Qu'annoncÚrent jadis les prophÚtes hébreux. 215 Lorsqu'une meule énorme, ont-ils dit... - Il me semble La voir. - ...apparaÃtra sur la cité... - Je tremble Que ce ne soit Paris. - ...dont les enfants auront Effacé Jésus-Christ du coeur comme du front... Vous l'avez fait! - ...alors que la ville enivrée 220 D'elle-mÃÂȘme, au plaisir du sang sera livrée... Qu'en pensez-vous? - ...alors l'Ange la rayera Du monde, et le rocher du ciel l'écrasera. " Je souris tristement - " Il se peut bien, lui dis-je, Que cela nous arrive avec ou sans prodige; 225 Le ciel est noir sur nous ; mais il faudrait alors Qu'ailleurs, pour l'avenir, il fût d'autres trésors, Et je n'en connais pas. Si la force divine Est en ceux dont l'esprit sent, prévoit et devine, Elle est ici. - Le Ciel la révÚre. - Et sur nous 230 L'ange exterminateur frapperait à genoux, Et sa main, à la fois flamboyante et timide, Tremblerait de commettre un second déicide. Mais abaissons nos yeux, et n'allons pas chercher Si ce que nous voyons est nuage ou rocher. 235 Descendons et quittons cette imposante cime D'oÃÂč l'esprit voit un rÃÂȘve et le corps un abÃme. - Je ne sais d'assurés, dans le chaos du sort, Que deux points seulement, LA SOUFFRANCE ET LA MORT. Tous les hommes y vont avec toutes les villes. 240 Mais les cendres, je crois, ne sont jamais stériles. Si celles de Paris un jour sur ton chemin Se trouvent, pÚse-les, et prends-nous dans ta main, Et, voyant à la place une rase campagne, Dis " Le volcan a fait éclater sa montagne! " 245 Pense au triple labeur que je t'ai révélé, Et songe qu'au-dessus de ceux dont j'ai parlé Il en fut de meilleurs et de plus purs encore, Rares parmi tous ceux dont leur temps se décore, Que la foule admirait et blùmait à moitié, 250 Des hommes pleins d'amour, de doute et de pitié, Qui disaient Je ne sais, des choses de la vie, Dont le pouvoir ou l'or ne fut jamais l'envie, Et qui, par dévouement, sans détourner les yeux, Burent jusqu'à la lie un calice odieux. 255 - Ensuite, Voyageur, tu quitteras l'enceinte, Tu jetteras au vent cette poussiÚre éteinte, Puis, levant seul ta voix dans le désert sans bruit, Tu crieras ; " Pour longtemps le monde est dans la nuit! " Écrit le 16 janvier 1834, à Paris. OEUVRES POSTHUMES Les Destinées PoÚmes philosophiques LES DESTINÉES Depuis le premier jour de la création, Les pieds lourds et puissants de chaque Destinée Pesaient sur chaque tÃÂȘte et sur toute action. Chaque front se courbait et traçait sa journée, 5 Comme le front d'un boeuf creuse un sillon profond Sans dépasser la pierre oÃÂč sa ligne est bornée. Ces froides déités liaient le joug de plomb Sur le crùne et les yeux des hommes leurs esclaves, Tous errants, sans étoile, en un désert sans fond; 10 Levant avec effort leurs pieds chargés d'entraves, Suivant le doigt d'airain dans le cercle fatal, Le doigt des Volontés inflexibles et graves. Tristes divinités du monde oriental, Femmes au voile blanc, immuables statues, 15 Elles nous écrasaient de leur poids colossal. Comme un vol de vautours sur le sol abattues, Dans un ordre éternel, toujours en nombre égal Aux tÃÂȘtes des mortels sur la terre épandues, Elles avaient posé leur ongle sans pitié 20 Sur les cheveux dressés des races éperdues, TraÃnant la femme en pleurs et l'homme humilié. Un soir, il arriva que l'antique planÚte Secoua sa poussiÚre. - Il se fit un grand cri " Le Sauveur est venu, voici le jeune athlÚte; " 25 " Il a le front sanglant et le cÎté meurtri, Mais la Fatalité meurt au pied du ProphÚte; La Croix monte et s'étend sur nous comme un abri! " Avant l'heure oÃÂč, jadis, ces choses arrivÚrent, Tout homme était courbé, le front pùle et flétri; 30 Quand ce cri fut jeté, tous ils se relevÚrent. Détachant les noeuds lourds du joug de plomb du Sort, Toutes les nations à la fois s'écriÚrent " Ô Seigneur! est-il vrai? le Destin est-il mort? " Et l'on vit remonter vers le ciel, par volées, 35 Les filles du Destin, ouvrant avec effort Leurs ongles qui pressaient nos races désolées; Sous leur robe aux longs plis voilant leurs pieds d'airain, Leur main inexorable et leur face inflexible; Montant avec lenteur en innombrable essaim, 40 D'un vol inaperçu, sans ailes, insensible, Comme apparaÃt au soir, vers l'horizon lointain, D'un nuage orageux l'ascension paisible. - Un soupir de bonheur sortit du coeur humain; La terre frissonna dans son orbite immense, 45 Comme un cheval frémit délivré de son frein. Tous les astres émus restÚrent en silence, Attendant avec l'Homme, en la mÃÂȘme stupeur, Le suprÃÂȘme décret de la Toute-Puissance, Quand ces filles du Ciel, retournant au Seigneur, 50 Comme ayant retrouvé leurs régions natales, Autour de Jéhovah se rangÚrent en choeur, D'un mouvement pareil levant leurs mains fatales, Puis chantant d'une voix leur hymne de douleur, Et baissant à la fois leurs fronts calmes et pùles 55 " Nous venons demander la Loi de l'avenir. Nous sommes, Î Seigneur, les froides Destinées Dont l'antique pouvoir ne devait point faillir. " " Nous roulions sous nos doigts les jours et les années Devons-nous vivre encore ou devons-nous finir, 60 Des Puissances du ciel, nous, les fortes aÃnées? " Vous détruisez d'un coup le grand piÚge du Sort OÃÂč tombaient tour à tour les races consternées. Faut-il combler la fosse et briser le ressort? " Ne mÚnerons-nous plus ce troupeau faible et morne, 65 Ces hommes d'un moment, ces condamnés à mort, Jusqu'au bout du chemin dont nous posions la borne? " Le moule de la vie était creusé par nous. Toutes les passions y répandaient leur lave, Et les événements venaient s'y fondre tous. 70 " Sur les tables d'airain oÃÂč notre loi se grave, Vous effacez le nom de la FATALITE, Vous déliez les pieds de l'homme notre esclave. " Qui va porter le poids dont s'est épouvanté Tout ce qui fut créé? ce poids sur la pensée, 75 Dont le nom est en bas RESPONSABILITE? " Il se fit un silence, et la terre affaissée S'arrÃÂȘta comme fait la barque sans rameurs Sur les flots orageux, dans la nuit balancée. Une voix descendit, venant de ces hauteurs 80 OÃÂč s'engendrent, sans fin, les mondes dans l'espace; Cette voix de la terre emplit les profondeurs " Retournez en mon nom. Reines, je suis la Grùce. L'homme sera toujours un nageur incertain Dans les ondes du temps qui se mesure et passe. 85 " Vous toucherez son front, Î filles du Destin! Son bras ouvrira l'eau, qu'elle soit haute ou basse, Voulant trouver sa place et deviner sa fin. " Il sera plus heureux, se croyant maÃtre et libre, En luttant contre vous dans un combat mauvais 90 OÃÂč moi seule, d'en haut, je tiendrai l'équilibre. " De moi naÃtra son souffle et sa force à jamais. Son mérite est le mien, sa loi perpétuelle Faire ce que je veux pour venir oÃÂč JE SAIS. " Et le choeur descendit vers sa proie éternelle 95 Afin d'y ressaisir sa domination Sur la race timide, incomplÚte et rebelle. On entendit venir la sombre Légion Et retomber les pieds des femmes inflexibles, Comme sur nos caveaux tombe un cercueil de plomb. 100 Chacune prit chaque homme en ses mains invisibles; Mais, plus forte à présent dans ce sombre duel, Notre ùme en deuil combat ces Esprits impassibles. Nous soulevons parfois leur doigt faux et cruel. La volonté transporte à des hauteurs sublimes 105 Notre front éclairé par un rayon du ciel. Cependant sur nos caps, sur nos rocs, sur nos cimes, Leur doigt rude et fatal se pose devant nous, Et, d'un coup, nous renverse au fond des noirs abÃmes. Oh! dans quel désespoir nous sommes encor tous! 110 Vous avez élargi le COLLIER qui nous lie, [vous ? Mais qui donc tient la chaÃne? - Ah! Dieu juste, est-ce Arbitre libre et fier des actes de sa vie, Si notre coeur s'entr'ouvre au parfum des vertus, S'il s'embrase à l'amour, s'il s'élÚve au génie, 115 Que l'ombre des Destins, Seigneur, n'oppose plus A nos belles ardeurs une immuable entrave, A nos efforts sans fin des coups inattendus ! Ô sujet d'épouvante à troubler le plus brave! Question sans réponse oÃÂč vos saints se sont tus! 120 Ô mystÚre! Î tourment de l'ùme forte et grave! Notre mot éternel est-il C'ETAIT ECRIT? SUR LE LIVRE DE DIEU, dit l'Orient esclave; Et l'Occident répond SUR LE LIVRE DU CHRIST. Écrit au Maine-Giraud Charente, 27 août 1849. LA MAISON DU BERGER A ÉVA I Si ton coeur, gémissant du poids de notre vie, Se traÃne et se débat comme un aigle blessé, Portant comme le mien, sur son aile asservie, Tout un monde fatal, écrasant et glacé; 5 S'il ne bat qu'en saignant par sa plaie immortelle, S'il ne voit plus l'amour, son étoile fidÚle, Éclairer pour lui seul l'horizon effacé; Si ton ùme enchaÃnée, ainsi que l'est mon ùme, Lasse de son boulet et de son pain amer, 10 Sur sa galÚre en deuil laisse tomber la rame, Penche sa tÃÂȘte pùle et pleure sur la mer, Et, cherchant dans les flots une route inconnue, Y voit, en frissonnant, sur son épaule nue, La lettre sociale écrite avec le fer; 15 Si ton corps, frémissant des passions secrÚtes, S'indigne des regards, timide et palpitant; S'il cherche à sa beauté de profondes retraites Pour la mieux dérober au profane insultant; Si ta lÚvre se sÚche au poison des mensonges, 20 Si ton beau front rougit de passer dans les songes D'un impur inconnu qui te voit et t'entend Pars courageusement, laisse toutes les villes; Ne ternis plus tes pieds aux poudres du chemin; Du haut de nos pensers vois les cités serviles 25 Comme les rocs fatals de l'esclavage humain. Les grands bois et les champs sont de vastes asiles, Libres comme la mer autour des sombres Ãles. Marche à travers les champs une fleur à la main. La Nature t'attend dans un silence austÚre; 30 L'herbe élÚve à tes pieds son nuage des soirs, Et le soupir d'adieu du soleil à la terre Balance les beaux lis comme des encensoirs. La forÃÂȘt a voilé ses colonnes profondes, La montagne se cache, et sur les pùles ondes 35 Le saule a suspendu ses chastes reposoirs. Le crépuscule ami s'endort dans .la vallée Sur l'herbe d'émeraude et sur l'or du gazon, Sous les timides joncs de la source isolée Et sous le bois rÃÂȘveur qui tremble à l'horizon, 40 Se balance en fuyant dans les grappes sauvages, Jette son manteau gris sur le bord des rivages, Et des fleurs de la nuit entr'ouvre la prison. Il est sur ma montagne une épaisse bruyÚre OÃÂč les pas du chasseur ont peine à se plonger, 45 Qui plus haut que nos fronts lÚve sa tÃÂȘte altiÚre, Et garde dans la nuit le pùtre et l'étranger. Viens y cacher l'amour et ta divine faute; Si l'herbe est agitée ou n'est pas assez haute, J'y roulerai pour toi la Maison du Berger. 50 Elle va doucement avec ses quatre roues, Son toit n'est pas plus haut que ton front et tes yeux; La couleur du corail et celle de tes joues Teignent le char nocturne et ses muets essieux. Le seuil est parfumé, l'alcÎve est large et sombre, 55 Et, là , parmi les fleurs, nous trouverons dans l'ombre, Pour nos cheveux unis, un lit silencieux. Je verrai, si tu veux, les pays de la neige, Ceux oÃÂč l'astre amoureux dévore et resplendit, Ceux que heurtent les vents, ceux que la mer assiÚge, 60 Ceux oÃÂč le pÎle obscur sous sa glace est maudit. Nous suivrons du hasard la course vagabonde. Que m'importe le jour? que m'importe le monde? Je dirai qu'ils sont beaux quand tes yeux l'auront dit. Que Dieu guide à son but la vapeur foudroyante 65 Sur le fer des chemins qui traversent les monts, Qu'un Ange soit debout sur sa forge bruyante, Quand elle va sous terre ou fait trembler les ponts Et, de ses dents de feu dévorant ses chaudiÚres, Transperce les cités et saute les riviÚres, 70 Plus vite que le cerf dans l'ardeur de ses bonds! Oui, si l'Ange aux yeux bleus ne veille sur sa route, Et le glaive à la main ne plane et la défend, S'il n'a compté les coups du levier, s'il n'écoute Chaque tour de la roue en son cours triomphant, 75 S'il n'a l'oeil sur les eaux et la main sur la braise, Pour jeter en éclats la magique fournaise, Il suffira toujours du caillou d'un enfant. Sur ce taureau de fer qui fume, souffle et beugle, L'homme a monté trop tÎt. Nul ne connaÃt encor 80 Quels orages en lui porte ce rude aveugle, Et le gai voyageur lui livre son trésor, Son vieux pÚre et ses fils, il les jette en otage Dans le ventre brûlant du taureau de Carthage, Qui les rejette en cendre aux pieds du dieu de l'or. 85 Mais il faut triompher du temps et de l'espace, Arriver ou mourir. Les marchands sont jaloux. L'or pleut sous les charbons de la vapeur qui passe, Le moment et le but sont l'univers pour nous. Tous se sont dit " Allons! " mais aucun n'est le maÃtre 90 Du dragon mugissant qu'un savant a fait naÃtre; Nous nous sommes joués à plus fort que nous tous. Eh bien! que tout circule et que les grandes causes Sur les ailes de feu lancent les actions, Pourvu qu'ouverts toujours aux généreuses choses, 95 Les chemins du vendeur servent les passions! Béni soit le Commerce au hardi caducée, Si l'Amour que tourmente une sombre pensée Peut franchir en un jour deux grandes nations! Mais, à moins qu'un ami menacé dans sa vie 100 Ne jette, en appelant, le cri du désespoir, Ou qu'avec son clairon la France nous convie Aux fÃÂȘtes du combat, aux luttes du savoir; À moins qu'au lit de mort une mÚre éplorée Ne veuille encor poser sur sa race adorée 105 Ces yeux tristes et doux qu'on ne doit plus revoir, Évitons ces chemins. - Leur voyage est sans grùces, Puisqu'il est aussi prompt, sur ses lignes de fer, Que la flÚche lancée à travers les espaces Qui va de l'arc au but en faisant siffler l'air, 110 Ainsi jetée au loin, l'humaine créature Ne respire et ne voit, dans toute la nature, Qu'un brouillard étouffant que traverse un éclair. On n'entendra jamais piaffer sur une route Le pied vif du cheval sur les pavés en feu 115 Adieu, voyages lents, bruits lointains qu'on écoute, Le rire du passant, les retards de l'essieu, Les détours imprévus des pentes variées, Un ami rencontré, les heures oubliées, L'espoir d'arriver tard dans un sauvage lieu. 120 La distance et le temps sont vaincus. La science Trace autour de la terre un chemin triste et droit. Le Monde est rétréci par notre expérience, Et l'équateur n'est plus qu'un anneau trop étroit. Plus de hasard. Chacun glissera sur sa ligne, 125 Immobile au seul rang que le départ assigne, Plongé dans un calcul silencieux et froid. Jamais la RÃÂȘverie amoureuse et paisible N'y verra sans horreur son pied blanc attaché; Car il faut que ses yeux sur chaque objet visible 130 Versent un long regard, comme un fleuve épanché, Qu'elle interroge tout avec inquiétude, Et, des secrets divins se faisant une étude, Marche, s'arrÃÂȘte et marche avec le col penché. II Poésie! Î trésor! perle de la pensée! 135 Les tumultes du coeur, comme ceux de la mer, Ne sauraient empÃÂȘcher ta robe nuancée D'amasser les couleurs qui doivent te former. Mais, sitÎt qu'il te voit briller sur un front mùle, Troublé de ta lueur mystérieuse et pùle, 140 Le vulgaire effrayé commence à blasphémer. Le pur enthousiasme est craint des faibles ùmes Qui ne sauraient porter son ardeur ni son poids. Pourquoi le fuir ? - La vie est double dans les flammes. D'autres flambeaux divins nous brûlent quelquefois 145 C'est le Soleil du ciel, c'est l'Amour, c'est la Vie; Mais qui de les éteindre a jamais eu l'envie? Tout en les maudissant, on les chérit tous trois. La Muse a mérité les insolents sourires Et les soupçons moqueurs qu'éveille son aspect. 150 DÚs que son oeil chercha le regard des satyres, Sa parole trembla, son serment fut suspect; Il lui fut interdit d'enseigner la sagesse. Au passant du chemin elle criait " Largesse! " Le passant lui donna sans crainte et sans respect. 155 Ah! fille sans pudeur, fille du saint Orphée, Que n'as-tu conservé ta belle gravité! Tu n'irais pas ainsi, d'une voix étouffée, Chanter aux carrefours impurs de la cité; Tu n'aurais pas collé sur le coin de ta bouche 160 Le coquet madrigal, piquant comme une mouche, Et, prÚs de ton oeil bleu, l'équivoque effronté. Tu tombas dÚs l'enfance, et, dans la folle GrÚce, Un vieillard, t'enivrant de son baiser jaloux, Releva le premier ta robe de prÃÂȘtresse, 165 Et, parmi les garçons, t'assit sur ses genoux. De ce baiser mordant ton front porte la trace; Tu chantas en buvant dans les banquets d'Horace, Et Voltaire à la cour te traÃna devant nous. Vestale aux feux éteints! les hommes les plus graves 170 Ne posent qu'à demi ta couronne à leur front; Ils se croient arrÃÂȘtés, marchant dans tes entraves, Et n'ÃÂȘtre que poÚte est pour eux un affront. Ils jettent leurs pensers aux vents de la tribune, Et, ces vents, aveuglés comme l'est la Fortune, 175 Les rouleront comme elle et les emporteront. Ils sont fiers et hautains dans leur fausse attitude, Mais le sol tremble aux pieds de ces tribuns romains. Leurs discours passagers flattent avec étude La foule qui les presse et qui leur bat des mains; 180 Toujours renouvelé sous ses étroits portiques, Ce parterre ne jette aux acteurs politiques Que des fleurs sans parfums, souvent sans lendemains. Ils ont pour horizon leur salle de spectacle; La chambre oÃÂč ces élus donnent leurs faux combats 185 Jette en vain, dans son temple, un incertain oracle; Le peuple entend de loin le bruit de leurs débats, Mais il regarde encor le jeu des assemblées De l'oeil dont ses enfants et ses femmes troublées Voient le terrible essai des vapeurs aux cent bras. 190 L'ombrageux paysan gronde à voir qu'on dételle, Et que pour le scrutin on quitte le labour. Cependant le dédain de la chose immortelle Tient jusqu'au fond du coeur quelque avocat d'un jour. Lui qui doute de l'ùme, il croit à ses paroles. 195 Poésie, il se rit de tes graves symboles, Ô toi des vrais penseurs impérissable amour! Comment se garderaient les profondes pensées Sans rassembler leurs feux dans ton diamant pur, Qui conserve si bien leurs splendeurs condensées? 200 Ce fin miroir solide, étincelant et dur, Reste de nations mortes, durable pierre Qu'on trouve sous ses pieds lorsque dans la poussiÚre On cherche les cités sans en voir un seul mur. Diamant sans rival, que tes feux illuminent 205 Les pas lents et tardifs de l'humaine Raison! Il faut, pour voir de loin les peuples qui cheminent, Que le berger t'enchùsse au toit de sa maison. Le jour n'est pas levé. - Nous en sommes encore Au premier rayon blanc qui précÚde l'aurore 210 Et dessine la terre aux bords de l'horizon. Les peuples tout enfants à peine se découvrent Par-dessus les buissons nés pendant leur sommeil, Et leur main, à travers les ronces qu'ils entr'ouvrent, Met aux coups mutuels le premier appareil. 215 La barbarie encor tient nos pieds dans sa gaine. Le marbre des vieux temps jusqu'aux reins nous enchaÃne, Et tout homme énergique au dieu Terme est pareil. Mais notre esprit rapide en mouvements abonde; Ouvrons tout l'arsenal de ses puissants ressorts. 220 L'invisible est réel. Les ùmes ont leur monde OÃÂč sont accumulés d'impalpables trésors. Le Seigneur contient tout dans ses deux bras immenses, Son Verbe est le séjour de nos intelligences, Comme ici-bas l'espace est celui de nos corps. III 225 Éva, qui donc es-tu? Sais-tu bien ta nature? Sais-tu quel est ici ton but et ton devoir? Sais-tu que, pour punir l'homme, sa créature, D'avoir porté la main sur l'arbre du savoir, Dieu permit qu'avant tout, de l'amour de soi-mÃÂȘme 230 En tout temps, à tout ùge, il fÃt son bien suprÃÂȘme, Tourmenté de s'aimer, tourmenté de se voir? Mais, si Dieu prÚs de lui t'a voulu mettre, Î femme! Compagne délicate! Éva! sais-tu pourquoi? C'est pour qu'il se regarde au miroir d'une autre ùme, 235 Qu'il entende ce chant qui ne vient que de toi - L'enthousiasme pur dans une voix suave. C'est afin que tu sois son juge et son esclave Et rÚgnes sur sa vie en vivant sous sa loi. Ta parole joyeuse a des mots despotiques; 240 Tes yeux sont si puissants, ton aspect est si fort Que les rois d'Orient ont dit dans leurs cantiques Ton regard redoutable à l'égal de la mort; Chacun cherche à fléchir tes jugements rapides... - Mais ton coeur, qui dément tes formes intrépides, 245 CÚde sans coup férir aux rudesses du sort. Ta pensée a des bonds comme ceux des gazelles, Mais ne saurait marcher sans guide et sans appui. Le sol meurtrit ses pieds, l'air fatigue ses ailes, Son oeil se ferme au jour dÚs que le jour a lui; 250 Parfois, sur les hauts lieux d'un seul élan posée, Troublée au bruit des vents, ta mobile pensée Ne peut seule y veiller sans crainte et sans ennui. Mais aussi tu n'as rien de nos lùches prudences, Ton coeur vibre et résonne au cri de l'opprimé, 255 Comme dans une église aux austÚres silences L'orgue entend un soupir et soupire alarmé. Tes paroles de feu meuvent les multitudes, Tes pleurs lavent l'injure et les ingratitudes, Tu pousses par le bras l'homme... Il se lÚve armé. 260 C'est à toi qu'il convient d'ouïr les grandes plaintes Que l'humanité triste exhale sourdement. Quand le coeur est gonflé d'indignations saintes, L'air des cités l'étouffe à chaque battement. Mais de loin les soupirs des tourmentes civiles, 265 S'unissant au-dessus du charbon noir des villes, Ne forment qu'un grand mot qu'on entend clairement. Viens donc! le ciel pour moi n'est plus qu'une auréole Qui t'entoure d'azur, t'éclaire et te défend; La montagne est ton temple et le bois sa coupole; 270 L'oiseau n'est sur la fleur balancé par le vent, Et la fleur ne parfume et l'oiseau ne soupire Que pour mieux enchanter l'air que ton sein respire; La terre est le tapis de tes beaux pieds d'enfant. Éva, j'aimerai tout dans les choses créées, 275 Je les contemplerai dans ton regard rÃÂȘveur Qui partout répandra ses flammes colorées, Son repos gracieux, sa magique saveur; Sur mon coeur déchiré viens poser ta main pure, Ne me laisse jamais seul avec la Nature, 280 Car je la connais trop pour n'en pas avoir peur. Elle me dit " Je suis l'impassible théùtre Que ne peut remuer le pied de ses acteurs; Mes marches d'émeraude et mes parvis d'albùtre, Mes colonnes de marbre ont les dieux pour sculpteurs. 285 Je n'entends ni vos cris ni vos soupirs ; à peine Je sens passer sur moi la comédie humaine Qui cherche en vain au ciel ses muets spectateurs. " Je roule avec dédain, sans voir et sans entendre, À cÎté des fourmis les populations; 290 Je ne distingue pas leur terrier de leur cendre, J'ignore en les portant les noms des nations. On me dit une mÚre, et je suis une tombe. Mon hiver prend vos morts comme son hécatombe, Mon printemps ne sent pas vos adorations. 295 " Avant vous, j'étais belle et toujours parfumée, J'abandonnais au vent mes cheveux tout entiers; Je suivais dans les cieux ma route accoutumée, Sur l'axe harmonieux des divins balanciers. AprÚs vous, traversant l'espace oÃÂč tout s'élance, 300 J'irai seule et sereine, en un chaste silence Je fendrai l'air du front et de mes seins altiers. " C'est là ce que me dit sa voix triste et superbe, Et dans mon coeur alors je la hais, et je vois Notre sang dans son onde et nos morts sous son herbe 305 Nourrissant de leurs sucs la racine des bois. Et je dis à mes yeux qui lui trouvaient des charmes " Ailleurs tous vos regards, ailleurs toutes vos larmes, Aimez ce que jamais on ne verra deux fois. " Oh! qui verra deux fois ta grùce et ta tendresse, 310 Ange doux et plaintif qui parle en soupirant? Qui naÃtra comme toi portant une caresse Dans chaque éclair tombé de ton regard mourant, Dans les balancements de ta tÃÂȘte penchée, Dans ta taille indolente et mollement couchée, 315 Et dans ton pur sourire amoureux et souffrant? Vivez, froide Nature, et revivez sans cesse Sous nos pieds, sur nos fronts, puisque c'est votre loi; Vivez, et dédaignez, si vous ÃÂȘtes déesse, L'homme, humble passager, qui dut vous ÃÂȘtre un roi; 320 Plus que tout votre rÚgne et que ses splendeurs vaines, J'aime la majesté des souffrances humaines; Vous ne recevrez pas un cri d'amour de moi. Mais toi, ne veux-tu pas, voyageuse indolente, RÃÂȘver sur mon épaule, en y posant ton front? 325 Viens du paisible seuil de la maison roulante Voir ceux qui sont passés et ceux qui passeront. Tous les tableaux humains qu'un Esprit pur m'apporte S'animeront pour toi quand, devant notre porte, Les grands pays muets longuement s'étendront. 330 Nous marcherons ainsi, ne laissant que notre ombre Sur cette terre ingrate oÃÂč les morts ont passé; Nous nous parlerons d'eux à l'heure oÃÂč tout est sombre, OÃÂč tu te plais à suivre un chemin effacé, À rÃÂȘver, appuyée aux branches incertaines, 335 Pleurant, comme Diane au bord de ses fontaines, Ton amour taciturne et toujours menacé. LES ORACLES. DESTINÉE D'UN ROI. I Ainsi je t'appelais au port et sur la terre Fille de l'Océan, je te montrais mes bois. J'y roulais la maison errante et solitaire. - Des dogues révoltés j'entendais les abois. 5 - Je voyais, au sommet des longues galeries - L'anonyme drapeau des vieilles Tuileries Déchiré sur le front du dernier des vieux rois. II L'oracle est à présent dans l'air et dans la rue. Le passant au passant montre au ciel tout point noir. 10 Nous-mÃÂȘme en mon désert nous lisions dans la nue, Quatre ans avant l'éclair fatal. - Mais le pouvoir S'enferme en sa doctrine, et, dans l'ombre, il calcule Les problÚmes sournois du jeu de sa bascule, N'entend rien, ne sait rien et ne veut pas savoir. III 15 C'était l'an du Seigneur oÃÂč les songes livides Ecrivaient sur les murs les trois mots flamboyants; Et l'heure oÃÂč les sultans, seuls sur leurs trÎnes vides, Disent au ciel muet " OÃÂč sont mes vrais croyants? " - Le temps était venu des sept maigres génisses. 20 Mais en vain tous les yeux lisaient dans les auspices, L'aveugle Pharaon dédaignait les voyants. IV Ulysse avait connu les hommes et les villes. Sondé le lac de sang des révolutions, Des saints et des héros les coeurs faux et serviles. 25 Et le sable mouvant des constitutions. - Et pourtant, un matin, des royales demeures, Comme un autre en trois jours, il tombait en trois heures, Sous le vent. empesté des déclamations. V Les parlements jouaient aux tréteaux populaires, 30 A l'assaut du pouvoir par l'applaudissement. Leur tribune savait, par de feintes colÚres, Terrasser la raison sous le raisonnement. Mais leurs coups secouaient la poutre et le cordage. Et le frÃÂȘle tréteau de leur échafaudage 35 Un jour vint à crier et croula lourdement. VI Les doctrines croisaient leurs glaives de ChimÚres Devant des spectateurs gravement assoupis. Quand les lambris tombaient sur eux, ces gens austÚres Ferraillaient comme Hamlet, sous la table accroupis; 40 Poursuivant, comme un rat, l'argument en détresse, Ces fous, qui distillaient et vendaient la sagesse, Tuaient Polonius à travers le tapis. VII Ô de tous les grands coeurs déesses souveraines. Qu'avez-vous dit alors, Î Justice, Î Raison! 45 Quand, par ce long travail des ruses souterraines. Sur le maÃtre étonné s'effondra la maison, Sous le trÎne écrasa le divan doctrinaire Et l'écu d'Orléans, qu'on croyait populaire Parce qu'il n'avait plus fleur de lis ni blason? VIII 50 Reines de mes pensers, Î Raison! Î Justice! Vous avez déployé vos balances d'acier Pour peser ces esprits d'audace et d'artifice Que le Destin venait, enfin d'humilier, Quand son glaive, en coupant le faisceau des intrigues 55 Trancha le noeud gordien des tortueuses ligues Que leurs ongles savaient lier et délier. IX Vous avez dit alors, de votre voix sévÚre " Malheur à vos amis, comme à vos alliés, Sophistes qui parlez d'un ton de sermonnaire! 60 Il a croulé, ce sol qui tremblait sous vos pieds. Mais tomber est trop doux pour l'homme à tous funeste; De la punition vous subirez le reste, Corrupteurs! vos délits furent mal expiés. X " MaÃtres en longs discours à flots intarissables! 65 Vous qui tout enseignez, n'aviez-vous rien appris? Toute démocratie est un désert de sables; Il y fallait bùtir, si vous l'eussiez compris. Ce n'était pas assez d'y dresser quelques tentes Pour un tournoi d'intrigue et de manoeuvres lentes 70 Que le souffle de flamme un matin a surpris. XI " Vous avez conservé vos vanités, vos haines, Au fond du grand abÃme oÃÂč vous ÃÂȘtes couchés, Comme les corps trouvés sous les cendres romaines Debout, sous les caveaux de Pompéia cachés, 75 L'oeil fixe, lÚvre ouverte et la main étendue, Cherchant encor dans l'air leur parole perdue, Et s'évanouissant sitÎt qu'ils sont touchés. XII " Partout oÃÂč vous irez, froids, importants et fourbes, Vous porterez le trouble. En des sentiers étroits 80 Des coalitions suivant les lignes courbes, Traçant de faux devoirs et frappant de vrais droits, Gonflés d'orgueil mondain et d'ambitions folles, Imposant par le poids de vos ùpres paroles A l'humble courageux la plus lourde des croix. XIII 85 " Peuple et rois ont connu quels conseillers vous ÃÂȘtes, Quand, sous votre ombre, en vain votre prince abrité, Aux murs du grand banquet et des funestes fÃÂȘtes, Cherchant quelque lumiÚre en votre obscurité, Lut ces mots que nos mains gravÚrent sur la pierre, 90 Comme autrefois Cromwell sur sa rouge banniÚre Et nunc, reges mundi, nunc intelligite. " 24 février 1862. POST-SCRIPTUM. I Mais pourquoi de leur cendre évoquer ces journées Que les dédains publics effacent en passant? Entre elles et ce jour ont marché douze années; Oublions et la faute et la fuite et le sang, 5 Et les corruptions des pùles adversaires. - Non. Dans l'histoire il est de noirs anniversaires Dont le spectre revient pour troubler le présent. II Il revient quand l'orgueil des obstinés coupables Sort du limon confus des révolutions 10 Ou pÃÂȘle-mÃÂȘle on voit tomber les incapables. Pour nous montrer encor ses vieilles passions Et hurler a grands cris quelque sombre horoscope. En observant la vase aux feux d'un microscope, On voit dans les serpents ces agitations. III 15 S'agiter et blesser est. l'instinct des vipÚres. L'homme ainsi contre l'homme a son instinct fatal, Il retourne ses dards et nourrit ses colÚres Au réservoir caché de son poison natal. Dans quelque cercle obscur qu'on les ait vus descendre, 20 Homme ou serpent blottis sous le verre ou la cendre Mordront le diamant ou mordront le cristal. IV Le cristal, c'est la vue et la clarté du JUSTE. Du principe éternel de toute vérité, L'examen de soi-mÃÂȘme au tribunal auguste 25 OÃÂč la raison , l'honneur, la bonté, l'équité, La prévoyance à l'oeil rapide et la science DélibÚrent en paix devant la conscience Qui, jugeant l'action, régit la liberté. V Toujours, sur ce cristal, rempart des grandes ùmes, 30 La langue du sophiste ira heurter son dard. Qu'il se morde lui-mÃÂȘme en ses détours infùmes, Qu'il rampe, aveugle et sourd, dans l'éternel brouillard. Oublié, méprisé, qu'il conspire et se torde, Ignorant le vrai beau, qu'il le souille et qu'il morde 35 Ce diamant que cherche en vain son faux regard. VI Le DIAMANT ! c'est l'art des choses idéales, Et ses rayons d'argent, d'or, de pourpre et d'azur, Ne cessent de lancer les deux lueurs égales Des pensers les plus beaux, de l'amour le plus pur. 40 Il porte du génie et transmet les empreintes. Oui, de ce qui survit aux nations éteintes, C'est lui le plus brillant trésor et le plus dur. 28 mars 1862. LA SAUVAGE. I Solitudes que Dieu fit pour le Nouveau Monde. ForÃÂȘts, vierges encor, dont la voûte profonde A d'éternelles nuits que les brûlants soleils N'éclairent qu'en tremblant par deux rayons vermeils 5 Car le couchant peut seul et seule peut l'aurore Glisser obliquement aux pieds du sycomore, Pour qui, dans l'abandon, soupirent vos cyprÚs? Pour qui sont épaissis? ces joncs luisants et frais? Quels pas attendez-vous pour fouler vos prairies? 10 De quels peuples éteints étiez-vous les patries? Les pieds de vos grands pins, si jeunes et si forts, Sont-ils entrelacés sur la tÃÂȘte des morts? Et vos gémissements sortent-ils de ces urnes Que trouve l'Indien sous ses pas taciturnes? 15 Et ces bruits du désert, dans la plaine entendus, Est-ce un soupir dernier des royaumes perdus? Votre nuit est bien sombre et le vent seul murmure. Une peur inconnue accable la nature. Les oiseaux sont cachés dans le creux des pins noirs, 20 Et tous les animaux ferment leurs reposoirs Sous l'écorce, ou la mousse, ou parmi les racines, Ou dans le creux profond des vieux troncs en ruines. - L'orage sonne au loin, le bois va se courber, De larges gouttes d'eau commencent à tomber; 25 Le combat se prépare et l'immense ravage Entre la nue ardente et la forÃÂȘt sauvage. II - Qui donc cherche sa route en ces bois ténébreux? Une pauvre Indienne au visage fiévreux, Pùle et portant au sein un faible enfant qui pleure; 30 Sur un sapin tombé, pont tremblant qu'elle effleure, Elle passe, et sa main tient sur l'épaule un poids Qu'elle baise; autre enfant, pendu comme un carquois. Malgré sa volonté, sa jeunesse et sa force, Elle frissonne encor sous le pagne d'écorce 35 Et tient sur ses deux fils la laine aux plis épais, Sa tunique et son lit dans la guerre et la paix. - AprÚs avoir longtemps examiné, les herbes Et la trace des pieds sur leurs épaisses gerbes Ou sur le sable fin des ruisseaux abondants, 40 Elle s'arrÃÂȘte et cherche avec des yeux ardents Quel chemin a suivi dans les feuilles froissées L'homme de la Peau-Rouge aux guerres insensées. Comme la lice errante, affamée et chassant. Elle flaire l'odeur du sauvage passant, 45 Indien, ennemi de sa race indienne, Et de qui la famille a massacré la sienne. Elle écoute, regarde et respire a la fois La marche des Hurons sur les feuilles des bois; Un cri lointain l'effraye, et dans la forÃÂȘt verte 50 Elle s'enfonce enfin par une route ouverte. Elle sait que les blancs, par le fer et le feu. Ont troué ces grands bois semés des mains de Dieu. Et promenant au loin la flamme qui calcine, Pour labourer la terre ont brûlé la racine, 55 L'arbre et les joncs touffus que le fleuve arrosait. Ces Anglais qu'autrefois sa tribu méprisait Sont maÃtres sur sa terre, et l'Osage indocile Va chercher leur foyer pour demander asile. III Elle entre en une allée oÃÂč d'abord elle voit 60 La barriÚre d'un parc. - Un chemin large et droit Conduit à la maison de forme britannique, OÃÂč le bois est cloué dans les angles de brique OÃÂč le toit invisible entre un double rempart S'enfonce, oÃÂč le charbon fume de toute part, 65 OÃÂč tout est clos et sain, oÃÂč vient blanche et luisante S'unir à l'ordre froid la propreté décente. Fermée à l'ennemi, la maison s'ouvre au jour, LégÚre comme un kiosk, forte comme une tour. Le chien de Terre-Neuve y hurle prÚs des portes, 70 Et des blonds serviteurs les agiles cohortes S'empressent en silence aux travaux familiers, Et, les plateaux en main, montent les escaliers. Deux filles de six ans aux lÚvres ingénues Attachaient des rubans sur leurs épaules nues; 75 Mais, voyant l'Indienne, elles courent; leur main L'appelle et l'introduit par le large chemin Dont elles ont ouvert, à deux bras, la barriÚre; Et caressant déjà la pùle aventuriÚre " As-tu de beaux colliers d'azaléa pour nous? 80 " Ces mocassins musqués, si jolis et si doux , " Que ma mÚre a ses pieds ne veut d'autre chaussure? " Et les peaux de castor, les a-t-on sans morsure? " Vends-tu le lait des noix et la sagamité [Pùte de maïs]? " Le pain anglais n'a pas tant de suavité. 85 " C'est NoÃl, aujourd'hui, NoÃl est notre fÃÂȘte, " A nous, enfants; vois-tu? la Bible est déjà prÃÂȘte; " Devant l'orgue ma mÚre et nos soeurs vont s'asseoir, " Mon frÚre est sur la porte et mon pÚre au parloir. " L'Indienne aux grands yeux leur sourit sans répondre, 90 Regarde tristement cette maison de Londre Que le vent malfaiteur apporta dans ses bois, Au lieu d'y balancer le hamac d'autrefois. Mais elle entre à grands pas, de cet air calme et grave PrÚs duquel tout regard est un regard d'esclave. 95 Le parloir est ouvert, un pupitre au milieu; Le PÚre y lit la Bible à tous les gens du lieu. Sa femme et ses enfants sont debout et l'écoutent, Et des chasseurs de daims, que les Hurons redoutent, Défricheurs de forÃÂȘt et tueurs de bison, 100 Valets et laboureurs, composent la maison. Le MaÃtre est jeune et blond, vÃÂȘtu de noir, sévÚre D'aspect et d'un maintien qui veut qu'on le révÚre. L'Anglais-Américain, nomade et protestant, Pontife en sa maison y porte, en l'habitant, 105 Un seul livre et partout oÃÂč, pour l'heure, il réside, De toute question sa papauté décide; Sa famille est croyante et, sans autel, il sert, PrÃÂȘtre et pÚre à la fois, son Dieu dans un désert. Celui qui rÚgne ici d'une façon hautaine 110 N'a point voulu parer sa maison puritaine; Mais l'oeil trouve un miroir sur les aciers brunis, La main se réfléchit sur les meubles vernis; Nul tableau sur les murs ne fait briller l'image D'un pays merveilleux, d'un grand homme ou d'un sage; 115 Mais, sous un cristal pur, orné d'un noir feston, Un billet en dix mots qu'écrivit Washington. Quelques livres rangés, dont le premier, Shakspeare Car des deux bords anglais ses deux pieds ont l'empire, Attendent dans un angle, à leur taille ajusté, 120 Les lectures du soir et les heures du thé. Tout est prÃÂȘt et rangé dans sa juste mesure, Et la maÃtresse, assise au coin d'une embrasure, D'un sourire angélique et d'un doigt gracieux Fait signe à ses enfants de baisser leurs beaux yeux. IV 125 - La sauvage Indienne au milieu d'eux s'avance " Salut, maÃtre. Moi, femme, et seule en ta présence, Je te viens demander asile en ta maison. Nourris mes deux enfants; tiens-moi dans ta prison, Esclave de tes fils et de tes filles blanches, 130 Car ma tribu n'est plus, et ses derniÚres branches Sont mortes. Les Hurons, cette nuit, ont scalpé Mes frÚres; mon mari ne s'est point échappé. Nos hameaux sont brûlés comme aussi la prairie. J'ai sauvé mes deux fils à travers la tuerie; 135 Je n'ai plus de hamac, je n'ai plus de maïs, Je n'ai plus de parents, je n'ai plus de pays. " - Elle dit sans pleurer et sur le seuil se pose. Sans que sa ferme voix ajoute aucune chose. Le MaÃtre, d'un regard intelligent, humain. 140 Interroge sa femme en lui serrant la main. " Ma soeur, dit-il ensuite, entre dans ma famille; Tes pÚres ne sont plus; que leur derniÚre fille Soit sous mon toit solide accueillie, et chez moi Tes enfants grandiront innocents comme toi. 145 Ils apprendront de nous, travailleurs, que la terre Est sacrée et confÚre un droit héréditaire A celui qui la sert de son bras endurci. Caïn le laboureur a sa revanche ici. Et le chasseur Abel va, dans ses forÃÂȘts vides. 150 Voir errer et mourir ses familles livides. Comme des loups perdus qui se mordent entre eux, Aveuglés par la rage, affamés, malheureux, Sauvages animaux sans but, sans loi, sans ùme, Pour avoir dédaigné le Travail et la Femme. 155 " Hommes à la peau rouge! Enfants, qu'avez-vous fait? Dans l'air d'une maison votre coeur étouffait, Vous haïssiez la paix, l'ordre et les lois civiles Et la sainte union des peuples dans les villes, Et vous voilà cernés dans l'anneau grandissant. 160 C'est la loi qui, sur vous, s'avance en vous pressant. La loi d'Europe est lourde, impassible et robuste; Mais son cercle est divin, car au centre est le Juste. Sur les deux bords des mers vois-tu de tout cÎté S'établir lentement cette grave beauté? 165 Prudente fée, elle a, dans sa marche cyclique, Sur chacun de ses pas mis une. république. Elle dit, en fondant chaque neuve cité " Vous m'appelez la Loi, je suis la Liberté. " Sur le haut des grands monts, sur toutes les collines, 170 De la Louisiane aux deux soeurs Carolines. L'oeil de l'Européen qui l'aime et la connaÃt Sait voir planer de loin sa pique et son bonnet. Son bonnet phrygien, cette pourpre oÃÂč s'attache, Pour abattre les bois, une puissante hache. 175 Moi, simple pionnier, au nom de la raison J'ai planté cette pique au seuil de ma maison. Et j'ai, tout au milieu des forÃÂȘts inconnues. Avec ce fer de hache ouvert des avenues; Mes fils, puis, aprÚs eux, leurs fils et leurs neveux 180 Faucheront, tout le reste avec leurs bras nerveux. Et la terre oÃÂč je suis doit ÃÂȘtre aussi leur terre. Car de la sainte Loi tel est le caractÚre Qu'elle a de la Nature interprété les cris. Tourne sur tes enfants tes grands yeux attendris, 185 Ma soeur, et sur ton sein. - Cherche bien si la vie Y coule pour toi seule. - Es-tu donc assouvie Quand brille la santé sur ton front triomphant? - Que dit le sein fécond de la mÚre à l'enfant? Que disent, en tombant des veines azurées. 190 Que disent en courant les gouttes épurées? Que dit le coeur qui bat et les pousse à grands flots? - Ah! le sein et le coeur, dans leurs divins sanglots OÃÂč les soupirs d'amour aux douleurs se confondent. Aux morsures d'enfant le coeur, le sein répondent 195 " A toi mon ùme, à toi ma vie, à toi mon sang " Qui du coeur de ma mÚre au fond du tien descend. " Et n'a passé par moi, par mes chastes mamelles. " Qu'issu du philtre pur des sources maternelles; " Que tout ce qui fut mien soit tien, ainsi que lui! " ..................... ................................... 200 " Oui! dit la blonde Anglaise en l' Oui! " Répéta l'Indienne en offrant le breuvage De son sein nu et brun à son enfant sauvage. Tandis que l'autre fils lui tendait les deux bras. " - Sois donc notre convive avec nous tu vivras, 205 Poursuivit le jeune homme, et peut-ÃÂȘtre, chrétienne Un jour, ma forte loi, femme, sera la tienne, Et tu célébreras avec nous. tes amis, La fÃÂȘte de NoÃl au foyer de tes fils. " 1843 LA COLÈRE DE SAMSON Le désert est muet, la tente est solitaire. Quel pasteur courageux la dressa sur la terre Du sable et des lions? - La nuit n'a pas calmé La fournaise du jour dont l'air est enflammé. 5 Un vent léger s'élÚve à l'horizon et ride Les flots de la poussiÚre ainsi qu'un lac limpide. Le lin blanc de la tente est bercé mollement; L'oeuf d'autruche, allumé, veille paisiblement, Des voyageurs voilés intérieure étoile, 10 Et jette longuement deux ombres sur la toile. L'une est grande et superbe, et l'autre est à ses pieds C'est Dalila, l'esclave, et ses bras sont liés Aux genoux réunis du maÃtre jeune et grave Dont la force divine obéit à l'esclave. 15 Comme un doux léopard elle est souple et répand Ses cheveux dénoués aux pieds de son amant. Ses grands yeux, entr'ouverts comme s'ouvre l'amande, Sont brûlants du plaisir que son regard demande, Et jettent, par éclats, leurs mobiles lueurs. 20 Ses bras fins tout mouillés de tiÚdes sueurs, Ses pieds voluptueux qui sont croisés sous elle, Ses flancs, plus élancés que ceux de la gazelle, Pressés de bracelets, d'anneaux, de boucles d'or, Sont bruns, et, comme il sied aux filles de Hatsor, 25 Ses deux seins, tout chargés d'amulettes anciennes, Sont chastement pressés d'étoffes syriennes. Les genoux de Samson fortement sont unis Comme les deux genoux du colosse Anubis. Elle s'endort sans force et riante et bercée 30 Par la puissante main sous sa tÃÂȘte placée. Lui murmure le chant funÚbre et douloureux Prononcé dans la gorge avec des mots hébreux. Elle ne comprend pas la parole étrangÚre, Mais le chant verse un somme en sa tÃÂȘte légÚre. 35 " Une lutte éternelle en tout temps, en tout lieu, Se livre sur la terre, en présence de Dieu, Entre la bonté d'Homme et la ruse de Femme, Car la femme est un ÃÂȘtre impur de corps et d'ùme. " L'Homme a toujours besoin de caresse et d'amour, 40 Sa mÚre l'en abreuve alors qu'il vient au jour, Et ce bras le premier l'engourdit, le balance Et lui donne un désir d'amour et d'indolence. Troublé dans l'action, troublé dans le dessein, Il rÃÂȘvera partout à la chaleur du sein, 45 Aux chansons de la nuit, aux baisers de l'aurore, A la lÚvre de feu que sa lÚvre dévore, Aux cheveux dénoués qui roulent sur son front, Et les regrets du lit, en marchant, le suivront. Il ira dans la ville, et, là , les vierges folles 50 Le prendront dans leurs lacs aux premiÚres paroles. Plus fort il sera né, mieux il sera vaincu, Car plus le fleuve est grand et plus il est ému. Quand le combat que Dieu fit pour la créature Et contre son semblable et contre la nature 55 Force l'Homme à chercher un sein oÃÂč reposer, Quand ses yeux sont en pleurs, il lui faut un baiser. Mais il n'a pas encor fini toute sa tùche Vient un autre combat plus secret, traÃtre et lùche; Sous son bras, sur son coeur se livre celui-là ; 60 Et, plus ou moins, la Femme est toujours DALILA. " Elle rit et triomphe; en sa froideur savante, Au milieu de ses soeurs elle attend et se vante De ne rien éprouver des atteintes du feu. A sa plus belle amie elle en a fait l'aveu 65 Elle se fait aimer sans aimer elle-mÃÂȘme; Un maÃtre lui fait peur. C'est le plaisir qu'elle aime L'Homme est rude et le prend sans savoir le donner. Un sacrifice illustre et fait pour étonner Rehausse mieux que l'or, aux yeux de ses pareilles, 70 La beauté qui produit tant d'étranges merveilles Et d'un sang précieux sait arroser ses pas. - Donc, ce que j'ai voulu. Seigneur, n'existe pas! - Celle à qui va l'amour et de qui vient la vie, Celle-là , par orgueil, se fait notre ennemie. 75 La Femme est, à présent, pire que dans ces temps OÃÂč, voyant les humains. Dieu dit " Je me repens! " BientÎt, se retirant dans un hideux royaume, La Femme aura Gomorrhe et l'Homme aura Sodome; Et, se jetant, de loin, un regard irrité, 80 Les deux sexes mourront chacun de son cÎté. " Éternel! Dieu des forts! vous savez que mon ùme N'avait pour aliment que l'amour d'une femme, Puisant dans l'amour seul plus de sainte vigueur Que mes cheveux divins n'en donnaient à mon coeur. 85 - Jugez-nous. - La voilà sur mes pieds endormie. Trois fois elle a vendu mes secrets et ma vie, Et trois fois a versé des pleurs fallacieux Qui n'ont pu me cacher la rage de ses yeux; Honteuse qu'elle était plus encor qu'étonnée 90 De se voir découverte ensemble et pardonnée; Car la bonté de l'Homme est forte, et sa douceur Écrase, en l'absolvant, l'ÃÂȘtre faible et menteur. " Mais enfin je suis las. J'ai l'ùme si pesante, Que mon corps gigantesque et ma tÃÂȘte puissante 95 Qui soutiennent le poids des colonnes d'airain Ne la peuvent porter avec tout son chagrin. Toujours voir serpenter la vipÚre dorée Qui se traÃne en sa fange et s'y croit ignorée; Toujours ce compagnon dont le coeur n'est pas sûr, 100 La Femme, enfant malade et douze fois impur! Toujours mettre sa force à garder sa colÚre Dans son coeur offensé, comme en un sanctuaire D'oÃÂč le feu s'échappant irait tout dévorer; Interdire à ses yeux de voir ou de pleurer, 105 C'est trop! Dieu, s'il le veut, peut balayer ma cendre. J'ai donné mon secret, Dalila va le vendre. Qu'ils seront beaux les pieds de celui qui viendra Pour m'annoncer la mort! - Ce qui sera, sera! " Il dit et s'endormit prÚs d'elle jusqu'à l'heure 110 OÃÂč les guerriers, tremblant d'ÃÂȘtre dans sa demeure, Payant au poids de l'or chacun de ses cheveux, AttachÚrent ses mains et brûlÚrent ses yeux, Le traÃnÚrent sanglant et chargé d'une chaÃne Que douze grands taureaux ne tiraient qu'avec peine, 115 Le placÚrent debout, silencieusement, Devant Dagon, leur Dieu, qui gémit sourdement Et deux fois, en tournant, recula sur sa base Et fit pùlir deux fois ses prÃÂȘtres en extase, AllumÚrent l'encens, dressÚrent un festin 120 Dont le bruit s'entendait du mont le plus lointain; Et prÚs de la génisse aux pieds du Dieu tuée PlacÚrent Dalila, pùle prostituée, Couronnée, adorée et reine du repas, Mais tremblante et disant IL NE ME VERRA PAS! 125 Terre et ciel! avez-vous tressailli d'allégresse Lorsque vous avez vu la menteuse maÃtresse Suivre d'un oeil hagard les yeux tachés de sang Qui cherchaient le soleil d'un regard impuissant? Et quand enfin Samson, secouant les colonnes 130 Qui faisaient le soutien des immenses PylÎnes, Ecrasa d'un seul coup, sous les débris mortels, Ses trois mille ennemis, leurs dieux et leurs autels? Terre et ciel! punissez par de telles justices La trahison ourdie en des amours factices, 135 Et la délation du secret de nos coeurs Arraché dans nos bras par des baisers menteurs. Écrit à Shavington Angleterre, 7 avril 1839. LA MORT DU LOUP I Les nuages couraient sur la lune enflammée Comme sur l'incendie on voit fuir la fumée, Et les bois étaient noirs jusques à l'horizon. Nous marchions, sans parler, dans l'humide gazon, 5 Dans la bruyÚre épaisse et dans les hautes brandes, Lorsque, sous des sapins pareils à ceux des Landes, Nous avons aperçu les grands ongles marqués Par les loups voyageurs que nous avions traqués. Nous avons écouté, retenant notre haleine 10 Et le pas suspendu. - Ni le bois ni la plaine Ne poussaient un soupir dans les airs; seulement La girouette en deuil criait au firmament; Car le vent, élevé bien au-dessus des terres, N'effleurait de ses pieds que les tours solitaires, 15 Et les chÃÂȘnes d'en bas, contre les rocs penchés, Sur leurs coudes semblaient endormis et couchés. Rien ne bruissait donc, lorsque, baissant la tÃÂȘte, Le plus vieux des chasseurs qui s'étaient mis en quÃÂȘte A regardé le sable en s'y couchant; bientÎt, 20 Lui que jamais ici l'on ne vit en défaut, A déclaré tout bas que ces marques récentes Annonçaient la démarche et les griffes puissantes De deux grands loups-cerviers et de deux louveteaux. Nous avons tous alors préparé nos couteaux, 25 Et, cachant nos fusils et leurs lueurs trop blanches, Nous allions, pas à pas, en écartant les branches. Trois s'arrÃÂȘtent, et moi, cherchant ce qu'ils voyaient, J'aperçois tout à coup deux yeux qui flamboyaient, Et je vois au delà quatre formes légÚres 30 Qui dansaient sous la lune au milieu des bruyÚres, Comme font chaque jour, à grand bruit sous nos yeux, Quand le maÃtre revient, les lévriers joyeux. Leur forme était semblable et semblable la danse, Mais les enfants du Loup se jouaient en silence, 35 Sachant bien qu'à deux pas, ne dormant qu'à demi, Se couche dans ses murs l'homme, leur ennemi. Le pÚre était debout, et plus loin, contre un arbre, Sa Louve reposait comme celle de marbre Qu'adoraient les Romains, et dont les flancs velus 40 Couvaient les demi-dieux Rémus et Romulus. Le Loup vient et s'assied, les deux jambes dressées, Par leurs ongles crochus dans le sable enfoncées. Il s'est jugé perdu, puisqu'il était surpris, Sa retraite coupée et tous ses chemins pris; 45 Alors il a saisi, dans sa gueule brûlante, Du chien le plus hardi la gorge pantelante, Et n'a pas desserré ses mùchoires de fer, Malgré nos coups de feu qui traversaient sa chair, Et nos couteaux aigus qui, comme des tenailles, 50 Se croisaient en plongeant dans ses larges entrailles, Jusqu'au dernier moment oÃÂč le chien étranglé, Mort longtemps avant lui, sous ses pieds a roulé. Le Loup le quitte alors et puis il nous regarde. Les couteaux lui restaient au flanc jusqu'à la garde, 55 Le clouaient au gazon tout baigné dans son sang; Nos fusils l'entouraient en sinistre croissant. Il nous regarde encore, ensuite il se recouche, Tout en léchant le sang répandu sur sa bouche, Et, sans daigner savoir comment il a péri, 60 Refermant ses grands yeux, meurt sans jeter un cri. II J'ai reposé mon front sur mon fusil sans poudre, Me prenant à penser, et n'ai pu me résoudre A poursuivre sa Louve et ses fils, qui, tous trois, Avaient voulu l'attendre; et, comme je le crois, 65 Sans ses deux Louveteaux, la belle et sombre veuve Ne l'eût pas laissé seul subir la grande épreuve; Mais son devoir était de les sauver, afin De pouvoir leur apprendre à bien souffrir la faim, A ne jamais entrer dans le pacte des villes 70 Que l'homme a fait avec les animaux serviles Qui chassent devant lui, pour avoir le coucher, Les premiers possesseurs du bois et du rocher. III Hélas! ai-je pensé, malgré ce grand nom d'Hommes, Que j'ai honte de nous, débiles que nous sommes! 75 Comment on doit quitter la vie et tous ses maux, C'est vous qui le savez, sublimes animaux! A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse, Seul le silence est grand; tout le reste est faiblesse. - Ah! je t'ai bien compris, sauvage voyageur, 80 Et ton dernier regard m'est allé jusqu'au coeur! Il disait " Si tu peux, fais que ton ùme arrive, A force de rester studieuse et pensive, Jusqu'à ce haut degré de stoïque fierté OÃÂč, naissant dans les bois, j'ai tout d'abord monté. 85 Gémir, pleurer, prier est également lùche. Fais énergiquement ta longue et lourde tùche Dans la voie oÃÂč le sort a voulu t'appeler, Puis, aprÚs, comme moi, souffre et meurs sans parler. " Écrit au chùteau du M***, 1843. LA FLÃâ€șTE I Un jour, je vis s'asseoir au pied de ce grand arbre Un pauvre qui posa sur ce vieux banc de marbre Son sac et son chapeau, s'empressa d'achever Un morceau de pain noir, puis se mit à rÃÂȘver. 5 Il paraissait chercher dans les longues allées Quelqu'un pour écouter ses chansons désolées; Il suivait à regret la trace des passants Rares et qui, pressés, s'en allaient en tous sens. Avec eux s'enfuyait l'aumÎne disparue, 10 Prix douteux d'un lit dur en quelque étroite rue Et d'un amer souper dans un logis malsain. Cependant il tirait lentement de son sein, Comme se préparait au martyre un apÎtre, Les trois parts d'une Flûte et liait l'une à l'autre, 15 Essayait l'embouchure à son menton tremblant, Faisait mouvoir la clef, l'épurait en soufflant, Sur ses genoux ployés frottait le bois d'ébÚne, Puis jouait. - Mais son front en vain gonflait sa veine, Personne autour de lui pour entendre et juger 20 L'humble acteur d'un public ingrat et passager. J'approchais une main du vieux chapeau d'artiste, Sans attendre un regard de son oeil doux et triste En ce temps de révolte et d'orgueil si rempli; Mais, quoique pauvre, il fut modeste et trÚs poli. II 25 Il me fit un tableau de sa pénible vie. Poussé par ce démon qui toujours nous convie, Ayant tout essayé, rien ne lui réussit, Et le chaos entier roulait dans son récit Ce n'était qu'élan brusque et qu'ambitions folles, 30 Qu'entreprise avortée et grandeur en paroles. D'abord, à son départ, orgueil démesuré, Gigantesque écriteau sur un front assuré, Promené dans Paris d'une façon hautaine Bonaparte et Byron, poÚte et capitaine, 35 Législateur aussi, chef de religion De tous les écoliers c'est la contagion, PÚre d'un panthéisme orné de plusieurs choses, De quelques ùges d'or et des métempsycoses De Bouddha, qu'en son coeur il croyait inventer; 40 Il l'appliquait à tout, espérant importer Sa révolution dans sa philosophie; Mais des contrebandiers notre ùge se défie; BientÎt par nos fleurets le défaut est trouvé; D'un seul argument fin son ballon fut crevé. 45 Pour hisser sa nacelle, il en gonfla bien d'autres Que le vent dispersa. Fatigué des apÎtres, Il dépouilla leur froc. Lui-mÃÂȘme le premier Souriait tristement de cet air cavalier Dont sa marche, au début, avait été fardée 50 Et, pour d'obscurs combats, si pesamment bardée; Car, plus grave à présent, d'une double lueur Semblait se réchauffer et s'éclairer son coeur; Le Bon Sens qui se voit, la Candeur qui l'avoue, Coloraient en parlant les pùleurs de sa joue. 55 Laissant donc les couvents, panthéistes ou non, Sur la poupe d'un drame il inscrivit son nom, Et vogua sur ces mers aux trompeuses étoiles; Mais, faute de savoir, il sombra sous ses voiles Avant d'avoir montré son pavillon aux airs. 60 Alors rien devant lui que flots noirs et déserts, L'océan du travail si chargé de tempÃÂȘtes OÃÂč chaque vague emporte et brise mille tÃÂȘtes. Là , flottant quelques jours sans force et sans fanal, Son esprit surnagea dans les plis d'un journal, 65 Radeau désespéré que trop souvent déploie L'équipage affamé qui se perd et se noie. Il s'y noya de mÃÂȘme, et de mÃÂȘme, ayant faim, Fit ce que fait tout homme invalide et sans pain. " Je gémis, disait-il, d'avoir une pauvre ùme 70 Faible autant que serait l'ùme de quelque femme, Qui ne peut accomplir ce qu'elle a commencé Et s'abat au départ sur tout chemin tracé. L'idée à l'horizon est à peine entrevue, Que sa lumiÚre écrase et fait ployer ma vue. 75 Je vois grossir l'obstacle en invincible amas, Je tombe ainsi que Paul en marchant vers Damas. - Pourquoi, me dit la voix qu'il faut aimer et craindre, Pourquoi me poursuis-tu, toi qui ne peux m'étreindre? - Et le rayon me trouble et la voix m'étourdit, 80 Et je demeure aveugle et je me sens maudit. " III " Non, criai-je en prenant ses deux mains dans les miennes, Ni dans les grandes lois des croyances anciennes, Ni dans nos dogmes froids, forgés à l'atelier, Entre le banc du maÃtre et ceux de l'écolier, 85 Ces faux Athéniens dépourvus d'atticisme, Qui nous soufflent aux yeux des bulles de sophisme, N'ont découvert un mot par qui fût condamné L'homme aveuglé d'esprit plus que l'aveugle-né. " C'est assez de souffrir sans se juger coupable 90 Pour avoir entrepris et pour ÃÂȘtre incapable. J'aime, autant que le fort, le faible courageux Qui lance un bras débile en des flots orageux, De la glace d'un lac plonge dans la fournaise Et d'un volcan profond va tourmenter la braise. 95 Ce Sisyphe éternel est beau, seul, tout meurtri, Brûlé, précipité, sans jeter un seul cri, Et n'avouant jamais 'qu'il saigne et qu'il succombe A toujours ramasser son rocher qui retombe. Si, plus haut parvenus, de glorieux esprits 100 Vous dédaignent jamais, méprisez leur mépris; Car ce sommet de tout, dominant toute gloire, Ils n'y sont pas, ainsi que l'oeil pourrait le croire. On n'est jamais en haut. Les forts, devant leurs pas, Trouvent un nouveau mont inaperçu d'en bas. 105 Tel que l'on croit complet et maÃtre en toute chose Ne dit pas les savoirs qu'à tort on lui suppose, Et qu'il est tel grand but qu'en vain il entreprit. - Tout homme a vu le mur qui borne son esprit. " Du corps et non de l'ùme accusons l'indigence. 110 Des organes mauvais servent l'intelligence Et touchent, en tordant et tourmentant leur noeud, Ce qu'ils peuvent atteindre et non ce qu'elle veut. En traducteurs grossiers de quelque auteur céleste Ils parlent... Elle chante et désire le reste. 115 Et, pour vous faire ici quelque comparaison, Regardez votre flûte, écoutez-en le son. Est-ce bien celui-là que voulait faire entendre La lÚvre? Était-il pas ou moins rude ou moins tendre? Eh bien! c'est au bois lourd que sont tous les défauts! 120 Votre souffle était juste et votre chant est faux. Pour moi qui ne sais rien et vais du doute au rÃÂȘve, Je crois qu'aprÚs la mort, quand l'union s'achÚve, L'ùme retrouve alors la vue et la clarté, Et que, jugeant son oeuvre avec sérénité, 125 Comprenant sans obstacle et s'expliquant sans peine, Comme ses soeurs du ciel elle est puissante et reine, Se mesure au vrai poids, connaÃt visiblement Que son souffle était faux par le faux instrument, N'était ni glorieux ni vil, n'étant pas libre; 130 Que le corps seulement empÃÂȘchait l'équilibre, Et, calme, elle reprend dans l'idéal bonheur, La sainte égalité des esprits du Seigneur. " IV Le pauvre alors rougit d'une joie imprévue, Et contempla sa Flûte avec une autre vue; 135 Puis, me connaissant mieux, sans craindre mon aspect, Il la baisa deux fois en signe de respect, Et joua, pour quitter ses airs anciens et tristes, Ce Salve Regina que chantent les Trappistes. Son regard attendri paraissait inspiré, 140 La note était plus juste et le souffle assuré. LE MONT DES OLIVIERS I Alors il était nuit, et Jésus marchait seul, VÃÂȘtu de blanc ainsi qu'un mort de son linceul; Les disciples dormaient au pied de la colline, Parmi les oliviers, qu'un vent sinistre incline; 5 Jésus marche à grands pas en frissonnant comme eux; Triste jusqu'à la mort, l'oeil sombre et ténébreux, Le front baissé, croisant les deux bras sur sa robe Comme un voleur de nuit cachant ce qu'il dérobe, Connaissant les rochers mieux qu'un sentier uni, 10 Il s'arrÃÂȘte en un lieu nommé Gethsémani. Il se courbe à genoux, le front contre la terre; Puis regarde le ciel en appelant " Mon PÚre! " - Mais le ciel reste noir, et Dieu ne répond pas. Il se lÚve étonné, marche encore à grands pas, 15 Froissant les oliviers qui tremblent. Froide et lente Découle de sa tÃÂȘte une sueur sanglante. Il recule, il descend, il crie avec effroi " Ne pourriez-vous prier et veiller avec moi? " Mais un sommeil de mort accable les apÎtres. 20 Pierre à la voix du maÃtre est sourd comme les autres. Le Fils de l'Homme alors remonte lentement; Comme un pasteur d'Egypte, il cherche au firmament Si l'Ange ne luit pas au fond de quelque étoile. Mais un nuage en deuil s'étend comme le voile 25 D'une veuve, et ses plis entourent le désert. Jésus, se rappelant ce qu'il avait souffert Depuis trente-trois ans, devint homme, et la crainte Serra son coeur mortel d'une invincible étreinte. Il eut froid. Vainement il appela trois fois 30 " Mon PÚre! " Le vent seul répondit à sa voix. Il tomba sur le sable assis, et, dans sa peine, Eut sur le monde et l'homme une pensée humaine. - Et la terre trembla, sentant la pesanteur Du Sauveur qui tombait aux pieds du Créateur. II 35 Jésus disait " Ô PÚre, encor laisse-moi vivre! Avant le dernier mot ne ferme pas mon livre! Ne sens-tu pas le monde et tout le genre humain Qui souffre avec ma chair et frémit dans ta main? C'est que la Terre a peur de rester seule et veuve, 40 Quand meurt celui qui dit une parole neuve, Et que tu n'as laissé dans son sein desséché Tomber qu'un mot du ciel par ma bouche épanché. Mais ce mot est si pur, et sa douceur est telle, Qu'il a comme enivré la famille mortelle 45 D'une goutte de vie et de divinité, Lorsqu'en ouvrant les bras, j'ai dit " Fraternité ". "PÚre, oh! si j'ai rempli mon douloureux message Si j'ai caché le Dieu sous la face du sage, Du sacrifice humain si j'ai changé le prix, 50 Pour l'offrande des corps recevant les esprits, Substituant partout aux choses le symbole, La parole au combat, comme au trésor l'obole, Aux flots rouges du sang les flots vermeils du vin, Aux membres de la chair le pain blanc sans levain; 55 Si j'ai coupé les temps en deux parts, l'une esclave Et l'autre libre; - au nom du passé que je lave, Par le sang de mon corps qui souffre et va finir, Versons-en la moitié pour laver l'avenir! PÚre libérateur! jette aujourd'hui, d'avance, 60 La moitié de ce sang d'amour et d'innocence Sur la tÃÂȘte de ceux .qui viendront en disant " Il est permis pour tous de tuer l'innocent. " Nous savons qu'il naÃtra, dans le lointain des ùges, Des dominateurs durs escortés de faux sages 65 Qui troubleront l'esprit de chaque nation En donnant un faux sens à ma rédemption. - Hélas! je parle encor, que déjà ma parole Est tournée en poison dans chaque parabole; Éloigne ce calice impur et plus amer 70 Que le fiel, ou l'absinthe, ou les eaux de la mer. Les verges qui viendront, la couronne d'épine, Les clous des mains, la lance au fond de ma poitrine, Enfin toute la croix qui se dresse et m'attend, N'ont rien, mon PÚre, oh! rien qui m'épouvante autant! 75 Quand les Dieux veulent bien s'abattre sur les mondes, Ils n'y doivent laisser que des traces profondes; Et, si j'ai mis le pied sur ce globe incomplet, Dont le gémissement sans repos m'appelait, C'était pour y laisser deux Anges à ma place 80 De qui la race humaine aurait baisé la trace, La Certitude heureuse et l'Espoir confiant, Qui, dans le paradis, marchent en souriant. Mais je vais la quitter, cette indigente terre, N'ayant que soulevé ce manteau de misÚre 85 Qui l'entoure à grands plis, drap lugubre et fatal, Que d'un bout tient le Doute et de l'autre le Mal. " Mal et Doute! En un mot je puis les mettre en poudre. Vous les aviez prévus, laissez-moi vous absoudre De les avoir permis. - C'est l'accusation 90 Qui pÚse de partout sur la création! - Sur son tombeau désert faisons monter Lazare. Du grand secret des morts qu'il ne soit plus avare, Et de ce qu'il a vu donnons-lui souvenir; Qu'il parle. - Ce qui dure et ce qui doit finir, 95 Ce qu'a mis le Seigneur au coeur de la Nature, Ce qu'elle prend et donne à toute créature, Quels sont avec le ciel ses muets entretiens, Son amour ineffable et ses chastes liens; Comment tout s'y détruit et tout s'y renouvelle, 100 Pourquoi ce qui s'y cache et ce qui s'y révÚle; Si les astres des cieux tour à tour éprouvés Sont comme celui-ci coupables et sauvés; Si la terre est pour eux ou s'ils sont pour la terre; Ce qu'a de vrai la fable et de clair le mystÚre, 105 D'ignorant le savoir et de faux la raison; Pourquoi l'ùme est liée en sa faible prison, Et pourquoi nul sentier entre deux larges voies, Entre l'ennui du calme et des paisibles joies Et la rage sans fin des vagues passions, 110 Entre la léthargie et les convulsions; Et pourquoi pend la Mort comme une sombre épée, Attristant la Nature à tout moment frappée; Si le juste et le bien, si l'injuste et le mal Sont de vils accidents en un cercle fatal, 115 Ou si de l'univers ils sont les deux grands pÎles, Soutenant terre et cieux sur leurs vastes épaules; Et pourquoi les Esprits du mal sont triomphants Des maux immérités, de la mort des enfants; Et si les Nations sont des femmes guidées 120 Par les étoiles d'or des divines idées, Ou de folles enfants sans lampes dans la nuit, Se heurtant et pleurant, et que rien ne conduit; Et si, lorsque des temps l'horloge périssable Aura jusqu'au dernier versé ses grains de sable, 125 Un regard de vos yeux, un cri de votre voix, Un soupir de mon coeur, un signe de ma croix, Pourra faire ouvrir l'ongle aux Peines éternelles, Lùcher leur proie humaine et reployer leurs ailes. - Tout sera révélé dÚs que l'homme saura 130 De quels lieux il arrive et dans quels il ira. " III Ainsi le divin Fils parlait au divin PÚre. Il se prosterne encore, il attend, il espÚre, Mais il renonce et dit " Que votre volonté Soit faite et non la mienne, et pour l'éternité! " 135 Une terreur profonde, une angoisse infinie Redoublent sa torture et sa lente agonie. Il regarde longtemps, longtemps cherche sans voir. Comme un marbre de deuil tout le ciel était noir; La Terre, sans clartés, sans astre et sans aurore, 140 Et sans clartés de l'ùme ainsi qu'elle est encore, Frémissait. - Dans le bois il entendit des pas, Et puis il vit rÎder la torche de Judas. LE SILENCE S'il est vrai qu'au Jardin sacré des Écritures, Le Fils de l'Homme ait dit ce qu'on voit rapporté; 145 Muet, aveugle et sourd au cri des créatures, Si le Ciel nous laissa comme un monde avorté, Le juste opposera le dédain à l'absence, Et ne répondra plus que par un froid silence Au silence éternel de la Divinité. 2 avril 1862. LA BOUTEILLE A LA MER CONSEIL A UN JEUNE HOMME INCONNU. I Courage, Î faible enfant de qui ma solitude Reçoit ces chants plaintifs, sans nom, que vous jetez Sous mes yeux ombragés du camail de l'étude. Oubliez les enfants par la mort arrÃÂȘtés; 5 Oubliez Chatterton, Gilbert et Malfilùtre; De l'oeuvre d'avenir saintement idolùtre, Enfin, oubliez l'homme en vous-mÃÂȘme. - Écoutez II Quand un grave marin voit que le vent l'emporte Et que les mùts brisés pendent tous sur le pont, 10 Que dans son grand duel la mer est la plus forte Et que par des calculs l'esprit en vain répond; Que le courant l'écrase et le roule en sa course, Qu'il est sans gouvernail et, partant, sans ressource, Il se croise les bras dans un calme profond. III 15 Il voit les masses d'eau, les toise et les mesure, Les méprise en sachant qu'il en est écrasé, Soumet son ùme au poids de la matiÚre impure Et se sent mort ainsi que son vaisseau rasé. - A de certains moments, l'ùme est sans résistance; 20 Mais le penseur s'isole et n'attend d'assistance Que de la forte foi dont il est embrasé. IV Dans les heures du soir, le jeune Capitaine A fait ce qu'il a pu pour le salut des siens. Nul vaisseau n'apparaÃt sur la vague lointaine, 25 La nuit tombe, et le brick court aux rocs indiens. - Il se résigne, il prie, il se recueille, il pense A Celui qui soutient les pÎles et balance L'équateur hérissé des longs méridiens. V Son sacrifice est fait; mais il faut que la terre 30 Recueille du travail le pieux monument. C'est le journal savant, le calcul solitaire, Plus rare que la perle et que le diamant, C'est la carte des flots faite dans la tempÃÂȘte, La carte de l'écueil qui va briser sa tÃÂȘte 35 Aux voyageurs futurs sublime testament. VI Il écrit " Aujourd'hui, le courant nous entraÃne, Désemparés, perdus, sur la Terre-de-Feu. Le courant porte à l'est. Notre mort est certaine Il faut cingler au nord pour bien passer ce lieu. 40 - Ci-joint est mon journal, portant quelques études Des constellations des hautes latitudes. Qu'il aborde, si c'est la volonté de Dieu! " VII Puis, immobile et froid, comme le cap des brumes Qui sert de sentinelle au détroit Magellan, 45 Sombre comme ces rocs au front chargé d'écumes [Les pics San-Diego, San- Ildefonso] Ces pics noirs dont chacun porte un deuil castillan, Il ouvre une bouteille et la choisit trÚs forte, Tandis que son vaisseau que le courant emporte Tourne en un cercle étroit comme un vol de milan. VIII 50 Il tient dans une main cette vieille compagne, Ferme, de l'autre main, son flanc noir et terni. Le cachet porte encor le blason de Champagne De la mousse de Reims son col vert est jauni. D'un regard, le marin en soi-mÃÂȘme rappelle 55 Quel jour il assembla l'équipage autour d'elle, Pour porter un grand toste au pavillon béni. IX On avait mis en panne, et c'était grande fÃÂȘte Chaque homme sur son mùt tenait le verre en main; Chacun à son signal se découvrit la tÃÂȘte, 60 Et répondit d'en haut par un hourra soudain. Le soleil souriant dorait les voiles blanches; L'air ému répétait ces voix mùles et franches, Ce noble appel de l'homme à son pays lointain. X AprÚs le cri de tous, chacun rÃÂȘve en silence. 65 Dans la mousse d'Aï luit l'éclair d'un bonheur; Tout au fond de son verre il aperçoit la France. La France est pour chacun ce qu'y laissa son coeur L'un y voit son vieux pÚre assis au coin de l'ùtre, Comptant ses jours d'absence; à la table du pùtre, 70 Il voit sa chaise vide à cÎté de sa soeur. XI Un autre y voit Paris, oÃÂč sa fille penchée Marque avec les compas tous les souffles de l'air, Ternit de pleurs la glace oÃÂč l'aiguille est cachée, Et cherche à ramener l'aimant avec le fer. 75 Un autre y voit Marseille. Une femme se lÚve, Court au port et lui tend un mouchoir de la grÚve, Et ne sent pas ses pieds enfoncés dans la mer. XII Ô superstition des amours ineffables, Murmures de nos coeurs qui nous semblez des voix, 80 Calculs de la science, Î décevantes fables! Pourquoi nous apparaÃtre en un jour tant de fois? Pourquoi vers l'horizon nous tendre ainsi des piÚges? Espérances roulant comme roulent les neiges; Globes toujours pétris et fondus sous nos doigts! XIII 85 OÃÂč sont-ils à présent? oÃÂč sont ces trois cents braves? Renversés par le vent dans les courants maudits, Aux harpons indiens ils portent pour épaves Leurs habits déchirés sur leurs corps refroidis. Les savants officiers, la hache à la ceinture, 90 Ont péri les premiers en coupant la mùture Ainsi de ces trois cents il n'en reste que dix! XIV Le Capitaine encor jette un regard au pÎle Dont il vient d'explorer les détroits inconnus. L'eau monte à ses genoux et frappe son épaule; 95 Il peut lever au ciel l'un de ses deux bras nus. Son navire est coulé, sa vie est révolue Il lance la Bouteille à la mer, et salue Les jours de l'avenir qui pour lui sont venus. XV Il sourit en songeant que ce fragile verre 100 Portera sa pensée et son nom jusqu'au port; Que d'une Ãle inconnue il agrandit la terre; Qu'il marque un nouvel astre et le confie au sort; Que Dieu peut bien permettre à des eaux insensées De perdre des vaisseaux, mais non pas des pensées, 105 Et qu'avec un flacon il a vaincu la mort. XVI Tout est dit. A présent, que Dieu lui soit en aide! Sur le brick englouti l'onde a pris son niveau. Au large flot de l'est le flot de l'ouest succÚde, Et la Bouteille y roule en son vaste berceau. 110 Seule dans l'Océan, la frÃÂȘle passagÚre N'a pas pour se guider une brise légÚre; Mais elle vient de l'arche et porte le rameau. XVII Les courants l'emportaient, les glaçons la retiennent Et la couvrent des plis d'un épais manteau blanc. 115 Les noirs chevaux de mer la heurtent, puis reviennent La flairer avec crainte, et passent en soufflant. Elle attend que l'été, changeant ses destinées, Vienne ouvrir le rempart des glaces obstinées, Et vers la ligne ardente elle monte en roulant. XVIII 120 Un jour, tout était calme et la mer Pacifique, Par ses vagues d'azur, d'or et de diamant, Renvoyait ses splendeurs au soleil du tropique. Un navire y passait majestueusement, Il a vu la Bouteille aux gens de mer sacrée 125 Il couvre de signaux sa flamme diaprée, Lance un canot en mer et s'arrÃÂȘte un moment. XIX Mais on entend au loin le canon des corsaires; Le Négrier va fuir s'il peut prendre le vent. Alerte! et coulez bas ces sombres adversaires! 130 Noyez or et bourreaux du couchant au levant! La Frégate reprend ses canots et les jette En son sein, comme fait la sarigue inquiÚte, Et par voile et vapeur vole et roule en avant. XX Seule dans l'Océan, seule toujours! - Perdue 135 Comme un point invisible en un mouvant désert, L'aventuriÚre passe errant dans l'étendue, Et voit tel cap secret qui n'est pas découvert. Tremblante voyageuse à flotter condamnée, Elle sent sur son col que depuis une année 140 L'algue et les goémons lui font un manteau vert. XXI Un soir enfin, les vents qui soufflent des Florides L'entraÃnent vers la France et ses bords pluvieux. Un pÃÂȘcheur accroupi sous des rochers arides Tire dans ses filets le flacon précieux. 145 Il court, cherche un savant et lui montre sa prise, Et, sans l'oser ouvrir, demande qu'on lui dise Quel est cet élixir noir et mystérieux. XXII Quel est cet élixir? PÃÂȘcheur, c'est la science, C'est l'élixir divin que boivent les esprits, 150 Trésor de la pensée et de l'expérience; Et si tes lourds filets, Î pÃÂȘcheur, avaient pris L'or qui toujours serpente aux veines du Mexique, Les diamants de l'Inde et les perles d'Afrique, Ton labeur de ce jour aurait eu moins de prix. XXIII 155 Regarde. - Quelle joie ardente et sérieuse! Une gloire de plus luit sur la nation. Le canon tout-puissant et la cloche pieuse Font sur les toits tremblants bondir l'émotion. Aux héros du savoir plus qu'à ceux des batailles 160 On va faire aujourd'hui de grandes funérailles. Lis ce mot sur les murs " Commémoration! " XXIV Souvenir éternel! gloire à la découverte Dans l'homme ou la nature, égaux en profondeur, Dans le Juste et le Bien, source à peine entr'ouverte, 165 Dans l'Art inépuisable, abÃme de splendeur! Qu'importe oubli, morsure, injustice insensée, Glaces et tourbillons de notre traversée? Sur la pierre des morts croÃt l'arbre de grandeur. XXV Cet arbre est le plus beau de la terre promise, 170 C'est votre phare à tous. Penseurs laborieux! Voguez sans jamais craindre ou les flots ou la brise Pour tout trésor scellé du cachet précieux. L'or pur doit surnager, et sa gloire est certaine; Dites en souriant comme ce capitaine 175 " Qu'il aborde, si c'est la volonté des Dieux! " XXVI Le vrai Dieu, le Dieu fort, est le Dieu des idées. Sur nos fronts oÃÂč le germe est jeté par le sort, Répandons le Savoir en fécondes ondées; Puis, recueillant le fruit tel que de l'ùme il sort, 180 Tout empreint du parfum des saintes solitudes, Jetons l'oeuvre à la mer, la mer des multitudes Dieu la prendra du doigt pour la conduire au port. Au Maine-Giraud, octobre 1858. WANDA. HISTOIRE RUSSE. CONVERSATION AU BAL A PARIS. I UN FRANÇAIS. Qui donc vous a donné ces bagues enchantées Que vous ne touchez pas sans un air de douleur? Vos mains, par ces rubis, semblent ensanglantées. Ces cachets grecs, ces croix, souvenirs d'un malheur, 5 Sont-ils chers et cruels? sont-ils expiatoires? Le pays des Ivans a seul ces perles noires, D'une contrée en deuil symboles sans couleur. II WANDA, grande dame russe. Celle qui m'a donné ces ornements de fÃÂȘte, Ce cachet dont un Czar fut le seul possesseur, 10 Ces diamants en feu qui tremblent sur ma tÃÂȘte, Ces reliques sans prix d'un saint intercesseur, Ces rubis, ces saphirs qui chargent ma ceinture, Ce bracelet qu'émaille une antique peinture, Ces talismans sacrés, c'est l'esclave ma soeur. III 15 Car elle était princesse, et maintenant qu'est-elle? Nul ne l'oserait dire et n'ose le savoir. On a rayé le nom dont le monde l'appelle. Elle n'est qu'une femme et mange le pain noir. Le pain qu'à son mari donne la Sibérie; 20 Et parmi les mineurs s'assied pùle et flétrie, Et boit chaque matin les larmes du devoir. IV En ce temps-là , ma soeur, sur le seuil de sa porte, Nous dit " Vivez en paix, je vais garder ma foi. " Gardez ces vanités; au monde je suis morte, 25 " Puisque le seul que j'aime est mort devant la loi. " Des splendeurs de mon front conservez les ruines. " Je le suivrai partout, jusques au fond des mines; " Vous qui savez aimer, vous feriez comme moi. V " L'empereur tout-puissant, qui voit d'en haut les choses, 30 " Du prince mon seigneur voulut faire un forçat. " Dieu seul peut réviser un jour ces grandes causes " Entre le souverain, le sujet et l'État. " Pour moi, je porterai mes fils sur mon épaule " Tandis que mon mari, sur la route du pÎle, 35 " Marche et traÃne un boulet, conduit par un soldat. VI " La fatigue a courbé sa poitrine écrasée; " Le froid gonfle ses pieds dans des chemins mauvais; " La neige tombe en flots sur sa tÃÂȘte rasée; " Il brise les glaçons sur le bord des marais. 40 " Lui de qui les aïeux s'élisaient pour l'empire, " Répond Serge, au camp mÃÂȘme oÃÂč tous leur disaient Sire. " Comment puis-je, à Moscou, dormir dans mon palais? VII " Prenez donc, Î mes soeurs, ces signes de mollesse. " J'irai dans les caveaux, dans l'air empoisonneur, 45 " Conservant seulement, de toute ma richesse, " L'aiguille et le marteau pour luxe et pour honneur; " Et puisqu'il est écrit que la race des Slaves " Doit porter et le joug et le nom des esclaves, " Je descendrai vivante au tombeau du mineur. VIII 50 " Là , j'aurai soin d'user ma vie avec la sienne, " Je soutiendrai ses bras quand il prendra l'essieu. " Je briserai mon corps pour que rien ne retienne " Mon ùme quand son ùme aura monté vers Dieu; " Et bientÎt, nous tirant des glaces éternelles, 55 " L'ange de mort viendra nous prendre sous ses ailes " Pour nous porter ensemble aux chaleurs du ciel bleu. " IX Et ce qu'elle avait dit, ma soeur l'a bien su faire; Elle a tissé le lin, et de ses écheveaux EspÚre en vain former son linceul mortuaire; 60 Et depuis vingt hivers achÚve vingt travaux, Calculant jour par jour, sur ses mains enchaÃnées, Les grains du chapelet de ses sombres années. Quatre enfants ont grandi dans l'ombre des caveaux. X Leurs yeux craignent le jour quand sa lumiÚre pùle 65 Trois fois dans une année éclaire leur pùleur. Comme pour les agneaux, la brebis et le mùle Sont parqués à la fois par le mauvais pasteur. La mÚre eût bien voulu qu'on leur apprÃt à lire, Puisqu'ils portaient le nom des princes de l'empire 70 Et n'ont rien fait encor qui blesse l'Empereur. XI Un jour de fÃÂȘte on a demandé cette grùce Au Czar toujours affable et clément souverain, Lorsqu'au front des soldats seul il passe et repasse. AprÚs dix ans d'attente il répondit enfin 75 " Un esclave a besoin d'un marteau, non d'un livre; La lecture est fatale à ceux-là qui, pour vivre, Doivent avoir bon bras pour gagner un bon pain. " XII Ce mot fut un couteau pour le coeur de la mÚre; Avant qu'il ne fût dit, quand s'asseyait ma soeur, 80 Ses larmes sillonnaient la neige sur la terre, Tombant devant ses pieds, non sans quelque douceur. Mais aujourd'hui, sans pleurs, elle passe l'année A regarder ses fils d'une vue étonnée; Ses yeux secs sont glacés d'épouvante et d'horreur! XIII LE FRANÇAIS. 85 Wanda, j'écoute encore aprÚs votre silence; J'ai senti sur mon coeur peser ce doigt d'airain Qui porte au bout du monde à toute ùme qui pense Les épouvantements du fatal souverain. Cet homme enseveli vivant avec sa femme, 90 Ces esclaves enfants dont on va tuer l'ùme, Est-ce de notre siÚcle ou du temps d'Ugolin? XIV Non, non, il n'est pas vrai que le peuple en tout ùge, Lui seul ait travaillé, lui seul ait combattu; Que l'immolation, la force et le courage 95 N'habitent pas un coeur de velours revÃÂȘtu. Plus belle était la vie et plus grande est sa perte, Plus pur est le calice oÃÂč l'hostie est offerte. Sacrifice, Î toi seul peut-ÃÂȘtre es la vertu! XV Tandis que vous parliez je sentais dans mes veines 100 Les imprécations bouillonner sourdement. Vous ne maudissez pas, Î vous, femmes romaines! Vous traÃnez votre joug silencieusement. Éponines du Nord, vous dormez dans vos tombes, Vous soutenez l'esclave au fond des catacombes 105 D'oÃÂč vous ne sortirez qu'au dernier jugement. XVI Peuple silencieux, souverain gigantesque! Lutteurs de fer toujours muets et combattants! Pierre avait commencé ce duel romanesque Le verrons-nous finir? Est-il de notre temps? 110 Le dompteur est debout nuit et jour et surveille Le dompté qui se tait jusqu'à ce qu'il s'éveille. Se regardant l'un l'autre ainsi que deux Titans. XVII En bas, le peuple voit de son oeil de Tartare Ses seigneurs révoltés, combattus par ses Czars, 115 Aiguise sur les pins sa hache et la prépare A peser tout son poids dans les futurs hasards. En haut, seul, l'Empereur sur la Russie entiÚre PromÚne en galopant l'autre hache dont Pierre Abattit de sa main les tÃÂȘtes de Boyards. XVIII 120 Une nuit on a vu ces deux larges cognées Se heurter, se porter des coups profonds et lourds. Les hommes sont tombés, les femmes résignées Ont marché dans la neige à la voix des tambours, Et, comme votre soeur, ont d'une main meurtrie 125 Bercé leurs fils au bord des lacs de Sibérie, Et cherché pour dormir la taniÚre des ours. XIX Et ces femmes sans peur, ces reines détrÎnées, Dédaignent de se plaindre et s'en vont au désert Sans détourner les yeux, sans mÃÂȘme ÃÂȘtre étonnées 130 En passant sous la porte oÃÂč tout espoir se perd. A voir leur front si calme, on croirait qu'elles savent Que leurs ans, jour par jour, par avance se gravent Sur un livre éternel devant le Czar ouvert. XX Quel signe formidable a-t-il au front, cet homme? 135 Qui donc ferma son coeur des trois cercles de fer Dont s'étaient cuirassés les empereurs de Rome Contre les cris de l'ùme et les cris de la chair? Croit-on parmi vos serfs qu'à la fin il se lasse De semer les martyrs sur la neige et la glace, 140 D'entasser les damnés dans un terrestre enfer? XXI S'il était vrai qu'il eût au fond de sa poitrine Un coeur de pÚre ému des pùleurs d'un enfant, Qu'assis prÚs de sa fille à la beauté divine Il eût les yeux en pleurs, l'air doux et triomphant, 145 Qu'il eût pour rÃÂȘve unique et désir de son ùme Quelques jours de repos pour emporter sa femme Sous les soleils du Sud qui réchauffent le sang; XXII S'il était vrai qu'il eût conduit hors du servage Un peuple tout entier de sa main racheté, 150 Créant le pasteur libre et créant le village OÃÂč l'esclave tartare avait seul existé. Pareil au voyageur dont la richesse est fiÚre D'acheter mille oiseaux et d'ouvrir la voliÚre Pour leur rendre à la fois l'air et la liberté ; XXIII 155 Il aurait déjà dit " J'ai pitié, je fais grùce; L'ancien crime est lavé par les martyrs nouveaux; " Sa voix aurait trois fois répété dans l'espace, Comme la voix de l'ange ouvrant les derniers sceaux. Devant les nations surprises, attentives, 160 Devant la race libre et les races captives " La brebis m'a vaincu par le sang des agneaux. " XXIV Mais il n'a point parlé, mais cette année encore Heure par heure en vain lentement tombera, Et la neige sans bruit, sur la terre incolore, Aux pieds des exilés nuit et jour gÚlera. 165 Silencieux devant son armée en silence, Le Czar, en mesurant la cuirasse et la lance, Passera sa revue et toujours se taira. 5 novembre 1847. DIX ANS APRÈS. UN BILLET DE WANDA AU MÃƠME FRANÇAIS De Tobolsk en Sibérie. Le 21 octobre 1855, jour de la bataille de l'Alma. Vous disiez vrai. Le Czar s'est tu. - Ma soeur est morte. Les serfs de Sibérie ont porté le cercueil. Et les fils de la sainte et de la femme forte Comme esclaves suivaient, sans nom, sans rang, sans deuil. 5 La cloche seule émeut la ville inanimée. Mais, au sud, le canon s'entend vers la Crimée. Et c'est au coeur de l'ours que Dieu frappe l'orgueil. SECOND BILLET DE WANDA AU MÃƠME FRANÇAIS. De Tobolsk en Sibérie. AprÚs la prise du fort Malakof. Sébastopol détruit n'est plus. - L'aigle de France L'a rasé de la terre, et le Czar étonné Est mort de rage. - On dit que la balance immense Du Seigneur a paru quand la foudre a tonné. 5 - La sainte la tenait flottante dans l'espace. L'épouse, la martyre a peut-ÃÂȘtre fait grùce, Dieu du ciel! - Mais la mÚre a-t-elle pardonné? L'ESPRIT PUR A EVA. I Si l'orgueil prend ton coeur quand le peuple me nomme, Que de mes livres seuls te vienne ta fierté. J'ai mis sur le cimier doré du gentilhomme Une plume de fer qui n'est pas sans beauté. 5 J'ai fait illustre un nom qu'on m'a transmis sans gloire. Qu'il soit ancien, qu'importe? il n'aura de mémoire Que du jour seulement oÃÂč mon front l'a porté. II Dans le caveau des miens plongeant mes pas nocturnes, J'ai compté mes aïeux, suivant leur vieille loi. 10 J'ouvris leurs parchemins, je fouillai dans leurs urnes Empreintes sur le flanc des sceaux de chaque roi. A peine une étincelle a relui dans leur cendre. C'est en vain que d'eux tous le sang m'a fait descendre Si j'écris leur histoire, ils descendront de moi. III 15 Ils furent opulents, seigneurs de vastes terres, Grands chasseurs devant Dieu, comme Nemrod, jaloux Des beaux cerfs qu'ils lançaient des bois héréditaires Jusqu'oÃÂč voulait la mort les livrer à leurs coups; Suivant leur forte meute à travers deux provinces, 20 Coupant les chiens du roi, déroutant ceux des princes, Forçant les sangliers et détruisant les loups; IV Galants guerriers sur terre et sur mer, se montrÚrent Gens d'honneur en tout temps comme en tous lieux, cherchant De la Chine au Pérou les Anglais, qu'ils brûlÚrent 25 Sur l'eau qu'ils écumaient du levant au couchant; Puis, sur leur talon rouge, en quittant les batailles, Parfumés et blessés revenaient à Versailles Jaser à l'OEil-de-boeuf avant de voir leur champ. V Mais les champs de la Beauce avaient leurs coeurs, leurs ùmes, 30 Leurs soins. Ils les peuplaient d'innombrables garçons, De filles qu'ils donnaient aux chevaliers pour femmes, Dignes de suivre en tout l'exemple et les leçons; Simples et satisfaits si chacun de leur race Apposait saint Louis en croix sur sa cuirasse, 35 Comme leurs vieux portraits qu'aux murs noirs nous plaçons. VI Mais aucun, au sortir d'une rude campagne, Ne sut se recueillir, quitter le destrier, Dételer pour un jour ses palefrois d'Espagne, Ni des coursiers de chasse enlever l'étrier 40 Pour graver quelque page et dire en quelque livre Comme son temps vivait et comment il sut vivre, DÚs qu'ils n'agissaient plus, se hùtant d'oublier. VII Tous sont morts en laissant leur nom sans auréole; Mais sur le disque d'or voilà qu'il est écrit, 45 Disant " Ici passaient deux races de la Gaule Dont le dernier vivant monte au Temple et s'inscrit, Non sur l'obscur amas des vieux noms inutiles, Des orgueilleux méchants et des riches futiles, Mais sur le pur tableau des livres de l'ESPRIT. " VIII 50 Ton rÚgne est arrivé, PUR ESPRIT, roi du monde! Quand ton aile d'azur dans la nuit nous surprit, Déesse de nos moeurs, la guerre vagabonde Régnait sur nos aïeux. Aujourd'hui, c'est 1'ECRIT, L'ECRIT UNIVERSEL, parfois impérissable, 55 Que tu graves au marbre ou traÃnes sur le sable, Colombe au bec d'airain! VISIBLE SAINT-ESPRIT! IX Seul et dernier anneau de deux chaÃnes brisées, Je reste. Et je soutiens encor dans les hauteurs, Parmi les maÃtres purs de nos savants musées, 60 L'IDEAL du poÚte et des graves penseurs. J'éprouve sa durée en vingt ans de silence, Et toujours, d'ùge en ùge encor, je vois la France Contempler mes tableaux et leur jeter des fleurs. X Jeune postérité d'un vivant qui vous aime! 65 Mes traits dans vos regards ne sont pas effacés; Je peux en ce miroir me connaÃtre moi-mÃÂȘme, Juge toujours nouveau de nos travaux passés! Flots d'amis renaissants! Puissent mes Destinées Vous amener à moi, de dix en dix années, 70 Attentifs à mon oeuvre, et pour moi c'est assez! 10 mars 1863. NOTE POUR LE POEME DE WANDA. LA RUSSIE ET LES RUSSES PAR N. TOURGUENIEF. Tome Ier, p. 104. ...Ce sont les femmes surtout qui, dans cette circonstance comme toujours, ont agi le plus éloquemment. Une d'entre elles, belle et accomplie, appartenant à une famille illustre, et nouvellement mariée à un des condamnés, N. M. je crois Nicolas Mouravief, n'hésita pas un moment à le suivre en Sibérie, oÃÂč son propre frÚre fut aussi envoyé. Là , elle donna le jour à un enfant. La rigueur du climat, dans l'endroit oÃÂč elle se trouvait, était trÚs défavorable à cette pauvre créature et à la mÚre elle-mÃÂȘme. Pendant longtemps on sollicita pour cette famille la faveur d'ÃÂȘtre envoyée ailleurs, mÃÂȘme dans cette affreuse Sibérie; ce fut toujours en vain. - La mort vint mettre un terme aux souffrances de cette femme héroïque. Une autre, la jeune et riche épouse du prince Tr... je pense Troubetzkoï, au moment oÃÂč l'arrÃÂȘt qui condamnait son mari lui fut connu, déclara qu'elle le suivrait et accomplit sa résolution, malgré l'opposition de ses parents, qui n'étaient que des courtisans. Un jeune Français, qui se trouvait attaché comme secrétaire particulier au comte L. peut-ÃÂȘtre Laval, pÚre de Mme T..., pensant aux difficultés qu'aurait pour elle un pareil voyage, l'accompagna également. Il revint bientÎt en France et put donner quelques renseignements sur la position des exilés. Lorsqu'elle fut arrivée à destination, on dit à la princesse Tr... que, son mari devant rester prisonnier, elle pourrait se loger dans une maison particuliÚre et qu'elle aurait la permission de le voir une ou deux fois par semaine. Elle persista à vouloir entrer elle-mÃÂȘme en prison pour ÃÂȘtre toujours auprÚs de lui. On lui représenta vainement que, dans ce cas, elle ne pourrait conserver auprÚs d'elle personne pour la servir. - Elle accepta toutes ces conditions et continua longtemps à remplir elle-mÃÂȘme les pénibles devoirs d'un ménage de prison. Tome III, p. 16. ... Que la Russie, poussée nécessairement vers la civilisation européenne, n'y a choisi avec ardeur que les formes et les usages superficiels. MÃÂȘme tome, p. 38. L'esclavage et la Pologne, obstacles à la civilisation en Russie. TABLE LIVRE MYSTIQUE ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.Pages. MOÏSE, poÚme. ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©..5 ÉLOA, SOEUR DES ANGES, mystÚre. ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€© 11 Chant premier. NAISSANCE ñ€©.ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€© 11 Chant deuxiÚme. SÉDUCTION ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.24 Chant troisiÚme. CHUTE ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€© 33 LE DÉLUGE, mystÚre. ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.45 LIVRE ANTIQUE ANTIQUITÉ BIBLIQUE LA FILLE DE JEPHTÉ, poÚme ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.65 LA FEMME ADULTÈRE ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.69 LE BAIN, fragment d'un poÚme de SUZANNE. ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.77 ANTIQUITÉ HOMÉRIQUE ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.Pages. LE SOMNAMBULE, poÚme. ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.79 LA DRYADE, idylle. ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.82 SYMÉTHA, élégie. ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.88 LE BAIN D'UNE DAME ROMAINE .ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.91 LIVRE MODERNE DOLORIDA, poÚme. ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.95 LE MALHEUR. ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€© 102 LA PRISON, poÚme. XVIIe siÚcle. ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.106 MADAME DE SOUBISE, poÚme, XVIe siÚcle. ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.119 LA NEIGE, poÚme ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.129 LE COR, poÚme ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€© 134 LE BAL, poÚme ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.138 LE TRAPPISTE, poÚme ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.142 LA FRÉGATE La Sérieuse, ou LA PLAINTE DU CAPITAINE, poÚme ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.152 LA TRAVERSÉE .ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.154 LE REPOS .ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.162 LE COMBAT .ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.163 LES AMANTS DE MONTMORENCY, élévation. ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.169 PARIS, élévation. ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€© 175 LES DESTINÉES POÈMES PHILOSOPHIQUES OEuvres posthumes LES DESTINÉES. ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.189 LA MAISON DU BERGER. ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.196 ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.Pages. LES ORACLES. ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.211 LA SAUVAGE. ñ€©ñ€©.ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.221 LA COLÈRE DE SAMSON. ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.231 LA MORT DU LOUP. ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.237 LA FLUTE. ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.242 LE MONT DES OLIVIERS. ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.249 LA BOUTEILLE A LA MER. ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.256 WANDA. ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.270 UN BILLET DE WANDA. ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€© 283 SECOND BILLET DE WANDA. ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.284 L'ESPRIT PUR. ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©.285 NOTE POUR LE POÈME DE WANDA. ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€©ñ€© 291 Achevé d'imprimer Le quinze août mil huit cent quatre-vingt-trois PAR CHARLES UNSINGER POUR ALPHONSE LEMERRE, ÉDITEUR A PARIS- FIN DU FICHIER vignypoesie1 -

Parolesde la chanson Les murs par Yannick Noah. Ya un mur devant nous. Qui empĂȘche de passer. Ya plein d'envie derriĂšre. Mais comment avancer. Les sourires les soleils. Sont tout

Informations gĂ©nĂ©rales sur LES MURS ONT LA PAROLE Raison sociale LES MURS ONT LA PAROLE Sigle Enseigne Documents lĂ©gaux 3 Documents lĂ©gaux + de dĂ©tails Dirigeants 1 dirigeants + de dĂ©tails Adresse ESPACE STRATOS LILLE AEROPORT 59273 FRETIN Retrouvez les sociĂ©tĂ©sdu mĂȘme dĂ©partement TĂ©lĂ©phone Afficher le tĂ©lĂ©phone Appeler Fax Forme juridique SARL Date de crĂ©ation Créée le 29/07/2005 Derniers statuts Ă  jour + de dĂ©tails Capital Social SIREN 483 869 160 SIRET 483 869 160 00018 NumĂ©ro de TVA FR67483869160 ActivitĂ© code APE / NAF 6420Z / ActivitĂ©s des sociĂ©tĂ©s holding Retrouvez les sociĂ©tĂ©sdu mĂȘme secteur LES MURS ONT LA PAROLE, SARL, a dĂ©butĂ© son activitĂ© en juillet KRAUSE est gĂ©rant de la sociĂ©tĂ© LES MURS ONT LA PAROLE. Le siĂšge social de cette entreprise est actuellement situĂ© Espace Stratos - 59273 FretinLES MURS ONT LA PAROLE Ă©volue sur le secteur d'activitĂ© ActivitĂ©s des services financiers, hors assurance et caisses de retraite DĂ©cisions de justice 04/12/2008 Cloture + de dĂ©tails 16/09/2008 DĂ©pot crĂ©ances + de dĂ©tails 24/10/2007 DĂ©pot crĂ©ances + de dĂ©tails Dirigeant - LES MURS ONT LA PAROLE GĂ©rant M KRAUSE Philippe Acheter la fiche complĂšte
Lesmurs de la ville sont posĂ©s sur 12 pierres de fondation, et sur ces pierres, il y a les noms des 12 apĂŽtres de l’Agneau. L’ange qui me parle tient quelque chose pour mesurer : c’est un roseau en or. Il mesure la ville, ses portes et ses murs. La ville est carrĂ©e : sa longueur est Ă©gale Ă  sa largeur. L’ange la mesure avec le roseau : il y a 12 000 mesures en longueur, en
Visites guidĂ©es Croix-Rousse Visite proposĂ©e par ONLYLYON Tourisme et CongrĂšs Une visite pour redĂ©couvrir la Croix-Rousse autrement, en laissant parler les murs ! Laissez-vous conter l'histoire de la Croix-Rousse et de Lyon d'une façon qui devrait vous Ă©tonner ! Un parcours inĂ©dit vous balade Ă  la dĂ©couverte des fresques murales et "trompe-l'oeil" c'est tout un monde d'images, de poĂ©sie et d'art qui s'offre Ă  la vue de chacun. Voici un Ă©clairage diffĂ©rent sur ce quartier celui des Canuts, bien sĂ»r, mais aussi celui de la Route de la Soie, le mur peint vĂ©gĂ©talisĂ© de l’Annonciade, qui fait voyager, celui en hommage au peintre Tony Tollet et celui qui clĂŽture la visite, la fresque des Lyonnais cĂ©lĂšbres. Les thĂ©matiques sont variĂ©es et permettent d’évoquer aussi bien l’histoire que les hommes, les traditions et savoir-faire lyonnais, ainsi que des aspects sociaux, sans oublier les techniques de fabrication des murs peints
 Une vraie spĂ©cificitĂ© lyonnaise. Incroyable tout ce qu’on peut apprendre sans en avoir l’air, en regardant les murs peints qui jalonnent cette jolie balade commentĂ©e en pente douce. Cette visite est proposĂ©e par les guides-confĂ©renciers d'ONLYLYON Tourisme et CongrĂšs Bon Ă  savoir Merci de vous prĂ©senter au rendez-vous 10 minutes avant le dĂ©part de la obligatoireAnnulation sans frais 72h avant la date de prestationLes enfants et mineurs restent sous la responsabilitĂ© de leurs parents pendant cette visite. La participation d'un adulte est obligatoire pour chaque rĂ©servation Type Visite guidĂ©e Ă  pied Lieu de dĂ©part Devant le "Mur des Canuts", Ă  l'angle du boulevard des Canuts et de la rue Denfert-Rochereau, Lyon 4e. Tarifs Adulte 13,00 € De 8 Ă  18 ans & Ă©tudiants 8,00 € Enfants -8 ans Gratuit Avec la Lyon City Card Gratuit Un mur peint et repeint Sur 1200m2, la Fresque des Canuts Ă  la Croix-Rousse montre l’ambiance typique du quartier. RĂ©alisĂ© en 1997, ce trompe-l’Ɠil est rĂ©guliĂšrement actualisĂ© pour tenir compte des transformations du quartier et de ses habitants. Cette visite est disponiblepour les groupes Plus de 70 thĂšmes de visites guidĂ©es, en 9 langues, 30 guides passionnĂ©s l’offre la plus complĂšte de Lyon ! Scolaires Associations Entreprises Professionnels du Tourisme Groupes d’individuels meilleureoffregarantie Les guides Delphine AprĂšs des Ă©tudes qui m’ont menĂ©e au Danemark et en Allemagne, je suis revenue Ă  Lyon, ma ville natale. Ici, dans la plus belle des villes en toute objectivitĂ© bien sĂ»r, je voyage grĂące Ă  mon mĂ©tier de guide-confĂ©renciĂšre, qui me procure au quotidien de multiples joies. Lyon bouge et se transforme sans cesse, avec ses grands projets et ses amĂ©nagements. J’aime admirer la SaĂŽne et ses vieux quartiers, suivre du regard le RhĂŽne, profiter de la vue des collines verdoyantes et prendre le temps d’échanger avec les visiteurs. Venir Ă  votre rencontre, ĂȘtre attentive Ă  vos envies et vos attentes voilĂ  ce qui m’anime ! Le temps d’une visite guidĂ©e, je partage ma passion pour l’histoire, l’archĂ©ologie, l’architecture, l’urbanisme, les arts
. et pour celles et ceux, cĂ©lĂšbres ou anonymes, qui ont fait Lyon. A bientĂŽt en visite ! Laurence Bien chaussĂ©e, bien chapeautĂ©e, me voilĂ  fin prĂȘte pour vous faire "voyager dans notre vie". J'aurai plaisir Ă  vous faire dĂ©couvrir nos "incontournables " mais aussi mes coups de cƓur. En un mot, Ă  vous apprendre Ă  ouvrir l'Ɠil pour saisir l’ñme de notre ville! Tout cela en vous en contant l’Histoire et l'art de notre capitale classĂ©e Ă  l’UNESCO. JĂ©rĂŽme Les gens me demandent souvent, au cours des visites, si je suis Ă©tudiant. Je n'en ai plus l'Ăąge. Si je suis historien. Je n'en ai pas le grade. Si je suis architecte. Je n'en ai pas le diplĂŽme. Mais, nĂ© Ă  Lyon, j'aime faire dĂ©couvrir au public que cette ville n'est pas qu'une suite de belles façades. Il faut qu'on y sente l'Ă©paisseur du passĂ©, la profondeur des racines, l'art de bĂątir, le rapport Ă  la lumiĂšre, l'attrait pour la bonne table, la relation au site, la diversitĂ© des quartiers. Bien sĂ»r, ce qu'on voit compte. Mais je ne trouve une visite rĂ©ussie que si celles et ceux qui m'ont suivi ont passĂ© un bon moment, c'est-Ă -dire, au fil de la dĂ©ambulation, si je suis parvenu Ă  leur faire traverser la premiĂšre image, ressentir comment a vĂ©cu la population d'autrefois et comment la ville se vit aujourd'hui. Avec la joie, souvent, d'entendre de la bouche de l'une ou l'autre le souhait d'y revenir et d'y sĂ©journer plus longtemps. Catherine "Ecoutez-voir les pierres de ma ville" Faire observer, raconter, donner sens, voilĂ  ce qui me motive essentiellement dans mon mĂ©tier. Mon histoire personnelle s'est essentiellement dĂ©roulĂ©e Ă  Lyon, que j'ai vu avec fiertĂ© s'embellir ces derniĂšres dĂ©cennies. Partager avec des visiteurs du monde entier -je parle anglais et allemand- la beautĂ© de ma ville est un bonheur et un honneur. Mais ce que j'aime aussi, c'est parler aux Lyonnais eux-mĂȘmes de leur ville en les aidant Ă  comprendre la spĂ©cificitĂ© de leur quartier. Fabienne Quelle chance d'avoir fait mes Ă©tudes d'histoire de l'art et d'archĂ©ologie Ă  Lyon, c'est Magique ! Des théùtres romains au musĂ©e des confluences, passĂ©, prĂ©sent et futur s'entremĂȘlent avec beautĂ© et harmonie comme les fils d'or, d'argent et de soie de nos canuts. Trabouler avec le fantĂŽme de Rabelais qui nous entraine de l’HĂŽtel-Dieu jusqu'aux riches demeures des marchands banquiers du Vieux-Lyon, en passant par les auberges, les bouchons ou autres grands chefs Ă©toilĂ©s
 DĂ©guster la lumiĂšre italienne qui vient dorer les coteaux croix-roussiens les soirs d'Ă©tĂ©, tout en suivant les chemins nature au bord de l'eau au milieu des mouettes et des bateaux. J'adore cette ville oĂč il fait si bon vivre et j'adore la raconter Ă  nos visiteurs, car pour moi, passionnĂ©e d'urbanisme, la ville est un organisme vivant Charlotte Originaire de la campagne proche, je suis allĂ©e dĂ©couvrir le monde avant de revenir Ă  Lyon, la plus belle ville de France aprĂšs la vĂŽtre ! » Petite, Lyon s’est longtemps rĂ©sumĂ©e au Zoo du parc de la TĂȘte d’Or, des Ă©lĂ©phantes aux lions en passant par l’ours. Plus tard, c’est comme apprentie archĂ©ologue Ă  FourviĂšre que j’ai dĂ©couvert l’histoire et le patrimoine de je souhaite lors de votre venue vous transmettre ma passion pour l'art et l'histoire, vous transporter dans le temps et vous faire dĂ©couvrir la naissance d’une grande ville dans les traboules du Vieux-Lyon, vous faire entendre le bruit des bistanclaque-pan sur les pentes de la Croix-Rousse, vous raconter Lyon par ses murs peints dans le centre-ville vous faire aimer ma ville ! De la basilique de FourviĂšre aux musĂ©es de la Presqu’üle, je sais me mettre Ă  la hauteur » des plus jeunes visiteurs et leur faire aimer le patrimoine, mais n'oublie pas non plus les parents ! Mes visites sont dynamiques et vivantes afin que vous sentiez battre le cƓur de ma ville, que vous vous y sentiez chez vous. Loin de Lyon, ma spĂ©cialitĂ© universitaire est l'Ă©gyptologie, ma seconde passion le Japon lancez-moi sur ces sujets et vous ne m'arrĂȘterez plus ! VĂ©ronique J'aime aborder notre patrimoine sous l'angle des techniques et du savoir-faire voire de l'Ă©conomie pour le faire apprĂ©cier, qu'il s'agisse d'architecture et d'urbanisme ou de vignoble et de gastronomie. Cette visite est incluse dans laLyon City Card Le pass touristique et culturel incontournable pour profiter au mieux de votre sĂ©jour Ă  Lyon ! MUSÉES ET EXPOSITIONS ATTRACTIONS TRANSPORT VISITES GUIDÉES SPECTACLES DE GUIGNOL SHOPPING WIFI inclustransportillimitĂ© Ă  partir de 27€

SĂ©nĂ©gal: les murs ont la parole. De l’art Ă©phĂ©mĂšre, gratuit et biodĂ©gradable s’installe sur les façades de Dakar, au vu et au su de toute la population sĂ©nĂ©galaise

% p igm “‱ *a» y yi fcn T, - .- ßÊ* 5 ** Li^ ,"*Ăą L’ARCHITECTURE -i tJMiÊÊkiĂ© / L’ARCHITECTURE DE VITRUVE, TRADUITE EN FRANÇOIS, AVEC DES REMARQUES. MEMBRE DE L’ORDRE ÉQUESTRE ET DES ÉTATS DE LA PROVINCE DE NAMUR. G 7 , y.'' stGrtjJ A BRUXELLES, CHEZ ADOLPHE STAPLEAUX , LIBRAIRE, IMPRIMEUR DE S. M. LE ROI DES PAYS-BAS ET DE S. A. R. LE PRINCE D’ORANGE, MARCHÉ AUX HERBES, H. a86. WWW WM 1816. J i / -maez DU TRADUCTEUR. armi les arts que les anciens nous ont transmis , et dans lesquels ils ont Ă©tĂ© nos maĂźtres , on distingue sur-tout l’architecture. Son origine se perd dans la nuit du temps. DĂšs les siĂšcles les plus reculĂ©s , elle avoit atteint une grande perfection. Lefr Égyptiens avoient trouvĂ© le beau, le sublime, le grandiose, lorsqu’ils construisirent les temples de ThĂšbes du temps de SĂ©sostris , dont on fixe le rĂšgne plus de trois siĂšcles avant la guerre de Troie. Comme les autres arts , ils consacrĂšrent celui-ci Ă  leur religion ; ils sembloient ne les cultiver que pour elle , c etoit pour l’honorer qu’ils cherchoient la perfection. Les anciens monumens qui s’y sont conservĂ©s n’offrent, pour ainsi dire , encore aujourd’hui , que des temples , des statues de leurs dieux et des tombeaux. Les colonies Ă©gyptiennes, que CĂ©crops et Inacus introduisirent dans la GrĂšce , y rĂ©pandirent leur mythologie et les beaux-arts. Les Grecs, comme les Egyptiens, les employĂšrent d’abord pour le culte des dieux , et se livrĂšrent ensuite Ă  leur goĂ»t, avec toute l’ardeur qu'inspirent le gĂ©nie et la gloire. Leurs succĂšs furent rapides * quelquefois mĂȘme ils passĂšrent les limites des rĂšgles que leur enseignĂšrent les Egyptiens , et sur-tout pour l’architecture mais ces Ă©carts de l’imagination ne servirent qu’à les Ă©clairer , Ă  leur faire mieux connoĂźtre les excellens principes de leurs maĂźtres ils y revinrent, et on vit sortir de leurs mains des ouvrages , moins colos- sals Ă  la vĂ©ritĂ© , mais tout aussi admirables que ceux qui dĂ©coroient les villes brillantes de ThĂšbes et de Memphis. Comme ils reprĂ©sentoient leurs dieux sous des formes humaines, l’art chez eux eut d’abord l’homme pour objet. Dans la formation de leurs statues , ils cherchĂšrent ce qu’il y avoit de plus beau dans la nature et a vj ‱. 2 ' "' H r II È Ăź A C E parmi tous les individus qui la composent, ils choisirent ce qu’il y avoit de mieux. Des diverses beautĂ©s qu’ils y trouvĂšrent dissĂ©minĂ©es , ils formĂšrent, en les rĂ©unis- sant, ce beau idĂ©al qui n’existe pas dans la nature, et qui est bien plus parfait quelle. On Ă©tablit des rĂ©gies d’aprĂšs lesquelles on connut ce qui formoit l’essence de la beautĂ©, et l’on trouva que le rapport des proportions y contribuoit le plus. Ces rapports une fois trouvĂ©s pour former de belles statues, on appliqua les mĂȘmes principes pour perfectionner l'art de bĂątir. Aussi , comme le remarque Vitruve , toutes les proportions de l’architecture ont Ă©tĂ© prisĂ©s sur celĂźesdu corps humain. Les Grecs ayant formĂ© , pour reprĂ©senter leurs dieux, des statues d’une beautĂ© parfaite, ils construisirent des temples pour les y placer , d’aprĂšs les mĂȘmes principes. Le beau siĂšcle de PĂ©ri clĂ©s vit fleurir Ă  la fois tous les arts dans la GrĂšce. L’éloquence, la poĂ©sie , la peinture et la sculpture produisirent des chefs-d’Ɠuvre. On vit s’élever dans le mĂȘme temps des temples magnifiques et autres Ă©difices dont on ne se lasse pas d’admirer les proportions. Les Grecs revinrent aux excellens principes qu’ils tenoient des Égyptiens. Parmi les dĂ©corations capricieuses qui caractĂ©risent les ornemens de la colonne Ă©gyptienne, ils choisirent les trois genres qui leur plurent davantage pour former les trois ordres de leur architecture. Ils continuĂšrent par la suite Ă  cultiver cet art, en s’écartant un peu cependant des bons principes qu’ils avoient Ă©tablis. Les Romains Ă  leur tour les puisĂšrent chez les Grecs, Ă  qui ils dĂ©voient Ă©galement la connoissance des autres arts et des belles-lettres. Souvenez-vous, Ă©erivoit CicĂ©ron » Ă  Quintius, que vous commandez Ă  des Grecs qui ont civilisĂ© tous les peuples, en » leur enseignant la douceur et l’humanitĂ©, et Ă  qui Rome doit les lumiĂšres qu elle .» possĂšde. » Lorsque les Romains cultivĂšrent l’architecture, les rĂšgles de cet art Ă©toient Ă©tablis depuis long temps. On avoit fixĂ© ses proportions qui Ă©toient le rĂ©sultat d’une infinitĂ© de combinaisons , et des pensĂ©es sublimes dont Ă©toient remplis ceux qui avoient cuL- tivĂ© les arts dans les siĂšcles oĂč ils furent les plus llorissans. Les architectes romains ne s’écartĂšrent pas de ces rĂšgles. C’est d’aprĂšs les proportions qu’elles Ă©tablissoient, qu’ils construisirent tous les Ă©difices de Rome 5 il Ă©loit D U T R A D U C * T E U R. VI aisĂ© de les suivre et d’en faire l’application, puisqu’elles sont toutes trĂšs-prĂ©cisĂ©es. Tout est mesurĂ©, tout est dĂ©terminĂ© dans l'architecture. Il n’en est pas de mĂȘme des belles-lettres, ni des autres arts que les Romains tenoient aussi des Grecs.'Tant de choses rĂ©unies doivent contribuer Ă  la beautĂ© dans les ouvrages de poĂ©sie et d’éloquence ! L’invention du sujet, sa sage disposition, la beautĂ© des pensĂ©es, la vĂ©ritĂ© des images, le choix des expressions, etc. De mĂȘme, dans la peinture, soeur de la poĂ©sie, la correction du dessin, la beautĂ© des formes, le choix des attitudes, la disposition convenable de l’ouvrage, le parti que le peintre sait tirer dĂ» clair obscur, le coloris, etc. Il existe bien des rĂšgles gĂ©nĂ©rales, mais leur application au sujet qu’on traite est entiĂšrement dans le'gĂ©nie du poĂšte, de l’orateur et de l’artiste. Pour bien connoĂźtre ces rĂšgles et pour en faire la juste application , il faut avoir une partie du gĂ©nie des grands hommes qui les ont Ă©tablies. Il falloit ĂȘtre Virgile pour imiter HomĂšre,, et CicĂ©ron pour imiter DĂ©mosthĂšne. INous ne voyons nulle part qu’aucun peintre ou sculpteur romain ait atteint la perfection dans l’art d’Apelle , de de PraxitĂšle, Dans l’architecture, au contraire, tout est dĂ©terminĂ©, tout est fixĂ© par des rĂšgles prĂ©cises et immuables. DĂšs qu’on eut trouvĂ© les belles proportions qui constituent son essence et font sa plus grande beautĂ©, on en forma des principes qui sont Ă  la portĂ©e de tout le monde ; il suffit de les connoĂźtre et de ne pas s'en Ă©carter. ^ous avons retrouvĂ© ses belles proportions dans les ruines de la GrĂšce et de l’ancienne Rome dont la plupart des Ă©difices Ă©toient l’ouvrage d’architectes grecs, que les Romains , vainqueurs des hĂ©ritiers d’Alexandre , avoient emmenĂ©s avec eux pour les employer Ă  embellir leur capitale. * Auguste et MĂ©cĂšne , ces grands protecteurs des beaux-arts , firent de Rome une nouvelle AthĂšnes. * Il y a v oft dĂ©jĂ  long-temps, comme nous le verrons dans nos remarques sur Yitruvc , que les Étrusques avoient fait connoĂźtre l’architecture en Italie. Les Grecs mĂȘme ont employĂ© des architectes romains , comme nous l’apprend Yitruve dans l’introduction du septiĂšme livre. PRÉFACE Vlij Les successeurs d’Auguste marchĂšrent quelquefois sur ses traces , et continuĂšrent Ă  Ă©lever des Ă©difices construits d’aprĂšs les principes qu’ils tenoient des Grecs. En vain le temps a exercĂ© sa faux contre leurs ruines, beaucoup se sont conservĂ©es jusqu a nous. Ces prĂ©cieux restes suflisoient, peut-ĂȘtre , pour nous faire retrouver parmi eux les rĂšgles de l’art de bĂątir mais nous avons Ă©tĂ© bien plus heureux, puisque l’architecte d’Auguste a laissĂ© un traitĂ© complet de son art, et ce traitĂ© est venu jusqu’à nous. Cet ouvrage n Ă©toit pas .le seul qui existĂąt alors sur l'architecture. Plusieurs auteurs grecs et latins avoient Ă©crit sur ce sujet. Vitruve les nomme dans la prĂ©face du septiĂšme livre. D’aprĂšs ce qu’il dit, aucun d'eux n’avoit Ă©crit un traitĂ© complet de cet art ; chacun s’étoit occupĂ© d’un objet en particulier l’un avoit Ă©crit sur l’ordre dorique , un autre sur l’ordre toscan , d’autres sur la construction des temples , etc. Tous leurs ouvrages sont perdus. Le traitĂ© de Vitruve est le seul qui nous soit restĂ© , et il peut en quelque sorte nous consoler de la perle de tous les autres , puisque , comme il le dit, il a rĂ©uni dans son ouvrage les principes qui sont Ă©pars dans les autres auteurs. Il paroĂźt mĂȘme que, lorsque son traitĂ© parut , il fit oublier tous les autres. Les anciens le regardoient en effet comme le meilleur et le plus complet de tous. On voit combien il Ă©toit estimĂ© avant mĂȘme que le temps n’eĂ»t mis le sceau Ă  son mĂ©rite , puisque Pline le cite spĂ©cialement dans les XVI. e , XXXV. e et XXXVI. e livres de son histoire , ainsi que dans une infinitĂ© d’autres endroits. En un mot, lorsqu’il parle de l’architecture , il ne cite jamais d’autre auteur que Vitruve , et rapporte toujours ses propres paroles. Ce qui prouve combien il Ă©toit estimĂ© , mĂȘme dans les siĂšcles les plus barbares ^ c’est le grand nombre de manuscrits de son ouvrage qui ont Ă©chappĂ© aux ravages du temps et des hommes. On les conserve dans les plus cĂ©lĂšbres bibliothĂšques , entr’autres Ă  Rome dans celle du Vatican oĂč l’on en trouve deux ; dans celle du prince de Corcini, etc. J ai donnĂ© une liste des diffĂ©rentes Ă©ditions de l’ouvrage de Vitruve et des traductions qui en ont Ă©tĂ© faites dans toutes les langues de l Europe , depuis la renaissance des arts et 1 invention de 1 imprimerie. MalgrĂ© leur nombre , elles sont entiĂšrement DU TRADUCTEUR. ÎX Ă©puisĂ©es, et ce nest qu’avec la plus grande peine qu’un artiste ou un amateur parvient Ă  s’en procurer un exemplaire. On a lieu de s’étonner que personne n’ait pensĂ© jusqu’à prĂ©sent Ă  donner au public une nouvelle Ă©dition du de l’antiquitĂ© qui traite d’une science que nous devons entiĂšrement aux anciens , que nous avons apprise d’eux , et dans laquelle nous ne pouvons rĂ©ussir qu'en les imitant, qu'en marchant sur leurs traces. Depuis l’époque oĂč l’on a vu renaĂźtre en France le goĂ»t des lettres et des arts , on s’est empressĂ© de publier de nouvelles Ă©ditions des auteurs grecs et latins. Les poĂštes , les orateurs, les historiens ont Ă©tĂ© traduits , commentĂ©s plusieurs fois, et le sont encore tous les jours.» Mais ce qu’ils ont Ă©crit sur les sciences et les arts ne nous est pas aussi connu ; peu d’ouvrages de ce genre sont parvenus jusqu’à nous. Il existe cependant une belle tracluclion“des ouvrages de Pline, * qu’on peut regarder comme l’encyclopĂ©die des anciens; c’est en effet le recueil de toutes leurs con- noissances, tant dans les sciences que dans les arts. Nous avons aussi une traduction de Strabon, une de Frontin et de YĂ©gĂšce. Mais les lumiĂšres que nous avons acquises depuis tant de siĂšcles, nous ont rendus bien plus habiles que les anciens. Ce qu’ils ont Ă©crit sur ces matiĂšres ne peut guĂšre servir qu’à contenter notre curiositĂ© , en nous faisant voir jusqu’à quel point ils avoient portĂ© les sciences. ‱ Il n’en est pas de mĂȘme de l’architecture cet art, comme nous lavons dit, nous est venu des anciens dans toute sa puretĂ©, dans sa derniĂšre perfection; c’est en vain que nous prĂ©tendrions les surpasser en nous Ă©cartant de leurs principes nous devons les suivre, nous devons imiter leurs ouvrages sous peine de choquer le bon sens et le goĂ»t. En reconnoissant cette vĂ©ritĂ© incontestable, n’est-il donc pas bien Ă©tonnant que le seul traitĂ© d’architecture que les anciens nous ont laissĂ©, soit presqu’oubliĂ© parmi nous ? La traduction françoise de Perrault a Ă©tĂ© imprimĂ©e la derniĂšre fois en 1684. Depuis ce temps, il n’a plus paru en France aucune Ă©dition de Vitruve ; et cependant le goĂ»t des beaux-arts, et sur-tout de l’architecture, a toujours augmentĂ© depuis * Cette traduction est de M. Poinsinet de Siyry ; elle est imprimĂ©e en 18 vol. in-4. 0 X PRÉFACE celte Ă©poque. Des gens capables de perfectionner la traduction de Perrault ne man- quoient pas en France, neanmoins personne ne l'a fait ce qui est d’autant plus Ă  regretter, que notre langue est actuellement plus rĂ©pandue que jamais; par consĂ©quent ce seroit dans cet idiome, que les gens instruits de toutes les nations con- noissent, qu’il conviendrait d’avoir une traduction de Yilruve. Je crois donc que cette nouvelle Ă©dition sera accueillie favorablement du public; l’utilitĂ© de mon travail sera aisĂ©ment reconnue par tous les amateurs des beaux-arts, et sur-tout par les artistes, pour qui principalement je l’ai entrepris car je suis persuadĂ© que le traitĂ© de Yitruve est encore actuellement le meilleur et le plus complet que nous ayons sur l’architecture. Les changemens arrivĂ©s depuis lui dans nos moeurs et nos usages, ont rendu, j’en conviens, quelques passages un peu difficiles Ă  comprendre pour le grand nombre; mais avec l’aide d’une explication, je crois que les jeunes artistes tireront plus de fruit de cette lecture que de tous les „ autres livres qui traitent de cette science. * Le chevalier de Chambrai Ă©crivoit en 1G80, que Yignole avoit beaucoup d’obli- » galion Ă  ÂŁon traducteur qui l’avoit produit en deçà des monts, particuliĂšrement Ă  » nos ouvriers françois qui le tiennent en une trĂšs-haute estime ; car quoiqu’en effet » il en soit digne, nĂ©anmoins Ă©tant comparĂ© Ă  Palladio et Scamozzi, ils ne sont pas en leur lustre , et ils les suivent mĂȘme d’assez loin. Le lecteur, continue-t-il, pourra faire » le discernement , en comparant les uns et les autres avec les originaux antiques que » je leur ai mis en tĂšte, comme le fanal et la boussole de la vraie architecture. » Comme l’observe trĂšs-bien M. de Chambrai, Yignole, qui a Ă©tĂ© long-temps le guide des architectes françois , est trĂšs-infĂ©rieur Ă  Palladio et Ă  beaucoup d’autres auteurs Italiens qui ont Ă©crit sur cet art. Nous devons en effet convenir que , pendant longtemps, les Italiens ont Ă©tĂ© nos maĂźtres dans cette partie, et que l’on avoit raison d’avoir recours Ă  leurs lumiĂšres. Il est certain que, dans le moyen Ăąge , le goĂ»t pour l’architecture gothique a dominĂ© en Italie comme dans le reste de l’Europe mais le goĂ»t de 1 architecture grecque n’en avoit pas entiĂšrement disparu. Les monumens qu’on avoit sans cesse sous les yeux dans cette patrie des beaux-arts en ayoient conservĂ© la D U T RADUCTEU R." * x Ăź mĂ©moire. Le babtislhĂšre de Florence, bĂąti en i335 , en est une preuve il offre un octogone dont l’intĂ©rieur est dĂ©corĂ© de colonnes corinthiennes qui portent un entablement du mĂȘme ordre qui rĂšgne tout autour. Les Grecs du moyen Ăąge n’avoient pas non plus entiĂšrement abandonnĂ© celte architecture ; la gothique avoit cependant poussĂ© quelques racines dans la GrĂšce mais les grandes proportions pour les temples chrĂ©tiens y Ă©toient encore observĂ©es , lorsque les Grecs , aprĂšs la conquĂȘte de Mahomet lĂŻ, furent obligĂ©s d’aller chercher un asile auprĂšs des MĂ©dicis. Il n’y a donc rien dĂ©tonnant qu’on ait eu, pendant plusieurs siĂšcles , recours aux architectes d’Italie. Mais dĂšs que les lumiĂšres eurent ramenĂ© en Europe le goĂ»t pour l’architecture grecque, et quelle fut venue remplacer la gothique que les siĂšcles de la barbarie y avoient introduite, on,eut de suite recours Ă  Yitruve. Sous François premier, le restaurateur des belles-lettres et des beaux-arts en France , Philander , l’ami du cardinal George d’Àrmagnac , qui fut le MĂ©cĂšne de son siĂšcle , donna une bonne Ă©dition de Yitruve, accompagnĂ©e de notes trĂšs-savantes. Pendant le rĂšgne de Louis XIY, qui fit renaĂźtre en France le siĂšcle d’Auguste , Claude Perrault en donna une magnifique traduction, qu’il enrichit d’excellentes notes ; elle fut imprimĂ©e aux dĂ©pens du roi avec toute la magnificence possible , et l’on y Ă©tala tout le luxe de la typographie. Depuis lors, on n’a plus fait imprimer en France aucune traduction de Yitruve , et c’est ce qui me donne lieu d’espĂ©rer que celle que je publie recevra un accueil favorable. Dans un temps sur tout oĂč le goĂ»t des Ă©tudes solides reprend plus que jamais ,'celte nouvelle Ă©dition doit plaire au public , puisqu’indĂ©pendamment de la science qui en fait le sujet, ce traitĂ© savant contient plusieurs autres avantages en effet, Yitruve ne traite pas seulement de son art, il parle aussi des sciences qui y ont rapport. On y trouve un traitĂ© de la musique des anciens , un autre d’astronomie , d’autant plus intĂ©ressant, que c’est le plus ancien de ceux qui sont parvenus jusqu’à nous. Lorsqu’il dĂ©crit les habitations , les Ă©difices publics , il fait en mĂȘme temps la peinture exacte des mƓurs grecques et romaines , et nous apprend une infinitĂ© de particularitĂ©s concernant les sciences qu’on ne trouve dans aucun autre ouvrage. Cette partie de son livre est trĂšs-intĂ©ressante , et j’ai tĂąchĂ© de dĂ©velopper ses idĂ©es dans mes remarques, pour satisfaire la curiositĂ© des amateurs de l’antiquitĂ©. On peut d’ailleurs regarder Yitruve comme un de nos meilleurs auteurs classiques ; PRÉFACE xi] il Ă©crivoit dans le siĂšcle d’Auguste, par consĂ©quent dans le temps ou la langue latine Ă©toit dans toute sa perfection. L’érudition profonde et variĂ©e dont son ouvrage est semĂ©, prouve qu’il possĂ©doit toutes les sciences qu’il dĂ©sire dans un architecte. Son style est aussi agrĂ©able qu’instructif ; l’introduction de chaque livre est remarquable par le choix des traits historiques qu’il rapporte ce sont comme autant d’épisodes qui dĂ©lassent le lecteur, et ils sont Ă©crits avec tant de goĂ»t et d’élĂ©gance, qu’on peut les donner pour modĂšles aux jeunes gens qui cultivent la langue latine. Quant Ă  ceux qui apprendront l’architecture , ils auront le double avantage d'en puiser les rĂšgles dans le meilleur traitĂ© qui existe , et dans un ouvrage digne, pour le style, du beau siĂšcle oĂč il fut Ă©crit. Qu’on ne dise pas que l’étude de cette science ne doit pas faire partie de celles qui composent une bonne Ă©ducation. Jusqu’à prĂ©sent, il est vrai, on a nĂ©gligĂ© de l’y faire entrer nĂ©anmoins si les artistes, tels que les peintres , les sculpteurs et les architectes , doivent la savoir par Ă©tat, il convient aussi aux personnes riches et instruites de la connoĂźtre. La plupart consacrent quelques annĂ©es de leur jeunesse Ă  voyager; s’ils ignorent les principes de l'architecture , ils ne pourront apprĂ©cier le mĂ©rite des Ă©difices oĂč les anciens et les modernes ont Ă©talĂ© tant d’art et de magnificence. Que de jouissances seront perdues pour eux ! D'un autre cĂŽtĂ© , s’ils doivent faire construire quelques bĂątimens pour eux-mĂȘmes , ou si, placĂ©s dans quelque magistrature, ils se trouvent dans le cas d’en faire Ă©lever pour le public, ils sauront du moins faire un choix judicieux parmi les plans qu’on leur prĂ©sentera, s’ils commissent les rĂšgles vĂ©ritables de l’architecture. Dans le premier cas , ils n’emploiront pas leur argent Ă  faire des choses ridicules ; et dans le second, les connoisseurs applaudiront l homme instruit qui aura fait- un usage utile et agrĂ©able des deniers publics. * Quand j’écrivois ceci, mon projet Ă©toit de faire imprimer le texte latin en regard de la traduction. Diverses circonstances m’ayant .empĂȘchĂ© de surveiller moi-mĂȘme l’impression de mon ouvrage , j’ai renoncĂ© Ă  ce projet ; il n’en sept pas de mĂȘme si j’en donne -une seconde Ă©dition. Je suis loin de penser que ma traduction puisse remplacer le texte ; les vrais savans y auront toujours recours * ? mon unique but a Ă©tĂ© d’en faciliter l’intel- lĂŻgenc'o, JiCS Les mƓurs et les usages des Romains diffĂšrent trop des nĂŽtres? pour que nous puissions comprendre leurs ouvrages sans le secours de notes. Il est absolument nĂ©cessaire que les personnes qui, par leur savantes recherches, ont pĂ©nĂ©trĂ© dans l’antiquitĂ©, nous en facilitent l'Ă©tude. Ce secours est sur-tout indispensable pour l’intelligence de Vitruve, qui traite d'une science qui, sans cesse, a rapport aux habitudes de la vie humaine. Aussi les derniĂšres Ă©ditions sont-elles accompagnĂ©es de notes ou de commentaires. On distingue sur-tout ceux de Barbaro, de Perrault et de Galiani, qui sont aussi savans qu’utiles aux artistes. Ils auroient pu donner une forme plus commode Ă  leurs Ă©ditions ; les notes souvent trĂšs-longues sont rĂ©pandues dans tout le cours de l’ouvrage ; il s’en trouve quelquefois trois ou quatre dans une mĂȘme ligne ; Ă  chaque instant elles interrompent le lecteur qui a souvent oubliĂ© la matiĂšre du texte aprĂšs avoir lu la note. Aussi n’y a-t-il guĂšre que les architectes qui les lisent prĂ©sentement. J’ai cru obvier Ă  cet inconvĂ©nient en rĂ©unissant, Ă  la fin de chaque chapitre , toutes les explications, et les interprĂ©tations nĂ©cessaires pour faciliter lintelligence d un ouvrage hĂ©rissĂ© de difficultĂ©s qui n’avoient pas encore Ă©tĂ© Ă©claircies jusqu’à prĂ©sent ; par-lĂ  le lecteur ne sera plus interrompu; ce sera comme un nouveau chapitre ajoutĂ© au premier. M. Ramond a adoptĂ© cette maniĂšre dans l’édition qu’il a donnĂ©e des lettres de Coxe sur la Suisse. Comme lui, je n’ai mis Ă  cĂŽtĂ© du texte que les notes qui sont indispensables pour expliquer quelques mots, sans l intelligence desquels on ne pour- roit comprendre la suite du discours. Je les ai toujours faites les plus courtes qu’il m’a Ă©tĂ© possible. Les remarques que j’ai ajoutĂ©es Ă  la fin des chapitres sont le fruit des recherches que j ai faites Ă  Rome et dans le reste de l’Italie. Mon goĂ»t pour l’architecture m’at- tiroit sans cesse parmi ses anciens monumens; je les Ă©tudiois ; je compĂąrois leur proportion avec les principes que Vitruve Ă©tablit dans son ouvrage, sur-tout dans le troisiĂšme et le quatriĂšme livres , tellement que je puis dire, que c’est au milieu des ruines des Ă©difices romains que j’ai interprĂ©tĂ© le traitĂ© d'architecture de Vitruve. On sent que j’ai souvent dĂ» avoir recours aux interprĂštes de notre auteur , entr’autres Ă  la traduction enrichie de notes de Perrault, qui Ă©toit la meilleure avant que celle de Galiani parut. C’est la justice que lui rend ce traducteur italien. Perrault, dit-il b prĂ©face J xiv » » » est sans contredit le seul qui, tant pour T utilitĂ© de ses notes, jusqu’à prĂ©sent, ait mĂ©ritĂ© une estime particuliĂšre, qui sont on ne peut mieux raisonnĂ©es, que pour la clartĂ© de sa traduction. » Cependant le traducteur italien remarque, dans une infinitĂ© de notes, que Perrault n’a pas du tout saisi le sens de l’auteur latin ; mais au lieu d’accuser son ignorance , il ne manque jamais de supposer qu’il y a faute dans les manuscrits, Galiani a cherchĂ© dans le texte le vĂ©ritable sens de ces passages, et, sans y rien changer, il est parvenu Ă  le trouver. J’ai adoptĂ© toutes ces interprĂ©tations de Galiani, et comme lui, j’ai rĂ©tabli le texte. Par-lĂ  plus de cent passages, oĂč Perrault a fait des contre-sens, faute de les avoir compris , sont rendus d’une maniĂšre simple et naturelle dans ma traduction r sans avoir touchĂ© au texte. Je suis loin cependant d’avoir suivi en tout la traduction de Galiani; je dois convenir que son ouvrage , ainsi que celui de Perrault, m’ont Ă©tĂ© trĂšsrUtiles ; je m’en suis servi comme ils se sont servis de ceux de leurs prĂ©dĂ©cesseurs mais, comme on le verra dans mes remarques , j’ai bien des fois traduit autrement qu’eux, parce qu’ils n’avoient pas eu assez souvent recours aux anciens monumens d’architecture. Perrault, il est vrai, avoit voyagĂ© en Italie, maĂŻs il fit sa traduction Ă  Paris. Galiani, quoiqu’au milieu des Ă©difices romains , a fait la sienne Ă  Tsaptes, sans sortir de son cabinet. 1 Ses notes trĂšs-curieuses sont pleines d’érudition cependant tous ceux qui les liront ; verront clairement qu’il a bien plus consultĂ© les bibliothĂšques que les anciens monumens d architecture. On conçoit qu un traitĂ© d’architecture tel que celui de Vitruve est rempli de mots techniques, la plupart tirĂ©s du grec , puisque c’étoit des Grecs que les Romains avoient appris cette science. Souvent mĂȘme il emploie les mots grecs ou il les cite , ce qui en rend 1 intelligence trĂšs-difficile, mĂȘme pour les savans. La plupart des traducteurs Italiens ne se sont pas donnĂ© la peine, non plus que Galiani, de les expliquer ; ils se sont contentĂ©s de travestir ces mots dans leur langue. Ils ont par exemple rendu ces expressions latines, irabes everganeƓ par trabi everganei ‱ celles-ci, scapi cardinales , par scapi cardinali , etc. J’ai prĂ©fĂ©rĂ© suivre l’exemple de Perrault ; tous DU TRADUCTEUR. xv les mots qui n’ont pu ĂȘtre rendus par d’autres mots françois dans le texte , je les ai expliquĂ©s dans des notes qui sont au bas de la page. J’en ai excepte' ceux dont la signification se trouve dans le texte. ° Quanta ma maniĂšre de traduire, je n’ai eu en vue que la clartĂ© et la simplicitĂ©. J© n’ai pas cherchĂ© Ă  mettre de l'Ă©lĂ©gance dans mon style , parce qu’il m’a paru qu’un ouvrage de ce genre en excluoit rigoureusement l’emploi , et que la prĂ©cision Ă©toit prĂ©fĂ©rable aux ornemens. D’ailleurs ces ornemens auroient produit des inĂ©galitĂ©s et des disparates fĂącheuses pour le goĂ»t autant que pour l’oreille. D’aprĂšs ce principe ; toutes les fois qu’une phrase ambitieuse s’est prĂ©sentĂ©e dans ma traduction, j’eus soin de la repousser comme dĂ©placĂ©e. Non erat hic locus. J’aime Ă  croire que tout lecteur Ă©clairĂ© approuvera ma mĂ©thode. En effet, dans un ouvrage tout didactique, la diction la plus simple et la plus intelligible doit l’emporter sur les expressions recherchĂ©es,' 1 SdihouĂš de vit* tiwe, N compte dix Éditions latines de Yitruve, dans lesquelles on ne comprend pas les diverses rĂ©impressions ; les voici 1. ° Celle de Sulpice , imprimĂ©e vers Fan i 486 . 2 . ° Celle qui fut imprimĂ©e Ă  Florence en 1496 . 5.° Une autre imprimĂ©e Ă  Venise en l497* 4. 0 Celle de Joconde imprimĂ©e aussi Ă  Venise en i5il. 5. ° La mĂȘme corrigĂ©e par l’auteur et rĂ©imprimĂ©e Ă  Florence en i5i3. RĂ©imprimĂ©e de nouveau en 1022 , et pour la troisiĂšme fois en i523. 6 . ° Celle imprimĂ©e Ă  Strasbourg en i543, et pour la seconde fois en i55o. 7. 0 Celle de Guillaume Philander , imprimĂ©e Ă  Lyon en i55a ; et pour la seconde fois aussi Ă  Lyon en i556. 8." Celle de Daniel Barbaro, imprimĂ©e Ă  Venise^en 1567 . g* Celle de Jean de Laet, imprimĂ©e Ă  Amsterdam en 164 & io.° Finalement celle de Berardo Galiani, imprimĂ©e Ă  Naples en 1758 , avec une traduction italienne. Dans les six premiĂšres Ă©ditions que nous venons de citer , on n’a imprime que le texte sans aucune note. Plusieurs auteurs ont expliquĂ© Vitruve dans de savans .commentaires ; on estime sur-tout ceux de Philander , de Perrault, de CĂ©sarini , de Barbaro et de Galiani. D’autres se sont contentĂ©s d’en expliquer quelques passages. Le Caporali n’a expliquĂ© que les cinq premiers livres. ^ĂŒxjdwc\ioviĂŽ de yĂ»fCiwLJ* Il y a, en italien, cinq traductions; savoir 1. ° Celle de CĂ©sarini , imprimĂ©e Ă  CĂŽme en i5ai. 2. ° Celle de Durantino , imprimĂ©e Ă  Venise , d^abord en i 5 z$ , et ensuite en i535. 3. ° Celle de Barbaro, imprimĂ©e d’abord Ă  Venise en i566 , ensuite en , et pour la troisiĂšme fois en 1629. 4. 0 Celle de Caporali, imprimĂ©e Ă  PeroĂŒse en i 536. 5.° Celle de Galiani, imprimĂ©e Ă  Naples en 1758. En françois , il y en a deux i.° Celle de Jean Martin , imprimĂ©e pour la premiĂšre fois Ă  Paris en i 547 , ensuite en 1672, et pour la troisiĂšme fois Ă  Cologne en 1618. 2. 0 Celle de Claude Perrault, imprimĂ©e d’abord Ă  Paris en 1673 , et ensuite en 1684. Il y en a deux en allemand t.° L’édition de D. Gualtere et H. Rivius , imprimĂ©e d’abord Ă  Nuremberg en i548 , ensuite Ă  Basle en 1675, et pour la troisiĂšme fois en i6i4. a. 0 Celle de Scheider, qui a paru pour la premiĂšre fois Ă  la foire de Leipsick en 1808. En espagnol , ‱ Pendant long-temps il n’y eut pas de traduction complĂšte de Vitruve. On avoit cependant, en celle langue, le recueil de D. Didac Sagreda , intitulĂ© Medidas del Romano o Vitruvio , imprimĂ© Ă  Madrid, en i 542 , Ă  TolĂšde d’abord en i54q , et ensuite en i564. Ce fut en 1787, que D. Joseph Ortitz et Sanlz en firent imprimer , pour la premiĂšre fois Ă  Madrid, une traduction complĂšte. Robert Castel avoit promis une traduction angloise de Vitruve , comme on le voit dans le journal des savans de Leipsick, annĂ©e 1737; j’ignore si elle a jamais paru. Henri Votton , qui a Ă©crit un traitĂ© d’architecture en anglois, cite souvent notre auteur. TABLE DES CHAPITRES. ' -g > - LIVRE PREMIER. / Pages. N T RO D U C T I O N ... 1 Chapitre I. De Varchitecture en gĂ©nĂ©ral , et des qualitĂ©s d'un architecte. . . 5 Chap. II. En quoi consiste l’architecture .. il Chap. III Des parties de Varchitecture qui concernent la distribution des Ă©difices publics et particuliers . .29 Chap. IV. De quelle maniĂšre on peut choisir un local sain .5i Chap V. Des fondemens , des murs et des tours .3j7 Chap. VI. De la distribution et de la situation des bdtimens qui se trouvent dans l’intĂ©rieur des villes . 42 Chap. VII. OĂč l’on doit placer les Ă©difices, publics. . 4g LIVRE SECOND. Introduction . 5i Chap. I. Origine des Ă©difices ... 53 Chap. II. Des principes de toutes choses, d’aprĂšs le sentiment des philosophes. ..... 56 Chap. III. Des briques .. . . . 5 q Chap. IV. Des diffĂšrens sables. . . 6 a Chap. V. De la chaux. . 62 Chap. VI. De la pouzzolane. .. 66 Chap. VII. Des carriĂšres d’oĂč l’on tire la pierre. 69 Chap. VIII. Des diffĂ©rentes espĂšces de maçonneries. . . Chap, IX. Des bois propres Ă  bĂątir. . .82 Chap. X. Des diffĂ©rentes espĂšces de sapins qui se trouvent des deux cĂŽtĂ©s de T Apennin. . 91 XX table Pages. livre troisiĂšme. INTRODUCTION . .. ° Chap. I. De la construction et des proportions des temples .. 9^ Chap. II. Des cinq espĂšces de temples .. .. . 107 Chap. III. Des fondemens des colonnes et de leurs ornemens. » . . livre quatriĂšme. Introduction, . ‱ ‱ » ‱ . . Chap. I. Des trois ordres de colonnes et de leur origine ... 10 9 Chap. II. Des ornemens des colonnes ...346 Chap. III. De Tordre dorique .j. 1 ^ 2 Chap. IV. De la distribution de l’intĂ©rieur des temples et de leurs vestibules .161 Chap. V. Quelle position il faut donner aux temples .. .. .166 Chap. VI. Proportions des portes des temples, . . ibid. Chap. VIT. Des temples Ă  la maniĂšre toscane . .‱ ‱ *77 Chap. VIII. Comment les autels doivent ĂȘtre placĂ©s. .... 186 LIVRE CINQUIÈME. Introduction, v . 188 Chap. I. Du forum . 189 Chap. II. Du trĂ©sor public , des prisons et de VhĂŽtel-de-ville. . ... 197 Chap. III. Du théùtre et du choix d'un local sain pour l'y placer ..* . 199 Chap. IV. De VhĂ»rmonie. \ ... 206 Chap. V. Des vases du théùtre. . ... 216 Chap. VI. De la construction du théùtre ... ... 222 Chap. VII. Du portique et d’autres parties du théùtre . 226 Chap. VIII. Des trois espĂšces de scĂšnes et des théùtres grecs .23o Chap. IX. Des portiques qui sont derriĂšre la scĂšne et des promenoirs. ; ... . 2 35 Chap. X. De quelle maniĂšre il faut disposer les bains , et quelles sont leurs parties. . . 25 q Chap. XI. De quelle maniĂšre il faut construire les palestres et les xystes. ...... 246 CjĂźAP, Xll. Des ports et de la maçonnerie qui se fait dans l’eau .» - . 25 i LIVRE fl; I w ‱ÜÜÏ des chapitres. xxj LIVRE SIXIÈME. Pages Introduction .'‱ * ‱ Chap. I. Comment il faut situer les Ă©difices dans les diffĂ©rents climats .260 Chap. TI. Comme on doit rĂ©gler les proportions des Ă©difices d’aprĂšs la nature des lieux. . 203 Chap. III. Des cours des maisons . Chap. IV. Des cours , de leurs galeries ^ des cabinets d etude et des pĂ©ristyles. .... 272 Chap. V. Des salles Ă  manger , des salons , des exĂšdres et des galeries de tableaux. . . 275 Chap. VI. Des salons Ă  la maniĂšre des Grecs .278 Chap. VII. De l’aspect qu’il convient de donner d chaque partie de l’édifice .279 Chap. VIII. Des formes que doivent avoir les maisons , d’aprĂšs la condition de ceux qui les habitent . 2 8° Chap. IX. Des maisons de campagne. .. 282 Chap. X. Comment les Grecs distribuent leurs habitations .. 286 Chap. XI. De la soliditĂ© des Ă©difices .... . 291 LIVRE SEPTIÈME. Introduction . 2 97 Chap. I. De la rudĂ©ration . 3 o 8 Chap. IL Comment on doit prĂ©parer la chaux pour faire le stuc .. . . 3 i 3 Chap. 111 . Des enduits ...3i7 Chap. IV. Des enduits qui se font dans les lieux humides . 32-4 Chap. V. Comment il faut peindre l’intĂ©rieur des appartemens . 327 Chap. VI. Comment on doit prĂ©parer le marbre pour faire le stuc .. . 332 Chap. VII. Des couleurs naturelles . 355 Chap. VIII. Du cinabre .. * 557 Chap. IX. De la prĂ©paration du cinabre . 539 Chap. X. Du noir artificiel . 543 Chap. XI. Du bleu d’azur et de l’ocre brĂ»lĂ©e .. . 345 Chap. XII. Du blanc de cĂ©ruse , du vert-de-gris , et du minium . 546 Chap. XIII. De la couleur pourpre . 547 Chap. XIV. Des autres couleurs artificielles . .. 34 g C XXI] TABLE LITRE HUITIÈME. Pages. Introduction.. . ... . Chap. I. Des moyens de trouver de Veau. .. 356 Chap. II. Des eaux de pluie. . . 9 Chap. III. Des qualitĂ©s particuliĂšres de certaines eaux de fontaines .563 Chap. IT. Des qualitĂ©s particuliĂšres qu’ont les eaux d'autres fontaines . Chap. V. Comment on peut connoĂźtre la qualitĂ© des eaux . 3q5 Chap. TI. Comme on doit conduire les eau\ et les niveler. . . .^76 Chap. TI1. Des diverses maniĂšres de conduire les eaux .3y8 LIVRE NEUVIÈME. Introduction. . . . . . . . . ‱ . ‱ ‱ ‱ .. 38g. Chap. I.*...3gi Chap. Il..3g2 Chap. III...5g4 Chap. IV. De la sphĂšre et des planĂštes. .. 3g8 Chap. T. Du cours que le soleil fait dans les douze signes du zodiaque . 408 Chap. VI. Des constellations septentrionales. ... .. 4 og Chap. TII Des constellations qui sont au midi .. ... . 4i3 Chap VIII. Description des cadrans avec les analĂšmes .. 417 Chap. IX. De la construction des horloges, et par qui elles ont Ă©tĂ© inventĂ©es . 420 L I V R E D I X I È M E. Introduction ..; . 429 Chap. I. Des diffĂ©rentes espĂšces de machines et de leurs organes .43i Chap. II. Des machines pour tirer .^ . 435 Chap. III. D’une autre machine pour tirer . 453 C 11 AP. IV. D’une autre machine pour tirer . 43 g Chap. T D’une autre espĂšce cle machine. . *. l\h^- ChAP. VI. Moyen qii employa CiĂšsiphon polir transporter des fardecCux trĂšs-pesants, . . . 443 Chap. VII. Comment on dĂ©couvrit les carriĂšres d’EphĂšse . 445 Ciiap. VIII. Des principes mĂ©caniques .. Ibid. Chap. IX. Des machines pour tirer l’eau .‱.^ 5 0 D ES CHAPITRES. XXÜj Pages. 353 35s 35 Ă» 3^3 3^6 3;8 3 9 i Ch ap. X. D'une autre espĂšce de tympan et des moulins Ă  Veau .. . . 45 1 Chap. XI. De la vis . 45Ăź Chap. XII. De la machine de CtĂšsihius ... 454 Chap. XIII. Des orgues hydrauliques . 455 Chap. XIV. Comment on peut mesurer les milles dans un voyage .. 46o Chap. XV. Des catapultes et des scorpions . 465 Chap. XVI. Des balistes .467 Chap. XVII. Proportions de la baliste .. ibid. CĂŻiap. XVIII. De la maniĂšre de bander les balistes et les catapultes .470 Chap. XIX. De s machines pour assaillir les forteresses .471 Chap. XX. De la tortue qiVon emploie pour combler les fossĂ©s .475 Chap. XXL Des autres espĂšces de tortues .. 477 Chap. XXII. Des moyens qu J on emploie pour dĂ©fendre les places fortes . 48o „ 408 4 0 9 4i3 4 iy 420 FIN DE LA TABLE DES CHAPITRES. 429 43i 435 458 439 ; 441 445 445 v». t X .*i,7 ERRATA La lettre n , dans la colonne des lignes, indique que la faute est dans les notes ; le chiffre romain, suivi d’un c, indique la colonne oĂč elle se trouve; et le chiffre arabe, la ligne de la colonne. 'WXV"WVWWVW% Pi G SS. Lignes. i3 *4 est qu’il faut avoir Ibidem , 8 puloinalis *9 5 enfin la hauteur Ibidem , 3i lorsqu’il s’agit de l’architecture ; quantitĂ© 20 21 reprĂ©sentoient 21 5 entreillĂ©s 3i 16 car puisque personne 47 i3 nous les divisons en quatre 55 32 l’ordre que j’ai donnĂ© 6i 36 et 37 Liv. VIII. Ch. vu 68 n. II. C. I hist. de l’acad. 80 II Castel - Gandolto 8 9 3i n’est point alors plus sujet 9° 27 ils font de leur Ă©corce 9 5 derniĂšre, tous ces diviseurs 9 6 i5 et par-consĂ©quent vingt-quatre 97 »‹ 3 de Romme 99 3 et 4 la proportion seule fait le beau 106 25 templytoscans 116 23 on a trois septiĂšmes 1J 9 5 la huitiĂšme partie de sa grandeur Lisez » c’est qu’il faut avoir » pulvinatis » entre la hauteur » lorsqu’il s’agit de l’architecture. Par la quantitĂ© \ » reprĂ©senteroient » en treillis » puisque personne » nous le divisons en quatre » le rang que j’ai donnĂ© Liv. VII. Ch. i » mĂ©moire de l’acad. » Castel Gandolfo » n’est point alors syjet » il sort de leur Ă©corce » tous ses diviseurs » et par consĂ©quent de vingt—quatre » de Rome » la proportion seule ne fait pas le beau » temples toscans » ou a trois septiĂšmes » la huitiĂšme partie de cette grandeur E R R A T A. xxvj Pages. Lignes. Lisez 120 n. I. c. 9 fvoniibus vaĂŻutarum. Sur le cĂŽtĂ© de l’abaque , pour peu » Jrontibus eolutarum J sur le cĂŽtĂ© de l’abaque. Pour peu 125 n 3 et 3 o des ports et autres Dans le 12. e Chap. du Liv. V , en parlant, etc. des ports et autres dans le i2. e Chap. du Liv. V. En parlant, etc. 128 i 5 les siĂšcles de PĂ©riclĂšs » le siĂšcle de PĂ©riclĂšs 129 24 et 25 une moulure carrĂ©e d'un autre cĂŽtĂ©, dans sa position horizontale. La forme circulaire » une moulure carrĂ©e. D’un autre cĂŽtĂ© , dans sa position horizontale la forme circulaire Ibidem s r 33 moulures principales les deux tores de la scotie » moulures principales, les deux tores et la scotie Ibidem , 37 connexitĂ© des tores » convexitĂ© des tores i 3 x 38 se reprĂ©senloient de front n se prĂ©sentoient de front i 3 a 22 Talviati } Salviati i 33 35 dans le chapitre prĂ©cĂ©dent » au commencement de ce chapitre i 38 xo c’est ce que j'ai fait, CĂ©sar, dans le premier livre }> c’est ce que j’ai fait, CĂ©sar dans le premier livre, * 4 q 22 asticcinola i asticcivola Ibidem 25 Cateri » Canteri i 5 o 34 on aura sans doute confondu » on aura confondu i 5 i i 5 longueur » largeur 176 n. II. C. X Parthenos , » Parthenon ' x8o 18 Pourquo » Pourquoi 182 *9 et oit rempli par un mur » Ă©toit rempli par ce mur *94 33 Ă©taient formĂ©s » Ă©taient fermĂ©s i 9 5 x 3 pluteum epistyiiorum » pluteum epistyiiorum Ibidem , x 7 qu’elles Ă©lĂšvent » qu’il Ă©lĂšve 199 n. 2x2 I. c. 2 aux piliers La clef de sol doit aussi ĂȘtre placĂ©e sur la 2. e ligne dans le genre Diatonique et Chromatique A» aux paliers Ibidem , derniĂšre , peripate meson J> paripate meson 220 i 5 la netĂ© hyperboleon » la nete synemmenon 229 27 immĂ©diatement aprĂšs ces deu'x » immĂ©diatement aprĂšs des deux s 3 o 5 des rochers on des maisons *> des rochers ou fies maisons a 34 - 33 et 34 Voici comme Vitruve veut qu’on trace les cĂŽtĂ©s de l’orchestre depuis les degrĂ©s bb jusqu’à la ligne qui marque le devant de la scĂšne 12, on trace Voici comme Vitruve veut qu’on trace les cĂŽtĂ©s de l’orchestre depuis les degrĂ©s bb jusqu’à la ligne qui marque le devant de la scĂšne 12» On trace ERRATA. XXV1J Pages. Lignes. Lisez 234 38 61 » bi 245 derniĂšre , dans la figure e j » dans la figure 3 ^ a n* 18 YetƓotesium » Y elƓotesium "e Ibidem , *9 prognigeum » propnigeum 2 63 3i soit l’horizon du monde Bbb du bord » soit l’horizon du monde Bbb du bord septenscotie; septentrional B ; on tire trional B on tire 281 21 qu’ils survenoit qu’il survenoit 283 n. I. c. 4 vases de terre 3 vases de terre cuite 286 27 Les salles sont rĂ©servĂ©es » Ces salles sont rĂ©servĂ©es ; 29° 3i et la dĂ©faite des Perses 3* et la dĂ©faite de PersĂ©e 291 23 le livre prĂ©cĂ©dent 3 les livres prĂ©cĂ©dents 'livre, 2 9 3 i3 tout ce qu’il falloit pour faire bĂątir , yy tout ce qu’il falloit faire pour bĂątir , 298 9 antecides yy antcrides 3o4 *7 Perrault a trĂšs-mal saisi ce passage de » Perrault a trĂšs-mal saisi ce passage de Yitruve; Yitruve, suivant sa coutume; lorsqu’il, etc. suivant sa coutume lorsqu’il, etc. 3o5 11 Ă©toit donc connu 2 Ă©toit donc connue 307 26 et 27 est sans doute cause y> est cause 3°9 x 7 cassera i sassera 3i3 4 spinadi pescc spin a di pesce 3i8 7 culpture yy sculpture 3iq 4 s’imprĂ©gne. AussitĂŽt yy s’imprĂšgne aussitĂŽt 3 2 8 18 de demi-figures » des demi-figures Ibidem , derniĂšre , Alabaudin yy Alabandin 332 28 voici les diffĂ©rentes espĂšces qu’on emploie yy voici les diffĂ©rentes espĂšces de couleurs qu’on une pierre de poids * emploie 337 18 yy une pierre du poids -34i derniĂšre voyez le moyen . yy voici le moyen 345 1 8 et 19 lapis lazulĂ© yy lapis lazuli 35o 16 qui vient aux environs de Troyes yĂż qui vient des environs de Troyes Ibidem , 34 des couleurs diffĂ©rentes de celle yy de couleurs diffĂ©rentes de celles 35a 18 ceruleo yy CĂŠruleum Ibidem 23 Osiro yy OslniĂżn es 355 n. 3 d’Alexis GommĂšne » d’Alexis ÇomnĂšne l’à 363 23 sienne yy Sienne > 364 12 et i3 Les eaux yy Ces eaux 368 n 11. C. I de la Libie CirĂšne yy de la Libie. CirĂšne i ERRA T A. XXVI1J Pages. Lignes. 369 n. I. c. 3 On a oubliĂ© d’ajouter ici , la traduction du passage de Pline. 370 *9 Passants 3 7 i 3o Suspicio Galba 3 9 6 5 Misolabe 4o3 7 et 8 la planĂšte de Mars fait son cours aussi; l’ardeur du soleil. 4o6 36 et 3 7 comme aujourd’hui long-temps; avant Vitruve 443 *7 Il fit amener ainsi tous les fĂ»ts des colonnes ; sur le m’odĂšle de cette machine. 4b MetagĂšnes 445 24 es machines 4 7 2 B. I. c. 2 cry'sXoç , Ă©chelle , c’est-Ă -dire 5o3 12 Echinas S17 23 Bains qui rĂ©gnent tout au tour 5ig 14 Porte des Ă©trangers 5ai 23 sur lesquels on Ă©toit au théùtre Lisez » Dans risle d’ischia il y en a qui guĂ©rissent de la pierre et de la gravelle comme font les eaux de la fontaine nommĂ©e Acidula, prĂšs de ThĂ©ano Sedicino.... On dit de mĂȘme que, quand on boit de l'eau du lac Velino, elle soulage aussi dans ces maladies. v Passant » Sulpicio Galba » Mesolabe » la planĂšte de Mars fait son cours/ aussi l’ardeur du soleil » comme aujourd’hui ; long-temps avant Vstruve il fit amener ainsi tous les fĂ»ts des colonnes. Sur le modĂšle de cette machine MetagĂšnes » les machines » cry'e Ao„’, c’est-Ă -dire » Echinus » Bancs qui rĂ©gnent tout au tour » Portes des Ă©trangers » sur lesquels on Ă©toit assis au théùtre Page 54 g, colonne 2 e . , ligne i 4 Craie Ă©rĂ©trienne, sĂ©lunisienne et annullaire ; qui ajoutez-y les lignes 16 et 17 de la- mĂȘme colonne , commençant par ces mots ; entre dans la composition , etc. L’ARCHITECTURE D E .5 a;. Y IT1ÜV E, ’KB -f;V / K LIVRE PREMIER. INTRODUCTION. TL and is que votre divin gĂ©nie, ĂŽ CĂ©sar, vous rendoit maĂźtre de l’empire du monde; qu’aucun ennĂ©ini ne pouvoit rĂ©sister Ă  votre valeur invincible ; que les citoyens romains se giorilioient de vos triomphes et de vos victoires ; que les peuples mĂȘme que vous aviez soumis y applaudissoient ; que le sĂ©nat et le peuple romain, dĂ©livrĂ©s de toute crainte , mettoient leur confiance dans la sagesse de votre gouvernement qui leur assurait la paix et le bonheur ; j’aurais craint d ĂȘtre importun et de vous interrompre mal Ă  propos dans vos sublimes occupations, en vous offrant ce traitĂ© d’Archi- teclure , fruit de mes longues Ă©tudes et des efforts que j’ai faits pour expliquer cette science. Vous prouvez que vos soins ne se bornent pas seulement aux affaires les plus importantes de l’état, mais que vous vous occupez encore de la construction des bĂąti- mens publics, dans la Mie de les rendre plus utiles vous ne vous ĂȘtes pas contentĂ© de faire Rome la maĂźtresse de toutes les provinces que vous lui avez soumises, vous la rendez encore admirable par la belle structure de ses Ă©difices, dont la magnificence Ă©gale la majestĂ© de votre empire. * Dans ces circonstances, je n’ai pas cru devoir diffĂ©rer plus long-temps de vous prĂ©senter ce que j ai Ă©crit sur ce sujet, espĂ©rant qu’une profession qui m’a fait connoĂźlre i / 2 L A R C H BT E Martial , et d’autres auteurs, parlent des honneurs divins rendus aux empereurs pendant leur vie. 2 Le plus fort de tous les raisonnemens pour prouver que Yitruve Ă©toit contemporain d’Auguste, c’est que , dans le deuxiĂšme chapitre du troisiĂšme livre de cet ouvrage , il dit que le temple de la Fortune Ă©questre Ă©toit prĂšs du théùtre de pierre. Cette maniĂšre de parler ne convenoit qu’au temps d’Auguste , oĂč il n’existoit qu’un seul théùtre de pierre Ă  Rome , qui Ă©toit celui de PompĂ©e, comme Pline nous l’apprend , en nous disant que le théùtre de PompĂ©e est le premier qui fut bĂąti en pierre. Ce qui n’étoit plus vrai dĂšs le temps de Yespasien , oĂč il existoit Ă  Rome plusieurs théùtres de pierre. D’aprĂšs tout cela , je suis persuadĂ© que Yitruve Ă©toit contemporain d’Auguste , et que c’est Ă  cet empereur qu’il dĂ©die son ouvrage. ; dedie ;ent par 51101 ils it dans \e dans ; Tacite. ; weiisi" Ă©toient TariOD,. is 171 » ; la ca* s aprĂšs» osla bĂą' de tel r nio f i CHAPITRE PREMIER. De l Architecture en gĂ©nĂ©ral et des qualitĂ©s d'un Architecte . JLj a science de l’architecture en renferme plusieurs autres ; presque toutes contribuent Ă  l’embellir, de sorte qu’on peut dire qu elle est le juge de toutes les productions des autres arts. On l’acquiert par la pratique et par la thĂ©orie. La pratique est une longue habitude de donner,aux difĂźerens matĂ©riaux qu’on employĂ©, la forme qu’ils doivent avoir d aprĂšs les dessins qu’on a faits. La thĂ©orie dĂ©montre et explique pour quelles raisons on doit donner, aux choses bien construites, telle ou telle proportion. MalgrĂ© un travail assidu et les plus grands efforts , les architectes qui nĂ©gligent la thĂ©orie de leur art et se livrent Ă  la seule pratique , n’acquiĂšrent aucune rĂ©putation. Ceux au contraire qui abandonnent la pratique et ne recherchent que la thĂ©orie , atteignent l’ombre de la science et jamais la rĂ©alitĂ©. Ceux-lĂ  seuls , qui joignent la thĂ©orie Ă  la pratique, rĂ©ussissent dans leur entreprise. Semblables au guerrier armĂ© de 1 Hor. epist. j. Liv. II. Ep. 1. v. j 5 . a Suet. vie de Jules-CĂ©sar. Mart. Liv. Y. Ep. 8. ĂŻ. 4 L’ARCHITECTURE DE V-1 T R U V E. toutes piĂšces , ils sont pourvus cle tout ce dont ils ont besoin , et pai viennent a leur but avec honneur. Dans toutes les sciences, et principalement en architecture, on distingue soigneusement la chose reprĂ©sentĂ©e de celle qui La repiesente; pai celle qui est reprĂ©sentĂ©e, on entend la chose meine dont on doit traitei ; par celle qui Ăźepiesente, on entend la dĂ©finition qu’on en fait, dĂ©veloppĂ©e dans un raisonnement appuyĂ© sur les sciences. L’architecte doit donc s’exercer dans l’une et l’autre maniĂšre. Il faut qu’il joigne l’intelligence au travail. Car l’esprit sans l’application, et l’application sans l’intelligence , n’ont jamais rendu aucun artiste parfait./Il doit donc savoir Ă©crire et dessiner , possĂ©der la gĂ©omĂ©trie , et ne pas ignorer les rĂšgles de l’optique, ĂȘtre versĂ© dans l’arithmĂ©tique et bien connoĂźtre 1 histoire ; s’ĂȘtre appliquĂ© Ă  la philosophie , savoir la musique et possĂ©der quelque teinture de la mĂ©decine , de la jurisprudence , de l’astronomie qui nous apprend Ă  connoĂźtre le mouvement des deux et quelles en sont les causes? L’architecte doit connoĂźtre les lettres ; sans elles il ne pourroit rĂ©diger les mĂ©moires oĂč il dĂ©veloppe ses projets et sur lesquels il les appuie. S’il sait dessiner, il lui sera plus facile ' de tracer et rendre sensible la forme qu’il veut donner Ă  ses ouvrages. La gĂ©omĂ©trie prĂȘte de nouveaux secours Ă  l’architecture , puisqu’elle enseigne l’usage de la rĂšgle et du compas , sans lesquels on ne pourroit tracer rĂ©guliĂšrement le plan gĂ©o- mĂ©tral des Ă©difices ; elle montre Ă  bien prendre les alignemens et Ă  dresser chaque partie avec l’équerre et le niveau. Dans les rĂšgles de l’optique , il puisera l’art de prendre les jours, en plaçant les fenĂȘtres d’aprĂšs les dispositions du ciel 1 . Avec l’arithmĂ©tique il calcule la dĂ©pense de l’ouvrage qu’il entreprend , et rĂ©sout les problĂšmes les plus difficiles de la proportion. Il trouve dans l’histoire l’origine de presque tous les orne- mens de l’architecture et les moyens d’en rendre raison. Par exemple , si sous les mutu- les des corniches, au lieu de colonnes il place des statues de femmes vĂȘtues de longues robes, ce qui s appelle des cariatides, il apprendra Ă  ceux qui en ignorent le motif, que les habitans de Carie , ville du PĂ©loponĂšse, se liguĂšrent autrefois avec les Perses , qui faisoient la guerre aux Grecs. Ceux-ci la terminĂšrent bientĂŽt par des victoires glorieuses et la dĂ©clarĂšrent de suite aux CariĂątes. Leur ville fut prise et rasĂ©e , tous les hommes passĂ©s au fil de i Ă©pĂ©e , les femmes emmenĂ©es captives ; et pour les traiter avec plus d ignominie , on ne permit jamais aux dames de qualitĂ© de quitter leurs robes et autres ornemens accoutumĂ©s , afin qu elles ne servissent pas seulement au moment du triomphe , mais que paroissant toujours dans l Ă©iat oĂč elles se trouvoient alors , elles conservassent la mĂ©moire de cet affront , et qu ainsi elles portassent Ă  Xi Les rĂšgles de l’optique lui sont encore utiles pour gelle, Nuits attiq. Liv. XVI , Ch. , pour connoĂźtre plusieurs choses , comme on le verra ci-aprĂšs Liv. III, Ă  que l point les anciens avoient portĂ© la science de JW Ch. 2 et 3, et aussi Liv. VI , Ch. g. Voyez aussi Aulu- tique. LIVRE I, C h A p. i. 5 011 di$! f l u i est -sente sr le s joigne genct. »ssĂ©d tĂ©tiquç t! ifi qui 3 moires ui sera ;es. La e de la fi gĂ©o- te par- rendrc Ă©tique s plus orne- QUtU- ignĂ©s noliĂź, erses, foires , tous $ {rai- leurs nt au soient ent > B noiU e lel’r jamais la peine que leur ville avoit mĂ©ritĂ©e. Les architectes cle ce temps-lĂ , imaginĂšrent de placer ces sortes de statues, au lieu de colonnes, dans les Ă©difices publics, afin de transmettre Ă  lai postĂ©ritĂ© un exemple Ă©ternel de la punition qu’on avoit fait souffrir aux CariĂątes. Les LacĂ©dĂ©moniens en usĂšrent de mĂȘme lorsque , sous la conduite de Pau- sanias, fils de ClĂ©ombrote , ils dĂ©firent, avec peu de monde, la nombreuse armĂ©e des Perses Ă  la bataille de PlatĂ©e. AprĂšs avoir fait servir les captifs Ă  la pompe de leur triomphe , pour laisser aux gĂ©nĂ©rations futures un monument qui attestĂąt leur courage et leur victoire , ils bĂątirent, du produit des riches dĂ©pouilles de l’ennemi, une galerie qu’ils appelĂšrent persique. Ils y placĂšrent des statues vĂȘtues, comme l’éloient ces barbares, pour en soutenir la voĂ»te , i afin de punir cette nation par un opprobre que son orgueil avoit mĂ©ritĂ©. Ils rendirent ainsi la valeur lacĂ©dĂ©monienne redoutable aux ennemis , et excitĂšrent les peuples Ă  la dĂ©fense de la libertĂ©, par l’exemple de leurs concitoyens. Depuis , Ă  l imitation des LacĂ©dĂ©moniens , plusieurs architectes firent soutenir les architraves et les entabiemens sur des statues persiques, et enrichirent leurs ouvrages de semblables inventions. Il existe plusieurs histoires de ce genre qu’il faut qu’un architecte commisse, La philosophie Ă©lĂšve l ame de l’architecte ; sans lui inspirer de l’arrogance, elle le rend Ă©quitable et fidĂšle , et ce qui est plus essentiel encore , absolument dĂ©sintĂ©ressĂ©. Car pour rĂ©ussir dans ses entreprises , la probitĂ© et l'honneur seuls doivent le diriger. Qu’il ne soit donc pas avide de gain , et qu’il songe moins Ă  s’enrichir qu’à acquĂ©rir de la rĂ©putation par son art , ne faisant jamais rien d’indigne d’une profession si honorable. C est ce que lui prescrit la philosophie. Il est une autre branche de la philosophie , qui apprend Ă  connoĂźtre la nature. Les Grecs la nomment physiologie. Il est trĂšs-essentiel qu’il l'Ă©tudie pour comprendre les effets de la nature , qui sont variĂ©s Ă  l’infini. Par exemple , s’il veut conduire, par diffĂ©rens dĂ©tours, les eaux d’un lieu Ă  un autre sur un plan horisonlal ; ou que . pressĂ©es par leur propre poids , 11 veuille les faire jaillir , quelle qu’en soit la cause , il s’engendre une quantitĂ© d’air dans les tuyaux , inconvĂ©nient auquel il ne pourroit remĂ©dier , s’il ne connoissoit pas , par la philosophie, les principes des choses qui sont dans la nature. Sans le secours de la philosophie , comment pourroit-on saisir le vrai sens des ouvrages de ClĂȘsibius , d ArchimĂšde , et de tous ceux qui ont Ă©crit sur de pareils sujets? Quant Ă  la musique, il doit la savoir parfaitement, pour connoĂźtre les rĂšgles des proportions mathĂ©matiques de la rĂ©sonnance 2 et pour tendre, comme il faut, les Ralistcs , Catapultes et Scor- 1 Pausanias Liv. ÏII , Ch. 9 , parle de ce portique 2 Voyez ci-aprĂšs Liv. V, Ch. 3 ; et Auiugelie, ISuits comme du plus bel Ă©difice qui fĂ»t sur la place de „attiques Liv. XVI, Ch. 18. Sparte. i 6 L’ARCHITECTURE DE VITRUYE. pions; i les chapiteaux de ces machines sont, Ă  cet effet, percĂ©s Ă  droite et Ă  gauche de deux trous , qui rendent un mĂȘme ton , et par lesquels passent les cables, faits de cordes de nerfs, que l’on bande avec des cabestans, moulinets ou vindas et leviers, et qu’on ne doit arrĂȘter pour dĂ©cocher la machine, qu autant qu elles rendent 1 un et 1 autre des sons qui forment un accord parfait lorsqu’on les touche ; par ce moyen, il juge si les bras de la machine sont Ă©galement tendus pour frapper en mĂȘme-temps leur coup ; car si elles ne rendaient pas un mĂȘme son, le trait seroit dĂ©rangĂ© dans sa direction. La musique lui sert encore Ă  disposer les vases d’airain 2 qu’on place dans les cases sous les degrĂ©s des théùtres, par proportions mathĂ©matiques, et d’aprĂšs les diffĂ©rons sons qu’ils rendent, que les Grecs appellent Tons. La grandeur de ces vases est rĂ©glĂ©e d’aprĂšs les divers accords de la musique ; on les dispose circulairement le long des degrĂ©s, de maniĂšre qu’ils passent de la quarte Ă  la quinte, Ă  l’octave, etc. ; la voix des acteurs qui part de la scĂšne, retentit contre ces vases qui se correspondent, et par lĂ  elle s’accroĂźt et parvient plus douce et en mĂȘme-temps plus sonore aux oreilles des spectateurs. Enfin personne ne pourroit construire les machines hydrauliques et autres semblables, sans le secours de la musique 3. L’étude de la mĂ©decine lui est nĂ©cessaire pour connoĂźtre les aspects du ciel , que les Grecs nomment climats 4 distinguer les lieux sains et dangereux , et quelles sont les diverses propriĂ©tĂ©s des eaux. Il n’est pas possible de bĂątir une habitation, qui soit saine, si l’on n’a bien examinĂ© toutes ces choses. Il faut qu’il commisse la jurisprudence et les lois pour diriger la construction des murs communs, 5 les gouttiĂšres et les Ă©gouts ; pour placer les fenĂȘtres ; pour l’écoulement des eaux et choses semblables. Avant de commencer un Ă©difice, il doit prĂ©venir tous les procĂšs qu on pourroit intenter au propriĂ©taire, lorsque 1 ouvrage sera achevĂ© ; cette connoissance lui est aussi nĂ©cessaire , pour bien rĂ©diger les baux de location, tant Ă  l’avantage du locataire que du ren- deur, et n’y laisser Ă©chapper aucun terme ambigu , afin d Ă©viter toute espĂšce de chicane qui pourroit s’élever entr eux. L astronomie 6 lui sert pour la confection des cadrans 1 Yitruve parle plus amplement de ces machines Liv. X , Ch. i 5 , 16, 17 et 18. 2 Vitruve parle de la distribution de ces vases, de l’harmonie et des théùtres Liv. V. Ch. 3 , 4 , 5 , 6 , 7 et 8. 3 Tout le dixiĂšme livre est employĂ© Ă  traiter de ces machines, tant de celles hydrauliques que de celles de la guerre. 4 Ce mot est dĂ©rivĂ© du verbe %Xiva , inclinĂ©, parce que les divers degrĂ©s du mĂ©ridien sont inclinĂ©s -vers le pĂŽle , ou dĂ©clinent vers l’équateur. 5 Par murs communs, Vitruve n’entend pas, comme l’a cru Perrault, les murs mitoyens, mais les murs des maisons le long des rues, dont la construction Ă©toit rĂ©glĂ©e a LomĂ© par des lois particuliĂšres, comme on le verra plus loin. 6 Vitruve se sert du mot Astrologie que nous avons aoandonne aux charlatans, pour dĂ©signer l’influence qu’ils prĂ©tendent que les astres ont sur le corps t humam ; et je me suis servi de celui q astronomie, qui dĂ©signe la connoissance de 1 Ă©tat des cieux et du mouvement des astres. 7 LIVRE I, C h a p. i. fçM s dcj M 1 2 autre si les i car niusi- de- sren- d'wers qu’ils scĂšne, douce rnrroit laides. tenter , i leces- j ten- hicane , coin- ;S B' uri 3 n Ă©toii i on le solaires, par la connoissance qu elle lui donne des quatre points cardinaux , de l’état du ciel, des Ă©quinoxes , des solstices et de tout le cours des astres. . Puisque l’architecture demande donc une aussi grande Ă©rudition et le concours de tant d’autres sciences , je ne crois pas que personne puisse tout-Ă -coup se donner pour architecte. Cette qualitĂ© n’appartient qu’à celui qui, dĂšs son enfance, a commencĂ© Ă  monter par tous les degrĂ©s qui conduisent au faĂźte du temple de l’architecture. Les igno- rans seront peut-ĂȘtre Ă©tonnĂ©s , et ne pourront croire que la mĂ©moire et l’intelligence humaines soient suscep tibles d autant de lumiĂšres ; mais on verra bientĂŽt combien ils sont dans l’erreur, si I on rĂ©flĂ©chit que toutes les sciences Ă©tant liĂ©es, et communiquant les unes avec les autres , les connoissances humaines sont comme un corps composĂ© de divers membres ; ceux qui, dĂšs leur tendre jeunesse , ont consacrĂ© leurs momens Ă  l’étude des belles-lettres , en sont convaincus. Ils sont persuadĂ©s aussi que la connexion qui se trouve entre elles, en facilite beaucoup FĂ©tu de. Ce qui fait dire Ă  Pythius i, cet ancien architecte qui s’est rendu cĂ©lĂšbre par la construction du temple de Minerve , dans la ville de PriĂšne , que l’architecte rĂ©ussira mieux dans ces diffĂ©rentes sciences , que ceux qui. par les efforts de leur gĂ©nie, et leur industrie, ont excellĂ© dans quelques-unes en particulier. Cependant cela n’est pas exact. En effet , il n’est pas possible , ni mĂȘme nĂ©cessaire, qu’il possĂšde la grammaire comme Aristarque , la musique comme Àris- toxĂšne 2 ; qu’il soit aussi bon peintre qu’Apelle , aussi bon sculpteur que Miron ou PoliclĂšte , enfin aussi savant en mĂ©decine qu’Hippocrate 5 il suffit qu’il ait quelques connaissances de la grammaire , de la musique , de la peinture , de la sculpture , et de la mĂ©decine ; l’esprit de l’homme n’est pas capable d'atteindre la perfection dans autant de sciences , dont les dĂ©mens exigent dĂ©jĂ  beaucoup d’étude. Ce n’est pas aux architectes seuls auxquels il est refusĂ© d atteindre la perfection, puisque ceux mĂȘme qui s’adonnent Ă  quelqu’art en particulier, qui s’efforcent d’en vaincre toutes les difficultĂ©s pour s’y rendre profonds et renommĂ©s, ne rĂ©ussissent pas toujours. Que dis-je ! parmi tous ceux qui cultivent une mĂȘme science , et en font leur unique Ă©tude, il n’est donnĂ© qu’à un petit nombre , et dans l’espace d'un siĂšcle , d’y devenir cĂ©lĂšbres ; comment voudroit-on que l’architecte qui doit possĂ©der tant de connoissances, non-seulement n’en ignore aucune, ce qui est dĂ©jĂ  beaucoup exiger, mais qu'il excelle dans toutes , tandis que les forces et l’intelligence humaines suffisent Ă  peine pour en approfondir une seule ? js avons ;e n;eti latffr es asti* 1 Vitruve le nomme Phileos dans 1 introduction du sur lharmonie; c’est dans ces livres que Vitruve a nuise VII. e Liv. Il parle aussi d’un architecte nommĂ© Pytheus , ce qu’il a Ă©crit sur la musique dans les 4 e et 5" Ch. du Liv. I\ , Ch. 3. Liv. Y, comme il nous l’apprend lui-mĂȘme. 2 AristoxĂšne, disciple d’Aristote, a livres I 8 L’ARCHITECTURE DE VI T R U V E. Il me semble donc qu'en cela Pythius s’est trompe 7 ; il n a pas rĂ©flĂ©chi que deux choses, la pratique et la thĂ©orie, composent tous les arts. La pratique appartient proprement Ă  ceux qui font profession de quelqu’art en particulier, et la thĂ©orie appartient gĂ©nĂ©ralement Ă  tous ceux qui cultivent les sciences. Qu’un mĂ©decin et un musicien parlent, par exemple , l’un de la proportion des pulsations du poulx, et 1 autre de celle des mou- vemens des pieds que font des pas de danse ; cette thĂ©orie leur est commune Ă  tous deux. NĂ©anmoins si un homme vient de se blesser, ou tombe dangereusement malade, on n’appelle pas le musicien , mais le mĂ©decin qui doit le secourir. Si au contraire , on veut mettre d’accord quelqu’instrument de musique, on n’appellera pas le mĂ©decin, mais le musicien , qui parviendra Ă  lui faire rendre des sons harmonieux qui charmeront les oreilles. Les astronomes et les musiciens peuvent Ă©galement raisonner sur la sympathie des Ă©toiles , et sur les consonnances musicales, dont les unes se distinguent par quadrals et par trines i , et les autres par la quarte et la quinte ; et avec les gĂ©omĂštres de ce qui concerne la vue, c’est-Ă -dire , de cette science que les Grecs appellent optique 2. Il en est de mĂȘme du reste des sciences ; leurs diverses thĂ©ories servent Ă  toutes , ou du moins Ă  la plupart. Mais s’il s’agit de la pratique qu’on n’acquiert que par le travail et une longue habitude, il faut que chacun traite de celle dans laquelle il s’est particuliĂšrement exercĂ©. De sorte qu il est censĂ© qu’un architecte en sait assez , quand il est mĂ©diocrement instruit dans les arts qui dĂ©pendent de l’architecture , quand il peut en juger et les examiner au besoin, et n’avoir pas la honte de demeurer court. S’il se rencontre par hasard des personnes dont l’esprit et la mĂ©moire ont assez d Ă©tendue pour possĂ©der parfaitement la gĂ©omĂ©trie , l’astronomie , la musique et les autres sciences ; cette capacitĂ© doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme quelque chose au - delĂ  de ce qui est nĂ©cessaire Ă  l’architecte. Ce sont alors des mathĂ©maticiens qui peuvent traiter Ă  fond de toutes les sciences ; mais ces gĂ©nies sont fort rares 5 il s’en trouve peu, tels qu’ont Ă©tĂ© Ari star que Ă  Samos , Philolaiis et Architas Ă  Tarente , Apo- lonius Ă  Perge, EratosthĂšne Ă  CyrĂšne , ArchimĂšde et Scopinas Ă  Syracuse. Avec le secours du calcul et la connoissance qu’ils avoient des secrets de la nature , ils ont fait les plus belles dĂ©couvertes dans les mĂ©caniques et dans la gnomonique, et les ont transmises Ă  la postĂ©ritĂ©. Mais puisque la nature avare produit rarement de ces gĂ©nies extraordinaires, et qu’il laut cependant que rarcliilecle possĂšde, autant qu’il est possible, ces diverses connois- snnces ; car il seroit dĂ©raisonnable d’exiger qu’il les possĂ©dĂąt toutes parfaitement, je vous 1 On appelle quadrat aspect , la situation de deux 90 degrĂ©s font le quart du mĂ©ridien et 120 le tiers ; astres Ă©loignĂ©s l’un de l’autre de 90 degrĂ©s , et le trine voyez les remarques Ă  la fin de ce chapitre, aspect lorsqu’ils sont Ă©loignĂ©s de 120 degrĂ©s , parce que 2 Ce mot est tirĂ© du verbe tance que de Jupiter Ă  Saturne , tellement qu’en rĂ©unissant celte harmonie , 011 trouvera sept tons ». pour former une musique aussi parfaite que celle du diapason. D’aprĂšs celle harmonie , il prĂ©tend » donc que Saturne dans son cours suit le mode dorien , et Jupiter le mode phrygien. Il ajoute » plusieurs subtilitĂ©s ingĂ©nieuses qui sont beaucoup plus agrĂ©ables qu’utiles , telles que la magnifiqne » harmonie des astres , leur marche mĂ©lodieuse , leur rĂ©volution cadencĂ©e , et ce concert sublime > que forment tous les corps cĂ©lestes et les cieux divers 1. Il paroĂźt que Vitruve partageoit cette opinion , tant par ce qu’il dit dans ce chapitre , que dans le sixiĂšme du cinquiĂšme livre , oĂč il parle des dispositions d’un théùtre , qui doivent ĂȘtre prises , dit-il , d’aprĂšs les rapports qui se trouvent entre les astres et la musique. Quoiqu’il ait adoptĂ© ce systĂšme , on voit qu’il n’ignoroit pas celui des autres philosophes il les rapporte tous dans le second chapitre du deuxiĂšme livre. Mais cette prĂ©fĂ©rence pour celui de Pylhagore et des philosophes dont il fut le chef, lui fait , suivant moi, infiniment d’honneur , ^car l’antiquitĂ© n’a pas produit de savants qui aient Ă©tĂ© aussi Ă©clairĂ©s qu’eux ' dans les sciences naturelles , et dont les dĂ©couvertes aient fait plus d’honneur Ă  l’esprit humain. Il y avoil alors, comme le rapporte Vitruve Liv. IL Ch. 2. , des philosophes qui soutenoient que l’eau, le feu, l’air, les atomes, Ă©toient les principes des choses. Pylhagore prĂ©tendit, au contraire, que les principes des choses Ă©toient les convenances et les proportions dont se formoient les harmonies , et que la bontĂ© et l’intelligence faisoient la nature de Dieu. Il fut le premier qui appela l’univers , monde, Ă  cause de son ordre. Il soutint qu’il Ă©toit gouvernĂ© par la providence sentiment lout- Ă -fait conforme Ă  nos livres sacrĂ©s et Ă  l’expĂ©rience. Il inventa les cinq zones , et dĂ©couvrit l’obliquitĂ© du zodiaque. Il assura que la zone torride Ă©toit habitable. 11 dĂ©couvrit le carrĂ© de l’hypotĂ©nuse d’oĂč sont sortis une infinitĂ© de thĂ©orĂšmes et de solutions gĂ©omĂ©triques. PhilolaĂŒs de Crotone , un de ses disciples, prĂ©tendoit que le soleil recevoil le feu rĂ©pandu dans l’univers et le rĂ©verbĂ©roil. Il tenoit que les comĂštes Ă©toient des astres qui se remontrent aprĂšs une certaine rĂ©volution. Oecette autie pythagoricien, souienoit quil y avoit deux terres, celle-ci et celle qui lui est opposĂ©e', ce 1 Pline Liv. Il, Ch. ao. Il en parle encore dans la pre'face du mĂȘme Livre. qui ne convient -qu' Socrate , Platon , Architas, gĂ©nĂ©ral Taremin , XĂ©nophon Epaini- ĂŻiondas , Numa, enfin ce que la philosophie, les lettres , Part militaire et le trĂŽne ont en de plu* illustre , Ă©toient pythagoriciens. Toutes leurs idĂ©es sur les harmonies de la nature ont Ă©tĂ© renouvelĂ©es, par M. Bernardin de S. 1 Pierre , dans son charmant ouvrage des Eludes de la Nature. Ils ne les bornĂšrent point Ă  Pastronomie ; nous voyons, dans ce chapitre , que les mĂ©decins mĂȘme trouvĂšrent dans l’harmonie les principes de leur art. HĂ©rophile , mĂ©decin cĂ©lĂšbre qui vivoit du temps de Plia- laris , 56 o ans avant PĂšre vulgaire , avoit rĂ©glĂ© les degrĂ©s du mouvement des pulsations du pouls selon les diffĂ©rens Ăąges de l’homme , d’aprĂšs les rĂšgles de la musique 1. Le mĂ©decin Zerlin , qui mourut Ă  Yenise en 1699, a renouvelĂ© celte opinion a. Vitruve dit que les anciens distinguoient deux sortes de philosophie ; celle qui nous apprend Ă  connoĂźtre la nature, et celle qui traite de la morale. Il exige que son architecte connoisse aussi cette derniĂšre, pour qu’elle soit la rĂšgle de sa conduite. M/ Legier, cĂ©lĂšbre architecte, que FrĂ©dĂ©ric II , roi de Prusse , fit venir de Paris Ă  Berlin, nous, a prouvĂ© combien il Ă©toit pĂ©nĂ©trĂ© des principes de Vitruve. Il prĂ©sente un jour Ă  ce grand roi le plan de la maison royale dite le nouveau Sans-Souci. FrĂ©dĂ©ric l’approuve, mais il veut qu-’au lieu du salon d’entrĂ©e, on fasse une espĂšce de grotte trĂšs-grande. Legier lui reprĂ©sente que cela seroit absolument contre les rĂšgles de Part, qu’il sera critiquĂ© par tous les connoisseurs. Qu’importe , lui rĂ©pond le roi j’exige qu’on exĂ©cute ma volontĂ© c’est moi qui paye l’ouvrage si on le critique, dites que je l’ai voulu avoir comme cela. Mais , lui dit Legier, ni votre majestĂ© ni moi, ne serons- pas toujours lĂ  pour dire Ă  la postĂ©ritĂ© , que c’est par vos ordres que cet Ă©difice a Ă©tĂ© bĂąti de cette maniĂšre. Ma rĂ©putation m’est bien plus chĂšre que tout l’argent que je pourrois gagner Ă  cet ouvrage je supplie votre MajestĂ© de vouloir choisir un autre architecte. Legier peu soit donc Bien moins Ă  s’enrichir qu’à acquĂ©rir de la rĂ©putation par son art. Il possĂ©doit cette philosophie dont parle Vitruve. CHAPITRE II. En quoi consiste lArchitecture. architecture a six objets principaux l’ordonnance, que les Grecs appellent iaxis; la disposition, qu’ils nomment diatesis ; Xeurythmie ; la proportion , la biensĂ©ance et la distribution , qu’on appelle en grec Ă©conomie. L’ordonnance donne Ă  chaque partie du bĂątiment la grandeur nĂ©cessaire pour l’usage auquel elle est destinĂ©e ; elle la rĂ©duit Ă  une mĂȘme mesure pour en former un ensemble bkn proportionnĂ©; » Pline. LĂźt. XXIX, Cb. 2 Zerlino inst. ym. Ch. 3 , P. I. L’ARCIUTECTÜRE DE VITRUVE. 12 L’ordonnance se rĂšgle donc par la quantitĂ© appelĂ©e en grec posotes , et par quantitĂ©, on entend le module, qui est une’grandeur prise dans quelque partie de l’ouvrage, pour servir de terme de comparaison aux dimensions de toutes les autres parties. Placer chaque chose dans le lieu qui lui convient selon sa qualitĂ© , de maniĂšre que cet arrangement produise un effet agrĂ©able , c’est ce qu’on appelle la disposition. Les dessins , ou, pour parler comme les Grecs , les idĂ©es de la disposition se font de trois maniĂšres ; savoir par l’ichnographie , par l’orthographie et par la scĂ©nographie. L’ichnographie , c'est lorsqu’avec la rĂšgle et le compas , on trace , dans un espace mĂ©diocre , le plan d’un Ă©difice , comme si c’étoit sur le terrain. L’orthographie reprĂ©sente dans un petit dessin colorĂ© , l’élĂ©vation d’une des faces du bĂątiment dans les mĂȘmes proportions qu’il doit avoir. La scĂ©nographie est un dessin ombrĂ© qui fait voir non seulement l’élĂ©vation d’une des faces , mais aussi celle d’un des cĂŽtĂ©s , par le concours de toutes les lignes qui aboutissent Ă  un mĂȘme point. Pour faire ces dif- fĂ©rens dessins , il faut unir l’esprit et l’intelligence. Le plaisir qu’il goĂ»te Ă  faire bien exĂ©cuter le plan qu’il a conçu , fait que l’esprit y met toute son attention et son exactitude. L’intelligence fait surmonter les difficultĂ©s ; elle pĂ©nĂštre , elle emploie tous les secrets de l’art. Avec le secours de ces trois maniĂšres de dessiner, on reprĂ©sente parfaitement toutes les dispositions d’un Ă©difice. L’eurythmie est la beautĂ© que produit l’accord de toutes les parties d’un ouvrage ; c’est elle qui donne Ă  l’ensemble un aspect agrĂ©able. Rien n’y contribue davantage que la proportion, lorsque la hauteur rĂ©pond Ă  la largeur , et celle-ci Ă  la longueur. La proportion est aussi le rapport que l’ouvrage entier a avec ses parties , et celui que ces parties ont entre elles Ă  cause de l’uniformitĂ© des mesures. Comme dans le corps humain, il y a un rapport de grandeur entre le coude, le pied , la paume de la main , le doigt et les autres parties ; ainsi dans un ouvrage perfectionnĂ© , un membre en particulier fait juger de toute la grandeur de l’édifice. Par exemple le diamĂštre d’une colonne, le module d’un triglyphe fait juger de la grandeur d’un temple i. On con- noĂźt aussi celle d’une baliste par la proportion du trou que les Grecs appellent PĂ©ri - treton. De mĂȘme l’espace qui se trouve d’une rame Ă  une autre , laquelle se nomme DipĂȘchdice , fait voir quelle est la grandeur d’un navire. Il en est de mĂȘme de tous les autres ouvrages. La biensĂ©ance exige d’abord que tout ce qui se voit dans un Ă©difice y soit tellement correct, quil ne s y trouve rien qui ne soit conforme Ă  la raison et aux rĂšgles de l’art pour cela il faut premiĂšrement faire attention Ă  l’état et Ă  la qualitĂ© des ^i Voyez h 3.* Ch. du JV. Xiy. L I V H E I, C h a p. i i. i3 choses i , c’est ce que les Grecs nomment sefurnw. c; ensuite Ă  l’habitude et Ă  la nature. Par exemple , si on fait attention Ă  la qualitĂ© des choses, on ne fera pas de toit 2 au temple de Jupiter foudroyant, ni Ă  celui du ciel , non plus qu’à celui du soleil et de la lune. On les laissera dĂ©couverts , parce que ces divinitĂ©s se font connoĂźtre pendant le jour et dans tout l’univers. Pour la mĂȘme raison, les temples de Minerve, de Mars, d’Hercule, seront d’ordre dorique, parce que les vertus graves de ces divinitĂ©s rĂ©pugnent Ă  la dĂ©licatesse des autres ordres. Au lieu que VĂ©nus, Flore , Proserpine et les nymphes des fontaines, auront les leurs d'ordre corinthien, parce que la dĂ©licatesse et l’agrĂ©ment des fleurs, des feuillages et des volutes, dont cet ordre est embelli , convient Ă  la lĂ©gĂšretĂ© qu’on attribue Ă  ces dĂ©esses. La biensĂ©ance semble aussi exiger que les temples de Junon, de Diane , de Bacchus, et des autres dieux de cette espĂšce, soient d’ordre ionique , parce que cet ordre tient le milieu entre la sĂ©vĂ©ritĂ© du dorique et la dĂ©licatesse du corinthien , par consĂ©quent est plus analogue Ă  la nature de ces divinitĂ©s. Une observation , qu’exige encore la biensĂ©ance , est qu’il faut avoir Ă©gard Ă  l’habitude , qui veut que , si l’intĂ©rieur des bĂątimens est richement dĂ©corĂ© , le vestibule le soit de mĂȘme ; car si l’intĂ©rieur Ă©toit riche et Ă©lĂ©gant, et que l’entrĂ©e et le vestibule fussent mesquins , il n’y auroit ni agrĂ©ment ni convenance. De mĂȘme si,, sur des entablemens doriques , on mettoit des corniches dentelĂ©es ; ou si , au-dessus des architraves ioniques, soutenues par des colonnes Ă  chapiteaux en forme d’oreiller, 3 on taille des triglyphes, et qu’ainsi on attribue et transporte Ă  un ordre les choses qui sont particuliĂšres et propres Ă  un autre, les yeux en seront choquĂ©s , parce qu’ils sont habituĂ©s Ă  les voir disposĂ©es d’une autre maniĂšre. La convenance qu’exige la nature des lieux , consiste Ă  choisir les endroits oĂč l’air et les eaux sont les plus sains , pour y placer les temples , principalement ceux qu’on bĂątit Ă  Esculape , Ă  la SantĂ©, et aux autres divinitĂ©s auxquelles on attribue la vertu de guĂ©rir les maladies. Car les malades qui passeront d’un air malsain dans un autre qui sera plus salubre , et qui feront usage de meilleures eaux, se guĂ©riront aisĂ©ment ; ce qui augmentera beaucoup la bloient Ă  un oreiller ou coussin roulĂ© sur lui-mĂȘme, et liĂ© dans le milieu pour le transporter plus commodĂ©ment dans les voyages , comme font encore aujourd’hui lesPolonois qui transportĂšnt les matelas dans leur voiture, parce que, dans toute la Pologne, personne,n’a des lits pour les Ă©trangers. Ces matelas sont beaucoup plus minces que les nĂŽtres. Vitruve, Liv. III , Ch. 3 , nomme encore le chapiteau ionique pulvinaUs. Pline , Liv. XV , dit que la noix du noyer ressemble Ă  un* oreiller. 1 Perrault a traduit le mot statio par Ă©tat des choses, et Galliani par statuto statut. Le latin ne rendoit dĂ©jĂ  pas trop bien le mot grec que Vitruve a Ă©tĂ© obligĂ© de rapporter comme terme de l’art le français le rend encore plus mal. Il est dĂ©rivĂ© de rĂźSrqf&t qui signifie poser, placer', Ă©tablir. 2 HypƓthra signifie ici gĂ©nĂ©ralement toute espĂšce d’édifice dĂ©couvert ; mais dans une signification plus restreinte , il dĂ©signe une espĂšce de temple, dont il est parlĂ© dans le chapitre premier du Liv. III. 3 Parce que les cĂŽtĂ©s du chapiteau ionique ressem- L’ARCHITECTURE DE V I T R U V K 4 dĂ©votion du peuple , qui attribuera Ă  ces divinitĂ©s la guĂ©rison qu’il devra Ă  la nature d’un lieu salutaire. Il est encore une convenance que demande la nature des lieux. C’est de faire en sorte que les fenĂȘtres des chambres Ă  coucher et des bibliothĂšques soient placĂ©es au levant i ; que celle des hains et des appartemehs d hiver aient les leurs au couchant d’hiver ; et que les cabinets des tableaux et autres curiositĂ©s qui demandent un jour Ă©gal en tout temps, aient les leurs vers le septentrion, d’autant que ce qui est tournĂ© - vers ce cĂŽtĂ© du ciel est toujours Ă©galement Ă©clairĂ©. La distribution ou l’économie exige qu’on sache choisir avec discernement ses matĂ©riaux dans le local mĂȘme oĂč I on doit travailler , et qu’on Ă©vite toute dĂ©pense inutile , ce qu’il est aisĂ© de faire , si toutefois l’architecte ne cherche pas Ă  exĂ©cuter des choses impossibles , ou qui ne peuvent avoir lieu qu’avec des dĂ©penses excessives ; car dans certains endroits, il ne se trouve pas de sable fossile, ni de bonnes pierres, ni de 1 epicias, ni du sapin, ni du marbre , ou, si on veut s’en procurer , il faut les faire venir de loin avec beaucoup de peines et de dĂ©penses. On se sert alors du sable de riviĂšre ou du sable de mer lavĂ© dans l’eau douce, et on emploie le bois de cyprĂšs, de peuplier ou d’orme. L’autre partie de la distribution consiste Ă  faire attention Ă  l’usage auquel on destine le bĂątiment, Ă  l’argent qu’on veut y mettre , Ă  la beautĂ© qu’on veut qu’il ait , parce que ces diverses considĂ©rations rĂ©gleront la distribution qu’il doit avoir ; car le plan d’une maison, dans la ville, est diffĂ©rent d’une maison de campagne qui doit servir de ferme et de mĂ©nagerie ; et les maisons qu’on bĂątit, pour les bureaux des gens d’affaires et des nĂ©gocians, doivent ĂȘtre autrement disposĂ©es que celles qu’on fait pour des financiers ou pour des personnes de distinction , dont les hautes qualitĂ©s et les emplois dans les affaires publiques demandent des usages particuliers en un mot il faut ordonner les Ă©difices selon les diffĂ©rentes conditions des personnes pour lesquelles on bĂątit. REMARQUES. Les sciences et les arts ont un idiome qui leur est propre. Il est composĂ© de termes qu’on nomme techniques. Ces mots sont la plupart tirĂ©s de la langue que l’on parle, mais on leur donne une autre acception , ou une signification plus ou moins Ă©tendue que dans l’usage ordinaire. Ce langage est familier aux artistes ; mais lorsqu’on enseigne une science , ou qu’on Ă©crit quelque traitĂ© , il faut commençai pai dĂ©finir ces soi tes de termes j pour 1 intelligence de ceux qui apprennent. C’est ce que fait ici Yitruve, x Pour l’exposition des bains, voyez Liv. Y, Ch. 10 ; et pour le reste, Liv. YI, Ch. 7. L I ĂŻ , C h Ă  p. ii. ✓ i5 Ce sont les Grecs qui ont introduit en Italie les belles-lettres , les sciences et les beaux-arts. Les Pelages , colonies grecques, les apportĂšrent en Etrurie; les Etrusques les ont fait eonnoĂźtre aux Romains. Ceux-ci firent enĂšuite la .conquĂȘte de la GrĂšce , d’oĂč ils enlevĂšrent les plus beaux tableaux et les plus belles statues , ce qui augmenta leur goĂ»t pour les beaux-arts. Ils ne purent emporter les magnifiques Ă©difices qui s’y trouvoient mais ils emmenĂšrent Ă  Rome des architectes. Ce furent donc les Grecs qui apprirent l’architecture aux Romains ; et c’est pourquoi ceux-ci se servirent , dans celte science , de termes grecs ou tirĂ©s de cette langue. Yitruve est obligĂ© de les traduire , de les expliquer et de faire eonnoĂźtre le sens qu’ils doivent avoir lorsqu’ils sont afFectĂ©s Ă  l’art de bĂątir. Il commence donc par expliquer les principaux termes de l’architecture; il considĂšre sĂ©parĂ©ment les objets qu’ils indiquent. Par-lĂ  il nous donne une idĂ©e gĂ©nĂ©rale de cet art ; il en trace les plus grandes parties, marque leur Ă©tendue, leurs limites et leurs connexions. Son explication est un peu abstraite chacun de ces termes renferme l’idĂ©e de plusieurs choses qui en renferment elles-mĂȘmes d’autres, et toutes ont besoin d’une dĂ©finition un peu longue. Les termes techniques grecs donnoient une idĂ©e assez exacte de la chose qu’ils exprimoient, puisqu’ils Ă©toient composĂ©s de mots tirĂ©s de cette langue , qui signifioient l’objet qu’on vouloit dĂ©signer, avec ses qualitĂ©s accessoires; le mot architecte, par exemple , est composĂ© des mots Ăąpxv , principal, et tsxtuv , ouvrier ainsi principal ouvrier. Les arts gĂ©nĂ©ralement rĂ©pandus dans la GrĂšce oĂč on les cultivoit depuis long-temps , avoient rendu ces mots familiers; ils Ă©toient, pour ainsi dire, compris de tout le monde. La langue grecque, pour les composer , a en outre un grand avantage sur le latin et sur les autres langues sa grande abondance fait qu’on y trouve des mots pour rendre les idĂ©es les plus subtiles. Les Grecs , dit le traducteur françois de ThĂ©ophraste , ont quelquefois deux ou trois termes assez diffĂ©rens pour exprimer dĂšs choses qui le sont aussi , et que nous ne saurions guĂšres rendre par un seul mot ; cette pauvretĂ© embarrasse. » Aussi leur langue a toujours Ă©tĂ© celle des sciences et des beaux-arts. Les Romains , qui les avoient appris d’eux , se sont servis pour les r arts de la langue de leurs] maĂźtres ; ils adoptĂšrent quelques-uns de leurs termes , ils traduisirent les autres , mais en gĂ©nĂ©ral ils perdoient dans la traduction qui Ă©toit bien moins expressive. C’est pourquoi Yitruve met souvent le mot grec Ă  cĂŽtĂ©. Nous jĂŻvons une difficultĂ© de plus en françois ces mots qui ont dĂ©jĂ  perdu beaucoup dans la version latine, perdent encore davantage en passant dans notre langue. Mais la plus grande de toutes les difficultĂ©s, c’est qu’en adoptant ces termes grecs ou latins , nous leur avons quelquefois donnĂ© une autre acception que celle qu’ils ont dans ces langues ; tellement que je serai obligĂ© d’entrer dans quelques dĂ©tails absolument nĂ©cessaires pour l’intelligence de ces diffĂ©rens termes. De ĂŻ Ordonnance. Le mot grec rct^iq exprimoit Ă  merveille ce qu’on entend par l’ordonnance; il est tirĂ© du verbe Tao-Ăźha qui signifie Ă©tablir , faire une chose, l’arranger d’aprĂšs certaines rĂšgles , certain ordre , certaines lois, d’oĂč 1 on a pris les mots taxe et taxer , parce que les taxes se lĂšvent d’aprĂšs un rĂ©gle-ment , d’aprĂšs une loi. EmployĂ© dans l’architecture , le mot se rend , en latin comme en françois , par celui !G L'A RCHITECTURÊ DE VITRUVE. d’ordonnance, ainsi lorsqu’on parle de l’ordonnance d’un bĂątiment, on entend qnil y a de 1 ordre dans la distribution , et qu’il est construit d’aprĂšs les rĂšgles Ă©tablies. L’ordre qui rĂšgne dansions les ouvrages de la nature, inspira les artistes des premiers Ăąges; c’est d’aprĂšs lui qu’ils rĂ©glĂšrent leurs ouvrages. Ce principe fondamental fut aussi le guide de ceux qui firent faire de si grands progrĂšs aux arts , dans les beaux jours de la Grece. La confusion dĂ©plaĂźt et nuit par-tout oĂč elle se trouve , et plus encore dans les productions des beaux-arts, qui sont le rĂ©sultat des efforts de l’esprit humain. C’est par l’ordre et les combinaisons qu’ , qu’on peut voir si elles sont le fruit du gĂ©nie. L’ordre est si essentiel Ă  l’architecture qu’elle n’existe, pour ainsi dire, que par lui. Aussi ï’ordçm- narice est-elle nommĂ©e la premiĂšre parmi les objets qui constituent cet art. Elle donne , comme dit Vitruve, Ă  chaque partie de l’ouvrage , l’étendue, nĂ©cessaire Ă  l’usage pour lequel elle est destinĂ©e elle les rĂ©duit Ă  une mĂȘme mesure , pour en former un ensemble bien proportionnĂ©. Il faut donc que chaque partie ait sa juste grandeur , convenable Ă  son usage et proportionnĂ©e Ă  la grandeur de tout l’édifice. Dans un temple il faut qu’il se trouve un espace suffisant polir la. Cella , un autre pour le vestibule, un autre pour les galeries, etc, Dans une habitation il faut, par exemple , que l’alcove soit capable de. contenir le lit; l’écurie , les chevaux; que la cour, la salle et les chambres ne soient ni trop grandes ni trop petites pour servir aux usages auxquels elles sont destinĂ©es la cour, pour donner le jour aux appartemens et contenir ce qui doit y entrer ; la salle, pour y recevoir les grandes compagnies; et les chambres,, pour y coucher. L’ordre doit rĂ©gner entre ces parties principales ou majeures ; il doit Ă©galement rĂ©gner entre les moindres parties qui sont comme les accĂšs-, soires de celle-ci telles que les colonnes , Ja grandeur des entre - colonnemens , etc. Il faut que le tout forme un ensemble bien proportionnĂ© d’aprĂšs les rĂšgles de l’art,, comme l’exprime le mot iaxis. Il faut distribuer d’une façon commode et agrĂ©able,, d’apiĂšs les mĂȘmes rĂšgles, non seulement les parties principales , mais encore les dĂ©tails accessoires c’est ainsi qir’en mĂ©ditant sur ce qui concerne l’ordre dans un Ă©difice , on voit que le plan a un. point central auquel tout vient aboutir, et qu’il faut que l’intĂ©gralitĂ© et l’unitĂ© s’y trouvent. L’intĂ©gralitĂ© du plan n’est antre chose , au premier coup d’Ɠil ,, que la. totalitĂ© des parties qui le composent; mais en creusant cette idĂ©e fonciĂšre, on s’aperçoit ensuite que cette intĂ©gralitĂ© suppose que l’on donne une juste Ă©tendue Ă  toutes ces parties , et que mĂȘme on les unit ensemble en les liant toutes Ă  un mĂȘme point central , ce qui constitue l’unitĂ© ; et que de plus on en rejette, avec soin 3 tout ce qui peut y ĂȘtre Ă©tranger on superflu. Ces conditions Ă©galement requises dans le dĂ©veloppement du plan y sont si importantes, qu’elles font le principal mĂ©rite de l’artiste , et le place au rang des grands hommes. Au contraire , Horace met dans la derniĂšre classe des ouvriers , l’artiste qui sait rendre les dĂ©tails , mĂȘme dans une perfection rare , mais qui ne sait pas en former un tout. 1 ‱ * L’unitĂ© tient tellement Ă  l’intĂ©gralitĂ© qu’on peut en quelque sorte les confondrepour n’en Lire qu’un seul et mĂȘme prĂ©cepte. Il ne faut pas croire qu’elle puisse jamais la contrarier car rame- > Hor. Art. poet, ?. 3a. . \ ner l i v n e i, Cha i>. h. 17 ner tout Ă  un mĂȘme centre , n’est pas mutiler*les objets. Tout ce qui est inutile et dĂ©placĂ© contrarie l’unitĂ© et l’intĂ©gralitĂ© ; ainsi l’habile architecte retranchera toujours ce qui est superflu. Si les anciens ont rĂ©ussi , si les ouvrages qu’ils nous ont laissĂ©s paroissent si parfaits, c’est qu’ils se sont toujours astreints aux principes que nous venons d’indiquer. Yovez dans les temples de ThĂšbes en Egypte , comme tout tend au mĂȘme centre et ne forme qu’un seul tout, malgrĂ© la complication et l’étendue des accessoires qui les environnent. Dans la vaste Ă©tendue de leurs ruines , on a retrouvĂ© l’ordonnance de ces immenses Ă©difices voici comme s’exprime Desnon , en parlant du grand temple de Karnack , village Ă©gyptien qui occupe une petite partie de l’emplacement d’un des temples de ThĂšbes. On ne peut nier, dit - il , que le plan du temple de Karnack ne soit > noble et grand ; l’art des beaux plans a toujours devancĂ© , en architecture, celui de la belle exĂ©cu- » lion des dĂ©tails , et lui a toujours survĂ©cu plusieurs siĂšcles aprĂšs sa corruption. Il fttut ajouter aux descriptions connues de ce grand Ă©difice de Karnack , que ce n’éloit encorç » qu’un temple , et que ce ne pouvoit ĂȘtre autre chose ; que tout ce qui y existe est relatif Ă  un trĂšs-petit sanctuaire, et avoit Ă©tĂ© ainsi disposĂ© pour inspirer la vĂ©nĂ©ration dont iff Ă©toit l’objet, » et en faire une espĂšce de cent colonnes du seul portique de ce temple , w les plus petites ont sept pieds de diamĂštre , et les plus grandes en ont onze l’enceinte de sa cir- convallation contenoit des lacs et des montagnes; des avenues de Sphinx amenoient aux portes de » cette circonvallation; enfin pour prendre une idĂ©e vraie de tant de magnificence > il faut croire » rĂȘver en lisant, parce qu’on croit rĂȘver en voyant. » Les ouvrages des Grecs , d’un genre diffĂ©rent de ceux des Egyptiens , qui sembloient avoir consacrĂ© toute leur industrie Ă  leur culte , Ă©toient cependant construits , d’aprĂšs les mĂȘmes principes. Les Egyptiens ne vouloient que des temples et des tombeaux , ils les firent gigantesques. Les autres instruits par ceux-ci, Ă©levĂšrent aussi des temples ; mais ils les. firent moins grands , et cherchant Ă  se procurer des jouissances dans la vie , ils construisirent des places publiques , des palestres , des stades , des théùtres et autres Ă©difices analogues Ă  leurs moeurs , mais bĂątis d’aprĂšs les rĂšgles qu’ils tenoient des Egyptiens. Ainsi, si l’on considĂšre les plans des uns et ceux des autres , on voit que c’est le mĂȘme gĂ©nie qui les a inspirĂ©s. Rien d’essentiel n’y est omis , rien d’étranger 11’y est ajoutĂ©. Tout y est naturel ; c’est-Ă -dire , qu’ils prĂ©sentent les choses rangĂ©es et liĂ©es comme la nature les produit ou peut les produire ; ou bien comme un bon esprit les conçoit ou peut les concevoir. Cette qualitĂ© est la suite de la prĂ©cĂ©dente , puisque la premiĂšre Ă©tablit toutes les parties nĂ©cessaires; la seconde les arrange et sur-tout les lie entr’elles. Tous ces plans sont simples , c’est-Ă -dire , qu’ils prĂ©sentent aussi peu de parties que la nature le permet, et toutes ces parties ramĂšnent sensiblement Ă  un centre commun , en un mot , Ă  l’idĂ©e de l’unitĂ©. Cette simplicitĂ© prĂ©suppose qu’ils voient embrassĂ© leur sujet tout entier , qu’ils en avoient rangĂ© tous les dĂ©tails sous un petit nombre de points de vue , en les attachant Ă  l’idĂ©e fondamentale , par des rapports Ă©troits et sensibles. Le nombre des parties varie sans doute , et doit nĂ©cessairement varier, selon la nature et l’usage de l’édifice ; elles sont diffĂ©rentes dans un temple , dans une palestre , dans une basilique , dans un palais , dans un théùtre ; cependant les plans de ces diverses espĂšces d’édifices , offrent tous la mĂȘme simplicitĂ©, La simplicitĂ© du plan ne doit pas con- iB L’ARCHITECTURE DE VITRUYE. sister Ă  retrancher des parties car simplifier un objet, n est autre chose que de tiouver le moyen de le prĂ©senter tout entier sous une forme moins compliquĂ©e. Qu’un architecte se garde donc d’imiter ces entablemens , qui ne sont pas en ligne droite ; mais dĂ©coupĂ©s en formant des angles et ressauts qui s’avancent sur les colonnes , se retirent dans les entre-colonnemens , et nous offrent une foule d’angles rentrants et saillants tels sont h plupart des frontispices de nos Ă©glises et les retables d’autels. Si quelques monumens de l’ancienne Rome ont ce defaut, c est que, quand les Romains ont connu les beaux-arts , ils se sentoient de la corruption oĂč ils Ă©toient dĂ©jĂ  tombes chez les Grecs. Les plans des temples , des théùtres , et des autres Ă©difices qui ont ete inventes dans les beaux jours de la GrĂšce , sont toujours faciles ; toutes les parties qui les composent, semblent se prĂ©senter d’elles-mĂ©mes , telles qu’elles sont ; tant la combinaison de leur arrangement est aisĂ©e Ă  saisir ; et cette facilitĂ© dĂ©coule le plus souvent de la simplicitĂ© , au point qu’on pourroit prendre l’un de ces deux termes pour' l’autre. Quoique les plans de ces divers Ă©difices offrissent toujours la forme la plus convenable „ Ă  l’usage auquel ils Ă©toient destinĂ©s , ils Ă©toient mĂ©thodiques ; c’est-Ă -dire , conformes aux rĂšgles de l’art rĂšgles qui avoient Ă©tĂ© trouvĂ©es par les Egyptiens , et que les Grecs suivirent, en cherchant a s’attribuer la gloire de leur invention. La plupart de ces rĂ©glĂ©s sont fondĂ©es sur le bon sens et la raison , c’est-Ă -dire sur la nature des choses , aussi - bien que sur une longue expĂ©rience , ainsi que nous le verrons ailleurs. Ceci amĂšne deux observations; l’une que si l’architecte a dessein de plaire aux connoisseurs, il ne r doit pas blesser leur amour-propre, en contrariant, sans aucun mĂ©nagement, les idĂ©es qu’ils ont adoptĂ©es et Ă©rigĂ©es en prĂ©cepte ; la seconde qu’il seroit bien Ă©tonnant que des rĂšgles qui ont pour elles l’autoritĂ© de tous les grands hommes qui nous ont prĂ©cĂ©dĂ©s dans la mĂȘme carriĂšre , et depuis tant de siĂšcles ne fussent pas les plus avantageuses et les plus sages Ă  suivre. 11 est difficile de croire qu’une mĂ©thode ainsi Ă©tablie ne soit pas au fond la meilleure ; et si elle ne l’étoit pas , il n’y auroit guĂšre moins de mal-adresse et de tĂ©mĂ©ritĂ© Ă  la nĂ©gliger, sur-tout dans les cas ordinaires, et sans de grandes prĂ©cautions , puisqu’il est vrai qu’en gĂ©nĂ©ral le temps et l’usage donnent enfin Ă  une pratique , quelle qu’elle soit, une forme presqu’égaĂźe Ă  la nature. Pour ĂȘtre autorisĂ© Ă  s’écarter d’une mĂ©thode gĂ©nĂ©ralement adoptĂ©e et suivie , il faudroit pouvoir y en substituer une autre qui fĂ»t essentiellement et Ă©videmment plus parfaite ; mais depuis le siĂšcle de PĂ©riclĂšs , oĂč sont les hommes privilĂ©giĂ©s Ă  qui ce talent crĂ©ateur est rĂ©servĂ© ? Un grand avantage que l’architecture a sur les autres arts , et qui offre une grande facilitĂ© aux artistes , c est que toutes les rĂ©glĂ©s qui Ă©tablissent et font rĂ©gner les diverses qualitĂ©s qui contribuent a la beaute de ses ouvrages , ont toutes ete trouvĂ©es et sont Ă©tablies par des principes immuables 1 architecte n’a plus qu’a les Ă©tudier et les appliquer aux divers bĂąlimens qu’il veut construire. La plupart de ces qualitĂ©s sont aussi nĂ©cessaires dans les productions des autres arts ; mais aucune rĂšgle ceitaine ne dnige 1 ai liste ; son geme seul peut les dĂ©couvrir et en faire l’application. Il n’en est pas de mĂȘme pour l’architecture les rĂšgles les plus prĂ©cises Ă©tablissent, dans les formes et les grandeurs, les divers rapports qui donnent Ă  ses ouvrages toutes les qualitĂ©s dont nous venons de parler , et leur impriment ce caractĂšre de perfection que l’on doit aux anciens. On trouve toutes ces rĂšgles dans l’ouvrage de Vilruve. Les troisiĂšme, quatriĂšme , cinquiĂšme et sixiĂšme livres, nous montrent, dans le plus grand dĂ©tail, les rapports de grandeurs qu’il doit y avoir, enfin la hauteur, la largeur et la longueur d’un Ă©difice ; le rapport que l’étendue de ces parties principales ont avec les moindres, tels que lĂšs entre-colonnemens, la hauteur des colonnes, des enta- blemens, etc. , ramenant toutes ces parties Ă  l’unitĂ© par des plans simples et mĂ©thodiques. Certains Ă©difices , comme les temples , avoient diffĂ©rentes formes chez les anciens les rĂšgles et les mesures pour les construire Ă©toient fixĂ©es et tellement prĂ©cises qu’on ne pouvoit s’écarter en rien des principes Ă©tablis. Il en Ă©toit de mĂȘme pour les théùtres. Aussi Vilruve , tant pour les uns que pour les autres, entre dans les plus grands dĂ©tails. L’architecte n’avoit, pour ainsi dire, qu’à copier en suivant exactement ce que l’auteur prescrivoit. Les autres Ă©difices , tels que les palais , les maisons de campagrfe , etc. , laissent un peu plus Ă  faire au gĂ©nie de l’architecte les principes lui sont dictĂ©s , il est vrai , mais il doit en faire l’application , suivant l’étendue , la forme et l’usage de ces divers bĂąlimens , oĂč l’ensemble , la mesure , l’unitĂ© et l’ordre doivent se trouver comme dans les temples. On pourroit donc dire qu’on entend par l’ordonnance, la conception gĂ©nĂ©rale de tout l’ouvrage ; car en ordonnant un Ă©difice , pour qu’il forme un tout bien proportionnĂ© , il faut arrĂȘter 1 .° la grandeur que chaque partie doit avoir ; 2 .° les disposer d’une maniĂšre commode et agrĂ©able ; 3,° faire que - cet arrangement produise un bel effet, par l’accord des parties entre elles , de sorte, par exemple , que la partie droite ressemble Ă  la gauche ; 4.° que le tout soit bien proportionnĂ© ; 5.° que toutes ces parties soient arrangĂ©es d’aprĂšs les rĂšgles de la convenance , de la raison et de l’habitude ; 6.° comme on ne peut faire ces choses sans matĂ©riaux , il faut qu’on se les procure avec le moins de dĂ©penses qu’il sera possible ; on peut dire , en d’autres termes , que comme tout cela doit se faire dans un espace donnĂ© , dont la forme et l’étendue sont arrĂȘtĂ©es par les rĂšgles de l’art, on doit Ă©conomiser son terrain , ou pour parler comme Vitruve , sa quantitĂ© , de maniĂšre que toutes ces parties s’y trouvent placĂ©es convenablement dans une grandeur suffisante , et former un ensemble qui ait toutes ses proportions. La connexion de toutes ces choses est donc bien visible. Il est impossible de faire l’ordonnance d’un Ă©difice sans les avoir en mĂȘme temps toutes prĂ©sentes Ă  l’esprit. Ainsi j’ai raison de dire que par l’ordonnance , on peut entendre la conception gĂ©nĂ©rale de tout l’ouvrage , et c’est assez l’acception qu’on donne Ă  ce mot , lorsqu’il s’agit de l’architecture ; par la quantitĂ© , comme nous. l’avons dit , on entend la portion de grandeur que contient chaque partie tant en longueur , largeur , qu’épaisseur. PoĂŒr proportionner entre elles et avec le tout , ces parties de diffĂ©rentes grandeurs , on se sert d’une mĂȘme mesure , qui est une grandeur prise dans une partie de l’ouvrage. C’est presque toujours le diamĂštre ou le demi-diamĂštre de la colonne. C’est ce qu’on nomme le module. . De la Disposition. Dans l’architecture , le mot disposition a une signification qui lui est particuliĂšre , puisqu’il exprime celte partie de l’art qui enseigne comme il faut placer chaque chose selon sa qualitĂ©. Par exemple 20 L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. que le fĂ»t de la colonne soit sur la base , le chapiteau sur le fut , et 1 entablement sur les chapiteaux , etc. On entend aussi par ce mot , la distribution que l’on fait des diffĂ©rentes grandeurs ou quantitĂ©s , qu’on dispose de maniĂšre qu’elles produisent un effet agrĂ©able. Partant, en donnant Ă  ce mot une signification plus Ă©tendue, et le prenant dans toute la force du terme , c est la disposition , c est l’arrangement que l’architecte fait , d’aprĂšs les rĂšgles contenues dans ce chapitre , des diffĂ©rentes parties qui doivent composer l’édifice qu’il a conçu, pour ne former qu’un seul tout. On voit que , du temps de "Vitruve , on reprĂ©sentoit, ou on faisoit connoĂźtre ses idĂ©es Ă  cet Ă©gard de trois maniĂšres ; c’est-Ă -dire par trois sortes de plans , qui sont, Ă  quelques diffĂ©rences prĂšs, les mĂȘmes que ceux dont nous nous servons aujourd'hui, savoir, par l’ichno graphie , par l’orthographie et par la scĂ©nographie. 1. ° L’iclinographie , c’est ce que nous appelons le plan terrestre ou planimĂ©lrique, qui reprĂ©sente en petit les fondemens de l’édifice, avec leurs proportions, tels qu’ils doivent se trouver sur le terrain. On les rĂ©duit Ă  ces petites proportions par le moyen d’une Ă©chelle , ou ligne divisĂ©e , dont les parties reprĂ©sentent les mesures dont on se servira pour les tracer sur le terrain , comme toises , pieds , pouces , etc. 2. ° L’orthographie , c’est ce que nous nommons l’élĂ©vation gĂ©omĂ©trale cette espĂšce de dessin reprĂ©sente en petit une des faces de l’édifice , avec toutes ses proportions rĂ©duites par le moyen d’une Ă©chelle. Il n’indique aucune Ă©paisseur , et sans le secours de quelques ombres que "Vitruve indique sans doute par les mots modiaque picta qui dĂ©signent les parties saillantes , ils ne reprĂ©sentoient qu’une supĂȘrficie plane. Toutes les lignes perpendiculaires de l’édifice, Ă©loignĂ©es ou rapprochĂ©es du mĂȘme plan , n’ont toutes pour base qu’une seule ligne droite ; et les lignes horizontales , quoique saillantes, de ce mĂȘme plan , sont par-tout paralelles Ă  cette mĂȘme ligne de base. Cette maniĂšre de dessiner ne rend pas , Ă  beaucoup prĂšs, la nature , aussi bien que la perspective car il est impossible qu’un grand objet , comme un Ă©difice , paroisse Ă  l’oeil tel qu’elle le reprĂ©sente mais elle a deux grands avantages pour l’architecture c’est que d’abord , il est bien plus aisĂ© d’en faire un dessin , que de le mettre en perspective ; ensuite on y trouve toujours ses grandeurs et ses mesures , avantage que n’a pas le dessin en perspective , parce qu’elles y varient Ă  proportion de l’éloignement Ăź. 5.° La scĂ©nographie , c’est ce que nous nommons le plan perspective. If fixe la place des objets en supposant l’illusion qui rĂ©sulte des distances. Par-consĂ©quent il reprĂ©sente les objets visibles comme ils paroissent Ă  l’Ɠil, dans un tableau, que, pour cette fin, l’on suppose transparent et ordinairement perpendiculaire Ă  l’horizon , et placĂ© entre l’oeil et l’objet. Cette reprĂ©sentation se fait en tirant, de tous les points de l’objet jusqu’à l’Ɠil, des rayons qui rencontrent le plan du tableau en des points qui font les apparences ou reprĂ©sentations de ceux de l’objet 2. ^ itruve , dans ce chapitre , a 1res — bien defini la perspective 5 il en parle encore dans l’intro— diction du septiĂšme liYie, ou il dit, que Democnte et Anaxagore ont Ă©crit sur ce sujet et dĂ©mon- 1 Les figures qui reprĂ©sentent l’élĂ©vation des temples dans les planches Y , Yll , Y111 , sont des plans orthographiques. 2 Les figores 3 de la planche 1Y , sont des plans scĂ©nographiqties ou perspectives. 21 LIVRE I, C H AP. II. trĂ© comme il falloit faire les dĂ©corations des théùtres 1 , ce qui prouve Ă©videmment que les anciens en connoissoient les rĂšgles. J’ai vu Ă  Parme , dans un des cabinets de l’acadĂ©mie , un tableau peint sur plĂątre ; il avoit Ă©tĂ© sciĂ© hors d’un mur des ruines de Velleya_, ville Ă  sept lieues de Plaisance , qui fut engloutie , Ă  ce qu’on croit, quelque temps aprĂšs le rĂšgne de Constantin. Ce tableau reprĂ©sente un jardin dĂ©corĂ© de berceaux entreillĂ©s. Les rĂšgles de la perspective y sont aussi exactement suivies qu’on le feroit de nos jours. Quelques personnes ont prĂ©tendu, sans aucun fondement, qu’au lieu de scĂ©nographie il falloit lire sciographie ce qui ne peut pas ĂȘtre , car la sciographie veut dire la reprĂ©sentation des ombres, chose que Vitruve a dĂ©jĂ  indiquĂ©e, en parlant cle l’orthographie , lorsqu’il dit, que c’est un dessin un peu colorĂ© , c’est-Ă -dire ombrĂ©. D’autres ont cru qu’il entendoit par la scĂ©nographie , l’espĂšce de dessin que nous appelons en francois la coupe , que nous avons imaginĂ© pour reprĂ©senter l’intĂ©rieur d’un bĂątiment , qu’on suppose pour cela coupĂ© du haut en bas , par un plan perpendiculaire. Rien de ce que dit Vitruve ne semble indiquer cette sorte de dessin. Il est nĂ©anmoins de la plus grande utilitĂ© dans l’architecture. Il paroĂźt que les anciens n’en faisoient pas usage , Ă  moins que Vitruve ne le comprenne aussi dans l’orthographie. Nous ignorons si les anciens dessinoient leurs plans de la mĂȘme maniĂšre que nous dessinons les nĂŽtres. J’ai tout lieu d’en douter, aprĂšs avoir vu le plan de la ville de Rome, qui fut trouvĂ© dans le temple de Romulus. Ce plan est gravĂ© sur de grands carrĂ©s de pierre liburtine. Il formoit le pavĂ© de ce temple. Les fragmens qu’on en a pu recueillir ont Ă©tĂ© incrustĂ©s dans les murailles de l’escalier qui conduit dans les apparlemens du palais des conservateurs au capitole , oĂč on les voit prĂ©sentement. M. Jean-Pierre Belloni l’a fait connoĂźtre dans un ouvrage qu’il a Ă©crit sur ce sujet , et qu’il a publiĂ© depuis quelques annĂ©es. C’est un plan planimĂ©trique , ou ichnograpliique , comme les appelle Vitruve. Les murs extĂ©rieurs et intĂ©rieurs des Ă©difices y sont dĂ©signĂ©s par un simple trait, et les oolonnes par un point ; ainsi l’épaisseur des murailles et autres maçonneries n’y est pas indiquĂ©e. Outre ces trois maniĂšres de reprĂ©senter un Ă©difice , les anciens se servoient aussi du modĂšle en' relief. Pline Liv. XXXV. Ch. 45. dit que les modĂšles d’ArcĂ©silas Arcesilai proplcismatci se vendoient beaucoup plus cher que ceux des auires artistes , et que PraxitĂšle ne faisoit aucun ouvrage sans auparavant en avoir fait un petit modĂšle, en relief. Ce modĂšle pour l’architecture reprĂ©sente , en petit , la figure de l’édifice avec toutes ses proportions , ^de sorte qu’on le voit en petit tel qu’il sera en grand. On les exĂ©cute avec de la cire , du plĂątre \ du bois , ou du carton. Cette mĂ©thode est de la plus grande utilitĂ© pour un architecte , parce qu’elle lui donne la facilitĂ© de faire comprendre ses idĂ©es aux personnes qui ne commissent pas le dessin , et qui ne sont pas habituĂ©es aux plans ordinaires. Ceux-ci sont Ă  la portĂ©e de tout le monde , et conviennent beaucoup , sur-tout pour les ouvriers. i Aulugelle parle aussi de la perspective dans ses Nuits Attiques, Liv. XVI, Ch. 22 L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. Michel-Ange avoit exĂ©cutĂ© , de la sorte , le modĂšle de la chapelle de S.* Laurent , destinĂ©e a recevoir les tombeaux de tous les MĂ©dicis. J’ai vu ce modĂšle Ă  Florence , oĂč il est conservĂ© dans cette meme chapelle. Ce grand homme employoit souvent cett© mĂ©thode. On m’a dit quil s en Ă©loit servi, entr’aulres , pour l’église de S. Pierre du Yatican. De / ’ Eurythmie. C’ EST dommage que nous avons adoptĂ© si lard , dans notre langue , le mot d’eurythmie , qui exprime si bien toute la magnificence de l’architecture. Il est compose des deux mots grecs d’éu et de puĂŽpcc. Eu Ă©toit le cri d’acclamation et d’admiration des Grecs, lorsqu’ils trouvoient quelque chose de beau l. PufycoV appartient particuliĂšrement Ă  l’harmonie; il signifie accord harmonie 3 nombre } justesse 3 rime 3 cadence y en un mot , tout ce qui se fait par un certain ordre , et par une proportion qui donne de la grĂące aux choses. C’est comme si 1 on disoit dans 1 admiration en voyant un bel Ă©difice Quel ordre ! Quelle prĂ©cision ! Quel ensemble ! il exprime l’émotion , le ravissement , en un mot , toutes les sensations qu’éprouve un homme de goĂ»t , la premiĂšre fois qu’il voit un beau morceau d’architecture , tel que la façade du Louvre , ou au moment qu’il entre dans la cour de la basilique de S. Pierre du Yatican. Les anciens entendoient sur-tout par l’eurythmie , le rapport et la ressemblance , que la -moitiĂ© d’un bĂątiment a avec l’autre moitiĂ© , ce qui est imitĂ© de la nature , et sur-tout de la figure humaine , d’oĂč l’on a pris toutes les idĂ©es de l’architecture ; car, dans l’homme la partie gauche ressemble Ă  la droite. Il en est de mĂȘme de tous les ĂȘtres animĂ©s, et mĂȘme des feuilles et des fleurs. Nous avons , trĂšs-improprement , nommĂ© cela symĂ©trie , comme nous allons le voir. Par l’eurythmie , on n’entendoit pas seulement le rapport que la partie gauche d’un bĂątiment avoit avec la droite , on entendoit toute espĂšce de paritĂ© ou d’analogie , comme celui que les parties basses avoient avec les hautes ; celles de devant avec celles de derriĂšre , en grandeur , en figure , en hauteur , en couleur , en nombre , en situation , et gĂ©nĂ©ralement en tout ce qui peut les rendre semblables les unes aux autres. C’est assez ce que nous nommons rĂ©gularitĂ© , mais il me semble que les mots françois qui conviendroient le mieux pour rendre celui d’Eurythmie , seroient ceux d’accord ou d’harmonie des rapports. De la Proportion . Nous avons adoptĂ© dans notre langue , le mot symĂ©trie , mais nous lui avons donnĂ© une toute autre acception que celle qu’il doit avoir, et diffĂ©rente de celle qu’il a en grec et en latin car nous appelons symĂ©trie , la ressemblance que la partie gauche d’un bĂątiment a avec la droite ; c’est prĂ©cisĂ©ment ce que les Grecs et les Latins nomment eurythmie , tandis que par symĂ©trie ils entendent la proportion. SymĂ©trie est composĂ© des deux mots grecs cruv , qui signifie avec et de jxerpov , mĂštre , mesure ; c’est ce que nous appelons , faire une chose sur , ou avec une mĂȘme Ă©chelle. J’ai donc traduit le mot symĂ©trie par celui de proportion. i Eu ctoit le cri d'acclamation des Bacchantes chez les Grecs , comme Etoe l’e'toit chez les Romains, LIVRE I, ChaĂŻ. ii. 2 3 "* ‱ Vitruve se sert aussi du mot proportion mais lorsqu’il s’en sert, il entend ce qu’on appelle en mathĂ©matique , Raison , qui est le rapport ou la relation d’une quantitĂ© avec une autre. Il existe deux maniĂšres de comparer deux grandeurs diffĂ©rentes ; la premiĂšre , en considĂ©rant de combien l’une surpasse l’autre , c’est ce qui s’appelle Raison arithmĂ©tique. La seconde en examinant comment l’une contient l’autre, c’est ce qui s’appelle Raison gĂ©omĂ©trique par exemple , si je considĂšre que 6 surpasse deux de 4 > cette comparaison des nombres 6 et 2 est une -raison arithmĂ©tique. Si je considĂšre d’un autre cĂŽtĂ© que 6 contient fois, cette comparaison est une raison ou rapport gĂ©omĂ©trique. La premiĂšre se trouve par la soustraction , et la seconde par la division. Il y a deux termes dans toute raison , soit arithmĂ©tique soit gĂ©omĂ©trique , XantĂ©cĂ©dent et le consĂ©quent y l’antĂ©cĂ©dent est celui qui est comparĂ© Ă  l’autre 5 le consĂ©quent est celui auquel l’antĂ©cĂ©dent est comparĂ©. Dans l’exemple proposĂ© , 6 est l’antĂ©cĂ©dent , et 2 est le consĂ©quent. Les proportions viennent des raisons , puisque deux raisons Ă©gales forment une proportion par exemple , les raisons arithmĂ©tiques de 5 Ă  3 et de 8 Ă  6 Ă©tant Ă©gales , elles forment une proportion arithmĂ©tique. La raison gĂ©omĂ©trique de i 5 Ă  5 Ă©tant Ă©gale Ă  celle de 21 Ă  7 , ces deux raisons forment une proportion gĂ©omĂ©trique. Ainsi il y a quatre termes dans toutes proportions 5 savoir l’antĂ©cĂ©dent et le consĂ©quent de la premiĂšre et de la seconde raison. On voit clairement par les deux passages de Vitruve , oĂč il se sert du mot proportio , qu’il a entendu par ce mot, les raisons mathĂ©matiques que nous venons de dĂ©finir. Dans la premiĂšre de ces phrases, il dit Ordinatio est modica membrorum operis commoditas , separatirn unipersĂŠque proportionis , ad symetriam comparatio 1J y dans la seconde , il dit aussi Proportio est ratce partis membrorum in omni opĂ©rĂ© totiusque commodulatio , ex qua ratio efficitur symetriarum 2. La fin de ces deux phrases prouve Ă©videmment , que par symĂ©trie , il entendoit ce que nous appelons proportion , et que par le mot proportio il entend ce que nous appelons en mathĂ©matique une raison , puisqu’il dit que c’est d’elle que vient la symĂ©trie ; c’est pourquoi j’ai toujours rendu Je mot symetria > par celui de proportion , et celui de proportio 3 par le mot françois rapport. Les deux mots , symetria et proportio , se trouvent trĂšs-rarement dans les auteurs latins qui nous restent. Pline qui Ă©crivoit 70 ans aprĂšs Vitruve dit que , de son temps , la langue latine n’avoit pas de terme propre , pour exprimer le mot grec symetria y ce mot Ă©toit donc purement grec du temps de Vitruve , puisqu’il n’étoit pas encore latinise lorsque Pline Ă©crivoit. Ce qui nous prouve de plus , combien peu les arts Ă©toient alors cultivĂ©s par les Romains 3 leur langue manquoit de terme propre , pour exprimer une chose sur laquelle reposent, pour ainsi dire , toutes les rĂšgles de l’art. CicĂ©ron, pour exprimer la proportion , se sert du verbe commetiri d’oĂč est dĂ©rivĂ© commelisus , dont Vitruve se sert dans le premier chapitre du troisiĂšme livre. Les artistes appellent encore aujourd’hui proportion dans les ouvrages de l’art l’analogie , ou le rapport d’une grandeur avec une autre 5 cette analogie est fixĂ©e par la nature , comme sont celles 1 Vit. Liv. 1. Ch. 2 . nation toute guerriĂšre ne s’occupoit qu’au mĂ©tier des armes. Les ouvra- ‱ 2 Vit. Liv. 111. Ch. 1 . ges d’art , dans les premiers temps de Borne , y Ă©toient exĂ©cutes par 3 Les beaux-arts Ă©toient connus Ă  Rome dĂšs son origine ; mais la des artistes Etrusques ou Grecs. 4 L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. qui composent la figure humaine. La tĂȘte, disent-ils, est proportionnĂ©e avec le corps, la main avec le bras ; celte diffĂ©rence de grandeur entre la main et le bras doit toujours etre la meme dans tous les hommes bien faits , quelle que soit leur taille ; en parlant comme les mathĂ©maticiens , ce rapport de la grandeur de la main avec celle du bras , ou de la grandeur de la lele avec celle de tout le corps , ce n’est qu’une raison, puisqu’il n’y a que deux termes, la grandeur de la main qui est l’antĂ©cĂ©dent, et celle du bras qui est le consĂ©quent. Pour qu’il y ait proportion dans le sens que les mathĂ©maticiens donnent Ă  ce mot, il faudroit qu’il y eut deux raisons Ă©galĂ©s par exemple, dans tous les hommes bien faits , quelle que soit leur taille , la diffĂ©rence de grandeur entre la main et le bras , entre la tĂȘte et le reste du corps , doit toujours ĂȘtre la mĂȘme. Mais la grandeur de la tĂȘte et de tout le corps variera d’aprĂšs la stature plus ou moins grande de chaque individu , et c’est le rapport de proportion qui se trouve entre un petit homme et un grand, qui forme, suivant les mathĂ©maticiens , la vĂ©ritable proportion ; parce qu’il y a 4 termes , la tĂȘte a du petit homme qui est l’antĂ©cĂ©dent, et son corps qui est le consĂ©quent b, la tĂȘte du grand c et son corps d; a b c d. Les artistes distinguent donc deux sortes de proportions. Par la premiĂšre , ils entendent celle qui se trouve entre le tout et ses parties , et celle que les parties ont entr’elles ; par la seconde , ils entendent celle qui se trouve entre des figures semblables , dont les unes sont plus petites et les autres plus grandes. La premiĂšre de ces proportions est dĂ©terminĂ©e par la nature, et par les rĂšgles de l’art 5 l’autre est relative. Pline attribue Ă  Euplianor de l’isthme de Corinthe , qui florissoit dans la cent quatriĂšme olympiade 1 , l’invention de la proportion prise dans celte derniĂšre acception n. Pour rendre la chose plus sensible , je vais appliquer aux beaux-arts la dĂ©finition que je viens de faire. Dans la statue d’un homme , si elle est bien proportionnĂ©e , la longueur de la tĂȘte qui lui sert ordinairement de module sera Ă©gale Ă  la huitiĂšme partie de toute la statue. Ceci concerne la premiĂšre espĂšce de proportion. Qu’on suppose Ă  prĂ©sent deux statues , dont l’une a huit pieds de haut, et l’autre huit pouces pour qu’elles soient bien proportionnĂ©es l’une et l’autre, il faudra que la tĂȘte de celle qui a huit pieds de haut, soit grande d’un pied; et que celle qui n’a que huit pouces, le soit d’un pouce seulement on voit que chacune de ces statues ont leur mesure ou leur Ă©chelle particuliĂšre , qui sert Ă  mesurer tout l’ouvrage , dont l’une est le pied et l’autre le pouce. 11 en est de mĂȘme d’une colonne pour que son fĂ»t soit bien proportionnĂ© ; si elle est ionique , il doit avoir huit diamĂštres de haut , mais ce diamĂštre peut ĂȘtre de deux pieds , de trois pieds , etc. Dans le premier cas le fĂ»t doit avoir seize pieds de haut, et dans le second vingt-quatre , etc. ; du reste cette dĂ©finition est assez subtile , puisqu’il y a beaucoup de connesion entre ces mots qui signifient tous deux le rapport d’une grandeur avec une autre. Mais l’une est le rapport de grandeur que les parties ont entr’elles et avec le tout, et l’autre est le rapport de grandeur qui se trouve entre ces mĂȘmes grandeurs et celles d’un ouvrage semblable , qui est fait sur une Ă©chelle plus petite nu plus grande. C’est trĂšs-improprement que nous avons appelĂ© en françois symĂ©trie , l’égalitĂ© et la paritĂ© qui se rencontrent entre les parties opposĂ©es , ce qui est l’eurythmie. Par exemple si un Ɠil est plus {» Pline, llr- XXXV, Ch. 3G. . 2 pi; ne , Li v . XXXIV , Ch. , 9 . haut LIVRE I, C h a p. iĂŻ. liaut ou plus gros que l’autre, si les colonnes sont plus serrĂ©es Ă  droite qu’à gauche 3 et si Je nombre et la grandeur n’en est pas pareille , on dit que c’est un dĂ©faut d’eurythmie, suivant les anciens, ou de symĂ©trie, comme nous entendons ce mot au lieu que si un chapiteau est plus grand, ou qu’une corniche ait plus de saillie que les rĂšgles de l’ordre, dont est la colonne, ne le demandent, c’est un dĂ©faut de symĂ©trie, suivant les anciens, ou de proportion, suivant nous. Mais comme nous l’avons dit, la proportion symetria contribue beaucoup Ă  l’eurythmie, puisque la beautĂ© d’un Ă©difice dĂ©pend surtout de l’harmonie des rapports qui se trouve entre les diverses grandeurs de toutes ses parties. Le module, comme nous l’avons dĂ©jĂ  dit est une mesure prise sur un des membres de l’ouvrage qui sert Ă  le rĂ©gler en entier ; la tĂȘte est le module sur lequel on rĂšgle, comme dit Vitruve , les proportions d’une figure humaine. Depuis que l’architecture grecque a repris parmi nous, nous n’avons cessĂ© de prendre pour module le diamĂštre , ou le demi-diamĂštre de la colonne. Il paroĂźt aussi que du temps de Vitruve on lui donnoit la prĂ©fĂ©rence ; mais il n’en Ă©toit pas de mĂȘme dans les plus anciens temps de l’aYchitecture, comme on le remarque aux temples de Pestum la longueur, la hauteur et les autres proportions de ces temples sont rĂ©glĂ©es, non par le diamĂštre de la colonne , mais par la largeur mĂȘme du temple. Vitruve rĂšgle aussi les proportions des temples , d’aprĂšs leur largeur. On verra ci-aprĂšs, Liv. III. Ch. 3, comment le triglyphe les rĂšgle aussi $ et dans le 17. m * Cbap. du X. me livre , on verra comment le trou de la baliste rĂšgle ses proportions ; celles des navires chez les Grecs et les Romains se l’égloient d’aprĂšs leur largeur, ou parla distance qui se trouvoit d’une rame Ă  une autre, qui varioit, Ă  proportion de la grandeur ou delĂ  petitesse de la galĂšre. Le mot grec qui, suivant Vitruve, exprimoit cette distance, signifie deux cubes, soit parce que les bancs, sur lesquels les rameurs Ă©toient assis, avoient la forme d’un cube , soit parce que l’on sup- posoit que la distance qui sĂ©paroit deux rameurs qui Ă©toient. sur un des cĂŽtĂ©s du navire des deux qui leur correspondoienl sur l’autre cĂŽtĂ© , Ă©toit Ă©gale Ă  deux cubes parfaits , placĂ©s l’un contre l’autre sur la ligne qu’on suppose le diviser en deux parties Ă©gales dans toute son Ă©tendue , et dont deux rameurs auroient Ă©tĂ© placĂ©s aux deux angles extĂ©rieurs de chacun, contre le bord du navire , tellement que c’étoit d’aprĂšs la largeur du navire , qu’on rĂ©gloit la proportion de sa longueur et toutes les autres ; comme encore aujourd’hui, c’est sur le maĂźtre bau qui traverse le vaisseau dans toute sa plus grande largeur , qu’on rĂšgle ses proportions. On verra ci-aprĂšs , Liv. IV , Ch. 3 , que les Grecs nommoient le module E’p&ĂąTyg. Ce mot,pris Ă  la lettre, signifie une chose qui marche, qui entre , parce que le module est censĂ© entrer dans toutes les parties , et se promener sur tout l’édifice , ‱puisque c’est lui qui rĂšgle toutes les grandeurs. De la BiensĂ©ance. Ln-mot latin dĂ©cor signifie ce qui convient, ce qui est suivant la dĂ©cence , l’usage et la coutume, d’oĂč nous avons pris en fĂšançoisdei mot dĂ©corum , qui a le mĂȘme sens qu’en latin ; on en a pris encore le mot dĂ©corer , parce'que dĂ©cor signifie aussi la beautĂ©, l’agrĂ©ment qui rĂ©sulte de la i Ă©gularitĂ© des traits et de la bonne conformitĂ© du corps. Mais en françois, on n’a pas donnĂ© Ă  ce verbe un sens aussi Ă©tendu que celui qu’il a en latin ; onTa restreint Ă  ce qui concerne l’ordre et l’arrangement qu’on met dans la distribution des, ornemens qui servent Ă  embellir un lieu, un bĂątiment , etc. Le mot dĂ©coration ne convenoil pas du tout j j’ai donc dĂ» substituer ceux de biensĂ©ance ou convenance, 26 L’ARCHITECTURE DË VITRUVE. 1 ~ ~ qui sont plus gĂ©nĂ©riques et qui rendent mieux toute la signification du mot latin. Perrault Ăź avoit aussi traduit par le mot biensĂ©ance. ' Toute l’architecture est fondĂ©e sur deux espĂšces de principes , dont les uns sont positifs et les autres arbitraires. Les principes positifs , et desquels on n’a jamais pu s’écarter , sont ceux pour lesquels l’édifice est bĂąti ; tels que son usage , son utilitĂ© , et ceux qui tiennent Ă  son essence et Ă  la nĂ©cessitĂ© , tels que la soliditĂ© , la salubritĂ© , et la commoditĂ© une partie de ceux qui contribuent Ă  sa beautĂ© et Ă  l’agrĂ©ment, telles que les proportions qui ont Ă©tĂ© prises sur celles du corps humain , sont aussi positifs. Quant aux autres qui forment aussi la beautĂ© de l’architecture , ils sont arbitraires , en grande partie , et ils l’étoient presque tous dans les premiers temps de l’architecture ; ils ne sont devenus stables et invariables que par la longue habitude que l’on a eue de toujours s’en servir et de voir les choses exĂ©cutĂ©es d’aprĂšs eux ; cependant plusieurs choses sont restĂ©es arbitraires dans l’architecture , comme d’orner de sculpture les diffĂ©rentes moulures , les frises, etc., de creuser ou de ne pas creuser des cannelures dans les colonnes , le choix de diffĂ©rens ordres pour les temples. Lorsque Yitruve dit , que la convenance exige que tout ce qui se voit dans un Ă©difice , y soit tellement correct qu’il ne s’y trouve rien qui ne soit fondĂ© et approuvĂ© par quelque autoritĂ© il entend que tout y soit exĂ©cutĂ© d’aprĂšs ces principes. Une partie des premiers sont tirĂ©s des lois de la nature ; c’est d’eux que dĂ©pend la soliditĂ© du bĂątiment c’est pourquoi ils sont invariables. Par exemple , il est nĂ©cessaire que les parties inferieures soient plus fortes que les parties supĂ©rieures , puisqu’elles doivent porter tout le reste , aussi les fait-on plus massives , tels sont les cubes solides des. stylobales qui portent les colonnes , et le fĂ»t mĂȘme de la colonne , qui s’élĂšve dans une proportion plus solide jusqu’au tiers de sa hauteur. Les deux autres sont attĂ©nuĂ©s. L’art imite en cola la nature, puisque les troncs des arbres s’élĂšvent Ă  peu prĂšs dans cette proportion ; ils sont plus gros vers les racines , et diminuent vers le haut, oĂč ils commencent Ă  poitcr des branches. Comme il existe trois maniĂšres de bĂątir, savoir la solide, la moyenne et la dĂ©licate, lesquelles sont parfaitement exprimĂ©es par les trois ordres grecs , lorsque dans un Ă©difice on Ă©lĂšve plusieurs ordres les uns au-dessus des autres , comme au théùtre de Marcellus , ou au ColisĂ©e, le premier qui sert de base Ă  tout l’édifice, et qui doit porter tous les autres, doit ĂȘtre d’ordre dorique , comme le plus solide de tous. Le second doit ĂȘtre ionique , parce que cet ordre lient le milieu entre la sĂ©vĂ©ritĂ© du dorique et la dĂ©licatesse du corinthien qui , pour cette raison , doit ĂȘtre Ă©levĂ© au-dessus de tous. C’est ainsi qu’ils sont distribuĂ©s dans le ColisĂ©e, Une autre partie de ces principes est tirĂ©e de l’usage pour lequel le bĂątiment est destinĂ© ; c’est- la raison et les lois de la nĂ©cessitĂ© qui les ont dictĂ©s. Par exemple les toits doivent ĂȘtre en pente pour l’écoulement des eaux ; et la corniche de l’entablement doit avoir une grande projection en avant pour en garantir les galeries ou les murailles. Le plan d’un temple est autre que celui cl’une basilique , d’un théùtre , d’une habitation , parce que leurs usages sont diffĂ©rens. Ces divers bĂątimens se construisent sur des plans qui leur sont particuliers, conformes Ă  leur destination et consacrĂ©s par l’habitude ; l’architecte ne peut s’en Ă©carter. Ces diffĂ©rentes formes qu’on donne Ă  chaque espĂšce d’édifices, n’ont pas Ă©tĂ© trouvĂ©es d’abord ; ce n’est qu’aprĂšs une longue expĂ©rience que les anciens ont connu ce qui Ă©toit le mieux et l’ont approuvĂ©. Il y a toujours la plus grande tĂ©mĂ©ritĂ© de chercher a vouloir leur donner une nouvelle forme. II en est de mĂȘme pour l’entablement que Yitruve LIVRE I, Ch a,p. ii. 27 nomme en latin les dĂ©corations de l’architecture elles sont une vĂ©ritable reprĂ©sentation des parties nĂ©cessaires daus la construction d’un Ă©difice , comme Vitruve nous l’apprend , dans le chapitre 2 du livre IV. 6 L’architrave reprĂ©sente une poutre qui seroit posĂ©e sur le sommet de plusieurs troncs d’arbres qui sont reprĂ©sentĂ©s par les colonnes ; les triglyphes reprĂ©sentent les extrĂ©mitĂ©s des poutres qui portent le plafond , les mutuĂźes , l’extrĂ©mitĂ© des forces, etc. Il en est de mĂȘme pour les proportions. La peinture et la sculpture , qui sont des arts d’imitation , ont trouvĂ© les leurs dans la nature. C’est aussi d’aprĂšs celle de l’homme , que l’architecture a pris les siennes ; mais elle fut obligĂ©e de les chercher par une infinitĂ© de raisonnemens et de combinaisons , et ne les a fixĂ©es qu’à la suite de l’approbation. Quelques parties , il est vrai, sont restĂ©es arbitraires dans l’architecture , comme d’orner ou de ne pas orner, de sculpture, certaines parties mais encore cela est-il soumis Ă  certaines rĂšgles car si l’on dĂ©core de sculpture certaines parties , il faut alors que d’autres le soient aussi ; et il faut que plusieurs de ces sculptures correspondent entr’elles. Quelques parties de l’architecture ont mĂȘme un genre de sculpture qui leur est propre , tel que l’ove qui est rĂ©servĂ©e Ă  l’échine ou quart de rond en un mot , tout dans l’architecture est fondĂ© sur des rĂšgles , et ces rĂšgles n’ont Ă©tĂ© Ă©tablies qu’aprĂšs des recherches infinies , et une “longue suite d’approbations. Les juges Ă©toient les anciens Grecs nos maĂźtres , ainsi que ceux des Romains , pour les arts. Ils con- noissoient bien mieux que nous en quoi consiste la vĂ©ritable beautĂ© ; aussi devons-nous nous en rapporter Ă  ce qu’ils ont trouvĂ© et dĂ©cidĂ© , et c’est avec raison que l’architecte romain dit , que tout ce qui se voit dans un Ă©difice 3 y doit ĂȘtre tellement correct , qu s il ne s’y trouve rien qui ne soit fondĂ© et approuvĂ© par quelqu 3 autoritĂ©. Il veut mĂȘme que l’habitude soit une loi , et par consĂ©quent qu’on ne transporte pas Ă  un ordre , les ornemens qui sont propres Ă  un autre , parce que , dit-il , on n’est pas accoutumĂ© de voir les choses ainsi. Les plus grands maĂźtres se sont nĂ©anmoins quelquefois Ă©cartĂ©s de cette rĂšgle. Personne ne l’a fait davantage que le Bernin dans la magnifique galerie qui entoure la place de l’église de S.* Pierre du Vatican j les colonnes , qui sont d’ordre dorique , portent un entablement ionique. Les anciens ont aussi pris cette licence, puis qu’au théùtre de Marcellus , il se trouve des denticules au dessus des triglyphes dans l’entablement qui est d’ordre dorique ; cela n’a rien de choquant , et Vitruve a raison de dire qu’il n’y a que l’habitude qui nous fait exĂ©cuter exclusivement ces choses. J’ajouterai avec Perrault , qu’accoutumĂ© de voir ces choses ainsi exĂ©cutĂ©es dans des ouvrages qui ont d’ailleurs tant d’autres beautĂ©s fondĂ©es sur la vĂ©ritable raison, on les aime par compagnie. De la Distribution. Il est probable que , du temps de Vitruve , on n’avoit pas encore adoptĂ© , dans la langue latine , le mot Ɠconomia y qui est tirĂ© du grec oĂźnoç maison , et de vopoç loi, maniĂšre , rĂšgle ; de ces deux mots on a fait oĂźnovofuci qui signifie , dans cette langue , le goirvernement et la conduite de la -maison , ou la disposition de quelque chose que ce soit, ou enfin l’économie , dans le sens que nous avons donnĂ© Ă  ce mot, en l’adoptant dans la nĂŽtre j c’est dans ce sens que Vitruve s’en sert ici, et il le traduit en latin par celui de distribution. On trouve le mot Ɠconomia 4- ; i 28 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. dans Quinte-Curee , et on sait qu’il Ă©crivoit sous le rĂšgne de Vespasien ou sous celui de Claude, par consĂ©quent aprĂšs Vitruve. Je ne sache pas qu’on le trouve dans ceux qui ont Ă©crit antĂ©rieurement. Je ne sais pourquoi Vitruve n’a pas aussi compris sous cet article l’économie du terrain ou l’art de le mĂ©nager 5 il l’a compris, il est vrai, dans l’ordonnance, lorsqu’il parle de la distribution de la quantitĂ© ; mais on pourroit dire qu’en cela il y auroit connexion entre l’ordonnance et la distribution. Les architectes ne sauroient faire trop d’attention aux conseils qu’on leur donne dans ce chapitre sur le choix et l’emploi des matĂ©riaux ; le deuxiĂšme livre est entiĂšrement consacrĂ© Ă  traiter de cette matiĂšre. Malheureusement les maçons de ce pays ne les suivent guĂšre ; non plus que le conseil qu’il donne de laver le sable de mer dans l’eau douce, l’employer cette prĂ©caution est^abso- lument nĂ©cessaire pour obvier au dĂ©faut dont il parle dans le Ch. 4 du Liv. Il, qui est, que le mortier qu’on en fait , ne peut sĂ©cher Ă  cause du sel qui s’y trouve , mais qui en sort en le lavant. Il faudroit avoir la mĂȘme prĂ©caution Ă  l’égard du sable que l’on tire de la terre, pour le purger de toutes les parties terreuses j par lĂ  le mortier en vaudroit beaucoup mieux le sable le plus pur Ă©tant le meilleur. Voyez Ă  cet Ă©gard le 4. e Ch. du II. e Liv. . Telle est l’explication que j’ai cru pouvoir donner Ă  ce chapitre qui traite jdes six parties dans lesquelles Vitruve fait consister jxmte la science de l’architecture cette division, comme je l’ai dit, est trĂšs - subtile ; il faut toute l’intelligence possible pour les distinguer , Ă  cause de la connexion qu’il y a entr’elles , au point qu’elles semblent ne faire qu’une mĂȘme chose 5 car elles tendent Ă©galement au mĂȘme but , qui est de rendre un Ă©difice parfait dans tous les sens et de toutes les maniĂšres. Tous ceux qui ont Ă©crit sur Vitruve , avouent que ce chapitre est des plus difficiles Ă  expliquer. Henri Voton prĂ©tend que le texte est corrompu dans cet endroit. Philander l’a trouvĂ© si embrouillĂ© qu’il 11’a pas osĂ© tenter de l’expliquer. Barbaro et Scamozzi ont fait tous leurs efforts pour Ă©claircir ' ce passage ; ils entrent dans une infinitĂ© de distinctions et de subdivisions qui n’éclaircissent pas beaucoup la matiĂšre. Barbaro avoit cru en faciliter l’intelligence avec le secours d’une table. Bernardo Galliani en a aussi fait une Ă  son exemple mais je crois qu’il est trĂšs-inutile de les copier, d’autant qu’elles ne facilitent pas beaucoup l’intelligence du texte. r / ItVVWIMMMMHMimM/WIMVkVM ». LIVRE I, C h a p. ni. 2t aise. mor- ant. 1 ; ger k\ r Ă©lan! us les-j ai dit, i nqui ientent ! raiĂšres. iquer, ' ouille aircir eau- ' i rdo tant. ; Des parties de ĂŻarchitecture qui concernent la distribution des Ă©difices publics et particuliers. L’architecture se divise en trois parties , qui sont la construction des bĂątimens ; la gnomonique et la mĂ©canique. Il existe deux sortes de constructions celle qui regarde les remparts et les autres ouvrages publics , et celle qui concerne les maisons particuliĂšres. Il existe trois sortes d’ouvrages publics ; ils sont consacrĂ©s Ă  la sĂ»retĂ©, Ă  la piĂ©tĂ© , ou Ă  l’utilitĂ© du peuple. Les bĂątimens, qui sont faits pour la sĂ»retĂ©, sont les remparts , les tours, les portes des villes , et tout ce qu’on invente pour servir continuellement de dĂ©fense contre les entreprises de l’ennemi. La piĂ©tĂ© des peuples fait Ă©lever , en divers endroits , des temples aux dieux immortels, C’est pour l’utilitĂ© du peuple qu’on entreprend tous les Ă©difices qui sont Ă  son usage , comme les ponts , les marchĂ©s publics , les portiques , les bains , les théùtres et les promenoirs. Dans tous les Ă©difices , il faut toujours que la soliditĂ© , l’utilitĂ© et la beautĂ© s’y rencontrent. Pour la soliditĂ© , il faut sur-tout s’attacher aux fondemens qu’on doit creuser jusqu’au solide , et les bĂątir des meilleurs matĂ©riaux qu’on pourra trouver , sans rien Ă©pargner. L’utilitĂ© veut que l’on dispose l’édifice de maniĂšre que rien n’empĂȘche son usage ; que chaque chose soit Ă  sa place ; et que tout ce qui lui est propre et nĂ©cessaire s’y trouve. La beautĂ© d’un bĂątiment sera parfaite , si les justes proportions de toutes ses parties rendent sa forme Ă©lĂ©gante et agrĂ©able Ă  la vue. REMARQUES . Dans le premier chapitre de ce livre , Yitruve fait connoĂźtre toutes les sciences qui contribuent Ă  l’architecture, et qu’un architecte doit savoir. Daps le second, il divise les parties qui la composent j. et dans le troisiĂšme il parle des diffĂ©rens arts que devoit exercer de son temps l’architecte , et qui Ă©toient attribuĂ©s Ă  sa profession. C-’étoit, i. a l’art de bĂątir proprement dit ; 2. 0 l’art de faire des gnomons , c’est-Ă -dire des cadrans ^solaires et des horloges 5 5.° l’art des mĂ©caniques. Je conviens que les divisions , contenues dans ces trois chapitres , sont trĂš 6 -subtiles ; mais ceux qui ont Ă©tudiĂ© les anciens Grecs dans l’histoire et leurs ouvrages , ou qui auront mĂȘme connu les Grecs modernes, n’en seront pas surpris. Ces sortes de subtilitĂ©s leur sont habituelles», 11 n’y a donc rien d’élonnant qu’un architecte romain, qui avoit puisĂ© toute la science de son art chez les Grecs, n’ait pris un de leurs dĂ©fauts. 3 o L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. On sera peut-ĂȘtre Ă©tonnĂ© que la gnomonique , qui n’est autre chose que l’art de faire des cadrans solaires , soit mise au nombre des principaux attributs de la profession de 1 architecte. Mais si on rĂ©flĂ©chit combien il est important, dans la vie civile, de connoĂźtre comment s Ă©coulĂ© le temps, d aprĂšs les divisions que nous avons Ă©tablies, et qu’on n’avoit alors d’autres moyens pour cela, que le secours des cadrans , et celui des horloges Ă  l’eau , ou de sable , on sera persuade que 1 utilitĂ© de ce talent lui a fait donner plus d’importance qu’il ne mĂ©rite. Quoique Vilruve parle ici de la gnomonique et des mĂ©caniques , comme de deux arts particuliers que doit professer l’architecte , ils doivent aussi etre comptes dans le nombre de ceux qui contribuent Ă  l’archiieciure , et dont elle ne peut se passer, non plus que des autres dont il parle dans le premier chapitre. Il fait voir lui-meme dans le 6. me chapitre de ce livre combien la gnomonique lui est utile , et tout le monde connoĂźt la nĂ©cessitĂ© des mĂ©caniques pour les machines , du secours desquelles on ne peut se passer pour les constructions. Dans ce chapitre , Yitruve fait encore le sommaire de tout son ouvrage ; il le divise en trois parties , dont chacune contient ce qui concerne un des trois arts que doit pratiquer l’architecte. Ainsi la premiĂšre regarde la construction des bĂątimens ; il en traite dans les huit premiers livres. La seconde , la gnomonique , c’est-Ă -dire le cours des astres , la confection des cadrans et des horloges alors connues et en usage ; il en traite dans le neuviĂšme livre. La troisiĂšme , les mĂ©caniques dont les principes sont applicpiĂ©s aux machines de guerre 1 et Ă  celles qui servent Ă  la construction des Ă©difices ; il en traite dans le dernier livre. La partie qui concerne la construction des bĂątimens est partagĂ©e en deux ? savoir celle des bĂątimens particuliers et celle des Ă©difices publics. On trouvera , dans le sixiĂšme livre , tout ce qui a rapport Ă  l’habitation des particuliers. Quant aux Ă©difices publics , ce sujet est encore partagĂ© en trois ; l’un appartient aux fortifications ou Ă  la sĂ»retĂ© des villes ; il en traite dans le cinquiĂšme chapitre de ce livre j l’autre , Ă  la religion, c’est-Ă -dire aux temples ; le troisiĂšme et le quatriĂšme livre lui sont consacrĂ©s. La troisiĂšme aux Ă©difices qui sont pour la commoditĂ© du public ; il en traite amplement dans les cinquiĂšme et huitiĂšme livres. x Trois qualitĂ©s sont encore inhĂ©rentes Ă  tous les bĂątimens c’est la soliditĂ© , l’utilitĂ© ou la commoditĂ© , et la beautĂ© ; il traite de la soliditĂ© dans le onziĂšme chapitre du sixiĂšme 'livre 5 de l’utilitĂ© dans le septiĂšme chapitre du sixiĂšme livre ; et de la beautĂ© dans tout le septiĂšme livre , du moins, pour tout ce qui regarde les ornemens de peinture et de sculpture. Quant Ă  la proportion , qui est le principal fondement de la beautĂ© , tous les endroits de son ouvrage traitent de cette partie. Nous pouvons ajouter , pour appliquer les termes de l’art , dont Yitruve se sert , que la soliditĂ© dĂ©pend de la distribution ; la commoditĂ© , de l’ordonnance ou de la disposition ; la beautĂ© de 1 eurythmie , de la proportion et de la convenance. Voyez la fin de mes rĂ©flexions sur le second chapitre de ce livre. 1 Voyez Plutarque , vie de TirooVoa. LIVRE I, C h a p. iy. 3 c CHAPITRE I V. A .culiers ontij. 5 dans 3 DiqUf eçouK troB itecte, livres, et des mĂ«ca- iliers. liions !* on aux wi- oin- .ouiS ,qii lariie. ilidite lĂ© d De quelle maniĂšre on peut choisir un local sain . I !JÀ premiĂšre chose qu’il faut faire, lorsqu’on veut bĂątir une ville, c’est de choisir un local sain ; pour cela , il doit ĂȘtre Ă©levĂ© , n ĂȘtre point sujet aux brouillards, ni aux bruines ; avoir une bonne tempĂ©rature d’air ; n’ĂȘtre exposĂ© , ni au grand chaud, ni au grand froid ; il doit ĂȘtre Ă©loignĂ© des marais ; car lorsque le vent s’élĂšve le matin du cĂŽtĂ© oĂč ils sont , il pousse , sur les habitans , les vapeurs que le soleil levant attire des terres marĂ©cageuses , et ces vapeurs se-mĂȘlent Ă  l’haleine infecte et vĂ©nĂ©neuse des animaux qu’engendrent les marais , ce qui est malsain et dangereux. L’air ne sera jamais sain non plus dans une ville bĂątie au bord de la mer , si elle est exposĂ©e au midi, ou au couchant, parce que pendant l’étĂ©, dans des lieux ainsi exposĂ©s , le soleil est fort chaud Ă  son lever , et brĂ»lant Ă  midi ; et dans ceux qui sont exposĂ©s au couchant, l’air commence Ă  s’échauffer dĂšs' le lever du soleil, il est chaud Ă  midi , et presque brĂ»lant Ă  son coucher ; ces chan- gemens subits du chaud au froid , nuisent beaucoup Ă  la santĂ©. On remarque mĂȘme que cela influe sur les choses inanimĂ©es ; car puisque personne ne s’avise de faire les fenĂȘtres des celliers qui sont couverts , i du cĂŽtĂ© du midi , mais bien vers le nord , parce que le ciel , de ce cĂŽtĂ© , est moins variable ; c’est pourquoi les greniers sur lesquels le soleil darde ses rayons tout le long du jour , ne conservent presque rien dans sa bontĂ© naturelle ; la viande et les fruits ne s’y gardent pas long-temps. Il n’en sera pas de mĂȘme , si on les enferme dans un lieu Ă  l’abri des rayons du soleil. La chaleur qui ne cesse d’altĂ©rer toutes choses , leur ĂŽte leurs forces, par les vapeurs chaudes , qui viennent dissoudre et Ă©puiser leurs qualitĂ©s naturelles. Le fer mĂȘme , tout dur qu’il est , s’amollit tellement dans les fourneaux , par la chaleur du feu , qu’il est aisĂ© de lui donner la forme qu’on veut ; il ne retourne Ă  son premier Ă©tat , qu’autant qu’il se refroidit , ou qu’étant trempĂ© , on lui rende sa duretĂ©. Cela est si vrai, qu’il n’y a personne qui n’éprouve que la chaleur de l’étĂ© affoiblit le corps , non-seulement dans les lieux 0 Les anciens avoient deux sortes de cellier , les Constantin , PorphyrogĂ©nĂšte , Liv. VII , Ch. 2. de uns couverts et les autres qui ne l’étoient pas ; c’est Agricultura. Il dit que le vin fort doit ĂȘtre conservĂ© pourquoi Vitruve met ici l’épithĂšte tectis. Voyez Pline, dans des celliers dĂ©couverts, et le vin lĂ©ger dans des Liv. XIV. Ch. 2i. Voyez aussi l’ouvrage de l’empereur celliers couverts. 32 L’ARCHITECTURE DE Y I T R TJ Y E. malsains , mais mĂȘme dans ceux oĂč l’air est le meilleur ; au contraire , pendant l’hiver , l’air le plus dangereux n’est pas nuisible , parce que le froid affermit et fortifie. On remarque aussi que les hommes qui passent des rĂ©gions froides dans les pays chauds , ne peuvent y demeurer sans devenir malades ; au contraire ceux des climats chauds qui vont habiter les froides contrĂ©es du nord , bien loin d’éprouver aucun mal de ce changement, s en trouvent beaucoup mieux. Il faut donc avoir l’attention , lorsqu’on choisit un emplacement pour y bĂątir une ville , d Ă©viter celui oĂč les vents chauds ont coutume de souffler. Tous les corps sont composĂ©s des quatre Ă©lĂ©mens, que les Grecs appellent sot%six; savoir le feu , 1 eau , la terre et l’air ; de leur mĂ©lange , il rĂ©sulte un tempĂ©rament naturel qui fait le caractĂšre de chaque animal. S’il arrive que la quantitĂ© nĂ©cessaire de l’un ou l’autre de ces Ă©lĂ©mens soit augmentĂ©e , ce qui a lieu, par exemple , lorsque le soleil agit sur le corps ; sa chaleur dĂ©truit et dissout alors les trois autres, fait entrer dans les veines, par les pores de la peau , qui sont ouverts , plus de chaleur qu’il n’en faut pour la tempĂ©rature de l’animal ou bien lorsqu’une trop grande humiditĂ© s’insinue dans les conduits des corps , change la proportion qu elle doit avoir avec la sĂ©cheresse , anĂ©antit toutes les autres qualitĂ©s , qui n’existent qu’autant que l’équilibre se maintient entre elles. L’air trop humide , et agitĂ© par le vent, rend aussi le corps de l’homme malade , par le froid qu’il occasionne. La terre dĂ©truit de mĂȘme l’équilibre , en augmentant ou diminuant l’une et l’autre des qualitĂ©s naturelles du corps humain , ce qui arrive lorsqu’il prend trop de nourriture solide , ou qu’il respire un air trop grossier. Pour bien connoĂźtre- la diffĂ©rence des tempĂ©ramens, il faut faire attention Ă  celle des animaux , et comparer les quadrupĂšdes avec les poissons et les oiseaux ; car leur composition est tout-Ă -fait diffĂ©rente. Les oiseaux ont peu de terrestre , et encore moins d’humide , mais beaucoup d’air , joint Ă  une chaleur tempĂ©rĂ©e ; cela fait qu’ils s’élĂšvent aisĂ©ment dans les airs , n’étant composĂ©s que des Ă©lĂ©mens les plus lĂ©gers. Les poissons ont une chaleur tempĂ©rĂ©e , jointe Ă  beaucoup d’air et de terrestre , d’oĂč vient qu’ils vivent aisĂ©ment dans l’eau , et qu’ils meurent quand ils sont dehors. Les animaux terrestres , au contraire , ne peuvent vivre long - temps dans l’eau , parce que chez eux , la partie aĂ©rienne est tempĂ©rĂ©e par la chaleur , qu’ils ont peu de terrestre , et beaucoup d’humiditĂ©. Si , d’aprĂšs les principes que je viens d’exposer , le corps des animaux est composĂ© de plus ou moins de ces diffĂ©rens Ă©lĂ©mens , que leur abondance , ou leur dĂ©faut soit si nuisible Ă  la santĂ© , U est donc trĂšs-important de choisir les lieux les plus tempĂ©rĂ©s pour y bĂątir les tilles , afin qu elles ne soient pas sujettes Ă  leur inlluence. Je ne puis qu’approuver la LIVRE I, € h a p. iv. O '> OJ la mĂ©thode des anciens, Ă  cet Ă©gard , lorsqu’ils vont oient bĂątir ou camper i dans un endroit ; ils faisoĂźent ayant tout un sacrifice , et prenoient pour victimes les animaux qui y alloient paĂźtre habituellement ; ils examinoient leur foie ; si, parmi ceux qu’ils avoient ouvert, ils n'en trouvoieht qu’un certain nombre qui l’eussent livide et corrompu , par l’effet de quelque maladie qui leur Ă©toit particuliĂšre , et non par la mauvaise nourriture qu’ils avoient prise , puisque les autres l’avoient sain et entier , par l’usage des bonnes eaux et des bons pĂąturages , ils y bĂątis- soient alors leurs villes ; mais s’ils les trouvoient gĂ©nĂ©ralement gĂątĂ©s et corrompus , ils concluoient qu’il en seroit de mĂȘme pour celui des hommes ; que les eaux et la nourriture n’étoient pas bonnes dans ce pays-lĂ ; ils l’abaĂŒdonnoient de suite, n’apprĂ©ciant rien davantage que ce qui peut contribuer Ă  la santĂ©. - La preuve qu’on peut connoĂźtre la salubritĂ© d’un lieu par la qualitĂ© des herbes qui y croissent, c’est ce qui se passe dans les deux contrĂ©es qui sont sur le bord du PotherĂ©. dont les eaux coulent entre inossus et Cortine dans l’üle de Candie. ; Des animaux paissent Ă  droite et Ă  gauche de cette riviĂšre ; ceux qui paissent prĂšs de Gnossus ont une rate , et ceux qui paissent de l’autre cĂŽtĂ© n’en ont pas. Les mĂ©decins ont cherchĂ© la cause de cette singularitĂ© , et ont trouvĂ© qu’il croĂźt , dans cet endroit , une herbe qui a la vertu de diminuer la rate ; ils s en sont servis depuis pour guĂ©rir ceux qui en Ă©toient affectĂ©s. C’est pourquoi les Candiots nomment cette herbe WA^oy 2. Ces exemples font voir qu’il existe des lieux , que la mauvaise qualitĂ© des fruits ou dĂ©s eaux , rend tout-Ă -fait malsains. On doit cependant faire une exception pour les villes qui sont bĂąties prĂšs des marais ; car l’air n’y est pas , Ă  beaucoup prĂšs , aussi malsain , s ils sont prĂšs de la mer , et situĂ©s au nord de la ville , ou entre le nord et le levant, sur-tout s ils sont Ă©levĂ©s au-dessus du niveau de la mer , puisqu’alors on peut faire des canaux et des tranchĂ©es , pour faire Ă©couler l’eau des marais dans la mer , et y introduire celle de la mer, lorsqu’elle viendra Ă  s’enfler par les tempĂȘtes. Ces eaux amĂšres, mĂȘlĂ©es Ă  celles des marais, empĂȘcheront qu'il n’y naisse aucune espĂšce de reptiles, et feront mourir tous ceux qui s’y trouvent ; nous en avons l’expĂ©rience. Les marais qui 1 On appeloit castra stativa , chez les Romains , le lieu oĂč ils formoient un camp avancĂ© et retranchĂ© , pour la garde d’une frontiĂšre , ou d’une province nouvellement conquise , dans lequel ils entretenoient pendant trĂšs - long - temps des troupes. Voyez Nieuport. Ant. Rom. 2 C’est-Ă -dire qui consume la rate. On donne aussi Ă  cette herbe le nom arabe de Ceterach et celui de Scolopendre , pax’ce qu’elle ressemble Ă  un ver qui poçte ce nom. 5 34 L'ARCHITECTURE HE VITRUVE. sont aux environs d’Altine i , de Ravenne , d’AquilĂ©e 2 et de plusieurs endroits de la Gaule cisalpine , n’empĂȘchoient pas l'air d’y ĂȘtre trĂšs - sain au contraire, lorsque les eaux des marais sont stagnantes , et ne peuvent s e'couler , Ă  1 aide d’aucune riviĂšre ou fossĂ© , comme sont les marais Pontins , ces eaux n Ă©tant pas agitĂ©es , corrompent et infectent l’air. Les habitans de Salapie 3, ville trĂšs-ancienne de la Pouille, bĂątie par DiomĂšde , Ă  son retour de la guerre de Troie , ou comme d’autres croient, par Elphias Rhodien , voyant qu’ils Ă©ioient tous les ans attaquĂ©s de maladie , Ă  cause que leur ville se trouvoit au milieu des marais de cette espĂšce, demandĂšrent Ă  Hostilius , qu’il leur permĂźt de la transporter dans un lieu plus commode et plus sain , tel qu’il voudroit le choisir ce qu’il leur accorda facilement. AprĂšs avoir examinĂ© , avec beaucoup d intelligence et de sagesse , un lieu , prĂšs de la mer , qu’il jugea fort salubre , avec la permission du sĂ©nat et du peuple romain , il y bĂątit une nouvelle ville et ne fit payer aux habitans qu’un seul sesterce, pour l'emplacement de chaque maison ; il fit pratiquer ensuite une ouverture Ă  un grand lac , qui Ă©toit prĂšs de la ville , pour y introduire les eaux de la mer et le changer en port, de sorte que les Salapiens habitent prĂ©sentement un lieu fort sain, distant de ' quatre milles de leur ancienne ville. REMARQUES. On voit encore dans ce chapitre combien Vitruve Ă©toit attachĂ© au systĂšme des pythagoriciens , et qu’il n’ignoroit cependant pas ceux des autres philosophes. Gette prĂ©fĂ©rence, comme nous l’avons dĂ©jĂ  dit, prouve combien il avoit le jugement bon, puisque , parmi tant d’opinions , il avoit su choisir la meilleure. Les anciens philosophes, peu instruits des secrets de la physique , n’en expliquoient les causes que par des qualitĂ©s occultes, des horreurs du vuide, des sympathies ou antipathies, des antipĂ©ris- tases , des attractions , et par une infinitĂ© d’autres termes dont l’impĂ©nĂ©trable obscuritĂ© fait assez voir qu’ils cherchoient moins Ă  dĂ©couvrir la vĂ©ritĂ© , qu’à cacher leur ignorance aux yeux du public crĂ©dule. Les pythagoriciens n’étoient pas exempts de ces dĂ©fauts ; c’étoit la maladie du temps ; leur systĂšme sur l’harmonie universelle et leur opinion mĂȘme sur les Ă©lĂ©mens , que Vitruve rapporte ici, sont de ce nombre , et c’est justement pourquoi nous devons admirer , qu’au milieu de ce chaos d’erreurs , ils aient dĂ©couvert tant de vĂ©ritĂ©s utiles , comme nous l’avons observĂ© dans 1 Altine , ville trĂšs-ancienne dans le TrĂ©visan , Ă  trois lieues au nord de Venise , fut dĂ©truite lorsque les barbares du Nord inondĂšrent l’Italie ; les habitans se retirĂšrent alors , dans les lagunes , et les Ăźles qui sont aux environs du lieu oĂč Venise a Ă©tĂ© bĂątie. Il ne reste plus qu’une tour de l’ancienne ville d’Altine. 2 Ravenne , situĂ©e dans la Romagne , et AquilĂ©e dans le ĂŻrioul , Ă©toient deux villes trĂšs-anciennes ; elles acquirent le plus grand degrĂ© de splendeur et de richesse, aprĂšs que Constantin eut transportĂ© le siĂ©gĂ© de l’empire Ă  Constantinople. La situation d’AquilĂ©e , entre les deux capitales , fit qu’on y abordoit de tous les points de l’empire ; sa population , ses richesses et son Ă©tendue accrurent, au point, qu’on l’appeloit la seconde Rome; mais elle a Ă©prouvĂ© le sort des Ă©tats les plus florissans. En 4 -Sa 1 Attila la saccagea , et en 5 go , les Lombards la ruinĂšrent de fond en comble. 3 Aujourd'hui Salpi, dans le royaume de Naples. 35 LIVRE I, C h A p. iv. nos remarques sur le second chapitre. Il est probable que la dĂ©couverte de ces vĂ©ritĂ©s avoit frappĂ© Vitruve , et lui avoit plu , et que cela l’avoit portĂ© Ă  adopter leur systĂšme , et en mĂȘme- temps leurs erreurs. Si ce motif a dĂ©terminĂ© son choix , il prouve infiniment Ă  son avantage. Quant aux erreurs qu’il a adoptĂ©es en mĂȘme-temps , on ne peut lui en faire des reproches ; on ne savoit pas mieux alors. Nous avons vu dans les derniers siĂšcles, combien les universitĂ©s elles-mĂȘmes ont eu de peine Ă  les abandonner , malgrĂ© que la vĂ©ritĂ© leur fĂ»t dĂ©montrĂ©e dans toute son Ă©vidence. Vitruve croyoit donc , avec les pythagoriciens , que tous les corps quelconques , soit qu’ils fussent animĂ©s ou non , Ă©toient composĂ©s de quatre Ă©lĂ©mens , qui sont , l’air , l’eau , la terre et le feu. Il fait , dans ce chapitre , l’application de ce systĂšme aux corps animĂ©s ; mais dans le second livre , il l’applique Ă  tous les ĂȘtres quelconques, et principalement aux matĂ©riaux qu’on emploie dans la construction des Ă©difices. Je me propose , dans le cours de cet ouvrage , d’expliquer , par les principes de notre physique moderne , les diffĂ©rens effets de la nature , dont la philosophie ancienne cherchoil Ă  faire connoĂźtre les causes avec ses faux raisonnemens. Si les principes Ă©toient faux , les consĂ©quences qu’ils en liroient ne l’étoient pas moins ; ce n J est pas , par exemple , parce que l’air et le feu dominent dans la composition des oiseaux , ni mĂȘme Ă  cause de la lĂ©gĂšretĂ© de leurs corps qu’ils s’élĂšvent si aisĂ©ment ; mais bien par la grandeur et la force de leurs ailes. Cela est si vrai, qu’un coq d’inde qui a de la peine Ă  s’élever de terre , n’est pas plus pesant qu’un aigle qui vole si haut et si aisĂ©ment, qu’il peut mĂȘme enlever d’autres animaux avec lui ; il est cependant vrai que la chair et les os des oiseaux sont plus lĂ©gers que ceux des animaux terrestres. Il tire une pareille consĂ©quence pour expliquer pourquoi les poissons vivent dans l’eau , opinion, qu’il avoit puisĂ©e dans EmpĂ©docle , et qu’Àristote a rĂ©futĂ©e dans le livre oĂč il traite de la respiration. Si les poissons vivent dans l’eau, et ne peuvent vivre long-temps dehors, ce n’est pas Ă  cause des Ă©lĂ©mens dont ils sont composĂ©s , mais parce qu’ils sont conformĂ©s pour cela 5 n’étant pas destinĂ©s Ă  vivre dans l’air , ils n’ont pas de poumons. Leurs ouĂŻes et leurs branchies leur en tiennent lieu , et sont les organes de leur respiration ; car ils ont besoin d’air pour vivre, et ils sont construits de maniĂšre Ă  pouvoir extraire , de l’eau, l’air nĂ©cessaire Ă  leur respiration. Les ouĂŻes des poissons sont des espĂšces de feuillets composĂ©s d’un rang de lames Ă©troites, rangĂ©es et serrĂ©es l’une contre l’autre, qui forment comme autant de barbes ou franges qu’on peut appeler proprement le poumon des poissons. Ces ouĂŻes sont recouvertes d’un couvercle qui s’élĂšve et qui s’abaisse, et qui, en s’ouvrant^ donne passage Ă  l’eau que l’animal a respirĂ© un nombre prodigieux de muscles fait mouvoir toutes ces parties. Le poisson avale l’eau continuellement par la bouche c’est son aspiration c’est dans ce passage que le sang s’abreuve d’air. Le sang qui sort du cƓur du poisson se rĂ©pand de telle maniĂšre , sur toutes les lames dont les ouĂŻes sont composĂ©es , qu’une trĂšs-petite quantitĂ© de sang se prĂ©sente Ă  l’eau , sous une trĂšs-grande superficie , afin que , par ce moyen , chacune de ces parties puisse plus facilement , et en moins de temps, ĂȘtre pĂ©nĂ©trĂ©e de petites particules d’air qui se dĂ©gagent de 1 eau, par l’extrĂȘme division qu’elles souffrent, entre ces lames. On conçoit que des ĂȘtres , si bien organisĂ©s pour vivre dans l’eau, ne le sont pas du tout pour vivre dans l’air ; sa chaleur et sa sĂ©cheresse dĂ©truisent bientĂŽt le froid et l’humiditĂ© qui leur est naturelle et nĂ©cessaire, sur-tout dans des parties aussi minces que le sont les fibres des branchies; 5 . 36 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. comme elles sont le principal mobile de la circulation du sang , elle se trouve arrĂȘtĂ©e , et il faut que le poisson meure. Dans plusieurs contrĂ©es de l’Italie , l’influence du mauvais air s’y fait sentir d’une maniĂšre bien cruelle. Le teint livide et la figure hĂąve ou boursoufflĂ©e des malheureux habitans , annonce aux voyageurs ces lieux iriforlunĂ©s , sur lesquels la mort fait continuellement agir sa faux meurtriĂšre. Certains quartiers de la ville de Rome, entr’autres ceux du Yalican et de la TrinitĂ© du mont, ne sont pas exempts de ses funestes effets qui ont rendu presque dĂ©sertes les plaines qui se trouvent entre Viterbe et celte ville. L’on a vu souvent tous les habitans abandonner leurs villes, et chercher un emplacement plus salubre , pour y en bĂątir des nouvelles , et y transporter leur demeure, i Dans un tel pays il est de la plus grande importance , avant d’entreprendre aucune construction d’édifice , de choisir un lieu qui soit sain. Comme Vitruve ne destine pas seulement son architecte Ă  construire des habitations et des Ă©difices publics mais qu’il, veut qu’il soit capable de flĂ tir des villes entiĂšres, ce qui arrivoit plus souvent alors que de -nos jours il s’attache principalement Ă  lui recommander de s’assurer , avant tout, de la salubritĂ© de l’air, comme je viens de le dire. L’effet du mauvais air , en Italie , est tel , que des pays entiers , comme une partie de la çampagne de Rome , sont entiĂšrement dĂ©peuplĂ©s. Les vapeurs pestifĂ©rĂ©es que le soleil lire des eaux croupissantes des marais pontins et que certains vents chassent de ce cĂŽtĂ©, rendent l’air si malsain, qu’il est impossible d’y demeurer long-temps, sans tomber malade. Tous ceux qpi sont obligĂ©s d’habiter ces contrĂ©es , sont Ă©crouelleux , sujets aux obstructions et aux fiĂšvres. On ne sauroit franchir , avec trop de rapiditĂ© , cet espace oĂč la mort semble avoir Ă©tabli son empire. Malheur Ă  celui dont la paupiĂšre se fermeroit pendant ce dangereux trajet ; elle pourroit bien s’étre fermĂ©e pour toujours. L’aspect livide de ceux que le besoin et l’habitude fixent sur cette contrĂ©e , atteste assez son insalubritĂ©. Leur existence languissante n’est , pour ainsi dire , qu’une mort plus ou moins prolongĂ©e. Aussi , ne reneonire-t-on guĂšre d’autres habitations que celles qui sont destinĂ©es au service de la poste , et quelques auberges. Ces marais commencent au pont d’Aslura, oĂč CicĂ©ron fut dĂ©capitĂ©. Ils rĂ©gnent le long de la cĂŽte jusqu’à Terracine , aux confins du royaume de Naples ; ils ont 2i milles romains d’étendue, c’est-Ă -dire environ 8 ,lieues de France; en quelques endroits ils ont trois lieues de large; ils sont traversĂ©s , dans toute leur longueur, par la voie Appienne. L’origine de leur existence se perd dans, la nuit des temps dĂšs le temps de la rĂ©publique , on les dĂ©signoit indistinctement par les dĂ©nominations ager pontinus , palus ponĂŒna y et les vingt-trois villes , qui, autrefois , avoient dĂ©corĂ© sa surface 1, ne vivoieni plus que dans le souvenir des Romains, Depuis long-temps ils auroient empoisonnĂ© Rome, si les vapeurs pestilentielles, qui s’en exhalent, n’eussent Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©es par les forĂȘts qui abritent les villes de Cisterra et de Sermonelta. Les empeieuis, les rois, les papes sur—tout, ont fait tous les efĂźoris, et employĂ© tous les moyens possibles pour rendre Ă  l’agriculture ces vastes terrains; tout, jusqu’à prĂ©sent,’a Ă©tĂ© inutile. Le pape Pie VI est cependant parvenu , avec des travaux immenses , Ă  dĂ©couvrir la voie Appienne qui traverse ce marais , et qui Ă©toit couverte d’eau. Il l’a rendue Ă  son ancien usage. Je l’ai suivie en allant de Ă  Naples. 0 C’est ce qui est arrive' Ă  S. f Lorenzo , prĂšs du lac de BolsĂšne ; sur la montagne, les habitans abandonnĂšrent l’ancienne ville pour en bĂątir une nouvelle 2 Pline , Liv. III. Ch. 5. / LIVRE I, G h a p. H HĂšre w Ăšre, ^ »esj reni^ *ni*i ‱.s coDstre; »n ait! paWe princif m de rlle de deseifl 1 malsai liges, d'y roit 1» ur Ă  cefc mĂ©e pii Æste ass- oins j» iii serrici fui fe ; ik Ă» ils oi r^ine t dĂ©sii est 5 S ! 1 ĂźulilO' J ien» f P suivi 4 C H A P I T R E V. Des fondemens des Murs et des Tours. Lorsque, d’aprĂšs ces principes que je viens d’établir, on se sera assurĂ© de la salubritĂ© d'un emplacement, pour y bĂątir une ville , si les autres avantages s’y trouvent rĂ©unis , tels que l’abondance des fruits qui peuvent croĂźtre dans les environs, pour fournir la nourriture aux habitons; la commoditĂ© des chemins, des riviĂšres, des ports de mer , pour y apporter et faire venir toutes les choses nĂ©cessaires ; il faudra travailler aux fondemens des tours et des remparts , de la maniĂšre suivante. Il faut creuser , s’il se peut, jusqu’au solide , et dans le solide mĂȘme , autant qu il est nĂ©cessaire , pour soutenir le poids des murs , Ă  proportion de leur pesanteur. On emploie , pour les fondemens , la pierre la plus dure qu’on peut trouver , et on leur donne plus de largeur que la muraille n’en doit avoir au-dessus du rez- de - chaussĂ©e. * Les tours doivent s'avancer hors des murs , afin que , lorsque l’ennemi s’en approche, celles qui sont Ă  droite et Ă  gauche, lui donnent dans les flancs. Il faut rendre difficile l’approche des murs , les environner de prĂ©cipices, et faire en- sorte que les chemins , qui conduisent aux portes , ne soient pas droits , mais qu’ils tournent Ă  la gauche de la porte CG ; par ce moyen , les assiĂ©geans prĂ©senteront , Ă  ceux qui sont sur la muraille , le cĂŽtĂ© droit , qui n’est pas couvert du bouclier. La figure d’une place ne doit ĂȘtre ni carrĂ©e , ni composĂ©e d’angles trop avancĂ©s ; sa forme doit ĂȘtre ronde , afin que l’ennemi puisse ĂȘtre dĂ©couvert de plusieurs endroits. Les angles avancĂ©s ne conviennent pas pour la dĂ©fense, et sont plus favorables aux assiĂ©geans qu’aux asssiĂ©gĂ©s. ** Il convient que les murailles AA soient assez Ă©paisses , pour que deux hommes armĂ©s venant Ă  se rencontrer , puissent passer aisĂ©ment et sans gĂȘne. Pour consolider cette Ă©paisseur , il faut placer , de travers, de grands pieux d’olivier, un peu hrĂ»lĂ©s , mis les uns prĂšs des autres, afin que les deux paremens de la muraille ainsi joints , comme par des ciels , et tirants , aient une fermetĂ© qui soit de longue durĂ©e ; car les vers n’attaquent jamais ce * Planche l. re fig. i. ** Planche I. re fig. 2. 38 L’ARCHITECTURE DE VÏTRUVE. bois , ainsi prĂ©parĂ© , et il ne se corrompt pas , tel vieux qu il puisse eti e ; il peut mĂȘme demeurer toujours dans la terre et dans l’eau , sans se gĂąter. Cette pratique doit avoir lieu , non seulement , pour la construction des murs , mais meme pour les fondemens ; et si, pour d’autres Ă©difices que les remparts , on a besoin d’une muraille fort Ă©paisse , il faudra aussi s’en servir ; car par le moyen de cette liaison, ils dureront fort long-temps. * La distance DD entre les tours , doit ĂȘtre tellement compassĂ©e , quelle ne soit pas plus longue que la portĂ©e des traits de flĂšche ; afin que les assiĂ©geants , en cas d’attaque, soient repoussĂ©s, Ă  droite et Ă  gauche , par les scorpions et les autres machines , qui servent Ă  lancer des traits. Il faut, de plus , du cĂŽtĂ© de l’intĂ©rieur, arrĂȘter le mur Ă  la rencontre de chaque tour , et que l’intervalle EE ** soit de toute l’épaisseur de la tour. Pour communiquer d’un mur Ă  l’autre FF, et traverser ces intervalles , on emploie des solives posĂ©es sur les deux extrĂ©mitĂ©s , sans les attacher avec du fer ; afin que si l’ennemi se rend maĂźtre de quelque partie du mur , les assiĂ©gĂ©s puissent ĂŽter ce pont de bois ; s’ils le font promptement , l’ennemi , qui occupe une partie du rempart , ne pourra passer dans les autres qu’en se prĂ©cipitant du haut en bas. Les tours doivent ĂȘtre rondes , ou Ă  plusieurs pans , parce que celles, qui sont carrĂ©es, sont bientĂŽt dĂ©truites par les machines de guerre ; les bĂ©liers en rompent trop aisĂ©ment les angles ; tandis que, lorsqu’elles sont rondes, les pierres, dans l’intĂ©rieur, Ă©tant taillĂ©es comme des coins, elles rĂ©sistent mieux aux coups qui ne peuvent que les pousser vers le centre. Mais rien ne rend ces remparts si fermes , que lorsque les murs , tant des courtines que des tours, sont soutenus par de la terre ; alors ni les bĂ©liers , ni les mines, ni toutes les autres machines , ne peuvent les Ă©branler ; cependant ces terrasses ne sont nĂ©cessaires, qu’autant qu’il se trouve quelquĂ©minence assez prĂšs des murs, pour que les assiĂ©geans puissent s’en servir , pour entrer de plein pied. *** Pour faire ces terrasses , il faut d’abord creuser des fossĂ©s fort profonds et trĂšs-larges au fond ; dans ces mĂȘmes fossĂ©s, on doit encore creuser les fondemens du mur , auquel on doit donner , en l’élevant, une Ă©paisseur suffisante pour soutenir la terre ; en avant de ce mur , il faut en bĂątir un autre GG , Ă  une distance suffisante , pour faire une terrasse capable de contenir ceux qui doivent la dĂ©fendre , comme s’ils Ă©toient rangĂ©s en bataille ; de plus , entre ces deux murs , il est nĂ©cessaire d’en Ă©lever plusieurs autres HH, qui aillent de l’un Ă  l’autre , disposĂ©s comme les dents d’une scie ou * Planche I. re fig. 2, ** Planche l. re fig. 2. *** Planche I. re fig. 2. LIVRE I, C h A p. v. 3 9 d’un peigne ; par ce moyen , la terre sĂ©parĂ©e en plusieurs parties , par ces petits murs , aura moins de force et de poids pour pousser les murailles. Je ne puis dĂ©terminer quels matĂ©riaux on doit employer pour la construction des murs , parce qu’on ne les trouve pas par tout, comme on pourroit les dĂ©sirer ; il faut donc employer ceux qui se rencontreront sur les lieux , soit pierres de taille ou gros cailloux, ou le moelon , la brique cuite ou non cuite. On ne trouve pas, par tout, le bitume en abondance , comme Ă  Babylone , oĂč on l’emploie au lieu de mortier , pour bĂątir les murailles de briques ; mais chaque pays produit diffĂ©- rens matĂ©riaux , qui ont chacun leurs propriĂ©tĂ©s ; il ne s’agit que de les choisir , et l’on parviendra Ă  faire des constructions qui dureront Ă  jamais. REMARQUES. La fortification Ă©toit peu de chose dans son origine ; comme on ne craignoit alors que l’insulte des bĂȘtes sauvages et des voleurs , on n’avoit d’autre fortification que de simples haies. Alexandre le Grand trouva les Hircaniens et les Mardiens fortifiĂ©s de celle maniĂšre 1 et de nos jours encore , les habitans des Ăźles de la mer du sud n’en ont pas d’autres , comme nous l’apprend la relation du capitaine Cook. On se fortifia ensuite de murailles , parce que ces haies Ă©toient faciles Ă  couper. Lorsque l’ambition vint Ă  croĂźtre , ceux qui voulurent dominer sur les autres , trouvĂšrent bientĂŽt le moyen de franchir ces foibles dĂ©fenses ; on y ajouta encore un fossĂ© ; en faisant ce fossĂ©, on Ă©leva en mĂȘme- temps un rempart derriĂšre lequel l’assiĂ©gĂ© se mettoit pour Ă©carter l’ennemi Ă  coups de traits. L’ennemi ne pouvant surmonter ces obstacles , rĂ©solut d’essuyer quelques coups de flĂšche , de passer le fossĂ© et de se loger au pied de la muraille , d’oĂč l’assiĂ©gĂ© ne le pouvoit plus chasser , quelque quantitĂ© de pierres qu’il jeta pour l’incommoder ; parce qu’il se couvroit de son bouclier , en le soutenant sur sa tĂȘte. Cette manoeuvre obligea ceux du dedans de faire des embrasures dans les murs, pour empĂȘcher, Ă  coups de flĂšches , que l’ennemi ne les pĂ»t attaquer car de quelque cĂŽtĂ© qu’il vĂźnt , l’arbalĂšte l’incommodoit nĂ©anmoins , le pied des murs Ă©toit encore sans dĂ©fense , et l’ennemi se logeoit entre les deux embrasures les plus proches. On imagina alors de faire des tours rondes, ayant leurs embrasures de tous cĂŽtĂ©s , qu’on plaça aux extrĂ©mitĂ©s des murs , pour empĂȘcher l’ennemi de se loger dans les embrasures , et pour le battre de flanc , lorsqu’il tentoit l’escalade 5 elles servoient aussi Ă  augmenter le front des assiĂ©gĂ©s. L’invention des bĂ©liers n’apporta aucun changement Ă  la maniĂšre de fortifier ces machines ne se mouvoient qu’à force de bras, et ceux qui les servoient Ă©toient assez Ă©loignĂ©s du mur , pour ĂȘtre vus de flanc par les deux tours voisines de celle qu’on Ă©branloit. II n’existoit pas d’autre fortification du temps de Vilruve 5 il en dĂ©veloppe tous les principes dans ce chapitre 5 elle n’a guĂšre changĂ© jusqu’à l’époque de la dĂ©couverte de la poudre Ă  canon qui occasionna une rĂ©volution gĂ©nĂ©rale , et changea absolument le systĂšme des fortifications. Avant cette Ă©poque , des murailles un peu Ă©paisses suffisoient pour rĂ©sister aux efforts 1 Quinte-Curce ? Liv. VI. Ch. 5. \ 40 L’UICIUTECTURE DE V I T R U V E, des bĂ©liers , et des autres machines de guerre de simples tours , dont Ă©toiĂšnt flanquĂ©es ees murailles , et d’oĂč l’on lançoit des flĂšches sur les assiĂ©geans, empĂȘchoient l’approche. En i38o , sous le rĂšgne de Wenceslas, fils de Charles IV , un religieux de 1 ordre de S. 1 François } nommĂ© Berthold Schwartz , de Fribourg en Brisgau , trouva, dit-on , la poudre Ă  canon, en cherchant , par la chimie, la pierre philosophale il en montra le premier usage aux YĂ©niliens, qui Ă©toient alors en guerre avec les GĂ©nois. Pour battre les places , on inventa les canons , dont l’exĂ©cution furieuse renversoit et foudroyoit ces foibles murs. Ceux qui se virent attaquĂ©s avec ces Ă©tonnantes machines , furent obligĂ©s de mettre un bon rempart derriĂšre leurs murailles , et de faire ces mĂȘmes murailles beaucoup plus Ă©paisses qu’auparavant. Cette maniĂšre de fortifier auroit subsistĂ© long -temps ; mais elle avoit un dĂ©faut essentiel les tours rondes avoient un endroit en forme de triangle qui ne pouvoit ĂȘtre vu de ceux du dedans, et que l’ennemi affectoit de battre , parcequ’il Ă©toit Ă  l’abri du feu de la mousquelerie , et elierclioit Ă  s’y loger Ă  couvert des coups de l’assiĂ©gĂ© , qui ne pouvoit le voir dans cet endroit. Us y ouvroient des chemins couverts , pour pĂ©nĂ©trer dans la place , ou ils y pratiquoient des mines. Pour obvier Ă  ce dĂ©faut, on remplit cet endroit dĂ©fectueux de bonne terre , laquelle Ă©tant soutenue par un bon mur , formoit deux pointes qui regardoient la campagne , comme aujourd’hui les faces d’un bastion , et couvroit cet endroit. , ** L’ennemi alors commença, avant toute autre chose , par attaquer ces deux faces, de maniĂšre que l’assiĂ©gĂ© se vit obligĂ© d’ajouter encore des flancs Ă  ces faces , pour meure des canons dessus , et empĂȘcher que l’ennemi ne fĂźt plus tant de mal aux faces. C’est de celte maniĂšre que les bastions furent inventĂ©s et remplacĂšrent les tours. - Pour consolider les murailles, Yitruve conseille de placer , de distance en distance, plusieurs rangs de piĂšces de bois d’olivier qui la traversent de part et d’autre ; celte maniĂšre de bĂątir Ă©toit en usage dans les plus anciens temps. C’étoit ainsi qu’étoient bĂąties les murailles du parvis du temple de Salomon. 1 CĂ©sar dit que les Gaulois bĂątissoient ainsi leurs murs. Ceux de PersĂ©polis Ă©toient aussi traversĂ©s de piĂšces de bois de cĂšdre , ce qui fut cause , suivant Quinte-Curce , qu’il fut plutĂŽt rĂ©duit en cendres , lorsqu’Alexandre , noyĂ© dans l’ivresse , fit brĂ»ler cette superbe ville , par complaisance pour une courtisane. 2 Comme l’observe trĂšs-bien Galliani, il n’existe aucun fragment de tours antiques, qui offre quelques secours , pour faciliter l’intelligence du passagĂ« de Yitruve , oĂč il parle de leur construction. Tous les monumens antiques de ce genre , qui existent encore , sont antĂ©rieurs ou postĂ©rieurs au temps oĂč Ă©crivoit Yitruve. Les plus anciens de tous, sont les murs de clĂŽture du carrĂ© de la ville de Pestum , avec les quatre tours des angles ; ils ne ressemblent en rien Ă  ce que dit Yitruve ; mais ils sont d’une antiquitĂ© si reculĂ©e et si Ă©loignĂ©e des temps oĂč Ă©crivoit notre auteur , qu’ils ne peuvent servir d’exemple. Galliani critique beaucoup le plan et la description que Perrault a donnĂ©s des j Liv. des Rois. Liy. 111. Ch. 6. v. 36. Ăź Quinte-Curce , Liv. Y. murs LIVRE I, Coap. u . 4^ les fortifians. Ces maladies , causĂ©es par le froid , sont les plus difficiles Ă  guĂ©rir ; leur longue durĂ©e diminue les forces des malades auxquels les vents sont extrĂȘmement contraires , parce qu’en Ă©puisant leurs forces et en exprimant , pour ainsi dire, les sucs de leur corps affoibli, ils les extĂ©nuent de plus en plus ; au lieu qu’un air plus doux et plus grossier , qui n’est pas agitĂ© , les fortifie , les nourrit , et rĂ©tablit leurs forces. * Plusieurs personnes ne comptent que quatre vents , qui sont ; le Solanus , qui souffle du cĂŽtĂ© du levant ; l’Euster du cĂŽtĂ© du midi ; le Favonius du cĂŽtĂ© du couchant ; et le Septentrion du cĂŽtĂ© du nord i. Ceux qui ont fait plus de recherches sur les vents , en ont trouvĂ© huit ; particuliĂšrement Andronic Cyrrhestes 2 , qui fit bĂątir pour cela, Ă  AthĂšnes , une tour de marbre , de figure octogone ; chacune de ses faces reprĂ©sentait l’image d’un des vents , Ă  l’opposite du lieu d’oĂč il souffle ordinairement ; et sur la tour, qui se terminoit en pyramide , il plaça un triton d’airain , qui tenoit une baguette Ă  la main. La machine Ă©toit ajustĂ©e de maniĂšre , que , le triton tournant, se tenoit toujours opposĂ© au vent qui souffioit, et l’indiquoit avec sa baguette. Les quatre autres vents sont, l’Eurus , qui est entre le Solanus et l’Auster au levant d’hiver ; Africus , entre Auster et Favonius, au couchant d’hiver ; Caurus , que plusieurs appellent Corus , entre Favonius et Septentrion ; l’Aquilon , entre le Septentrion et Solanus 3. On a imaginĂ© ces noms pour dĂ©signer le nombre des vents et des rĂ©gions d’oĂč ils viennent. Cela ainsi Ă©tabli , voici ce qu’il faut faire , pour trouver les points des rĂ©gions d’oĂč viennent les vents. * On posera , de niveau , une table de marbre, au milieu de la ville * ou bien, on applanira le terrain , en le nivelant, et on le rendra bien uni, en le polissant avec la rĂšgle. On placera dans le milieu un style d’airain, pour marquer l’ombre du soleil. Les Grecs appellent ce style tnue&tpaq 4 5 il faut observer son ombre , avant midi, vers la cinquiĂšme heure du jour , et en marquer l’extrĂ©mitĂ© par un point de ce point, il faut tracer, avec le compas, un cercle dont le style soit le centre ; on observera ensuite l’ombre , aprĂšs midi ; lorsqu’en croissant ; son extrĂ©mitĂ© aura atteint la ligne circulaire , et qu elle aura , par consĂ©quent, fait une ligne pareille Ă  celle du matin , on marque aussi son extrĂ©mitĂ© par un second point de ces deux points , on trace , avec le compas, deux lignes circulaires , qui * Planche II. me fig. i. 3 Sud-Est, Sud-Ouest, Noid-Ouest, Nord-Est. 1 C’est-Ă -dire, les vents Ă 'Est, Sud, Ouest, et Nord. * Planche II. tne fig. 2 . 2 Vitruve l’appelle Cyrrhestes, et Varron le nomme 4 C’est-Ă -dire qui trouve Vombre. Cyprestis. lie re rust. Liv. III. Ch. 5. 6 . 44 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. s’entre-coupent, du point de cette intersection , on tire , par le centre , une ligne qui dĂ©signera le midi et le septentrion. On prendra, apres cela , la seiziĂšme partie de toute la circonfĂ©rence de la ligne circulaire, qui est autour du centre du style, et Ion marquera cette distance , Ă 'droite et Ă  gauche du point, oĂč la ligne du midi coupe la ligne circulaire, on en fera autant au point oĂč la mĂȘme ligne coupe le cercle vers le septentrion; et de ces quatre points on tirera des lignes, qui, s'entre-coupant au centre , iront d’une des extrĂ©mitĂ©s de la circonfĂ©rence Ă  l’autre, cela marquera, pour le midi , et pour le septentrion , deux huitiĂšmes parties ce qui restera aux deux cĂŽtĂ©s de la circonfĂ©rence , sera partagĂ© chacun en trois parties Ă©gales , afin d’avoir les huit divisions pour les vents. Il faudra donc tirer les alĂźgnemens des rues entre ces deux divisions ; par ce moyen , on n’y sera point incommodĂ© par la violence des vents car si les rues y Ă©toient directement opposĂ©es, leur impĂ©tuositĂ©, qui est dĂ©jĂ  si grande dans l’air libre et ouvert, augmenteroit beaucoup , renfermĂ©e dans des rues Ă©troites. C’est pourquoi on disposera les rues de maniĂšre que les vents donnent sur les angles que forment les grouppes des maisons, afin qu’ils se rompent et se dissipent. On s’étonnera peut-ĂȘtre, que nous ne comptions que huit vents ,, i tandis qu’il en existe un bien plus grand nombre qui ont chacun leur nom ; mais si on considĂšre qu’EratosthĂšne de CyrĂȘne, avec le secours du gnomon et des ombres Ă©quinoxiales , par les observations qu’il fit , en diffĂ©rens endroits , oĂč l’inclinaison du pĂŽle n’est pas la mĂȘme, trouva , par les rĂšgles de la gĂ©omĂ©trie, que le tour de la terre est de deux cents cinquante-deux mille stades 2 , qui font trente-un millions cinq cents mille pas , et que la huitiĂšme partie de cette circonfĂ©rence de la terre , qui est la rĂ©gion d’un vent, est de trois millions neuf cents trente-sept mille cinq cents pas; on ne sera pas Ă©tonnĂ© qu’un mĂȘme vent qui occupe un si grand espace , paroisse en former plusieurs , Ă  mesure qu’il s’avance vers un point, ou qu’il s’en Ă©loigne. C’est pourquoi le vent * Auster 1 a, Ă  droite et Ă  gauche, les vents Euronolus 2 et AltciTius 3 ; aux cotes d Africus 4 sont Libonotus 5 et SubçÎspsrus 6 ; aux cĂŽtĂ©s 1 Pline parle des difl'Ă©rens vents, Ă -peu-prĂšs comme Vitruve , Liv. IL Ch. 47- oĂč il les nomme tous. ’ 3 Le Stade Ă©toit une mesure de cent vingt-cinq pas, puisque huit stades faisoient mille pas. C’est-Ă -dire un mille. Ainsi 252,ooo stades multipliĂ©es par 125, produiront 3i,5oo,ooo pas , ou bien 3i,5oo milles, c est par ‱erreur que Perrault a traduit trecies par trois cent. Voyez, les remarques Ă  la fin de ce chapitre. * Planche II.ℱ 1 * 3 * * 6 fig. r. re 1 Sud. 2 Sud , tiers de Sud-Est. ' 3 Sud , tiers de Sud-Ouest'. 4- Sud-Ouest. 5 Sud-Ouest, tiers de Sud. 6 Sud-Ouest, tiers d’Ouest. LIVRE I, C h a p. v. 4i murs et des tours des anciens -, parce que, dit-il, Perrault suppose des tours, de forme circulaire , qui sont Ă©levĂ©es contre les remparts. Il prĂ©fĂšre les plans qu’en ont donnĂ© ‱ Barbaro et Caporali, qui supposent des tours 6 emi-circulaires et Ă  pans , v. fig. 2 , pl. I. j ce qui est, suivant lui , plus conforme Ă  ce que nous voyons dans les moiĂŻumĂȘns antiques. VitruvĂ© parle ensuite des matĂ©riaux nĂ©cessaires pour la construction des murs des villes; on doit, dit-il , employer ceux qu’on trouve sur les lieux , sans en faire venir de loin. Il paroĂźt regretter qu’on n’ait pas , par-tout, du bitume qu’on a employĂ© au lieu de mortier , pour bĂątir les murs de Babylone. Dans le troisiĂšme chapitre du huitiĂšme livre , il dit , que ces murs furent Ă©levĂ©s par SĂ©miramis. Babylone lacus amplissima magnitudine 3 qui Limne Asphaltis appellatur , habet su* pranatans liquidum bitumen , quo bitumine 3 et latere testacero structĂč muro SĂ©miramis cir- cumdedit Babylonem^ Les bitumes sont des matiĂšres huileuses et minĂ©ralisĂ©es , qu’on rencontre dans le sein de la terre , sous une forme fluide , et nageant quelquefois, Ă  la surface des eaux , ou sous une forme tantĂŽt molle , tantĂŽt solide , et plus ou moins concrĂšte. On met au rang des bitumes solides , le succin , le jayet ou jais, l’asphalte , et le charbon de terre ; et au nombre des bitumes liquides , l’huile de pĂ©trole ou de pierre et le naphte. Le bitume , dont parle ici Vitruve 3 est l’asphalte , ainsi nommĂ© , parce qu’on, en lire beaucoup du lac asphaltique , ou mer morte en JudĂ©e. Tacite en parle dans le V. e Liv. de son histoire ; c’est une substance pesante , solide , friable , d’une couleur brune et mĂȘme noire , brillante , d’une odeur bitumineuse , sur-tout > lorsqu’on l’a Ă©chauffĂ©e ; elle s’enflamme aisĂ©ment , et se liquĂ©fie au feu. Il s’élĂšve du fond des eaux de la mer morte , et il en surnage beaucoup sur sa surface. Tacite rapporte que ceux qui sont chargĂ©s de le ramasser , en prennent une partie avec la main , et la tirent jusques sur le'tillac , sans qu’elle se dĂ©tache de la masse qui suit d’elle-mĂȘme , en sorte qu’il n’est pas besoin d’aucune autre opĂ©ration. Quand le vaisseau est chargĂ©, on arrĂȘte celte traĂźnĂ©e , non en la coupant avec le fer ou l’airain, ce qui ne seroit pas possible ; mais on emploie , pour l’interrompre , quelques vĂȘtemens teints du sang que rendent les femmes , dans le temps de leurs rĂšgles. Tacite , Liv. Y. Dans les connnencemens , il est moins visqueux et trĂšs-tenace ; mais il s’épaissit avec le temps , et acquiert plus de duretĂ© que la poix sĂšche.’ Lorsqu’il est encore liquide, les Arabes le ramassent pour goudronner leurs vaisseaux. On trouve aussi , dans le sein de la terre , des mines d’asphalte ou de bitume. M. De la SabloniĂšre en a trouvĂ© une prĂšs de NeuchĂątel en Suisse ; on en connoĂźt une autre dans la basse Alsace. La mine de bitume de NeuchĂątel se fond au feu ; en y joignant une dixiĂšme partie de poix , on en forme un mastic impĂ©nĂ©trable Ă  l’eau. En 1745 le principal bassin du jardin du roi, a Ă©tĂ© rĂ©parĂ© avec ce mĂ©lange , et depuis ce temps , il ne s’est point dĂ©gradĂ©. C’est avec ce mastic que l’on a rĂ©parĂ© les bassins de Versailles , Laione l’arc de triomphe , ainsi que le beau vase blanc , sur lequel est en relief le sacrifice d’IphigĂ©nie. C’est aussi avec un mastic de bitume qu’on remplit, Ă  Naples , les jointures des pierres plates qui composent les plates-formes qui couvrent les maisons de celle ville , au lieu de toits. 6 4 2 L. ARCHITECTURE DE V I T R U V E. CHAPITRE VI. 'Je In distribution et de In situntion des bntimens, i/ui se trouvent dnns l intĂ©rieur des Villes. Xj’enceinte de mur achevĂ©e , on trace l’espace que doivent occuper les maisons; on prend l’alignement des grandes rues, et des plus petites. Pour bien les disposer, il faut sur-tout Ă©viter quelles ne soient dirigĂ©es vers les vents dominans , parce que leur souffle est toujours nuisible ; s’ils sont froids , ils blessent ; s’ils sont chauds, ils corrompent tout ; et s’ils sont humides , ils nuisent. Il faut Ă©viter de pareils incon- vĂ©niens ; ils se font trop sentir dans plusieurs villes ; particuliĂšrement Ă  MitylĂšne, dans l Ăźle de Lesbos ; les bĂątimens y sont beaux , et mĂȘme magnifiques , mais disposĂ©s avec si peu de prudence , que le vent du midi y cause souvent des fiĂšvres, et celui du nord-ouest la toux ; tandis que celui du nord , qui guĂ©rit ordinairement ces maladies , est si froid qu’il est impossible de demeurer dans les rues lorsqu’il domine. Le vent n’est autre chose que le flux de l’air , agitĂ© d’un mouvement plus ou moins violent. Il est produit par la chaleur, qui agit sur l'humiditĂ© son action impĂ©tueuse en fait sortir le souffle du vent. L’expĂ©rience qu’on fait avec les Ɠoli- pyles i d’airain , prouve , on ne peut pas mieux , ce que j’avance ; les effets de ces machines artificielles nous dĂ©couvrent clairement, quelles sont les causes cachĂ©es qui agitent les airs au-dessus de nous. Les Ɠolipyles sont des vases creux , faits de bronze ; ils n’ont qu’une trĂšs-petite ouverture , par laquelle on les remplit d’ean. Ces vases ne poussent aucun air , s’ils ne sont pas Ă©chauffĂ©s ; mais placĂ©s devant le feu , aussitĂŽt qu’ils Ă©prouvent la chaleur , il sort par l’ouverture un vent impĂ©tueux ; cette petite expĂ©rience dĂ©montre des vĂ©ritĂ©s importantes sur la nature de 1 air et des vents. Les lieux qui sont Ă  l’abri des vents contribuent non - seulement Ă  conserver la santĂ© de ceux qui se portent bien , mais cette bonne tempĂ©rature guĂ©rit bientĂŽt les malades , qui ne pourroient l’ĂȘlre partout ailleurs , qu’avec le secours des remĂšdes. On remarque , au contraire , que les maladies , les plus difficiles a guĂ©rir , sont tres-frĂ©quentes , dans les lieux inlempĂ©rĂ©s dont nous venons de parler ; tels sont les rhumes , la goutte , la toux , la pleurĂ©sie , la phthisie , le crachement de sang et autres , qui ne guĂ©rissent pas par les Ă©vacuations , mais par i C’est-Ă -dire, ouverture pour le vent. LIVRE I, Chap. yi. 47 l’air que contient l’eau est trĂšs condensĂ© , et la chaleur le dilate au point, qu’il lui faut une place, plusieurs milliers de fois plus grande que celle qu’il occupoit Ă©tant comprimĂ© par le froid -, c’est ce qui fait qu’il sort avec force par l’ouverture de l’oeolipyle. Il en est de mĂȘme pour les vents. A mesure que le soleil Ă©chauffe une partie de l’athmosphĂšre , oĂč l’air est plus ou moins condensĂ© par le froid , cet air , ainsi dilatĂ© , chasse , en s’étendant , l’air plus Ă©loignĂ© , ce qui cause le souflle du vent. Nous ne pouvons pas traduire tous les noms que les Grecs et les Latins donnoient aux diffĂ©rens vents , par ceux que nous leur donnons aujourd’hui. Les anciens , comme le dit Yiiruve , n’en dis- tinguoient que vingt-quatre ; tandis que nous en comptons jusqu’à trente-deux. Leurs huit principaux vents correspondent avec les nĂŽtres ; il n’en est pas de mĂȘme des autres par exemple entre l’Est et le Nord-Ést les anciens ne distinguoient que deux vents , Boreas et Carbcis y par consĂ©quent ils ne divisoient qu’en trois parties Ă©gales , l’espace qui se trouve entre l’Est et le Nord-Est. Nous autres nous y distinguons trois vents, et par consĂ©quent nous les divisons en quatre. La I. re fĂźg. de J a II mo planche fait connoĂźtre les noms et la situation des vents suivant les Grecs et les Latins, et aussi ceux que nous leur avons donnĂ©s , d’aprĂšs leur situation dans les divisions de la rose et de la boussole. EralosthĂšne , garde de la bibliothĂšque d’Alexandrie, sous le rĂšgne de PtolomĂ©e-EvergĂšte , entreprit de calculer le nombre des stades , ou mesures de 125 pas , Ă  cinq pieds le pas , qui pouvoient entrer dans le circuit de notre globe , et il eut la gloire d’approcher de la vĂ©ritĂ©. Il savoit qu’au solstice d’étĂ© , le soleil passoit par le point vertical de la ville de Sienne , situĂ©e aux confins de l’Egypte et de l’Ethiopie, sous le tropique du cancer. Il y avoit, Ă  Sienne, un puits construit pour cette observation , qui , sur le midi du jour du solstice , Ă©toit par dedans tout Ă©clairĂ© du soleil, placĂ© perpendiculairement au-dessus 1 . Il Ă©toit notoire, qu’à i5o stades Ă  la ronde , les styles Ă©levĂ©s Ă  plomb , sur une surface liorisontale , ne faisoienl point d’ombre 2 . Ayant supposĂ© Alexandrie et Sienne , Ă -peu-prĂšs, sous un mĂȘme mĂ©ridien , ou sous une mĂȘme ligne tirĂ©e d’un pĂŽle Ă  l’autre, il observa , Ă  Alexandrie , au jour du solstice , la distance du soleil au point vertical, par l’ombre d’un style Ă©levĂ© Ă  plomb du fond d’une demi-sphĂšre concave. Si ce style n’avoit point fait d’ombre, c’est parce que le soleil auroil Ă©tĂ© Ă  plomb au-dessus. Il pouvoit donc juger de la distance du sommet de l’ombre , Ă  l’égard du pied du style. Il trouva que cette distance Ă©toit la cinquantiĂšme partie de la circonfĂ©rence d’un cercle entier d’oĂč il conclut que , comme le soleil alors perpendiculaire sur la ville de Sienne , Ă©toit distant du point vertical , d’Alexandrie , de la cinquantiĂšme partie de la circonfĂ©rence de tout le ciel , Alexandrie Ă©toit distante de Sienne de la cinquantiĂšme partie de la circonfĂ©rence de la terre. Il Ă©toit aisĂ© aprĂšs cela de savoir la distance de ces . deux villes , et de la rĂ©pĂ©ter cinquante fois. Ayant donc supputĂ© cette distance de cinq mille stades , il trouva la circonfĂ©rence terrestre , de deux cent cinquante mille stades ; qui , rĂ©duites en lieues communes , Ă  vingt-quatre stades chacune , font dix mille quatre cent seize lieues et seize stades. C’étoil dĂ©jĂ  beaucoup approcher de la supputation des modernes , selon laquelle on trouve le circuit de la terre d’un peu plus de gooo lieues communes. Les anciens philosophes ne sont pas d’accord entr’eux , sur la mesure qu’ils assignent Ă  la cir- ? timbras nusquam Jlcdente Sjene. Phars. de Lueain , Liv. 11. v. 58;. 1 Pline, Liv. 11. Ch. 63. 48 l’ARCHITECTURE DE VI TRtJVE. confĂ©rence du globe. Hipparque , suivant Pline , lui donne 53 o 62 5 mille ; Possidonius 3oooo j PtolomĂ©e 225oo ; Alfragan et Tebitius 2o5oo. Philander croit que la cause de cette variĂ©tĂ© vient de la diffĂ©rence des pas dont ils se sont servis. Tellement, dit-il, que les uns Ă©toient de deux pieds.; d’autres de deux pieds et demi ; d’autres de trois, pieds ; d’autres de quatre ; d’autres de cinq. d’autres enfin de six. Yitruve nous apprend qu’il avoit placĂ© deux figures , Ă  la fin de ce livre , l’une qui indiquoit la direction des vepts , et l’autre la maniĂšre d’éviter, que les rues ne se trouvassent dans leur direction ; ces figures , non plus que toutes celles qu’il annonce se trouver Ă  la fin de chaque livre , ne sont pas parvenues jusqu’à nous ce que nous devons beaucoup regretter. Comme tous ceux qui ont traduit Yitruve avant moi, j’ai tĂąchĂ© d’en faire d’aprĂšs le texte ; si elles ne ressemblent pas Ă  celles de Yitruve, du moins elles en faciliteront Pintelligence. Yoyez la premiĂšre et la deuxiĂšme figure de la seconde planche. Les interprĂštes ne sont pas d’accord , ni sur le nombre des rues , ni sur la figure que Yitruve a voulu donner Ă  celte ville. J’ai copiĂ© celle de Galiani; comme lui , je l’ai fait octogone, et rĂ©duit, Ă  huit, le nombre des grandes rues. La diversitĂ© d’opinions, pour le nombre des rues, vient, comme l’observe Philander , de ce que souvent chez les Piomains , lorsqu’on mettoit des lettres qui indi- quoient des nombres moindres, avant une lettre qui en indiquoit un plus fort, il falloit retrancher, de ce dernier nombre , celui irfdiquĂ© par les lettres prĂ©cĂ©dentes ; comme dans le texte de Yitruve , le nombre huit est ainsi indiquĂ© IIX , ils ont donc ĂŽtĂ© deux de dix. Philander rapporte plusieurs inscriptions trouvĂ©es Ă  Rome et ailleurs , oĂč les nombres sont indiquĂ©s de la sorte. Il suit de lĂ  , que les ĂŽopistes auront aisĂ©ment marquĂ© XII au lieu de IIX. %/VWVVVV\VVVVVV>VVVVVVVVVVV\' tw Wf\ LIVRE I, C h a p. vi. 45 de Façonicus 7 sont Argeste 8 et les Etesiens 9 qui soufflent en certains temps de l’annĂ©e ; autour de Caurus 10 , sont Circius u et Corus 12 ; aux cĂŽtĂ©s de Septentrio i 3 , sont Thrascias i 4 et Gallicus i 5 ; Ă  droite et Ă  gauche d’ Aquilon 16, sont Supemas 17 et Boreas 18; auprĂšs de Solanus 19, sont Carbas 20, et en certains temps les Ornithies 21 ; et enfin , aux cĂŽtĂ©s d 'Eurus 22 , sont CƓcias 23 et Vulturus 24. Il existe encore une infinitĂ© d’autres vents qui portent le nom des terrĂ©s, des fleuves et des montagnes d’oĂč ils viennent. On peut y ajouter ceux qui soufflent le matin , produits par les rayons du soleil, qui frappe rhumi- ditĂ© que la nuit rĂ©pand dans l’air ; ils viennent ordinairement du vent Eurus , qu’il paroĂźt que les Grecs ont nommĂ© Spoç, Ă  cause que les vapeurs du matin les, produisent. C’est aussi Ă  cause de ces vents , qu’ils ont appelĂ© mptov le jour du lendemain. Quelques personnes nient qu’EratosthĂšne eĂ»t pu trouver la vĂ©ritable mesure du tour de la terre ; mais que son calcul soit exact ou non , cela n empĂȘche pas que notre division des rĂ©gions des vents ne soit bonne. Il suffit de savoir que les vents ne se ressemblent pas , et qu'ils sont plus ou moins impĂ©tueux. Comme je me suis expliquĂ© peut-ĂȘtre trop briĂšvement pour ĂȘtre bien compris, j’ai cru qu’il ronvenoit de mettre, Ă  la fin de ce livre, une de ces figures que les Grecs appellent , plan raccourci et cela pour deux raisons ; la premiĂšre , pour marquer prĂ©cisĂ©ment les rĂ©gions d oĂč les vents partent ; la seconde, pour faire con- noĂźtre la façon de diriger les rues, pour que le vent ne puisse incommoder. * On marquera sur une table, bien unie, le centre A ; et l’ombre que le gnomon fait, avant midi , sera aussi marquĂ©e au droit de B ; et posant au centre A , une branche du compas, 011 Ă©tendra l’autre jusqu’à B, d’oĂč on dĂ©crira un cercle ; et ayant remis le style dans le centre oĂč il Ă©toit, on attendra que l’ombre dĂ©croisse , et qu’en- suite recommençant Ă  croĂźtre , elle devienne pareille Ă  celle d’avant midi , ce qui 7 Ouest. 8 Ouest, tiers de Sud-Ouest. 9 Ouest , tiers de Nord~Ouesi. 10 Nord-Ouest. + n Nord-Ouest, tiers d’Ouest. 12 Nord-Ouest, tiers de Nord. Ci 3 Nord. 4 Nord, tiers de Nord-Ouest. i 5 Nord, tiers de Nord-Est. iG Nord-Est, 17 Nord-Est, tiers de Nord. 18 Nord-Est j tiers d’Est. 19 Sud-Est. 20 Sud-Est i tiers d’Est. 21 Sud-Est, tiers de Sud. 22 Est. 23 Est, tiers de Nord-Est. 24. Est , tiers de Sud-Est. * Planche II. me fig. 2. 46 I, ’ A R C I T E C T U R E DE VITRUVE. arrivera, lorsqu elle touchera la ligne circulaire au point C ; et alors, il faudra , du point B et du point C , dĂ©crire avec le compas deux lignes qui s’entre-coupent Ă  D, duquel point D on tirera , par le centre * une ligne marquĂ©e EF , qui montrera la rĂ©gion mĂ©ridionale et la septentrionale ; aprĂšs quoi on prendra , avec le compas , la seiziĂšme partie du cercle , et mettant une branche au point E , qui est celui par lequel la ligne mĂ©ridienne touche le cercle , on marquera avec 1 autre branche , a droite et Ă  gauche , les points G et H ; et tout de mĂȘme dans la partie septentrionale , mettant une branche du compas sur le point F , on marquera , avec l’autre, les points f et K, et on tirera des lignes de G Ă  K et de H Ă  I, qui passeront par le centre ; de sorte que l’espace, qui est de G Ă  H, sera pour le vent du midi, et pour toute la rĂ©gion mĂ©ridionale ; et celui de 1 Ă  K sera pour la septentrionale ; les autres parties qui sont trois Ă  droite, et autant Ă  gauche, seront divisĂ©es Ă©galement ; savoir celles qui sont, Ă  l’orient, marquĂ©es LM, et celles qui sont, Ă  l’occident, marquĂ©es N et O ; et de M Ă  O , et de L Ă  N, on tirera des lignes qui se croiseront; et ainsi on aura , dans toute la circonfĂ©rence , huit espaces Ă©gaux pour les vents. Cette figure achevĂ©e , on trouvera , dans chaque angle de l’octogone , une lettre , savoir entre Eurus et Auster la lettre G , entre Auster et Africus H , entre Africus et Favonius N , entre Favonius et Caurus O , entre Caurus et Septentrio K , entre Septentrio et Aquilo I, entre Aquilo et Solanus L, entre Solanus et Eurus M. Le tout terminĂ© de la sorte, on pose l’équerre entre les angles de l’octogone O A H, KAN, pour marquer l’alignement et la division des huit grandes rues et de toutes les petites. R E M A RQ UES. Ce que Yitruve rapporte sur la cause des vents , prouve , de nouveau, combien il avoit le jugement bon , puisqu’au milieu de tant de systĂšmes faux , il choisissoit toujours ce qui approchoit le plus de la vĂ©ritĂ©. Les lumiĂšres des anciens, tant en physique qu’en histoire naturelle, n’éloient pas aussi Ă©tendues que les nĂŽtres ; parmi un grand nombre d’erreurs , il se trouvoit cependant quelques parcelles de vĂ©ritĂ© , mais il falloit infiniment de gĂ©nie pour pouvoir les saisir. On peut voir , dans le 54. me Chapitre du deuxiĂšme Livre 4e Pline , toutes les idĂ©es des anciens sur l’origine des vents. Yitruve suppose que le vent n’est autre chose que l’air mis en mouvement. SĂ©nĂšque se sert d’une comparaison trĂšs-ingĂ©nieuse pour exprimer cette pensĂ©e. La diffĂ©rence qui existe, dit-ilentre l’air et le vent, est la mĂȘme que celle qui existe entre les eaux d J un fleuve et celles d’un lac. Ăź Yitruve ajoute ensuite , que c’est la chaleur qui fait sortir l’air de l’humiditĂ© , ce qui produit le vent. Pour le prouver , il cite l’expĂ©rience qui se fait avec les Ɠolipyles d’airain. II n’avoit plus qu’un pas Ă  hure pour dĂ©couvrir la rarĂ©faction de Pair. Lorsqu’on ceolipyĂźe rempli d’eau sur un feu ardent, i Hue interest inter aĂ©ra et fentum , qvnd inter lacum et /lumen, Senec. quest. nat. Liv. V. LIVRE I, C H A P. y h. 49 fi M te n% l’autif. tpaiif fit pou autre; savoi- iquĂ©e fit aiii lettre J Afirici! , ente i tout [AS, itiites, e pige*, choit k s vents. ;r t d’n»* ;ntr^ I Yiimf't â–ș is aW ardeĂŒi. CHAPITRE VIL OU Ton doit placer les Édifices Publics. - . i r i ' . avoir rĂ©glĂ© la division des mes , il faudra choisir les emplacemens pour les Ă©difices publics qui se trouvent dans toutes les villes ; tels sont les temples et les marchĂ©s publics. Si la ville est au bord de la mer , il faut, que le marchĂ© soit prĂšs du port ; et il doit ĂȘtre au milieu de la ville , si elle est loin de la mer. On doit placer les temples des Dieux tutĂ©laires , tels que ceux de Jupiter , de Junon et de Minerve ; dans les lieux les plus Ă©levĂ©s , d’oĂč l’on puisse dĂ©couvrir la plus grande partie des murs de la ville. Ceux de Mercure, d’Isis et de SĂ©rapis doivent ĂȘtre dans les marchĂ©s ; ceux d’Apollon et de Bacchus prĂšs du théùtre; celui d’Hercule prĂšs du Cirque , si toutefois il ne s’y trouve pas de gymnase i , ni d’amphithéùtre; celui de Mars dans un champ hors de la ville. Il en est de mĂȘme de celui de VĂ©nus, sinon qu’il doit ĂȘtre prĂšs des portes. On en voit la raison dans les livres des Aruspices Toscans , qui prĂ©tendent que les temples de VĂ©nus, de Vulcain et de Mars , soient placĂ©s hors de la ville. Le premier pour empĂȘcher, entre les jeunes gens et les mĂšres de famille, les occasions d’un commerce vicieux. Le second pour Ă©carter des murs les effets destructeurs de la puissance de Vulcain, ensuite , par des priĂšres et des sacrifices , se dĂ©livrer de la crainte de voir les maisons incendiĂ©es. Le troisiĂšme pour prĂ©venir les querelles intestines et les meurtres des citoyens , les rassurer contre les entreprises des ennemis et les pĂ©rils de la guerre. Le temple de CĂ©rĂšs doit aussi ĂȘtre bĂąti hors de la ville, dans un lieu trĂšs - reculĂ©, oĂč on ne soit dans le cas d’aller que pour sacrifier parce que ce lieu doit ĂȘtre gardĂ© avec un respect religieux et une grande saintetĂ© de mƓurs. Les temples des autres dieux doivent aussi ĂȘtre placĂ©s dans des lieux commodes pour leurs sacrifices. Dans le troisiĂšme et dans le quatriĂšme livres, j’enseignerai la maniĂšre de bĂątir les temples , et ferai connoĂźtre leurs proportions ; mais auparavant, je veux parler des matĂ©riaux , de leurs qualitĂ©s et de leur usage ; c’est ce que je vais faire dans le deuxiĂšme livre. Dans les suivans, je ferai connoĂźtre la diffĂ©rence des ordres, ainsi que les divers genres et proportions des Ă©difices. i Lieu destinĂ© aux exercices de la jeunesse, \ 7 5o % L'ARCHITECTURE DE VITRUVE. REMARQUES. Le prĂ©cepte des aruspices toscans n’a pas toujours ete suivi bien exactement ; puiscpi a Rome le temple de Mars vengeur , Ă©toit dans le forum d’Auguste celui de Venus etoit dans le forum de Jules-CĂ©sar et plusieurs autres temples , consacres aux divinitĂ©s malfaisantes , etoient dans la ville ; comme celui de la FiĂšvre , de Vulcain , de la mauvaise Fortune et de la Paresse , etc. Il est vrai que plusieurs de ces temples Ă©toient , dans le principe , hors des murs de la ville ; mais lorsqu’elle vint Ă  s’étendre , ils se trouvĂšrent enclavĂ©s dedans. Il n’y avoit rien de plus auguste ni de plus sacrĂ© dans la GrĂšce , que les mystĂšres de CĂ©rĂšs les plus grands personnages, non seulement de la GrĂšce , mais de Rome , s’y faisoient initier.; tĂ©moin le scythe Anacharsis , lorsqu’il fut fait citoyen d’AthĂšnes ; Atticus, Auguste mĂȘme , etc. L’objet, de cette espĂšce de confrairie , Ă©toit de rendre meilleurs et plus vertueux ceux que l’on y admettoit. Il Ă©toit dĂ©fendu aux initiĂ©s mĂȘme , sous peine de mort, de divulguer les mystĂšres de la dĂ©esse ; ceux qui violoient cette loi, Ă©toient censĂ©s avoir encouru l’ire et l’indignation des dieux. . . . Vetabo s qui Cereris sacrum Vulgarit arcanƓ , sub iisdem Sit trabibus } fragilemque mecum Solvat phaselum . Horat. Liv. 111. ode 2 . Pausanias , dans sa description de la GrĂšce , craint de parler de ces mystĂšres ; on sait, dit-il, que ceux qui ne sont pas initiĂ©s Ă  ces mystĂšres, ne doivent pas en prendre connoissance , ni avoir la libertĂ© de s’en informer 1 }. ‱ 1 Paujin. Liv. 1. Ch. 14 . Liv. 1. Ch. 38. 1 WW%/WWV%/WWV%/WWV L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. LIVRE SECOND. INTRODUCTION. L’architecte Dinocrate , se fiant Ă  ses connoissances et Ă  son gĂ©nie , part un jour de la MacĂ©doine , pour se rendre Ă  l’armĂ©e d’Alexandre , et tĂącher d’acquĂ©rir la protection de ce grand prince , qui venoit de faire la conquĂȘte d’une grande partie de l’univers. Ses parens et ses amis lui avoient donnĂ© des lettres de recommandation , pour les personnes les plus distinguĂ©es de la cour , 'afin de lui procurer un accĂšs plus facile auprĂšs du prince. Les personnes auxquelles il s’adressa lui ayant fait l’accueil le plus favorable , il les pria de le prĂ©senter de suite Ă  Alexandre ; ils le lui promirent ; mais comme ils diffĂ©roient l’exĂ©cution de sa demande , sous prĂ©texte d’attendre une occasion favorable , Dinocrate , se croyant jouĂ© par leurs vaines promesses , trouva le moyen de se produire lui - mĂȘme. La nature l’avoit douĂ© d’une taille remarquable ; sa figure et tout son extĂ©rieur annonçoient un homme distinguĂ©. Fort de ces avantages qu’il ne devoit qu’à lui , il se dĂ©pouille de ses habits , se frotte entiĂšrement le corps d’huile., se couronne d’une branche de peupher , couvre son Ă©paule gauche d’une peau de lion , prend une massue Ă  la main , et dans cet Ă©quipage , il s’approche * du trĂŽne oĂč le roi Ă©toit assis et rendoit la justice. Un spectacle aussi nouveau , attire sur lui les yeux - de ceux qui se trouvoient lĂ  ; Alexandre , qui l’aperçut, en fut surpris lui-mĂȘme ; il ordonne qu’on le laisse approcher , et lui demande qui il est ; il rĂ©pond je 7 - 52 L’ARCHITECTURE DE VITRÜVE. suis l'architecte Dinocrate , macĂ©donien , et j'apporte Ă  Alexandre des pensĂ©es et des desseins dignes de sa grandeur. Jai projetĂ© de donner au mont Athos la forme d’un homme qui tient dans sa main gauche une grande ville , et dans sa droite , une coupe , qui reçoit les eaux de toutes les riviĂšres qui s Ă©coulent de cette montagne , pour les verser dans la mer. Alexandre goĂ»ta cette idĂ©e ; mais il lui demanda s’il y avoit des campagnes aux environs de cette ville , qui pussent produire des bleds , pour la faire subsister ? On trouva qu’il ne pouvoit les faire venir que par la mer. Alexandre lui dit alors Dinocrate , j’avoue que votre projet est ĂŻfitĂ» , et qu’il me plaĂźt beaucoup ; mais je crois qu’on accuseroit celai qui Ă©tabliroit une colonie dans le lieu que vous me proposez , d’ĂȘtre peu prĂ©voyant; car de mĂȘme qu’un enfant ne peut se nourrir, ni croĂźtre sans le lait d’une nourrice , ainsi les habitans d’une ville ne"peuvent subsister , et encore moins augmenter leur population, s’ils ne sont abondamment pourvus de vivres. Tout ce que je puis vous dire , c’est que je loue la beautĂ© de votre dessein , si je dĂ©sapprouve le choix de remplacement que vous avez fait pour l’exĂ©cuter ; mais je dĂ©sire que vous demeuriez auprĂšs de moi, parce que je veux me servir de vous. Depuis ce temps, Dinocrate ne quitta plus le roi et le suivit en-Egypte. Alexandre y ayant dĂ©couvert un bon port, bien abritĂ© , environnĂ© de campagnes fertiles , oĂč tous les avantages se Irouvoient rĂ©unis, Ă  cause de la proximitĂ© du Ml; il ordonna Ă  Dinocrate d’y bĂątir une ville qui, de son nom , fĂ»t appelĂ©e Alexandrie. Tel fut l’heureux succĂšs de l’entreprise de Dinocrate , sa bonne mine fut sa premiĂšre recommandation. Quant Ă  moi , CĂ©sar , la nature ne m’accorda point ces dehors imposans ; l’ñge et les infirmitĂ©s ont ruinĂ© mes forces, et imprimĂ© sur mon front les rides de la vieillesse mais quoique dĂ©pourvu de ces avantages , j’espĂšre y supplĂ©er par le secours de la science, et mĂ©riter par mes Ă©crits votre protection. Dans le premier livre dĂ© cet ouvrage , j’ai traitĂ© de l'architecture en gĂ©nĂ©ral, et des principes de cet art j’ai parlĂ© ensuite de la construction des murailles des villes , et exposĂ© de quelle maniĂšre elles dĂ©voient ĂȘtre divisĂ©es dans leur enceinte. Pour suivre 1 ordre naturel de 1 architecture , je devrais traiter maintenant de la construction des temples et des Ă©difices , tant publics que particuliers , et des proportions qu on doit leur donner ; je n’ai cependant cm devoir le faire , qu’aprĂšs avoir parlĂ© des matĂ©riaux , de leurs principes , de leurs qualitĂ©s ; et mĂȘme , avant d expli quel cette matiĂšre , j ai jugĂ© a propos , de parler des diffĂ©rentes maniĂšres de bĂątir, de leur origine, des progrĂšs qu’on y a faits; de rechercher dans l’antiquitĂ©, ceux qui ont rĂ©duit en principes et laissĂ© Ă  la postĂ©ritĂ© les leçons de cet art ; c’est ce que je tĂącherai d expliquer, comme je l’ai appris des anciens auteurs. 53 LIVRE- II; C h a p. i. RE 31 ARQUES. Plutarque , dans la vie d’Alexandre , nomme StĂŠsicraie , l’architecte qui prĂ©senta Ă  Alexandre le modĂšle du mont Athos en forme de gĂ©ant. Pline et Solin , ainsi que Yitruve, nomment Dinocrate, rarchitecte dont Alexandre se servit pour bĂątir Alexandrie. Strabon et Arrien l’appellent Chino- crate, ou comme d’autres lisent, Chiromocrate. Justin, Liv. XII, le nomme ClĂ©omĂšne. Philander rapporte cette ancienne inscription grecque qui se trouve encore dans la ville d’Alexandrie, et qui le nomme DĂ©mocrates. As/ ‱xvjpiKKvtoq Ă pXT ç fis s’îsçsv Si KXs%avdpov CHAPITRE PREMIER. Origine des Edifices. Dans les temps les plus reculĂ©s, les hommes, semblables au reste des animaux, nais- soient dans les forĂȘts ; ils avoient, pour demeure, des cavernes, et pour nourriture , des fruits sauvages. Le hasard voulut qu’un vent impĂ©tueux vint Ă  pousser, avec violence ; des arbres qui Ă©toient serrĂ©s les uns prĂšs des autres; ils s’entre-choquĂšrent si rudement , qu’ils s enflammĂšrent. Le feu Ă©tonna d’abord , et fit fuir ceux qui en Ă©toient le plus prĂšs ; bientĂŽt ils se rassurĂšrent, et s’étant rapprochĂ©s , ils Ă©prouvĂšrent que la chaleur tempĂ©rĂ©e du feu n’avoit rien que d’agrĂ©able ; ils y jetĂšrent du bois pour l’entretenir, et amenĂšrent d’autres hommes , auxquels ils firent sentir, par signes , l’utilitĂ© de leur dĂ©couverte. Les hommes , ainsi rassemblĂ©s, articuloient diffĂ©rens sons qui, rĂ©pĂ©tĂ©s de jour en jour, formĂšrent par hasard certains mots dont l’expression habituelle servit Ă  dĂ©signer les objets ; et bientĂŽt ils eurent un langage qui leur permit de se parler et de se comprendre. C’est donc la dĂ©couverte du feu qui donna occasion aux hommes de se rĂ©unir en sociĂ©tĂ©, et d’habiter dans un mĂȘme endroit. La nature , d’ailleurs , les ayant douĂ©s de plusieurs avantages qu elle a refusĂ©s aux autres animaux , comme de marcher droits , Ă©levĂ©s , de contempler le magnifique spectacle de la terre et des deux , et de pouvoir , Ă  l’aide de leurs mains , faire toutes choses avec facilitĂ© ; les uns commencĂšrent Ă  construire des huttes de feuillages ; les autres Ă  creuser des cavernes aux pieds des montagnes. D autres, imitant les hirondelles , employoient de petites branches d’arbre et de la terre grasse, et cons- truisoient des retraites , oĂč ils se rĂ©fugioient ; chacun considĂ©roit l’ouvrage de son voisin et perfectionnoit ses propres inventions, aprĂšs avoir remarquĂ© celles d’autrui. 54 L’ARCHITECTURE DE VITRUYE. Les progrĂšs Ă©taient rapides , et la maniĂšre de bĂątir leurs cabanes s’amĂ©lioroit de jour en jour ; comme les hommes sont naturellement dociles et propres Ă  imiter et perfectionner, chaque jour ils se glorifioient de leurs nouvelles dĂ©couvertes, et s’en communiquoient les effets progressifs. C’est ainsi qu’en exerçant leur Esprit, ils rec- tilioient Ă  l’envi les ouvrages qu’ils entreprenoient. i. * Ils commencĂšrent d’abord par planter des fourches, sur lesquelles ils placĂšrent des branches d’arbres entrelacĂ©es les unes dans les autres ; ils remplissoient les vui- des , et enduisoient le tout de terre grasse ; ils faisoient de mĂȘme les murailles ; d’autres les bĂątirent avec, des morceaux de terre grasse , dessĂ©chĂ©s , sur lesquels ils posoient des piĂšces de bois en travers ; pour les garantir de la pluie et des ardeurs du soleil, ils les couvrirent de cannes et de branches dessĂ©chĂ©es ; mais comme elles ne pouvoient rĂ©sister aux pluies de l’hiver , ils Ă©levĂšrent des combles inclinĂ©s qu’ils enduisirent de terre grasse pour faire Ă©couler les eaux. Ce qui nous prouve que les premiers bĂ timens ont Ă©tĂ© faits de cette maniĂšre , c’est qu’encore aujourd’hui , nous voyons que les nations Ă©trangĂšres se font de semblables habitations , et einployent les mĂȘmes matĂ©riaux pour les construire ; comme dans la Gaule, l’Espagne, le Portugal et dans l’Aquitaine ; les maisons y sont couvertes de chaume ou de hardeaux faits de chĂȘnes , en forme de tuiles. Dans le royaume de Pont, dans la Colchide * **, oĂč le bois est trĂšs-abondant, Ă  cause des forĂȘts qui s’y trouvent, on bĂątit de cette maniĂšre on Ă©tend par terre, Ă  droite et Ă  gauche , des arbres dans leur longueur, entre lesquels on laisse l’espace nĂ©cessaire pour en coucher de semblables en travers, auxquels ils sont attachĂ©s par leurs extrĂ©mitĂ©s , dans les quatre angles , de maniĂšre qu’ils enferment tout l’espace destinĂ© pour l’habitation. On pose sur ceux-ci , des quatre cĂŽtĂ©s, d’autres arbres qui portent perpendiculairement les uns sur les autres ; puisqu’on les met d'Ă  plomb sur celui d’en bas, et on Ă©lĂšve ainsi les murailles des tours. On remplit avec des Ă©chalats et de la terre grasse les intervalles causĂ©s par l’épaisseur des poutres ; on forme les toits de la mĂȘme maniĂšre. De l’extrĂ©mitĂ© de chaque angle, on arrange des poutres de mĂȘme ; mais Ă  mesure qu’elles s’élĂšvent de degrĂ© en degrĂ© , on les accourcit tellement, qu’elles forment une pyramide j qu’on couvre de feuilles et de limon. Telle est la maniĂšre rustique dont la croupe des toits est formĂ©e. Les Phrygiens *** qui habitent des plaines , oĂč il n’y a pas de forĂȘts qui leur fournissent des bois pour bĂątir , creusent de petits tertres , naturellement Ă©levĂ©s , les Ă©largissent, autant que la nature du lieu le permet, et tracent un chemin pour y conduire ; sur le bord de ce creux, ils arrangent plusieurs perches * Planche IIÎ, me fig. 2. A, *** Planche III,ℱ fig. 2 . G. ** Planche UI. rac fig, 2. B, LIVRE II, Ch a p. iv 55 ' liĂ©es par le haut, en forme de pointe; ils les couvrent de cannes et de chaume , ! sur lesquels ils entassent une grande quantitĂ© de terre; par lĂ , ils rendent leurs habitations trĂšs-chaudes pendant l’hiver, et trĂšs-fraĂźches pendant l’étĂ©. Dans d’autres pays, on couvre les toits ,avec des herbes prises dans les Ă©tangs. En un mot chaque peuple a une diffĂ©rente maniĂšre de bĂątir. A Marseille, au lieu de tuiles, les' maisons sont couvertes de terre grasse pĂ©trie avec de la paille Ă  AthĂšnes v on montre encore aujourd’hui, comme une chose curieuse par son antiquitĂ©, les toits de l’ArĂ©opage faits de terre grasse; parmi les temples de la forteresse du Capitole , la cabane de Ilomulus, couverte de chaume , nous offre aussi cette ancienne maniĂšre de bĂątir. D’aprĂšs ces exemples, nous pouvons juger ce qu’étoient les bĂąti- mens des anciens; mais de jour en jour, Ă  force de bĂątir, on est devenu plus habile dans cet art, et l’expĂ©rience ayant multipliĂ© les lumiĂšres , ceux qui s’y Sont adonnĂ©s , en ont fait une profession particuliĂšre. Comme les hommes ne se distinguent pas seulement des animaux par la supĂ©rioritĂ© que leurs sens ont sur les leurs, mais sur-tout par l’esprit qui les rend maĂźtres de tout ce qui est dans la nature, l’industrie qu’ils ont acquise, par la nĂ©cessitĂ© de bĂątir, a Ă©tĂ© pour eux le premier degrĂ© pour parvenir Ă  la connoissance des autres arts, et pour passer d’une vie sauvage Ă  la politesse et Ă  la civilisation qui convient Ă  la nature humaine. Ainsi Ă©levant leur courage et donnant Ă  leurs conceptions progressives tout l’essor que la variĂ©tĂ© des sciences leur inspirait, ils abandonnĂšrent leurs cabanes pour bĂątir des maisons dont ils construisirent les murs de briques ou de pierres, et les couvrirent de bois et de tuiles ,* ils rĂ©flĂ©chirent ensuite sur leurs premiĂšres observations d’aprĂšs ce& rĂ©flexions, ils fixĂšrent leur jugement et parvinrent Ă  connoĂźtre trĂšs-exactement les vĂ©ritables rĂšgles de la proportion dont ils n’étoient pas certains dans le principe. Ayant remarquĂ© que la nature leur fournissoit abondamment les matĂ©riaux nĂ©cessaires pour les Ă©difices , ils ont tellement cultivĂ©, par la pratique, l’art de bĂątir, qu’ils l’ont portĂ© Ă  la plus haute perfection; avec le secours des autres arts, ils ajoutĂšrent, 1 au nĂ©cessaire, les ornemens et les commoditĂ©s qui peuvent contribuer aux agrĂ©mens de la vie. Je me propose d’expliquer ces divers objets avec toute l’attention dont je suis capable; je rapporterai tout ce qu’on peut dire sur les propriĂ©tĂ©s, la commoditĂ© et 1 usage des Ă©difices. Quelques personnes, peut-ĂȘtre, critiqueront l’ordre que j’ai suivi pour placer mes livres, et prĂ©tendront que celui-ci devrait ĂȘtre le premier; je leur rĂ©pondrai que mon projet Ă©tant dĂ©crire sur toute l’architecture en gĂ©nĂ©ral, j’ai cru devoir parler, d’abord, des diffĂ©rentes connoissances qui sont nĂ©cessaires Ă  cet art, des parties qui le composent, et quelle a Ă©tĂ© son origine. C’est ce que j’ai fait en exposait les qua- 56 L'ARCHITECTURE -DE V I T R U V E. lires que doit avoir un architecte. Tellement qu’aprĂšs avoir parlĂ© de ce qui dĂ©pend de l’art, je vais, dans ce second livre, m’occuper des diffĂ©rens matĂ©riaux que la nature fournit pour la construction des Ă©difices. Je ne dirai donc plus rien de 1 origine de l’architecture, mais bien de celle des hĂątimens; et comme on est parvenu Ă  les perfectionner, au point oĂč nous les voyons aujourd'hui, il est Ă©vident, daprĂšs cela, que ce second livre est Ă  sa place. Pour~revenir aux objets qui sont nĂ©cessaires pour bĂątir, je vais raisonner sur les diverses matiĂšres qu’on y emploie, et expliquer le plus clairement qu il me sera possible, comment la nature les produit, ou par quelle combinaison dĂ©lĂ©mens, elle les forme telles que nous les voyons car il n’y a rien sur la terre , dont ils ne soient le principe; tout ce qui appartient Ă  la nature ne peut s’expliquer clairement en physique, si l'on ne dĂ©montre, par de bonnes raisons, quels sont les principes de chaque chose. CHAPITRE IL Des principes de toutes choses , d aprĂšs le sentiment des Philosophes. JT h A lĂšs, le premier, a cru que feau Ă©toit le principe de toutes choses. Heraclite d’EphĂšse , qui fut surnommĂ© 'scoleinos i, Ă  cause de l’obscuritĂ© de ses Ă©crits, disoit que c’étoit le feu. DĂ©mocrite , et aprĂšs lui Epicure, vouloient que ce fussent les atomes , qui sont des corps qui ne peuvent ĂȘtre coupĂ©s ni divisĂ©s. Ceux qui sui T vent la doctrine de Pythagore , outre l’eau et le feu, mettent encore au nombre des Ă©lĂ©mens l’air et la terre. Quoique DĂ©mocrite ne donne pas des noms particuliers aux principes qu’il admet, et se borne Ă  les dĂ©finir comme des corps indivisibles, il semble que par lĂ  il a voulu aussi entendre ces mĂȘmes Ă©lĂ©mens; car ce n’est qu’au- tant qu’ils sont sĂ©parĂ©s les uns des autres qu’ils les suppose incapables de s'altĂ©rer et de se corrompre, et qu’il leur donne une nature Ă©ternelle , infinie et solide. Il paraĂźt donc que tout ce que contient la nature, est composĂ© de ces Ă©lĂ©mens, et leur doit 1 existence ; qu’ils y sont rĂ©pandus et divisĂ©s de toutes les maniĂšres. J’ai cm qu’il falloit faire connoĂźlre leurs variĂ©tĂ©s , leurs diffĂ©rentes propriĂ©tĂ©s, l’usage qu’on en fait, et le parti qu on en tire pour construire les Ă©difices, afin que ceux qui bĂątissent ne soient pas dans le cas de se tromper, mais qu’ils puissent faire un bon choix dans les matĂ©riaux dont ils auront besoin. ĂŻ C’est-Ă -dire, iĂ©nĂ©breu», CHAPITRE LITRE IX, Ch-a p, ni, ;>. CHAPITRE III. Des Briques. , * Parlons d’abord des briques , et de quelle terre elles doivent ĂȘtre faites. Celle, qui est pleine de gravier, de cailloux, ou de sable , ne vaut rien, parce qu elle les rend trop pesantes , et qu’ensuite elles sont sujettes Ă  se dĂ©tremper et se fondre ; lorsqu’elles sont mouillĂ©es par la pluie car cette terre, quoique, rude, n’est pas assez liante pour faire corps avec les pailles qu’on y met. Il faut les faire avec de la terre blanche semblable Ă  la craie, ou rouge, ou mĂȘlĂ©e de sable; parce que ces matiĂšres, Ă  cause de leur douceur , sont plus compactes, ne pĂšsent pas tant sur l’ouvrage , et se prĂ©parent aisĂ©ment. Le printemps et l’automne sont les temps les plus propres pour mouler les briques ; parce que , pendant ces saisons , elles peuvent se sĂ©cher Ă©galement par - tout ; au lieu qu’en Ă©tĂ© , le soleil les sĂ©chant tout de suite, en dehors, on croit qu elles le sont aussi intĂ©rieurement, mais ce n’est qu’à la longue et en se rĂ©trĂ©cissant qu elles sĂšchent, ce qui fait fendre et rompre leur superficie , et les gĂątent entiĂšrement. Le mieux seroit de les garder deux ans entiers , avant de s’en servir car si on les emploie lorsqu’elles sont nouvelles , avant d’ĂȘtre sĂšches ; l’enduit qu’on met dessus , se sĂ©chant plus vite , et prenant de la consistance , les briques s’affaissent et s’en sĂ©parent en se resserrant. Par-lĂ  , l’enduit n’est plus attachĂ© Ă  la muraille, et n’étant plus capable de se soutenir de lui-mĂȘme, Ă  cause de son peu d’épaisseur, il se rompt. La muraille s’affaisse Ă©galement çà et lĂ  , se gĂąte et se ruine. C’est pourquoi, dans Utique, on ne met les briques en Ɠuvre qu’aprĂšs que le magistrat les a visitĂ©es, et qu’il a reconnu qu’il y a cinq ans quelles sont moulĂ©es. On fait trois sortes de briques; la premiĂšre est celle dont nous nous servons , on l’appĂšle en grec Didoron ; i elle est longue d’un pied , et large d’un demi- pied; D les deux autres , qui sont le Pentadoron , 2 * A. et le Tetradoron, 3.C sont celles que les Grecs emploient habituellement. Les Grecs appellent le palme Do- ron , parce que Doron signifie un prĂ©sent, et que le prĂ©sent se porte ordinairement dans la paume de la main. Ainsi la brique qui a cinq palmes en carrĂ© s’appĂšie Pentadoron ; celle qui en a quatre, Tetradoron. Les ouvrages publics se font avec le 1 De deux palmes. 2 De cinq palmes. * Planclie lll. mc fig. 1. S De quaire palmes. * 8 58 L ’ 4 II C H I ĂŻ E C T U K E DE V I T R U Y E. Pentadoron, et ceux des particuliers en Tetradoron. Avec ces diffĂ©rentes espĂšces de briques, on fait aussi des demi-briques et lorsqu’on Ă©lĂšve une muraille , on met, alternativement d’un cĂŽtĂ©, un rang de briques, et de 1 autre un rang de demi-briques, de sorte qu'Ă©tant rangĂ©es en ligne Ă  chaque parement , celles d'une assise s’entrelacent avec celles d’une autre , et de plus le milieu de chaque brique se rencontre sur un joint montant ; cela rend la structure plus ferme et plus agrĂ©able Ă  la vue. Celles qu’on fait Ă  Calente , ville d’Espagne , et Ă  Marseille dans la Gaule , comme aussi Ă  Pitane ville d’Asie , surnagent sĂŒr l’eau quand elles sont sĂšches ; Ă  cause que la terre, dont on les faits , est spongieuse; outre sa lĂ©gĂšretĂ©, ses ports externes sont tellement fermĂ©s , que l’eau ne peut les pĂ©nĂ©trer ; elle est forcĂ©e de les soutenir par la loi de la nature , comme si c’étoit des pierres ponces. Ces qualitĂ©s dans les briques sont de la plus grande utilitĂ© pour la maçonnerie car elles ne chargent pas trop les murailles et ne sont pas sujettes Ă  se dĂ©tremper par la violence des orages. REMARQUE S. Les Grecs et les Romains employoient beaucoup de briques dans la construction de leurs grands Ă©difices. Le PanthĂ©on , le ColisĂ©e , les diffĂ©rons thermes , les théùtres , les cirques , le palais des empereurs , tous ces Ă©difices Ă  Rome , Ă©loient bĂątis de briques ; mais revĂȘtus de pierres, de taille et de marbre. Leur maniĂšre de maçonner en brique Ă©loit toute diffĂ©rente de la nĂŽtre ; les briques qu'ils employoient , sont celles que Vitruve appelle la Didoron ; elles sont beaucoup plus minces que les nĂŽtres , et , comme on fa vu , beaucoup plus longues et plus'larges ; ils melloient une quantitĂ© prodigieuse de mortier, tant entre les assises qu’entre les jointures latĂ©rales des briques; tellement, comme le dit Yitruve , que dans une muraille , il y avoit plus de mortier que de briques. Pendant mon sĂ©jour Ă  Rome , je m’assurois que des ruines Ă©loient d’un Ă©difice ancien , lorsque je les voyois maçonnĂ©es de la sorte. Il faut donc considĂ©rer des murs faits de briques , d’abord quant ^ aux murs mĂȘmes , et ensuite quant Ă  leur revĂȘtement ; ayant soin d’y comprendre aussi le plancher et le pavĂ©. Les murs des grands Ă©difices de Rome ne sont cependant pas tous entiĂšrement construits de briques ; plusieurs en sont seulement garnis , pour former les assises ; c’est ce qu’on appelle mĂ»ri a cortinci. L’intĂ©rieur en est rempli de petites pierres , de morceaux de pots cassĂ©s , et d’autres choses semblables , avec du ciment , dont il y avoit toujours un tiers plus que de pierres. Yitruve appelle ceiiĂ© espece de maçonnerie y^emplecton 1 , Ă  cause qu’elle Ă©loit remplie et garnie par fe milieu ; mais il ne parle alors que des murs de pierres , et non pas des murs de briques , ce qui nous prouve manifestement qu apres celte description , il a omis de parler de cette mĂ©thode , dont ni lui ni ses commentateurs , n ont fait mention. C’est en pratiquant cette maniĂšre de bĂątir , que les Romains sont parvenus Ă  faire des murs si prodigieusement solides , et qui avoient jusqu’à neuf et treize palmes d Ă©paisseur. Les modernes , Ă  la vĂ©ritĂ© , ont construit aussi de pareilles murailles , et cela i Lib. II. Ch. 8. LIVRE II, Chap. ni. b’o de briques seules ; telle que celle sur laquelle porte la coupole de FĂ©glise de St. PiĂ«rrĂȘ Ă  RĂčffiĂ«, qui a quatorze palmes d’épaisseur. II paroĂźt que c’est d’une semblable maçonnerie qu’étoient faits les murs de Babylone car le mot Ă ipcKTiat dans HĂ©rodote i, Ă  la place duquel, d^aulres lisent apvÂŁ%ov indique cette espĂšce de maçonnerie , et non pas, comme le prĂ©tend M. Wesseling 2 , des murs faits de pierres jetĂ©es au hasard ; mais on en faisoit , comme chez les Romains , avec des assises de briques arrangĂ©es symĂ©triquement. Je ne puis affirmer que ces derniers aient fait usage de briques polies ; cepeadan* on trouve , aujourd’hui , tous les murs extĂ©rieurs de quelques Ă©difices , faits de ces briques , tels sont , entr’autres , ceux de l’église de la madonna de Monli Ă  Rome j les murs extĂ©rieurs du palais du duc d’Urbin 5 sont de mĂȘme de briques polies. Les briques qu’on vouloit employer aux murs et non aux pavĂ©s , Ă©toient un .peu plus larges aux deux bouts , afin de pouvoir les poser solidement les unes sur les autres , sans se servir de ciment , car on metloit du ciment seulement dans l’endroit oĂč les briques ne se touchoient point voilĂ  pourquoi les joints des murs faits de briques polies, sont , pour ainsi dire , imperceptibles. Dans le principe , les briques n’étoient pas cuites au four ; mais seulement sĂ©chĂ©es pendant quelques annĂ©es au soleil $ les Grecs , ainsi que les Romains , en faisoient un grand usage. C’est de pareilles briques qu’étoient faits les murs de MantinĂ©e et ceux de Eione, au bord du fleuve Strymond dans la Thrace4 , un temple Ă  PanopĂ©e 5, un autre temple de CĂ©rĂšs 6 , tous deux dans la Phocide , un pĂ©ristyle dans Epidaure 7 , et un tombeau de la ville dĂ©truite de LĂ©preos en ElidĂ©. Il paroĂźt , suivant ce chapitre de Yitruve , que la plupart des maisons de Rome et des environs de cette ville , etoienl construites de pareilles briques $ cependant Pausanias nous apprend que ces briques se dĂ©composoient par le soleil et par l’eau. A la terre destinĂ©e Ă  faire des briques cuites , on meloit du tuf pile , connu aujourd’hui a Rome sous le nom de sperone y il est jaunĂątre , mais il devient rougeĂątre dans le feu j couleur dont est encore le grain intĂ©rieur de la brique. Ces briques, pour la construction des murs , n’étoient pas Ă©paisses , mais fort longues. Leur Ă©paisseur nalloit pas au-dela d’un pouce, tandis qu’elles avoient jusqu’à trois et quatre palmes de superficie 5 elles servoient particuliĂšrement pour les voussures. 1 Lib, I. Ch. 180. 2 Euitath. ad. od. 6, p. i85i. liv. a5. 3 Memorie d’urbino. Roma 1724- fol* p* 46, ĂȘ Pausanias. Liv. VIII. C, 8. 5 Ibid. Liv. X. 6 Id. Liv. VIII. 7 Id. Liv. II. C. 27. fio L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. CHAPITRE IV. Des dijjĂ©rens Sables. ^uĂ nd on bĂątit, surtout en moellons , il faut s’attacher Ă  choisir du bon sable, pour faire le mortier. Le plus grand dĂ©faut qu’il puisse avoir est d’ĂȘtre terreux. Les diffĂ©rentes espĂšces de sable fossile , sont le noir , le gris , le rouge et le carbon- culus. i Le meilleur de tous ces sables en gĂ©nĂ©ral est celui qui fait du bruit Ă©tant frottĂ© entre les mains ; il ne vaut rien s’il est terreux, s’il n’a pas d’ñpretĂ©, et si, Ă©tant jnis sur une Ă©toffe blanche, il y laisse des marques, aprĂšs en avoir Ă©tĂ© secouĂ©. Manque-t-on d’endroit d’oĂč l’on puisse, en creusant la terre, tirer de bon sable? il faut prendre alors le meilleur qu’on pourra trouver parmi le gravier. On peut mĂȘme en tirer du bord de la mer ; ce sable , cependant , a un dĂ©faut, le mortier qu’on en fait, reste long-temps Ă  sĂ©cher; et les murailles qu’on en bĂątit, ne peuvent pas porter une grande charge , Ă  moins qu’on ait la prĂ©caution de les maçonner Ă  plusieurs reprises. En aucune maniĂšre , il ne peut servir pour l’enduit des plafonds. Il a encore le dĂ©sagrĂ©ment de faire suinter les murailles qui en sont crĂ©pies, Ă  cause du sel qui se dissout et fait tout fondre ; au contraire, le mortier fait avec le sable fossile, sĂšche trĂšs-vite. Quand on emploie ce dernier pour enduire les murailles et plafonner, ces ouvrages durent long-temps, il est vrai, pourvu qu’on le mette d’abord en Ɠuvre car si on le garde long-temps, le soleil et la lune l’altĂšrent , la pluie le dissout et le change presqu’en terre ; ce qui fait qu’il ne vaut plus rien pour lier les pierres , faire des murailles fermes et capables de soutenir de grands fardeaux. Cependant ce sable , quoique nouvellement tirĂ© de terre , vaut mieux pour maçonner que pour faire des enduits ; parce qu’il est si gras , et sĂšche si vite , qu’étant mĂȘlĂ© avec la chaux et la paille , il fait un mortier qu’on ne peut empĂȘcher de gerser. Pour les enduits, on doit donc prĂ©fĂ©rer le sable de riviĂšre, qui est au contraire trĂšs-maigre, mais il faut qu’on le batte avec le maillet, comme on fait pour les pavĂ©s de Smalthe , ce qui les rend on ne peut pas plus durs. 2 REMARQUES. La soliditĂ© d J une muraille dĂ©pend surtout du mortier, et le mortier ne sera bon , qu’autanl qu’on y emploiera le meilleur des sables ; le plus mauvais de tous est celui qui est terreux, comme O Voyez le G . 1 " 6 Ch. de ce Livre. sont Ă  la fin , et celles qui sont Ă  la fin du i. er chap. 2 Voyez, Livre V. Chap. II, le» remarques qui du Yll. me Liv. LIVRE II, C h Ă  p. iy. \ 6i l’observe trĂšs-bien Yilruve. On peut dire que le dĂ©faut gĂ©nĂ©ral de tous ceux qui bĂątissent , dans ce pays, est de se servir de cette espĂšce de sable ; on croit n’employer que du sable, et on emploie beaucoup de terre. Rien n’est plus aisĂ© cependant que de le rendre bon , voici comment on choisit le sable le plus blanc qu’on puisse trouver ; .car c’est celui dans lequel il se trouve moins de terre ; ensuite on le lave dans l’eau de riviĂšre, qui emporte toutes les parties terreuses , il vous reste un sable trĂšs-pur, qui rĂ©sonne, qui est dur lorsqu’il est frottĂ© dans les mains et qui a toutes les qualitĂ©s que Yilruve exige. Nous admirons la soliditĂ© des murs des anciens ; le ciment en est si dur , qu’on brise plutĂŽt les pierres , que de les dĂ©tacher ; tout leur secret consistoit dans le choix du sable. On peut regarder les sables comme les dĂ©bris des plus grandes pierres , ou comme les premiers matĂ©riaux de la formation des pierres. En effet du grĂšs brisĂ© devient du sable ; et celui-ci sert , pour ainsi dire , de base Ă  la plupart des pierres, sur-tout au grĂšs. J’ai souvent employĂ© , principalement pour les enduits , du mortier , oĂč , au lieu de sable , je meltois du grĂšs pilĂ© , mĂ©lĂ©^avec de bonne chaux ; ce mortier , lorsqu’il Ă©loit sec , avoit la duretĂ© et la soliditĂ© du grĂšs meme ; ce qui faisoit l’admiration de tous les ouvriers. Yilruve parle des autres espĂšces de sable , de leurs dĂ©fauts, et. de leurs qualitĂ©s. Il parle d’abord de celui qu’on trouve en creusant dans la terre , qu’il nomme arena fossicia , auquel il donne la prĂ©fĂ©rence. J’ai traduit ce nom, comme Galiani, par sable fossile ; il entend , sous cette dĂ©nomination , celui que nous connoissons sous le nom de sable vilrifiable qui est composĂ© de fragmens de silex et de quartz. C’est celui dont on se sert dans la composition de la terre Ă  faĂŻence , de certaines porcelaines , des glaces , mĂȘme pour nettoyer le verre , pour polir le marbre , l’albĂątre , etc. 11 a sur-tout la propriĂ©tĂ© de donner de la duretĂ© aux cimens et Ă  la brique etc. Lorsqu’on n’a pas de sable fossile , Yilruve dit qu’il faut se servir de sable de riviĂšre , et mĂȘme de celui de mer. Le dĂ©faut du sable de riviĂšre est d’avoir le grain extrĂȘmement gros ; il n’est composĂ© , le plus souvent , que de silex trĂšs-dur , qui ne peut se lier ni faire corps avec la chaux,. Quant au sable qu’on prend au bord de la mer , comme il y reste beaucoup de sel , il a le grand dĂ©faut , comme l’observe Yilruve , d’empĂȘcher le mortier , oĂč il s’en trouve , de sĂ©cher , Ă  moins qu’on ne l’ait bien lavĂ© dans l’eau de riviĂšre , avant de le mettre en oeuvre , pour en faire sortir les parties salines. MalgrĂ© cela , il en reste toujours une partie , ce qui fait que ce mortier sĂšche difficilement, et je prĂ©fĂšre le sable fossile. Pour les enduits , Yilruve prĂ©fĂšre que l’on emploie le sable de riviĂšre , qui a le grain plus gros ; mais il veut qu’on batte ces enduits avec le maillet , comme on fait en Italie les pavĂ©s de smalte ; ces pavĂ©s se font de la sorte aprĂšs avoir rendu le terrain trĂšs-uni, on Ă©tend dessus une couche de mortier fait de chaux , de sable ou de pouzzolane ; on arrange , sur cet enduit , des fragmens de marbre cassĂ©s ou d’autres pierres , de diffĂ©rentes couleurs ; on les dispose en cornpar- timens ou dessins , d’aprĂšs les couleurs ; chaque morceau de pierre , comme dit Yilruve , Liv. Yiir. Ch. 7. ne doit pas excĂ©der le poids d’une livre. Lorsque cet arrangement est terminĂ© , on remplit tous les vuides avec le mĂȘme mortier , auquel on a donnĂ© une couleur semblable Ă  celle des dif- fĂ©rens marbres ou pierres ; on bat le tout avec un maillet plat ou une dame , Ă  mesure qu’il sĂšche; on polit le tout avec un gros grĂšs ; on le lustre ensuite comme si c’éloit du marbre, et il en 02 L'ARCHITECTURE DE V I T R U V E. prend tout le brillant. Ces paves sont de la plus grande beautĂ© ; on diroit que la salle qui en est pavĂ©e , l’est d’un seul morceau de marbre. C’est ainsi que sont pavĂ©es presque toutes les salles du palais ducal Ă  Milan; celle de l’arsenal Ă  Venise ; de la villa BorgbĂšse Ă  Rome , et de presque tous les palais en Italie. Vitruve en parle aussi dans le Ch. 7. du Liv. VIII. , de mĂȘme que Pline dans le I2. m0 Ch. du XXXV. me Liv. de son histoire , et dit qu’on y employoit aussi , au lieu de pierres , des fragmens de tuiles , et de vases de terre cuite , cassĂ©s. J’ai entendu nommer ces sortes de pavĂ©s , dans la Lombardie et a Rome , paves de smalte , ou en scctgnuli; a JNaples , on nomme celte composition lastrichi. Ils y emploient l’espĂšce de pierre nommĂ©e rapillo, qui, Ă  cause de sa grande porositĂ© , se lie Ă  merveille avec la chaux. On en fait aussi une autre avec des pierres ponces ; on choisit toutes celles qui sont de rebut , et qui ne peuvent entrer dans le commerce ; on les mĂȘle avec de la chaux ; ce mortier est em* ployĂ© dans la construction des terrasses il a la mĂȘme propriĂ©tĂ© que le ciment fait avec la pouz-? zolane ; il prend corps avec un tel degrĂ© de duretĂ© , qu’à peine les ferremens y ont prise , quelque temps aprĂšs qu’il a Ă©tĂ© mis en Ɠuvre. >-1 CHAPITRE V. ti - b De la Chaux. r avoir indiquĂ© de quel sable on doit se servir, je vais rechercher avec soin , tout ce qui concerne la chaux ; il faut la faire de pierres blanches , ou de cailloux. Il est bon qu’on sache , que celle faite , avec les pierres les plus dures et les plus pesantes , est la meilleure pour maçonner ; et qu’au contraire , celle qu’on fera de pierre un peu spongieuse , sera prĂ©fĂ©rable pour les enduits* Lorsque la chaux est Ă©teinte , il faudra la mĂȘler avec le sable , dans la proportion suivante. On met trois parties de sable de cave, ou deux de sable de riviĂšre ou de mer sur une de chaux c’est la proportion la plus juste qu’on puisse garder dans leur mĂ©lange ; elle sera encore meilleure, si on ajoute au sable de mer et de riviĂšre, une troisiĂšme partie de tuiles pilĂ©es et cassĂ©es. Si l’on veut savoir pour quelles raisons ce mĂ©lange de chaux , de sable et d’eau forme un corps si dur et si solide , il faut considĂ©rer que les pierres, ainsi que tout ce qui existe, sont composĂ©es d’élĂ©- mens. Les corps, oĂč l’air domine , sont plus tendres ; ceux oĂč c’est l’eau, sont plus tenaces ; ceux oĂč c’est la terre sont plus durs ; et lorsque c’est le feu , ils sont plus fragiles. Il faut encore observer que si on piloit des pierres Ă  chaux, sans ĂȘtre cuites, et qu on mĂȘlĂąt cette poudre avec du sable , elle ne vaudroit rien pour la maçonnerie ; \ L I Y- R E II, C h A p. y. ,63 mais si on les fait dissoudre par la force du feu, elles deviennent poreuses, se percent de plusieurs ouvertures ; leur humiditĂ© naturelle s’épuise , et l’air qu elles contiennent se retire et n’y laisse qu’une chaleur cachĂ©e. On conçoit aisĂ©ment qu’étant plongĂ©es dans l’eau , avant que cette chaleur soit dissipĂ©e , elles acquiĂšrent une nouvelle force , s’échauffent au moyen de l’eau qui pĂ©nĂštre leurs cavitĂ©s ; le froid fait Ă©vaporer la chaleur qu elles renfermoient ; c’est ce qui fait que les pierres Ă  chaux sont beaucoup plus lĂ©gĂšres, lorsqu’on les tire du fourneau , qu’avant de les y mettre. Car si on les pĂšse aprĂšs qu elles sont cuites , on trouvera leur poids diminuĂ© d’un tiers quoiqu'elles aient conservĂ© leur premiĂšre grandeur ; ainsi les ouvertures quelles ont dans toutes leurs parties , sont cause quelles s’attachent avec le sable , quand on les mĂȘle ensemble , et qu’en se sĂ©chant, elles joignent et lient fermement les pierres, pour en faire une niasse fort solide. REMARQUES. Le mortier est destinĂ© a remplir les intervalles qui se trouvent nĂ©cessairement entre les pierres ou les briques , dans les lieux oĂč elles se joignent ; son propre- est de s’y attacher fortement en se coagulant , et de former un ciment , qui , lorsqu’il est bon , devient aussi dur que les pierres qu’il unit ; de maniĂšre qu’ils ne forment .ensemble qu’un mĂȘme corps. L’union de la chaux avec le sable produit cet effet. La chaux n’est autre chose que la pierre calcaire calcinĂ©e par l’action du feu. D’aprĂšs les principes des chimistes , la concrĂ©tion et la soliditĂ© de tous les corps viennent de leur sel. La violence du feu dans la fournaise fait Ă©vacuer la plus grande partie des sels volatils et sulphurĂ©s , ainsi que les parties humides qui se trouvoient dans la pierre , et qui contribuoient Ă  unir , lier, et ne former qu’un seul tout , des parties qui composent la pierre 1 . Quant Ă  la portion des sels qui ont rĂ©sistĂ© Ă  l’action du feu et ne se sont pas volatilisĂ©s , ils se trouvent dĂ©sunis et divisĂ©s par la perte des parties qui les unissoient en remplissant les vuides , et n’en faisoient qu’un mĂȘme corps , mais dont' ils se trouvent privĂ©s par l’évacuation que le feu en a faite. L’eau que l’on jette sur ces pierres , ainsi calcinĂ©es , pĂ©nĂštre dans toutes les divisions et vuides que ces parties ont laissĂ©s; la chaleur qui reste dans ces pierres calcinĂ©es , produit une Ă©bullition , dilate l’air que contient l’eau , et fait Ă©clater ces pierres calcinĂ©es en une infinitĂ© de petites paities qui deviennent une poudre extrĂȘmement fine ; mais celte poudre de chaux , qui a pu rĂ©sister au feu , n’est autre chose qu’un sel qui peut se fondre dans l’eau. En rĂ©unissant cette poudre avec une certaine quantitĂ© de sable et d’eau, elle reprend une soliditĂ© Ă©gale , lorsqu’elle est bien faite , Ă  celle de la pierre car l’eau et la chaux forment un corps compacte , qui remplit tous les vuides qui sĂ©parent les grains de sable ; l’eau met en fusion les sels qui forment la chaux, et qui, unis avec ceux que contient le sable , font un seul corps trĂšs-solide. t Voyez Descartes , art. 55 de la seconde partie de ses prin- soliditĂ©' des corps, cipes, Mallebranche , Rech, de la vĂ©ritĂ©' , Liv. VI. Ch. g , sur la 64 L'ARCHITECTURE DE VITRUVE. Les effets de la nature ont d’abord suffi pour rĂ©gler , avec quelques succĂšs , le travail des ouvriers. La physique expĂ©rimentale les a perfectionnĂ©s d’ñge en Ăąge par de nouvelles remarques. Elle a , de bonne heure , aperçu que l’insinuation des liquides , entre les masses des corps solides, y pbrloit une action et un effort capables de les dĂ©sunir, Ă  proportion de la quantitĂ© , ou de l’activitĂ© de ces liquides. Elle a observĂ© que c’étoit, au contraire, Ă  l’écoulement des liquides , qu’éloit due la cohĂ©sion des masses petites ou grandes , de quelque façon que la chose s’exĂ©cutĂąt dans le secret de la nature , qui semble attentive Ă  nous en dĂ©rober la connoissance. L’eau par elle-mĂȘme n’est pas un liquide elle ne le devient que par l’insinuation de l’air et du vrai principe des liqueurs qui est le feu l’écoulement de celui-ci la ramĂšne Ă  sa condensation naturelle. Il en est de mĂȘme du sang , des huiles , des sels , et de bien d’autres corps qui s’épaississent Ă  proportion de la sortie du feu , et avec lesquels le feu agit trĂšs - diffĂ©remment ; comme la mĂȘme main frappe des coups trĂšs - diffĂ©rens avec une baguette , avec un marteau , et avec une massue. C’est par un effet de cette remarque qu’on emploie le grand feu pour soulever toutes les petites parties d’un mĂ©tal et les mettre en fusion. C’est par une suite du mĂȘme principe expĂ©rimental que le grand feu a Ă©tĂ© mis en Ɠuvre pour Ă©branler toutes les parties de la pierre Ă  diaux , et de la pierre Ă  plĂątre , ce qui en facilite d’abord la pulvĂ©risation et l’obĂ©issance Ă  nos souhaits. L’eau , qui les retient dans un Ă©tat de dĂ©sunion , venant Ă  se dissiper , elles reprendront leur premiĂšre tĂ©nacitĂ©. C’est donc l’écoulement des liquides, c’est-Ă -dire , de l’air , de l’eau et du feu , qui cause la roi- deur et la tĂ©nacitĂ© du mortier. Les liquides ne peuvent s’échapper totalement d’entre deux surfaces voisines , sans donner lieu Ă  ces surfaces de se toucher immĂ©diatement dans un grand nombre de points , et de s’unir, comme si elles ne faisoient qu’un corps. L’air retirĂ© par la succion de la machine pneumatique d’entre deux hĂ©misphĂšres qui sont unis , n’y exerce plus son ressort, et ne travaille plus Ă  les dĂ©sunir. Alors la pression universelle agit sur ces deux parties de globes , sans y trouver aucune action , ni liquide intermĂ©diaire qui lui rĂ©siste , et elle les comprime si fortement l’une contre l’autre , que les plus grands efforts ont peine Ă  les dĂ©tacher. La mĂȘme cohĂ©sion, ou du moins, un commencement d’union se fait apercevoir dans deux marbres polis , ou entre deux ardoises qu’on couche de biais en les glissant l’une sur l’autre , de façon ;Ă  n’y laisser entrer presqu’aucun air. L’action des liquides, dont nous avons observĂ© les diffĂ©rĂȘns progrĂšs, et sans la faire tourner Ă  notre profit , nous est d’un secours infini. La sĂ©cheresse ou le feu , dans un certain degrĂ© , pousse et dissipe l’eau sans violence. Celle-ci, en s’évaporant , emporte avec elle une grande quantitĂ© d’air qu’elle contient, et dont elle est presque toujours saisie. Les ouvriers ont vu ces effets et il suffit pour les regler. 11 nous est impossible de sucer l’air qui est entre deux pierres , ou entre une multitude de grains de sable , pour en unir plus Ă©troitement les surfaces sans l’effort de la gravitation qui est toujours retarde par l’obstacle de l’air dispersĂ© dans les interstices. Nous avons recours Ă  un expĂ©dient nous jetons entre les pierres une couche de ciment, qui produit un double effet ; savoir, de faciliter par son obĂ©issance l’exacte position de la pierre qu’on veut asseoir , et ensuite de tenir entre les pierres une multitude innombrable de petites surfaces, immĂ©diatement appliquĂ©es l’une sur l’autre , 65 Y L;I VUE til, C h a p. V, ]’autre , par le dĂ©part de l’humiditĂ© du ciment, que la sĂ©cheresse ou le feu en fait sortir l’extrĂȘme tĂ©nuitĂ© de ces parcelles ne cause aux matiĂšres conjointes aucun affaissement sensible. C’est encore une autre expĂ©rience trĂšs-bien connue aujourd’hui, que l’eau se glisse avec l’air dans de petites ouvertures, oĂč l’air seul he T peut outrer’; et qu’bn se sert de l’eau pour dissiper l’air qui s’écoule avec elle ; mais que le parfait dessĂšchement donne lieu Ă  une application si exacte des petites surfaces, qu’aprĂšs cela , ni l’air ni l’eau ne se jettent plus entre deux. Ce que la sĂ©cheresse produit entre les masses de pierres et les couches de ciment , elle l’opĂšre pareillement enre les parties sableuses et la chaux du ciment celui-ci en est lui-mĂȘme une premiĂšre maçonnerie composĂ©e de parties dures et inflexibles , qui est le sable , et de parties souples et pliantes , formant un limon trĂšs-fin qui est la chaux. On n’ignore pas qu’un petit globe touche aux corps voisins par un plus grand nombre de parties, qu’un trĂšs-grand, eu Ă©gard Ă  l’extrĂȘme disproportion des parties que celui-ci renferme. .Ainsi plus la chaux qui entre dans le ciment est fine et attĂ©nuĂ©e , plus elle prĂ©sente de surface au sable auquel on l’a joint. Elle donne d’autant plus de prise Ă  la pression de la gravitĂ© , lorsque le feu } fera Ă©couler. J’air et l’humiditĂ© qui se tenoit entre surface et surface. , * ; ‱ . Ainsi la pierre Ă  chaux qu’on unit au sable ou aux masses demi-vitrifiĂ©es de la brique et de la tuile, est composĂ©e principalement dâ€™ĂŒn limon . trĂšsrfm propre Ă  remplir les interstices du sable; cnsorie que l’eau s’absorbant entre les petites surfaces, çle limon ^ l’unit d’abord, en masse avec les, sables , et durcit le tout avec les pierres voisines par t 1’éçlutppement de l’humide et de l’air d’entre- une infinitĂ© de points qui demeurent ainsi collĂ©s, et avec le temps presqu’insĂ©parables. Quelques-uns en ont conclu qu’au lieu de lier les pierres ou les briques par un lit de ciment, on pourroit bĂątir sans ciment en polissant bien les pierres , aprĂšs les avoir taillĂ©es d’une coupe trĂšs-Ă©gale , et en les glissant horisontalement l’une sur l’autre ; mais l’exĂ©cution de cette mĂ©thode seroit peut ĂȘtre plus difficile et moins sure. Autre chose est- de. bĂątir philosophiquement autre chose de bĂątir solidement. Ou croit cependant voir des Ă©difices antiques dont les pierres sont immĂ©diatement posĂ©es l’une sur l’autre; peut-ĂȘtre aprĂšs avoir Ă©tĂ© long-temps frottĂ©es l’une contre l’autre, et sans, apparence de ciment entre deux. Telle Ă©toit Ă  Reims la porte RasĂ©e , qu’on disoit ĂȘtre, une de ces six arcades qui Ă voient Ă©tĂ©^consiruĂŻtes , soit pour honorer l’empereur Probus, par un mouvement de reconnoissance , lorsqu’il fit planter la vigne dans lĂšs Gaules soit pour honorer le sĂ©jour que Garus ou Julien firent dans la Belgique/Vrtruve^pĂ fĂŻe amplement, dans le-huitiĂšme chapitre de ce livre, de diffĂ©rentes maniĂšres de maçonner dĂ©s anciens ; nous- Ăż renvoyons le lecteur. On en admirĂ© encore les restes Ă  Rome , dans la Campanie, Ă  VĂ©rone , JNfismes, TrĂȘves et dans nos grandes roules. A Paris mĂȘme , on joit encore des restes de la maçonnerie des anciens Romains, entre l’hĂŽtel de Cluny et la rue de la Harpe., qu’on dit.'ĂȘtre les ruines d’anciens Thermes. , ‱‱ . ‱ - - " o h'ttt ' ' /; s ; ‱ t. .. ; V ";r f ; . -//'‱ U 0 /' 9 66 L’ARCHITECTURE DE V I T RÜVE. C IliA P I T R E Y I. ! OC I! ‱ '"1 ‱ ' ‱ i Je la Pouzzolane. S, I i Il existe une espĂšce de poudre , Ă  laquelle la nature a donnĂ© une qualitĂ© admirable ; elle se trouve dans les environs de Baies , et dans les ; terres qui entourent le Mont-VĂ©suve. Cette terre mĂȘlĂ©e avec la chaux et les pierres , rend la maçonnerie si solide, que non-seulement, dans les Ă©difices- ordinaires , mais mĂȘme au fond de la mer, elle fait des masses de la plus grande duretĂ©. Ceux qui en ont cherchĂ© la cause, ont remarquĂ© que , 1 sous ces montagnes et dans tout lĂ© territoire, il se trouve quantitĂ© de fontaines d’eau chaude ; ce qu’ils attribuent Ă  la quantitĂ© d’alun, de souffre et de bitume , qui alimente sous la terre un grand feuj La*vapeur de ce feu, passant Ă  travers de cette terres, la rend plus lĂ©gĂšre*et donne au tuf une sĂ©cheresse qui attire l’humiditĂ©; alors la chaux , a la pouzzolane et le tuf qui *sont engendrĂ©s par le feu se mĂȘlent et’sĂ© li ioignent 'Ă©iiSĂ«iĂčhle ;'par le ' ihoyĂšn de J l’éaĂŒ ; elles s’endurcis- ’ A . ‱‱yy .. toll ’* * n - i0 ; cil-,-. i ‱ sent fort vite , et font une masse si solide que les Ilots ne peuvent ni la rompre ni la dissoudre.' ‱ ‱‱* -bd I IS0 1 li u i* j d - nr - 0 1 . ‱‱"j 1 V tiiJ 1 > »JĂŻ r t. M La preuve qu’il y a du feu sous les montagnes qui sont auprĂšs de Cumes et de Baies, c’est que Mans des grottes qui sont-* creusĂ©es ÂŁ pour servir d’étuves , il s’élĂšve naturellement deis vapeurs chaudes 0 iptĂ« lé’feu occasionne ', aprĂšs avoir pĂ©nĂ©trĂ© la terre ; elles s'amassent ! dans ces lieux et sont dĂ© lajpĂźus J grande utilitĂ© pour la transpiration. Ce qu’on raconte du Mont-VĂ©suve le prouvĂ© encore; on dit que les. feux qui brĂ»lent continuellement dans cette montagne , j ont autrefois Ă©clatĂ© et formĂ© de grandes Ă©ruptions, et i qu’elles ont. r^pauddi une matiĂšre, [enflammĂ©e dans tous,, les lieux d’alentour ; cet embrasement produisit les pierres que Ton appĂšle spongieuses ; ou ponces pompeĂŻanes. C’est une espĂšce de pierres auxquelles le feu donne p par la cuisson, une qualitĂ© ! particuliĂšre , qui ne se rencontre point'dans d’autres , si ce n’est dans celles qui sont autour du Mont - Etna et 1 des collmes de Mysie, appelĂ©es Catake - kaumenie , i [par les Grecs, Ces Fontaines d’eau bouillantes , ces bains de vapeurs, qui sont dans les montagnes , les flammes qui ont autrefois ravagĂ© ces contrĂ©es , prouvent, Ă  n’en pas douter, que c’est la vĂ©hĂ©mence du feu qui a dessĂ©chĂ© et Ă©puisĂ© i C'est-Ă -dire brĂ»lĂ©es* U LIVRE I I, C ii v p. vi. 67 toute l’humiditĂ© de la terre et du tuf, comme il dessĂšche celle de la chaux dans les fournaises. On sait que les matiĂšres , quoique de diffĂ©rentes espĂšces , lorsqu’elles sont brĂ»lĂ©es ensemble , ne font plus qu’une mĂȘme nature ; la chaleur Ă©vapore promptement l’eau qu’elles contiennent, confond et mĂȘle les parties qui sont semblables ; la force du feu les rĂ©unit et les rend trĂšs - dures. On pourroit m’objecter, et me demander pourquoi l’on ne trouve pas en Toscane cette poudre, dont la qualitĂ© est d’endurcir le mortier au fond de l’eau , quoiqu’il y ait dans ce pays beaucoup de fontaines ! d’eau chaude. Avant de me condamner, il faut savoir que dans tous les pays , les terres non plus que les pierres, ne sont pas de la mĂȘme nature. Dans certains endroits, la terre a beaucoup de profondeur ; dans d’autres , il n’y a que du sable , du gravier , ou de l'argile ; ainsi les qualitĂ©s de la terre changent d’un lieu Ă  un autre , et sont presque aussi diversifiĂ©es que les rĂ©gions qui sont sur le globe. Par exemple dans la Toscane , et dans les autres pays d’Italie , que renferme l’Appennin , on trouve presque par-tout du sable fossile , tandis qu’au-delĂ  de ces montagnes vers la mer Adriatique , il ne s’en trouve pas plus que dans l’AchaĂŻe , ni au-delĂ  de la mer en Asie , oĂč mĂȘme on n’en a jamais ouĂŻ parler. Il n’y a donc rien d Ă©tonnant, si, dans les lieux oĂč il se voit des fontaines bouillantes , les dispositions nĂ©cessaires pour produire cette poudre ne se rencontrent pas toujours. Car un heureux hasard dirige bien plus la nature dans ses productions , que la volontĂ© de l’homme. Lorsque ce sont les rochers qui forment les montagnes ; et non pas la terre , la force du feu pĂ©nĂštre leurs veines, consume ce qu’il y a de plus tendre , et n’y laisse que les choses dures qui lui rĂ©sistent. C’est ainsi que dans la Campanie , la terre brĂ»lĂ©e se rĂ©duit en cendres , et dans la Toscane , oĂč elle n est que cuite , elle se convertit en ^charbon ; ces deux espĂšces de terre sont excellentes pour bĂątir; mais l’une est prĂ©fĂ©rable pour les Ă©difices qu’on construit sur la terre , et l’autre pour les ouvrages qui se font dans l’eau de la mer. Quant Ă  cette matiĂšre qui est plus molle que le tuf, et plus dure que la terre ordinaire , lorsqu’elle est rĂ©duite en cendres par les feux souterrains, elle forme une espĂšce de sable , qu’on nomme Carbunculus. REMARQUES. Le ciment se prĂ©parent chez les anciens Romains , ainsi qu’on le fait encore prĂ©sentement Ă  Rome , avec la pouzzolane. Cette terre avoit anciennement le mĂȘme nom qu’on lui donne aujourd’hui ; savoir pulvis puteolanus, sans doute Ă  cause qu’on l’a dĂ©couverte , pour la premiĂšre fois , a PutĂ©oli, aujourd’hui Pozzuolo prĂšs de Naples , et non pas comme l’a avancĂ© Philander, Ă  cause quon l’a dĂ©couverte en creusant des* puits. Sidonius Apollinaris nomme cette poudre die e arche a , 9 * 68 L ’ A R C H TT E C T U R E D E YITRUVE. parce que Dicearchos Ă©ioit l’ancien nom 4 e Pouzzole, lorsqu’elle faisoit partie d’une colonie grecque; Vitruve parle encore de la pouzzolane dans le douziĂšme chapitre du cinquiĂšme livre , oĂč il dit, que pour les ouvrages de maçonneries , qui doivent se trouver dans l’eau , il faut se servir de la poudre qui se trouve dans les environs de Cumes et du promontoire de Minerve; cependant Yitruve pe nomme nulle part cette poudre, pouzzolane. Dans toutes les Ă©ditions, ce chapitre est intitulĂ© de la pouzzolane ; mais on sait que cette division , par chapitre , n’est pas de Yitruve, et qu’elle a Ă©tĂ© faite dans les temps modernes. Pline , Liv. XXXY, chapitre i 3 , et SĂ©nĂšque , Liv. III de ses questions naturelles , nomment tous deux , la pouzzolane , et disent , qu’étant employĂ©e sous,.l’eau, mĂȘlĂ©e avec de la chaux, elle acquiert la duretĂ© de Ja pierre. La pouzzolane est ou noirĂątre, ou rougeĂątre; celle qui est noirĂątre est plus i ferrugineuse , plus pesante et plus sĂšche que l’autre , et l’on s’en sert principalement pour les Ă©difices exposĂ©s Ă  l’eau car comme elle est aigre, elle se crevasse facilement Ă  l’air; l’autre est plus- terreuse et vaut mieux pour les bĂątimens sur terre. La premiĂšre espĂšce se trouve dans les environs de Naples, et non pas la seconde; mais on fouille l’une et l’autre Ă  Rome, et dans le voisinage de cette ville ; il n’y en a point dans tout autre endroit de l’Italie. Il faut observer, cependant, que les anciens ont fait peu d’usage de la pouzzolane rouge j tandis qu’on l’estime maintenant beaucoup plus Ă  Rome que la noire. On ne trouve pas non plus la pouzzolane dans les terres de Rome , sur le bord de la mer ; et il faut que les anciens qui l’ont employĂ©e Ă  Antium , l’aient tirĂ©e de Naples, ainsi qu’on doit encore l’y aller chercher aujour- s d’hui. Il en coĂ»te moins de faire venir cette terre par mer de Naples , que de la transporter par voiture de Rome. On l’apporte en Toscane , par vaisseau , jusqu’à Livourne , et on en fait mĂȘme passer dans d’autres pays. Alberli 1, dans ses ouvrages sur l’architecture , parle de la pouzzolane , comme d’une chose qu’il ne connoissoit que par ouĂŻ-dire; et, Ă  la vĂ©ritĂ©, elle ne pouvoit pas lui ĂȘtre connue autrement, parce qu’il Ă©ioit Florentin. Il confond mĂȘme souvent cette terre avec le rapillo. Il parort d’ailleurs que la pouzzolane ne s’est, non plus, jamais trouvĂ©e en 'GrĂšce , comme Yitruve le remarque ; et c’est faute d’avoir cette terre, que les Grecs n’ont pas pu donner Ă  leurs voĂ»tes la'mĂȘme lĂ©gĂšretĂ©, que les Romains. Il faut nĂ©anmoins qu’ils aient eu le secret de faire un trĂšs-bon ciment, 2 ainsi que nous le prouve encore le grand rĂ©servoir de Sparte, fait de cailloux qui font corps ensemble par nn ciment aussi dur que les cailloux mĂȘmes. Les deux espĂšces de pouzzolane se changent Ă©galement en pierre , et l’on peut dire que le ciment en devient plus dur que la pierre mĂȘme qu’il joint ensemble ; c’est ce qu’on peut voir aux ruines des bĂątimens placĂ©s sur le bord de la mer, et qu’elle baigne de ses - ^ eaux , tant Ă  Pozzuolo qu’à Raies et dans tout ce pays ; ainsi qu’à Porto d’Anzio , qui est l’ancien Antium, dont les piliers qui formoienl le port et le fermoient, ainsi que les bĂątimens dont nous j. venons de parler, Ă©toient construits de briques. J’ai vu , dans les jardins de la ville d’Est Ă  Tivoly, j des statues faites de pouzzolane, exposĂ©es, depuis plus de deux cents ans, aux injures de l’air, et parfaitement conservĂ©es. C’est aussi avec la pouzzolane que les anciens construisaient les rues de 1 Liv. II. Ch. 9 , p. 5 i. Liv. III. Ch. 16. p. g 5 , cd. Firenz 2 Hast. de l’acad. des inscript. T. XVI, p. 3 , c’d. de Paris. sS5o fol. LIVRE' II, C h A p. vu. 4 6 9 Rome i et les grands chemins de l’empire ; mĂ©thode qu’on a conservĂ©e jusqu’à nos jours. Les couches de pouzzolane s’étendent fort avant dans la terre , et quelquefois jusqu’à quatre-vingts palmes de profondeur. Tout le terrain de la ville de Rome est minĂ© par la fouille de cette terre , et les paieries ont plusieurs milles de long ; c’est dans ces galeries que sont les catacombes. Lorsqu’on travailla aux fondemens du palais de la Yilla du cardinal Alexandre Albani , on trouva trois de ces galeries l’une au-dessus de l’autre ; de sorte qu’on fut obligĂ© de jeter les fondemens encore pluĂż- avant sous terre , c’est- Ă -dire, Ă  plus de quatre-vingts palmes de profondeur. CHAPITRE VIL Des CarriĂšres doĂč Ton tire la Pierre. J’ai parlĂ© des diffĂ©rentes qualitĂ©s de la chaux et du sable ; il convient, pour suivre l’ordre des matiĂšres, que je parle des carriĂšres d’oĂč l’on tire les pierres qui sont nĂ©cessaires pour bĂątir tant les pierres de taille que le moellon. Toutes les pierres diffĂšrent beaucoup en espĂšces et en qualitĂ©s; il y en a de tendres , comme sont les pierres rouges des environs de Rome, celles qu’on nomme pallienses , fidenates et Albanes. D’autres sont un peu plus dures , comme les pierres tiburtines , celles d’ Anitemes , les Soractines et autres semblables. Nous avons finalement les pierres dures comme le silex ou caillou. Il existe encore plusieurs autres espĂšces, comme le tuf rouge et noir dans la Campanie , le blanc dans l’Ombrie , le Pisantin et prĂšs de Venise ; on les coupe avec la scie comme le bois. Les pierres tendres ont cet avantage on les taille aisĂ©ment, et elles sont d’un bon usage , lorsqu’on les emploie dans des lieux couverts ; mais placĂ©es en dehors , la gelĂ©e et les pluies les rĂ©duisent en poussiĂšre ; et si elles sont employĂ©es dans des lieux prĂšs de la mer , l’air saumĂątre les ronge. La grande chaleur leur fait aussi beaucoup de tort. Les pierres tiburtines, qui sont du mĂȘme genre, conviennent pour porter de grands poids , et rĂ©sistent trĂšs-bien aux injures de l’air, tandis que le feu leur est trĂšs-nuisible ; sa chaleur les fait Ă©clater , Ă  cause que l’air et le feu dominent dans les Ă©lĂ©mens qui les composent, tandis qu’il s’y trouve peu d’eau et de terre. Le peu quelles ont de ces deux derniers Ă©lĂ©mens , ne suffit pas pour empĂȘcher la force du feu et des vapeurs de l’air de pĂ©nĂ©trer leurs porositĂ©s, oĂč ne trouvant aucun Ă©lĂ©ment contraire, il s’allume aisĂ©ment. H y a encore d’autres carriĂšres, sur les confins du territoire des Tarquiniens ; les pierres qu’on en tire se nomment aniliĂšnes ; elles ont la mĂȘme cou- * + 7 o L’ARCHITECTURE DE V I T R U V Ç Leur que celles d’Albe ; la plus grande partie se taille sur les bords du lac de BolsĂšne, et dans la prĂ©fecture de Statonie. Elles ont plusieurs qualitĂ©s; comme de rĂ©sistera la gelĂ©e et au feu , parce qu elles contiennent peu d’air et de feu , beaucoup de terre et mĂ©diocrement d’eau ; ainsi leur nature compacte fait quelles rĂ©sistent aux injures du temps , comme on en voit la preuve dans les anciens monumens , qui existent encore auprĂšs de la ville de Ferentino, faite avec cette pierre car on y voit de grandes statues qui sont trĂšs-belles , d’autres plus petites et plusieurs ornemens trĂšs - dĂ©licats qui reprĂ©sentent des roses et des feuilles d’acanthe ; ces ouvrages, malgrĂ© leur vieillesse, n’ont encore rien souffert, et paroissent encore ĂȘtre nouveaux. Ces pierres sont encore trĂšs-utiles pour les fondeurs en bronze , qui les trouvent fort bonnes pour faire leurs moules de sorte que si ces carriĂšres Ă©toient plus prĂšs de Rome, on n’em- ployeroit pas d’autres pierres pour tous les ouvrages qu’on y fait. Mais puisque les carriĂšres de pierres rouges et celles de Palliennes sont fort prĂšs de la ville, et qu’il est aisĂ© de s’en procurer des pierres , on prĂ©fĂšre les employer, en prenant nĂ©anmoins certaines prĂ©cautions , pour empĂȘcher qu’elles ne se gĂątent ; les principales sont de les tirer plutĂŽt pendant l’étĂ© que dans l’hiver ; de les exposer Ă  l'air dans un lieu dĂ©couvert, deux ans avant de s’en servir, afin de jeter dans les fondemens celles que le mauvais temps aura endommagĂ©es ; celles qui rĂ©sistent Ă  cette Ă©preuve , la nature elle-mĂȘme prouvant leur bontĂ© , on les emploie Ă  la maçonnerie faite hors de terre. On suit cette mĂ©thode tant Ă  l’égard du moellon que des. pierres de taille. REMARQUES. Les premiĂšres pierres dont on se servit pour les Ă©difices publics , tant dans la GrĂšce qu’à Rome, Ă©toient une espĂšce de tuf ; le temple de Jupiter Ă  Elis en Ă©toit bĂąti. Un temple de Girgenti en Sicile , le temple et l’édifice de Pestum , sur le bord du golfe de Salerne , ainsi que les murs carrĂ©s de celte mĂȘme ville , Ă©toient tous construits avec de pareilles pierres. Cette concrĂ©tion pierreuse est de deux espĂšces la premiĂšre se Forme d’une humiditĂ© lapidifique ; elle est blanchĂątre et verdĂątre , d’une nature spongieuse , et par cette raison plus lĂ©gĂšre'que les autres espĂšces de pierres , et que le marbre , cette pierre est connue sous le nom de Travertin , et se trouve prĂšs de Tivoli. La seconde espĂšce est une terre pĂ©trifiĂ©e ; elle est quelquefois d’un noir grisĂątre et quelquefois rosacĂ©e on l’appelle en Italie tufo > et en France , tuf. Vilruve lui donne le nom de pierre rouge , qu’on trouve aux environs de Rome j, c’est ce que Perrault a ignorĂ©. L’une de ces espĂšces est enlevĂ©e du roc , au-dessus de la terre ; l’autre se tire du sein de la terre mĂȘme. Celle-ci se trouve gĂ©nĂ©ralement dans les endroits oĂč il y a des sources sulfureuses, telles que celles de Tivoli et de Pestum ; c’est prĂšs de cette ville que le ruisseau sulfureux dont parle Strabon se jette dans la mer. LIVRE II, C h A p. vu. Le travertin , en particulier , se forme des eaux de l’Anio , aujourd’hui le Tcvcrone , Ă  qui Ă»n attribue une qualitĂ© pĂ©trifiante. Dans les carriĂšres d’oĂč l’on tire les pierres liburtines , il se forme , en assez peu de temps , une nouvelle masse de pierre qui remplace celle qu’on en a tirĂ©e Ăż ce qui prouve ce fait , c’e*t qu’on a trouvĂ© enfermĂ© dans ces masses , en les faisant Ă©clater , des outils de fer qui avoient servi autrefois Ă  des ouvriers qui y avoient travaillĂ©. Le marbre croĂźt de mĂȘme de nouveau car on a trouvĂ© un pied de chĂšvre de fer dans un bloc de marbre , de l’espĂšce appelĂ©e marbre d’Afrique , qu’on vouloit scier pour l’employer Ă  l’église dĂ©lia Morte derriĂšre le palais FaimĂšse Ă  Rome. Cette croissance est nĂ©anmoins plus remarquable encore dans le porphire , puisqu’on y trouva , il y a trente ans, une mĂ©daille d’or d’Auguste. La seconde espĂšce de pierre , savoir le tuf, est d’une qualitĂ© terreuse et beaucoup plus tendre que le travertin $ on en trouve prĂšs de Naples une espĂšce qu’on travaille avec la coignĂ©e. L’autre espĂšce de tuf se fouille aussi dans les environs de Naples , et s’appelle rapillo ; mais peut - ĂȘtre faudroil-il dire lapiĂŻlo. C’est un moellon plus lapidifiĂ© et plus noir , qui sert Ă  faire le plancher dans plusieurs maisons, et Ă  couvrir tous les toits liorisontaux. Ce moellon se trouve aussi Ă  Frascali prĂšs de l’ancien Tusculum., oĂč il est connu sous le nom de rapillo. C’est probablement une ancienne production volcanique des montagnes de ce canton , oĂč l’on en trouve une grande quantitĂ©. Lorsqu’on lit dans l’ancienne histoire romaine qu’on a quelquefois vu tomber Ă  Albano des pluies de pierres , il faut , sans doute , attribuer ce phĂ©nomĂšne Ă  quelque Ă©ruption volcanique des montagnes voisines. Les anciens enlevoient le tuf par masses carrĂ©es , et l’employoient non-seulement pour les fondemens , mais ils en construisoient aussi des Ă©difices entiers. Les aqueducs , hors de Rome, qui ne sont pas de briques , sont faits de tuf. L’intĂ©rieur des rĂčurs du ColisĂ©e est de la mĂȘme pierre. Aujourd’hui on tire le tuf des carriĂšres en petits blocs , tels que le hoyau les sĂ©pare de la masse ; on le fait servir 'pour les fondemens et les voĂ»tes , ou pour garnir les rĂŻiurs , comme je le ferai voir plus bas. > - ; h . On employa aussi pour les premiers bĂątimens Ă  Rome , et dans les environs de celle ville , la pierre appelĂ©e peperino , qui est une espĂšce de pierre , d’un gris foncĂ© , plus dure que le tuf , et plus tendre que le travertin , par-consĂ©quent plus facile Ă  travailler que cette derniĂšre. Les anciens lui donnoient le nom de pierre d’Albano , comme dit Vilruve , parce qu’on en enlevoit beaucoup a Albano ; ce que les commentateurs et les traducteurs des Ă©crivains que nous avons citĂ©s , n’ont pas remarquĂ©. Aujourd’hui on l’appelle Ă  Rome peperino > et Ă  Naples pipemo , ou pipiemo , nom qui vient., probablement dĂ© Pipemo y Privernum J oĂč cette pierre se trouvoit en grande abondance. C’est de cette pierre que sont faits les fondemens du capitole , jetĂ©s l’an de Rome 367 , dont On voit encore de nos jours cinq hauteurs de grosses pierres au-dessus de la terre , que Ficorini ^a fait graver 1. La plupart de ces pierres ont cinq palmes et demie de longueur. La cloacca 1 Roma antiqua. p. 6a Ăż2 \ L’ARCHITECTURE DE VITRÏÏVE. massima , le plus ancien tombeau romain qu’on connoisse 1 , prĂšs d’Albano , et un autre des plus anciens monumens romains 2 , de l’an 358 de la ville de Rome , savoir un conduit pour l’écoulement des eaux du lac d’Albano , nommĂ© prĂ©sentement lago di Castello 3 sont tous construits de celte espĂšce de pierre. Il faut que le travertin n’ait pas Ă©tĂ© connu dans les premiers temps de Rome car on ne gravoit, alors les inscriptions que sur le peperino y telle est celle Ă  l’honneur de L. Corn. Scipio Barbatus, le plus digne homme de son siĂšcle 3. Cette inscription a Ă©tĂ© faite pendant la seconde guerre punique , et se voit aujourd’hui dans la bibliothĂšque du palais Barberin ; elle est du mĂȘme Ăąge que celle de Duillius , qui Ă©toit sans doute gravĂ©e aussi sur la mĂȘme espĂšce de pierre , et non pas sur le marbre 4, comme on a prĂ©tendu le prouver par un passage de Silius ; car les fragmens de marbre ne sont pas du mĂȘme temps ; et Selden 5, ainsi que plusieurs autres savans, n’auroient pas Ă©tĂ© dans le doute sur la date de ce monument , s’ils avoient pu voir eux-mĂȘmes cette inscription. Le marbre a Ă©tĂ© connu fort tard Ă  Rome ; mais il le fut cependant avant l’an 676 de cette ville, comme un Ă©crivain l’a avancĂ© 6 car Pline , 7 que l’on cite Ă  ce sujet , parle du marbre de Numidie , et du premier seuil de porte qu’on en a fait ; mais il assure, au mĂȘme endroit, que l’art de scier le marbre n’a pas Ă©tĂ© connu en Italie avant le temps d ? Auguste , ce qui paroĂźt Ă * peine croyable. Quoiqu’il en soit, on a employĂ© le marbre, sans se servir de la scie , Ă  deux monumens du temps de la rĂ©publique ; ce sont le tombeau de Cecilia MetĂšlla , appelĂ© aujourd’hui Capo di Bove , çt la pyramide de Ceslius. Le peperino , ou la pierre d’Albano % servit aussi aux principaux Ă©difices publies , dans le mĂȘme temps qu’on employoit avec tant de profusion le marbre Ă  Rome. Ceux qui se sont conservĂ©s du temps des empereurs , sont le forum transitorium de Nerva , le temple de Pallas au forum de cet empereur , et le temple d’Anloniii et de Fausline j un petit temple hors de Rome , prĂšs le lac Pantano , de soixante palmes de long , sur trente de large , dont les quatre murs sont encore sur pied , et peut-ĂȘtre d’un temps plus reculĂ©. Ces temples cependant Ă©loient revĂȘtus de tables de marbre , ainsi qu’il paroĂźt par les dĂ©bris, qui nous j Bartoli Sepulcr. a tib. V. Chap. 19. 3 Jac. Simondi veluslissima fnscrip. ; qua. L. Com. Scipionis Elo giam contineUir. Romts 1617. 4- 4 Ryck de tapit . c. 33 -. ed Gandm\ 1617. 5 Marm. Àrundel p. io 3 . 6 Gozze , inscrip , dĂ©lia colon, rosi, di Duillio. Rom. x 633 . 4 - p. 8. 7 Liv. XXXVI. 68. VV* V\ uttut CHAPITRE LIVRE II, C h a p. y m. CHAPITRE VIII. Des diffĂ©rentes espĂšces de Maçonneries. *Ïl existe deux espĂšces de maçonneries, la maillĂ©e L , qu’on emploie prĂ©sentement par-tout, et l’irrĂ©guliĂšre I qui est l’ancienne maniĂšre. La maillĂ©e est plus agrĂ©able Ă  la vue ; mais elle a le dĂ©faut de se fendre , parce que les lits et les joints rompent et s’écartent aisĂ©ment de tous cĂŽtĂ©s au lieu que la maçonnerie irrĂ©guliĂšre , dans laquelle des pierres inĂ©gales , posĂ©es les unes sur les autres , sont liĂ©es sans rĂ©gularitĂ© , est beaucoup meilleure , quoique le parement n’en soit pas si beau. Dans l une ou l’autre de ces maniĂšres de bĂątir , il faut y employer les plus petites pierres car plus il y aura de mortier , plus l’ouvrage sera solide la pierre Ă©tant fort poreuse, enlĂšve trop vite l’humiditĂ© qui se trouve dans la chaux ; c’est pourquoi il faut que le mortier domine , le mur Ă©tant alors plus humide , ne sĂšche pas aussi vite , et les matĂ©riaux , qui le composent, sont bien mieux liĂ©s ensemble ; tandis que s’il n’y en a pas beaucoup , les pores des pierres absorbant d’abord l’humiditĂ© qui s’y trouve , le sable se sĂ©pare de la chaux , et cause la ruine de la muraille. Nous remarquons cela dans plusieurs bĂątimens anciens qui sont prĂšs de Rome ; leurs murailles faites de marbre ou de grandes pierres de taille Ă©quarries, travaillĂ©es en dehors ne sont liĂ©es dans l’intĂ©rieur que par un peu de remplage ; la chaux qui s’y trouve , sĂšche Ă  la longue ; le mortier perd alors toute sa force , il tombe et se dissipe Ă  cause qu’il y en a peu ; les pierres s’ébranlent dans leurs joints, qui se dĂ©sunissent, et ces murailles tombent en ruine. Pour obvier Ă  ces inconvĂ©niens , il faut laisser un vuide entre les paremens ; remplir le dedans de pierres rouges Ă©quarries ou de briques , ou de cailloux communs ; donner aux murailles deux pieds d’épaisseur , et joindre les deux paremens par des crochets de fer plombĂ©s. Si on fait ces murailles avec ordre et sans confusion , elles n’éprouvent aucun dĂ©gĂąt, et durent Ă©ternellement ; parce que les lits de pierres et les joints se rapportent Ă©galement, et lient l’ouvrage ensemble. Le mur par lĂ  ne peut s’affaisser , et les paremens qui sont si bien liĂ©s l’un Ă  l’autre ne peuvent s’ébranler. Pour la mĂȘme raison, nous ne devons pas rejeter l’espĂšce de ma- * Planche flg. IO / 74 L’ARCHITECTU-RE DE Y I T R TJ V E. çonnerie, dont les Grecs se servent quand ils n emploient pas les pierres de taille bien Ă©quarries et Ă©galement polies ; ils se contentent, dans ce cas, d arranger des cailloux , ou des pierres dures posĂ©es alternativement les unes sur les autres, comme si c Ă©toient des briques. Cela rend les murailles si solides qu elles durent Ă  jamais. * Ils font ces constructions ordinaires de deux maniĂšres. L’une appelĂ©e Isodome , G quand les assises sont d Ă©gale Ă©paisseur , l’autre Pseudisodome H quand elles sont inĂ©gales. Ces deux façons de bĂątir sont trĂšs-solides. PremiĂšrement la qualitĂ© dure et compacte des pierres fait qu elles ne peuvent absorber de suite toute 1 humiditĂ© du mortier, qui s’y conserve trĂšs-long-temps ensuite lĂ©galitĂ© et le niveau des lits de pierres posĂ©s horizontalement, empĂȘchent les matĂ©riaux de s’affaisser ; le mur Ă©tant de plus liĂ© dans toute son Ă©paisseur , il ne peut crĂ©vasser , et sa durĂ©e est infinie. La troisiĂšme maniĂšre est appelĂ©e Emplecton i, M dont nos villageois se servent aussi voici comme elle se fait. On rend les paremens le plus unis qu’il est possible ; on remplit le milieu de mortier , on y jette les pierres pĂȘle-mĂȘle , comme elles viennent, sans aucunes liaisons. Nos maçons , qui ne cherchent qu’à terminer le plutĂŽt possible leur ouvrage , lorsqu’ils Ă©lĂšvent les assises , n’ont Ă©gard qu’au parement , et remplissent le milieu de pierres mĂȘlĂ©es avec le mortier , qu’ils couchent de trois façons deux sont pour l’enduit des paremens , et la troisiĂšme sert pour remplir le milieu ; mais les Grecs ne font pas ainsi. Ils posĂšnt leurs pierres couchĂ©es, et ils font les assises tout le long de la muraille, avec d’autres pierres , qui, de deux en deux ? , vont d’un parement Ă  l’autre , sans remplissage au-dedans. Par le moyen de ces pierres Ă  double parement, qu'ils appellent Diatonoiis 2 , NN ils maintiennent la muraille d’un bout Ă  l’autre dans une Ă©gale Ă©paisseur, et en liant ensemble les deux paremens lui donnent la plus grande soliditĂ©. Ceux qui suivront mes principes trouveront que c’est la vraie maniĂšre de construire des Ă©difices qui durent long-temps. La maçonnerie qui paroĂźt belle Ă  la vue , Ă  cause qu elle est faite de pierres faciles Ă  tailler , n’est pas la meilleure , ni celle qui dure le plus ; pour cette raison , les experts nommĂ©s pour apprĂ©cier les murs extĂ©rieurs , ne les estiment pas d’aprĂšs le prix qu’ils ont coĂ»tĂ© ; mais aprĂšs s’ĂȘtre assurĂ©s de l’époque oĂč on les a faits , par les baux des loyers , ils dĂ©duisent , du prix qu’ils ont coĂ»tĂ© , autant de quatre-vingtiĂšmes parties, qu’il y a d’annĂ©es que le mur est achevĂ©, et ne font payer que ce qui reste de toute la somme , Ă©tant d’avis qu’elles ne peuvent durer plus de de quatre-vingts ans. ~ * * Planche III. me fig. i; 1 C’est-Ă -dire, entrelassĂ©e. a C’est-Ă -dire, Ă©tendue. 1 LIVRE II, C h a p. vin. 7 5 Il n’en est pas de mĂȘme pour les murailles de briques si elles sont encore bien d’aplomb , on ne dĂ©duit rien ; mais on les estime toujours ce qu’elles ont coĂ»tĂ©. C’est pourquoi , dans beaucoup de villes , les Ă©difices , tant publics que particuliers , et mĂȘme les maisons royales , sont bĂąties en briques. Tels sont Ă  AthĂšnes , les murs qui regardent le mont Hymette et le mont Pentelesien , et ceux de toutes les maisons. Les murailles de Cella , des temples de Jupiter et d’Hercule , sont de briques , quoiqu’en dehors , les architraves et les colonnes soient de pierre. On voit dans la ville d’Arezzo en Italie , un ancien mur de briques trĂšs-bien bĂąti. La maison des rois Atalliques , prĂšs de Tralis , est bĂątie de mĂȘme ; elle sert aujourd’hui de logement Ă  celui que les habitans de la ville ont choisi pour remplir les fonctions sacerdotales. Pendant la magistrature des Ediles Varron et Murena , on a apportĂ© , dans cette ville , pour en dĂ©corer le lieu des assemblĂ©es , des peintures qu’on avoit sciĂ©es Ă  Sparte hors d un mur de briques , et on les a enchĂąssĂ©es dans du bois. La maison de CrĂ©sus , que les Sardiens ont consacrĂ©e Ă  ceux de leurs concitoyens , qui, par leur grand Ăąge, ont acquis le privilĂšge de vivre en repos dans un collĂšge de vieillards appelĂ© Geronsie , est aussi de briques. Dans la ville d’Halicarnasse , le palais du puissant roi Mausole, a des murailles de briques , quoiqu’il soit par-tout ornĂ© de marbre de ProconĂšse. Elles sont encore aujourd’hui trĂšs-belles et trĂšs - entiĂšres , couvertes d’un enduit si bien poli , qu’il ressemble Ă  du verre. On ne peut dire , cependant, que ce soit par Ă©conomie que ce roi ne les a pas fait faire d une matiĂšre plus riche, lui qui Ă©toit si puissant et qui commandoit Ă  toute la Carie ; et si l’on considĂšre les Ă©difices qu’il a construits , on ne peut pas dire non plus que c’étoit faute de con- noĂźtre la belle architecture. Quoique ce roi fĂ»t nĂ© Ă  Mylas , il prĂ©fĂ©roit la ville d’Halicarnasse , Ă  cause de sa situation qui lui paroissoit trĂšs - avantageuse pour le commerce , ayant un trĂšs - bon port, ce qui le dĂ©termina d’y bĂątir un palais. L’emplacement de cette ville est courbĂ© en forme d’amphithéùtre ; il destina le bas, qui est prĂšs du port, pour en faire la place publique ; dans le milieu de ce circuit, sur la pente de la colline , se trouve une grande place , oĂč fut bĂąti ce superbe ouvrage , nommĂ© le MausolĂ©e , l’une des sept merveilles du monde ; dans le milieu du chĂąteau qui occupe plus loin , dans la mĂȘme direction , le lieu le plus Ă©levĂ© , il fit bĂątir le temple de Mars , et Ă©lever la statue colossale de ce dieu appelĂ©e Acrolithos 1 elle fut faite par un excellent ouvrier, nommĂ© TelochĂąles , ou comme d’autres croient, par TimothĂ©e. Sur la pointe , qui est Ă  droite de la colline , il fit bĂątir les temples de VĂ©nus et de Mercure , auprĂšs de la fontaine Salmacis , Ă  laquelle on attribue une qualitĂ© singuliĂšre ; on prĂ©tend que 1 C’est-Ă -dire, pierre Ă©levĂ©e. 7 G L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. ceux qui boivent de son eau , deviennent malades d’amour. On ne sera peut - ĂȘtre pas fĂąchĂ© de savoir comment une opinion aussi absurde s est rĂ©pandue dans le monde car il est certain , que ce qu’on dit des effets de cette fontaine, pour rendre effĂ©minĂ©s et porter Ă  la luxure ceux qui en boivent, n’est fondĂ© que sur la qualitĂ© de son eau, qui est trĂšs - agrĂ©able Ă  boire. Lorsque MĂȘlas et Arevanias conduisirent une partie des habitans de la ville d’Argos et de TrĂ©zĂšne pour habiter dans ce lieu, ils en chassĂšrent les barbares Cariens et les LĂ©legues ; ces peuples se retirĂšrent dans les montagnes , d’oĂč ils firent des courses sur les Grecs , et ravagĂšrent tout le pays par leurs brigandages. A cette Ă©poque , l’un des habitans reconnut la bontĂ© de cette fontaine ; il y bĂątit une taverne pourvue de tout ce qui Ă©toit nĂ©cessaire , dans 1 espĂ©rance d y faire quelques profits ; il rĂ©ussit si bien dans cette entreprise , que les barbares y vinrent comme les autres , et s’habituĂšrent, en vivant avec les Grecs , Ă  la douceur de leurs mƓurs ; et, sans aucune contrainte , ils changĂšrent leur naturel farouche ; de sorte que par la vertu qu’on attribue Ă  cette fontaine , on ne doit pas entendre une mollesse qui corrompt les Ăąmes , mais qu elle a contribuĂ© Ă  adoucir les mƓurs des barbares. Pour en revenir Ă  la description de la ville , et des bĂątimens de Mausole , je dirai que, comme le temple de VĂ©nus et la fontaine dont nous avons parlĂ©, se trouvoient du cĂŽtĂ© droit, Ă  gauche , du cĂŽtĂ© opposĂ©, se trouvoit le palais de ce roi , qu’il avoit disposĂ© d’aprĂšs son goĂ»t ; il est situĂ© de maniĂšre qu’à droite, il a la vue sur la place publique , sur le port , et gĂ©nĂ©ralement sur tous les remparts de la ville ; Ă  gauche il regarde sur un autre port qui est cachĂ© par la montagne, de sorte qu’on peut voir ce qui s’y passe , sans ĂȘtre aperçu. Le roi, de son palais , donne ses ordres aux soldats et aux matelots. AprĂšs la mort de Mausole , la reine ArtĂ©mise son Ă©pouse prit les rĂȘnes du gouvernement. Les Rhodiens ne purent souffrir qu’une femme rĂ©gnĂąt sur toute la Carie ; ils armĂšrent une Hotte pour s’emparer du royaume. ArtĂ©mise en fut avertie ; elle fit cacher, dans ses ports, une armĂ©e navale avec les forçats et tous les soldais de marine , et fit paroĂźtre le reste de l’armĂ©e sur les remparts. Les Rhodiens firent approcher leur armĂ©e navale fort bien Ă©quipĂ©e ; comme elle Ă©toit prĂȘte d’entrer dans le grand port, la reine fit donner un signal de dessus les murailles , comme pour faire entendre que la ville vouloit se rendre. AussitĂŽt les Rhodiens sortent de leurs vaisseaux pour entrer dans la ville ; ArtĂ©mise fait de suite ouvrir le petit port, son armĂ©e navale en sort et entre dans celui oĂč Ă©toient les vaisseaux des Rhodiens qui Ă©toient vuides ; on les garnit de matelots et de soldats , et on les emmĂšne en pleine mer ; en mĂȘme - temps les Rhodiens , qui n’ont plus aucun moyen de se retirer , sont tous massacrĂ©s sur la place publique , oĂč iis se trouvent enfermĂ©s. La LIVRE II, C h a p. vin. 77 reine de son cĂŽtĂ© , avec les navires Rhodiens qu elle avoit remplis de matelots et de ses soldats, s’en va droit Ă  l isle de Rhodes. Les liabitans voyant venir leurs vaisseaux couronnĂ©s de lauriers , reçurent leurs ennemis , croyant que c’étoient leurs gens qui revenoient victorieux. ArtĂ©mise , aprĂšs s’ĂȘtre emparĂ©e de la ville de Rhodes , et fait massacrer les principaux hahitans de cette Ăźle , Ă©leva un trophĂ©e dans la ville , composĂ© de deux statues de bronze , dont l’une reprĂ©sentoit la ville de Rhodes ; l’autre Ă©toit celle de cette reine , qui imprimoit, sur le front de celle qui reprĂ©sentoit la ville, les signes qui marquent la servitude. Long-temps aprĂšs , les Rhodiens n’osant abattre ' ces statues , parce que la religion fait un crime de renverser les trophĂ©es qui dĂ©diĂ©s aux dieux , s’avisĂšrent, pour en ĂŽter la vue, de bĂątir, tout autour, un Ă©difice fort Ă©levĂ©, Ă  la maniĂšre des Grecs , qu’ils apelĂšrent Abaton, c’est-Ă -dire oĂč l’on ne pĂ©nĂštre pas. Si des rois aussi puissans n’ont pas dĂ©daignĂ© d’employer les briques dans les bĂąti- mens , ce n’étoit pas par Ă©conomie; l’argent qu’ils levoient dans leurs Ă©tats, et celui qui provenoit des dĂ©pouilles de l’ennemi , Ă©toit plus que suffisant pour subvenir aux dĂ©penses nĂ©cessaires pour bĂątir non-seulement en moellons , mais en pierres de taille et mĂȘme en marbre. On ne doit donc pas mĂ©priser la maçonnerie en briques , si toutefois elles sont bien faites. Il est vrai qu’on ne peut s’en servir dans la ville de Rome. Mais en voici la raison les lois dĂ©fendent de donner aux murs extĂ©rieurs, plus d’un pied et demi d’épaisseur ; pour gagner plus d’espace dans sa maison , on ne veut pas en donner davantage aux autres murs. Ceux de briques ne sont bons qu’au- tant qu’il s’en trouve deux ou trois rangs dans l’épaisseur , et on ne peut en mettre autant puisqu’elle n’a qu’un pied et demi d’ailleurs Ă©tant aussi minces, ils ne pour- roient soutenir qu’un Ă©tage, ce qui seroit fort mal entendu dans une ville qui contient autant d’habitants, et oĂč il faut que la hauteur des Ă©difices supplĂ©e au dĂ©faut de place. On doit mĂȘme placer , de distance en distance , des pilastres de pierre , bĂątis avec des tuileaux , ou bien d’autres murs faits avec le moellon , pour fortifier ceux des maisons, en les liant Ă  ceux-ci par des solives, afin qu’ils puissent s’élever assez haut, tant pour procurer l’avantage des cĂ©nacles , que l’agrĂ©ment de la vue i. La quantitĂ© d’étages et de balcons qu’on y peut faire, rendent les habitations de Rome fort belles, sans occuper beaucoup de place. L’économie du terrain est donc la seule raison pourquoi cette maçonnerie n’est pas en usage dans Rome ; mais comme la mĂȘme x Le cĂ©nacle Ă©toit le plus haut Ă©tage d’une maison , qu’on louoit au menu peuple , et oĂč il alloit faire ses repas. In cƓnaculum rarus venit miles. Le soldat monte rarement jusqu’au dernier Ă©tage, dit Juvenal, parce qu'il n’y avoit que le menu peuple qui y logeoit. 7 s L’ARCHITECTURE DE Y I T R U V E. * raison n’existe pas hors de la ville, si on vent bĂątir d’une maniĂšre qui dure longtemps, il faut l’employer. Sur le haut des murailles, sous le toit, on fait un massif avec des tuiles, de la hauteur d’un pied et demi, qui doit dĂ©border en forme de corniche ; ce moyen garantit les murailles de tout ce qui peut leur nuire car si une des tuiles de l’entablement vient Ă  se casser ou Ă  ĂȘtre emportĂ©e par le vent , la pluie coule par cette ouverture sur la muraille ; mais ce massif de tuiles empĂȘche que les briques n’en soient endommagĂ©es, parce que la saillie de la corniche fait tomber l’eau plus loin, et empĂȘ- che qu elle ne touche la muraille, tellement que la maçonnerie reste intacte. Quant aux tuiles, on ne peut guĂšre juger de leur bontĂ©, qu’aprĂšs les avoir Ă©prouvĂ©es ; on n’en est assurĂ© qu’autant qu’elles ont rĂ©sistĂ© aux chaleurs de l’étĂ© et Ă  toutes les injures du temps car si elles sont faites avec de mauvaise terre , et quelles soient mal cuites, la gelĂ©e et les pluies feront bientĂŽt connoĂźtre leurs dĂ©fauts ; et les tuiles qui se gĂątent d’abord sur les toits , ne sont pas propres pour maçonner. Lors donc qu’on veut s’en servir pour cet usage , pour le faire de longue durĂ©e, il faut prendre celles qui sont depuis long-temps sur les toits. Il seroit Ă  souhaiter qu’on n’eĂ»t jamais pensĂ© Ă  faire des murailles de bois entrelacĂ© ; si elles ont quelqu’avantage Ă  cause du peu d’espace qu elles occupent , et du peu de temps qu’il faut pour les fabriquer, elles sont si dangereuses, Ă  cause du feu, pour lequel elles semblent ĂȘtre un aliment tout prĂ©parĂ© , qu’il vaut beaucoup mieux faire la dĂ©pense des murailles maçonnĂ©es que de s’exposer Ă  un danger continuel qui ne sera jamais compensĂ© par la facilitĂ© de cette construction. Celles-mĂȘmes qui sont couvertes d’enduit se fendent nĂ©cessairement le long des montants et des travers car le bois qui s’enlle d’abord par l’humiditĂ©, lorsqu’on le couvre de mortier, se rĂ©trĂ©cit ensuite lorsqu’il sĂšche, ce qui fait casser l’enduit. Cependant, si pour la promptitude, par Ă©conomie, ou pour remĂ©dier Ă  quelque hors d’équerre, on a besoin de pareilles murailles , voici comme on doit faire il faut les asseoir sur un empĂątement un peu Ă©levĂ© au-dessus du niveau de la terre , afin qu’ils ne touchent pas au pavĂ© ; autrement ils se pourrissent, et, en s’affaissant, ils rompent et gĂątent la beautĂ© de l’enduit du mur. VoilĂ  ce que j’avois Ă  dire sur la construction des murailles , sur les matĂ©riaux qu’on y emploie en gĂ©nĂ©ral , et sur leur bonne ou mauvaise qualitĂ©. J’ai traitĂ© cette matiĂšre le mieux que j ai pu ; il me reste Ă  parler des planchers, des matĂ©riaux qu on y emploie, et comment il les faut choisir pour en faire un ouvrage durable, autant qu’on en peut juger d’aprĂšs les lois de la nature. LIVRE II, C h a p. vin. REMARQUES. 79 Galiani remarque que Vitruve, , dans ce chapitre , parle d’abord des façons de maçonner en usage chez les Romains, ensuite de celle des Grecs, et qu’il divise l’une et l’autre en deux espĂšces, savoir celle des Romains en maillĂ©e et irrĂ©guliĂšre, et celle des Grecs en pierre Ă©quarrie ou de taille , et la maçonnerie ordinaire l’une qu’il nomme isodoma , et l’autre pseudlsodoma. Il est vrai , dit-il , que Vitruve parle encore d’une autre espĂšce de maçonnerie qu’il nomme Emplectori; mais je crois qu’il n’entend par celle-ci, qu’une maniĂšre particuliĂšre d’exĂ©cuter celles dont il a dĂ©jĂ  fait mention. C’étoit lorsque l’intĂ©rieur des espĂšces de murs, dont il vient de parler , Ă©toit rempli , entre les deux paremens , de petites pierres , de morceaux de pots cassĂ©s et autres choses semblables , avec du ciment dont il y avoit toujours un tiers plus que de pierres. RĂ©unissant ensuite la maçonnerie des Grecs et celle des Romains , voici, Ă  ce qu’il] me semble , continue Galiani , la vraie maniĂšre de les diviser. Toutes les murailles sont bĂąties en massif ou en remplissage ; ces deux maniĂšres s’exĂ©cutent eii pierres de taille, en maçonnerie ordinaire, en maillĂ©e et irrĂ©guliĂšre le maçonnage ordinaire peut ĂȘtre isodome et pseudisodome. Il ne parle pas de celle en brique , parce qu’il en a dĂ©jĂ  fait mention dans le troisiĂšme chapitre de ce livre. Je suis de son avis , et je trouve sa division assez exacte ; mais avant de traiter des diffĂ©rentes constructions des bĂątimens , je vais commencer par celle des fondemens ils Ă©loient faits ou de grosses masses carrĂ©es de tuf , ou bien de petits moellons de ce mĂȘme tuf ; ce qui Ă©toit mĂȘme la maniĂšre la plus ordinaire, comme elle l’est encore aujourd’hui. La platĂ©e de cette derniĂšre maniĂšre se faisoit de la façon suivante , comme on le voit encore aux ruines qui sont Ă  Rome. On jetoit le ciment , c’est-Ă -dire la chaux et la pouzzolane mĂȘlĂ©es ensemble , par baquet dans la fosse , ce qu’on recouvroit ensuite de morceaux de tuf; manoeuvre qu’on recommençoit jusqu’à ce que la fosse fĂ»t pleine. Ce fondement se consolidoit en deux jours de temps ; il devenoit mĂȘme si dur par le moyen de la pouzzolane , qu’on pouvoit bĂątir dessus , immĂ©diatement aprĂšs cette opĂ©ration. Il faut que je rĂ©pĂšte ici une observation que j’ai dĂ©jĂ  faite , qui regarde les murailles mĂȘme celles hors de terre ; c’est que les anciens , considĂ©rant la qualitĂ© solide de la pouzzolane , em- ployoient toujours plus de ciment que de pierre ; et c’est, suivant cette mĂ©thode , que sont faites toutes les anciennes voĂ»tes ; comme nous l’observons dans nos remarques sur les chapitres premier et dixiĂšme du cinquiĂšme livre. On Ă©levoit , sur les fondemens , les murailles ; celles de petites pierres Ă©toient en gĂ©nĂ©ral faites ' de morceaux de tuf, en forme de coin, ou de diamants taillĂ©s; la surface au parement Ă©toit carrĂ©e, on les plaçoit un angle en haut et un autre en bas , en forme de losange ; cette espĂšce de maçonnerie s’appeloit chez les anciens , opus reticulatum ; c’est-Ă -dire ouvrage en rĂ©seau, ou maillĂ©e , Ă  cause des joints des pierres , dont la figure Ă©toit semblable Ă  un rĂ©seau. Chaque pointe de ces coins reprĂ©sentĂ©s dans la figure i. re de la planche XII.”, Lit. E. , Ă©toit enfoncĂ©e dans le mortier, qui , avec des pierres de la mĂȘme espĂšce , formoit le remplissage de l’intĂ©rieur de la muraille. Quand les anciens employoient , Ă  cette sorte d’ouvrage, des pierres tendres , comme le tuf, les carrĂ©s Ă©toieni 8o L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. tous trĂšs-Ă©gaux et bien travaillĂ©s.; cette rĂ©gularitĂ© plaisoit Ă  la vue tels sont ceux qu’on voit sur les restes du mausolĂ©e d’Auguste Ă  Rome; mais quand ils se trouvoient clans un endroit, oĂč ils ne pouvoient se procurer cette espĂšce de pierre , et qu’ils Ă©taient obligĂ©s d’en employer de plus dures, comme celles qu’on voit Ă  l’amphitliéùtre de Theano , clans le labour a 6 lieues de Capoue , les carrĂ©s ne sont pas, Ă  beaucoup prĂšs, aussi bien travaillĂ©s , et l’ouvrage n’offre pas un coup-dceil aussi agrĂ©able. Quoique Vitruve , et mĂȘme Pline 1 assurent que cette espĂšce de muraille n’ést pas solide, cependant on voit , qu’il s’est conservĂ© des bĂątimens entiers , construits uniquement de cette façon tels sont entr’autres la maison de campagne dite de MĂ©cĂšne a Tivoli , les ruines du temple cl Hercule , au mĂȘme endroit, les restes de la maison de campagne de Lucullus Ă  Frascati, et de grands pans de murs de celle de Domitien , Ă  Caslel-Gandolio , dans la villa Barberin. J ai trouve par toute Fltalie , des ruines d*opus reticulatum ; j’en ai vu sur-tout dans l’ancienne Campanie , et dans une infinitĂ© d’autres endroits du royaume de JNaples. On en trouve aussi beaucoup en d’autres pays hors de l’Italie et, maigre 1 opinion de Vitruve , les ouvrages de ce genre qui se sont conservĂ©s jusqu’à nous , sont en plus grand nombre , et plus intactes que ceux de tous les autres ; cela vient , sans doute , suivant les principes avances par notre auteur , de ce que les pierres en sont fort petites , mĂȘlĂ©es dans une grande quantitĂ© de chaux , ou pour mieux dire de mortier. Passons prĂ©sentement Ă  l’autre espĂšce de maçonnerie en usage chez les Romains , qui, d’aprĂšs ce que dit Vitruve , et ce que nous montrent les monumens antiques qui nous restent , Ă©toit la maniĂšre de bĂątir des plus anciens temps. Vitruve nomme celte maniĂšre incerta , et,je l’ai traduit par maçonnerie irrĂ©guliĂšre. Je n’ai pas fait comme Perrault et d’autres qui ont voulu corriger ici le texte de Yitruve; au lieu d’incerta , ils ont mis inserta ; ils entendent par lĂ , une maçonnerie faite en liaison y dans laquelle les pierres sont posĂ©es les unes sur les autres comme des tuiles y ce que Vitruve n’a certainement pas voulu dire ici ; car cette espĂšce de maçonnerie est celle qu’il nomme plus loin, isodome et pseudisodome. Perrault, et ceux qui ont suivi son sentiment, ne con- noissoient certainement pas cette maniĂšre que Vitruve nomme incerta et dont il existe encore un fragment considĂ©rable qui forme une partie des murs de la ville de Fondi dans le royaume de Naples , a droite de la porte de celle ville , nommĂ©e la porte de Rome. Cette muraille est faite de pierres blanches Ă  paremens polis ; mais ces pierres sont toutes d’une forme diffĂ©rente car il y en a de pentagones , d’hexagones 3 et d’heptagones , et c’est de cette maniĂšre qu’elles sont emboitĂ©es les unes dans les autres. Elle est reprĂ©sentĂ©e lettre I. re , fig. i. re , pl. Ill. me Ce morceau est exĂ©cutĂ© avec clĂ©s pierres trĂšs-grosses, et si elles n’éloient d’une autre espĂšce ^ que celles qui composent le pavĂ© de la voie AppiĂ©nne, on pourroit croire que c’est une partie de cette voie qui a Ă©tĂ© transportĂ©e lĂ  y et Ă©levĂ©e d’aplomb , tant les pierres de ce mur ressemblent Ă  celles de ce pavĂ©, soit par l’irrĂ©gularitĂ© , soit par la grandeur. Les murs de Corinthe et d’Eretria en EubĂ©e , Ă©toient construits de cette maniĂšre. Il y a voit aussi de pareils murs Ă  Ostia , ville de l’Epire , dont San Gallo , ancien architecte de son temps on en voyoit encore quelques restes a donnĂ© le dessin et la description, 0 PU ne - Reticulata structura, qua frequentissimĂš slruunl nimis oporluna est, Liv. XXXVI, Ch. 5i. - 1 ;" A. qui LIVRE I I, C il Ă  p. vin. 81 qui se trouvent sur vĂ©lin dans la bibliothĂšque du palais Barberin Ă  Rome; VY inkelman a parlĂ© de ces murs dans sa description des pierres gravĂ©es de Stoseh page 175. Ou voit aussi reprĂ©sentĂ©s sur la colonne de Trajan les murs d’une ville construits de semblables pierres. Outre ces deux espĂšces de maçonneries , les Romains se servoient aussi de celles que les colonies. Grecques avoient introduites anciennement en Italie. Vitruve commence par indiquer les murs faits entiĂšrement de pierres de taille carrĂ©es, sans rem- plage ni moellon. Tous les murs de clĂŽture de la ville de Pestum , situĂ©e Ă  un mille et demi du bord du golfe de Salerne , avec les quatre tours des angles , sont bĂątis de celle maniĂšre , avec de trĂšs-grandes pierres quadrangulĂ ires ou oblongues , jointes ensemble , Ă  ce qu’il paroĂźt, sans ciment ; de maniĂšre que le cĂŽtĂ© extĂ©rieur de ces pierres offre une surface taillĂ©e en forme de diamant. Les uns prĂ©tendent que cetlĂȘ ville a Ă©tĂ© bĂątie par les Sybarites ; d’autres par les Dauriens ce qu’il y a de certain , c’est que ces murs sont de la plus haute antiquitĂ© ; et malgrĂ© le dĂ©faut que Vitruve reproche Ă  cette maçonnerie , ils se sont conservĂ©s en entier ; quoiqu’il y ait deux mille ans qu’ils sont bĂątis. Ces murs de pierres carrĂ©es , soit de tuf, de peperin , de travertin , ou de marbre , se faisoient en posant simplement ces pierres les unes sur les autres , et quoiqu’en dise Yilruve , Ă  ce* qu’il paroĂźt , sans ciment ; de sorte qu’ils se soutenoient par leur propre poids. Dans les temps les plus reculĂ©s , on prenoit, pour construire , les plus grosses pierres qu’on pou- voit trouver; c’est ce qui a fait dire que c’étoit des ouvrages de Cyclopes. 1 C’est pour celte mĂȘme raison que les gens du pays donnent encore aujourd’hui le nom de Palais des GĂ©ants 2 aux ruines du temple de Jupiter Ă  Girgenti en Sicile. Les pierres sont en gĂ©nĂ©ral d’une Ă©querre si juste et les arrĂȘtes si vives , que les joints ressemblent Ă  un fil mince ; et c’est ce que quelques Ă©crivains ont appelĂ© apfiovia- art qu’on admiroit particuliĂšrement au temple que Scopas , 3 bĂątit Ă  TĂ©gĂ©e les joints d’un temple de Cmcum Ă©toient couverts de listeaux d’or 4. On a remarquĂ© que les grandes pierres d’autres bĂąlimens Ă©toient liĂ©es ensemble avec des ou des clefs , comme Yitruve l’enseigne dans ce chapitre ; ces clefs Ă©toient de mĂ©tal pour le marbre , parce que le fer y cause des taches de rouille. Alberti dit aussi avoir trouvĂ© des clefs ou des crampons de bois dans des bĂątimens anciens 5 ; M. Le Roi les a remarquĂ©s aux ruines d’un temple dans le territoire d’AthĂšnes ; on en a trouvĂ©s aussi au temple de Jupiter Ă  Girgenti. L’autre espece de maçonnerie en usage chez les Grecs, que Yitruve indique ensuite, est la mĂȘme que la prĂ©cĂ©dente , si ce n’est qu’on n’y employoit pas de pierres taillĂ©es , mais telles qtt’elles se trou— voient naturellement ; on les lioit en les posant alternativement les unes sur les autres , comme' si C etoient des briques. L’intĂ©rieur du mur n’étoit pas rempli avec du moellon jetĂ© Ă  bain de mortier , comme l’Empiecton ; mais avec la mĂȘme espĂšce de pierre , qui Ă©toit liĂ©e comme celles des paremens. Voyez la j. re fig. H de la III. rae planche. 1 Pausan. Liv. II. 2 Fazell. rer. Sici. Bec. Liv. "VI, p. ,127. ed, Panor, i 568 . 3 Pausan. Liy. YIII. 4 Plin. Liv, XXXVI. Ch. 22. Il parle dans le mĂȘme chapitre des maniĂšres de bĂątir en usage chez les Grecs , dites Isodome et Emplectone. 5 Archit, Liv. III, Ch. a. II 82 L’ARCHITECTURE DE VITRTJVE. Les couclies minces et assez Ă©gales de pierre calcaire et du grĂšs schist, convenoient extrĂȘmement pour faire ces sortes d’ouvrages ; et dans les Apennins , il se trouve beaucoup de pierre calcaire. Lorsque les assises ou rangs de pierres Ă©toient tous d’une Ă©gale Ă©paisseur , comme ils sont reprĂ©sentĂ©s dans la 1." fig, lettre G de la III. me planche , on nomme cet ouvrage Isodome y et lorsqu’ils Ă©toient inĂ©gaux , comme dans la mĂȘme fig. lettre H, on les nommoit Pseudisodome . CHAPITRE IX. Des bois propres Ă  bĂątir. Le temps le plus propre Ă  la coupe du bois pour bĂątir , est depuis le commen- ment de l’automne jusqu’au printemps ; c’est-Ă -dire , avant que le vent Favonius ne commence Ă  souffler car au printemps , la tige de tous les arbres est pleine de la sĂšve vigoureuse qui reproduit tous les ans leurs feuilles et leurs fruits. Cette saison qui les remplit d’humiditĂ© , les gonfle et les rend beaucoup plus foibles , semblables aux femmes, qui, pendant leur grossesse , ne sont ni aussi fortes, ni en aussi bonne santĂ© ; ce qui fait qu’on ne garantit pas la santĂ© des esclaves qu’on vend pendant qu elles sont enceintes. Voici la raison dĂ© tout cela lorsque le germe qui a Ă©tĂ© conçu vient Ă  croĂźtre , il attire Ă  lui la plus grande partie de la nourriture ; de sorte que plus les fruits se fortifient en mĂ»rissant , plus ils diminuent les forces et la santĂ© de celle qui les porte'; mais aprĂšs les couches , toute cette nourriture qui n’est plus employĂ©e Ă  l’accroissement et Ă  la nutrition d’un corps Ă©tranger , se retire dans les veines qui Ă©toient vuides ; alors le corps de la mĂšre se fortifie et revient dans son premier Ă©tat C’est ainsi qu’en automne , lorsque les fruits sont mĂ»rs , qĂŒe les feuilles commencent Ă  se flĂ©trir, lĂšs arbres retiennent tous les sucs que leurs racines tirent de la terre ; ils reprennent leur ancienne force ; le froid de 1 hiver qui survient , les resserre et les affermit. C’est pourquoi le temps que j indique est le meilleur pour couper le bois. Pour le bien couper, il faut cerner les arbres par le pied, de maniĂšre que le tronc de l’arbre , dans son rayon, reste intact depuis le coeur jusqu’à la moitiĂ© de sa circonfĂ©rence , on le laisse ainsi pendant quelque temps , afin que l’humiditĂ© en sorte et quelle s’écoule de l’aubier par cette entaille , tellement quelle ne puisse corrompre ni gĂąter le bois par la suite. Quand l’arbre sera bien sec, et qu’il n’en sortira LIVRE I I, C h a ÂŁ>. ix. 83 plus d’humiditĂ©, il le faut abattre ; .alors il sera excellent Ă  mettre en Ɠuvre. Ce qui se pratique Ă  l’égard des arbustes, prouve combien cette mĂ©thode est utile dans une certaine saison de l'annĂ©e , pn les perce par le bas , pour ĂŽter cette humiditĂ© superflue; cela les fortifie et les fait durer plus long-temps. Si on nĂ©glige de le faire, elle s’amasse et se pourrit, dans l’intĂ©rieur de leur tige , ce qui fait qu’ils demeurent foibles et languissans. Les .arbres donc, que l’on fera ainsi sĂ©cher sur pied , avant qu’ils soient morts, ou Ă©puisĂ©s par la vieillesse , seront exeeUens pour bĂątir, et dureront long-temps aprĂšs qu ils seront employĂ©s. S’il existe plusieurs espĂšces d’arbres , leur qualitĂ© diffĂšre aussi beaucoup. Nous employons dans les bĂątimens le chĂȘne , l’orme, le peuplier , le cyprĂšs et le sapin ; ils ne conviennent cependant pas Ă©galement Ă  tous les ouvrages car on ne peut pas faire du chĂȘne ce qu’on fait du sapin , ni du cyprĂšs ce qu’on fait de l’orme ; les propriĂ©tĂ©s de chacun de ces bois Ă©tant diffĂ©rentes, Ă  cause des Ă©lĂ©mens dont ils sont composĂ©s, ils ne peuvent Ă©galement servir au mĂȘme ouvrage. Le sapin qui renferme beaucoup d’air et de feu , qui contient peu d’eau et de terre , Ă©tant composĂ© d’élĂ©mens aussi lĂ©gers , pĂšse lui-mĂȘme trĂšs-peu ; sa nature est d’ĂȘtre ferme et tendu ; il plie sous le faix et tient le plancher fort droit; mais sa trop grande chaleur est cause qu’il engendre des vers qui le gĂątent, qu’il s’enflamme aisĂ©ment , Ă  cause de sa nature aĂ©rĂ©e , et qu’il occasionne souvent des incendies. Si on remarque le sapin avant de le couper , on verra que, prĂšs de la terre, il est uni et n’a pas de nƓuds Ă  cause de l’humiditĂ© que tirent ses racines ; mais la partie d’en haut qui jette beaucoup de branches, parce que la chaleur y abonde, est fort noueuse; quand on l’a coupĂ©e Ă  la longueur de vingt pieds , et Ă©quarrie, on l’appelle fusterna , pour marquer la duretĂ© de ses nƓuds. Quant Ă  la partie infĂ©rieure , si elle est assez grosse , pour ĂȘtre partagĂ©e en quatre , on la dĂ©charge de son aubour, et ce qui reste est trĂšs-bon pour la menuiserie, on l’appelle sapinea. L’élĂ©ment terrestre compose presque tout seul la nature du grand chĂȘne ; il a peu d’eau, d’air et de feu, aussi dure-t-il Ă©ternellement dans la terre ; parce que sa soliditĂ© fait qu’il ne reçoit presque pas d’humiditĂ© dans ses pores ; il la fuit tellement et il en contient si peu , qu’il se tourmente , se gerse et se fend lorsqu’on l’emploie hors de terre. Le petit chĂȘne , dont les principes sont beaucoup plus tempĂ©rĂ©s, est d’un trĂšs-bon usage dans les Ă©difices il ne rĂ©siste pas, il est vrai, Ă  l’humiditĂ©; elle s’insinue aisĂ©- ii. 84 ‱ L'ARCHITECTURE DE VITRÜVE. ment dans ses'pores , en fait sortir l'air et le feu qu’il contient , et avance par-lĂ  sa corruption. Le cerrus, le liĂšge et le hĂȘtre qui ont beaucoup d’air , peu d’eau , de terre et de feu, sont d’une substance si peu solide , qu’ils se gĂątent , pour peu qu’ils soient humides. Le peuplier , le blanc comme le noir, le saul, le tilleul et le gatilier i, qui contiennent beaucoup de feu et d’àir, mĂ©diocrement d’eau et un peu de terre, conviennent beaucoup , Ă  cause de leur lĂ©gĂšretĂ© , pour faire des ouvrages dĂ©licats’; leur bois n’étant pas dur, parce qu’il contient peu de terre, ils sont au contraire trĂšs-blancs, Ă  cause qu’ils sont trĂšs-poreux; c’est pourquoi ils conviennent beaucoup pour la sculpture. L’aune qui croĂźt au bord des riviĂšres , et dont le bois n’est pas fort estimĂ©, est souvent trĂšs-utile ; comme l’air et le feu composent principalement son essence , il est excellent pour soutenir les fondemens , qu’on bĂątit dans les marais les pilotis qu’on fait de ces arbres , mis fort prĂšs les uns des autres , ont l’avantage de pouvoir prendre beaucoup d’humiditĂ© sans qu elle leur nuise , parce qu’ils en ont peu naturellement sans se gĂąter ils soutiennent la charge des bĂątimens les plus massifs. Ainsi le bois qui se corrompt le plus facilement sur la terre , est celui qui dure le plus long-temps dans l’eau ; on en voit l’expĂ©rience dans la ville de Havenne , oĂč toutes les maisons, tant publiques que particuliĂšres , sont fondĂ©es sur ces pilotis. La propriĂ©tĂ© de forme et du frĂȘne , qui ont beaucoup d’eau, peu d’air et de feu, et mĂ©diocrement de terre , est de s’éclater difficilement quand on les emploie ; leur bois est aussi moins roicle que celui des autres arbres; c’est pourquoi il plie plus facilement, si ce n’est lorsqu’ils sont tout-Ă -fait dessĂ©chĂ©s par le temps , ou par le moyen que nous avons indiquĂ© pour ĂŽter aux arbres l’humiditĂ©, en les cernant pendant qu’ils sont encore sur pied ; cette fermetĂ©, qui les empĂȘche d’éclater, fait qu’ils conviennent beaucoup pour les assemblages par tenons et par mortaise. Le charme , Ă  cause qu’il a peu de feu et de terre , mĂ©diocrement d’eau et d’air se rompt difficilement ; mais en revanche il plie aisĂ©ment. C’est pourquoi les Grecs, qui en font le joug de leurs bĂȘtes, l’appellent sigia, ziga, qui est le nom qu’ils donnent Ă  cette espĂšce de joug. On remarque que les bois de cyprĂšs et de pin se courbent ordinairement, lorsqu ils sont mis en oeuvre ; leur excessive humiditĂ© en est cause car la grande quantitĂ© i Autrement Yugnus caslus. 85 TUI V R'E I I, C h k *. ikji J ĂŻi A d d'eau qu’ils contiennent n’est tempĂ©rĂ©e quelpar .la*mixtion des autres principes ; cependant ils existent long temps sans se gĂąter, à’cause qĂŒe l’extrĂȘme amertume de cette humiditĂ© empĂȘche la vermoulure , iet tue les vĂȘts -qui les"rongent ; par-lĂ  les ouvrages qu’on en fait durent toujours, f mn .ou o h-.^au Le cĂšdre et le genĂ©vrier ont la mĂȘme qualitĂ© et sont rĂ©sineux comme le pin et le cyprĂšs. L’huile du, cĂšdre qui s’appelle cedrium , sert Ă  conserver tout ce que l’on veut; tellement que les livres qu’on en frotte, ne, sont pas dans le cas d’ĂȘtre gĂątĂ©s par les vers ni de se moisir. Les feuilles du cĂšdre ressemblent,Ă  celles du cyprĂšs , et les fibres de son bois sont fort-droites. La sta^e de LiĂąne. dans fie temple d’EphĂšse, est de bois de cĂšdre,; le plafond est aussi dejce,bmsWdeimĂȘmĂš .que ceux de tous les plus grands temples. Cet arbre croĂźt principalement dans l Ăźle de Candie , en Afrique, et dans quelques endroits de la Syrie. r . '»‹ a ; i . ? nod ’ r " U-> ; Le larix , qu’on ne voit guĂšre qu’au bord du P© et- prĂšs dĂ©s cĂŽtes de la mer Adriav tique , est si amer , que les vers et la pourriture ne l’attaquent jamais ; mais il a une qualitĂ© bien plus essentielle , c’est qu’il est incombustible . pour le brĂ»ler , il faut le mettre dans le feu avec de l’autre bois , comme on fait des pierres pour les rĂ©duire en chaux; encore ne produit-il, ni flammes ni charbons , et il ne se consume qu’à la longue car l’eau et la terre dominent dans sa composition , { qui n’a que peu de feu et d’air ; ce qui rend son bois si solide et tellement serrĂ© que le feu ne peut pĂ©nĂ©trer dans ses pores ; il lui rĂ©siste et ne peut ĂȘtre endommagĂ© qu’à la longue ; il est d’ailleurs si pesant qu’il ne peut flotter sur l’eau. On ne peut le faire venir qu’à l’aide des bateaux , ou sur des radeaux faits de sapin voici comme on a dĂ©couvert cette particularitĂ© ; l’ñnecdote mĂ©rite d’ĂȘtre connue. Dans le temps que Jules - CĂ©sar campoit prĂšs des Alpes , il commanda Ă  tous les lieux circonvoisins de fournir les choses nĂ©cessaires pour la subsistance de son armĂ©e. Dans un chĂąteau-fort nommĂ© Larignum , il se trouva des gens assez hardis pour refuser de lui obĂ©ir , parce qu’ils Ă©toient persuadĂ©s , que , par sa situation avantageuse , cette place Ă©toit imprenable. CĂ©sar fit approcher ses troupes , et trouva devant la porte du chĂąteau , une tour faite de ce bois , mis en travers l’un sur l’autre en forme de bĂ»cher ; sa hauteur Ă©toit telle , que ceux qui Ă©toient dedans pour la dĂ©fendre , pouvoient aisĂ©ment en empĂȘcher l’approche avec des leviers et des pierres. On remarqua qu’ils n avoient d’autres armes que des leviers, qu’ils ne pouvoient lancer bien loin, Ă  cause de leur pesanteur. On ordonna donc Ă  ceux qui faisoient les approches , de jeter au pied de la tour quantitĂ© de fagots, et d’y mettre le feu, ce qu’ils exĂ©cutĂšrent de suite. Comme elle Ă©toit environnĂ©e d’une flamme qui s’élevoit fort haut, on crut que toute la tour' 86 L ’ ARCHITECTURE DE V IT R U V E. Ă©toit consumĂ©e; mais le feu venant Ă  s Ă©teindre , quelle fut la surprise de CĂ©sar en revoyant la tour toute entiĂšre ! il rĂ©solut alors de l’entourer d’une tranchĂ©e , qui mĂźt ses troupes hors d’atteinte des traits des ennemis, qui, dans la crainte d’ĂȘtre forcĂ©s , furent obligĂ©s de se rendre. On leur demanda d’oĂč ils tiroient ce bois incombustible ? ils montrĂšrent cette espĂšce de bois, trĂšs - commun dans le pays, qui e-nomme larix, d’oĂč ils avaient appelĂ© leur chĂąteau LĂ rignum. On en fait venir, par le PĂŽ , Ă  Ravenne , Ă  Fano , Ă  Pesaro , Ă  AncĂŽne et autres villes des environs. Si l’on pouvoit sen procurer aisĂ©ment Ă  Rome, rien 11e seroit plus avantageux ; il y se- roit de la plus grande utilitĂ© pour les bĂątimens sur tout pour ceux qui terminent les groupes ,des maisons. Si on" l’employoit pour les boiseries des entablemens qui sont sous les tuiles 1 , il en rĂ©Sulteroit que , pendant les incendies , le feu ne passeroit r pas dam groupe Ă  l’autre , puisque ce bois n’est pas susceptible de s’enflammer, ni de se convertir en charbon. Les feuilles de cet arbre ressemblent Ă  celles dn pin ; le bois a le fil long ; il est aussi bon pour la menuiserie , que le sapin ; sa rĂ©sine liquide ressemble au miel attiquĂ©. On s’en sert pour guĂ©rir les phthisies. Ăź .. ’ OU . Ce que j’ai dit sur les propriĂ©tĂ©s clĂ©s arbres et sur , leur s Ă©lĂ©mens., suffit Ă  ce que je crois. Il me reste Ă  expliquer pourquoi la qualitĂ© du sapin , qu’onnomme Ă  Rome Supemas , n’est .pas aussi bonne que celle qu’on nomme Infemçis dont on se sert cependant beaucoup dans, la construction des Ă©difices, Ă  cause qu’il duce long-temps. Je vais faire voir n par les principes .qui me paraĂźtront les plus Ă©vidents , comment les qualitĂ©s ou les dĂ©fauts de cet arbre dĂ©pendent des lieux qui, les produisent. REMARQUES . Je vais rapporter les principes des naturalistes modernes , sur les causes de l’accroissement des arbres , et sur les diffĂ©rentes espĂšces de bois, pour les opposer Ă  ceux de Yilruve qui n’abĂ ndonne jamais son systĂšme des Ă©lĂ©mens. On remarque dans un arbre coupĂ© transversalement , le bois , l’aubier et l’écorce. Toutes ces parties se font voir dans les branches 5 mais la moelle qui est au centre s’y fait mieux remarquer. Cette moelle est un amas de petites chambrĂšttes sĂ©parĂ©es par des interstices on y trouve beaucoup de sĂšve. Autour de celle moelle , sont rassemblĂ©s , suivant la longueur du tronc , plusieurs vaisseaux, que l’on distingue en vaisseaux lymphatiques , vaisseaux propres , et trachĂ©es, dont nous dĂ©taillerons l’usage. La moelle rassemblĂ©e au centre jette des productions qui vont, ep quelque façon, s’épanouir dans 1 ecorce ; ainsi 1 entrelacement des vaisseaux longitudinaux, avec les productions mĂ©dul* laires , forment la substance du bois et de l’écorce. 11 faut observer dans 1 Ă©paisseur de l’ecorce, trois parties diffĂ©rentes entr’elles cette peau fine qui touche immĂ©diatement le bois t et que l’on nomme liber , Y Ă©piderme ou la peau extĂ©rieure , et s ‱ LIVRE II, Cdap. iĂź. 87 l’ëcorce moyenne qui se trouve deux prĂ©cĂ©dentes. Il est digne de remarque , que cette premiĂšre peau ou Ă©corce intĂ©rieure se dĂ©tache au printemps, et forme une nouvelle ceinture d’accroissement au bois dans toute sĂ  longueur. La prĂ©uve en est , que cette Ă©corce Ă©tant arrachĂ©e , le liber dans un endroit, le bois n’y prend plus le moindre accroissement. .al . On distingue facilement, en coupant un arbre en travers , les divers accroisseihens annuels par ces cercles concentriques , c’est-Ă -dire , ces couches ligneuses , qui sont des cĂŽnes- inscrivis , ou qui s’emboĂźtent les uns dans les autres, on peut compter le nombre de ses annĂ©es, parce qu’il se forme tous les ans, comme il est dit ci-dessus , une couche ligneuse qui s’applique sur l’ancien bois, pendant qu’il se forme pareillement une couche corticale sous l’ancienne Ă©corce , dont l’extĂ©rieur tombe' par Ă©cailles dans les uns, comme l’orme, le plane , etc., ou se roule en feuillets comme dans le bouleau et le chĂšvre-feuille, etc. La oirconfĂ©rence d’un arbre Ă©tant formĂ©e par la- rĂ©volution entiĂšre de chaque couche , chaque couche est rĂ©pĂ©tĂ©e deux fois lorsqu’on prend le diamĂštre de l’arbre ; c’est pour cela qu’on ne compte que lĂš demi-diamĂštre ou le rayon , pour avoir le- nombre rĂ©el dĂ©* ses couches; ou pour en juger exactement, on doit compter les cercles d’un arbre, d’une certaine* grosseur, assez prĂšs de son pied; c’est l’endroit oĂč elles sont plus distinctes. Il'est de fait quĂ© dani les premiĂšres annĂ©es de l’arbre , les couches qui se forment sont trĂšs-Ă©paissĂ«s , tandis qu’elles sont fort minces dons les derniers temps de son accroissement. Ges cercles ligneux n’ont donc pas Ă©galement tous la mĂȘme largeur. Il y a plus ; la mĂȘme couche varie d^Ă©paisseiir-^ suivant lĂ  1 Situation des racines , et les diverses 1 expositions ĂŽĂč l’arbre a Ă©tĂ© plantĂ©; Le cĂŽtĂ© du'nord' J Ă©st Ăš'n ^ gĂ©nĂ©ral plus Ă©troit dans les climats tempĂ©rĂ©s et froids. Les derniers Cercles qui touchent Ă  FéÚoreĂš sont plus minces, et d’une consistance plus lĂ©gĂšre ; c’est ce qu’on nomme l’anbief, que les ĂŽUdriĂ©rs rejettent comme peu propre Ă  ĂȘffĂ© ; mis en Ɠuvre. ‱> ‱ '»‹’ ... Ă© ' Nous avons vu le moyen que Yitruve nous fournit pour, donner, Ă  cet aubier , la qualitĂ© du bon bois nous verrons, dans la suite de cet article , ceux . que l’expĂ©rience & aussi fournis Ă  -M. de Buffon pour la^ mĂȘme chose. L’arbre ,, en grossissant % force les libres de l’écorceq Ă  s’étendrer,; il rompt quelquefois les dehors avec un bruit Ă©clatant c’est ce qui cause les crevasses qu’on voit souvent Ă  l’extĂ©rieur de l’écorce. . '‱ -a ,oi> r fo ligneux , et qu’on relire les morceaux rompus en sens opposĂ© , on aperçoit, entre les. deux morceaux , des filamens trĂšs-fins, qui, vus au microscope , paroissent ĂȘtre des bandes brillantes, roulĂ©es en tire-bourre. C’est par ces trachĂ©es , analogues, pour la forme, Ă  celles des insectes , qu’il proit que l’air entre dans les plantes , pour aider sans doute Ă  l’ascension des- liqueurs. f Ces trachĂ©es viennent aboutir Ă  la surface extĂ©rieure n dĂ« l’ëcorce. ;> 'p; ' ; ‱ T , ..,,rn ol Les vaisseaux propres sont des canaux creux , qui r s’élĂšvent dans toute la longu"”" de l’arbre i et ' ^_ ,tiennent le suc particulier Ă  chaque espĂšce d’arbre. C’est de ces dilfĂ©rens sucs que dĂ©pend la qualitĂ© du bois, et non des Ă©lĂ©mens dont ils sont composĂ©s, comme dit Vitruve. Dans les uns, c est une rĂ©sine; dans d’autres uue gomme; dans celui-ci un; lait; 1 dans cet autre une huile y quelquefois c’est un miel ou un sirop, ou une manne,’ . 88 L \\ R C II I T E C T U IV E 1 E VIT R TJ V E. Les vaisseaux lymphatiques contiennent une lymphe qui diffĂ©rĂ© peu de l’eau pure, dans quelque peu d’arbres ; la vigne en donne'hure grande quantitĂ©, lorsqu’elle pleure au printemps 5 mais elle cesse d’en donner quand lĂ©s feuilles sont Ă©panouies. La lymphe , ainsi qu’on le voit, diffĂšre du suc propre, dans lequel il paroĂźt que rĂ©side principalement la vertu et la saveur des plantes. La mĂȘme organisation se retrouve dans les racines, dans leurs chevelus, dans les branches. Fous ces vaisseaux rĂ©unis dans les pĂ©dicules des feuilles , se distribuent ensuite en plusieurs gros faisceaux , d’oĂč il part un'nombre de faisceaux moins gros , qui se divisent et se subdivisent en une prodigieuse quantitĂ© rde ramifications qui forment un rĂ©seau,-qu’on peut regarder’ comme le squelette des feuilles. Les maillĂ©s* de cds rĂ©seaux sont remplies d’une substance cellulaire. - * * ; t ♩ ‱ ? r* .uj * Toutes les parties. ainsi. organisĂ©es servent et concourent a la nourriture, au dĂ©veloppement et a l’accroissement de .l’arbre 5 les racines divisĂ©es en une infinitĂ© de rameaux vont chercher dans les diffĂ©rens sucs nourriciers que la terre contient, ceux qui sont propres Ă  chaque espĂšce d’arbre. Dire t cela se - lait, if ; est impossible; 5 c’est encore un secret de la nature que l’intelligence" humaine ira pu encore pĂ©aĂ©trfcr.,,M.^Pluche fait,.Ă  cet Ă©gard , une comparaison trĂšs-ingĂ©nieuse , tirĂ©e d’une expĂ©rience de physique. 11 compare la terre d’un potager , avec tous ses diffĂ©rens sucs , Ă  un vase dans lequel on a jetĂ©, pĂȘle-mĂȘle , de l’huile, de l’eau et du vin prenez, dit-il , trois bandelettes de dinge trempe? le bout .de l’une dans l’eau, trempez le boiit de l’autre dans quelques gouttes d’huile, et celui .de la troisiĂšme dans si du vin mettez ensuite ces trois bandelettes dans le vase, de façon que le? bouts ffabibĂ©s plongept dans la. liqueur ,. et , que les bouts secs amenĂ©s et rebattus en haut sur les; jbprds du’vase descendent un peu au-dessous de la surface du liquide la bandelette qui a Ă©tĂ© trempĂ©e dans l’eau s’emplira d’eau en entier et distillera de l’aaju, Celle dont le bout a Ă©tĂ© mis dans l’huile vous distillera de l’huile l’autre rougira peu-Ăą-peu, et vous distillera du vin elles ne 1 se 'mĂ©prendront point-. Vous ' trĂ©uverez quelque * chose ! de tout semblable dans les plantes. Celui qĂčF les a faites et qui les a pourvues de tous j lĂ«s vaisseauxnĂ©cessaires Ă  leur entretien et Ă  leur propagation, n’a pas manquĂ© dĂ© mettre au bas de ces*vaisseaux certains cribles dont lĂ©s diverses ouvertures admettent facilement 1 certains sucs et rejettent tous les autres. eu ' / La sĂšve monte par les fibres du bois , vers toutes les extrĂ©mitĂ©s ; elle parvient jusques dans les feuilles oĂč elle se perfectionne , parce qu’une multitude' de trachĂ©es ouvertes vers le ciel , dans le dessus de. la feuille Ă©iĂŻ reçÎivĂ©nt sans cesse de l’eĂ u oĂč quelque fraĂźcheur , un nouvel air , des nouveaux mires ,a r es parcelles de feu, et des esprits bienfaisants ,. qui' se mĂȘlent Ă  la sĂšve, la volatilisent, et contribuent ainsi, soit par leur forme , ou par leur organisation qui varie dans chaque espĂšce d’arbre , Ă  donner aux diffĂ©rens bois ,' les diverses qualitĂ©s qu’on leur trouve , et qui est due Ă  cette belle' organisation, que nous admirons dans tous les ouvrages du crĂ©ateur, et non comme Je croyoit Vitruve d’aprĂšs Aristote, aux Ă©lĂ©mens qui composoient les bois. Nous allons prĂ©sentement parier ,jĂ esj diverses espĂšces qu’on emploie dans les bĂąlimens et de leurs qualitĂ©s , en remplaçant les principes de la physique ancienne , par les dĂ©couvertes de la physique moderne. Le bois proprement dit lignum , varie en pesanteur , en densitĂ© , en duretĂ© dans les divers arbres 3 et mĂȘme dans les mĂȘmes .espĂšces d’arbres- qui t ont>cru dans diffĂ©rens terrains, ou dans des climats diffĂ©rens. La densitĂ© du bois a toujours un rapport avec le temps de son accroissement les arbres LIVRE I I, C h Ă  p, ix. 89 arbres qui croissent le plus lentement , ont le bois le plus dur , au contraire des autres. Les couches ligneuses commencent d’abord par ĂȘtre molles et tendres avant d’acquĂ©rir la soliditĂ© , qu’elles ne prennent que peu-Ă -peu ; et comme elles s’appliquent extĂ©rieurement les unes sur les autres , il s’ensuit que les intĂ©rieures , dans un arbre bien sain , sont plus dures et plus colorĂ©es que les extĂ©rieures , et ont leurs fibres plus resserrĂ©es ; ce sont ces couches intĂ©rieures qu’on appelle bois les couches extĂ©rieures , qui sont plus tendres , et communĂ©ment d’une couleur diffĂ©rente , s’appellent aubier ; ainsi l’aubier n’est lui-mĂȘme qu’un bois nouveau , fort imparfait , qui n’a pas encore acquis toute sa soliditĂ© ; mais qui en est susceptible comme on le verra ci-aprĂšs. \Iaubier n’est bien distinct que dans les bois durs comme l’ébĂšne , le gaĂŻac , la grenadille mĂȘme , le chĂȘne et le pin , etc. Dans les arbres mous , au contraire , qui ne peuvent pas prendre beaucoup de soliditĂ© , tels que le tilleul, le bouleau, l’aune , le cciba , le boubal, etc, il n’y a pas d 1 aubier ou, pour mieux dire , il n’y a pas de bois ; parce que le corps ligneux reste’ toujours dans son premier Ă©tat d’aubier, sans jamais se durcir. C’est cet aubier, qu’attaquent et rongent les insectes qui s’y logent, et s’en nourrissent. Les arbres vigoureux ont plus Ă ?aubier ,‱ mais en moindre nombre de couches que ceux qui languissent. Le chĂȘne a communĂ©ment depuis sept jusqu’à vingt-cinq de ces couches, qui se rejettent dans l’emploi qu’on fait de ce bois pour la menuiserie. Les diffĂ©rentes natures des bois, dont les uns se conservent mieux dans l’eau , d’autres dans l’air, les rendent propres Ă  divers usages. 11 y en a qui sont susceptibles d’un beau poli, et d’une grande divisibilitĂ© , ainsi qu’on le voit dans les ouvrages de placage. Plus les bois ont de duretĂ© , de soliditĂ© , plus ils sont bons pour toutes sortes d’ouvrages , et sur-tout pour le pilotage et la menuiserie. Les Allemands, chez qui les Iiollandois vont chercher leurs bois de menuiserie , ont un secret bien simple pour leur procurer ces qualitĂ©s ; ce moyen ressemble et produit le mĂȘme effet que celui indiquĂ© par Yitruve dans ce chapitre , qui est de cerner les arbres long-temps avant de les couper. Au printemps , lorsque la sĂšve monte en abondance , On enlĂšve l’écorce , qui se dĂ©tache facilement , et on les laisse ainsi sur pied pendant toute l’annĂ©e; le printemps suivant, ils poussent encore quelques bourgeons , des feuilles , des fleurs et mĂȘme des fruits , la seconde annĂ©e il ne paroĂźlra plus de fruits et lors de la saison de la coupe, on abat ces arbres qui, pour lors, fournissent un bois bien meilleur pour la duretĂ©. Suivant les expĂ©riences qu’a faites M. de Buffon , l’aubier de l’arbre ainsi Ă©corcĂ© , et laissĂ© sur pied , devient aussi dur que le cƓur ; il augmente de fo rce et d’intensitĂ© ; par-consĂ©quent cet aubier , qui auroit Ă©tĂ© perdu , devient propre Ă  ĂȘtre 4 tra- vaillĂ© comme le reste du bois , et" n’est point alors plus sujet Ă  la piqĂ»re des vers. La connoissance de la force des bois , auxquels on fait supporter tous les jours des fardeaux, Ă©normes , Ă©tant un objet important d’utilitĂ© , a mĂ©ritĂ© l’attention des yeux philosophiques du savant acadĂ©micien que nous venons de citer. Il a fait sur ce sujet un trĂšs-grand nombre d’expĂ©riences , dont on peut voir un ample dĂ©tail dans les mĂ©moires de l’acadĂ©mie. Suivant ses observations , la force du bois n’est pas proportionnelle Ă  son volume une piĂšce double , pour la grosseur , d’une autre d’égale longueur , est beaucoup plus du double plus forte. Le bois de mĂȘme nature qui , dans le mĂȘme terrein , a cru plus vite , est de plus fort ; celui qui a crĂ» plus lentement , dont les cercles annuels sont plus minces, est moins fort. La force du bois est proportionnelle Ă  sa pesanteur. De deux piĂšces de mĂȘme grosseur'et longueur, la plus pesante est la plus forte, Ă -peu-prĂšs dans la mĂȘme proportion qu’elle est plus pesante. Une piĂšce de bois, chargĂ©e simplement des deux tiers 12 9 o L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. du poids , capable de la faire rompre , ne rompt pas d’abord ; mais bien au bout d’un certain temps. Il rĂ©sulte de ces ingĂ©nieuses expĂ©riences , que dans un bĂątiment qui doit durer long-temps , il ne faut donner au bois , tout au plus , que la moitiĂ© de la charge qui peut le faire rompre. La plus grande attention qu’on doit avoir, comme dĂźt Yitruve , c’est d’éviter de couper le bois lorsqu’il est plein de sĂšve , non pas pour la raison qu’il dit ; mais parce qu’étant coupĂ© plein de sĂšve , il est bien plus sujet aux vers. Il est probable , que la sĂšve mĂȘlĂ©e aux diffĂ©rens sucs qui se trouvent dans les vaisseaux propres dont nous venons de parler , venant Ă  sĂ©cher , attire les vers auxquels elle sert de nourriture. Un autre avantage, c’est que le bois qui n’est pas coupĂ© en pleine sĂšve , sĂšche beaucoup plus vite. Ainsi le meilleur temps pour abattre les arbres , est depuis la fin du mois d’octobre jusqu’à la fin de dĂ©cembre ; car immĂ©diatement aprĂšs ce temps , la sĂšve commence dĂ©jĂ  Ă  monter. Mais si on a la prĂ©caution d’abattre les arbres dans la saison que j’indique , je puis assurer , d’aprĂšs l’expĂ©rience , que ceux mĂȘmes les plus sujets Ă  la vermoulure , tels que le sycomore, le plane , etc. ne seront jamais attaquĂ©s par les vers. * YitriĂŻVe parle ensuite , d’aprĂšs ces principes , des qualitĂ©s des diffĂ©rentes espĂšces de bois ; il commence par le sapin , parce que c’étoit le bois dont on faisoit le plus d’usage de son temps. U çn distingue deux espĂšces dans le second chapitre du premier livre. Nos naturalistes les divisent aussi en deux ordres , savoir les sapins proprement dits , et les Piceas ou EpicĂ©as , Peee ou Pesse. Les sapins proprement dits, ont la pointe de leurs fruits , ou cĂŽnes, tournĂ©e vers le ciel; leurs, feuilles 6ont longuettes, Ă©moussĂ©es, Ă©chancrĂ©es par le bout, assez souples , blanchĂątres en-dessons , et rangĂ©es Ă -peu-prĂšs sur un mĂȘme plan des deux cĂŽtĂ©s d’un filet ligneux, ainsi ’que les dents d’un peigne ; ils fournissent la tĂ©rĂ©benthine liquide. Les feuilles des EpicĂ©as ou Piceas sont Ă©troites , assez courtes , roides , piquantes et rangĂ©es autour d’un filet commun , en sorte qu’elles forment toutes ensemble , par leur pointe, une espĂšce de cylindre ; leurs cĂŽnes ont la pointe tournĂ©e en bas. Ces arbres ne donnent point de tĂ©rĂ©benthine ; mais ils font de leur ecorce un suc Ă©pais , ou une rĂ©sinĂ© qui s’épaissit, devient concrĂšte et semblable Ă  des grains d’encens commun c’est avec cette rĂ©sine que l’on fait ce qu’on nomme poix de Bourgogne. Le sapin a cela de contraire aux autres arbres , c’est que le bois de ses branches , et de la cime de son tronc qui les porte , que Yitruve nomme fusterna , est beaucoup plus dur que le reste du tronc ; c’est-Ă -dire que plus ce bois est jeune , plus il est dur , et qu’au lieu de durcir en vieillissant , il devient tendre. Ses branches , et la cime de son tronc sont aussi dures que l’intĂ©rieur du bois de chĂȘne, tandis que le reste du plus tendre que l’aubier. LIVRE II, ChĂ p. x. 9 1 CHAPITRE X. Des diffĂ©rentes espĂšces de Sapins qui se trouvent des deux cĂŽtĂ©s de' l Apennin. L’apennin commence Ă  la mer TyrhĂšne, et s’étend le long de l’Etrurie jusqu’aux Alpes. Les croupes de cette montagne forment ensuite une espĂšce de demi-cercle , qui touche presque , dans le milieu de sa courbure , la mer Adriatique , et s’étend jusqu’au dĂ©troit qui sĂ©pare l’Italie de la Sicile. La Campanie et l’Etrurie sont comme entourĂ©es de ces montagnes ; leur pente de ce cĂŽtĂ© est dĂ©couverte , et trĂšs- exposĂ©e aux ardeurs du soleil. La pente opposĂ©e, qui descend vers la mer supĂ©rieure, regarde le nord ; tellement qu’elle est toujours Ă  l’ombre , et couverte des plus Ă©pais brouillards. Les arbres qui se trouvent dans cette partie sont nourris par une humiditĂ© continuelle , ce qui fait qu’ils croissent extrĂȘmement hauts, et que leurs fibres, qui en sont trop remplis , se gonflent jusqu’au moment oĂč ils sont abattus et Ă©quar- ris ; comme ils perdent alors leur facultĂ© vĂ©gĂ©tative , ils se dĂ©ssĂšchent ; leurs fibres n’ont plus de consistance ; leur grande porositĂ© les rend foibles et sans force ; ce qui fait qu’ils subsistent peu lorsqu’on les employĂ© dans les Ă©difices. Ceux qui croissent, au contraire , dans des lieux dĂ©couverts , exposĂ©s aux ardeurs du soleil, n’étant pas aussi poreux , s’endurcissent en sĂ©chant , parce que le soleil en tire l’humiditĂ© , comme il fait celle de la terre. C’est pourquoi, on prĂ©fĂšre, pour bĂątir, les arbres qui croissent dans les lieux dĂ©couverts; leurs fibres Ă©tant plus serrĂ©es , ils sont beaucoup plus fermes ; et n’aspirant pas autant d’humiditĂ©, ils sont moins poreux et subsistent bien plus long-temps. C’est pour cette raison que l’espĂšce de sapin , nommĂ©e sapin d’en bas , qui croĂźt Ă  l’exposition du soleil , est prĂ©fĂ©rĂ©e Ă  cette autre espĂšce qui croĂźt dans une exposition contraire et qu’on nomme sapin d’en haut. J’ai rapportĂ© de mon mieux , aprĂšs beaucoup de recherches , ce qui concerne les diffĂ©rens matĂ©riaux qu’on emploie pour bĂątir. J’ai fait connoĂźtre les Ă©lĂ©mens qui les composent ; quelles sont leurs bonnes ou leurs mauvaises qualitĂ©s , afin d’en instruire ceux qui bĂątissent ; mes leçons leur pourront ĂȘtre utiles pour choisir ces matĂ©riaux et les mettre en Ɠuvre, selon les diffĂ©rens genres d’ouvrages. J’ai d’abord parlĂ© des prĂ©paratifs qui sont nĂ©cessaires pour bĂątir ; j’expliquerai dans le reste de l’ouvrage les rĂšgles qu’on doit suivre dans la structure des Ă©difices ; je commence , comme il est juste, par les temples des dieux ; je fais connoĂźtre, dans le livre suivant, leurs proportions et les rapports de leurs mesures. . 12. t D E y IT RU y{ \ i ' LIVRE TROISIEME. il cfe ' r- m 'INTRODUCTION. Socrate, qu’Apollou lui-mĂȘme, par son oracle de Delphes , dĂ©clara le plus sage de tous les hommes , disoit avec raison , qu’il seroit Ă  souhaiter que nous eussions une ouverture Ă  la poitrine, afin qu’on pĂ»t y lire nos pensĂ©es et nos desseins. Si la nature, d aprĂšs le sentiment de ce grand homme , nous avoit donnĂ© les moyens de dĂ©couvrir les conceptions des uns des autres , outre favantage qu’on auroit de voir le fort et le foible de tous les esprits ; la science, et la capacitĂ© de chacun se connoissant Ă  l’oeil, on ne les jugeroit plus d’aprĂšs des conjectures incertaines. Les leçons des savans en auroient bien plus d’autoritĂ©. Mais puisque la nature ne l’a pas voulu , et qu’il ne nous est pas permis de pĂ©nĂ©trer dans l’esprit de l’homme, pour connoĂźtre avec certitude les sciences qu’il renferme et qui y sont souvent cachĂ©es, les meilleurs artistes auront beau promettre d’employer tous les talens possibles pour faire rĂ©ussir les ouvrages qu’ils entreprennent, s’ils ne sont pas douĂ©s des biens de la fortune , s’ils ne se sont pas créés d’avance une grande rĂ©putation , s’ils n’ont pas les talens de se faire valoir et une facilitĂ© de s’exprimer , proportionnĂ©e Ă  leur science ; on ne croira jamais qu’ils connoissent Ă  fond leur art. L’exemple des anciens peintres et sculpteurs prouve cette vĂ©ritĂ© ; en voyons-nous parmi eux qui ont transmis leurs noms Ă  la postĂ©ritĂ©, si ce nest ceux qui jouirent Introduction. de quelques recommandations ou de quelques marques d honneur ? Myron, PolyclĂšte, Phydias , Lysippe et tous ceux qui ont Ă©tĂ© anoblis par leur art, ne doivent leur cĂ©lĂ©britĂ© qu’aux ouvrages qu’ils ont faits pour les rois, pour les grandes villes et pour des particuliers puissans et Ă©levĂ©s en dignitĂ©s. Il s’en est cependant trouvĂ© plusieurs autres qui n’avoicnt pas moins d’esprit, d’adresse et de capacitĂ© qu’eux ; leurs ouvrages Ă©toient aussi bons que les leurs; mais parce qu'ils travailloient pour des personnes moins distinguĂ©es, ils ne se sont fait aucune rĂ©putation ce n’est pas faute d industrie et de talent ; mais faute de bonheur. C'est ce qu’ont Ă©prouvĂ© Hellas d’AthĂšnes, Cliion de Corinthe , Miagras de PhosĂšne , Pharax d’EphĂšse , Bedas de Bisance, et beaucoup d’autres. La mĂȘme chose est arrivĂ©e aux peintres car AristomĂšne de Rhodes , PolyclĂšs d’Atramide, et Nicomachus, ne sont pas les seuls qui , malgrĂ© leurs Ă©tudes , leurs talens et l’application la plus assidue Ă  leur art, soit qu’ils Ă©toient peu fortunĂ©s , soit par leur mauvais destin , ou par le malheur d’avoir eu du dĂ©savantage dans quelques contestations avec leurs adversaires , ont trouvĂ© des obstacles insurmontables Ă  leur avancement. Il n’y a rien d Ă©tonnant que des personnes de mĂ©rite restent dans l’obscuritĂ© , parce qu’il y a peu de gens capables de les apprĂ©cier ; mais il est insupportable de voir qu’une quantitĂ© d’ignorans soient applaudis , et leurs ouvrages estimĂ©s, parce qu’on les a prĂŽnĂ©s dans quelques festins, aux dĂ©pens de la raison et de la vĂ©ritĂ©. Si donc, comme le dĂ©siroit Socrate, les sentimens des hommes, leurs talens, leurs sciences avoient Ă©tĂ© visibles , la faveur et la brigue ne prĂ©vaudroient pas comme elles font. On occuperoit de prĂ©fĂ©rence ceux qui, par leurs Ă©tudes et leurs sciences , sont parvenus Ă  la perfection de leur art ; mais puisque les choses ne sont pas ainsi , et que l’expĂ©rience m’a fait connoĂźtre que les ignorans l’emportent bien souvent, par l’intrigue, sur les plushabiles ; moi qui n’aime pas ces derniers moyens, je ne veux pas me compromettre avec eux, mais je vais tĂącher d’établir, par des raisonnemens solides, les principes de la science dont je fais profession. Dans mon premier livre, ĂŽ CĂ©sar, j’ai traitĂ© de tout ce qui appartient Ă  l’architecture en gĂ©nĂ©ral ; des qualitĂ©s nĂ©cessaires pour rendre un architecte parfait ; j’en ai fait connoĂźtre les raisons ; j’ai divisĂ© les diffĂ©rentes parties de cet art, et je les ai dĂ©finies ; j'ai raisonnĂ© ensuite sur le choix qu’on doit faire de l'emplacement pour y bĂątir une ville , afin que l’habitation en soit saine ; ce qui est trĂšs - important. J’ai fait voir , par les figures , quels sont les vents , leurs rĂ©gions , et d’oĂč ils viennent ; j’ai enfin enseignĂ© la maniĂšre de disposer les rues et les places publiques. AprĂšs m’ĂȘtre Ă©tendu sur tout cela dans le premier livre , je parle , dans le second , des matĂ©riaux 94 L'ARCHITECTURE DE VITRUVE. de leurs qualitĂ©s naturelles , et de l’importance de leur choix pour la soliditĂ© des ouvrages. Mon dessein est de traiter , dans le troisiĂšme , de la construction des temples qu’on Ă©lĂšve aux dieux immortels , et de dire quelle forme on doit leur donner. CHAPITRE PREMIER. De la construction et des proportions des Temples. La belle construction d’un Ă©difice dĂ©pend, surtout, de la proportion; un architecte ne sauroit trop ÂŁn Ă©tudier et suivre les rĂšgles. La proportion dĂ©pend des rapports de grandeur, i que toutes les parties de l’ouvrage ont entr’elles , et avec le tout, rĂ©glĂ© par une mĂȘme mesure. C’est ce rapport que les Grecs appellent analogie. Pour qu’un bĂątiment soit bien ordonnĂ© , il faut donc que toutes les proportions s’y trouvent et se rapportent entr’elles ; comme il est nĂ©cessaire , pour qu’un homme soit bien fait, que tous ses membres soient bien proportionnĂ©s les uns avec les autres. * La nature donne ordinairement au corps humain les proportions suivantes le visage , depuis le bas du menton jusqu’au haut du front, c’est-Ă -dire , jusqu Ă  la racine des cheveux , fait la dixiĂšme partie de la hauteur de l’homme ; cette mĂȘme longueur se trouve depuis le pli du poignet , jusqu’à l’extrĂ©mitĂ© du doigt, qui est au milieu de la main toute la hauteur de la tĂȘte , c’est-Ă -dire , depuis le bas du menton jusqu’au sommet, est la huitiĂšme partie de tout le corps ; la mĂȘme mesure se trouve par derriĂšre , depuis l’extrĂ©mitĂ© infĂ©rieure du cou depuis le haut de la poitrine jusqu'Ă  la racine des cheveux , on trouve la sixiĂšme partie , et jusqu’au sommet la quatriĂšme le visage se divise en trois parties Ă©gales. La premiĂšre est depuis le bas du menton jusqu’au dessous du nez ; la seconde depuis le dessous du nez jusqu’aux sourcils ; la troisiĂšme depuis les sourcils jusqu’à la racine des cheveux qui 4. i Par le mot Symetria , comme nous l’avons dit dans nos remarques sur le 3. me chapitre du premier livre , les anciens entendent la proportion et par proportio , ce que les mathĂ©maticiens appellent raison ; ainsi j’ai Ă©tĂ© obligĂ© , avec Perrault, de rendre le mot Symetria par % celui de proportion , et proportio par celui de rapport de grandeur. Je ne pourrois que rĂ©pĂ©ter ici ce que j’ai dĂ©jĂ  dit dans ces remarques oĂč la chose est suffisamnĂŻent expliquĂ©e ; j’y renvoie donc le lecteur, * Planche lV.^hg. i et terminent le front. La longueur du pied est la sixiĂšme partie de la hauteur de tout le corps humain ; le coude , de mĂȘme que la poitrine, en sont la quatriĂšme partie. Toutes les autres parties ont chacune leurs mesures et leurs proportions. C’est sur elles que les plus fameux peintres et sculpteurs de l’antiquitĂ©, qui font l’admiration de l’univers , se sont toujours rĂ©glĂ©s. Il faut de mĂȘme qu’il y ait Ă©galitĂ© de mesure dans toutes les parties qui composent un temple, et que leurs diffĂ©rentes grandeurs correspondent avec le tout. Le centre du corps humain est naturellement au nombril car qu’un homme soit couchĂ©; qu’il ait les pieds et les mains Ă©tendus ; qu’on mette alors le centre d’un compas au nombril, et qu’on dĂ©crive un cercle , il touchera l’extrĂ©mitĂ© des doigts des mains et des pieds. Comme le corps de l’homme ainsi Ă©tendu a rapport avec un cercle , on trouvera qu’il en a aussi avec un carrĂ© car si on prend la distance qui se trouve depuis l’extrĂ©mitĂ© des pieds jusqu’au sommet de la tĂȘte, et qu’on la rapporte sur celle qui se trouve depuis l’extrĂ©mitĂ© d’une des deux mains qui se trouvent Ă©tendues jusqu’à l’autre, on trouvera que cette longueur et celte largeur sont Ă©gales , comme sont celles d’un carrĂ© fait avec une Ă©querre. Puisque la nature a composĂ© le corps de l’homme , de maniĂšre que chacun de ses membres est proportionnĂ© avec le tout; c’est pour cette raison que les anciens, ' ont voulu que, dans les ouvrages perfectionnĂ©s, on observe exactement ce mĂȘme rapport des parties avec l’ensemble. De tous les ouvrages dont ils ont rĂ©glĂ© les mesures, ils se sont sur-tout attachĂ©s Ă  perfectionner celles que doivent avoir les temples des dieux ; parce que tout ce qui s’y trouve de bien ou de mal fait , reste exposĂ© Ă  jamais aux jugemens de la postĂ©ritĂ©. Les diffĂ©rentes espĂšces de mesure dont on se." sert pour rĂ©gler tous les ouvrages, sont elles-mĂȘmes prises sur les parties du eĂšrps humain ; tels sont le doigt , le palme , le pied , la coudĂ©e ces divisions ont Ă©tĂ© rĂ©duites en nombres parfaits que les Grecs appellent telion. Le nombre parfait Ă©tabli par les anciens , est celui de dix * Ă  cause du nombre des dix doigts qui composent la main ; de mĂȘme que la mesure du palme a Ă©tĂ© prise des doigts , et celle du pied des palmes. Comme la nature nous a donnĂ© dix doigts aux deux mains , Platon a cru que ce nombre Ă©toit parfait, parce que les unitĂ©s qui sont appelĂ©es monades , par les Grecs , formoient la dixaine de sorte que si l’on passe outre, en allant de onze Ă  douze etc. , on ne trouvera pas de nombre parfait, jusqu’à ce qu’on soit parvenu Ă  l’autre dixaine , Ă  cause que les parties de ce nombre sont l’unitĂ©. Les mathĂ©maticiens prĂ©tendent au contraire que le nombre le plus parfait est celui de six , parce que suivant eux , tous ces diviseurs rĂ©unis ensemble , font aussi le % 'ARCHITECTURE DE Y I T R U V E. & nombre de six tellement que le sextant i contient une de ses parties; le trient 2 en contient deux ; le sentisse 3 trois ; le bes, 4 qu’ils appellent dimoiron , quatre ; le quintarium 5 qu’ils appellent pentamoiron cinq ; et le nombre parfait six ; si on y ajoute une sixiĂšme partie qui fait sept , ils appellent ce nombre ephecton 6. Si on va jusqu’à huit, en ajoutant la troisiĂšme partie de six , on a le tertiaire appelĂ©' epi- tritos ; 7 et en ajoutant Ă  six , la moitiĂ© qui fait neuf, on trouve le sesquialtere 8 qu’ils appellent hemiolios ; 9 et ajoutant encore deux tiers de six , pour faire la dixaine, on fait le besalterum , 10 appelĂ© epidimoiron . 11 Si on fait onze en ajoutant cinq , on a le quintarium alterum , 12 appelĂ© epipeqtamoiron ; i3 et on fait enfin la douzaine qu’ils appellent diplasiona , i4 en joignant les deux six simples ensemble. De plus pour faire voir la perfection du nombre six , ils ont observĂ© que la longueur du pied de l’homme , est la sixiĂšme partie de toute sa hauteur , et que, suivant le nombre des pieds , que cette hauteur contient, on a cru que la proportion la plus parfaite Ă©toit celle oĂč la hauteur contenoit six fois la grandeur du pied. On a observĂ© encore que la coudĂ©e est composĂ©e de six palmes , et par-consĂ©quent vingt-quatre doigts. Il paroĂźt que c’est Ă  cause que la coudĂ©e contient six palmes, que les villes Grecques ont partagĂ© la drachme en six , et qu’ils l’ont composĂ©e de six piĂšces d’airain , marquĂ©es de mĂȘme que les as i5 que l’on appelle oboles; pour reprĂ©senter les vingt- quatre doigts, ils divisĂšrent les oboles en quatre quartans, appelĂ©es par les uns dicha - lea , u6 et par les autres triçhalea 17. Nos ancĂȘtres ont d’abord adoptĂ© la dixaine, comme un nombre trĂšs - ancien ; ils ont fait le dĂ©nier de dix as d’airain , et c’est pour cela que la monnoie qui en est composĂ©e a toujours Ă©tĂ© appelĂ©e jusqu’à prĂ©sent 1 Le sextant faisoit la sixiĂšme partie de l’as qui Ă©toit le numme de cuivre , ou la livre , la plus ancienne monnoie des Romains. Voyez nos rĂ©flexions Ă  la fin de ce chapitre. 2 Le tiers de 6 , c’est-Ă -dire 2. 3 La moitiĂ© de 6 , c’est-Ă -dire 3 . 4 Les deux tiers de 6 , c’est-Ă -dire 4 * 5 Les cinq. 6 Un par dessus 6 , c’est-Ă -dire 7. 7 La troisiĂšme partie de 6 ajoutĂ©e Ă  6, c’est-Ă -dire 8. 8 Un et demi. 9 La] moitiĂ© avec le tout, c’est-Ă -dire 9. 10 Deux tiers de 6 par-dessus 6 , c’est-Ă -dire xo, 11 Le second dimoiron. 12 Les cinq parties de 6 ajoutĂ©es Ă  6, c’est-Ă -dire 11. 1 3 Le second pentamoiron. 1 4 Le double. 1 5 Nous verrons dans nos remarques, Ă  la fin de ce chapitre , que ce mot a signifiĂ© un poids comme la livre commune; dfe-lĂ  on l’a transportĂ© Ă  quelqu’autre chose que ce fĂ»t , et as signifioit partout la chose entiĂšre. Nous voyons comme on a donnĂ© ce nom Ă  une monnoie. 16 C’est-Ă -dire, double de cuivre. 17 Triple de cuivre. denarius, LIVRE III, C h a p. i, 97 denarĂźus , et sa quatriĂšme partie sesterce , qui valoit deux as et demi. Ensuite ayant conside're' que les deux nombres parfaits sont six et dix , de ces deux - lĂ  ils en composĂšrent un plus parfait encore qui est le decussis sexis i ou seize. C’est le pied qui leur en a donnĂ© l’idĂ©e , puisqu’en ĂŽtant deux palmes de la coudĂ©e , les quatre palmes qui restent font le pied, et le palme ayant quatre doigts, le pied doit en avoir seize , qui est autant que le dĂ©nier contient d’as d’airain. S’il est Ă©vident que tous les nombres doivent leur origine aux doigts et aux autres membres de l’homme , et qu’il existe un rapport de mesure entre les diffĂ©rentes parties de son corps et son ensemble , combien ne devons-nous pas estimer ceux , qui, d’aprĂšs ces principes , disposĂšrent les plans des temples des dieux, de maniĂšre que les parties correspondant avec le tout , nous offrent, sĂ©parĂ©es , comme dans leur ensemble , les plus belles proportions ! On distingue chaque sorte de temple , par les diffĂ©rentes formes qu’ils prĂ©sentent Ă  notre vue. La premiĂšre est le temple Ă  antes , que les Grecs appellent Naos en Paratasin ; les autres sont le prostyle , l’amphiprostyle , le pĂ©riptĂšre , le pseudodiptĂšre , le diptĂšre , l’hypĂŠtre. Je vais expliquer et faire connoĂźtre leurs diffĂ©rentes formes. * On appelle temple Ă  antes , celui qui a deux antes DD Ă  son frontispice qui servent Ă  terminer les murs qui enferment la Cella. Entre ces deux antes se trouvent deux colonnes FF un fronton s’élĂšve sur le tout. E Nous prescrirons ci-aprĂšs, dans ce livre, ses proportions et ses mesures. Les trois temples de la fortune , et principalement celui qui est prĂšs de la porte Colline 2 sont construits de cette maniĂšre. ** Le prostyle diffĂšre du temple Ă  antes , Ă  cause que des colonnes D sont opposĂ©es aux antes angulaires ; G ces colonnes soutiennent les architraves qui retournent de chaque cĂŽtĂ© le temple de Jupiter et celui de Faune dans l’isle du Tibre sont bĂątis de cette maniĂšre 3. *** L’amphiprostyle 4 a toutes les parties du prostyle. De plus il doit avoir Ă  la face de derriĂšre, H comme Ă  celle de devant, des colonnes et un fronton. 1 C’est-Ă -dire , si» ajoutĂ© Ă  dix. * Planche V. me , fig. i. 2 Porte de Homme , nommĂ©e aujourd’hui la porte Salare. ** Planche V. me , fig. i et 2 . 3 Tite-Liv. parle de ce temple de Jupiter dans le 4- me liv. de la 4 me dĂ©cade, et de celui de Faune dans le 3. mc liv. de la 4- me dĂ©c. *** Planche V. rac , fig. 2 . 4 C’est-Ă -dire , qui a des colonnes aux deux cĂŽtĂ©s. 1 2 3 i3 9 S L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. * Le pĂ©riptĂšre i doit avoir, tant Ă  sa face de devant qu’à celle de derriĂšre , six Colonnes , et onze de chaque cĂŽtĂ© , y compris celles des angles. Il faut que ces colonnes soient placĂ©es de façon que l’espace qui se trouve entre les murailles et le rang des colonnes qui les environnent, soit Ă©gal Ă  celle de l’entre-colonnement, laissant Ăčn passage pour s’y promener , comme l’on voit au portique que MĂ©tellus a fait bĂątir par Hermodore autour du temple de Jupiter Stator, et Ă  celui que Mutins a ajoutĂ© au temple de l’Honneur et de la Vertu , prĂšs du trophĂ©e de Marius , non-compris le frontispice de derriĂšre. ** Le pseudodiptĂšre 2 doit avoir huit colonnes Ă  la face de devant, autant Ă  celle de derriĂšre , et quinze de chaque cĂŽtĂ© , y compris celles des coins ; de plus les murailles de la Cella doivent correspondre aux quatre colonnes du milieu de la face de devant, et aux mĂȘmes colonnes de la face de derriĂšre. Depuis les murailles jusqu’au rang des colonnes , il reste l’espace de deux entre-colonnemens et la grosseur d’une colonne. On ne voit point Ă  Rome de pareil temple ,* ** *** mais il s’en trouve deux dans la ville de MagnĂ©sie , qui sont celui d Apollon construit par HermogĂšne Alabandin, et celui de Diane construit par Mneste. *** Le diptĂšre 3 est octostyle 4 tant au-devant qu’au derriĂšre du temple ; il a, tout Ă  1 entour, deux rangs de colonnes. Tel est le temple de Quirinus, d’ordre dorique. Tel est celui de Diane Ă  EphĂšse, d’ordre ionique , construit par CtĂ©siphon. L hypĂŠtre 5 est dĂ©castyle 6 devant et derriĂšre ; du reste il est comme le diptĂšre ; mais il a cela de particulier , que dans l’intĂ©rieur il rĂšgne tout autour deux ordres de colonnes, posĂ©es les unes sur les autres MM et sĂ©parĂ©es de la muraille pour faire des portiques , comme aux pĂ©ristyles ; 7 le milieu II est dĂ©couvert; il a des portes Ă  la face de devant et Ă  celle de derriĂšre. Nous n avons point non plus un pareil temple Ă  Rome ; mais le temple octostyle 8 de Jupiter Olimpien Ă  AthĂšnes est de ce genre. * Planche YI me , fig. i. 1 C’est-Ă -dire , qui a d,es colonnes tout Ă  l’entgur. ** Planche VII. me , fig. 2. 2 C’est-Ă -dire, faux diptĂšre. *** Planche VII.ℱ , fig. i. 3 C’est-Ă -rdire , oĂč les colonnes sont doublĂ©es dans les ailes. 4 Qui a huit colonnes. **** Planche VI.ℱ, fig. 2. 5 C’est-Ă -dire , dĂ©couvert. 6 Qui a dix colonnes. 7 Qui ont des colonnes tout Ă  l’entour. 8 A huit colonnes. LIVRE III, C h a p. i. 99 * REMARQUES. Ce chapitre et ceux qui suivent jusqu’au septiĂšme livre, sont les plus imporlans pour l’arcliitecture, puisqu’ils contiennent les rĂšgles d’aprĂšs lesquelles on doit proportionner les divers Ă©difices d’oĂč, dĂ©pend surtout leur beautĂ©. Car la proportion seule ne fait pas le beau ; mais sans elle il n’y a point de beau. Ce livre et le suivant Ă©toient bien plus imporlans encore pour les anciens , puisqu’ils traitent de la construction des temples ; objet auquel l’architecture doit son origine , et pour lequel ils dĂ©ployĂšrent toute sa magnificence. Nous avons dĂ©jĂ  vu que les proportions de l’architecture ont Ă©tĂ© prises sur celles du corps humain, le chef-d’Ɠuvre de la nature. Ses parfaites proportions le rendant le plus beau de tous les ĂȘtres, les anciens le choisirent pour rĂ©gler celles des Ă©difices. Ainsi il faut, comme dans un homme bienfait, que chaque partie d’un bĂątiment soit bien proportionnĂ©e , qu’elle le soit avec le tout, et avec les autres parties. C’est pourquoi Yitruve rapporte les proportions de quelques-uns de nos membres, pour faire voir comme on a pris celles des Ă©difices. Ceux qui voudront les connoĂźtre entiĂšrement et dans le plus grand dĂ©tail , doivent consulter le traitĂ© d’Albert Durer sur la symĂ©trie du corps humain. H est bon d’observer, cependant, que les proportions que Yilruve assigne-aux diffĂ©rentes parties de notre corps, ne sont pas toutes exactes par exemple il dit, que la partie qui se trouve depuis le haut de la poitrine jusqu’à la naissance des cheveux , fait la sixiĂšme partie de la hauteur de l’homme; tandis qu’elle en fait quelquefois la sixiĂšme et demie. 11 ajoute que cette mĂȘme partie, jusqu’au sommet de la tĂȘte, fait la quatriĂšme partie de la hauteur de l’homme , ce qui fait dire avec raison , Ă  Philander , qu’il y a ici une faute dans les manuscrits , et qu’au lieu de lire une quatriĂšme parde , il faut lire une cinquiĂšme partie et quelque chose en sus , autrement il s’ensuivroit- que l’espace , qui est depuis la racine des cheveux jusqu’au sommet de la tĂȘte , seroit presqu’aussi grand que tout le visage. La proportion du pied est encore mal Ă©tablie , puisqu’il lui donne une longueur Ă©gale Ă  la sixiĂšme partie de toute la hauteur de l’homme , tandis que dans un çorps bien fait, dont la tĂȘte est la huitiĂšme partie de tout le corps, le pied n’a que la septiĂšme partie. La longueur qu’il donne Ă  la poitrine est aussi disproportionnĂ©e. Catane , qui a Ă©crit un ouvage italien sur l’architecture, saisit trĂšs-mal le sens de ce passage, oĂč Yitruve fait voir comme on a rĂ©glĂ© les proportions des Ă©difices sur celles du corps humain , et comme la figure d’un homme ayant les bras Ă©tendus peut se placer dans un carrĂ©. Il donne Ă  ce passage l’interprĂ©tation la plus ridicule, puisqu’il prĂ©tend que le plus beau plan pour un Ă©difice, est celui qui ressemble Ă  un homme Ă©tendu par terre ayant les bras en croix; aussi, c’est, dit-il, celui de presque toutes les cathĂ©drales i. Jean Zhan 2 , avec le secours de quelques'figures, nous a fait voir comme on pouvoit dessiner la figure d’un homme dans un cercle , dans un carrĂ©, dans un pentagone , dans un triangle Ă©quilatĂ©ral. Celui qui a quelque teinture de gĂ©omĂ©trie, 1 Cataneo archit. liy. III., ch. 1, 3 SpĂ©cula phiĂźico-mathematico hisloria de Ăź. Zhan. IOO L'ARCHITECTURE DE VITRUYE. comprendra facilement que , si l'on peut tracer un homme dans un cercle, on pourra Ă©galement le tracer dans toutes les autres figures qui s'inscrivent dans ce cercle. Outre les proportions et les mesures , les anciens ont encore pris sur les parties du corps humain J’usage des nombres. Yilruve nous apprend dans ce chapitre que l’arithmĂ©tique doit son origine aux dix doigts de nos mains ; la plupart des peuples, avec leur secours, ont commencĂ© Ă  compter en additionnant des dixaines d’unitĂ©s, dont ils lormoient des dixaines de dix, ou des centaines, puis des dixaines de cent ou des mille. Celte maniĂšre de compter Ă©toit la plus simple , et sembloit dictĂ©e par la nature. C'est pourquoi Platon trouvoit que le nombre dix Ă©loil le plus parfait j cependant en divisant le nombre dix , on ne trouve pas ces rapports de proportions entre les diffĂ©rentes quantitĂ©s qui le divisent, et la totalitĂ©, qu’on trouve dans d’autres nombres, que les mathĂ©maticiens, trouvĂšrent plus parfaits, dont les divisions proportionnĂ©es entr'elles, et avec le tout, formoient ces proportions qu’on nomme harmoniques, oĂč le premier nombre est au troisiĂšme , comme la diffĂ©rence du second et du troisiĂšme. Tel est le nombre six, dont les diviseurs i, 2 , 3 , sont en proportions harmoniques entr’eux et avec lui, parce que 2 6 i 3 , ce nombre six , comme on voit, se compose ‱ de la somme de tous ses diviseurs, puisque tous ses diviseurs additionnĂ©s font ensemble le nombre de six. Ses diviseurs sont l’unitĂ© qui le divise en six parties Ă©gales ; 2 qui le divise en trois , et 5 . qui le divise en deux. Qu'on additionne ensuite 1 , 3 , 2 , le total sera six. Le nombre 12 est encore parfait par la mĂȘme raison , puisqu'il est Ă©gal Ă  6 , 2,4, lesquels additionnĂ©s ensemble , font 12. 11 y a encore plusieurs nombres de cette espĂšce. Celle proportion qui est dans la nature et qu’on trouve dans les nombres parfaits , a Ă©tĂ© saisie par les architectes qui s’en sont servis pour proportionner de mĂȘme les Ă©difices et les parties qui les composent, ce qui fait rĂ©gner eatr’elles la plus- belle harmonie. Ainsi la plupart des rapports de proportions , dans les Ă©difices, sont tirĂ©s de ces nombres, parfaits. On verra par exemple que les divisions pour espacer les colonnes dans ü’eustyle , qui est l’entre-colonnement qui a le plus de grĂące, se fait par ces nombres, puisque pour un temple lĂ©trasiyle , on divise la longueur du frontispice en 12 parties, moins, une demie, pour un temple exastyle en 18 parties , et pour un ©etastyle en 24 .. Afin de prouver aux Romains l’avantage qu’on pouvoiĂź tirer d’un nombre parfait, Ă  cause de ses divisions , comme celui de six. Yitruve cite l’application qu’on en fit pour diviser l’as romain , qui, Ă©toit un poids et en mĂȘme temps la plus ancienne de leur mormoie. Les nations, dans le principe, n’avoient pas l'usage des monnoies frappĂ©es a aucun coin elles eornmerçoient entr’elles par L’échange de leur marchandises , comme des brebis , des Ăąnes, des chevaux , etc. , ou bien on emplovoit des mĂ©taux estimĂ©s au poids. C’est de lĂ  que viennent les diffĂ©rens nouas donnĂ©s aux monnoies ; noms qui marquent l’ancien poids, comme l’as chez les Romains, et toutes les parties dans lesquelles on l’a divisĂ© ; comme le talent et la mine chez les Grecs, le sicĂźe chez les HĂ©breux , la livre tournois en France , la livre sterling en Angleterre , etc. Servius Tullius fut le premier qui fit frapper le cuivre Ă  Rome ; il y fit mettre un animal , d’oĂč les latins appelĂšrent cette monnoie pecunia , parce que dans leur langue pecus signifie bĂ©tail. Par l’as les Romains entendoiĂȘat un tout solide solidum , divisible eu parties aliquotes. Cet as % 1 I Y R E ĂŻ I I, C h A p. 1. toi Ă©loit, dans le commencement, d’une livre 1, et on avoit coutume de le peser, si la somme dont il s’agissoit Ă©loit considĂ©rable. C’est de-lĂ  que les Romains disoient peser, pendere pour payer} de-lĂ  viennent aussi nos mots François dĂ©penser, compter, etc. Ils divisoient l’as en 12 parties} chaque portion portoit le nom des parties de l’as qu’elle contenoit ; ainsi le quart de l’as s’appe- loil un trient, parce qu’il contenoit trois parties de l’as le tiers, parce qu’il en contenoit quatre , s’appeloit le quadrant, etc. Nous voyons par ce passage de Yitruye que les mathĂ©maticiens divisoient leur as en six , au lieu de le diviser en douze comme l’as ordinaire , et qu’ils se servoient des mĂȘmes dĂ©nominations pour dĂ©signer les parties qu’elle contenoit. Cependant elles ne signifiaient pas le mĂȘme nombre ainsi le sextant, qui dĂ©signe la sixiĂšme partie de leur as , conliendroit deux parties de l’autre le trient , qui dĂ©signe le tiers, en contiendroit quatre parce que, suivant les mathĂ©maticiens, l’as ou le tout est de six 5 par-consĂ©quent le sextant signifie» le sixiĂšme de six, c’est-Ă -dire l’unitĂ© , le tiers, etc. PhilandĂ©r observe, avec raison , qu’au lieu de lire , comme dans toutes les Ă©ditions , cĂčm ad suppu - tationem crescat, supra sex adjecto asse , il faut lire, adjecto sextants car Yitruve ne dit cela, que pour continuer Ă  faire voir , comment tous les nombres , suivant les mathĂ©maticiens , tiroienfc leur nom du rapport qu’ils avoient avec celui de six. Ainsi puisque l’unitĂ© , ajoutĂ©e au nombre six , fait sept , ils ont nommĂ© ce dernier nombre stpsuro» comme qui diroit stti sktov , le sixiĂšme en sus, et que le nombre 2 qui est le tiers de 6, ajoutĂ© Ă  6 fait 8 , ils ont nommĂ© ce dernier nombre tertiarium en latin, et en grec ĂȘnirpirov le tiers en sus. Si on lisoit adjecto asse , alors Yitruve ne feroit pas connoĂźtre la raison pourquoi ce nombre est nommĂ© stpsxrov, chose qu’il observe si exactement pour les autres nombres. ‱ , f On croit apercevoir, dans ce chapitre, une contradiction au sujet du dĂ©nier , qu’il dit d’abord ĂȘtre composĂ© de dix as , et ensuite de seize. C’est que , dans”lĂ© principe , le dĂ©nier ne contenoit effectivement que dix as d’airain ; mais pendant la guerre punique , le besoin d’argent se faisant sentir dans la rĂ©publique , elle haussa le prix de l’argent , au point que le dĂ©nier fut portĂ© jusqu’à; seize as. Pline et Feslus nous ont appris ce trait d’Histoire. AprĂšs avoir citĂ© l’as des Romains, Yitruve cite aussi la drachme des Grecs. Fa drachme Ă©loit com-» posĂ©e de trois scrupules , et chaque scrupule de deux oboles ; les oboles Ă©loient de six ĂŠreoles ou chalques , et chaque eereole de sept minutes , que les Grecs appeloient lepta. On divisoit aussi l’obole en trois siliques, chaque silique en quatre grains, et chaque grain avoit une lentille et demie', de sorte que la drachme contenoit six oboles, ou dix-huit siliques, ou soixante-douze grains,, ou 108 lentilles. AprĂšs avoir parlĂ© , en gĂ©nĂ©ral , des mesures et des proportions , sur lesquelles on a> rĂ©glĂ© celle des temples et des autres Ă©difices , Yitruve parle des diffĂ©rens . genres de temples 5 il en distingue sept , qui sont le temple Ă  antes , le proslyle , l’amphiprostyle , le pĂ©ripiĂšre , le pseudodiptĂšre , le diptĂšre et l’hypĂŠtre. t t Tons ces temples , exceptĂ© celui Ă  antes, et l’hypĂŠtre , tirent leur nom" des deux mots grees çuAoç stilos colonne , ou de jrrqj ou pteron, aile. noms de ceux qui ne sont pas entourĂ©s de* h xl Pline hiv. XXXIII. Ch. & 102 L’ARCHITECTURE DE V I T R U Y F, colonies * dont les rangs des cĂŽtĂ©s sont comme les ailes des temples , ne sont pas terminĂ©s par ] mot dĂ© pteron ; mais par celui de stylos. Tels sont le prostyle, qui n’a d’autres colonnes que celle qui sont au frontispice de devant , et l’amphiprostyle qui n’en- a qu’à ses deux frontispices. Tous les autres sont terminĂ©s en pteron , pour dĂ©signer les ailes latĂ©rales , que forment les rangs des colonnes qui sont sur les cĂŽtĂ©s. On les nomme en gĂ©nĂ©ral temples pĂ©riptĂšre , nom qu’on donne Ă  tous les temples qui sont entourĂ©s de colonnes. Cependant dans son acception la plus stricte, il signifie le temple , qui n’est entourĂ© que d’un seul rang dd r colonnes car celui qui est entiĂšrement entourĂ© de deux rangs, se nomme le diptĂšre celui qui paroĂźt avoir deux rangs de colonnes et n’en a cependant qu’un seul , se nomme pseudodiptĂšre, c’est-Ă -dire faux diptĂšre. L’hypĂŠtre Ă©toit un temple dont l’intĂ©rieur Ă©toit dĂ©couvert. On appeloit Cella , l’intĂ©rieur d’un temple, c’est-Ă -dire cette partie qui Ă©toit entiĂšrement entourĂ©e de murs , et qui avoit une porte. Les temples avoient ordinairement quatre parties le pronaos ou porche, appelĂ© aussi prodomos et propylax , et mĂȘme vestĂŻbulum dans l’introduction du VII. livre. C’étoit le vestibule ou la partie antĂ©rieure du temple , qu’on trouvoit avant d’entrer dans la cella. Le posticum ou opistodomos , qui Ă©toit opposĂ© au pronaos. Les ailes ou galeries latĂ©rales Ă©toient des portiques formĂ©s par une colonnade double ou simple, qui, avec les colonnes de devant et celles de derriĂšre, rĂ©gnoit tout autour du temple ; on la nommoit pteroma. Enfin la cella ou secos , appelĂ©e aussi naos par les Grecs , Ă©toit au milien des trois autres parties. Quelques temples Envoient que le pronaos ou le vestibule , comme on le voit dans la i. re fig. de la Y. planche, et dans la 1/ et 2. de la VIII. e D’autres temples, outre le vestibule de devant, avoient aussi le posticum , qui Ă©toit un autre vestibule semblable qui Ă©toit par derriĂšre, comme on le voit dans d’autres figures de temples. Quelques temples n’avoient pour ainsi dire que la seule cella , comme sont les temples reprĂ©sentĂ©s dans les figures i. re et 2. de la Y. planche , et i. re et 2.* de la VIII.* D’autres enfin Ă©toient entourĂ©s de galeries, qu’on nommoit pteroma , qui rĂ©gnoient tout autour de la cella elles Ă©toient formĂ©es, comme on vient de le dire, par un ou deux rangs de colonnes. Dans les planches Y, YI, YII , VIII et IX qui reprĂ©sentent les diffĂ©rens temples , la lettre À Indique toujours la cella , ou l’intĂ©rieur du temple; la lettre B le pronaos ; la lettre H le posticum; et la lettre P les galeries latĂ©rales ou pteroma. J’ai prĂ©fĂ©rĂ©, pour le temple Ă  antes, la figure que Galiani en a donnĂ©e, Ă  celles qu’en ont donnĂ©es Perrault, Barbaro , Rusconi et autres ; parce qu’elle m’a paru plus conforme au texte de Yitruve. Les autres suppriment, je ne sais pourquoi , le pronaos ensuite ils ont placĂ© , dans le milieu du frontispice, deux colonnes , qui soutiennent un petit fronton , autre que celui qui termine tout le temple. Ce petit fronton n’a jamais existĂ© que dans leur imagination. S’ils avoient Ă©tĂ© consĂ©quents, ils auroient du mettre un pareilfronton au prostyle; puisque jTitrave dit que cette espĂšce de temple a toutes les parties du temple a antes , ,et le mĂȘme entablement ĂȘpistylia quemadmodum et in antis . Il ne diffĂ©rĂ© qu’en ce qu’il a, de plus , deux colonnes vis-à—vis des antes des coins Ă  1 exception de ces deux colonnes, ils dçvoient donner la mĂȘme figure au prostyle; mais ils ont fait LIVRE III, Chap. i. Ăźo3 tout le contraire ils ont reprĂ©sentĂ© le prosiyle , Ă -peu-prĂšs comme celui de la 2.» fĂźg. de la planche V e . Les antes, d’oĂč cette espĂšce de temple a pris sa dĂ©nomination , sont des espĂšces de colonnes carrĂ©es qui ont les mĂȘmes proportions, bases ,. chapiteaux et autres ornemens , que les colonnes de l’ordre avec lesquelles On les emploie. Quelquefois ils terminent les murs latĂ©raux des cella , qui se prolongent jusqu’à l’entrĂ©e du pronaos > comme est celui marquĂ© D , dans la i. re figure de la planche Y\. D’autres terminent aussi les murs des cella , et ont place vis-Ă -vis une colonne qui forme l’entrĂ©e du pronaos, comme dans la fig. 2, lettre P. Presque toujours ils sont ainsi opposĂ©s aux colonnes d’oĂč ils ont pris le nom d’ante ; parce que avri, contra > signifie contre , opposĂ©, comme qui diroit opposĂ© Ă  la colonne. Lorsqu’ils terminent de cette façon les murs , ils ont la forme d’un gros pilier carrĂ© ils ont presque toujours ahlant de largeur par le haut que par le bas. Tel est celui des thermes de DioclĂ©tiezz qui se trouve reprĂ©sentĂ© dans la XYII. e planche des parallĂšles de l’architecture ancienne et moderne de M. Chambray , et ceux delĂ  planche Y.* de notre traduction. D’autres sont quelquefois diminuĂ©s par le haut comme les colonnes. Lorsque les antes ne terminent pas un mur , ils sont ordinairement engagĂ©s dedans , n’ayant de saillie que le tiers ou le quart, ou le cinquiĂšme ou le sixiĂšme de leur Ă©paisseur ; alors nous les appelons aussi des pilastres tels sont ceux des figures t. Ie , planche YI.* , i. r * 2.*, planche YII.* Le mot epistyle, dont se sert Yitruve dans ce chapitre, et ailleurs, est composĂ© des mots grecs ijn'quXoç -, qui signifient sur les colonnes. 11 l’emploie quelquefois pour signifier uniquement l’architrave et quelquefois tout l’entablement. Les proportions et les mesures du fronton , annoncĂ©es dans ce chapitre , et qu’on trouvera Ă  la fin du troisiĂšme chapitre de ce livre , sont, que la pointe de l’angle , qui termine la hauteur du tympan, doit ĂȘtre Ă©levĂ©e au-dessus de la corniche , de la neuviĂšme partie de toute la largeur du fronton , tel est celui de la 3 . e fig. de la planche YlII. e , et ceux de tous les autres frontispices reprĂ©sentĂ©s dans les figures de cet ouvrage. Perrault a fait son temple Ă  antes , d’ordre toscan, et d’aprĂšs sa maniĂšre d’interprĂ©ter le passage du Ch. 7 , Liv. IY , oĂč il est traitĂ© de cet ordre , qui dit stilliciclium tecti absoluii terliario respondeat. Il a fait un fronton , d’une hauteur disproportionnĂ©e. Moi qui ai suivi encore ici l’interprĂ©tation de M. Galiani qu’on trouvera ci-aprĂšs , lorsqu’il sera parlĂ© du 7/ chapitre du Liv. IY' S j’ai fait ce fronton semblable Ă  ceux de tous les autres temples. ^ Yitruve dit, dans ce chapitre, que le temple pĂ©riptĂšre doit avoir six colonnes Ă  son frontispice de devazzt , aulazit Ă  celui de derriĂšre , et onze de chaque cĂŽtĂ© en comptant celles des coins. Dans le troisiĂšme chapitre de ce livre , il dit, que les cĂŽtĂ©s des temples doivent ĂȘtre le double plus larges que les frontispices , et en d’autres termes qu’ils doivent avoir deux fois autant d’entre- colonnemens quoi inter colomnia sunt in fronte totidem bis inter colomnia fiant in laterĂŻbus. C’est-Ă -dire que s’il y a six colonnes au frontispice , et par-consĂ©quent cinq entre-colonnemens , il doit y avoir onze colonnes de chaque cĂŽtĂ©, et par-consĂ©quent dix intervalles $ c’est-Ă -dire , deux fois autant qu’il y en, a au frontispice. ,o4 L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. II nous cite ensuite pour exemple deux Ă©difices de cette espĂšce le portique que MĂ©tellus fit construire autour du temple de Jupiter Stator , par Ilermodore ; et le temple de l’Honneur et de la Vertu, prĂšs du trophĂ©e de Marins , bĂąti par Mutius. L’épithĂšte de Stator fut donnĂ©e Ă  Jupiter, po'ur avoir arrĂȘtĂ© les Romains qui fuyoient devant les Sahins. Ce temple lui fut alors vouĂ© par Romulus. Te Jupiter Stator . cujus templum Ă  Romulo victis Sabinis . est coĂźlocatum. Cic. Mais il ne fut bĂąti que sous le consulat de Poslumius Metellus , d’ou le portique a sans doute pris son nom et de Marcus Atilius Regulus. Tite-Live , d’un autre cĂŽtĂ© , dit que ce temple a Ă©tĂ© dĂ©diĂ© Ă  Jupiter Stator , par Postume MegelĂźus Templum Jovi Statori vovet } si constitisset a fugĂą Romana acies . vincisselque regiones Samnitium. Tellement qu’il faut croire qu’il* y avoit deux temples de Jupiter Stator, ou, ce qui est plus apparent, que le Jcopiste de Tite-Live a mis MegelĂźus au lieu de Metellus. Quoique l’architecte de ce temple soit nommĂ© Hermodius , dans le texte , je l’ai nommĂ© Her- raodore dans la traduction , parce que j’ai cru , avec tous les autres interprĂštes , que c’éloit une faute du copiste j car il n’est parlĂ© nulle part d’un architecte nommĂ© Hermodius , tandis que Her- modore est trĂšs-connu , tant par la construction du temple de Mars dans le cirque de Flaminius, que par la contestation qu’il eut avec un autre architecte pour la construction d’un grand arsenal ; cette contestation est remarquable, Ă  cause du jugement qui intervint en faveur du compĂ©titeur d’Herrnodore , parce qu’il Ă©toit plus Ă©loquent que lui. CicĂ©ron rapporte cet exemple pour prouver qu’un excellent orateur parlera trĂšs-bien des choses qu’il entend mĂ©diocrement , qu’il en parlera mĂȘme mieux que ne pourroit faire celui qui les possĂšde parfaitement, et qui seroit un orateur mĂ©diocre. Mariana Monumenta , vulgairement les trophĂ©es de Marius , c’est ainsi qu’on appela le lieu oĂ  on Ă©leva des trophĂ©es en mĂ©moire des victoires remportĂ©es par Marius sur Jugui’tha , les Cimbres et les Teutons. A Rome, on nomme prĂ©sentement trophĂ©es de Marius, des anciens murs, qui existent encore prĂšs de l’église de S. EusĂšbe , le long de la rue qui conduit de S. te Marie Majeure Ă  l’église de la Sainte-Croix de JĂ©rusalem , et cela parce qu’on y a trouvĂ© quelques trophĂ©es, qu’on croit ĂȘtre ceux de Marius ; cependant rien n’est moins certain que ce soit ceux-lĂ  ; tellement qu’on ignore aussi oĂč Ă©toit ce temple de l’Honneur et de la Vertu. S. 1 Augustin en parle ; il dit que k premiĂšre partie Ă©toit dĂ©diĂ©e Ă  la Vertu , et l’autre Ă  l’Honneur. Vitruve cite encore Mutius, comme architecte de ce temple, dans l’introduction du livre, oĂč il dit A, C. Mutio , qui magna scientia confis us Ɠdes Honoris et Virtutis Marianoe cellƓ ... perfecit. " En jetant un coup d’Ɠil sur la deuxiĂšme figure de la septiĂšme planche , on verra , que les temples qu’on appelle pseudodiptĂšre', ou faux diptĂšre , sont ainsi nommĂ©s , Ă  cause qu’en dehors ils paraissent ĂȘtre diptĂšre , c’est-Ă -dire avoir sur les cĂŽtĂ©s des ailes formĂ©es par des doubles colonnades , parce qu’ayant huit colonnes Ă  leur frontispice, et la largeur de la Cella n’occupant que l’espace Ăąes quatre colonnes du milieu , on croit qu’ils ont double rang de colonnes sur leurs cĂŽtĂ©s tandis qu’en effet ils ne les ont pas. On verra dans le chapitre suivant quTIermogĂšne , en laissant subsister la colonnade extĂ©rieure qui fiysoit le tour du temple , imagina dĂ© supprimer celles qui se trouvoient ! '* i ^ iV-J^-ĂżA; frT^P g- T r?.vv., ^ ,+JW*»;^ »*»**‱* ,-‱** S' , '.K t ? 4"r SW* y^. >- >*>?***‱ ; k?feffĂŻ iSs&Sfr TJEMJPJLIE MK JD'" /'Tf/C to 5 MJ ’ÿffm ".'H, mmm 'tlsĂąi imi.'.'ii imiiiiimii i ! 1 . '"" 1111 ' 1 11 - .ii — Tinminini - ... ‱p Ăź iin i wr nT "-iiiii ^FtiiiiiJMJi j i iinuim^- r Mrutdtb 101E PME SE !!!!!!!! SwßßmTÎimiHiiimwitmT ifminiiiiiiii mwHmwmnmiui mm t ;Ti- .f? *&?''*k V* v v !f- ĂŻ ,w'. LIVRE I li ĂŻ, c fĂź -V PY l trouvoient entre celle-ci et les murailles -de la. Cella, sans rien changer aux proportions , tellement que ce portique .offre un bel espace pour se,promener autour du temple, puisqu’il a la largeur de deux entre-colonnemens , et de-plus celle de l’épaisseur d’une colonne. Le diptĂšre, comme nous venons de le voir, avoit deux rangs de colonnes isolĂ©es Ă  son pourtour, et huit colonnes de front Ă  chaque extrĂ©mitĂ© tel Ă©toit le temple de Liane Ă  EphĂšse, dont je donne ici le plan. 0 . ' ' f . r Ce temple bĂąti’ par CtĂ©siphon , Ă©toit d’ordre ionique. Pline dit qu’il a Ă©tĂ© rebĂąti jusqu’à sept fois* Il paroĂźt qu’il Ă©toit eĂŒstyle , c’est-Ă -dire avec des entre-colonnemens de deux diamĂštres de colonne et un quart , d’aprĂšs les proportions que Pline 1 en donne. L’entre-colonnement du milieu Ă©toit aussi plus grand que les autres , puisque le mĂȘme auteur dit que l’architrave du milieu Ă©toit d’une* grandeur si extraordinaire, qu’on feignit que la dĂ©esse l’avoit posĂ© elle-mĂȘme j l’architecte dĂ©sespĂ©rant de pouvoir manier j une aussi grande pierre. r ..... f . diffĂ©rens genres 1 de temples il commence par ceux qiii Ă©toient lĂšs plus simples , Ăšt qui conienoient >le moins de colonnes 5 il les nomme Ă  mesure qĂŒâ€™un plus ; grand nombre de colonnes devient nĂ©cessaire Ă  leur dĂ©coration ; et il termine par l’hypĂšlre , celui cpri en- contient le plus grand nombre'$ pnisqu’outre les deux rangs qui ornĂšnt son pourtour, il se trouve 1 dans l’intĂ©rieur de sa Cella, qui doit ĂȘtre dĂ©couverte , deux rangs de colonnes l’un au-dessus de l’autre pour former des galeries , - comme on peut* voir dans la 2. mC fig. de la VI. me planche. Entre les deux ordres de colonnes qui sont dans l’intĂ©rieur du temple , je n’ai mis que la seule architrave, parce que c’étoil l’usage des anciens en pareil cas, comme Vitruve lui-mĂȘme nous l’apprend, Liv. V. Chap. 1. ' . La raison en est , que les ornemens d’architecture doivent ĂȘtre fondĂ©s sur quelque usage , et particuliĂšrement sur la convenance. Or il est certain que toute corniche rappelle l’idĂ©e d’un toit, et consĂ©quemment qu’elle ne doit avoir lieu qu’au plus hauf"Ă©tage. Elles n’ont Ă©tĂ© imaginĂ©es que pour servir d’appui aux avances des toits, destinĂ©es Ă  Ă©carter du mur ou des colonnes la chute des eaux ; elles sont en effet inutiles dans les lieux couverts , oĂč elles ne font que dĂ©rober le jour des fenĂȘtres qui sont au-dessus. Perrault rapporte pour exemple de cette suppression d’ornemens } le superbe Ă©difice des tutelles de Bordeaux , 2 qu’on croit avoir Ă©tĂ© bĂąti peu de temps aprĂšs le rĂšgne dh4uguste. Les colonnes ne soulenoient qu’une architrave , sur laquelle , au lieu d’un second ordre de colonnes , il se trouvoit des cariatides. Perrault donne une belle gravure de cet Ă©difice , qui a Ă©tĂ© dĂ©moli, lorsqu’on a construit les fortifications des dehors de la citadelle, vers l’an 1680. Galiani en rapporte un autre exemple qui est de la plus haute antiquitĂ©. C’est celui d’un des temples de Peslum, dont nous avons dĂ©jĂ  parlĂ© ; ce temple est hypĂšlre 5 une grande partie de la colonnade intĂ©rieure subsiste encore ; elle soutenoit un autre ordre de colonnes , qui Ă©toit au-dessus j mais , entre les deux, il n’y a que Parchitrave seule. INous avons vu que les temples prĂ©voient leur dĂ©nomination de leur forme , ou de la quantitĂ© des colonnes qu’ils avoient Ă  leur frontispice. Ils la prennent encore de la diversitĂ© des entre- colonnemens. 1 Pline , Liv. XXXYI. Chap. 1 4 . 2 Yftruve de Perrault. Liv. VL Chap. 4. * 4 L’ARCHITECTURE HE Y I T R U Y E. 106 Vitruve a expliquĂ© , clans ce chapitre , les diffĂ©rens- noms qu’on a donnĂ©s Ă  sept genres. de temple , Ă  cause de leur diffĂ©rente forme; il va expliquer, dans Je chapitre suivant , les noms qu’on a donnĂ©s Ă  cinq espĂšces de temples , Ă  cause de la grandeur plus ou moins resserrĂ©e de leur entre- colonnemenl. Il n’explique nulle part, pourquoi on a donnĂ© tel nom Ă  un temple , Ă  cause du nombre des colonnes ; parce qu’il suffit d’avoir la moindre teinture de la langue grecque pour le comprendre ainsi on appelle un temple tetrast vie,, paijpe qu’il a 4 colonnes Ă  son frontispice, un autre exastyle, parce qu’il eu a six, un autre oclaslyle, parce qu’il eu a huit, un autre dĂ©caslyle , parce qu’il en a dix , etc. ; Il nous reste Ă  voir prĂ©sentement , pourquoi Yitruve prescrit un de ces diffĂ©rens nombres de colonnes Ă  chaque genre de temple , comme si c’ëtoit choses insĂ©parables et dĂ©pendantes l’une de l’autre ainsi il assigne six colonnes au pĂ©riptĂšre 3 huit au diptĂšre , dix Ă  YhypĂštre , etc. Je suis persuadĂ© , quant Ă  moi , que ces deux choses sont trĂšs-indĂ©pendantes l’une de l’autre ; car rien n’empĂȘche YhypĂštre d’ĂȘtre ociastyĂźe ou idĂ©caslyle , le pĂ©riptĂšre d’ĂȘtre exastyle ou octaslyle. Ce n’est pas sans raison cependant que Yitruve a dit cela. Outre qu’il a voulu indiquer que c’étoit l’usage de mettre tel nombre de colonnes Ă  tel genre de temple,, il avoit encore une raison par exemple le pĂ©riptĂšre ne peut ĂȘtre moins qu’exastyle, car s’il Ă©toit tĂ©trastyle voy. la fĂźg. 1 , planche VI , la Cella n’auroit de largeur que la longueur d’un entre-colonnement. La CeĂźla du diptĂšre n’en auroit pas davantage , s’il Ă©toit exastyle au lieu d’ĂȘtre octastyle mais je rĂ©pĂšte que le pĂ©riptĂšre peut ĂȘtre octastyle , que le diptĂšre peut aussi bien ĂȘtre dĂ©castyle , que l’hypĂštre octastyle , comme il l’est dans l’exemple citĂ© par Vitruve , quoiqu’il lui prescrive le dĂ©caslyle. Le temple hypĂšlre de Pestum n’est aussi qu’exastyle. On pourroit ajouter aux diffĂ©rens genres de temples que l’auteur noinme dans ce chapitre, ceux dont il parle dans le 7 . rae chapitre du IV.ℱ livre tels que les temples pseudo- pĂ©riptĂšre , les templyioscans 3 et les temples ronds. Leurs proportions Ă©tant rĂ©glĂ©es par d’autres principes , que celles des temples dont il vient- de parler , il en a fait un article sĂ©parĂ©. mvnm wvvwmvvmvui uv> K X \ 7 , . 1 C H A P I T II E I I. Des cinq especes de Temples. Ïl existe cinq espĂšces de temples , dont voici les difĂźerens noms i.° le Pycnos- tyle 1 , lorsque les colonnes sont fort prĂšs les unes des autres; 2. 0 le Systyle 2 , lorsqu’elles sont un peu plus sĂ©parĂ©es ; 3.° le Diastyle 3 , lorsqu’elles lç sont encore davantage ; 4 ° l'ArĂ©oslyie 4, lorsqu’elles sont sĂ©parĂ©es plus qu’elles ne doivent l’ĂȘtre ; et l Eustyle 5, lorsqu’elles le sont par un juste intervalle. Un temple est pycnostyle , lorsque l’entre-colonnement a la longueur d’un diamĂštre et demi de la colonne; tel est le temple du divin Jules, et celui de VĂ©nus dans le forum de CĂ©sar, et plusieurs autres. Un temple est systyle, quand l’entre - colonnement a la longueur de deux diamĂštres de colonne, et que les plinthes des bases sont Ă©gales Ă  l’espace qui se trouve entre deux plinthes 6 . Tel est le temple de la Fortune Ă©questre, auprĂšs du théùtre de pierres, et plusieurs autres. Ces deux maniĂšres ont un grand dĂ©faut, puisque les mĂšres de famille, lorsqu’elles vont au temple, pour aller faire leur priĂšre, ne peuvent passer par les entre-colonnemens en se tenant par la main, et sont obligĂ©es de se suivre Ă  la file. De plus, les colonnes ainsi serrĂ©es, obstruent presque les portes; elles empĂȘchent de voir les statues des dieux et de se promener autour du temple. Un temple est diastyle, quand l’entre-colonnement a la longueur de trois diamĂštres de colonne, 7 comme au temple d’Apollon et de Diane; cette espĂšce de 1 C’est-Ă -dire, colonnes serrĂ©es. 2 Colonnes jointes. 3 Colonnes distantes. 4 Colonnes rares. 5 Colonnes bien placĂ©es. * Planche VI. mc fig. 2 . ** Planche VI. me fig. 1. 6 Vitruve dit, un peu plus bas, que la saillie des bases doit ĂȘtre Ă©gale au quart du diamĂštre l’entre-co- ĂŻonnement, cest-Ă -dire, l’espace qui se trouve entre deux fĂ»ts, est de deux diamĂštres; qu’on ĂŽte de cet espace, celles occupĂ©es par la saillie des deux bases qui font un demi - diamĂštre, le vide, entre les deux plinthes, sera d’un diamĂštre et demi, et sera par consĂ©quent Ă©gal Ă  la grandeur du plinthe ; qui contient le diamĂštre et deux quarts pour les saillies. *** Planche V. me fig. 2. 7 Il nomme ici Diastyle un entre-colonnement de 3 diamĂštres; dans le Chap. 3 du Liv. IV, il donne le mĂȘme nom Ă  un dorique qui a deux diamĂštres et trois quarts. 4. io8 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. *‱ temple a le dĂ©faut que l’intervalle des colonnes, Ă©tant fort grand, les architraves rompent trĂšs-souvent. * Quant au temple arĂ©ostyle **, l’intervalle des colonnes est si grand, qu’il est impossible de faire des architraves de pierre ou de marbre, comme dans les autres; on ne peut les faire qu’avec de longues poutres , ce qui fait que l’aspect de ces Ă©difices paroĂźt Ă©crasĂ©, bas et trop large. On a coutume, Ă  l’exemple des Toscans; d’orner leurs frontispices i de sculptures en craie, ou en bronze; tels sont auprĂšs du grand cirque, le temple de CĂ©rĂšs, et celui d’Hercule bĂąti par PompĂ©e ; tel est aussi le Capitole. *** 11 me reste prĂ©sentement Ă  faire connoĂźtre les proportions de l’eustyle. Sans contredit c’est la meilleure de toutes les maniĂšres, la plus suivie et la plus commode; elle rĂ©unit la beautĂ© et la force ; ses entre-colonnemens doivent avoir la longueur de deux diamĂštres de colonne et un quart, hormis l’entre-colonnement du milieu du frontispice de l’entrĂ©e, et celui du milieu du frontispice de laniĂšre-temple, auxquels on donne trois diamĂštres de colonne ; celte maniĂšre en rend l’aspect agrĂ©able, l’entrĂ©e plus dĂ©gagĂ©e, et l’on n’est pas gĂȘnĂ© pour se promener autour du temple. **** Voici les proportions qu’on doit suivre. Quand on met quatre colonnes dans le frontispice, on divise sa longueur en onze parties et demie, sans y comprendre la saillie des socles ni celles des bases; quand on en met six, on la diyise en dix-huit parties; quand on en met huit, on la divise en vingt-quatre parties et demie. La premiĂšre de ces divisions s’appelle tĂ©trastyle 2 , la seconde hexastyle 3, et la troisiĂšme octastyle 4. Que dans l’une ou l’autre, on prenne une de ces parties, ce sera le module qui sera toujours Ă©gal au diamĂštre d’une colonne ; tellement que chaque entre-colonnement aura deux modules et un quart, exceptĂ© les deux entre-colonnemens qui sont au milieu des deux frontispices, et qui auront trois modules ; la hauteur des colonnes sera de huit modules et demi ainsi avec cette distribution, on aura la juste mesure des entre-colon- nemens et de la hauteur des colonnes. 11 ne se trouve pas Ă  Home de temple de cette espĂšce ; mais on en voit un en Asie t qui est le temple de Bac chus dans la ville de Teo, lequel a * Planche V."' 6 fi g. i . ** Planche VIII. me fig. i, O Par frontispice, il entend le fronton ou plutĂŽt le timpan. Les anciens avoient coutume de sculpter , dans cette partie, un bas relief, qui reprĂ©sentait quelque fait mĂ©morable de la divinitĂ© Ă  laquelle le temple Ă©toit dĂ©diĂ©, ou la maniĂšre dont on y fiaisoit lĂ©s sacrifices. Tel est le fronton du temple de Diane d’EphĂšse, dont la figure se trouve page io5. Planche Vil. ,ne fig. i et 3 . **** Planche Xll. we fig. 5. . 2 C’est-Ă -dire, Ă  quatre colonnes. 3 A six colonnes. 4 A huit colonnes. LIVRE III, C h a p. il io 9 huit colonnes Ă  son frontispice. C’est HermogĂšne i qui a trouvĂ© toutes ces proportions ; c’est lui qui a inventĂ© l’oclastyle et les temples pseudodiptĂšres, en ĂŽtant, au temple diptĂšre, le rang des colonnes du milieu qui sont au nombre de trente-quatre, afin de diminuer l’ouvrage et la dĂ©pense. Il a augmentĂ© l’espace destinĂ© Ă  se promener autour du temple , sans diminuer le nombre des colonnes qui sont en dehors et qui en rendent l’aspect agrĂ©able. Tellement qu’il n’a rien ĂŽtĂ© au diptĂšre de ce qu’il avoit de bon, et qui pourroit causer du regret; mais seulement ce qu’il avoit de superflu car on a inventĂ© ces ailes de colonnes, qui sont autour des temples, pour leur donner plus de majestĂ©, par l’effet que produit l’ñpretĂ© des enlre-colonne- mens ; et aussi, lorsqu’il survient une pluie, pour mettre Ă  l’abri le peuple qui s’y trouve souvent rĂ©uni en grand nombre, et qui peut alors se rĂ©fugier sous le portique et dans le temple. Ce grand avantage, qu’on trouve dans le pseudodiptĂšre , fait voir quel Ă©toit le gĂ©nie d’HermogĂšne, et avec quelle sagacitĂ© , quelle intelligence il diri- geoit les ouvrages qu’il a laissĂ©s Ă  la postĂ©ritĂ© ; on peut les regarder comine la vĂ©ritable source oĂč il faut puiser les meilleurs principes de l’architecture. Dans le temple arĂ©ostyle ** , la grosseur des colonnes doit avoir la huitiĂšme partie de leur hauteur. Dans le diastyle ***, il faut diviser la hauteur de la colonne en huit parties et demie , et en donner une Ă  la grosseur. Quant au systyle **** , on doit diviser la hauteur de la colonne en neuf parties et demie , pour en donner une Ă  la grosseur. Dans le pycnostyle *****, il faut diviser la hauteur en dix parties, et en donner une Ă  la grosseur. Dans l’eustyle ****** , on la divise en huit parties et demie, comme au diastyle , et l’on en donne une Ă  la grosseur. Ces proportions observĂ©es , elles serviront pour donner aux entre-colonnemens celles qu’ils doivent avoir; plus les entre-colonnemens sont larges, plus il faut aussi grossir les colonnes; en effet, si dans un arĂ©ostyle , le diamĂštre des colonnes n’étoit que la neuviĂšme ou la dixiĂšme partie de leur hauteur, elles paroĂźtroient trop minces et trop dĂ©liĂ©es , parce que lair, qui se trouve dans le large espace des entre-colonnemens, diminue et dĂ©robe Ă  la vue une partie de la grosseur de la tige de la colonne; au contraire, si dans le pycnostyle on faisoit la colonne grosse de la huitiĂšme partie de sa hauteur , des entre-colonnemens aussi Ă©troits feroient paroĂźtre des colonnes, qui sont si prĂšs les unes des autres , tellement enflĂ©es , que cela auroit la plus mauvaise grĂące c’est pourquoi on ne sauroit trop s'attacher Ă  suivre et Ă©tudier les proportions , chaque maniĂšre ayant la sienne car il est encore nĂ©cessaire de grossir les colonnes des i Il en a parlĂ© dans le chapitre prĂ©cĂ©dent, Planche VI. me fig. i. * Planche Vll. me fig. i et 2. ***** Planche Vl. raĂ© fig. 2. ** Planche V. rae fig. 1. ****** Planche VII. me fig. tel 2. *** Planche V.** fig. 2. IIO L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. angles dans une cinquantiĂšme partie de leur diamĂštre ; parce qu’il semble que l’air et le grand jour auquel elles sont plus exposĂ©es que celles du milieu, les mangent et les rendent plus petites ; du moins elles paroissent telles aux yeux , et il faut que l'art remĂ©die Ă  l’erreur de la vue. * La partie supĂ©rieure des colonnes doit aller en diminuant vers le gorgerin idans les proportions suivantes. Les colonnes ont-elles moins de quinze pieds de long? on divise le diamĂštre d’en bas en six parties, et on en donne cinq au diamĂštre d’en haut. Ont elles depuis quinze jusqu’à vingt pieds de long ? on divise alors le diamĂštre d’en bas, en six parties et demie, et on en donne cinq et demie Ă  celui d’en haut ; ont-elles depuis vingt jusqu’à trente pieds de long? on divise le diamĂštre d’en bas en sept parties , et on en donne six Ă  celui d en haut. Dans celles qui ont depuis trente jusqu’à quarante pieds de long, on divise le diamĂštre d’en bas en sept parties et demie, et on en donne six et demie Ă  celui d’en haut ; et dans celles qui ont depuis quarante jusqu’à cinquante pieds de long, on divise le diamĂštre den bas en huit parties , et on en donne sept Ă  celui d’en haut. Enfin s’il s’en trouve encore qui soient plus hautes, il faut les diminuer Ă  proportion. Il est nĂ©cessaire de diminuer ainsi les colonnes , parce que l’Ɠil, qui regarde d’en bas vers le haut, se trompe facilement sur les objets qui sont fort Ă©levĂ©s. L’Ɠil aime ce qui est beau, il faut donc le satisfaire par la justesse des proportions ; ainsi lorsqu’un objet paroĂźtra trop long Ă  cause de son peu d’épaisseur, il faudra augmenter le module. On remĂ©die par cet accroissement Ă  l’erreur qu’occasionne l’éloignement ; sans cela, un ouvrage paroĂźtra toujours disproportionnĂ© et sera dĂ©sagrĂ©able Ă  la vue; c’est pour cela que, milieu de la colonne, on ajoute quelque chose Ă  sa grosseur; les Grecs appellent ce renflement enlasis. ** Je mets , Ă  la fin de ce livre , une figure qui fera comprendre la mĂ©thode qu’il faut employer pour le rendre doux et imperceptible, REMARQ UES. Dans le chapiire prĂ©cĂ©dent, Vitruve parle des diffĂ©rentes formes des temples et du plus ou moins de colonnes qui se trouvoienl, soit aux divers frontispices, soit aux ailes. C’est ce qu’il appelle, dans ce premier chapitre, principia . . . Ɠdium , les divers principes, les diverses rĂšgles des temples; et dans l’intro- duciion du , il dit , que , dans le troisiĂšme livre , il a traitĂ© des divers genres de temples et de leurs diffĂ©rentes espĂšces, de Ɠdium. . . . generum varietate ... .et quot habeant ppecies. Il rend donc synonymes les deux mots gĂ©nĂ©ra et principia on voit donc que par genre de temple , il entend les diffĂ©rentes formes -dp temples dĂ©finies dans le premier chapiire , taudis que * Planche X. me fig. 4. sert ici Vitruve ; c’est ce que nous nommons le gorgerin, i Tpa%>jXcç signifie le cou ou la gorge, d’oĂč ** Planche X. me fig. 3. l'on a fait le mot latin Hyputruchtliuni dont se LIVRE III, C h a p. h. m par espĂšce de temple il entend les diffĂ©rentes maniĂšres d J espacer les colonnes. Dans le chapitre prĂ©cĂ©dent, il a donc parlĂ© des diffĂ©rens genres de temples; il distingue, dans celui-ci, leurs diffĂ©rentes espĂšces, par la gradation des enlre-colonnemens. Genre , en logique, dĂ©signe ce qui est commun Ă  diverses espĂšces , et qui a sous soi plusieurs espĂšces diffĂ©rentes. Quoique plusieurs espĂšces de temples conviennent Ă  diffĂ©rens genres , elles ne conviennent cependant pas indistinctement Ă  tous les genres. Le pyenostyle , par exemple , ne convient pas pour le temple Ă  antes , ni l’arĂ©o- style pour le diptĂšre et le pseudodiptĂšre Pun seroit beaucoup trop Ă©troit , et l’autre beaucoup trop large ; l’exĂ©cution en seroit presqu’hnpossible. Comme tous les autres traducteurs , j’ai rendu le mot Ɠdes , dans ce chapitre , par celui de temple. Les anciens appeloient du nom de temple par excellence, celui qui Ă©loit de fondation royale , et oĂč se faisoient rĂ©guliĂšrement les exercices de la religion ; Ɠdes , ceux qui n’étoient pas consacrĂ©s ; Ɠdicula , ceux qui Ă©toient plus petits et qui Ă©toient dĂ©couverts; sctcella } ceux qui Ă©toient petits et couverts ; et enfin d’autres fana , delubra , destinĂ©s Ă  leurs mystĂšres. Le mot templum signifia d’abord tout l’espace que nous pouvons apercevoir i. Dans la suite on le prit dans un sens plus Ă©troit , et il se dit seulement de cette partie du ciel dĂ©signĂ©e par les augures enfin il exprima un lieu environnĂ© de murailles et destinĂ© au culte de quelque dieu , et consacrĂ© par les augures. C’est pourquoi on clonnoit le nom de templa augusta Ă  ceux qu’on avoit Ă©levĂ©s Ă  son honneur. Il y avoit cette diffĂ©rence entre les lieux que les anciens appeloient templa, et ceux qu’ils nommoient Ɠdes , sacra , que ceux-ci Ă©toient, Ă  la vĂ©ritĂ© , destinĂ©s au culte de quelque dieu, mais qu’ils n’étoient point consacrĂ©s par les augures. MĂ©nage , jaris cioilis amƓni— tĂątes , p. 3 g , prĂ©tend que le mot templum vient d’un mot grec qui veut dire positus. On faisoit vƓu de bĂątir des temples pour plusieurs raisons 2. AprĂšs le vƓu fait , on marquoit les limites du temple 3 , ce qu’ils appeloient effari , ou tenninare templum 4. Lorsque ces temples Ă©toient achevĂ©s, celui qui avoit fait le vƓu, en faisoit aussi la dĂ©dicace. C’étoit ordinairement un consul ou un gĂ©nĂ©ral d’armĂ©e. Cela , ne se pouvoit faire sans l’ordre du sĂ©nat , ou de la plus grande partie des tribuns du peuple 5 . Un pontife prononçoit la formule ordinaire de la dĂ©dicace 6, pendant que celui qui dĂ©dioit le temple tenoit la porte 7. AprĂšs quoi des augures venoient en faire la consĂ©cration , c’est ce qu’on appeloit inauguration. Tacite nous apprend qu’on mettoit ordinairement de l’argent monnoyĂ© , ou en lingots , dans les fondemens des temples. Il n’étoit pas permis ou du moins cela arrivoit trĂšs-rarement de consacrer un mĂȘme temple Ă  deux divinitĂ©s 8. Cette dĂ©fense ne subsista pas toujours. Les dieux qu’on adora ensuite dans un mĂȘme temple se nommĂšrent contubernales 9. Le fameux temple de Rome, nommĂ© le PanthĂ©on 10 , fut mĂȘme dĂ©diĂ© Ă  tous les dieux, par Agrippa , gendre de l’empereur Auguste. Les lieux nommĂ©s fana chez 1 Plaut. Mil. 61 . 1. 5 . et Rud. 4 - 2. t. 4 - Templa Nepiuni. 2 Tite-Liv. , Liv. I. Chap. 3 . 3 Ibid. Chap. 9. 4 Id. Liv. V. Chap. 5 o. Yarr. de L. L. Liv. V. Chap. 7. 5 lite-Liv. Liv. IX. Chap. 36 . 6 Tacit. Ilist. Liv. IV. Chap. 53 . 7 Cicero pro domo, 46. Dans cette oraison, il nous fait la description des ce're'monies qui s’observoient dans ces circonstances. 8 Tite-Liv. Liv. II. Chap. 25 . Plut, vie de Marcellus. 9 Cic. ad Att. 11 , i 3 et 28. 10 PanthĂ©on, signifie en grec tous les Dieux. Ce temple dont nous avons dĂ©jĂ  parle' plusieurs fois , existe encore Ă  Rome sous le nom de Sainte Marie de la Rotonde. 112 L’ARCHITECTURE DE V I T R D Y E. 1 Ascon. ad Divin. Gcer. ad Verr. i. 2 Vairon donne une Ă©tymologie assez singuliĂšre dn mot dclubrum. C’est, dif-ii, parce qu’on metĂźoit lĂ  statue du dieu au milieu du temple comme un grand chandelier candelabrum, d’oĂč on a dit ddubrnn. Juvenal çn parle aussi , Sat. XIII. y. 6$. 3 Macrob. Satur. II. Chap. 4.. 4 Deut. Chap. 16. v. 21. Reg, Liv, I.. Chap. 1,4. n a 3 . Homer. Iliad. lay. V. y. 5o6. Vilruye les Romains, Ă©toient en gĂ©nĂ©ral toutes les maisons consacrĂ©es parles pontifes. On peut consulter les Ă©tymologies de Yossius sur le mot fanum. Delubrum Ă©toit un endroit oĂč ils mettoient la statue d’un ou de plusieurs dieux .1 y ou bien une ! fontaine qui Ă©toit devant le temple, dans laquelle ils alloient se laver avant d’entrer dans le temple, cleluebant . Mais ce mot se prend pour toute sorte de maison sacrĂ©e 2. Le sacellurn, diminutif de sacrum , n’étoit autre chose qu’un lieu consacrĂ© et environnĂ© seulement d’un mur sans toit. On se servoit aussi de ce mot, pour exprimer toutes sortes de temples, lorsqu’ils Ă©toient petits 3 . Enfin ce qu’ils appeloienl lucus , Ă©toit des forĂȘts consacrĂ©es Ă  quelque dieu. On leur donnoit ce nom, Ă  eause d’un grand nombre de feux qu’on y allumoit en l’honneur des dieux qui y Ă©toient adorĂ©s 4. En expliquant les diffĂ©rentes maniĂšres d’espacer les colonnes des temples , Vilruve fait connoĂźtre les avantages et les inconvĂ©niens de chacune. Dans les deux premiĂšres, elles sont trop serrĂ©es. Si elles ne sont d’un trĂšs grand module , deux personnes de front ne sauroient passĂšr entre elles, et l’espace Ă©troit qu’elles laissent, vis-Ă -vis des portes, permet, Ă  peine, Ă  ceux qui sont dehors, de voir la statue du dieu. Les deux derniĂšres ont le dĂ©faut contraire l’espace entre les colonnes est si grand , que les entablemens sont dans le cas de rompre s’ils sont en pierre ; on est obligĂ© de les faire en bois avec de grosses poutres, et l’édifice paroĂźt bas et Ă©crasĂ©. L’eustyle , inventĂ© par HermogĂšne , lient un juste milieu entre les autres 5 il mĂ©rite la prĂ©fĂ©rence, ’ Ă  cause de ses belles proportions. Dans les premiers temps de l’architecture , oit suivoit en gĂ©nĂ©ral les deux premiĂšres maniĂšres on laissoit trĂšs-peu d’intervalle entre les colonnes. Les entre-colonnemens du temple de Jupiter Ă  Girgenti en Sicile , n’ont qn’un diamĂštre et demi , et ceux du grand temple de Pestum n’ont guĂšre plus d’un diamĂštre car le diamĂštre des colonnes est de sept palmes et cinq huitiĂšmes , et les entre-colonnemens ont huit palmes entiers ; cette variĂ©tĂ© d’ombres et de lumiĂšres, produite les unes parla multitude des colonnes, et les autres parles ouvertures des entre-colonnemens, avoit quelque chose de gracieux qui plaisoit aux anciens; c’est ce qu’on appelle l’ñpretĂ© des entre-colonnemens. Ceux qui se sont promenĂ©s entre les colonnes qui entourent la place de la Basilique du Vatican, peuvent s’en faire une idĂ©e. L’ñpretĂ© des entre- colonnemens , dit Vilruve , donne infiniment de majestĂ© Ă  l’édifice. Ut aspectus propter asperita- tem intercolumniorum , habet auctoritatem. Asperitcis est l’opposĂ© de levitas y ce dernier mot signifie proprement le poli d’un mur sur lequel est rĂ©pandue une lumiĂšre Ă©gale 5 l’autre exprime, au contraire ', l’inĂ©galitĂ© du jour rĂ©pandu sur une colonnade. Dans le cinquiĂšme chapitre du septiĂšme livre , Vilruve dit, en parlant de la peinture d’une scĂšne, j oĂč l’on avoit multipliĂ© les ornemens cĂ m aspectus ejus scĂŠnƓ propter atem eblanĂąi- retur omnium visƓ, etc. C’est pour louer l’effet produit par le rapprochement des colonnes que j T l ^i M COM; 1 serrtp re elfe dehors es cĂš, i est si prĂ©fet! t eu g* liamÚßre iauiĂštreJ es entiej lesaĂ©li i mie s’ CĂ»loHD les euii sur lĂšf in sw* Ăź ! 1 1 LIVRE I I I», C ii a p." u. Vitruve emploie la phrase, ĂąpretĂ© des entre-colonnemens. Celte façon de parler est assez significative pour reprĂ©senter l’inĂ©galitĂ© de superficie qu’un grand nombre de colonnes donne aux cĂŽtĂ©s- d’un temple, lorsqu’on le regarde par les angles. L’effet de cet aspect est de faire paroĂźtre les colonnes serrĂ©es l’une contre l’autre; cette maniĂšre plaisoit beaucoup aux anciens, parmi lesquels on trouve beaucoup moins de diasiyle et d’eustyle que de et de syslyle; la commoditĂ© seule leur fit rechercher des maniĂšres plus dĂ©gagĂ©es. Dans la dĂ©cadence de l’art, on a donnĂ© dans l’exagĂ©ration; on aimoit l’air, le jour et les dĂ©ga-~ gemens ; on a multipliĂ© les arĂ©ostyle ; on a mĂȘme ajoutĂ© Ă  cette maniĂšre jusqu’au point de s’approcher dĂ©jĂ  du gothique , avant que les barbares l’eussent fait .connoĂźtre. La sage multiplication des colonnes sera toujours le plus grand agrĂ©ment de l’architecture. Le cĂ©lĂšbre HermogĂšne trouva la juste proportion de l’intervalle qu’il falloit laisser entr’elles ; il le fixa Ă  deux diamĂštres et un quart, hormis pour les deux entre-colonnemens du milieu des deux frontispices, vis-Ă -vis des portes, qu’il fixa Ă  trois diamĂštres; cette maniĂšre n’a aucun dĂ©faut ; elle convient au lĂ©trasiyle, Ă  l’exastyle, Ă  I’octastyle. Il indique la maniĂšre de diviser la largeur de ces trois sortes de temples, de façon que chaque division est Ă©gale au diamĂštre de la colonne qui sert de module. Le compte est facile Ă  faire si le temple est tĂ©trastyle , c’est-Ă -dire s’il a 4 colonnes au frontispice , on le divise en onze parties et demie, et le module est une de ces onze parties. En voici le compte DiamĂštre ou module. Epaisseur^des quatre colonnes . . . . .4 » Deux entre-colonnemens, de deux diamĂštres et un quart chacun ....... 4 \ L’entre-colonnement du milieu . . 3 > - — il 1 Dans l’exastyle, le module ou le diamĂštre de la colonne est une des 18 parties; dans l’octasiyĂŻe, e’est une des 24 ~ , ce qu’on trouve en additionnant ensemble les diamĂštres et les entre-colonnemens y comme j’ai fait pour le tĂ©trastyle. En suivant la meme rĂšgle , on trouvera Ă©galement , que, dans un frontispice dĂ©castyle, le module est une des trente-une parties, et ainsi des autres, d’aprĂšs le plus grand nombre des colonnes qui s’y trouvent. Voyez la 5. figure de la XII.° planche qui reprĂ©sente les entre-colonnemens et les divisions rapportĂ©es dans le texte. "V ilruve, comme On voit , se sert ici pour module , du diamĂštre entier de la colonne ; dans le 5. me chapitre du IV. e livre , oĂč il traite de l’ordre dorique , il se sert pour module du ravon ou demi-diamĂštre de la colonne. Nous avons dĂ©jĂ  observĂ© dans nos remarques sur le a. chapitre du l. n livre, qu’aujourd’hui, pour Ă©viter toute confusion, on n’emploie plus d’autre module , que le demirdiamĂšlre ou rayon de la colonne. Quoique les entre-colonnemens du milieu des deux frontispices soient de trois diamĂštres, qui est la grandeur du diasiyle , celle exception n’île pas au reste de l’édifice la dĂ©nomination d’eustyle. n4 L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. La largeur de l’entre-colonnement du milieu contribue , de deux maniĂšres, Ă  rendre Paspect du temple plus agrĂ©able. D’abord l’entrĂ©e du milieu n’est pas serrĂ©e comme dans les autres , oĂč cet entre-colonnement est toujours ^beaucoup plus Ă©troit que l’ouverture de la porte. Ensuite la largeur du temple , augmentĂ©e par un entre-colonnement plus grand , ajoute Ă  la beautĂ© de ses proportions, Ce qu’on peut remarquer au frontispice du temple de la Rotonde a Rome , ou l’entre-colonnĂ©ment du milieu est plus grand que les autres. ^ ^ 1 ' u ~- Il me reste prĂ©sentement Ă  parler de la plus belle invĂšntion des architectes modernes , ou, pour mieux dire, de la'seule dĂ©couverte qui ait 1 ajoutĂ© quelque beautĂ© Ă  leur art et qu’ils ne doivent pas aux anciens. Je parle de l’accouplement dĂšs colonnes; idĂ©e heureuse qui n’étoit venue Ă  aucun d’eux. ' i -'" r r - r HermogĂšne dans l’eustyle Ă©largĂźt l’entre-colonnernent du milieu , qui rendoil l’entrĂ©e des temples trop Ă©troite, et dĂ©gageant le diptĂšre d’un rang de colonnes , en fil le pseudodiptĂšre. A son exemple le cĂ©lĂšbre Perrault trouva le moyen d’élargir tous les entre-colonnemens , sans rien ĂŽter Ă  l’édifice de sa soliditĂ©. Ce que le premier lit en ĂŽtant un rang de colonnes dans chaque aile, l’autre le fit dans chaque rang , en ĂŽtant une colonne du milieu des deux autres colonnes ou elle Ă©toit , pour la ranger contre une de ses voisines. Cette maniĂšre offre en quelque sorte l’ñprĂ«lĂ© et le serrement des colonnes que les anciens aimoient, et le dĂ©gagement que les modernes cher- client , sans que la soliditĂ© souffre car les architraves des anciens, faites d’une seule pierre , por- toient d’une colonne Ă  l’autre , et leurs extrĂ©mitĂ©s ne posoient cpie sur la moitiĂ© de la colonne ; eeux-ci sont bien mieux affermis, puisqu’ils posent spr toute la colonne ; et les poutres Ă©tant doublĂ©es , ainsi que les colonnes , elles ont beaucoup plus de force pour soutenir les planchers. C’est avec le plus grand succĂšs qu’il a exĂ©cutĂ©, de celte ntaniĂšre , les deux portiques qui sont Ă  la façade du Louvre. Les colonnes , qui ont plus de trois pieds et demi de diamĂštre, sont jointes deux Ă  deux ; leurs entre-colonnemens sont de onze pieds ; cette distance est Ă©gale Ă  celle qui se trouve entre les colonnes et leurs pilastres qui sont adosses au mur. On a Ă©tĂ© obligĂ© de les faire de cette grandeur , Ă  cause de la largeur des croisĂ©es , qui sont ornĂ©es de chambranles , de consoles et de frontons qui exigeoient cette distance entre les pilastres ; et ces grandes distances dans les portiques n’auroient pas Ă©tĂ© supportables , si les colonnes n’avoient Ă©tĂ© doublĂ©es. 1 i i La façade du Louvre est un des plus beaux morceaux d’architecture qui existe, et fera toujours infiniment d’honneur Ă  Perrault. Une chose'assez intĂ©ressante , c’est qu’on a dĂ©couvert, aprĂšs la mort de cet habile architecte , une galerie semblable Ă  celle du Louvre, dans les ruines de Palmyre, sauf que les colonnes n’y sont pas accouplĂ©es, i Vitruve , en parlant des temples arĂ©ostyles , dit qu’il faut ofner leur fronton de bas-relief, Ă  la maniĂšre des Toscans ; il cite , pour exemple , plusieurs Ă©difices ' tels sont , dit-il , prĂšs du grand cirque ', le temple de GĂ©rĂ©s et celui d’Hercule , bĂątis par PompĂ©e ; tel est aussi le Capitole. Üti est ad circum maximum Cereris et Herculis Pompejani , item Capitolii i Volney, Voyage d’Egyple. > ; / LIVRE III, € h a p. ' ii. na 'f'Oaliam tĂ©moigne sa 'surprise sur la maniĂšre dont tous ;les traducteurs'ret= interprĂštes ont rendu ce passage , puisqu’ils appliquent l’épithĂšte de Pompejani Ă  Capitolii , et comprennent par-lĂ  que 1 l’ancienne ville de Po’mpeya prĂšs de Naples., Ă  l’exemple de la ville de Rome, avoit aussi son Capitole. Le mot item qui se trouve entre Pompejani et Capitolii suffit .dĂ©jĂ  pour sĂ©parer ces deux objets. Nous savons de plus que, prĂšs du grand Cirque;y il existoit un temple. d ? Hercule bĂąti par PompĂ©e, preuve qu’il faut appliquer le. mot Pompejani Ă  Jlerculis , et non; Ă  Capitolii. Pline dit que le sculpteur Myron fit la statue d’Hcrcule , pour le temple que PompĂ©e lui fit construire prĂšs du grand cirque. Fecit .... Herculem etiam qui est apud circum maximum in Ɠde Pompei magni. Pline parle aussi du temple de CĂ©rĂšs , situĂ© Ă©galement prĂšs du grand cirque, et citĂ© ici par Vitruve de DamophiĂźus et Gorgafus , tous deux peintres cĂ©lĂšbres etsculpteurs Ăš ! n craie qui ont travaillĂ© Ă  ce temple. Cereris Ɠdem RomƓ^ ad^ circum maxinium 'utroqpe genereartjs suƓ . exçoluerunt i . Il confirme, donc ce qu’avance Vitruve , gue ]e 0 fronton de. ce, tçuiple Ă©pil.,oroĂ© de b as-relief sculptĂ© en craie 2. ,, .. 1 ; r , ‱ ?. . ' . ‱ ‱ ! 1 ' . '' -p ; ^Les interprĂštes ne sont pas non plus biery d’accord sur le passage de ce chapitre , oĂč il dit qu’HermogĂšne ĂŽta du diptĂšre les ^trente-huit colonnes ,qui formoient les rangs intĂ©rieurs. Dans quelques manuscrits , au lieu de 54 colonnes, on lit 38. Il est assez clair cependant qu’on doit lire 34, parce que c’est ce nombre, ; et pas davantage , qui forme le rang intĂ©rieur du diptĂšre. Il est aisĂ© de voir l’origine de cette erreur. Le nombre des colonnes Ă©tant marquĂ© de celte maniĂšre , en chiffres romains, XXXVIII, le premier 1 aprĂšs le X Ă©tant inclinĂ© V , le copiste l’aura pris pour un V; Cette diffĂ©rence dans le nombre des colonnes peut aussi venir, de ce que vis-Ă -vis des antes qui terminent les murs latĂ©raux des Celia , an y auroit placĂ© 4 colonnes , ce qui se faisoit quelquefois, comme on le >verra dans le 7.* chapitre du IV. e livre , et dans la fig. 1 et 2 de la VI. e planche marquĂ©e G S. Vitruve peut l’avoir compris comme cela ; alors ce seroit 38 colonnes qu’il faudroit lire. ' ‱ i Revenons prĂ©sentement aux diffĂ©rentes maniĂšres d’espacer les colonnes ; notre auteur qui , aprĂšs en avoir tirĂ© diverses Ă©onsĂ©quences , Ă©tablit en principe , qu’il faut donner aux colonnes de l’arĂ©o- style , 8 diamĂštres de hauteur ; au diastyle J 8 et demi ; au systyle , g et demi ; au pycnostyle 10 ; et Ă  l’eustyle , 8 et demi, comme au diastyle. - le pĂšre Laugier qui voudroit ramener l’arphitecture Ă  la puretĂ© de ses premiers principes , tous tirĂ©s de la nature , telle qu’elle Ă©toit dans les siĂšcles de PĂ©riclĂšs et dans celui d’Alexandre , * condamne les piĂ©destaux 1 c’est un grand dĂ©faut, dit - il , de » guinder les colonnes sur des piĂ©destaux , au lieu de les faire porter immĂ©diatement sur le pavĂ©. » Les colonnes, continue-t-il, Ă©tant, si je puis parler ainsi, les jambes de l’édifice, il est absurde » de leur donner Ă  elles-mĂȘmes d’autres jambes. Les piĂ©destaux dont je parle , n’ont Ă©tĂ© imaginĂ©s » que par misĂšre. Quand on a eu des colonnes trop courtes , on a pris le parti de les monter » sur des çchasses , pour supplĂ©er Ă  leur dĂ©faut d’élĂ©vation. En un mot, les piĂ©destaux ne sont » bons que pour porter une statue , et c’est manquer essentiellement de goĂ»t que de les destiner » Ă  un autre usage ». AprĂšs avoir parlĂ© des piĂ©destaux, Vitruve parle, comme il est dans l’ordre , des bases des colonnes, et fait la description des deux espĂšces employĂ©es dans l’ordre ionique ; la premiĂšre est la base attique ou atticurge, ainsi nommĂ©e parce qu’elle fut inventĂ©e Ă  AthĂšnes c’est pour la mĂȘme raison sans doute , que dans le sixiĂšme chapitre du quatriĂšme livre , il appelle porte attique , celle qui est propre Ă  l’ordre corinthien. L’autre est la base ionique , qui appartient proprement Ă  cet ordre dont elle porte le nom ; nĂ©anmoins, dans les Ă©difices anciens comme dans les modernes, on n’emploie guĂšre dans cet ordre que la base attique. Celle-ci rĂ©unit de si belles proportions , qu’il n’est pas Ă©tonnant qu’elle ait fait entiĂšrement oublier l’autre. Galiani observe que les proportions de cette base sont toutes harmoniques d’apres les principes qu’il a indiquĂ©s , comme nous , dans les remarques sur le i. r Chap. du I. er Liv. Il promet de dĂ©montrer la chose dans un autre ouvrage , si toutefois il n’est pas prĂ©venu par un autre. Comme j ignore s’il a tenu parole , je vais essayer de faire voir comment la base attique est faite d aprĂšs les principes harmoniques , pour donner quelque idĂ©e au lecteur des rapports qui se trouvent entre l’architecture et la musique. ? Essai* sur l’architecture , Chap. 1. art. ?. Une * / LIVRE III, € K a p. ni. I2 lies interrompues par deux lĂ©gers astragales , est horriblement dĂ©fectueux. En bonnes rĂšglesle » plus pesant doit toujours ĂȘtre au-dessous et le plus lĂ©ger au-dessus. » Ici cet ordre naturel est renversĂ© , et copsĂ©quemment la soliditĂ© en souffre. Cette base bien n loin d’avoir sa diminution par le haut, est au contraire diminuĂ©e par le bas. Plus Ă©troite auprĂšs » de sa plinthe , elle s’élargit monstrueusement du cĂŽtĂ© oĂč elle se joint au fĂ»t de la colonne. » 1 C’est Ă  cause de ces dĂ©fauts qu’on lui substitue presque toujours la base attique. La maniĂšre de prescrire les grandeurs des membres d’architecture , en les dĂ©terminant par le double , le triple , etc., comme fait Vitruve , est, Ă  mon avis , bien plus facile et plus certaine que celle dont nous avons coutume de nous servir aujourd’hui. Nous partageons le module en plusieurs petites parties que nous nommons minutes ; on en prend ce qu’il faut pour chaque membre ; cela est incommode , parce que souvent il faut subdiviser ces minutes en beaucoup cfautres particules. 1 Essai sur l'architecture, Chap. a. art. 3 . I Ni la 'SOli .1 , ’/l 1 %\ Md sailĂŻ 16 1 1 ne H Pmetid,! 1 1 Cette dl q ĂȘQS IjĂŒ la tas; il netit;-1 la tj i - de ]>[. ipas dti i teat ! Ăźoindre lit, il ai uec le a qae ci ie ouvei vUes d rĂšgles ,i base fc ‱olte af anne. fl liant p iertaic f Ăź en pb* libre j ^ partit LIVRE III, C h a p. ni. * i3i » On se perd aisĂ©ment dans toutes ces fractions, et la mĂ©moire a bien de la peine Ă  retenir toutes ces petites parties divisĂ©es en tant de nombres diffĂ©rens. L’autre maniĂšre est bien prĂ©fĂ©rable ; l’esprit et l’Ɠil s’accoutument aisĂ©ment Ă  donner Ă  tous les membres des proportions qui correspondent entre elles ; l’une est le double , l’autre le triple , l’autre la moitiĂ© etc. On les donne plus prĂ©cises et plus exactes ; on est moins dans Je cas de les oublier , et consĂ©quemment d’altĂ©rer l’harmonie des proportions qui fait tout le charme de l’architecture. Avec la maniĂšre actuelle , l’Ɠil saisit difficilement ces rapports rĂ©ciproques de grandeur j on ne comprend pas qu’on ait assignĂ© Ă  un membre autant de parties de module , afin que sa grandeur corresponde avec celle d’un autre membre $ les uns par oubli , les autres par ignorance , s’écartent des justes mesures , et Ă  la honte des architectes modernes , la belle harmonie des proportions n’existe pas dans leurs ouvrages. La position , ou plutĂŽt la taille des colonnes d’un temple , n’étoit pas la meme pour tout l’édifie» suivant Yiiruve. Dans le deuxiĂšme chapitre de ce livre , il nous enseigne comme on doit attĂ©nueras colonnes depuis le tiers de leur hauteur jusqu’en haut. Les seules colonnes du milieu des deux frontispices doivent ĂȘtre posĂ©es Ă  plomb sur leur centre , et leur rĂ©trĂ©cissement doit ĂȘtre Ă©gal de tous cĂŽtĂ©s ; quant aux colonnes latĂ©rales , cette diminution doit ĂȘtre toute Ă  l’extĂ©rieur , et la partie qui regarde l’intĂ©rieur, ĂȘtre absolument d’aplomb. Il nous reste Ă  savoir s’il entend que le rĂ©trĂ©cissement de cette partie extĂ©rieure soit seulement Ă©gale Ă  celui que prĂ©sente l’un des cĂŽtĂ©s des autres colonnes , ou si elle doit avoir toute la diminution prescrite dans le 2. me chapitre de ce livre , laquelle seroit le double. L’expression de Yiiruve n’est pas bien claire Ă  cet Ă©gard ; mais puisqu’il conclut que ce rĂ©trĂ©cissement produit un effet qui rend l’aspect de tout l’édifice trĂšs-agrĂ©able , on doit supposer qu’il doit ĂȘtre assez sensible , et parlant ĂȘtre aussi fort lui seul que le seroient rĂ©unis ensemble , les deux qui sont aux cĂŽtĂ©s des autres colonnes. Je le crois d’autant plus que cela lui donne une forme plus pyramidale, forme que les Egyptiens, les maĂźtres de toute l’antiquitĂ© pour l’architecture , ramenoient sans cesse dans toutes les parties de l’édifice , comme Ă©tant la base de toute soliditĂ©. Si les Grecs se sont par la suite Ă©cartĂ©s de cette forme, c’est lorsqu’ils ont cessĂ© de suivre les principes de leurs maĂźtres ; mais dans les Ă©difices des premiers temps de leur architecture , on reconnoĂźt par tout celte forme. Le chapiteau ionique est la partie de tout l’ordre oĂč il rĂšgne le plus d’invention et qui en marque le plus vivement le caractĂšre. Un astragale , un ove, une Ă©corce qui se replie en volute par les deux extrĂ©mitĂ©s , et qui est surmontĂ©e d’un talon et d’un tailloir carrĂ© , en font toutes les richesses. La grande beaulĂ© de ce chapiteau vient des deux volutes qui se contournent d’une maniĂšre infiniment gracieuse. L’ordre ionique, comme nous l’apprend Yiiruve, dans le i. er chapitre du livre suivant, fut employĂ© pour la premiĂšre fois au temple de Diane Ă  EphĂšse , bĂąti par ClĂ©- siphon vers le temps des premiĂšres olympiades ; son chapiteau n’avoit alors que deux de ses faces parallĂšles ornĂ©es de volutes. Les deux autres faces ressembloient Ă  une espĂšce de coussin ou d’oreiller en usage chez les anciens pulvinatus , ou Ă  deux montants de balustre , rĂ©unis par une pomme intermĂ©diaire qu’on nomme ceinlure ou baudrier. Cette diversitĂ© de faces n’avoit aucun inconvĂ©nient, tandis que les faces Ă  volutes se reprĂ©senloient de front mais au premier angle saillant, au premier retour du portique , le chapiteau de la colonne angulaire ne pouvoit manquer de prĂ©senter de front , sa face Ă  balustre , d’oĂč il rĂ©sultoil deux inconvĂ©nients inĂ©vitables. Il falloit ou que les 17. V i32 L’ARCHITECTURE DE V I T R U Y E. chapiteaux de toute une rangĂ©e de colonnes prĂ©sentassent de front leurs faces Ă  baĂźustres , comme j on les voyoit au portail d’un temple prĂšs de l’église de S. 1 Nicolas in carccre Ă  Rome, dont RaphaĂ«l j a donnĂ© le dessin , ce qui faisoit un trĂšs-mauvais elfet ; ou que les chapiteaux des deux colonnes angrdaires prĂ©sentassent une face diffĂ©rente de tous les autres chapiteaux , ce qui se praliquoit ph s ordinairement, quoique cela ne pĂ»t manquer de grimacer d’une maniĂšre Ă©trange. Les Grecs se sont servis long-temps de ce chapiteau, sans trouver le moyen d’obvier Ă  ses inconvĂ©niens. Dans la derniĂšre Ă©poque de l’antiquitĂ© , on inventa d’en faire les quatre faces pareilles et toutes a volutes ; comme on peut le voir , entr’autres , au temple de la Concorde Ă  Rome 1 , bĂąti sous le consulat de Furius Camille, aprĂšs le rĂ©tablissement de la paix entre le peuple et le sĂ©nat ; ce temple fut consumĂ© par un incendie , et rĂ©tabli par le sĂ©nat et le peuple Romain, comme le porte l’inscription qui existe encore dans la frise. Vitruve connoissoit certainement ce chapiteau , quoiqu’il n’en donne aucun dĂ©tail , puisque les colonnes du temple de la Concorde existoient, de son temps , telles que nous les voyons aujourd’hui, et l’expression dont il se sert, Si pulvinata erunt, prouve qu’il connoissoit d’autres chapiteaux ioniques que ceux en forme d’oreiller. C’est donc une erreur de croire , comme quelques auteurs modernes l’ont cru, que Michel-Ange ou Scamozzi aient inventĂ© le nouveau chapiteau ionique. Ce chapiteau ainsi perfectionnĂ© n’offre plus d’inconvĂ©nient , c’est pourquoi on le prĂ©fĂšre Ă  l’ancien , que les architectes modernes emploient trĂšs-rarement. Revenons prĂ©sentement Ă  l’ancien chapiteau ionique , puisque c’est celui dont parle Vitruve. Il est incroyable combien les amateurs d’architecture se sont donnĂ©s de peines pour parvenir Ă  dĂ©couvrir la maniĂšre de tracer la volute reprĂ©sentĂ©e dans la figure que Vitruve annonce Ă  la fin de ce livre , et qui se trouve perdue avec toutes les autres. Les interprĂštes ont cherchĂ© par tous les moyens possibles de la remplacer quelques-uns mĂȘme , comme Goldman et Talviati , ont Ă©crit des traitĂ©s entiers sur ce sujet, et tous, suivant moi , se sont Ă©cartĂ©s du vrai sens de Vitruve. Toutes leurs inventions pour tracer la volute sont trĂšs-belles, et on ne peut pas plus ingĂ©nieuses ; mais elles ne ressemblent pas Ă  celle qu’enseigne l’auteur latin. La preuve Ă©vidente de ce que j’avance , ce sont toutes les corrections qu’ils sont obligĂ©s de faire au texte pour le forcer de dire comme eux ; iis le croyent falsifiĂ© , parce qu’ils ne le comprennent pas, et veulent nĂ©anmoins le forcer de dire la mĂȘme chose qu’eux. Perrault qui a tant de droit Ă  notre reconnoissance , Ă  cause de ses soins pour interprĂ©ter Vitruve , est de ce nombre il prĂ©tend qu’au lieu de duocĂźevigesima , il faut lire duodecimci y qu’au lieu d ’unins et dimidiata , il faut lire unius dimidiatƓ y qu’au lieu à’actionibus , il faut lire anconibus etc. J’ai dĂ©jĂ  parlĂ© dans mes noies de ces corrections , et j’en parlerai encore dans la suite de ces remarques. Toute leur erreur vient de ce qu’ils ont tracĂ© des volutes diaprĂ©s les monumens antiques , ou d’aprĂšs les rĂšgles de la geometrie , et d’avoir voulu y appliquer les paroles de Vitruve. Nous avons suivi la rĂšgle Ă©tablie par Galiani qui est entiĂšrement liree du texte , oĂč il n’a pas changĂ© une virgule , comme il le dit lui- meme. Comme lui , nous avons placĂ© des lettres, dans la traduction, qui correspondent avec celles de la figure , et indiquent la façon de tracer la volute. Ceux qui voudront se donner la peine de comparer celte mĂ©thode avec les autres , pourront voir qui a mieux saisi le sens de l’auteur. J ai dĂ©jĂ  place au bas de la traduction quelques notes nĂ©cessaires pour bien la comprendre j js 1 Voyez le plan de ce temple , planche fig. 2. ' 1 1 "B k ; Htct;; elles ^ lu’iltotĂŻ croire our puf nce iiĂź lĂ© parfej ont jitruve, 1 aieuses; igĂ©s h . compKĂź it deĂš e il la, ĂŒ 1 [ans mes te le r es rĂ©gi; de Ă©u$ t avec peine k iieor.^ IIDpI^ LIVRE III, C h a p. in. ĂŻ33 vais traduire ici ce que Galiani ajoute sur la construction de la volute et sur le reste du chapiteau ionique , d’autant que j’ai adoptĂ© sa mĂ©thode.. Le vrai sens du texte, dit Galiani, est qu’en traçant chaque quart de cercle , in singulis tetran- torum actionibus , il faut diminuer chaque fois leur rayon , cl’un demi-diamĂštre de l’oeil de la volute, climidiatum oculi spatium minuatur.' Il est clair, d’aprĂšs sa mĂ©thode, reprĂ©sentĂ©e dans la 4. e fig. de la XII. ° planche, que prenant pour centre le point 7 , pour tracer le quart du cercle fig. 1. Le point 1 s’approche du centre de l’Ɠil h d’un demi-diamĂštre de l’Ɠil. On trace le second quart 12 avec le centre 8 et avec le rayon 8,1, d’oĂč il suit que le point 2 s’approche du centre h d’une quantitĂ© Ă©gale Ă  une des huit parties qui divisent la hauteur de la volute , en traçant les deux quarts de cercle 2 , 5. 3 , 4. on approche le point 4 d’une autre partie. On approche encore le point 6 , d’une autre partie en traçant les deux quarts 4,5. 5,3. Alors il ne reste plus , en plaçant le centre au point 9 , qu’à tracer le demi-cercle 6,7 , qui termine la spirale de la volute directement sous le point de l’abaque , oĂč on a commencĂ© Ă  tracer le premier quart de cercle , donicum in eumdem tetrantem qui est sub abaco veniat. f Cette opĂ©ration facile est si conforme aux paroles du texte , qu’elle n’a pas besoin de justification , si je ne me trompe ; plus on l’examinera , plus elle paroĂźtra vraie , sur-tout si on la confronte avec les mĂ©thodes donnĂ©es par les autres interprĂštes. Par exemple Perrault pour expliquer ce passage Ă  sa maniĂšre , veut qu’au lieu de lire actionibus , on lise anconibus il veut encore davantage comme ancon signifie une Ă©querre , ou bien un angle droit , il prĂ©tend que ancon signifie ici la pointe de l’angle droit. Combien voilĂ  de licences , pour pouvoir soutenir une idĂ©e mal conçue d’abord ! a r Nous avons vu que c’étoit sur la largeur de l’abaque qu’on rĂ©gloit toutes les proportions du chapiteau ; c’est pourquoi Yitruve commence par dĂ©terminer sa mesure 5 comme il faut que sa saillie soit proportionnĂ©e Ă  la grosseur de la colonne , et que plus celle-ci sera Ă©levĂ©e , plus elle paroĂźtra mince par le haut , chose Ă  laquelle on remĂ©die en retranchant de l’attĂ©nuation du haut des colonnes , Ă  mesure qu’elles sont plus Ă©levĂ©es , comme nous l’avons vu dans le chapitre prĂ©cĂ©dent ; il faut par-consĂ©quent augmenter aussi alors la largeur de l’abaque ; tellement qu’ayant donnĂ© Ă  l’abaque des colonnes qui ont moins de quinze pieds , la grandeur d’un diamĂštre et une dix-huitiĂšme partie , il donne Ă  celui des colonnes qui sont plus hautes , un diamĂštre et une neuviĂšme partie , partant une dix-huitiĂšme partie de plus qu’aux autres. Par-consĂ©quent toutes les proportions des diffĂ©rens membres du chapiteau sont augmentĂ©es et deviennent plus fortes Ă  proportion de leur Ă©lĂ©vation. Il dit ensuite comme on doit poser les chapiteaux au-dessus des colonnes. Les expressions dont il se sert Ă  cet Ă©gard , ont d’autant plus embarrassĂ© les interprĂštes , qu’il emploie Ă  peu prĂšs les mĂȘmes dans le chapitre prĂ©cĂ©dent, en parlant des stylobates , qu’il 11e faut pas placer Ă  la file , non ad libellant. Il rĂ©pĂšte ici qu’il faut que les chapiteaux rĂ©pondent Ă  ces stylobates ; ce qui a fait croire Ă  ceux qui, comme nous, ont pensĂ© que'Yitruve entendoit par-lĂ  qu’il falloit faire un piĂ©destal Ă  chaque colonne , qu’on clevoit aussi avancer les entablemcns sur les colonnes, et les retirer dans les entre-colonnemens comme on le voit aux arcs de triomphes de Septime SĂ©vĂšre et i34 I/ARCHÏTECTURE DE V I T R U V E. de Constantin Ă  Rome , et Ă  celui de Trajan Ă  AncĂŽne. Ils n’ont pas fait attention que Yitruve ne parle ici des entablemens que par hasard; qu’il s’agit principalement des chapiteaux. Je crois, quant Ă  moi, qu’il a entendu que la face des chapiteaux d e du profil fig 3. me planche XII ne soit pas placĂ©e directement avec la partie la plus extĂ©rieure de la tige de la colonne ; mais qu’elle fasse deux saillies Ă©gales des deux cĂŽtĂ©s de la colonne , et que les volutes rĂ©pondent aux angles des stylobates. Je crois d’autant plus que c’est le sens de Yitruve , qu’il a parlĂ© de l’astragale comme faisant partie de la colonne et non du chapiteau ; si l’astragale avoit tenu au chapiteau , son diamĂštre Ă©tant Ă -peu-prĂšs le mĂȘme que celui du haut de la colonne , le chapiteau se plaçoit naturellement comme il devoit ĂȘtre ; mais puisque c’est l’ove qui doit poser immĂ©diatement dessus et qu’elle doit faire une saillie assez forte en avant de la tige , il Ă©toit nĂ©cessaire d’indiquer que celle saillie devoit ĂȘtre Ă©gale de chaque cĂŽtĂ© , et c’est ce que Yitruve a voulu dire par ces mots , in equedem modulant ; et par le mot capitulum, je crois qu’il entend la face du chapiteau, parce qu’il indique que la saillie de l’ove sur la face doit ĂȘtre Ă©gale Ă  l’Ɠil de la volute. AprĂšs avoir parlĂ© des chapiteaux, Yitruve nous donne les proportions des Ă©pystiles ou entablemens. Nous avons vu que les architectes Grecs et Romains , persuadĂ©s que la beautĂ© des Ă©difices dĂ©pen- „doit sur-tout de la belle harmonie des proportions, mettoient la plus grande importance Ă  les observer exactement ; non-coniens de cela , ils ont cherchĂ© Ă  obvier Ă  la diminution apparente qui rĂ©sulte de l’éloignement des objets ; c’est pourquoi ils ont retranchĂ© quelque chose de l’attĂ©nuation des colonnes lorsqu’elles Ă©loient trĂšs-Ă©levĂ©es , et ont aussi augmentĂ© alors la grosseur du chapiteau , pour que ces objets paroissent Ă  la vue avoir la mĂȘme grosseur qu’ils auroient s’ils n’éloient pas si Ă©levĂ©s. Pour la mĂȘme raison , Ă  mesure que les colonnes sont plus hautes , iis augmentent la hauteur de l’architrave et des autres parties de l’entablement, puisque c’est sur elle qu’ils les rĂ©gloient toutes , comme nous l’avons vu. Deux causes contribuent Ă  ce qu’un objet Ă©loignĂ© paroisse plus petit Ă  la vue qu’il n’est en effet; l’une est le rĂ©trĂ©cissement de l’angle visuel ; l’autre est la masse intermĂ©diaire de l’air , dont le volume augmente Ă  mesure de la distance ; sa densitĂ© dĂ©robe alors Ă  l’oeil les contours et l’extrĂ©mitĂ© des objets , et les fait par-consĂ©quent paroĂźtre plus petits. Suivant sa coutume , Perrault reprend encore ici Yitruve , et prĂ©tend que la diminution des objets dĂ©pend uniquement de l’angle visuel. Les personnes instruites connoĂźtront aisĂ©ment qui raisonne le mieux , Perrault ou Yitruve ? L’entablament se compose de trois parties principales ; celle qui pose immĂ©diatement Sur les chapiteaux des colonnes, se nomme en latin Ă©pistyle , composĂ© des mots grecs c’est-Ă -dire sur les colonnes. C’est ce qu’on nomme maintenant l’architrave , mot moitiĂ© grec, moitiĂ© latin. Archi dans la composition des mots grecs signifie ce qui est le premier, le principal. Trabs signifie en latin une poutre , ce qui convient fort bien Ă  la piĂšce de bois que reprĂ©sente aujourd’hui l’architrave , N et qui se met sur les colonnes , cette piĂšce Ă©tant la premiĂšre et la principale , et celle qui soutient toutes les autres. Yitruve nous dit que la largeur du bas de l’architrave doit ĂȘtre Ă©gale au diamĂštre du haut de la colonne , et que sa largeur par en haut doit ĂȘtre, Ă©gale au diamĂštre du bas de la colonne. Je ne LIVRE III, C h a p. ni. i35 i anol^l' ^ 4 iSĂŒs eti > celte I ? n qu’la ilĂšs om li&ces j$ uce Ă  le appa ,t en $i ĂŒevok irĂ©miiĂ©i tend fin visuel 1 puis comprendre quelle sera la saillie des diverses bandes de l’architrave^ lorsque les colonnes auront plus de 5o pieds d’élĂ©vation ; puisque d’aprĂšs ce que Yilruve a dit tout Ă  l’heure , leur grosseur en haut Ă©tant peu diffĂ©rente alors de celle qu’elles ont en bas , la partie supĂ©rieure de l’architrave sera aussi prĂšsqu’égaĂźe Ă  l’infĂ©rieure , la premiĂšre ne surpassant l’autre que d’une quantitĂ© Ă©gale Ă  celle de l’attĂ©nuation de la colonne. Par les mots summum epistylium on doit entendre la partie supĂ©rieure de l’architrave, non compris la cymaise, qui doit, avoir la saillie qu’il indique immĂ©diatement dans la phrase suivante. L’élargissement du haut de l’architrave doit ĂȘtre bien plus considĂ©rable que ne le dit ici Yilruve, Ă©tant d’abord produit par la saillie des parties supĂ©rieures sur les infĂ©rieures, et ensuite par l’inclinaison que doit avoir toute la face de l’entablement , comme nous l’avons vu vers la fin du chapitre , et de quoi nous parlerons tout-Ă -l’heure. Le fronton est la derniĂšre piĂšce de l’édifice ; il reprĂ©sente le pignon du toit. Les anciens ne l’ont jamais employĂ© que sur la largeur du bĂątiment, conformĂ©ment Ă  l’objet qu’il reprĂ©sente, puisque tous leurs temples Ă©toient terminĂ©s par deux frontons, l’un Ă  l’entrĂ©e, l’autre Ă  la sortie. Ils se seroient bien gardĂ©s , comme on a fait de nos jours , d’en construire sur la longueur du bĂątiment, parce que le pignon du toit est toujours pris sur la largeur et jamais sur la longueur du bĂątiment. Yilruve nous donne les proportions et la maniĂšre de construire le tympan , ou dedans du fronton , c’est-Ă - dire cette partie triangulaire qui se trouve enfermĂ©e par les deux corniches qui s’élĂšvent des deux cotĂ©s , et forment une pointe Ă  leur rĂ©union , et un triangle avec la corniche de l’entablement. Le tympan dans sa plus grande hauteur , c’est-Ă -dire depuis la corniche de l’entablement jusqu’à la pointe , sans y comprendre la corniche qui est au-dessus , doit avoir la neuviĂšme partie de toute la longueur du larmier du frontispice , pris d’une extrĂ©mitĂ© de sa cymaise Ă  l’autre, comme il est reprĂ©sentĂ© dans la 3. e fig. de la YIII. È planche. Scamozzi a trĂšs-mal interprĂ©tĂ© ce passage; il trouve le fronton dont parle Yitruve , abaissĂ© de trop de la moitiĂ© ; de sorte qu’au lieu d’une des neuf parties il voudroit en mettre deux. Cela vient de ce qu’il entend que Yitruve parle de la hauteur de tout le fronton y compris la corniche 3 tandis tqu’il ne parle que de celle du tympan sans la corniche ; si l’on ajoute l’épaisseur de celle-ci, toute la hauteur du fronton, depuis sa pointe , aura effectivement alors deux des neuf parties de la longueur du larmier. SurM st-Ă -^ latin- i’ lifie 1 farci 1 qui Vitruve est trĂšs-consĂ©quent dans ses principes; il Ă©toit nĂ©cessaire qu’il donnĂąt la hauteur du tympan que rien n’indiquoit, c’est ce qu’il a fait. Quant Ă  la corniche , il Ă©toit trĂšs-inutile qu’il indiquĂąt sa hauteur , puisque cette corniche est semblable Ă  celle de l’entablement dont il a dĂ©jĂ  fait connoĂźtre les proportions, sauf qu’elle doit avoir une cymaise ou gorge de plus , dont il donne aussi la proportion. C’est donc bien Ă  tort que Scamozzi veut corriger ici Yitruve en disant qu’il faut lire deux neuviĂšmes au lieu d’un, pour que cette hauteur soit Ă©gale Ă  celle du tympan y compris sa corniche. Je sms persuadĂ© que cette cymaise ou gorge, dont Yitruve nous donne les proportions, est celle qui termine le fronton , sur les deux petits cotĂ©s du triangle que forme le frontispice ; il dit que les Grecs les appeloient ĂȘpitĂ©thedes , c’est-Ă -dire mises au-dessus et au plus haut. Comme il ne dorme i3G . L ’ A U € H I T E C T U R E ÛE'YI T R U V E. pas les proportions des cymaises ou gorges posĂ©es horizontalement sur les Ă©nlablemens , telles que celles des cĂŽtĂ©s de l’édifice qui se joignent Ă  celle-ci dans les angles , on pourroit croire qu’il veut qu’on leur donne la mĂȘme hauteur qu’à celle-ci ; mais je crois plutĂŽt que la hauteur des cymaises latĂ©rales se trouve naturellement rĂ©glĂ©e par celles du frontispice qu’il vient d’établir. Dans ce cas, il est clair, comme le montre la 5 . e fig. de la XIII. 6 planche, que la cymaise a du frontispice sera toujours plus haute que la cymaise latĂ©rale h 3 parce que la premiĂšre est dĂ©terminĂ©e par l’hypo- thĂ©nuse , et l’autre par le cĂŽtĂ© du triangle qui est toujours plus petit, Ă  moins qu’on ne veuille unir les cymaises inclinĂ©es avec les horizontales de la maniĂšre marquĂ©e c , qui fait qu’elles peuvent avoir, dans ce cas , la mĂȘme hauteur l’une et l’autre ; mais je crois cpi’on n’en trouve aucun exemple dans les monumens antiques qui nous restent. Les acrotĂšres sont de petits piĂ©destaux placĂ©s sur la corniche aux extrĂ©mitĂ©s et au milieu du fronton, ou au-dessus d’autres parties Ă©levĂ©es d’un Ă©difice , comme l’indique leur nom tirĂ© du grec l; Ils servent de base aux statues ; on les a indiquĂ©s par les lettres a a b , dans la fig. 5 de la planche yill, ; voyez aussi les planches V. , VI. , VII. On diroit par les mots tympanum medium , que iVitruve entend qu’il faut donner aux acrotĂšres des angles , une hauteur Ă©gale Ă  celle de la plus grande hauteur du tympan qui est celle du milieu 5 mais comme cette hauteur seroit disproportionnĂ©e pour les acrotĂšres , il faut entendre le mot medium comme indiquant le milieu entre le summum et Vimum 3 par-consequent la moitiĂ© de la hauteur du tympan. Vitruve veut que toutes les parties qui sont au-dessus des chapiteaux des colonnes , c’est-Ă -dire l’entablement et le fronton , soient inclinĂ©s en avant , la douziĂšme partie de leur hauteur parce que des deux lignes qui partent de l’oeil lorsqu’on regarde un Ă©difice , celle qui s’étend vers le haut sera beaucoup plus longue que celle qui louchera le bas , et fera que les objets Ă©levĂ©s paroi- iront renversĂ©s en arriĂ©re. Perrault veut encore donner ici une leçon Ă  Vitruve , mais trĂšs-mal Ă  propos , suivant sa coutume, La vĂ©ritable raison de ce raccourcissement des choses Ă©levĂ©es a Ă©tĂ©, dit-il, expliquĂ©e ci-devant quand > on a parlĂ© de la diffĂ©rente diminution du haut des colonnes suivant leur diffĂ©rente hauteur, qui est le rĂ©trĂ©cissement de l’angle. Celle que Vitruve rapporte ici , qui est la longueur des lignes, n’est point vraie par ce que , quelques soient les lignes visuelles , tant qu’elles feront un mĂȘme » angle ,t elles reprĂ©senteront toujours Ă  l’oeil une mĂȘme grandeur ; > ce qui est vrai et Vitruve savoir comme lui , que la longueur plus ou moins grande des lignes visuelles cpii forment un angle, n’apporte aucun changement dans l’inclinaison de l’angle aussi ce n’est pas cela qu’il a voulu dite ici ; il entend que quand on regarde un Ă©difice , sur-tout si c’est d’un peu prĂšs, les objets qui sont Ă©levĂ©s paroissent renversĂ©s en arriĂšre 2 ; et c’est pour obvier en quelque façon Ă  ce mauvais effet, qu’il veut que tous les membres Ă©levĂ©s soient un peu inclinĂ©s en avant , c’est-Ă -dire la douziĂšme 1 d'xpCĂčTiĂźptOV signifie le faĂźte , le sommet, en ge'ne'ral les extrĂ©mitĂ©s d’nn objet. 2} "Voici comme s’exprime "Vitruve, Cum steterimus contra frontps , quand on est vis-Ă -vis d’un e'difice ; ab oculo lineƓ duƓ si fuerint eUmaieiigeritimam operis parlent, altĂ©ra summam, quƓsunmam teiigerit longior fict ; des deux lignes qui partent de l’Ɠil, celle qui s ’éteud vers le haut sera beaucoup plus longue que celle qui touchera le bas; ce qui est trĂšs- vrai. Mais on voit qu’il ne dit pas ici un seul mot des angles continue en ces termes ita quo longior visas lineƓ in superioremperlent ftf cedit ces parties supĂ©rieures e'tant plus Ă©loigne'es de l’Ɠil , resupimlt* j fucit speciem , fait que ces membres paroissent renversĂ©s en arriĂšre. ji partie veut,! i eseimi! ĂŒeu ii du greeJ 5 de kj i meik celle lil ‱eroit Ăšjr milieu ‱ mes, t'jj ir liaul l s’-Ă©lenili Ăźls Ă©tel LIVRE III, G. h AP. in. r i 3 7 partie de leur hauteur, la ligne visuelle Ă©tant, par ce moyen , un peu raccourcie, et la partie supĂ©rieure du frontispice avancĂ©e , ils paroissent moins renversĂ©s en arriĂšre , comme la 5. e fig. de la X. e planche le fait voir. Le dĂ©faut auquel Yilruve veut ici remĂ©dier , n’est donc pas, comme Perrault l’a cru abusivement, que les membres les plus Ă©levĂ©s paroissent plus petits en comparaison des autres , Ă  cause de i’éloi- gnement ; chose dont il a dĂ©jĂ  parlĂ© plusieurs fois , Ă  propos des architraves et de la diminution des colonnes , comme on l’a vu dans ce chapitre et Ă  la fin du prĂ©cĂ©dent. Il parle ici d’un inconvĂ©nient tout different , qui est, que les membres Ă©levĂ©s paroissent renversĂ©s lorsqu’on les regarde d’en bas trop prĂšs du bĂątiment, ou immĂ©diatement dessous ; on y remĂ©die en les inclinant sur le devant. Non seulement on obvie par-lĂ  Ă  ce qu’ils paroissent renversĂ©s, mais en accourcissanl la ligne visuelle, comme on le voit dans la figure que je viens de citer, l’objet paroĂźt plus grand, et toutes les parties supĂ©rieures Ă©tant inclinĂ©es , les parties saillantes ne cachent pas autant le parties enfoncĂ©es qui sont immĂ©diatement au-dessus d’elles. Yilruve parle ensuite des cannelures des colonnes ; voyez la 3. e fig. de la XI. e planche. Celles dont il est ici question sont propres Ă  l’ordre ionique et corinthien. Leur creux plus enfoncĂ© forme un demi-cercle ; elles sont sĂ©parĂ©es les unes des autres par des intervalles. Striges en latin, signifie proprement les cannelures , et strias les intervalles. Il dit, dans ce passage , que la largeur des intervalles doit ĂȘtre Ă©gale Ă  celle du gonflement ou bien entasi qui forme le ventre de la colonne. A la fin du chapitre prĂ©cĂ©dent, il a dit Ă©galement que le gonflement de la colonne entasi devoit ĂȘtre Ă©gal Ă  l’intervalle des cannelures; il annonçoit une figure qui indiquoit cette grandeur; mais comme elle est perdue, nous devons avoir recours aux monumens antiques pour la prĂ©ciser. Yoyez nos remarques Ă  la fin du chapitre prĂ©cĂ©dent. aut sa 4 -dire r vwvwaaa \ AA t'vww wvvmmvuU .jltW' Irnot ,,ii wM ,eĂ j^ jsfd Ă ple ^ usa'*" i mot !d^ h 0^ 1 } 4i la ville fie Smyrne prit sa place et fut reçue au nombre des villes ioniennes , par une grĂące particuliĂšre du roi Attalus et de la reine ArsinoĂ©. Ces treize villes , aprĂšs avoir chasse' les Cariens et les LĂ©legues , appelĂšrent ce pays Ionie, Ă  cause d’ion leur conducteur. Ils y dĂ©signĂšrent des lieux qu’ils consacrĂšrent aux dieux immortels , et commencĂšrent Ă  y bĂątir des temples ; le premier fut celui qu'ils dĂ©diĂšrent Ă  Apollon Pano- nien ; ils le construisirent dans le genre de ceux qu’ils avoient vus en AchaĂŻe, et ils appelĂšrent ce genre dorique, parce qu’il y en avait de pareils bĂątis dans les villes des Doriens; mais comme ils ne savoient pas bien quelle proportion il falloit donner aux colonnes qu’ils vouloient mettre Ă  ce temple, ils cherchĂšrent le moyen de les faire assez fortes pour soutenir le faix de l’édifice, et de les rendre en meme temps agrĂ©ables Ă  la vue ; pour y parvenir , ils prirent la mesure du pied d’un homme , qui est la sixiĂšme partie de sa hauteur. C’est sur cette proportion qu’ils formĂšrent leurs colonnes; quelle que fĂ»t la grosseur de la tige , ils la firent six fois aussi haute, en comprenant le chapiteau c’est ainsi que la colonne dorique fut la premiĂšre qu’on employĂąt dans les Ă©difices , ayant la proportion , la force et la beautĂ© du corps de l’homme. * Voulant dans la suite Ă©lever un temple Ă  Diane , et cherchant, par la meme mĂ©thode , quelque nouvelle maniĂšre qui fut aussi agrĂ©able , ils firent des colonnes qui avoient la dĂ©licatesse du corps d’une femme. Pour qu elles s’élevassent avec plus de grĂące , ils donnĂšrent d’abord Ă  leur diamĂštre la huitiĂšme partie de sa hauteur ; ensuite ils y mirent des bases faites en forme de cordes entortillĂ©es , pour imiter la chaussure , et taillĂšrent des volutes au chapiteau pour reprĂ©senter cette partie des cheveux qui pend par boucles Ă  droite et Ă  gauche ; les cymaises et les guirlandes Ă©toient comme des cheveux arrangĂ©s sur le front des colonnes; outre cela ils firent des cannelures i tout le long du tronc , comme si c’eĂ»t Ă©tĂ© les plis d’une robe. Ainsi ils inventĂšrent ces deux genres de colonnes , dont les unes imitoient la simplicitĂ© nue et nĂ©gligĂ©e du corps de l'homme , et les autres la dĂ©licatesse de celui de la femme ornĂ©e de toutes ses parures. Le goĂ»t des architectes qui succĂ©dĂšrent Ă  ceux - ci , se perfectionna ; ils prĂ©fĂ©rĂšrent des proportions 2 plus dĂ©licates ; ils donnĂšrent donc Ă  la colonne dorique , une hauteur Ă©gale Ă  sept de ses diamĂštres , et huit et demi Ă  bionique ; ils la nommĂšrent ainsi, parce que les Ioniens l’avoient inventĂ©e. * Planche XII. 1 Voyez les cannelures de la colonne corinthienne , PI. XIIl.ℱ q u ; son t j es xnĂšmes pour l’ordre ionique. * Planche XIII. 2 J’ai rendu ici le mot modulis par celui de proportion , parce que les proportions se mesurent et. se trouvent avec le module. Perrault l’a rendu par le mot module , auquel il ne peut adapter, malgrĂ© ce qu'il dit dans sa note , l’épithĂšte de graciUoribiis , qui n’a aucun rapport avec le module, ou le diamĂštre de la colonne. 4* L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. * Le troisiĂšme genre que nous appelons l’ordre corinthien , imite la beautĂ© d’une fille dans le jeune Ăąge ; il a la dĂ©licatesse de ses membres , et convient bien mieux que tous les autres pour recevoir les ornemens qui peuvent ajouter aux charmes de la nature. Voici l’anecdote Ă  laquelle on attribue l’invention de son chapiteau. Une jeune fille de Corinthe vint Ă  mourir au moment oĂč elle alloit se marier ; sa nourrice recueillit dans une corbeille plusieurs petits vases auxquels cette fille avoit Ă©tĂ© attachĂ©e pendant sa vie; pour les metlre Ă  fabri des injures du temps et les conserver , elle couvrit la corbeille d’une tuile , et la posa ainsi sur son tombeau. Dans ce lieu se trouvoit, par hasard, la racine d’une plante d’acanthe. Au printemps elle poussa des feuilles et des tiges comme la corbeille Ă©toit au milieu de la racine , elles s’élevĂšrent tout autour. La rencontre des coins de la tuile força leurs extrĂ©mitĂ©s de se recourber , ce qui forma le commencement des volutes. Le sculpteur Callimaque, que les AthĂ©niens appelĂšrent calatechnos i , Ă  cause de ses talens et de l’adresse avec laquelle il tailloit le marbre , passant prĂšs de ce tombeau, vit le panier , et remarqua comme il Ă©toit couronnĂ© par ces feuilles naissantes ; cette forme nouvelle lui plut beaucoup ; il limita dans les colonnes qu’il fit par la suite Ă  Corinthe , et il Ă©tablit, d’aprĂšs ce modĂšle , les proportions et les rĂšgles de l’ordre Corinthien. ** Les proportions du chapiteau corinthien doivent ĂȘtre prises de la maniĂšre suivante il faut que le chapiteau avec l’abaque ait autant de hauteur que le bas de la colonne a d’épaisseur ; que la largeur de l’abaque soit telle que la diagonale qui est depuis un de ses angles jusqu’à l’autre , ait deux fois la hauteur du chapiteau ; cette extension donne la juste mesure aux quatre cĂŽtĂ©s de l’abaque; ensuite la courbure de ces cĂŽtĂ©s en dedans sera la neuviĂšme partie du cĂŽtĂ© Ă  prendre de l’extrĂ©mitĂ© d’un des angles Ă  l’autre. Le bas du chapiteau sera de mĂȘme largeur que le haut de la colonne sans le congĂ© de l’astragale. L’épaisseur de l’abaque sera de la septiĂšme partie de tout le chapiteau ensuite on divise en trois parties la hauteur du chapiteau, non compris cette Ă©paisseur de l’abaque on en donnera une Ă  la feuille d’en bas, une autre Ă  la seconde feuille , et le mĂȘme espace restera pour les caulicoles d’oĂč sortent d’autres feuilles qui s’étendent pour aller soutenir l’abaque. Il faut que des feuilles des cauli- coles , il sorte des volutes qui s’étendent vers les angles du chapiteau , et qu’il y ait encore d’autres volutes plus petites au-dessous de la rose qui est au milieu de la face de l’abaque. Ces roses, qu’on met aux quatre cĂŽtĂ©s, seront aussi grandes que l’épaisseur de l’abaque telles sont les proportions que doit avoir le chapiteau corinthien pour ĂȘtre bien fait. * * On met aussi sur ces mĂȘmes colonnes d’autres chapiteaux qui * Planche XIII.ℱ ** Planche XIII.ℱ fig. 2 . 1 C’est Ă -dire le premier ouvrier. *** Planche XIII, 8 fig. 3. mi c Si pĂźteau, ; Ûe ^ fit les 1 racine,, ^strĂ©mifĂ© Calliit; de l'if njnoiif rinl ii d'un jjlidi giide de L iontf je ai > [ent dĂŻ jĂȘs dfj ! jet fl e*l n coi* kf L I V R E I V , C h a p. i. 43 ont diffĂ©rens noms ; mais ils ne doivent point faire changer celui des colonnes, puisqu’elles ont les mĂȘmes proportions ; si on leur a donnĂ© d’autres noms, c’est Ă  cause de quelques parties qu’on a prises , soit des chapiteaux corinthiens, soit des ioniques, ou des doriques , dont on a assemblĂ© les diffĂ©rentes proportions pour composer plusieurs espĂšces de chapiteaux qui n’ont d’autres agrĂ©mens qui les distinguent, si ce n’est celui d’offrir de nouvelles sculptures. REMARQUES. L’ordre que les Grecs employĂšrent le premier pour leurs temples , fut le dorique , comme l’observe Vitruve dans ce chapitre ; cet ordre , tel qu’ils le pratiquĂšrent dans ces anciens temps , n’étoit qu’une copie de quelque morceau de l’architecture Ă©gyptienne , que les colonies amenĂ©es en GrĂšce par CĂ©crops, leur avoient sans doute fait connoĂźtre. Ses proportions alors n’étoient pas les mĂȘmes que celles qu’on lui donna ensuite , elles n’étoient fixĂ©es par aucune rĂšgle. La forme du chapiteau de sa colonne Ă©toit toute diffĂ©rente de celle qu’il a aujourd’hui. Il nous reste plusieurs temples de cet ancien dorique , tels que ceux de Pestum } dans le royaume de Naples , celui de Girgenti en Sicile et plusieurs en GrĂšce. On ne peut douter que ce ne soit de cette ancienne architecture que Vitruve veuille parler , quand il dit , dans ce chapitre , que Dorus , fils d’HĂ©lĂšnes , bĂątit un temple Ă  Diane , dans la ville d’Argos , et qu’on ne connoissoit alors en GrĂšce que l’ordre auquel Dorus avoit donnĂ© son nom , c’est-Ă -dire l’ordre dorique ; il ajoute ensuite , que tous les temples qu’on Ă©leva , vers celte Ă©poque ,. dans les autres villes de l’AchaĂŻe , Ă©toient semblables Ă  celui d’Argos , quoique leurs vraies proportions n’avoient pas encore Ă©tĂ© fixĂ©es par des rĂšgles certaines. Ce qui se rapporte parfaitement Ă  ce que Pline nous dit des premiers temps de l’ancienne architecture grecque , et Ă  ce que nous font voir les anciens temples dont je viens de parler. On remarque en effet, que le nombre des diamĂštres qui forment la hauteur des colonnes, varie dans ces diffĂ©rens temples. Pline leur donne quatre diamĂštres 1 ; celles du temple de Corinthe n’en ont pas quatre y compris le chapiteau , et celles des temples de Pestum en ont Ă  peine cinq. 11 paroĂźt donc d’aprĂšs ces monumens , et d’aprĂšs ce que nous dit Vitruve, qu’il n’y eut d’autre architecture en GrĂšce que ce dorique massif, jusqu’à l’époque oĂč elle envoya des colonies en Asie. Vitruve nous apprend que les habilans de plusieurs de ces villes grecques de l’Asie , voulant Ă©lever un temple Ă  Apollon Panonien, le firent d’ordre dorique , comme ceux qu’ils avoient vus dans la GrĂšce. Mais ayant oubliĂ© les proportions qu’il falloit donner aux colonnes , par le plus heureux des hazards , ou par la combinaison la plus sage , ils les rĂ©glĂšrent d’aprĂšs ce qu’il y a de plus parfait dans la nature j c’est-Ă -dire d’aprĂšs celles de l’homme. La beautĂ© produite par ces proportions rĂ©pandit des grĂąces nouvelles sur tout leur ouvrage ; enhardis par ce premier succĂšs, sans s’écarter du mĂȘme principe , ils cherchĂšrent un nouveau genre de colonnes pour orner le temple qu’ils Ă©levĂšrent Ă  Diane , dans la ville d’EphĂšse. Comme ils avoient donnĂ© aux premiĂšres colonnes 0 Pline, Ilist. Nat. Liv. XXXVI. Cbap. 56. ,44 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. les proportions du corps de l’homme , ils donnĂšrent Ă  celles-ci les proportions du corps de la femme, et inventĂšrent ainsi un nouveau genre de colonne qui, cĂźu nom de leur pays, fut appelĂ© ionique. f On reproche Ă  Yitruve de n’avoir rien dit de l’ancien dorique, on voit que c’est Ă  tort, et qu’il connoissoit cette ancienne architecture , puisqu’il fixe l’épocjue Ă  laquelle on a perfectionnĂ© ses proportions , en donnant Ă  la colonne dorique huit de ses diamĂštres. Cette Ă©poque comme nous venons de le voir, fut celle oĂč les colonies grecques s’établirent eu Asie. Il fait , Ă  1 ' Ă©gard de cet Ă©tablissement, un anachronisme assez considĂ©rable , quand il dit qu’Ion fils de Xutus , et petit-fils d’HĂ©lĂšnes , conduisit dans l’Asie mineure la colonie qui construisit le temple de Diane Ă  EpliĂšse ; car ce ne fut pas Ion qui les y amena , elles ne s’y transportĂšrent que quatre cents ans aprĂšs lui , sous la conduite de NylĂ©e et des autres fils de Codrus , mĂ©cori- lens de leur frĂšre MĂ©don Ă  qui la Pythie avoit adjugĂ© le royaume d’AthĂšnes 1. Suivant Yitruve , ce fut pour le temple de Diane Ă  EphĂšse que ces colonies grecques , Ă©tablies en Asie , trouvĂšrent le chapiteau ionique , et qu’elles inventĂšrent une base pour les colonnes j car, dans les premiers temps, la colonne dorique n’avoit pas de base, comme on le voit encore dans les anciens monumens qui nous restent de cette architecture particuliĂšrement dans les temples de Pestum , de Girgenti et d’AthĂšnes ; et comme le dit lui-mĂȘme Yitruve , les colonnes posoient immĂ©diatement sur un socle ou sur un piĂ©destal , tel qu’elles sont reprĂ©sentĂ©es dans la pl. XI. fig. 1 ; c’est pourquoi l’auteur latin nous dit que les Ioniens formĂšrent l’ordre ionique sur l’ordre dorique, eu embellissant celui-ci par l’agrandissement de sa colonne, et sur-tout en ajoutant une base ronde , qui pour cela fut sans doute appelĂ©e spira. MalgrĂ© tout ce que raconte Yitruve des heureuses inventions des Ioniens, il paroit, aprĂšs les derniĂšres dĂ©couvertes qu’on vient de faire en Egypte , que les Grecs ont cherchĂ© mal Ă  propos Ă  s’attribuer ces inventions , puisqu’ils n’ont fait que copier quelque partie de l’architecture Ă©gyptienne 2. Mais ils ont eu la sage discrĂ©tion de choisir seulement trois genres de colonnes ; parmi toutes les variĂ©tĂ©s que leur offroient les colonnes Ă©gyptiennes, ils se bornĂšrent Ă  ceux-lĂ , et les employĂšrent chacune, suivant la convenance de leurs qualitĂ©s, pour les divers Ă©difices qu’ils construisirent. Continuons prĂ©sentement Ă  parler de l’ordre ionique. Le mot encarpi dont Yitruve se sert pour dĂ©signer les festons de fleurs ou de fruits qui ornent la volute ionique , a tourmentĂ© beaucoup tous les interprĂštes ; Philander croit qu’il signifie une guirlande de fruits xaptcog en grec veut dire des fruits , il dit qu’en Italie ces guirlandes s’appellent des festons. Perrault a rendu ce mot par celui de gousse , croyant que c’etoit cet ornement du chapiteau ionique , formĂ© de trois gousses de fĂšves qu’on voit sortir de l’angle oĂč la volute rencontre l’ove. Yoyez la 3. e fig. de la XI. planche. Lune et 1 autre de ces opinions sont assez plausibles , puisque nous voyons de ces gousses et de semblables festons dans les chapiteaux antiques. Cependant Galiani croit , avec plus de vraisemblance , que encarpi signifie celte vignette cou-* tournĂ©e , formĂ©e de feuilles ou d’autres choses , dont les anciens ornoient le creux ou l’enfoncement 1 Pausanias, Liy. VIL Chap. 1, a , 3 et 4. 2 Voyages de Desnon , explication des Pl. LIX et LX. de LIVRE IV, C h a p. i. de la volute ; il a suivi ce sentiment, parce qu’il trouve cette phrase dans le texte ĂȘncarpis prĂ© crinibus , expressions qui ne peuvent s’adapter ni aux gousses , ni aux festons ; si par feston on entend les guirlandes de fleurs et de fruits qui sont attachĂ©es aux yeux des volutes et pendent sur le gorgerin du chapiteau , ce qui n’a aucun rapport avec la chevelure. Yitruve rapporte , dans ce chapitre , l’histoire intĂ©ressante Ă  laquelle nous devons l’origine de l’ordre corinthien. Son chapiteau est un chef-d’Ɠuvre , et c’est sur-tout par cet endroit que l’ordre corinthien est sensiblement au-dessus de tous les autres. Il a une grĂące parfaite ; il est de la plus grande richesse ; c’est un grand vase rond , couvert d’un tailloir recourbĂ© sur les quatre faces. Le vase est couvert dans le bas , de deux rangs de feuilles dont les courbures ont une mĂ©diocre saillie ♩, du sein de ces feuilles sortent des tigettes ou caulicoles qui vont former de petites volutes sur les coins du tailloir et sur les quatre milieux. Tout est admirable dans cette composition ce vase qui sert de champ sur lequel les feuilles sont artistement disposĂ©es ; les courbures de ces feuilles dont la saillie va par gradation ; les tigettes qui s’élĂšvent naturellement , et dont la flexibilitĂ© semble se prĂȘter au dessein de l’ouvrier qui les plie en volutes pour donner Ă  la saillie du tailloir un appui des plus Ă©lĂ©gans. Il rĂšgne dans tout cet assortiment une douceur , une harmonie , un naturel, une variĂ©tĂ©, une grĂące qu’en vain voudrois-je exprimer, et que le goĂ»t seul peut faire sentir. M. de Cordemoi condamne , avec raison , l’usage qui a prĂ©valu parmi nos architectes de prĂ©fĂ©rer pour le chapiteau corinthien , les feuilles de laurier et d’olivier aux feuilles d’acanthe , et de rĂ©server ces derniĂšres pour Je chapiteau composite. Je ne saurois comprendre sur quoi cet usage est fondĂ© , si ce n’est sur un aveugle caprice. La feuille d’acanthe fournit naturellement tous les contours et toutes les courbures qui conviennent aux feuilles du chapiteau corinthien ; celle plante pousse avec ses feuilles des tiges tendres qui donnent trĂšs-naĂŻvement les caulicoles du chapiteau , et dont ces caulicoles , avec les volutes qui les suivent , ont Ă©tĂ© originairement l’expression. Nous avons vu que la premiĂšre idĂ©e du chapiteau corinthien est due au hazard qui fit dĂ©couvrir au sculpteur Callimaque un vase , autour duquel une plante d’acanthe avoit nĂ©gligemment Ă©levĂ© son feuillage et ses tiges. Pourquoi nous faisons-nous un plaisir de corrompre la plus heureuse idĂ©e qui fut jamais. Les petites feuilles de laurier ou d’olivier ne peuvent que forcĂ©ment se prĂȘter par leur assemblage Ă  la composition du chapiteau corinthien. Les substituer aux grandes et larges feuilles d’acanthe , c’est quitter le naturel pour courir aprĂšs le frivole $ c’est rendre une grande pensĂ©e par une expression foible et puĂ©rile. Vitruve ne dit pas qu’il faille Ă©corner les quatre angles de l’abaque de ce chapiteau , comme on le fait ordinairement aujourd’hui , d’oĂč j’ai cru qu’il parloit ici des abaques terminĂ©s par des angles aigus et en effet nous avons plusieurs exemples des chapiteaux ainsi terminĂ©s dans les monumens antiques , entre autres ceux du temple de Testa Ă  Rome. Voyez la 2 . me fig. de la XIll. me planche. Vers la fin de ce chapitre , Yitruve parle des diffĂ©rens chapiteaux qu’on avoit coutume de placer sur les colonnes corinthiennes ; les ornemens seuls les distinguent du chapiteau corinthien d’oĂč l’auteur latin conclut, malgrĂ© les divers noms qu’on leur donnoit, que cette diffĂ©rence ne suffisoit pas pour former un autre ordre , ce qui me fait croire , malgrĂ© l’opinion de Perrault , que ce n est pas de l’ordre que nous avons appelĂ© composite , dont il parle ici $ on ne le connoissoit pas probablement alors. 11 parle donc de ces chapiteaux qui sont semblables et ont toutes les prĂ©parai L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. lions du chapiteau corinthien , qui n’en diffĂšrent que par la bizarrerie des emblĂšmes dont ils Ă©toient ornĂ©s. C’étoient des symboles qui faisoient allusion Ă  la divinitĂ© du temple ou Ă  la destination de l’édifice. M. Jean-Baptiste Montano a publiĂ© un recueil considĂ©rable de dessins , qui reprĂ©sentent une infinitĂ© de ces chapiteaux antiques , remarquables par leurs bizarreries. Celui de la 3. me fig. de la XIII. me planche est du nombre ; il reprĂ©sente un des chapiteaux du temple de Jupiter tonnant au Capitole ; on le voit encore Ă  Rome aujourd’hui. Dans les uns , ce sont des cornes d’abondance qui tiennent lieu de volutes , c’est pour un temple de CĂ©rĂšs 5 dans d’autres ce sont des aigles, c’est pour un temple de Jupiter ; pour un temple de Neptune ce sont des tridens qui remplacent les fleurs. Si l’on rĂ©flĂ©chit bien aux paroles du texte , c’est de ces chapiteaux dont il parle, et rien de plus. Que diroit prĂ©sentement Vitruve en voyant que non content d’avoir portĂ© le nombre des ordres jusqu’à cinq, il se trouve, dans ces siĂšcles derniers, des personnes qui cherchent Ă  les mu bip Ă  l’infini , osant appeler ordre nouveau , un soi-disant ordre espagnol, qui n’a d’autre distinction qu’une tĂȘte de lion au lieu de la fleur ou rose qu’on a coutume de sculpter au milieu de l’ahaquĂ©; des cornes d’abondance et des globes dans la frise , parce que ce sont des symboles ou des attributs de la monarchie espagnole de mĂȘme un soi-disant ordre françois , parce que dans le chapiteau il s’y trouve des palmes , des fleurs de lis et un coq ; n’cst-ce pas lĂ  confondre le genre avec l’espĂšce ? > C II A P I T R E I I Des ornemens i des Colonnes. prĂšs avoir fait connoĂźtre l’origine des diffĂ©rais genres de colonnes , je crois qu’il convient de parler de leurs ornemens , et faire voir comment on les a dĂ©couverts. Dans tous les Ă©difices , les parties supĂ©rieures sont faites en charpente; on leur donne diffĂ©rens noms , selon l’usage auquel elles sont destinĂ©es. On nomme poutre , la piĂšce de bois qui se met ou sur les colonnes ou sur les pilastres , ou enfin sur le faĂźte des murs. Les solives et les ais sont pour les planchers. Si l’espace des toits est fort large , on met sous le faĂźtage ** a a , un poinçon, en latin columen e d’oĂč les colonnes ont pris leur nom , des traverses b b et des contre- fiches d d ; mais si l’espace n’est pas considĂ©rable , le seul faĂźtage suffit. Dans tous les toits se trouvent les forces a qui forment une saillie jusqu’à la gouttiĂšre; 1 Par ornement, Vitruve entend ici l’entablement, * Planche IV.ℱ fig. 3 . -»t / n ‱ \ i r» » 1 ‱ e t on les fait avancer autant qu’il faut pour couvrir les murailles. Ainsi chaque chose dans un Ă©difice doit occuper la place qui lui convient d’aprĂšs son usage. C’est pour imiter cet assemblage de plusieurs piĂšces de bois qui composent la charpente des maisons ordinaires , que les architectes ont inventĂ© , pour les temples , la disposition des parties qu’ils exĂ©cutent en pierre ou en marbre. Dans les temps les plus reculĂ©s , les ouvriers avoient coutume de poser une extrĂ©mitĂ© des poutres sur les murs intĂ©rieurs , et l’autre sur les murs extĂ©rieurs , de maniĂšre qu elles passoient jusqu’en dehors. Ils remplissoient de maçonnerie l’espace qui Ă©toit entre chaque poutre , et plaçoient par-dessus , la corniche et les frontispices qu’ils embellissoient de ce que l’art offre de plus dĂ©licat. Les bouts des poutres qui sor- toient du mur , Ă©toient coupĂ©s Ă  plomb , et comme cela sembloit choquer la vue , ils clouoient sur ces bouts des poutres coupĂ©s , de petits ais taillĂ©s de la façon que nous voyons les triglyphes ; ils les couvraient ensuite de cire bleue , pour cacher les coupures qui avoient mauvaise grĂące. C’est de cette maniĂšre de couvrir les bouts des poutres qu’est venue la disposition des triglyphes et les intervalles des mĂ©topes , dans les ouvrages doriques. Dans d’autres Ă©difices , quelques-uns ont ensuite laissĂ© sortir, au-dessus des triglyphes , les bouts des forces , et ont contournĂ© la partie qui faisoit saillie , de sorte que comme la disposition des poutres a fait imaginer celle des triglyphes , les saillies des forces ont aussi donnĂ© lieu Ă  la disposition des mutules qui soutiennent les corniches ; et assez souvent, dans les ouvrages de pierre et de marbre, ces mutules sont taillĂ©es en penchant, pour reprĂ©senter la pente des forces , qui doivent avoir cette position pour faire Ă©goutter les eaux. On ne peut donc douter que l’idĂ©e des triglyphes et des mutules , dans l’ordre dorique , ne soit due Ă  ces imitations , et non pas , comme quelques - uns l’ont cru mal-Ă -propos , Ă  ce que les triglyphes reprĂ©sentent des fenĂȘtres car on met des triglyphes dans les encoignures et sur le milieu des colonnes , lieu oĂč il ne peut y avoir des fenĂȘtres ; parce que s’il y avoit des ouvertures aux angles , ils ne pourroient ĂȘtre liĂ©s avec le reste de l’édifice ; et si , comme on le prĂ©tend, les triglyphes occupent la place oĂč Ă©toient les ouvertures des fenĂȘtres , on pourroit dire par la mĂȘme raison , que les denticules dans l’ordre ionique , sont les ouvertures des fenĂȘtres , puisque les espaces qui sont entre les denticules , aussi bien cpie ceux qui sont entre les triglyphes , s’appellent mĂ©topes. Les Grecs appellent opes , l’espace oĂč les poutres sont placĂ©es ; et nous autres, nous 19. 48 L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. les appelons colombaria. C’est pour cela qu’on appelĂ© mĂ©tope , l’intervalle , qui est entre les deux opes. La cause qui fit imaginer de placer les triglyphes et les mutules dans l’ordre dorique , fit aussi placer les denticules dans l’ordre ionique ; comme les mutules reprĂ©sentent l’extrĂ©mitĂ© des forces , ainsi, dans l'ordre ionique , les denticules reprĂ©sentent la saillie du bout des chevrons. C’est pourquoi , dans les Ă©difices des Grecs , on n’a jamais mis des denticules sous les mutules , parce que les chevrons ne peuvent pas ĂȘtre sous les forces et c’est une grande faute dans l imitation de les placer ainsi sous les forces et sous les pannes, tandis que , dans la vraie construction , ils sont posĂ©s au-dessus. Pour la mĂȘme raison , les anciens n’ont jamais approuvĂ© qu’on mĂźt des mutules ni des denticules aux frontons. Ils n’y vouloient avoir qu’une simple corniche , parce que ni les forces ni les chevrons ne peuvent ĂȘtre placĂ©s dans un sens convenable sur les frontons , et leurs extrĂ©mitĂ©s peuvent encore moins y former des saillies ; ces piĂšces de bois doivent ĂȘtre inclinĂ©es sur les deux cĂŽtĂ©s , et avoir leur pente vers les gouttiĂšres. Iis croyoient , avec raison , qu’en reprĂ©sentant une chose rĂ©elle , on ne pouvoit s’écarter de la vĂ©ritĂ©. En effet tous leurs ouvrages , mĂȘme dans les plus petits dĂ©tails , sont fondĂ©s sur la nature ; en elle ils ont trouvĂ© toutes les beautĂ©s qui perfectionnent les arts ; ils en ont fait l’application et n’ont jamais approuvĂ© que ce qu’ils pouvoient soutenir et expliquer par la raison et d’aprĂšs la vĂ©ritĂ©. C est sur ces rĂšgles qu’ils Ă©tablirent , dans chaque ordre , les rapports et les proportions qu ils nous ont laissĂ©s. J’ai dĂ©jĂ  expliquĂ© ces principes pour l’ordre ionique et corinthien , je vais continuer de le faire * en peu de mots, pour l’ordre dorique, et parler en mĂȘme-temps de tout ce qui concerne la construction de cet ordre. REMARQUES. Dans ce chapitre et dans plusieurs autres endroits de son ouvrage , Yitruve entend par ornemens des colonnes , l’architrave , la frise et la corniche ; en françois , ces trois parties se nomment l’entablement j s’il entendoit la rĂ©alitĂ© de ces objets, on pourroĂźt croire que c’est improprement qu’il appelle ornement des parties qui sont si essentielles dans les bĂątimens , et pour lesquelles mĂȘme on y place les colonnes quYsont destinĂ©es Ă  les soutenir. Puisque par ornement on entend proprement des choses qui sont ajoutĂ©es aux membres essentiels , telles que les sculptures taillĂ©es dans les frises, les moulures des architraves , des corniches , des tailloirs , des bases , etc. ; mais il faut faire attention que ce n’est pas tant de l’objet mĂȘme dont Yitruve parle ici , que de la reprĂ©sentation qu’elles en font , et dans ce sens on peut les appeler des ornemens. La nature , notre modĂšle universel, nous offre deux rĂšgles admirables dont elle ne s’écarte jamais ; 1 une de ne rien faire entrer d’inutile clans la composition des ĂȘtres $ et l’autre , de tout soumettre a la loi d un accord parfait et d’une unitĂ© bien marquĂ©e. C’est Ă  l’aide de ces deux LIVRE IV, C h a v. n. 49 rĂšgles qu’elle parvient Ă  Ă©tablir par-tout un ordre invariable , et le SystĂšme d’une Ă©conomie rigoureuse , au sein d’une intarissable profusion et d’une richesse infinie. Les premiers maĂźtres de l’art , dĂšs les temps les plus reculĂ©s , suivirent celte combinaison de la nature ; ils ne voulurent rien d’inutile dans un Ă©difice ; tout y Ă©toit destinĂ© Ă  quelqu’objet ; tout nĂ©anmoins foruioit un accord parfait et un seul ensemble. N’oublions jamais ces rĂ©gies , et ne nous en Ă©cartons pas ; elles sont les vrais guides de l’architecture. Ainsi ce que Yitruve appelle orne- mens , ne sont , comme il le dit lui-mĂȘme , que la reprĂ©sentation des parties les plus essentielles d’un bĂątiment qu’on exĂ©cute en pierre ou en marbre , pour reprĂ©senter celles qui s’y trouvent naturellement en bois. Tellement donc que les diverses parties de l’entablement reprĂ©sentent le toit ; les modifions , les denticules , les triglyphes et les mutules , reprĂ©sentent les extrĂ©mitĂ©s des diffĂ©rentes piĂšces de charpente. Nous voyons dans ce chapitre que c’étoit l’opinion des anciens ; toutes les piĂšces de bois qui composoient la charpente des toits chez les Romains , y sont nommĂ©es ; ce sont les mĂȘmes que l’on emploie encore aujourd’hui en Italie pour le mĂȘme usage , d’oĂč l’on peut conclure que la maniĂšre de couvrir les maisons n’a pas changĂ© dans ce pays. Celte maniĂšre diffĂšre beaucoup de celle employĂ©e en France celle-ci n’a presqu’aucun rapport avec l’entablement. Au lieu de fermes qui soutiennent nos toits , les Italiens emploient ce qu’ils appellent chevalets cavalleto ; mais dans la longueur d’un bĂątiment , ils mettent un bien plus grand nombre de chevalets que nous ne mettons de fermes. On n’emploie pas toujours le mĂȘme nombre de piĂšces debois pour composer celte charpente ; lorsque les toits sont Ă©troits , on en retranche plusieurs. Les chevalets des toits qui sont fort larges se composent des piĂšces suivantes * i.° d’une grande poutre posĂ©e de plat dans le fond , que les latins nomment transtrum les Italiens asticcinola , et nous autres poutre de traverse j 2. 0 de deux poutres qui s’élĂšvent diagonalement des deux cĂŽtĂ©s , s’unissent en pointe en se rencontrant dans le milieu , et forment un triangle avec la premiĂšre 5 on les nomme caleri en latin , puntoni en italien , et forces en françois ; 3 .° de la piĂšce de bois du milieu qui tombe Ă  plomb de celte pointe sur la poutre de traverse ; elle s’appelle columna en latin , monaco en italien , et poinçon en françois 5 4 .° de deux petites piĂšces de bois emmor- taisĂ©es dans le poinçon et les forces ; on les nomme en latin capreoli en italien razze y et en françois contre-fiches. s *- Tous les chevalets qui composent la charpente d’un long toit, sont ensuite unis ensemble par des poutres couchĂ©es de long sur le comble du toit. Ces poutres se nomment en latin columen , en italien cisinello, et en français faĂźtage. Ceci Ă©toit pour les grands toits , si majora spatia sunt y dans les petits toits , si commocla , on n’y employoit pas autant de bois. Les chevalets Ă©toient composĂ©s seulement du transtrum et canterii y c’est-Ă -dire de la poutre traversiĂšre et des forces, sans poinçon ni contre-fiches. Les autres parties telles que les pannes , les chevrons , les tuiles , etc. 1 , se trouvoient dans tous les toits , si grands et si petits qu’ils fussent. Cette interprĂ©tation du texte me paroĂźt si naturelle que je ne puis comprendre comment Perrault a pu imaginer que Yitruve , * Planche gg_ 3 fi Les pannes , en latin templa , en italien paradossi. Les chevrons en latin asseres , en italien panconcelli. Les tuiles en latin tegulƓ, en italien tegole. i5o L'ARCHITECTURE DE V I T R U V E. qui Ă©crivoit Ă  Rome , ait voulu dĂ©crire , dans ce passage , l’espĂšce, de toit qu’on emploie aujourd'hui en France. D’aprĂšs cela je trouve trĂšs-inutile de faire aucuns commentaires sur l’étrange interprĂ©tation qu’il a donnĂ©e aux termes latins de cette phrase. Les triglyphes sont placĂ©s Ă  l’endroit, oĂč, dans les plus anciens temps, les poutres du plafond intĂ©rieur des temples avanç,oient en dehors, et repassoieni pareillement sur une poutre de bois, laquelle portoit immĂ©diatement sur les colonnes. Suivant toutes les apparences, l’entablement portoit encore, du temps de Pindare , sur des colonnes de bois , ainsi que ce poĂšte semble le faire entendre clairement dans çe qu’il appelle son Enigme, i Vitruve dit, daus ce chapitre , qu’on clouoit, comme un ornement, des triglyphes sur la partie saillante des poutres; mais ce n’est qu’une pure conjecture car, de son temps , il ne subsisteit plus de ces anciens temples , et il ne donne aucune raison de cette espĂšce d’ornement. Dans le triglyphe , se trouvent deux rainures , et deux demi-rainures, qu’on faisoit Ă  l’extrĂ©mitĂ© des poutres, pour en rendre l’aspect plus agrĂ©able , puisqu’on les peignoit avec de la cire teinte en bleu , façon de peindre des anciens , dont il sera parlĂ© dans le YIl e . livre. Il semble aussi qu’on faisoit } au bout des poutres 3 des entailles , afin de prĂ©venir qu’elles ne se fendissent, que l’eau des pluies ne pĂ©nĂ©trĂąt les pores du bois et ne pourrĂźt l’extrĂ©mitĂ© des poutres; rĂ©unie dans ces rainures , elle ne pouvoit y sĂ©journer, elle couloit de suite par-dessous, et s’y rĂ«u- nissoit en gouttes. Ce sont ces gouttes que les architectes ont imitĂ©es avec le marbre ; jamais les triglyphes n’ont reprĂ©sentĂ© des fenĂȘtres ; si quelques personnes l’ont cru , comme le dit Yiiruve, c’est qu’elles ont confondu les triglyphes avec les mĂ©topes. Ces deux parties composent les frises de l’ordre dorique. Les triglyphes , comme nous l’avons dit, reprĂ©sentent les extrĂ©mitĂ©s des poutres et les mĂ©topes l’intervalle qui se trouve entre deux poutres et entre deux triglyphes c’est pourquoi Yiiruve appelle ici les mĂ©topes intertignium , et le triglyphe opa , parce que opa signifie en grec, le lit ou la place de la poutre , comme il l’explique trĂšs-clairement un peu aprĂšs. L’intervalle entre deux poutres , appelĂ© mĂ©tope , Ă©toit revĂȘtu de maçonnerie, comme le remarque notre architecte Romain ; mais il paroit que , dans les plus anciens temps , cet espace resloit vuide ; ce qui donnoit du jour Ă  l’entablement. C’est un passage d’Euripide qui me donne cette idĂ©e car au moment oĂč Oresie et Pylade concertent ensemble sur les moyens d’entrer dans le temple de Diane , en Tauride, pour enlever la statue de cette dĂ©esse , Pylade propose Ă  son ami de passer entre les triglyphes , Ă  l’endroit oĂč il y a ouverture , ainsi que je crois devoir l’interprĂ©ter, O'p a Ssy e'/çu TpiyXĂ»Cpccv , ottoi Ù^s[Jmq xaSrtiycti. ' \ 1 ’QiyĂźvsiƓ v, Ă©v ravpoiç . qi%. ii 3. j Suivant le vĂ©ritable sens de ce passage, les mĂ©topes des plus anciens temples, dont Euripide nom i donne ici l’idĂ©e , Ă©toient sans doute ouvertes , et offroient par-consĂ©quent le seul chemin qu’il y eĂ»t pour entrer dans la nef ou cella de ce temple. On aura sans doute confondu ces ouvertures des j mĂ©topes avec les triglyphes ; c’est ce qui a probablement fait croire que ceux-ci reprĂ©sentoient des fenĂȘtres. Voyez la 3. e fig. de la IV. e planche. i Nous ne voyons pas trop clairement quelle Ă©toit l’espĂšce de contour sinuare dont les anciens t erobellissoieut l’extrĂ©mitĂ© des forces; je crois nĂ©anmoins que Yiiruve entend par-lĂ , cette sinuositĂ© i Pyth, 4 , y. 475 et 477. I.I LIVRE IV, C h a p. h. dont le contour agrĂ©able ressemble Ă  une gorge droite, comme elle est reprĂ©sentĂ©e planche IV, fig. 5, lettre C. Le denticule dans l’ordre ionique reprĂ©sente, comme nous avons vu, l’extrĂ©mitĂ© des cbevrons qui ne peuvent jamais ĂȘtre plaçés sous les forces ; c’est pour cela que Vitruve loue les Grecs de ce qu’ils ne les employaient pas en meme temps que les mutules. Aujourd’hui, tout au contraire, personne n’oseroit en cela suivre l’exemple des Grecs ; parce que parmi les monnmens antiques qui nous sont restĂ©s, il se trouve plusieurs belles corniches qui toutes ont des denticules sous les modilĂźons, tellement que l’usage a prĂ©valu sur la raison il en est de mĂȘme pour celui de placer des modilĂźons et des denticules dans la corniche des frontons , parce que, comme je le crois, ces corniches auroient eu trĂšs-mauvaise grĂące , si elles n’avoient pas ressemblĂ© Ă  celles qui formoient le tour du reste de l’édifice. Qu’auroit dit Vitruve s’il avoit vu construire des frontons sur la longueur du bĂątiment , comme cela se pratique de nos jours. Puisque le fronton n’est que la reprĂ©sentation du pignon du toit , il doit ĂȘtre placĂ© conformĂ©ment Ă  l’objet qu’il reprĂ©sente. Or , le pignon du toit est toujours sur la longueur du bĂątiment. Que nos architectes rĂ©flĂ©chissent un peu sur ce raisonnement , qui est de la plus grande simplicitĂ© , et il ne leur arrivera pas de placer , au milieu d’une longue façade, des frontons postiches qui ne signifient rien. Ils pensent donner plus d’agrĂ©ment en interrompant ainsi l’uniformitĂ© ; mais qu’ils sachent que dans tous les arts , c’est pĂ©cher contre les rĂšgles que de mettre des inutilitĂ©s. Puisque les frontons reprĂ©sentent les toits , ils doivent toujours couvrir la partie la plus Ă©levĂ©e du bĂątiment et ne jamais se trouver dans le milieu de leur hauteur , tel que le chĂ©tif fronton qui est au milieu du frontispice de la basilique du Vatican , au-dessus duquel se trouve un attique. Dans le plan de Michel Ange, le frontispice de cette Ă©glise devoit ĂȘtre le mĂȘme que celui de la rotonde ; cette idĂ©e Ă©toit vraiment digne de ce grand homme; combien ne devons-nous pas regretter qu’on ne l’ait pas suivie, et que son plan n’ait pas Ă©tĂ© exĂ©cutĂ© en entier ! C’est encore un grand dĂ©faut de faire des frontons qui ne soient pas triangulaires. Le toit se termine toujours en pointe plus ou moins aigue ; le fronton qui en est la reprĂ©sentation , doit imiter servilement cette forme donc , les frontons ceintrĂ©s sont contre nature donc , Ă  plus forte raison , les frontons brisĂ©s sont dĂ©testables , puisqu’ils annoncent un toit enir’ouvert donc , Ă  plus forte raison encore, les frontons Ă  volute sont de toutes les dĂ©raisons la plus consommĂ©e. PĂčen n’est plus absurde encore que de mettre des frontons les uns au-dessus des autres. Il est vrai qu’on remarque au-dessus du portique du PanthĂ©on , les restes d’un fronton qui est inhĂ©rent aux murs de ce temple, et se trouve par-consĂ©quent derriĂšre le portique qu’Agrippa y ajouta; mais il est probable que ce sont les restes du frontispice qui Ă©toit avant celui-ci. D’ailleurs si les archU tectes romains ont commis celte faute, ils n’en ont pas moins pĂ©chĂ© contre les rĂšgles, comme nous lavons dĂ©jĂ  observĂ©. Les siĂšcles, oĂč ils ont cultivĂ© les arts , Ă©toient dĂ©jĂ  loin de ceux oĂč la GrĂšce les avoit vu fleurir dans toute leur puretĂ©. Un fronton en bas suppose un toit, un fronton en haut suppose encore un toit voilĂ  donc deux toits l’un sur l’autre. Le portail de Saint Gervais a ce dĂ©faut qui dĂ©grade beaucoup son mĂ©rite. 152 I/ARCHITECTURE DE VITRUVE. Quelque grande que soit la prĂ©vention en faveur de cet Ă©difice , je ne crois pas , aprĂšs la raison que je viens d’en donner, qu’aucun homme sensĂ© puisse approuver le double fronton haut et bas que l’on y remarque. C’est bien pire encore quand le fronton se trouve au-dessous de l’entablement. En user de la sorte , c’est mettre le toit dans la maison , et le plancher au-dessus du toit. Cependant combien n’en trouve-t-on pas d’exemples l combien de portes, combien de fenĂȘtres surmontĂ©es d’un ridicule fronton ! CHAPITRE III. De l'ordre Dorique . * Quelques architectes, parmi les anciens, crurent que l’ordre dorique ne con- venoit pas pour les temples, d’autant qu’il a quelque chose d’incommode et d’embarrassant dans ses proportions. Tarchesius et Pytheus Ă©taient de ce sentiment ; l’on dit mĂȘme qu’HermogĂšne, aprĂšs avoir dĂ©jĂ  prĂ©parĂ© beaucoup de marbres pour Ă©lever Ă  Racchus un temple d’ordre dorique , il changea de projet , et le fit ionique. Ce n’est pas que l’ordre dorique ne soit beau et majestueux ; mais la distribution des triglyphes et des plafonds gĂȘne beaucoup , parce qu’il faut nĂ©cessairement que les tri- glyphes se rapportent sur le milieu des colonnes i , et que les mĂ©topes qui sont entre les triglyphes soient aussi longues que larges ; de plus, les triglyphes des colonnes des angles , se placent Ă  l’extrĂ©mitĂ© et non sur le milieu des colonnes. Le triglyphe de l’angle ne peut ĂȘtre carrĂ© , mais il faut ajouter Ă  sa longueur la moitiĂ© de la largeur d’un triglyphe 2 , ou si l’on veut que les mĂ©topes soient Ă©gales , il faut que le dernier entre-colonnement soit plus Ă©troit que les autres , de la moitiĂ© de la longueur d’un triglyphe. Soit donc qu’on Ă©largisse la mĂ©tope , soit qu’on Ă©trĂ©cisse l’en- tre-colonnement, il y a toujours du dĂ©faut. YoilĂ  pourquoi les anciens ne se sont point servis des proportions de l’ordre dorique dans les constructions des temples ; nous les mettons nĂ©anmoins ici dans leur rang, telles que nous les avons apprises de nos maĂźtres , afin que si quelqu’un veut s’en servir malgrĂ© les difficultĂ©s , il puisse bĂątir * Planche XI. 1 La largeur du triglyphe est d’un module , celle de la colonne est de deux , par-consĂ©quent , les triglyphes qui doivent correspondre avec le milieu des colonnes , occupent de chaque cĂŽtĂ© de la cathĂšte qui les partage , le quart de la largeur pu du diapaĂštre de la colonne c’est ce que signifie les mots contra mĂ©dius telrantes. 2 Ce n’est pas prĂ©cisĂ©ment, la largeur de la moitiĂ© d’un triglyphe. Voyez les remarques Ă  la fin de ce chapitre. dei i LIVRE IV, C h a p. ni* ** i53 des temples d’ordre dorique dans les justes proportions , et avec toute la perfection dont cet ordre est susceptible. * On doit diviser en vingt-sept parties la face d’un temple d’ordre dorique , dans laquelle les colonnes sont placĂ©es, si l’on veut qu’elle soit tĂ©trastyle ; et en quarante- deux pour ĂȘtre hexastyle lune de ces parties sera le module que les Grecs appellent emhates i , et ce module Ă©tabli doit rĂ©gler toutes les mesures de la distribution de l’édifice. ** Le diamĂštre des colonnes doit ĂȘtre de deux modules ; la hauteur, de quatorze ; compris le chapiteau , la hauteur du chapiteau d’un module ; la largeur , de deux modules et une sixiĂšme partie. Le chapiteau doit ĂȘtre divisĂ© , selon sa hauteur , en trois parties , dont l’une est pour le plinthe avec sa cymaise , l’autre pour le quart de rond avec les annelets , et la troisiĂšme pour la gorge du. chapiteau. La diminution de la colonne doit ĂȘtre pareille Ă  celle de la colonne ionique , telle [qu elle a Ă©tĂ© indiquĂ©e dans le troisiĂšme livre. La hauteur de l’architrave, avec sa plate-bande et les gouttes , doit ĂȘtre d’un module ; les gouttes, sous la plate-bande au droit des triglyphes avec la tringle , doivent pendre de la sixiĂšme partie d un module. Le dessous de l’architrave sera aussi large que le haut de la colonne sous le gorgerin 2 . Sur l'architrave seront placĂ©s les triglyphes avec leurs mĂ©topes ; ils doivent avoir un module et demi de haut, et un module de large. L’ordre qu’on doit suivre , dans la distribution des triglyphes , est de les placer de maniĂšre qu’il y en ait sur le milieu des colonnes angulaires, et qu’il s’en trouve aussi qui rĂ©pondent au droit des colonnes du milieu; dans les entre-coionnemens, il doit y en avoir deux, et aux entre-colon- nemens du milieu , tant Ă  l’entrĂ©e qu’à la sortie , trois, afin que ces intervalles soient assez larges pour qu’on puisse entrer aisĂ©ment dans les temples. *** La largeur des triglyphes doit ĂȘtre divisĂ©e en six parties , dont les cinq sont pour le milieu , laissant deux demi-parties , l’une Ă  droite et l’autre Ă  gauche dans la partie du milieu , on tracera une rĂšgle que nous appelons fĂ©mur 3, et les Grecs * Planche XI. 10 fig. ÂŁ. 1 Voyez l’explication de ce mot dans nos remarques sur le 2. me Chapitre du I. er livre. ** Planche XI.ℱ fig. i. 2 Le texte dit hypotracheĂŒum. Voyez l’explication de ce naot, page i io. *** Planche XI. me fig. 3 Femuren latin et /xypoçen grec signifient la cuisse d’un homme. On nomme ainsi les trois parties du triglyphe , parce qu’elles sont droitescommejxois jambes ou cuisses. 20 ! i54 L’ARCHITECTURE DE Y I T R TJ V E mĂȘros. A cĂŽtĂ© de cette rĂšgle , on creusera , Ă  droite et Ă  gauche , deux canaux enfoncĂ©s selon la came de l’équerre ; de chaque cĂŽtĂ© des canaux il y aura encore un fĂ©mur, et Ă  leur cĂŽtĂ© il y aura des demi-canaux tournĂ©s en dehors. Les triglyphes placĂ©s , on fait les mĂ©topes entre les triglyphes ; il faut qu elles soient aussi hautes que longues ; et aux angles , il doit y avoir des demi-mĂ©topes, auxquelles on donne la largeur d’un demi-module. Par ce moyen, toutes les divisions des mĂ©topes, des entre - colonnemens et des plafonds se rapportent, et il ne s’y trouve plus d’inconvĂ©nient. Le chapiteau du triglyphe doit avoir de haut, la sixiĂšme partie d’un module. Sur ces chapiteaux on place le larmier; sa saillie doit ĂȘtre d’un demi-module et une sixiĂšme partie de module sa hauteur , y compris la cymaise dorique qui est au-dessous, et l’autre cymaise qui est par-dessus , doit ĂȘtre d un demi-module, et une sixiĂšme partie i. * On partage le plafond de la corniche pour y tracer des especes de chemins droits , au-dessus des triglyphes et des mĂ©topes, ainsi que les gouttes. On dispose les gouttes de maniĂšre qu’il s’en trouve six dans la longueur et trois dans la largeur. Un certain espace reste vide; les mĂ©topes Ă©tant plus grandes que les triglyphes , on doit le laisser uni ou y sculpter des foudres. Sous la corniche vers le bord, il faudra tailler un enfoncement en forme de scotie. Les autres membres, comme tympans, cymaises et corniches, sont semblables Ă  ceux qu’on a dĂ©crits pour l’ordre ionique. ** Toutes ces mesures sont pour les ouvrages diastyles si au contraire, on fait un systile, et monotriglyphe, on doit diviser la face du temple en vingt-deux parties, si elle est tĂ©trastyle, ou en trente-deux, si elle est hexastyle, et une de ces parties sera le module avec lequel on mesure tout l’ouvrage, comme on l’a dĂ©jĂ  dit. Au-dessus de chaque entre-colonnement 2 il y aura seulement deux mĂ©topes et un triglyphe ; depuis le "dernier triglyphe jusqu’aux angles , il ne reste que 1 espace d un demi- triglyphe 3. L’entre-colonnement du milieu, qui est sous la pointe du frontispice, doit avoir l’étendue nĂ©cessaire pour contenir trois triglyphes et quatre mĂ©topes; par-lĂ  l entrĂ©e du temple est beaucoup plus large, et 1 aspect des statues des dieux a aussi plus de majestĂ©. ^ x Voyez les remarques Ă  la fin. chaque architrave. Voyez les remarques Ă  la fin du * Planche XI." 56 fig. 3. chapitre. ** Planche XLℱ" fig. 4-. 3 Ce n’est pas. prĂ©cisĂ©ment la largeur d’un demi- 2 Le texte dit supra singula tpislylia , au-dessus de triglyphe voyez les remarques Ă  la fin du chapitre» I LIVRE IV, C h a p. m. WsJ s soient l „\ ons i f! ' trouv- e parti; Ăźdicj Jiquifil "»i,f ^estJ * g* r]les Ivl 3 COP o]’oĂ  , 9'fi M ft serai _ issus i ;ljk f i det ii„\ /ta ÂŁ> i ;>. Sur les chapiteaux des triglyphes il faut mettre ,1a corniche qui doit avoir , comme on a dit, une cymaise dorique au-dessous , et une autre cymaise par-dessus ; cette corniche , y compris les cymaises , sera haute dam demi - module et une sixiĂšme partie i. On * tracera aussi sous la corniche , directement sur les triglyphes et les me'topes , des chemins droits , avec des rangĂ©es de gouttes et tous les autres objets qu on a prescrits pour le diastyie. ** Il faut faire vingt cannelures aux colonnes , lesquelles formeront vingt angles , si on veut seulement les avoir Ă  pans ; mais si l’on veut que les cannelures soient creusĂ©es , il faudra les faire de la maniĂšre suivante. On tracera un carrĂ© dont le cĂŽtĂ© sera aussi grand que toute la cannelure , et ayant mis le centre du compas au milieu du carrĂ© , on tracera d’un angle de la cannelure Ă  l’autre , une ligne courbe qui sera la forme de sa cavitĂ© ; c’est ainsi qu’on donne Ă  la colonne dorique , la cannelure qui lui est particuliĂšre. Le renflement que doit avoir le milieu de la colonne ionique , et que j’ai indiquĂ© dans le troisiĂšme livre , se fait Ă©galement Ă  celle-ci. J’ai dĂ©crit les proportions des colonnes corinthiennes , doriques et ioniques , et tout ce qui concerne l’extĂ©rieur des temples ; il me reste maintenant Ă  montrer de quelle maniĂšre on doit distribuer et ordonner l'intĂ©rieur des Cella ou dedans des temples , ainsi que leurs vestibules. R E M A R Q U E S. L’ordre dorique offre des difficultĂ©s qu’on ne rencontre pas dans les autres. Le mĂ©lange alternatif des triglyphes et des mĂ©topes qui dĂ©corent sa frise , en rendent l’exĂ©cution extrĂȘmement gĂȘnante. Les triglyphes doivent toujours avoir la forme d’un carrĂ© long , et les mĂ©topes celle d’un carrĂ© parfait. Un triglyphe doit toujours ĂȘtre placĂ© au-dessus de chaque colonne ; tellement qu’on ne sait comment se tirer d’affaire dans les angles rentrans. On ne peut Ă©viter l’un de ces deux inconvĂ©niens, ou de plier un triglyphe en mutilant les deux mĂ©topes voisines , ou de joindre deux mĂ©topes ensemble sans aucun triglyphe intermĂ©diaire. Jusqu’ici les ignorans n’ont point Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s par ces deux difficultĂ©s , parce qu’ils n’ont point senti les inconvĂ©niens dont je parle. JNous ne manquons pas d’édifices oĂč l’ordre dorique est employĂ© ; mais il n’en est aucun oĂč l’on ne trouve ou des trigly- phes pliĂ©s, ou des demi-triglyphes , ou des mĂ©topes mutilĂ©es, ou des mĂ©topes beaucoup plus larges que hautes. Les proportions de l’ordre dorique donnĂ©es dans ce chapitre par Vitruve ne conviennent qu’aux temples car elles sont toutes diffĂ©rent^ pour les théùtres t comme il nous l’apprend dans le 0 Dans le texte on lit seulement un demi-module. J’ai ajoutĂ© une sixiĂšme partie pour les mĂȘmes raisons qui me l’ont fait ajouter plus haut. Voyez nos remarques Ă  la fin de ce chapitre. * Planche XI. me fig. 3. ** Planche XI. ,ae fig. 3. i56 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. chapitre du V. me livre. Aliam enim in deorum templis debent hctbere gravitatem y aliam in porticibus et cƓteris operibus subtilitatem. Dans les temples, il ne se renconlroit guĂšre d’angles rentrans , oĂč l’on dut placer des triglyplies ; les quatre angles de l’intĂ©rieur des Cella des temples hypĂšlres pouvoient seuls en avoir , comme on le voit aux temples de Pestum. On n’en mettoit pas en dedans des portiques ; s’il y en avoit eu, c ? Ă©toit manquer Ă  la convenance ; puisque les triglyphes reprĂ©sentent l’extrĂ©mitĂ© des forces , iis rie doivent paraĂźtre qu’à l’extĂ©rieur. Les triglyphes se rencontrant rarement dans les angles rentrans des temples , Vitruve ne nous parle pas ici des inconvĂ©niens qui en rĂ©sultoient ; ils sont nĂ©anmoins bien plus grands que ceux qui rĂ©sultent des triglyphes placĂ©s Ă  l’extĂ©rieur contre les angles saillans. L’inconvĂ©nient venoit de l’ancien usage qui Ă©toit de placer ces triglyphes non au-dessus des colonnes des coins, mais Ă  l’extrĂ©mitĂ© des angles ; usage qui subsistoit probablement encore du temps de Vitruve , mais auquel on avoit dĂ©jĂ  commencĂ© Ă  remĂ©dier en plaçant ce triglyphe , comme les autres, perpendiculairement au-dessus du milieu de la colonne , et ajoutant au-delĂ  une partie de mĂ©tope qui terminoit la frise , comme on le voit un peu plus loin dans ce chapitre. Cette correction a fait disparaĂźtre sans doute le plus grand des inconvĂ©niens , qui dĂ©goutoit les anciens d’employer l’ordre dorique pour les temples. Antoine Labacco , et autres , nous ont conservĂ© des dessins de temples doriques avec les triglyphes placĂ©s sur les coins 5 dans ces dessins, la mĂ©tope voisine de ces triglyphes n’est pas Ă©largie, mais l’entre-colonnemcnt est rĂ©trĂ©ci. Parmi les temples de Pestum qui se sont conservĂ©s prĂšsqu’in- tacts jusqu’à prĂ©sent , on remarque'des triglyphes qui sont Ă©galement placĂ©s Ă  l’extrĂ©mitĂ© des angles. Je ne puis comprendre pourquoi, sans aucune nĂ©cessitĂ© , les anciens éßargissoient ainsi la derniĂšre mĂ©tope pour placer , Ă  l’extrĂ©mitĂ© de l’angle , le triglyphe , tandis que donnant Ă  la mĂ©tope sa vraie grandeur , le triglyphe serait naturellement tombĂ© au milieu de la colonne et pourquoi d’un autre cĂŽtĂ© rĂ©trĂ©cir le dernier entre-colonnement pour placer le triglyphe Ă  l’extrĂ©mitĂ© de l’angle, tandis qu’il serait prĂ©cisĂ©ment tombĂ© au milieu de la colonne , si l’entre-colonnement avoit eu sa juste grandeur. Le passage oĂč Vitruve veut qu’on rĂ©trĂ©cisse le dernier entre-colonnement de la largeur d’un demi triglyphe , ne se trouve pas de meme dans les anciennes Ă©ditions ; au lieu de latitudine , on lit altitudine } ce qui est une faute manifeste de copiste , comme l’a remarquĂ© Philander et tous les autres. Nous n’avons fait aucune difficultĂ© de substituer comme eux le mot latitudine / on ne peut douter que celte correction ne soit juste , parce qu’un peu plus haut, en parlant de ceux qui Ă©largissent la derniĂšre mĂ©tope , il dit triglyphi dimidia latitudine ; Ă  prĂ©sent il dit que d autres , au lieu de toucher Ă  la mĂ©tope, rĂ©trĂ©cissent l’entre - colonnemenl ; il est tout naturel que l’espace de ce rĂ©trĂ©cissement doit ĂȘtre Ă©gal au premier , c’est-Ă -dire dimidia triglyphi latitudine. Il faut observer , toutes les fois qu’on trouve dans ce chapitre dimidia ou semitriglypho > qu’on ne doit pas entendre exactement la moitiĂ© d’un triglyphe , mais un Ă  peu prĂšs ; parce que , dans le fait, il manque quelque chose Ă  celte grandeur , pour qu’elle soit prĂ©cisĂ©ment Ă©gale Ă  ua LIVRE IV, C h Ă  p. m. 1S7 demi-triglyphe , ce qui vient de l’attĂ©nuation des colonnes , qui varie Ă  proportion de leur hauteur , comme il le dit dans le 2 . me chapitre du III. rae livre. Viiruve se sert donc ici de la quantitĂ© la plus approximative pour en indiquer une qui est incertaine. Nous avons dit, d’aprĂšs l’édition de Philander , que la face des temples doriques , s’ils Ă©toient tĂ©trastyles, c’est-Ă -dire Ă  quatre colonnes, devoit ĂȘtre divisĂ©e en XXVII parties , ou contenir XXVII modules. Dans les Ă©ditions antĂ©rieures Ă  la sienne , et dans les manuscrits qu’il dit avoir vus , il y en avoit XXVIII ; ce qui ne peut ĂȘtre qu’une faute de copiste , comme le prouve le calcul suivant ; qui fait voir clairement que la chose ne peut ĂȘtre autrement que nous ne l’avons dit. L’entre-co- lonnement du temple dont parle ici Yilruve est le diastyle. L’entre-colonnement du milieu a trois triglyphes et quatre mĂ©topes de chaque cĂŽtĂ© ; il y a deux entre-colonnemens qui ont chacun deux triglyphes et trois mĂ©topes ; par-consĂ©quent il y a en tout onze triglyphes, dix mĂ©topes et deux demi-mĂ©topes; ceux-ci terminent la frise dans les angles, ce qui fait en tout vingt-sept modules. Yoyez la 4- me hg. de la XI. me planche. tes parties de mĂ©topes qui terminent les deux extrĂ©mitĂ©s de la frise, loin d’ĂȘtre des demi-mĂ©topes, comme les nomme Yilruve , n’ont pas mĂȘme un demi-module de large , Ă  cause de la diminution des colonnes , comme nous l’avons dĂ©jĂ  observĂ©. Les mĂȘmes Ă©ditions et manuscrits en parlant des temples doriques hexaslyles, disent qu’il faut diviser leur face en XLIY parties , au lieu de XLII que nous avons mises depuis la correction de Philander et des autres auteurs. Il est encore aisĂ© de prouver par le calcul , combien celle correction est nĂ©cessaire, et que dans le nombre XL11 se trouve exactement le compte de tous les modules contenus dans la largeur des triglyphes et des mĂ©topes, comme on peut le voir dans la mĂȘme figure. Ce qui prouve encore en faveur de notre opinion , c’est que Perrault nous apprend qu’il avoit , entre les mains, un manuscrit oĂč. ces deux nombres Ă©toient indiquĂ©s conformĂ©ment Ă  notre correction c’est- Ă -dire par XXYII et XLII. Comme nous l’avons dĂ©jĂ  remarquĂ© dans le 2 .e Chap. du I. er Liv., la proportion des Ă©difices dĂ©pend de la correspondance de mesure que les parties qui le composent ont entr’elles ; elle se connaĂźt et se rĂšgle par le module. Le module est une grandeur qu’on prend sur l’un ou l’autre des membres, ordinairement le diamĂštre ou le demi-diamĂštre de la colonne ; jusqu’à prĂ©sent Yitruve s’est servi du diamĂštre ; mais iĂŻ se sert ici pour l’ordre dorique du demi-diamĂštre , et nous venons de voir comment le module d’un triglyphe fait juger de la grandeur d’un temple ainsi qu’il l’a dit dans le 2 . e Chap. du I. er Liv. Perrault a cru que les copistes avoient^fait une faute dans l’endroit oĂč le texte dĂźt que la largeur du chapiteau dorique doit ĂȘtre de deux modules et une sixiĂšme partie, latitudo duorum et modulĂ© sextƓ partis. Il a cru que , dans le manuscrit dont on s’étoit servi pour imprimer la premiĂšre fois 1 Yilruve , aprĂšs le mot moduli , il y avoit une S avec un point, qui signifioit, suivant lui , semĂźssis f et,qu’on avoit mal-Ă -propos interprĂ©tĂ© par sextƓ partis. Le peu de largeur qu’on donne ici au chapiteau lui a sans doute fait supposer cette erreur ; mais il est plus naturel de croire que les propor- 58 L ’ A 11 C II ITEC T U 1\ E DE V I T R U Y E. {ions qu’on employa d’abord du temps de Yitruve, diffĂ©roient de celles que les Romains employĂšrent ensuite , lorsqu’ils furent plus perfectionnĂ©s dans les arts. Je ne crois donc pas que le texte soit altĂ©rĂ© ici. Dans la i. re fig. de la XL C planche , on voit un chapiteau qui n’a que deux modules et une sixiĂšme partie de large; on ne-peut pas dire cependant que cette grandeur soit si insuffisante, et fasse mauvais effet Ă  la vue. La hauteur du chapiteau se divise en trois parties ; la partie supĂ©rieure est pour l’abaque et sa cymaise ; celle du milieu pour l’ove et les anneleis. On appelle armelets , annulis y ces petites moulures , qui sont ordinairement trois filets qui ressemblent Ă  des anneaux , et nous voyons cependant des monumens antiques et des Ă©difices modernes , oĂč , au lieu de ces trois annelets , on a placĂ© une gorge et un listel ou autres moulures semblables. Triglyphe est un mot grec composĂ© de rpĂżig trois et de y A ĂŽ et combien elles conviennent aux. diffĂ©rons temples , dont il a parlĂ© , ce qui prouve Ă©videmment que les Cella , dont il est ici question , sont celles des temples dont il a parlĂ© dans le livre prĂ©cĂ©dent. ,Par le mot latitudo , j’ai entendu la largeur de tout le temple et non celle de la Cella > comme d’autres l’avoient interprĂ©tĂ©; la phrase prouve assez que c’est de cette premiĂšre largeur que Vitruve a voulu parler et non de l’autre car en dessinant les plans de ces temples avec leur Cella, il faut naturellement que la Cella seule soit un quart plus longue que la largeur de tout le temple. Nous avons vu au commencement de ce chapitre que la longueur du temple doit ĂȘtre double de sa largeur tellement qu’ayant assignĂ© Ă  la Cella une longueur Ă©gale Ă  cette largeur , et un quart en sus , il suit qu’elle n’occupe que cinq huitiĂšmes de la longueur du temple , et qu’il en reste trois en sus ces trois parties sont pour le pronaos ou vestibule , ou comme d’autres ont dit, pour traduire plus littĂ©ralement le mot pronaos > pour l’avant-temple. Beaucoup de temples n’avoient qu’un seul vestibule qui Ă©toit toujours par devant, d’autres en avoient deux, c’est-Ă -dire un par devant et un autre par derriĂšre ; par-consĂ©quent ils avoient aussi alors deux portes. 11 est clair , d’aprĂšs cela, que ne pouvant rien ĂŽter ni ajouter, tant Ă  la longueur du temple qu’a celle de la Cella j lorsqu’il n’y avoil qu’un vestibule , ce vestibule Ă©toit le double plus long que ceux des temples qui en avoient deux ; parce que le mĂȘme espace restoit toujours , on l’employoit tout entier par un seul vestibule et dans l’autre cas on le divisoit en deux , une moitiĂ© Ă©toit pour le vestibule de devant et l’autre pour celui de derriĂšre. Nous avons observĂ© dans nos remarques sur le livre prĂ©cĂ©dent, que dans les sept genres de temples dont parle Vitruve , trois seulement n’étoient pas entourĂ©s de colonnes. Ces trois genres sont le temple Ă  antes , le prostyle , et l’amphiprostyle ; il ne peut ĂȘtre ici question de ces trois derniers genres dont il a dĂ©jĂ  parlĂ© ; il n’est pas question , non plus d’un genre nouveau. Tout prouve donc qu’il s’agit uniquement des Cella proprement dites , c’est-Ă -dire de la partie fermĂ©e par une muraille qui est au milieu des temples entourĂ©s de colonnes , dĂ©crits dans le troisiĂšme livre. Ce qui a sans doute induit Perrault en erreur, c’est que Vitruve se sert de l’expression cĂ©dĂ©s , lorsqu’il dit que quand celte partie a plus de 20 pieds de large , il faut placer deux colonnes entre les antes. Au lieu à’Ɠdes il auroit dĂ» dire Cella. Mais rien n’empĂȘche qu’on n’emploie l’expression d’Ɠdes en parlant de la Cella. Nous avons vu qu’on nommoit les temples Ɠcles sacrƓ lorsqu’ils avoient Ă©tĂ© consacrĂ©s. La Cella Ă©toit vraiment la principale .partie du temple , parce que c’étoit lĂ  oĂč se trouvoient les statues des dieux ; le reste comme les vestibules et les galeries n’étoient que des accessoires. 4 C’est donc de la Cella qu’il est ici question, et non d’une espĂšce particuliĂšre de temple comme l’a cru Perrault. Nous voyons clairement par une phrase du 2 . me chapitre du livre, que Pteroma signifie tout le circuit des portiques qui entourent le temple puisqu’il y est employĂ© pour dĂ©signer les genres des temples entourĂ©s de colonnes tels que le pĂ©riptĂšre , le diptĂšre et le pseudodiptĂšre ; et si Ion veut rĂ©flĂ©chir davantage sur les termes de cette phrase ainsi conçue Pteromatos enim ratio 21 . i64 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. et columnarum circum oedem dispositio , etc. On en sera encore convaincu davantage, puisqu e la seconde pĂ©riode , columnarum circa oedem dispositio , explique la premiĂšre pteromatos ratio. MalgrĂ© tout cela , Perrault, qui s’est trompĂ© dĂšs le commencement de ce chapitre , parce qu’il n ’ a pas compris qu’il s’agissoit des Cella des temples dĂ©crits dans le III. me livre , a cru qu’il Ă©toit ici question d’une espĂšce de temple particuliĂšre qui n’etoit pas entoure de portiques , mais qui avoit un vestibule en avant, formĂ© par deux murailles terminĂ©es par des antes , entre lesquelles se trouvoient les deux colonnes dont parle Vitruve. Comme il n’a point entoure cette nouvelle espĂšce de temple de portiques, et qu’il voit cependant que Vitruve se sert ici de 1 expression pteroma , qui signifie , comme nous venons de le voir , le portique pour se tirer d affaire, il prĂ©tend que le mot pteroma signifie les murailles qui ferment les cĂŽtĂ©s du proizaos , et cela en dĂ©pit de Vitruve qui , dans le 7.ℱ chapitre de ce livre, appelle ces murs humeri ; il ajoute ensuite, qu’il ne peut comprendre comment , dans un pareil temple , il peut ĂȘtre question de portique ‱ il comprend encore moins comment des colonnes peuvent sĂ©parer le vestibule du portique et pour sortir d’embarras , il rend le mot disjungere , par le mot français fermer parce que , dit-il , ce qui sĂ©pare 5 un espace d’avec un autre , peut ĂȘtre dit , le fermer et qu’un mur ferme la cour d’ane maison > quand il la sĂ©pare d’avec la rue. Ainsi , dit-il , les colonnes sĂ©parent ou ferment le vestibule » avec le dehors du temple ; mais les mots dehors du temple , ajoute-t-il , ne sont pas dans le texte. 11 n’auroil pas trouvĂ© toutes ces difficultĂ©s, s’il avoit appliquĂ©, comme cela devoit ĂȘtre, les paroles du texte de Vitruve dans ce chapitre, aux Cella des temples, entourĂ©s de colonnes dont il a donnĂ© la description dans le III. e Liv. Ce qui prouve encore en faveur de cette assertion , c’est que Vitruve indique dans ce chapitre les proportions de la longueur de la Cella , mais qu’il ne dit rien de leur largeur, ce qui Ă©toit inutile, parce qu’elle occupe l’espace qui est entre les deux ailes des colonnes ou galeries latĂ©rales, largeur qu’il a dĂ©terminĂ©e dans le 2. e Ch. du Liv. III. 11 le dit expressĂ©ment en parlant du pseudodiptĂšre a Les murailles, du devant de la Cella , doivent rĂ©pondre , n dit-il, » » aux quatre colonnes du milieu des frontispices , tant devant que derriĂšre, n Les ailes ou galeries occupent donc entiĂšrement les deux cĂŽtĂ©s latĂ©raux du temple ; mais cette galerie ayant une Ă©gale largeur par-tout , et la Cella n’ayant de longueur que cinq huitiĂšmes de la longueur de tout le temple , il suit qu’il reste un espace quelconque entre cette galerie et l’entrĂ©e de la Cella , qui est plus ou moins grand , suivant le genre et l’espĂšce du temple ; plus la galerie sera large , moins il restera de ces trois huitiĂšmes. Par exemple il en restera moins , Ă  proportion , dans un temple simple pĂ©riptĂšre, dont l’entre-colonnement sera de l’espĂšce eustyle je dis Ă  proportion, parcs que la longueur du temple Ă©tant le double de sa largeur , plus les entre-colonnemens seront grands, et plus les galeries seront larges , plus le temple sera grand ainsi que la Cella. Mais il n’en est pas moins vrai que , dans le temple pĂ©riptĂšre dont je viens de parler , l’espace sera plus grand Ă  proportion entre la Cella et la galerie de devant le temple que dans un temple diptĂšre. En un mot, dans tous les temples, il reste toujours un espace entre la galerie et le devant de la Cella , pour complĂ©ter les trois huitiĂšmes dont je viens de parler ; comme on peut le voir dans tous les plans de temples entourĂ©s de colonnes que j’ai fait graver. C’est dans cet espace que se trouve le vestibule ou pronaos dont parle ici Vitruve. Si ce vestibule a plus de 20 pieds de large, Ieiendue Ă©tant trop grande pour faire 1 architrave dune seule piĂšce, il la; fait soutenir par deux colonnes qui h divisent en trois. Les colonnes FF qui se trouvent entre les pilastres DD du temple Ă  antes, fig. 1 de la planche V , peuvent en donner une idĂ©e. Ce sont ces deux derniĂšres colonnes dont nous venons de parler , qui s’élevoient , comme on le voit, entre le pronaos et la galerie. Sur la mĂȘme ligne que le centre de ces colonnes , rĂ©gnoit une balustrade de marbre ou de bois qui sĂ©paroit ces 'deux parties ; nous l’avons reprĂ©sentĂ©e dans la 2. e fig. de la YI. e planche ; elles y sont indiquĂ©es GG. DD. Yitruve , toujours constant dans ses principes, saisit encore ici l’occasion de faire remarquer Ă  l’architecte , au sujet des colonnes qui sont enfoncĂ©es dans un lieu obscur, que la perspective altĂšre souvent les plus belles proportions ; il a fait une remarque dans le mĂȘme genre , dans le 2 . 6 Chap. du III. livre. Vitruve termine ce chapitre en parlant des espĂšces de maçonnerie que l’on emplovoit dans la construction des murs des Cella. Perrault a trĂšs-mal compris deux endroits de ce passage. Le premier est celui oĂč Yitruve s’exprime en ces termes media coagmenta medii lapides continentes , etc. Il n’est pas difficile de juger , dit Perrault, que Yitruve a mis medii et medios , pour mediocria et mĂ©diocres et moi je ne puis comprendre comment Perrault a pu imaginer cela , tandis qu’en laissant Ă  ce mot sa signification naturelle qui veut dire le milieu , la phrase est claire comme le jourj le milieu de la pierre supĂ©rieure doit ĂȘtre placĂ©e sur l’assemblage des pierres du rang de dessous, tellement que le joint montant de ces deux pierres soit immĂ©diatement Ă  plomb sous le milieu de la premiĂšre , et le joint montant des deux pierres supĂ©rieures perpendiculairement au-dessus. Toutes les pierres doivent ĂȘtre ainsi posĂ©es alternativement dans toute l’étendue du parement de la muraille. C’est ainsi que Pline parle de cette maçonnerie Liv. XXXYI, Ch. 22 , et son traducteur a rendu le passage tout comme nous. Dans le 3 . Chap. du 2. e Liv. on trouve une expression semblable medii lateres supra coagmenta collocati. Pourquoi Perrault dans cet endroit n’a-t-il pas aussi traduit medii par le mot mĂ©diocres ? Le second est au sujet du mot expressio, qui est sans doute tirĂ© du mot exprimerez deux termes qui appartiennent proprement aux liquides. Dans le q X Chap. du YIII. e Liv. on lit ces mots expri- mantur aquƓ. J’ai donc cru qu ’expressiones signifioit ici ces filets de chaux qui paroissent entre les joints montants et ceux des assises , le mortier comprimĂ© entre les pierres formant naturellement des saillies , d’autant plus que le texte dit circum coagmenta , qui sont les jointures verticales , et cubilia , les jointures horizontales. Si ces filets sont proprement tirĂ©s et bien disposĂ©s , on peut dire avec raison qu’ils rendent l’aspect de l’édifice tracĂ© d’une maniĂšre plus agrĂ©able. Graphicoteram clelec- tationem graphicotera est tirĂ© du mot grec ypatpstv Ă©crire , dessiner avec des lignes ou le simple trait, autrement dĂ©linĂ©ation. On pourroit donc appliquer l’épithĂšte clelineata , Ă  un bĂątiment dont toutes les pierres auroient offert cet arrangement. Pline qui parle de cette maniĂšre de bĂątir , dans le 22. c Chap. du XXXYI. livre , nous apprend que dans un temple de Cizicum , les joints des pierres Ă©toient couverts de listels d’or. Perrault a cru que le mot expressiones signifioit des pierres taillĂ©es eu bossages Barbaro , avant lui, avoit cru la mĂȘme chose ; mais comme ces paroles du texte circum cubilia ex coagmenta eminentes expressiones, sont absolument opposĂ©es Ă  cette interprĂ©tation, il a prĂ©fĂ©rĂ©, suivant son usage , le mutiler et le bouleverser, pour le forcer de signifier ce qu’il vouloir , que de chercher Ă  dĂ©couvrir le vrai sens ; ainsi il prĂ©tend qu’il faut lire circum coagmenta et cubilia depressa. i66 L ’ A R C H I T E CT U II E DE Y I T R TJ Y E. CHAPITRE V. Quelle position il faut donner aux temples. I l faut, autant qu’on peut, placer les temples dans des lieux oĂč la statue du dieu qui s’y trouve , regarde le couchant, afin que ceux qui vont sacrifier , soient tournĂ©s vers l’orient et la statue qui est dans le temple ; et qu’ils puissent, en adressant leurs voeux et leurs priĂšres , voir en mĂȘme-temps le temple et la partie du ciel qui est au levant ; tellement qu’au lever du soleil, les statues paroissent avec lui et semblent regarder ceux qui les prient et leur offrent des sacrifices. En un mot, il faut toujours que les autels soient tournĂ©s vers le levant. Si nĂ©anmoins on ne peut le faire commodĂ©ment, alors on leur donne une position d’oĂč l’on puisse voir une grande partie de la ville ; ou si le temple est prĂšs d’un fleuve , comme en Egypte , oĂč ils sont bĂątis sur le bord du ISiil, il faut qu’il regarde vers la rive du fleuve. On observe la mĂȘme chose , si on le bĂątit prĂšs clĂ©s grands chemins , car il doit ĂȘtre placĂ© de maniĂšre que les passans puisse le contempler et le saluer en face. C H A P I T R E Y I. Proportions des portes des Temples . _/V van T de faire les portes d’un temple et leurs chambranles , il faut d’abord dĂ©cider de quel genre on veut les avoir car il existe trois sortes de portes , qui sont la dorique , bionique et l’atticurge. * La porte dorique a les proportions suivantes la corniche supĂ©rieure qui est au-dessus de la partie du chambranle qui traverse le haut de la porte , doit ĂȘtre d’alignement avec le haut des chapiteaux des colonnes qui sont au frontispice. * Planche XI„ me fig. 5, LI,VRE IV, € h A p. vi. 1G7 Pour avoir la grandeur du vide de la porte , il faut partager la hauteur du temple , depuis le pave' jusqu’au plafond , en trois parties et demie ; on donne deux de ces parties Ă  la hauteur de l’ouverture de la porte ; on divise ensuite cette hauteur en douze parties pour en donner cinq et demie Ă  la largeur du bas de l’ouverture ; elle doit se rĂ©trĂ©cir par en haut, et voilĂ  la rĂšgle qu’on doit suivre Ă  cet Ă©gard. Quand l’ouverture, depuis le bas jusqu’au haut, a moins de seize pieds, on doit rĂ©trĂ©cir de la troisiĂšme partie de la largeur du chambranle ; de la quatriĂšme, quand elle est de seize Ă  vingt-cinq; de la huitiĂšme, quand elle est de vingt-cinq Ă  trente; et ainsi plus elle sera grande , plus les jambages doivent approcher de la ligne Ă  plomb. La largeur de lĂ  face du chambranle doit avoir la douziĂšme partie de la hauteur de l’ouverture de la porte; on doit Ă©trĂ©cie ce chambranle , par le haut!, de la quatorziĂšme partie de sa largeur. Le chambranle qui traverse sera de la mĂȘme largeur que le haut des jambages il faut faire la cymaise de la sixiĂšme partie du chambranle , et sa saillie doit ĂȘtre Ă©gale Ă  sa hauteur. Cette cymaise doit ĂȘtre lesbienne avec un astragale. Sur la cymaise, qui est Ă  la partie du chambranle qui traverse, il faut placer I hyperlhyron qui doit avoir la mĂȘme largeur que le chambranle qui traverse ; et Ă  cet hyper- thyron, il faut faire une cymaise dorique avec un astragale lesbien, qui aient l’un et l’autre peu de saillie ; enfin il faut poser la corniche plate avec sa cymaise , qui aura autant de saillie que le chambranle d’en haut a de largeur ; celui-ci doit avancer ses extrĂ©mitĂ©s Ă  droite et Ă  gauche , autant que les pieds du chambranle ; et les cymaises doivent se joindre exactement. Quand on veut faire des portes ioniques, on observe, pour la hauteur du vide, les mĂȘmes proportions que pour les portes doriques ; mais pour en avoir la largeur il faut diviser la hauteur en deux parties et demie, et en donner une et demie Ă  la largeur d’en bas ; le rĂ©trĂ©cissement du haut doit se faire comme aux portes doriques la largeur du chambranle sera de la quatorziĂšme partie de la hauteur de l’ouverture de la porte ; la cymaise du chambranle sera de la sixiĂšme partie de sa largeur; le reste de cette largeur Ă©tant divisĂ© en douze parties, 011 en donnera trois Ă  la premiĂšre face y comprenant son astragale ; quatre Ă  la seconde, et cinq Ă  la troisiĂšme ces faces, avec leur astragale, rĂ©gneront aux trois cĂŽtĂ©s du chambranle. L’hyper- tbyron aura les mĂȘmes proportions que celui de la porte dorique. Les consoles appelĂ©es protyrides 1 seront taillĂ©es Ă  droite et Ă  gauche, et descendront jusqu’au bas de la partie du chambranle qui traverse, sans comprendre le feuillage quelles ont au bas. Leur largeur, par le haut, doit avoir la troisiĂšme partie de celle du cham- I tanche XIl. ffie fig. 6. 1 C’est-Ă -dire., les devants de la porte. K/W *68 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. branle , et par le bas , il faut qu elles soient plus Ă©troites d une quatriĂšme partie que par le haut. * Voici prĂ©sentement pour la menuiserie des portes. Il faut que les montans [ 6 ] oĂč sont les gonds, soient forges de la douziĂšme partie de la largeur de tout le vide de la porte ; que les panneaux [8], qui sont entre les montans, aient chacun trois de ces douze parties. On espace les travers de maniĂšre que, divisant toute la hauteur en cinq parties Ă©gales , deux de ces parties seront au-dessus , et trois par-dessous le travers du milieu [ 9 ]. Il y aura d’autres travers tant dans la partie d’en haut que dans celle d’en bas [99]. Le travers du milieu doit ĂȘtre aussi large que le tiers des panneaux [8] ; et sa cymaise, que la sixiĂšme partie de sa largeur. La largeur de chaque montant du milieu ne doit pas surpasser la moitiĂ© 1 de celle des travers. Les feuillures des panneaux [7] auront de large la moitiĂ© de la largeur de ces panneaux, et une sixiĂšme partie en sus enfin les montans qui font le second assemblage 2} contre les chambranles, auront la moitiĂ© du traversant. Quand la porte n’a qu’un battant, on ne change rien Ă  sa hauteur , . mais ou ajoute Ă  sa largeur celle de l’autre battant si c’est au contraire une porte brisĂ©e, qui ait quatre parties, c’est la hauteur qui devient plus grande Ă  proportion de la largeur de ces parties. ** Les portes atiiques se font de la mĂȘme maniĂšre que les doriques; la seule diffĂ©rence consiste dans des plates-bandes qu’on fait aux chambranles sous les cymaises ; voici leur mesure. Hors la cymaise 3, on divise le. reste du chambranle en sept parties ; on en donne deux Ă  la plate-bande. Ces portes ne sont point non plus ornĂ©es de marqueteries; elles ne sont point aussi Ă  deux battans, n’en ayant qu’un qui s’ouvre en dehors. * Planche XI. mo fig. 5. Planche Xlt. 1 ” 6 fig. 6 , et Planche XIIÏ. fig. 6. i Nous avons vu que les montans oĂč sont les gonds, acapi cardinales , doivent occuper la douziĂšme partie de la largeur du vide de la porte. Nous avons encore vu que le travers du milieu devoit ĂȘtre aussi large que ces montans, puisque la largeur de ce travers est' Ă©gale au tiers de celle des panneaux qui contient trois de ces douziĂšmes. Vitruve assigne ici Ă  chaque montant du milieu une largeur ' Ă©gale Ă  celle de la moitiĂ© du travers qui a la mĂȘme largeur que les montans oĂč sont les gonds. D’oĂč il rĂ©sulte que les battans Ă©tant fermĂ©s, ces deux mon- % tans joints ensemble paroĂźtront de la mĂȘme largeur qu’un des montans oĂč sont les gonds. 2 Les portes des temples Ă©toient formĂ©es d’un double assemblage , comme je le ferai voir ; voilĂ  pourquoi il y avoit ces autres montans , dont il indique la largeur , qui formoient avec l’épaisseur des autres morx- tans celle de toute la porte. ** Planche e fig. 6. 3 Quoiqu’il ne le dise pas , il est clair que cette cymaise doit occuper la sixiĂšme partie de la largeur du chambranle. AprĂšs LIVRE IV, Chap/vi. t% AprĂšs avoir expliquĂ© les maniĂšres de bĂątir les temples , selon 1 ordre dorique , ionique et corinthien , suivant les rĂšgles que j’ai trouvĂ©es les plus certaines, je vais traiter de ce qui appartient au toscan , et comme il le faut ordonner. REMARQUES . Les anciens employoient trois sortes de portes pour les temples. Les deux premiĂšres , la porte dorique et la porte ionique correspondoient aux deux ordres de colonnes grecques du mĂȘme nom. On a dit que la porte attique correspondoit avec l’ordre corinthien , ce qui n’est pas absolument exact. L’ordre corinthien ne. forme proprement pas un ordre particulier, puisqu’il ne diffĂšre de l’ordre ionique que par le chapiteau, comme nous l’avons vu dans le i. er Chap. de ce livre. On lui a donnĂ© le nom de chapiteau corinthien , parce qu’il a Ă©tĂ© inventĂ© Ă  Corinthe , comme on a nommĂ© base attique celle qui a Ă©tĂ© inventĂ©e Ă  AthĂšnes. On aura de mĂȘme nommĂ© cette porte, porte attique parce qu’elle a Ă©tĂ© inventĂ©e dans celte ville. Il n’existoit donc que deux ordres de colonnes , et ils avoient chacun leur porte ; c’étoit le dorique et l’ionique mais l’on employoit quelquefois l’ordre ionique ave c le chapiteau corinthien , et d’autres fois avec le chapiteau ionique ; quelquefois avec la base attique et d’autres fois avec la base ionique. ”11 en Ă©toit de mĂȘme pour la porte ; on plaçoit quelquefois dans cet ordre la porte attique et d’autres fois la porte ionique. De la porte Dorique. Les portes doriques, un peu plus Ă©troites par le haut que par le bas , telles que les dĂ©crit Vitruve , sont aussi anciennes que l’ordre mĂȘme. La fermeture des portes dans quelques temples des plus anciens temps, tels que ceux de Girgenti en Sicile , et de Pesium dans le royaume de Naples , a Ă©tĂ© enlevĂ©e j mais on ne peut douter qu’elles n’étoient de ce genre , puisque dans un autre petit temple de Girgenti , auquel les habitans ont donnĂ© le nom de chapelle de Phalaris , et qui est d’une antiquitĂ© aussi haute que les premiers, la porte a cette espĂšce de fermeture. Je crois mĂȘme que cette espĂšce de porte est plus ancienne que l’ordre dorique des plus anciens temps, puisqu’elle Ă©toit en usage chez les Egyptiens , comme on peut s’en convaincre par la porte qu’on voit sur la table Isiaque et sur plusieurs pierres Ă©gyptiennes gravĂ©es. Pococlce , Ă  cause de leur forme , les appelle portes pyramidales 1. La soliditĂ© Ă©toit le motif qui leur faisoit donner cette forme ; car le poids et le fardeau de l’édifice ne portent pas seulement sur l’architrave de la porte , mais encore sur les deux montans des cĂŽtĂ©s placĂ©s de biais. Quoique cette espĂšce de* porte paroisse avoir Ă©tĂ© , pendant trĂšs long-temps, particuliĂšre aux temples doriques , comme on le diroit en voyant la porte du temple de Cori , faite de celte maniĂšre j quoique ce temple ne soit pas fort ancien , on les a aussi employĂ©es par la suite aux temples corinthiens , tel est celui de Tivoli. Dans des temps plus modernes , on a employĂ© ces portes Ă  des ouvrages de fortification et aux chĂąteaux dont les murs vont en talus. Ce rĂ©trĂ©cissement toutefois n est pas bien considĂ©rable ; il ne doit pas passer le tiers de la largeur du chambranle , et n’a 0 Descript. of ihe Tast. t. i, p. 107. 22 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. 170 jamais Ă©tĂ© Ă©gal aux deux tiers de cette largeur, comme Perrault l’a reprĂ©sentĂ© dans toutes les portes de ses planches , soit parce qu’il a mal compris le texte , soit parce qu’il l’a mal expliquĂ© Ă  soa dessinateur. Il les a rĂ©trĂ©cis d’un tiers de chaque cĂŽtĂ© , ce qui fait que toutes les portes doriques de ces planches , ont , on ne peut pas plus mauvaise grĂące. Dans bien d’autres points elles n e sont pas non plus tracĂ©es conformĂ©ment au texte. J’ai choisi pour les miennes, les dessins de Galiani qui a suivi exactement le texte et les y a rendus trĂšs- conformes. La hauteur de l’ouverture de la porte dorique se prenoit en partageant en trois parties et demie, l’espace qui se trouve entre le pavĂ© et le plafond du portique. On donnoit deux de ces parties Ă  la hauteur de l’ouverture de la porte , c’est-Ă -dire qu’elle avoil quatre septiĂšmes de toute la hauteur jusqu’au plafond. Le plafond de l’intĂ©rieur du portique Ă©toit de niveau avec celui formĂ© par la saillie du larmier, au-dessus des mĂ©topes et des triglyphes , dont on a parle dans le 3. me Chap. de ce livre. Vitruve lui donne le mĂȘme nom qu’au premier , il l’appelle lacunaria. Ce plafond n’etoit pas toujours plat j il formoit quelquefois une voĂ»te qui s’élevoit au-dessus du niveau des plafonds du larmier. Comme on prenoit alors cette hauteur qui rĂšgle toutes les proportions de la porte depuis le pavĂ© jusqu’au faĂźte de la voĂ»te , les proportions des portes doriques varioient entre deux temples d’une mĂȘme grandeur , quand le plafond du vestibule de l’une Ă©toit plat , et l’autre en voĂ»te ; telle est la porte du PanthĂ©on Ă  Rome aujourd’hui la Rotonde ; elle a Ă©tĂ© construite suivant les rĂšgles rapportĂ©es dans ce chapitre ; elle nous en offre toutes les proportions rĂ©glĂ©es par la hauteur prise depuis le pavĂ© jusqu’au dessous du faĂźte de la voĂ»te du vestibule. La hauteur de l’ouverture de la porte dorique n’occupoit que quatre septiĂšmes de la hauteur jusqu’au plafond ; il restoit trois septiĂšmes dont les deux tiers Ă -peu-prĂšs Ă©toient occupĂ©s par le dessus du chambranle., par l’hyperthyron , la cymaise plate et la cymaise supĂ©rieure $ ces parties formoient ensemble ce que nous appelons un dessus de porte 5 celle qui Ă©toit la plus Ă©levĂ©e , que Vitruve nomme la corniche supĂ©rieure , corona summa , devoit ĂȘtre de niveau avec les chapiteaux des colonnes du frontispice. La distance de cette corniche avec le chambranle du haut de la porte paroit exorbitante. On ne peut cependant placer celte corniche autrement que d’alignement avec les chapiteaux premiĂšrement , parce que le texte dit clairement ici Ɠque librata sit capitula summis ; secondement , parce que la hauteur de l’hyperthyron de la corniche supĂ©rieure et des autres moulures sont indiquĂ©es par Vitruve , Ă  l’exception d’une seule qu’il nomme corona plana, corniche pleine ou unie. Cette corniche doit donc occuper elle seule l’espace qui n’est pas occupĂ© par les autres dans la hauteur qui est au-dessus de la porte , ainsi elle offre une grande superficie plate Ă  laquelle la nouvelle Ă©pithĂšte de plana que Vitruve emploie celle seule fois en parlant de cymaise , convient Ă  merveille , comme on peut le voir dans la fig. 5 de la XI. me planche. Vitruve veut que la saillie de toutes les moulures soit Ă©gale Ă  leur hauteur j mais il dit ici que celle de la cymaise plate doit ĂȘtre Ă©gale Ă  la hauteur du chambranle du haut de la porte. 11 donne celte autre dimension a la saillie de celle corniche , parce qu’il seroit impossible de la faire Ă©gale Ă  sa hauteur qui est trop considĂ©rable. Si l’on veut savoir pourquoi cette cymaise est si grande, et pourquoi tout ce dessus de port occupe un si grand espace dans la hauteur de l’édifice , il faut se reporter au temps de la plus ancienne architecture , lorsque la colonne dorique n’aYoit pas cinq diamĂštres de haut , comme celles des LIVRE IV, Cii a p. vi. i 7 i temples de Pestum. La hauteur de l'ouverture de la porte occupoit prohahiement alors , comme du temps de Vitruve , quatre septiĂšmes de la hauteur du temple , prise depuis le pavĂ© jusqu’au plafond 5 mais dans ces temples-lĂ  , l’architrave et la frise , c’est-Ă -dire la partie de l’entablement depuis les chapiteaux des colonnes jusqu’au plafond ' lacunaria occupoit deux septiĂšmes de cette hauteur , tellement que tout le dessus de porte n’en occupoit alors qu’un septiĂšme. On a donnĂ© par la suite sept diamĂštres et demi de hauteur Ă  la colonne dorique , et on n’a rien ajoutĂ© Ă  la hauteur de l’architrave ni de la frise,, de sorte que ces deux parties n’ont ensemble qu’environ un diamĂštre et demi de haut , comme elles avoient dans les plus anciens temps. Avec cette diffĂ©rence qu’anciennement , la hauteur de la frise et de l’architrave occupoit deux septiĂšmes de la hauteur depuis le pavĂ© jusqu’au plafond , et qu’à prĂ©sent ces parties n’en occupent plus qu’un et peu de chose en sus , d’oĂč il rĂ©sulte qu’il reste un espace bien plus considĂ©rable depuis le haut de la porte jusqu’à la cymaise supĂ©rieure , qui doit ĂȘtre de niveau avec les chapiteaux des colonnes ; et au lieu d’occuper un septiĂšme de la hauteur depuis le pavĂ© jusqu’au plafond, cet Ăšspsrce en occupe prĂ©sentement prĂšs de deux. La corniche pleine , corona plana > devant occuper tout l’espace qui se trouve depuis la. cymaise de l’hyperthyron jusqu’à la corniche SupĂ©rieure qui est restĂ©e de niveau avec le haut des chapiteaux des colonnes, s’est trouvĂ©e par-lĂ  considĂ©rablement augmentĂ©e. Le dessus de la porte du petit temple de Girgenti qui est de la plus haute antiquitĂ© , offre toutes les proportions que je viens de dĂ©crire 3 la cymaise supĂ©rieure y est d’alignement avec les chapiteaux, mais la cymaise plate n’y est guĂšre aussi forte que dans les portes doriques dĂ©crites par Vitruve. Le chambranle devoit aussi s’étrĂ©cir par le haut ; mais seulement de la quatorziĂšme partie de sa largeur ; il Ă©toit bordĂ© d’une cymaise que Vitruve nomme lesbyenne et d’un astragale. Les interprĂštes ne s’accordent pas pour dĂ©terminer ce que c’étoit que cette cymaise lesbyenne. Vitruve, dans ce chapitre , nomme deux sortes de cymaise , la cymaise dorique et la cymaise lesbyenne. Baldi a cru qu’elles correspondoient aux deux moulures , nommĂ©es doucine droite et doucine renversĂ©e j mais il ne spĂ©cifie pas laquelle est la lesbyenne. Si je ne me trompe, Vitruve la dĂ©termine ici car autour du chambranle des portes , il ne peut y avoir que des doucines renversĂ©es et jamais de droite il est clair, d’aprĂšs cela, que cymatium lesbium signifie une doucine renversĂ©e , et cymatium doricum une doucine droite. Philander a cru que la doucine dorique acquĂ©roit le nom de lesbyenne, lorsqu’on y avoit taillĂ© quelqu’ornement en sculpture. Celte cymaise ou doucine doit avoir , suivant le texte , la sixiĂšme partie de la largeur du chambranle. Perrault trouve cette largeur insuffisante et prĂ©tend qu’au lieu de VI qui se trouve dans l’original, il devroit y avoir III. Cette critique est trĂšs-inconsĂ©quente de sa part , puisque dans ce mĂȘme chapitre en parlant de la cymaise du chambranle de la porte ionique , il convient avec Vitruve que la cymaise ne doit avoir que la sixiĂšme partie de sa largeur. Si la sixiĂšme partie convient a l’une , je ne vois pas pourquoi elle seroit insuffisante pour l’autre , vu l’analogie de leurs proportions. Comme Galiani , j’ai fait aux coins du chambranle de la porte dorique des retours en crosseites ou orillons. On en voit Ă  beaucoup de chambranles dans les anciens Ă©difices, entr’autres Ă  ceux des feneires du dedans du temple de la Sibylle Ă  Tivoli. Cependant je crois que la pĂ©riode de ce chapitre qui termine l’article de la porte dorique, a rapport Ă  la grande cymaise plate dont il Ă©toit 22 . \ 172 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. question alors, et non au chambranle , comment l’annoncent ces paroles du texte dextera ac sinistra projeclurƓ , sic sunt faciendĂŠ , uti crepidines excurranl et in ungue ipsa cymatia conjungantur. Le mot crepidines signifie le bord infĂ©rieur d’une chose , c’est le sens naturel qu’on donne Ă  ce mot. Tous les grammairiens et les .interprĂštes en conviennent. Je ne sais pourquoi Baldi , le pĂšre d’Aquino , et Pbilander ont cru qu’il signifioit ici toute autre chose , c’est-Ă -dire le chambranle mĂȘme , ou bien la cymaise qui rĂšgne tout autour , au point q ue le pĂšre d’Aquino conclut en ces termes imo ut castigatius loquar ipsƓ eminentiƓ , sive pro- jecturƓ quarumcumque partium , crepidines vocantur. Aggetti , sporti. Je crois inutile de rĂ©futer cette opinion. J’ai suivi l’interprĂ©tation de Galiani , qui entend par ce passage , qu’il faut que l’architrave du chambranle fasse Ă  droite et Ă  gauche les petites saillies indiquĂ©es 5 dans la 5“' fig. de la XI. me planche , d’autant plus que ces saillies se trouvent trĂšs-souvent aux portes des plus anciens Ă©difices. Ces saillies doivent avancer autant que les pieds des chambranles. Excurrant extra crepidines. On a vu que les chambranles latĂ©raux ne sont pas posĂ©s d’aplomb , mais un peu inclinĂ©s vers le centre de la porte d’abord Ă  cause que l’ouverture de la porte est rĂ©trĂ©cie par le haut ; ensuite parce que les chambranles eux-mĂȘmes doivent s’amincir Ă  mesure qu’ils s’élĂšvent ; tellement que la longueur de l’architrave y compris ces accroissemens , projecturƓ fait Ă  droite et Ă  gauche , doit Ă©galer celle de la partie infĂ©rieure de la porte , depuis l’extrĂ©mitĂ© latĂ©rale d’un des chambranles jusqu’à l’autre. La cymaise des chambranles Ă  cause de ces saillies latĂ©rales de l’architrave , devoit former plusieurs contours , en suivant leur bord extĂ©rieur. On ne pouvoit donc les joindre dans les angles, de la maniĂšre ordinaire ; Vitruve pour indiquer la nouvelle espĂšce de jointure dont on doit se servir pour les unir ensemble , emploie les mots ad unguern ; c’est pourquoi je ne crois pas qu’il les emploie ici comme une expression gĂ©nĂ©rale qui signifie exactitude } perfection comme on le fait ordinairement ; mais je crois qu’ils ont ici un sens particulier qui signifie l’encastrement qui se fait dans les angles par entaille ou feuillure. * De la porte Ionique. La porte ionique Ă©toit plus large Ă  proportion de sa hauteur que la porte dorique. La largeur de la porte dorique contient cinq douziĂšmes et demi de sa hauteur 5 tandis que la largeur de la porte ionique en contient sept et demi, c’est-a-dire un et demi de large , sur deux et demi de haut, pour parler comme Vitruve. Nous 11e voyons pas que l’architrave , autrement dite la partie supĂ©rieure du chambranle de h porte ionique , devoit avancer ses extrĂ©mitĂ©s Ă  droite et Ă  gauche , et former des saillies , projecturƓ dextera ac siriistra. Cette espĂšce d’ornement ne se trouvoit pas Ă  celte porte. Les consoles IL fig. 6. rae , planche XTI. Ă©toient un Ă©quivalent qui les remplaçoit ; elles sont Ă©galement placĂ©es a droite et a gauche de 1 architrave, dextera ac sinistra prƓpendeant. Celle rĂ©flexion prouve beau- ✓ LIVRE IV, C h a p. vi. i 7 3 / coup en faveur de la maniĂšre dont nous avons interprĂ©tĂ© le passage oĂč Vitruve parle de ces saillies formĂ©es par les extrĂ©mitĂ©s de l’architrave Ă  la porte dorique. Il seroit trop long d’entrer dans tous les dĂ©tails qui concernent la menuiserie des portes anciennes , et de rapporter les diverses opinions des interprĂštes ils sont loin d’ĂȘtre d’accord Ă  cet Ă©gard. Les ' personnes qui ne seront pas contentes de la maniĂšre dont nous avons traitĂ© ce sujet , pourront la confronter avec celle des autres , et choisir parmi toutes les interprĂ©tations , celle qui leur plaira davantage. On peut cependant ĂȘtre assurĂ© que mon seul but a Ă©tĂ© de ch e/cher le vrai sens de l’auteur. Dans les figures de Perrault et des autres interprĂštes, on ne retrouve ni les parties ni les mesures qui sont indiquĂ©es dans l’ouvrage de Vitruve $ on les retrouvera toutes dans les miennes ; et l’on verra combien ma traduction est exacte, si on se donne la peine de la confronter avec le texte, et d’en suivre les dĂ©tails sur les figures. Pour faciliter cette recherche, j’ai placĂ© dans la traduction les renvois qui correspondent Ă  chaque partie. ’ Mon interprĂ©tation diffĂšre principalement des autres , en ce qu’au lieu du mot altitudine , j’ai substituĂ© celui de latitudine , dans le passage oĂč l’auteur dit , que les montans oĂč sont les gonds, doivent ĂȘtre aussi larges que la douziĂšme partie de toute la largeur du vuide de la porte , 1 tellement que c’est sur la largeur et non sur la hauteur que je rĂšgle les proportions de toute la menuiserie des portes. J’ai supposĂ© qu’il y avoit infailliblement en cet endroit du texte une faute qui venoit de la simple transposition d’une lettre , ce que j’ai corrigĂ© en effet si les proportions de ces portes se rĂ©gloient d’aprĂšs leur hauteur, elles auraient la plus mauvaise grĂące il ne seroit pas mĂȘme possible de les exĂ©cuter de celte maniĂšre. Voyez les dessins des portes qui sont rĂ©glĂ©es sur la hauteur dans l’édition de Perrault, malgrĂ© les nombreuses corrections qu’il a faites Ă  la partie du texte qui en traite, oĂč il suppose des fautes Ă  l’infini. Les proportions de ces portes n’ont aucune grĂące et elles ne ressemblent en rien aux portes antiques. Au contraire celles que j’ai fait graver dans les XI. e , Xll. e et XIII. e planches , offrent les proportions les plus belles ; et si on les confronte avec le texte , on les y trouvera trĂšs-conformes. Je n’y ai nĂ©anmoins fait d’autre changement que celui de substituer le mot latitudine , Ă  celui à’altitudine. Elles sont dans le vrai *mĂ»t . o antique , comme on peut s’en convaincre en les comparant avec les portes de bronze du PanthĂ©on, aujourd’hui la Rotonde. x Les portes des Grecs , dit M. r de Winkelmau , a ne s’ouvroienl pas , comme les nĂŽtres , en dedans , mais en dehors voilĂ  pourquoi les personnages des comĂ©dies de Plaute et de TĂ©rence 3 qui veulent sortir des maisons, donnent en dedans un signe Ă  la porte ; comme un grand critique 4 nous l’a dĂ©jĂ  fait observer car il faut se ressouvenir que les comĂ©dies de ces auteurs romains sont, pour la plus grande partie, imitĂ©es ou traduites du grec. La cause de ce signe qu’on donnoit en dedans des maisons , avant d’en sortir , Ă©toit pour avertir ceux , qui , dans la rue , passoient le long des maisons, qu’ils eussent Ă  Ă©viter d’ĂȘtre heurtĂ©s par la porte qu’on voulait ouvrir. Dans les premiers 1 S en pi cardinales sint ex lalitudine Ăźuminis totius duodecima parte. 4 > 7 ; v. 20. Bauh. 2 , 2 ; v. 56 , etc. 2 Remarques sur l’areh. des anc. p. 56 . iv T ... . . T - t ri n n. ... ». 1 4 Muret, var. iect. Liv. I. Chap. 17. Cons. lurneb. Anvers.’ 3 Ampbitr. 1, 2. v. 3 , 4. Art 4, 5 ; Cas. 2 , 1 ; v. i 5 . Cure. IV , Chap. i 5 . * L'ARCHITECTURE DE VI T R U V E. j 74 temps de la rĂ©publique , M. Valerius , frĂšre de Publicola , obtint, comme une marque singuliĂšre d’honneur , la permission d’ouvrir sa porte en dehors , comme celles des Grecs ; et l’on assure i que c’étoit la seuls porte a Rome qui fĂ»t faite de cette maniĂšre. On voit cependant sur quelques prnes funĂ©raires de marbre qui sont dans la Villa MattĂ©i 2 et dans la Villa Ludovisi, que la porte qui y marque l’entrĂ©e des Champs-ElysĂ©es, s’ouvre en dehors- et dans le Virgile du Vatican, la porte d’un temple y est faite comme celle de la boutique des marchands ou des artisans. D’ailleurs, des portes qui s’ouvrent ainsi en dehors, ne peuvent pas ĂȘtre forcĂ©es ni enfoncĂ©es aussi facilement que jes autres ; et comme elles ne prennent point de place dans les maisons, elles y gĂȘnent moins que pelles qui s’ouvrent en dedans. On trouve nĂ©anmoins des exemples de portes qui s’ouvrent en dedans; il y en a une pareille reprĂ©sentĂ©e sur un des plus beaux bas-reliefs de l’antiquitĂ© qui est dans la Villa Negroni. Ceux qui cherchent Ă  Ă©piloguer, prĂ©tendent et soutiennent que les portes de bronze de la Rotonde, p’ont pas Ă©tĂ© faites pour ce temple, mais qu’on les a enlevĂ©es d’ailleurs ; et c’est ce que Keyssler p’est laissĂ© persuader aussi , sans dire pourquoi il v a une grille au-dessus de cette porte. Suivant eux, celle grille devroit aller jusqu’aux poutres d’en haut. .Les personnes qui ont, sous la main, les peintures d’Herculanum , verront sur le tableau* de la mort de Didon 5 une pareille porte , au haut de laquelle une pareille grille est attachĂ©e. Elle y sert pour donner du jour Ă  l’intĂ©rieur de l’edifice, Ap maisons des particuliers, il y avoit , au-dessus de la porte , une plate-forme en saillie que les Italiens appellent ringhiera, et Ă  laquelle les François ont donnĂ© le nom de balcon. Cette partie du bĂątiment est appelĂ©e en grec çyîƓtcv 4. Dans quelques temples il y avoit, pendu devant la porte, un Ă©pais rideau, lequel, dans le temple de Diane , Ă  .ÉphĂšse , se levoit du bas en haut. 5 Mais dans le temple de Jupiter Ă  Elis , on le faisoit descendre du haut en bas. Pendant l’étĂ© , les portes des maisons Ă©loient fermĂ©es avec du crĂȘpe. 6 Nous remarquerons encore ici que les portes des anciens ne rouloient point sur des gonds ; mais qu’elles se mouvoient par le bas dans le seuil , et par le haut dans le linteau , sur ce que nous pommons un pivot de porte , ou crapaudine. Le montant de la porte mobile , placĂ© le plus prĂšs du mur } portoit, Ă  ses deux extrĂ©mitĂ©s , une emboxture de bronze , qui y Ă©toit encastre'e , et Ă  laquelle Ă©toit appliquĂ©e en dedans une pointe saillante pour l’arrĂȘter et la fixer sur le bois. Cette emboĂźture Ă©toit ordinairement formĂ©e en cylindre; mais on en trouve aussi de carrĂ©es, d’oĂč, naissent, gur chaque cĂŽtĂ© des bandes de fer allongĂ©es, qui s’avancent et qui fortifient, dans toute leur longueur, les planches dont les portes Ă©loient construites ; sur quoi je remarquerai que ces portes extrĂȘmement Ă©paisses Ă©toient intĂ©rieurement creuses. Je crois que ce sont les doubles monlans de ces portes que Vilruve indique par ces mots ; scapi^qui surit ante secundum pagmentum , etc. I/enjboĂźture Ă©toit Ă©tablie, tant par le haut que par le bas , sur une plaque Ă©paisse de bronze, ayant la forme d’un coin , soudĂ©e en plomb , et elle rouloit sur cette plaque , de maniĂšre que , quand l’emboĂźture prĂ©senioit un mamelon, il y avoit dans la plaque un creux ou renfoncement, dans 1 Dionis. Hal. Liv. V. Plut. vit. PuLli, a DĂŻontfaucon , Ant. expliq. t. Y. j». 1 32. ÂŁ 3 Plante » 3 . 4 Moscop. b Pausan. Liv. V. 6 Casaubon , in Yopisç, LIVRE IV, C h a p. y i. lequel ce mamelon rouloit, comme on le voit Ă  la porte du PanthĂ©on; et lorsque ce renfoncement se trouvoit dans l’emboĂźture , alors la plaque portoit le mamelon saillant qui s’ajustoit exactement dans l’ouverture de l’emboĂźture. Cette emboĂźlure avec la plaque se nommoit eardo. On en trouvĂ© quelques-unes dans le cabinet du roi de Naples, Ă  Porlici, dont le diamĂštre est d’un palme; ce qui fait juger de la grandeur que dĂ©voient avoir les portes ; leur poids est de vingt , trente , jusqu’à quarante livres. Cette notice peut Ă©claircir plusieurs passages des anciens auteurs qu’on avoit peine Ă  entendre , parce qu’on s’étoit fait une idĂ©e fausse ou obscure de celte partie des portes. Lorsque les portes des anciens Ă©toient Ă  deux battants {bivalvĂŠ , alors chaque battant en particulier Ă©toit ajustĂ© comme je viens de le dire , sur des pivots , ainsi qu’on le voit au PanthĂ©on Ă  Rome ; mais lorsque les deux baltans pliĂ©s en deux formoient ce que nous nommons une porte brisĂ©e , qui nĂ© tourne que sur un des cĂŽtĂ©s , ils Ă©toient ’liĂ©s ensemble , par le moyen de gonds de bronze , avec' pentures , dont les charniĂšres Ă©toient placĂ©es dans l’épaisseur du bois ; et quoiqu’apparents , on nĂ©' pouvoit voir les deux mamelons de ces gonds ; ils Ă©toient couverts des deux cĂŽtĂ©s par les battĂąns de la porte. Ces observations sont prouvĂ©es clairement par un gond de cette espĂšce sur les deux cĂŽtĂ©s duquel on voit encore du bois que le temps a pĂ©trifiĂ©. yitruve parle, dans ce chapitre, de ces diverses maniĂšres de partager les portes en un ou plusieurs battans. Les interprĂštes ont rendu diffĂ©remment ce passage. Barbaro, par exemple , prĂ©tend que valvakt signifie une porte brisĂ©e, dont la moitiĂ© se replie sur l’autre , tandis que Ailruve dit absolument le contraire Ă  la fin de ce chapitre, en parlant des portes attiques ; ces portes , dit-il, ne sont pas h deux baltans , elles n’en ont qu’un. Ipsaque forium ornamerita non fiunt bifora , sed valvata ; et ce qu’il dit , en parlant des portes qu’il appelle valvatƓ , ne convient qu’aux portes qui n’ont qu’uri battant puisqu’il dit , qu’il ne faut rien changer Ă  la hauteur de leurs montans , de leurs chĂąssis' et de leurs panneaux etc. , qui est la mĂȘme que dans les portes Ă  deux battans ; altitudines itd manebunt. Mais ce battant occupant lui seul toute la largeur de l’ouverture de la porte , il fauf Ă©largir les chĂąssis et les panneaux , Ă  proportion , et agrandir les travers parce qu’ils occupent lĂ  5 largeur d’une extrĂ©mitĂ© Ă  l’autre ; in latitudinem adjiciatur ampliĂčs foris latitudo . La 6, me fig. de’ la XIII. me planche fait voir la chose plus clairement encore. Si on suit le mĂȘme raisonnement , il est aisĂ© d’expliquer ce qui concerne les portes brisĂ©es quadri foris futura est c’est-Ă -dire parlagĂ©e en quatre parties , dont deux battans se pliaient ü’un ! sur l’autre Ă  droite et les deux autres Ă  gauche. Ces portes ont toujours la mĂȘme hauteur ; mais- la largeur Ă©tant partagĂ©e en quatre , la hauteur devient plus grande Ă  proportion de la largeur de chaque ballant , qui est diminuĂ©e de la moitiĂ© ; c’est dans ce sens que l’auteur s’est servi de eetlĂ© expression altitudo adjiciatur. On ne peut , me paroĂźt-il , lui donner d’autre interprĂ©tation il ne' s’agit ici que de la menuiserie des portes ; partant il ne peut ĂȘtre question d’augmenter la hauteur' de leur ouverture , comme la plupart des interprĂštes l’ont cru. Si c’eĂ»t Ă©tĂ© d’ailleurs l’intention dé’ l’auteur , il falloit nĂ©cessairement qu’il indiquĂąt les changemens qu’il falloit faire aux proportions di* chambranle , chose dont il ne dit cependant pas un mot. De la porte Attique. Nous ne parlerons pas beaucoup de la porte attique qui diffĂšre , trĂšs-peu des autres. Le i&q$ cerostrota que Yitruve emploie en parlant de la menuiserie de ces portes , a beaucoup tourment , 7 0 L'ARCHITECTURE DE Y I T R U V E. les interprĂštes. Pline emploie le mĂȘme mot , en parlant des ouvrages en marqueterie que l’on faisoit avec la corne de buffle teinte de diffĂ©rentes couleurs i. Barbaro prĂ©tend avoir vu un manuscrit oĂč , au lieu de ce mot , se trouvoil clathratƓ , et il traduit ainsi ce passage on ne met pas de jalousies Ă  ces sortes de portes. Mais il avoue que celte traduction ne lui plaĂźt pas , et ĂŒ prĂ©fĂšre conserver le mot cerostrota , qu’il interprĂšte aussi par un ouvrage en marqueterie , exĂ©cutĂ© avec des cornes teintes de diverses couleurs. Baldo prĂ©tend qu’il faut lire clostrata ou claustrata qui, suivant son idĂ©e, signifierait une porte Ă  un seul battant , comme aussi, suivant lui, bifora signifierait une porte qui en aurait deux , et valvata une qui en auroit davantage. Les opinions des autres interprĂštes sont toutes dans le mĂȘme genre , c’est-Ă -dire , qu’elles n’eclaircissent en rien ce passage ; c’est pourquoi je me dispense de les rapporter j ceux qui seront curieux de les connoĂźtre peuvent avoir recours Ă  leurs ouvrages. J’ai rendu ce mot par ouvrage en marqueterie , comme Perrault et Barbaro , et d’aprĂšs l’explication que Pline donne de ce mot. Je suis loin cependant d’assurer que cette interprĂ©tation soit exacte j je m’en suis servi en attendant qu’on en trouve une meilleure. Les temples carrĂ©s n’avoient en gĂ©nĂ©ral point de fenĂȘtres et ne recevoient de jour que par la porte , cela pour leur donner un air plus auguste en les Ă©clairant par des lampes. Lucien 2 dit, d’une maniĂšre expresse , que les temples n’étoient Ă©clairĂ©s que par la porte. Quelques temples ronds, tels que le PanthĂ©on Ă  Rome , recevoient le jour d’en haut par une ouverture circulaire , laquelle n’y a pas Ă©tĂ© percĂ©e par les ChrĂ©tiens, comme le prĂ©tendent quelques Ă©crivains ignorans ; car le contraire est prouvĂ© par le rebord ou ü’enchassure curieuse de mĂ©tal qu’on y voit encore actuellement, et qui n’est point un ouvrage des temps barbares. Lorsque, sous le pape Urbain YIIJ , on pratiqua un grand cloaque pour l’écoulement des immondices jusqu’au Tibre , on trouva Ă  quinze palmes au- dessous du pavĂ© intĂ©rieur de la Rotonde , une grande ouverture circulaire pour l’écoulement des eaux qui pouvoient se rassembler dans le temple par l’ouverture du comble ; ce temple n’étoit pas le seul qui prenoit ainsi le jour 5 celui de Mercure , que j’ai vu dans les ruines de Baya, dont la voĂ»te parfaitement conservĂ©e est absolument semblable Ă  celle du PanthĂ©on, reçoit aussi le jour par une ouverture circulaire qui se trouve au sommet, pareille Ă  celle du temple de Rome ; il y avoit cependant des temples ronds qui n’avoient pas cette ouverture. 1 Plin. Liv. XI. Chap. 37. nĂ©s, dit le Parthenos , qui subsiste encore en grande partie,'ne reccvoitle domo. p. ig 3 t opp. t. 3 , eĂą. Reilz. Le temple de Minerve àÀthĂš- jour que par les portes. M. Chateaubriant , ItinĂ©raire de Paris , etc. VVVVVtA'VVVVl VVVVVVVVVVVVVVA'VVWW t N CHAPITRE LIVRE IV, ChĂ p. vu. I 77 CHAPITRE VIL Des Temples h la maniĂšre Toscane. * O N divise, en six parties Ă©gales, la longueur de l’espace dans lequel on veut bĂątir un temple Ă  la maniĂšre Toscane on donne cinq de ces parties Ă  la largeur, ensuite on partage encore toute la longueur en deux , pour employer la partie de derriĂšre aux Cella, et celle de devant pour y placer les colonnes. La largeur doit se diviser en dix parties, dont il faut laisser trois Ă  droite, et trois Ă  gauche, qui seront pour les petites chapelles , ou pour les ailes , si l'on en fait. Les quatre autres seront pour la nef du milieu. L’espace qui forme le vestibule devant les Cella, doit ĂȘtre partagĂ© de maniĂšre qu’on puisse placer les colonnes des angles d directement vis-Ă -vis des antes qui sont au bout des murs extĂ©rieurs c les deux colonnes du milieu, e qui sont vis-Ă -vis des murs / qui s’élĂšvent entre lesdites antes et le milieu du temple, se placent de façon qu’entre les antes f et ces colonnes de devant {e , il y en ait d autres de chaque cĂŽtĂ© placĂ©es au milieu et dans la mĂȘme direction g . ** La grosseur des colonnes par en bas , doit ĂȘtre la septiĂšme partie de leur hauteur , et cette hauteur doit ĂȘtre la troisiĂšme partie de la largeur du temple. La colonne doit s’étrĂ©cir par le haut, de la quatriĂšme partie de la grosseur qu’elle a par le bas. La hauteur des bases doit ĂȘtre Ă©gale Ă  la moitiĂ© de la grosseur du bas des colonnes5 elle sont composĂ©es d’un socle circulaire, dont l’épaisseur occupe la moitiĂ© de leur hauteur ; d un tore qui pose dessus avec un listel ; et l’épaisseur de ces deux parties rĂ©unies, Ă©gale celle du socle. La hauteur du chapiteau aura la moitiĂ© de la grosseur de la colonne , et on fera l’abaque aussi large que toute cette grosseur i . La hauteur du chapiteau Ă©tant divisĂ©e en trois , il faut en donner une Ă  la plinthe qui lui sert d’abaque, l’autre Ă  l’échine, et la troisiĂšme Ă  la gorge, y compris l’astragale et le listel, On mettra , sur les colonnes , des piĂšces de bois jointes ensemble , afin que la hauteur de cet assemblage soit d’un module proportionnĂ© Ă  la grandeur de l’ouvrage, * Planche VIII. me fig. i. *** Planche X. me fig. i et 2. ** Planche X. m e fig. 1 ]] entend la grosseur du bas de la colonne, 23 L’ARCHITECTURE DE Y I T R U V E. 178 et qu’étant ainsi jointes, elles Ă©galent la largeur du haut des colonnes. Cet assemblage fait par le moyen de chevilles et tenons en queue d'hironde , doit laisser , entre chaque piĂšce de bois, un vide large de deux doigts car si elles se touchoient, le dĂ©faut d’air feroit tellement Ă©chauffer le bois qu’il se pourriroit bientĂŽt. Sur ces piĂšces de bois et sur les murs de la frise se placent les mutules; leur saillie doit Ă©galer la quatriĂšme partie de la largeur de la colonne, et l’on doit clouer des orne- mens Ă  leurs extrĂ©mitĂ©s. Au-dessus s’élĂšve le fronton avec le reste du frontispice ; celui-ci soutiendra le faĂźtage, les forces et les pannes qui formeront un toit , dont l’écoulement aura sa pente de trois cĂŽtĂ©s. Il existe aussi beaucoup de temples auxquels on donne une forme circulaire. Ceux qui n ont que des colonnes et qui n’ont pas de Cella, s’appellent monoptĂšres, et ceux qui en ont, se nomment pĂ©riptĂšres. *** Aux premiers qui n’ont point de Cella, il faut que le tribunal et les deux cĂŽtĂ©s des degrĂ©s occupent chacun la troisiĂšme partie du diamĂštre du temple. La hauteur des colonnes au-dessus de leurs piĂ©destaux doit ĂȘtre Ă©gale au diamĂštre du temple pris en dehors. Leur grosseur est la dixiĂšme partie de toute la colonne , y compris la base du chapiteau ; la hauteur de l’architrave 1 est de la moitiĂ© du diamĂštre de la colonne ; la frise et la partie qui est au-dessus doivent avoir les proportions prescrites dans le troisiĂšme livre. ** Si le temple est pĂ©riptĂšre, * ** * on construit d’abord deux rangs de degrĂ©s sur lesquels on Ă©lĂšve les piĂ©destaux. Le mur de la Cella doit s’éloigner de ces piĂ©destaux, environ la cinquiĂšme partie de tout le temple , laissant , au milieu , un espace pour la porte. Le diamĂštre de la Cella , non compris l’épaisseur du mur , doit ĂȘtre Ă©gale Ă  la hauteur de la colonne, non compris le piĂ©destal. Les colonnes qui sont autour du temple ont Jes mĂȘmes proportions que celles du monoptĂšre. La couverture du milieu du temple doit ĂȘtre proportionnĂ©e de maniĂšre que la coupole ait la hauteur de la moitiĂ© du temple , non compris le fleuron. La grandeur du fleuron qui est sous la pyramide , doit ĂȘtre Ă©gale Ă  celle d un des chapiteaux des colonnes ; le reste selon les proportions qui ont Ă©tĂ© prescrites. Il existe encore d’autres espĂšces de temples qui ont, Ă  la vĂ©ritĂ© , les mĂȘmes propor- * Planche VIII.ℱ fig. 4. ** Planche IX;ℱ e fig. 1. *** Planche lX. me fig. 2, V Je ne crois pas qu’il prescrive ici la hauteur d’un demi-diamĂštre pour toutes les colonnes, quelque soit leur hauteur cette proportion est pour celles qui n’ont que i 5 pieds de haut , d’aprĂšs ce qu’il enseigne dans le 2. m chapitre du lIl\ niB livre. Pour les autres qui ont plus de i 5 pieds, on doit augmenter l’épaisseur de l’architrave Ă  proportion de la grandeur des colonnes, comme il l’enseigne dans le chapitre citĂ©. **** Planche IX"-. fig. 2. lions que celles que nous avons enseignĂ©es ; mais ils diffĂšrent $ cause de la disposition , comme on le voit au temple de Castor dans le cirque de Flaminius, Ă  celui de Vejovis qui est entre les deux bois sacrĂ©s , et Ă  celui de Diane chasseresse qui offre une invention bien plus ingĂ©nieuse encore , puisqu’il a des colonnes ajoutĂ©es Ă  droite et Ă  gauche , aux cĂŽtĂ©s du pronaos. Les premiers temples qui furent exĂ©cutĂ©s de la maniĂšre dont est bĂąti le temple de Castor qui est au cirque, sont celui de Minerve dans la forteresse d’AthĂšnes i , et celui de Pallas sur la montagne de Sunium dans l’Altique. D’ailleurs leurs proportions ne diffĂšrent pas des proportions ordinaires du reste des temples puisque leurs Cella sont deux fois aussi longues que larges, et qu’on a exactement suivi 2 pour les cĂŽtĂ©s , les mĂȘmes proportions qu’on a observĂ©es pour le devant. Il y en a aussi quelques-uns, oĂč l’on a disposĂ© les colonnes Ă  la maniĂšre Toscane , quoiqu’ils soient d’ordre corinthien ou ionique car aux temples oĂč les murs s’avancent des deux cĂŽtĂ©s , terminĂ©s par des antes , pour faire un vestibule , on a placĂ© , au lieu de ces antes , deux colonnes , vis-Ă -vis des murs de la Cella , et on a ainsi mĂȘlĂ© la maniĂšre Toscane avec celle des Grecs 3. D’autres ont Ă©loignĂ© davantage les murs des Cella , en les plaçant dans l’cntre- colonnement des ailes ; et ajoutant l’épaisseur du mur qui a Ă©tĂ© ĂŽtĂ© , ils ont Ă©largi considĂ©rablement le dedans du temple ; du reste ils ont conservĂ© les mĂȘmes rapports et proportions. Il paroĂźt qu’on pourroit donner Ă  ce nouveau genre de figure qu’ils ont inventĂ©, le nom de pseudopĂ©riptĂšre 4. On a introduit ces cliangemens pour la 1 Les ruines de ce temple existent encore. On en voit une belle description dans l’itinĂ©raire de Paris Ă  JĂ©rusalem, par M. r de Chateaubriand. 2 La signification du mot exisona , qui se trouve ici dans le texte , est ignorĂ© des grammairiens ; il paroit formĂ© du grec ĂŻ. vu. X 83 Sculpteur PolyclĂšte , el que Pausanias acheva ; on lux avoil donnĂ© le nom cle Tholus , Ă  cause de ses voĂ»tes le troisiĂšme de ces Ă©difices se trouvoit Ă  Sparte , et c’étoit dans ce temple qu’étoient placĂ©es les statues de Jupiter et de TĂ©nus.' 1 Le quatriĂšme Ă©loit Ă  Elis. 2. Le cinquiĂšme Ă  ManlinĂ©e 3 ; il s’appeloit le commun foyer E tria ; il y avoil aussi, dans d’autres endroits, des Ă©difices qui porioient le mĂȘme nom , tel que celui de Rhodes 4 , et celui de Cannus 5 dans la Carie. Enfin le sixiĂšme Ă©loit le trĂ©sor de Mynias Ă  OrchomĂšne 6 ; mais quoique sur les pierres gravĂ©es, oĂč le corps d’Hector est traĂźnĂ© autour des murs de Troie , on voie des temples ronds , ce n’est pas une raison pour en conclure que ces temples avoient cette forme. Sur le vaisseau d’une grandeur extraordinaire que PtolomĂ©e Philopator, roi d’Egypte, fit construire, il y avoil un temple rond , consacrĂ© Ă  VĂ©nus 7 ; et l’on sait que sur les vaisseaux des anciens ^ 8 il y avoit des tours rondes avec des toits en voĂ»tes, ou des coupoles, ainsi que des tours carrĂ©es d’une forte maçonnerie g. L’ancien architecte San Gallo , dans son livre de dessins sur vĂ©lin , qui est dans la bibliothĂšque du palais Barberin , parle d’un temple rond de Delphes consacrĂ© Ă  Apollon. On ne peut pas assurer que le temple que PĂ©riclĂšs 10 fit construire Ă  Eleusis , ait eu une forme circulaire ; mais quand il auroil Ă©tĂ© d’une forme carrĂ©e , il n est pas moins certain qu’il Ă©loit couronnĂ© par une coupole , et une espĂšce de lanterne. On voit cette lanterne et une coupole sur le tambour d’un temple carrĂ© , reprĂ©sentĂ© sur le plus grand sarcophage qu’on ait conservĂ© de l’antiquitĂ© , qui se trouve Ă  Rome dans la Villa Moirani, prĂšs de la porte de S. SĂ©bastien. Le tambour ou dĂŽme n’est donc point d’une invention moderne. Les temples ronds Ă©toient plus communs chez les Romains que chez les Grecs quelques-uns dĂ©voient cette forme Ă  un motif allĂ©- gorique, tel que le temple de Testa 11, bĂąti par Romulusj comme celui de ManlinĂ©e semble avoir dĂ» le sien au foyer du feu. Un temple circulaire de la Thrace } dĂ©diĂ© au soleil , avoit pour objet le symbole du disque de cet astre. 12 ✓ Les temples ronds s’appeloient monoplĂšres, lorsque le toit Ă©toit posĂ© sur les colonnes, sans avoir de muraille qui formoit l’enceinte d’une Cella dans le milieu on les nommoit pĂ©riptĂšre, lorsqu’ils avoient cette Cella. Nous avons vu que le mot nTEpĂčv signifioit l’aile d’un oiseau , et que, par analogie, on a aussi donnĂ© ce nom aux rangs de colonnes qui enlouroient les temples , parce que s’étendant sur les cĂŽtĂ©s , ils Ă©toient comme les ailes de l’édifice 5 la Cella , ou intĂ©rieur du temple en Ă©toit comme le corps ainsi le mot monoplĂšre signifie un temple, qui a seulement les ailes sans avoir Je corps , parce qu’il lui manque celte enceinte de murs qui forme la Cella et non parce que l’on suppose que ce temple n’a qu’une seule aile ou un rang de colonnes, qui tourne tout autour ces temples s’appefient pĂ©riptĂšre, et on se servoit de la mĂȘme expression , pour dĂ©signer les temples ronds, 1 Id. Liv. II. 7 Athen. Deipnos, Liv. V. ' 2 Id. Lit. V. 8 Descjdpt. des pierres grave'es du cab. de Stosch, , par Winkelman 3 ld. Liv. VIII. 9 4 Exempt. Polib. Liv. XXVIII. 10 Plutarch. vit. Pe'ricl. 5 Appian. Mithridat. 11 Festus. V. Jtolunda Ɠdes. 5 Pausan, , Liv. IX. n Macrob. Saturn. Lib. I,* r Chap. 18. r \ I/ARCHITECTURE DE YITRUVE. comme ĂŻes temples quadrangulaires ; ce qu’on voit dans le i. er Chap. du III. e Liv. JJept signifie autour, ainsi pĂ©ripiĂšre signifie entourĂ© d’ailes. Le temple de Testa Ă  Rome et celui de la Sybille Ă  Tivoli, Ă©toient des pĂ©riptĂšres ronds. Dans un temple monoptĂšre , la plus grande partie du plan intĂ©rieur Ă©toit remplie par les degrĂ©s, puisqu’ils occupoient tout autour une portion de rayon Ă©gale au tiers du diamĂštre. Dans le centre, au-dessus de tous ces degrĂ©s , s’élevoit une petite plate-forme , que Vilruve appelle le tribunal ; il occupoit le tiers du diamĂštre du plan du temple , tandis que les degrĂ©s de chaque cĂŽtĂ© occupoient les deux autres tiers. La fi gure du temple fait clairement voir que le tribunal ne pouvoit ĂȘtre autre chose que cette plate-forme , et l’expression de sur diamĂštre dont Yitruve se sert ensuite , a persuadĂ© Ă  M. de Galiani , que l’escalier Ă©toit compris dans le diamĂštre mĂȘme du temple , c’est-Ă -dire en-dedans des colonnes, comme on le voit dans la i. re fig. de la IX. me plane., et non-en dehors, comme on ? le voit dans la figure que Perrault en a donnĂ©e. J’ai dit dans ma traduction que la hauteur des colonnes , non compris celle des stylobates , devoit ĂȘtre Ă©galĂ© Ă  la grandeur du diamĂštre du temple pris en dehors d’aprĂšs la signification des mots ab extremis. Perrault rend tout autrement ce passage ; il prend , en dedans des colonnes , ce diamĂštre , qui sert de mesure Ă  leur hauteur ; et dans celle hauteur il comprend aussi celle des j piĂ©destaux. Si c’eĂ»t Ă©tĂ© cependant lĂ  l’intention de l’auteur, il n’auroit pas dit insuper stylobatis, J puais cum stylobatis. Ce qu’il dit ensuite prouve encore davantage que nous avons bien saisi son f intention. Le diamĂštre de la colonne doit ĂȘtre , dit-il, la dixiĂšme partie de sa hauteur, y compris sa base et son chapiteau , altitudinis suce cum capitulis et spiris decimce partis sans parler du ’ piĂ©destal qu’il n’entend donc pas comprendre dans la hauteur qu’il assigne Ă  la colonne. Perrault trouve encore que dix diamĂštres seroient trop pour la hauteur des colonnes , et qu’au lieu de decimce , il devroit y avoir nonce , parce que dans les proportions assignĂ©es dans le i. er Chap, de ce livre , Ă  la colonne corinthienne , on lui donne neuf diamĂštres de haut il suppose que dans les premiers manuscrits, le nombre Ă©toit marquĂ© en chiffres romains IX, et que l’I , qui Ă©toit devant X, auroit Ă©tĂ© elfacĂ©. JNe seroit-il pas bien Ă©trange, dit-il, que les colonnes des monoptĂšres fussent moins massives que celles des autres temples qui ont des murailles qui aident les colonnes j Ă  soutenir le toit ? celles-ci peuvent raisonnablement ĂȘtre plus grĂȘles que celles des monoptĂšres qui f portent toutes seules la coupole qui sert de couverture au temple cependant comme Galiani l’observe trĂšs-judicieusement Ă  cet Ă©gard , il arrive trop frĂ©quemment Ă  Yitruve d’altĂ©rer les proportions particuliĂšres qu’il assigne Ă  chaque ordre , afin dĂš suivre les proportions gĂ©nĂ©rales de quelque Ă©di- \ fice , pour qu’on puisse croire que le texte soit ici altĂ©rĂ©. Les temples ronds pĂ©riptĂšres, et les temples monoptĂšres, avoient une couverture qui leur Ă©toit particuliĂšre c’étoit une espĂšce de coupole formĂ©e par une voĂ»te sphĂ©rique , que Yitruve nomme tholus. Celte espĂšce de couverture , Ă©toit trĂšs-ancienne chez les Grecs , puisqu’il paroĂźt que c etojt .celle du trĂ©sor de Mynias Ă  OrchomĂšne , bĂąti par Trophonius et AgamĂšde 1. HomĂšre parle aussi d’une espĂšce de bĂątiment nommĂ© tholus 2 , lorsqu’il dit que TĂ©lĂ©maque fit sortir, hors du palais r Trophonius et AgamĂšde e'toiept fils d’Erginus un des Argonautes. a Odysse'e, Liv. XXII. d’Ulysse LIVRE IV, Ch a p. vu. i85 d’Ulysse , les femmes qui avoient manquĂ© au respect et Ă  la fidĂ©litĂ© qu'elles dĂ©voient Ă  Ulysse , et qu’il les enferma entre le tholus et le mur de la cour, Les scholies sur HomĂšre qu’on attribue Ă  Didyme d’Alexandrie , remarquent , Ă  ce sujet , que le tholus Ă©toit un petit bĂątiment rond qui Ă©toit dans la basse-cour, et dont le toit Ă©toit terminĂ© par une pyramide. On y enfermoit tous les ustensiles du mĂ©nage , tout ce qui servoit Ă  la cuisine et au buffet. Nous avons aussi vu qu’à AthĂšnes on ĂŻiommoit tholus , 1 l’édifice oĂč les Prytanes s’assembloient. C’étoit une espĂšce de rotonde qui fut ainsi nommĂ©e Ă  cause de sa figure, du mot grec SoKia qui signifie une espĂšce de chapeau. Il ne nous reste aucun exemple d’ancien temple morioptĂšre il en existe plusieurs , Ă  la vĂ©ritĂ© , de pĂ©rip- tĂšre ; tels que le temple de Vesta Ă  Rome , aujourd’hui de S. te Marie du Soleil, qui est vis-Ă -vis de l’église de S. te Marie in Cosmedin, celui de la Sibylle Ă  Tivoli, et autres dans dilfĂ©rens endroits mais ils sont dĂ©truits , au point qu’il ne reste plus rien de la coupole j ainsi on ne peut dĂ©couvrir ce que c’est que la fleur et la pyramide dont parle Vilruve ainsi dans les deux figures de la IX. m * planche , nous les avons tracĂ©s comme nous'avons pu d’aprĂšs le texte. AprĂšs avoir parlĂ© des temples rĂ©guliers , Vilruve dit quelque chose de ceux pour lesquels on n’a pas suivi ces rĂšgles , ou dont on s’est Ă©cartĂ© en quelque chose , soit en y ajoutant ou diminuant. Palladio , Serlio , Montano et autres, ont conservĂ© , dans leurs dessins, les plans de plusieurs temples antiques dont les formes singuliĂšres ne ressemblent pas Ă  celles dĂ©crites par notre auteur. i Pauaan., Lir. I.* r Cbap. 5. WVVW IWW\ WWWWWA'WVWVWW 4 ĂŻ86 L’ARCHITECTURE DE YITRUVE. CHAPITRE VIII. Comment les Autels des 'Dieux doivent ĂȘtre placĂ©s. Les autels doivent ĂȘtre tourne's vers l'orient ; mais il faut les Ă©lever moins haut que les statues des dieux qui sont dans les temples, afin que , selon la qualitĂ© de chaque divinitĂ© , elles soient plus ou moins au-dessus de ceux qui leur font des priĂšres ou des sacrifices. Ces diffĂ©rentes hauteurs se combinent de la maniĂšre suivante les autels de Jupiter et des autres dieux du ciel doivent ĂȘtre trĂšs-Ă©levĂ©s. Au contraire ceux de Vesta , des dieux de la terre et de la mer doivent ĂȘtre fort bas. Ces mĂȘmes principes rĂšglent aussi la forme et la situation des autels qu’on place dans lintĂ©rieur des temples. J'ai expliquĂ© dans ce livre la maniĂšre dont on devait construire les Ă©difices sacrĂ©s dans le suivant, je traiterai de la distribution des Ă©difices publics. REMARQUES. On sait que les autels des anciens varioient dans leur hauteur ; ceux des divinitĂ©s cĂ©lestes Ă©toient les plus Ă©levĂ©s j on les appeloit spĂ©cialement altaria 1. Ceux des divinitĂ©s terrestres Ă©toient trĂšs- bas et s’appeloient arƓ ; et Ton creusoit des fosses pour sacrifier aux dieux infernaux 2. i Yirgil. Eclog. 65. etibid. Serrius. 2 Ovid. MĂ©tam. Liy. VII, v. a43. L’ARCHITECTURE D E V I T R U y E. LIVRE CINQUIÈME. INTRODUCTION. Les ouvrages un peu considĂ©rables , s’ils sont bien Ă©crits et s’ils contiennent de bons principes , attirent presque toujours une grande rĂ©putation Ă  leur auteur. J’au- rois peut-ĂȘtre pu prĂ©tendre Ă  cette gloire ! Les connoissances que j’ai acquises par mes longues Ă©tudes , me fournissoient assez de matiĂšres pour augmenter ce traitĂ© la chose n'est cependant pas aussi aisĂ©e pour moi qu’on pourroit le croire ; car , faire un traitĂ© d’architecture, Ă©crire une histoire et composer un poĂ«me , sont des choses bien diffĂ©rentes. L’histoire intĂ©resse par elle-mĂȘme ; elle amuse le lecteur , puisqu’elle l’entretient toujours dans l’attente de nouveaux Ă©vĂ©nemens. Dans un poĂšme la mesure et la cadence des vers , les ornemens d’un langage particulier Ă  la poĂ©sie, les entretiens des diffĂ©rentes personnes que bon y introduit , remplissent l’esprit dune douce sensation dont on ne se lasse pas , quelque long que soit l’ouvrage. Il n’en est r de mĂȘme d’un traitĂ© d’architecture ; les termes dont on est obligĂ© de se servir , sont, pour la plupart, si peu connus , et si Ă©loignĂ©s de l’usage ordinaire, qu’il est impossible de donner Ă  son style toute la clartĂ© qu’on __1 ‱ ‱ 1 ‱ . T 1 r , ' ‱ V C I aesireroit cie sorte longs que celui qui voudroit expliquer des prĂ©ceptes , dĂ©jĂ  fort vagues , par raisonnemens , hĂ©rissĂ©s de termes tirĂ©s d’une langue Ă©trangĂšre , ne produir de oit souvent que de la confusion dans l’esprit des lecteurs , qui demandent dans ces sortes de matiĂšres peu de mots et beaucoup de clartĂ©. 24. i88 Introduction. Lors donc que je devrai me servir de termes peu connus pour expliquer les mesures des Ă©difices , je serai le plus bref qu’il me sera possible , pour ne point trop gĂȘner l’esprit de ceux qui Ă©tudient cette science , ' et pour qu’ils les retiennent plus aisĂ©ment. Je sens d’ailleurs , combien les affaires publiques et particuliĂšres occupent tout le monde en cette ville ; ce qui me persuade plus encore , que le style concis est le seul qui convienne Ă  mon ouvrage , si je veux qu’on le lise et qu’on puisse en saisir les idĂ©es , dans les intervalles de loisir. G est pour la mĂȘme raison que Pythagore et ses partisans se servirent des quantitĂ©s cubiques pour enseigner leurs principes. Ils rĂ©duisirent les vers qui contiennent toute leur doctrine Ă  deux cents seize , qui est un nombre cubique , et chaque sentence Ă©toit contenue dans trois vers. Le cube est un corps composĂ© de six faces , qui font un carrĂ© par leur Ă©gale largeur ; lorsque le cube est jetĂ© , si on n’y touche plus , il demeure immobile sur le cĂŽtĂ© qu’il s’est arrĂȘtĂ© , comme font les dĂ©s jetĂ©s par des joueurs. Il paroit qu ils ont saisi cette similitude qui se trouve entre ce nombre de vers et la figure cubique; celui-ci s’arrĂȘtant toujours sur un cĂŽtĂ© , et ceux-ci offrant continuellement des repos qui impriment chaque pensĂ©e dans la mĂ©moire. Les poĂštes comiques Grecs , pour procurer aux acteurs quelques repos aprĂšs de longs rĂ©cits , partageoient aussi leurs piĂšces de théùtre , en plusieurs parties , en introduisant des choeurs qui prĂŽduisoient le mĂȘme effet que la figure cubique. Puisque les anciens ont suivi cette mĂ©thode pour se conformer Ă  l’ordre Ă©tabli dans la nature , et voyant que je devois Ă©crire sur une matiĂšre obscure et inconnue Ă  la plus grande partie des lecteurs, j’ai jugĂ© , que, pour ĂȘtre intelligible , je devois abrĂ©ger mes Ă©crits , sĂ©parer mes matiĂšres , et rĂ©unir dans le mĂȘme livre toutes celles qui sont d'un mĂȘme genre , afin que l’on n’ait pas la peine de les aller chercher en plusieurs endroits. ; Dans les troisiĂšme et quatriĂšme livres , j’ai traitĂ© , ĂŽ CĂ©sar, de la construction des temples je vais expliquer dans celui-ci , quelle doit ĂȘtre la disposition des Ă©difices publics , et en premier lieu , de quelle maniĂšre on doit construire le forum , parce que c’est le lieu oĂč les magistrats rĂšglent lqs affaires publiques et celles des particuliers. REMARQUES . Dans le i.* r chapitre du livre 3 nous avons vu que les Platoniciens regardoient le nombre dix comme un nombre parfait ; mais que les mathĂ©maticiens , et avec eux les Pythagoriciens, regardoient le nombre six comme le plus parfait, et par-consĂ©quent le nombre 216; parce que 6, multipliĂ© par lui-mĂȘme fait le nombre carrĂ© 56 , qui, multipliĂ© par son cĂŽtĂ© 6 , fait le nombre cubique 216. C’est pourquoi les Pythagoriciens avoient rĂ©duit Ă  216 les vers qui contenoient toute leur doctrine- LIVRE V C h a p. i. 189 CHAPITRE PREMIER. Du Forum 1. * T Ă  E Forum, chez les Grecs, est carrĂ©; tout autour rĂ©gnent des doubles et amples portiques , dont les colonnes sont trĂšs-serrĂ©es les unes contre les autres ; elles soutiennent des architraves de pierre ou de marbre avec des galeries en haut. Il n’en est pas de mĂȘme dans les villes d’Italie , parce que l’ancien usage est de faire voir, au peuple dans ces places les combats des gladiateurs. Pour de semblables spectacles, il faut que les entre-colonnemens qui sont tout autour, soient beaucoup plus larges ensuite que , sous les portiques , on puisse placer les bureaux des banquiers , et que les galeries au-dessus aient l’espace nĂ©cessaire pour faire le trafic en public. La grandeur de ces places doit ĂȘtre proportionnĂ©e au nombre des habitans , 'de crainte quelle ne soit trop petite , si beaucoup de personnes y ont Ă  faire, oĂč quelle ne paroisse trop vaste, si la ville n’est pas assez peuplĂ©e. On dĂ©termine sa largeur , en divisant la longueur en trois parties , dont on lui en donne deux par-lĂ  , la forme est plus longue que large ; ce qui est bien plus commode pour y donner des spectacles. Les colonnes du second Ă©tage doivent ĂȘtre moins grandes d’une quatriĂšme partie que celles du premier ; parce que celles d’en bas Ă©tant plus chargĂ©es , doivent ĂȘtre plus fortes en cela nous imitons la nature de qui il faut que l’art se rapproche autant qu’il est possible. Toutes les productions qui sortent de la terre , et s’élĂšvent perpendiculairement Ă  son sol, comme les arbres , entre autres les sapins , les cyprĂšs, les pins , sont beaucoup plus gros vers les racines ; Ă  mesure qu’ils croissent et qu’ils s’élĂšvent , la nature les attĂ©nue insensiblement jusqu’à la cime d’aprĂšs cela , les architectes ont Ă©tabli pour rĂšgle , que les parties les plus Ă©levĂ©es dans les Ă©difices , seroient plus petites et plus minces que celles d’en bas. On doit exposer les basiliques , qui sont sur le forum , dans l'aspect , oĂč elles recevront le plus de chaleur , afin que les nĂ©gocians puissent s’y rĂ©unir pendant ĂŻ On appeloit ainsi chez les anciens la place publi- * Planches XIY et XV. que , ou celle du marchĂ©. l9 o L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. Oiiver , sans y Ă©prouver les rigueurs de la saison. Leur largeur doit ĂȘtre au moins de la troisiĂšme partie de leur longueur , ou de la moitiĂ© tout au plus ; Ă  moins que la nature du lieu ne le permette pas , et force de changer cette proportion. Si l’espace Ă©toit beaucoup plus long qu’il ne doit ĂȘtre , on devroit alors placer les calcidi- ques aux extrĂ©mitĂ©s , comme on le voit dans la Basilique Julienne Ă  AquilĂ©e. La hauteur des colonnes de la Basilique doit ĂȘtre Ă©gale Ă  la largeur des portiques. La largeur du portique doit avoir le tiers de l’espace du milieu. Les colonnes d’en haut , comme on l’a dĂ©jĂ  dit , seront plus petites que celles d’en bas. La cloison entre les colonnes du rang supĂ©rieur doit s’élever jusqu’aux trois quarts de la hauteur de ces colonnes, alin que ceux qui se promĂšnent sur cette galerie , ne soient pas vus des gens qui trafiquent en bas. Les proportions de l’architrave , de la frise, et de la corniche , se rĂšglent sur celles des colonnes,, comme nous l’avons expliquĂ© dans le troisiĂšme livre. - son! F Cette sorte de Basilique sera au moins aussi majestueuse et aussi belle que celle de la colonie julienne de Fano , construite d aprĂšs mes dessins et sous ma direction; pour laquelle j'ai observĂ© les proportions suivantes. La voĂ»te du milieu , entre les deux rangs de colonnes , est longue de cent vingt pieds, et large de soixante; le portique qui rĂšgne tout autour, a, entre le mur et les colonnes, la largeur de vingt pieds; les colonnes, y compris leurs chapiteaux , ont cinquante pieds de hauteur et cinq de diamĂštre. DerriĂšre ces colonnes se trouvent des pilastres hauts de vingt pieds, larges de deux pieds et demi, et Ă©pais d’un pied et demi, pour soutenir les poutres qui portent les planchers des galeries. Sur ces pilastres il s’en Ă©lĂšve d’autres, hauts de dix-huit pieds, larges de deux, et Ă©pais d’un , qui soutiennent les poutres qui portent les forces et tout le toit des portiques , dont le faĂźte ne s’élĂšve pas jusqu’à la voĂ»te. Les espaces qui sont entre les poutres posĂ©es sur les pilastres, et celles qui sont sur les colonnes, sont laissĂ©es pour donner du jour par les entre-colonnemens. Les colonnes Ă  droite et Ă  gauche dans la largeur de la grande voĂ»te , sont de chaque cĂŽtĂ© au nombre de quatre ; dans la longueur adjacente Ă  la place publique , il s’en trouve huit, y compris celles des coins et dans le cĂŽtĂ© opposĂ© , y compris aussi celles des coins , il n’y en a que six ; parce que de ce cĂŽtĂ© , on a supprimĂ© les deux du milieu , pour qu elles n’empĂȘchent point la vue du vestibule du temple d’Auguste , qui est placĂ© au centre du mur de cette face, vis-Ă -vis du milieu de la place publique et du temple de Jupiter i ; dans ce temple d’Auguste , se trouve un tribunal qui forme une i La longueur et la largeur de l'Ă©difice Ă©tant prĂšs- le voit dans la XIV. me planche. Ils sont tous Ă©gaux hormis crite ainsi que la grosseur des colonnes , il suit qu’on les deux qui sont au milieu des petits cĂŽtĂ©s, a aussi Ja. largei^r des entre -colonnemens , comme on Cftl c’f! et! des] ‱e taire espĂšce de demi-cercle ; il a quarante-six pieds de front et n’en a que quinze de profondeur, afin que les gens qui sont dans la Basilique pour trafiquer , n’incommodent point les plaideurs qui sont devant les juges. Un assemblage composĂ© de trois poutres de deux pieds d Ă©paisseur chacune , posĂ© sur les colonnes , rĂšgne tout autour de la Basilique ; les parties de cet assemblage qui sont sur les trois colonnes de l’intĂ©rieur , se retournent directement Ă  la troisiĂšme, vers les antes du vestibule du temple , et vont rejoindre le demi-cercle , tant Ă  droite qu Ă  gauche. Sur ces poutres assemblĂ©es , s’élĂšvent , perpendiculairement aux chapiteaux , des piles hautes de trois pieds , et larges de quatre dans tous les sens elles soutiennent un autre assemblage de charpente bien travaillĂ© , composĂ© de deux poutres qui ont deux pieds d’épaisseur, sur lesquelles sont posĂ©es les poutres de traverse et les contre- fiches , qui correspondent dans la frise sur les pilastres ou murs du vestibule du temple elles soutiennent le faĂźtage du toit le long de la basilique , et un autre qui la traverse au milieu et s’étend jusques sur le vestibule du temple. L’aspect de ce double Ă©tage de frontispices formĂ©s par les toits latĂ©raux et par celui de la grande voĂ»te qui s Ă©lĂšve au-dessus, est des plus agrĂ©ables. D’ailleurs on diminue, par-lĂ  , le travail et la dĂ©pense , puisqu’on supprime la partie de l’entablement qui est au- dessus de farchitrave , les balustrades , et le second rang de colonnes. Cependant ces hautes colonnes dont la tige s’élĂšve jusqu’aux poutres de la voĂ»te , ajoutent beaucoup Ă  la majestĂ© et Ă  la magnificence de l’ouvrage. REMARQUES. Les premiers essais de l’architecture, chez les Grecs , furent consacrĂ©s aux temples de leurs dieux ; c est pour les temples que cet art fut inventĂ© ; ce fut pour eux qu’il se perfectionna. Les colonnes et les autres dĂ©corations qui en font la principale beautĂ© , furent long-temps rĂ©servĂ©es Ă  ces sortes d Ă©difices. Mais la GrĂšce Ă©tant devenue opulente , aprĂšs avoir triomphĂ© des innombrables armĂ©es des Perses, et reconquis , pour ainsi dire , sa libertĂ© , toutes les villes Ă  l’envi, et sur-tout AthĂšnes , firent Ă©clater leurs richesses dans tous les Ă©difices publics. Les colonnes et les autres ornemens cĂźe 1 architecture qu’ils avoient employĂ©s avec tant de succĂšs Ă  dĂ©corer les temples, furent dĂšs lors employĂ©s a dĂ©corer aussi les autres Ă©difices. Le forum 3 c’est-Ă -dire la place du marchĂ© oĂč ils lenoient les assemblĂ©es dans lesquelles ils disculoient les intĂ©rĂȘts de la patrie , cpii leur Ă©toit devenue plus chĂšre , aprĂšs l’avoir sauvĂ©e des Perses , furent les premiers endroits qu’ils cherchĂšrent a embellir la grande Ă©tendue de ces places olfroit Ă  leur gĂ©nie un bien plus vaste champ pour faire Ă©clater toute la magnificence de l’architecture. Les temples d’ailleurs ne formoient qu’un seul Ă©difice. Dans le forum , se trouvoient rĂ©unis la basilique , des temples , le trĂ©sor public , la maison 193 L'ARCHITECTURE UE Y I T R U V E. de ville , les prisons ; celle variĂ©lĂ© permelloit Ă  l’architecte d’étaler les divers genres de beautĂ©s rĂ©unies dans son art. Chez les anciens, I e forum Ă©loit ce que sont aujourd’hui, parmi nous, nos places publiques; avec la diffĂ©rence qu’il Ă©loit ordinairement entourĂ© de galeries portĂ©es par des colonnes , comme elles sont dĂ©crites dans ce chapitre ; le fond de ces galeries Ă©loit occupĂ© par des boutiques rangĂ©es les unes contre les autres , tel qu’on le voit dans les XIV.* 2 et XV. me planches , et tel qu’est aujourd’hui le palais royal Ă  Paris. L’on y vendoit toutes sortes de marchandises. Ainsi lorsque Vilruve dit qu’on doit laisser un espace suffisant pour placer les bureaux des banquiers , il n’entend pas qu’il ne s’y irouvoit autre chose que des bureaux de banquiers , il les cite pour un exemple, comme s’il avoit dit , pour placer les bureaux des banquiers et des autres commerçans. Dan» les petites villes , il est probable qu’il n’y avoit que deux ou trois boutiques dans le forum , oĂč l’on irouvoit rĂ©unis toutes les choses nĂ©cessaires k la vie. Mais dans le forum d’une grande ville, tel que celui dont parle Vilruve , il y avoit une boutique pour chaque espĂšce de marchandise -, par exemple , Ă  Rome on irouvoit 1 ’argentarium , le boarium , Volitorium 3 le piscarium 3 le piscatorium 3 le pistorium 3 le suarium 3 et autres. Deux rangs de colonnes Ă©levĂ©s l’un sur l’autre , rĂ©gnoient tout autour des forum, tant en GrĂšce qu’en Italie. Vilruve veut que les colonnes du rang supĂ©rieur soient le quart moindres que celles . du rang infĂ©rieur. Galiani trouve qu’on ne voit pas clairement dans le texte , si c’est la hauteur ou l’épaisseur de la colonne , qu’on doit diminuer d’un quart ; je crois que ce doit ĂȘtre l’un et \ l’autre , puisque , comme l’observent Philander et Galiani lui-mĂȘme , la hauteur de la colonne est toujours relative Ă  son Ă©paisseur qui lui sert de module. Parlant si les colonnes du rang supĂ©rieur sont du mĂȘme ordre que celles du rang infĂ©rieur, et qu’elles soient le quart moins Ă©paisses, elles j seront aussi un quart moins grandes , et vice versa. Mais comme l’usage est de faire les colonnes du second rang , d’un ordre plus dĂ©licat , si la diminution est faite Ă  la hauteur , ces colonnes seront plus du quart plus minces que les autres. L’on peut d’autant moins douter que ce ne soit Ă  la hauteur que Vilruve entend que cette diminution soit faite , qu’il dit expressĂ©ment, dans le j . . LIVRE V , C il a p. i. ic3 grosses que les infĂ©rieuresmais que si ces parties sont fort Ă©levĂ©es , et que par lĂ  elles parois- sent, Ă  la vue , beaucoup plus minces qu’elles ne doivent ĂȘtre , Ă  cause de leur grandĂ© Ă©lĂ©vation , il entend qu’a lors un architecte sache , avec adresse , les diminuer un peu moins , ou y ajouter quelque chose , afin qu’elles paroissent avoir les proportions requises. De tous les Ă©diiices placĂ©s sur le forum , les basiliques Ă©toient les plus considĂ©rables ; elles Ă©toient destinĂ©es Ă  deux usages , comme on le voit clairement dans ce chapitre ; d’abord pour le commerce ; c’étoit lĂ  que les nĂ©gocians avoiem coutume de s’assembler , comme ils Je font aujourd’hui dans les lieux nommĂ©s bourse qui se trouvent dans les villes les plus commerçantes ensuite c’étoit lĂ  que l’on rendoit la justice ; l’endroit nommĂ© le tribunal y Ă©toit spĂ©cialement destinĂ©. Par la description que Vitruve fait de ces sortes d’édifices , on voit* qu’ils ressembloient parfaitement aux premiĂšres Ă©glises du Christianisme , qui , pour cela , furent aussi appelĂ©es basiliques , et servirent de modĂšle Ă  la plupart des Ă©glises qu’on bĂątit par la suite. Elles diffĂšrent des temples des anciens , en ce que les colonnes sont en dedans , au lieu que les temples les avoient en dehors, faisant comme une enceinte autour de la Cellct ou dedans du temple , qui Ă©toit un lieu obscur, oĂč le jour n’entroit ordinairement que par la porte. Dans les proportions que Vitruve assigne aux basiliques , en gĂ©nĂ©ral, il dit , cpie leur largeur doit avoir , au moins , la troisiĂšme partie de leur longueur , ou la moitiĂ© tout au plus. Par celte largeur, il entend sans doute, celle de la grande nef, sans y comprendre celle des portiques latĂ©raux ; autrement il auroit transgressĂ© lui-mĂȘme cette rĂšgle dans la basilique de Fanum dont il dirigea la construction. La largeur de la nef' de cette basilique est de 60 palmes ; ce qui fait prĂ©cisĂ©ment la moitiĂ© de sa longueur qui est de 120 palmes tandis que toute la largeur , y compris les colonnes et les portiques latĂ©raux , est de 110 pieds , ce qui excĂšde de beaucoup la moitiĂ© de la longueur , qui n’a pas plus de 170 pieds. PrĂšs de la basilique , se trouvoient deux salles nommĂ©es chalcidiques ; Vitruve conseille de les placer aux deux extrĂ©mitĂ©s de ce bĂątiment , si l’emplacement oii on doit le bĂątir qui est un des cotĂ©s du forum , prĂ©sente un espace plus que suffisant pour sa longueur. On ne commĂźt pas trop bien Ă  quel usage ces chalcidiques Ă©toient destinĂ©es. Ce nom Ă©toit composĂ© du mot chalcos > qui signifie en grec de l’airain , et du mot clicĂȘ , qui signifie justice , roĂŒ %akxoĂ» xc Six^g. Plusieurs savans , suivant Philander , ont cru que c’étoit le lieu oĂč l’on frappoit la monnoie chez les Romains ; il est plus apparent que c’étoit celui oĂč l’on tenoit la justice pour juger de leur poids et de leur valeur , puisque les Romains se servirent clans le commencement, pour les achats, de mĂ©tal de cuivre estimĂ© au poids, avant d’employer les mon- noies frappĂ©es au coin, d’oĂč les monnoies ont conservĂ© les noms qui marquoient les anciens poids, tels que l’as chez les Romains , le talent et la mine chez les Grecs , le sicle chez les HĂ©breux , la livre tournois en France , et la livre sterling en Angleterre , comme^ nous l’avons dĂ©jĂ  observĂ© en parlant du a. e Chap. du IH. e Liv. Les anciens as des Romains Ă©toient de cuivre , ils pesoient une livre; on les nommoit libralis , as et libella y il s’en trouvoit pesant deux livres; on les nora- moit alors dupondias . On frappa , pour la premiĂšre fois , l’argent Ă  Rome l’an 484 de sa fondation. L’on commença Ă  monnoyer l’or et le cuivre sous Servius Tullius, c’est-Ă -dire environ fio ans plus tard. Pline, H. JN. Liv. XXXIII, Ch. 3. 25 194 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. Nous avons encoTe vu que , lorsqu’il s’agissoit de somme considĂ©rable , on avoit coutume de p ese y l’ae , et les parties dans lesquelles on la divisoit ; d’oĂč, les Romains disoient peser , penclere pou,, payer, apporter les billets ou registres du reçu du pesĂ©, pour dire du payĂ© expensas ferre. P] u „ sieurs mots latins qui regardent la monnoie , tirent leur origine de cette façon de peser l’argent. Il est donc trĂšs-probable que, dans les clialcidiques , se trouvoit un magistrat pour juger du poids et de la valeur des monnoies. Comme nous avons dans plusieurs villes de Hollande et des Pays-Bas W des bĂąlimens nommĂ©s le poids public, oĂč les marchandises sont pesĂ©e* pur des gens sermeniĂ©s. dus, Quelques-uns prĂ©tendent qu’on donnoit le nom de chalcicĂźica Ă  une sorte de bĂątiment inventĂ© ! Ă  Chalcis dans l’isle d’EubĂ©e ; d’autres qu’il signifĂźoit une salle d’airain. v j inteI Nous voyons effectivement que le plus cĂ©lĂšbre des temples de Minerve Ă  Sparte, se nommoit chah oi cioecos , des deux mots grecs %a,KyJç., airain , et olxog, maison. Presque tous les auteurs latins et grecs ' bl ont parlĂ© de ce temple. 1 Tite-Live assure qu’on l’a nommĂ© ainsi parce qu’il Ă©toit tout de cuivre, i Pausanias dit la mĂȘme chose , et c’est en parlant du temple cl’Apollon , Ă  Delphes , qu’on disoit » 202 L’ architecture de VIÏRUYE. spectateurs assis ; ce cpii pourroit faire croire que ces prologues ne sont point de Plaute. On Ă©leva dans la suite des théùtres en diffĂ©rentes occasions ; tel fut celui d’Emilius Scaurus qui Ă©toit d’u ne extrĂȘme magnificence 5 il contenoil , dit Pline , quatre-vingt mille personnes 1. PompĂ©e est ] e premier qui , dans son second consulat , fit faire un théùtre de pierre de taille , qui contenoit quarante mille placĂ©s. Dans la suite on Ă©leva Ă  Rome plusieurs théùtres permanens dont les pfi]]. cipaux furent ceux de Marcellus et de Ealbus , qui Ă©toient de marbre. On voit combien les théùtres des anciens Ă©toient diffĂ©rons des nĂŽtres ; tous ces gradins construits en briques , couverts de marbre ou de pierre , et surmontĂ©s de portiques , formoient une masse Ă©norme qui demandoit les fondemens les mieux appuyĂ©s. Vitruve dit qu’il est aisĂ© de les construire sur une montagne , parce que des couches de roches ou de pierres dures les composent la plupart ; mais si l’on est obligĂ© , dit-il , de les bĂątir dans un terrain plat et marĂ©cageux , il recommande qu’on ait soin , pour rendre le fond du terrain solide , d’employer les moyens qu’il indique dans le i. er Chap. du troisiĂšme livre. Moyens qui furent employĂ©s pour les fondemens du temple de la Diane d’EphĂšse. Le comte de Maffei 2 en parlant de l’amphithéùtre de Pola , que mal-Ă -propos il prend pour un théùtre , observe qu’il se trouve immĂ©diatement au pied d’une colline , qu’on s’est adroitement servi de sa pente pour y construire les gradins , et que les anciens avoient coutume de choisir des lieux semblables quand ils bĂątissoient de tels Ă©difices , afin d’épargner une grande partie des fraix de construction en effet , le grand cirque Ă  Rome remplissoit le fond de la vallĂ©e entre les monts Palatin et Aventin , et les gradins, des deux cĂŽtĂ©s, s’élevoient sur la pente de ces deux montagnes. Pour faciliter l’intelligence de tout ce que l’auteur dit des théùtres , dans ce livre, 5 e vais donner une idĂ©e gĂ©nĂ©rale de ces Ă©difices dans la description suivante. Il convient, en la lisant , d’avoir les planches XVI et XVII sous les yeux. Le plan du théùtre , comme nous l’avons dĂ©jĂ  observĂ© , avoit Ă -peu-prĂšs la figure d’un demi- cercle ; celle de l’amphithéùtre Ă©toit circulaire ou elliptique , ou, pour mieux dire, c’étoit dĂ©ni théùtres unis ensemble , comme l’indique son nom ; mais notre auteur ne parle pas de cette sorte d’édifice , qui n’existoit probablement pas encore de son temps, ou c’est un oubli de sa part, comme il a fait pour le cirque et pour beaucoup d’autres objets. La partie infĂ©rieure du théùtre qui formoit une place en demi-cercle au milieu de tous les gradins , s’appeloit Y orchestrĂ©e , du mot grec cp%yça'i sauter, parce que c’étoit lĂ  que s’exĂ©cutoient les danses. Les Romains lui laissĂšrent le mĂȘme nom, quoique cet espace , chez eux, ne fĂ»t pas destinĂ© pour les danses. Il Ă©toit occupĂ© par les siĂšges des sĂ©nateurs , des magistrats , des vestales et des autres personnes de distinction. Tout autour de la, courbure du demi-cercle , s’élevoient les gradins appelĂ©s gf'adationes sur lesquels s’asseyoient les spectateui's. Les siĂšges ou gradins des chevaliers , etoient garnis de coussins 3 5 les autres Ă©toient assis sur la pierre nue. Le mĂȘme usage etoit chez les Grecs 5 de lĂ  vient le bon mot d’Arislippe quelqu’un lui demandant Ă  1 Plin. Hist. nat. Liv. XXXVT. Chap. i5. . 3 Juven, Sat. lit. t* i53. 2 Tratialo de "U anfiteaiiĂŻ. LIYllE V, C h a p. ni. servoit la culture de l’esprit? il rĂ©pondit Ă  empĂȘcher qu’au théùtre une pierre ne soit pas sur une pierre. Dans les théùtres fort grands et Ă©levĂ©s , ces gradins Ă©loient interrompus par une ou deux prĂ©cinctions , suivant la proportion ou grandeur du théùtre ; on les appeloit en grec diazomata , et en latin prƓcinctiones. Plusieurs ont traduit ce mot en françois par palier , parce qu’ils font le mĂȘme effet entre les gradins , que les paliers entre les degrĂ©s d.’un escalier. Je suis persuadĂ© que par ces mots pro rata parte ad altitudines , l’auteur n’entend pas, comme quelques-uns l’ont cru , que la grandeur des prĂ©cinctions devoit varier suivant que le théùtre Ă©toit plus ou moins grand , plus ou moins Ă©levĂ©; parce que la grandeur des prĂ©cinctions doit toujours ĂȘtre la mĂȘme dans les grands et dans les petits théùtres , comme nous le voyons dans le septiĂšme chapitre de ce livre , oĂč il dit expressĂ©ment sunt enim res quas in pusillo et in magno theatro necesse est eadem magnitude fieri propter usum uti gradus diazomata ce dernier mot, comme nous l’avons vu , signifie la mĂȘme chose en grec que prƓcinctiones en latin. C’est donc le nombre des prĂ©cinctions et non leur grandeur particuliĂšre qui doit ĂȘtre proportionnĂ©e avec la hauteur des théùtres ; tellement que dans un théùtre mĂ©diocre il n’y aura qu’une prĂ©cinction , dans un autre qui sera plus grand il y en aura deux , et dans les grands théùtres il y en aura trois. La hauteur des prĂ©cinctions dĂ©pendoit de celle des gradins , puisqu’une corde tendue, depuis le haut jusqu’en bas , devoit loucher l’angle de tous les degrĂ©s. Parlant il falloit que les gradins et les prĂ©cinctions fussent proportionnĂ©s ensemble. Si cependant on prend Ă  la lettre l’expression latine , ils ne le seroient pas ; puisqu’elle semble dire , que la hauteur des prĂ©cinctions doit Ă©galer leur largeur , et d’un autre cĂŽtĂ© , Ă  la fin du 6. me Chap. de ce livre , l’auteur fixe la proportion des gradins Ă  deux pieds et demi de large et un pied six doigts de haut pour les plus petits. Ainsi il n’y aucun rapport entre la proportion des gradins et des prĂ©cinctions , et il seroit impossible qu’une ligne droite tirĂ©e du bas en haut touchĂąt l’angle de tous ces degrĂ©s. Pour ne pas mettre l’auteur en contradiction avec lui-mĂȘme , il faut supposer , d’aprĂšs la raison qu’il dit immĂ©diatement aprĂšs , qu’il a entendu que la hauteur des prĂ©cinctions ne devoit pas surpasser leur largeur , sans vouloir pour cela dĂ©terminer prĂ©cisĂ©ment leur hauteur. Quelle que fĂ»t l’étendue des théùtres , la partie au-dessus des degrĂ©s Ă©toit toujours terminĂ©e par une espĂšce d’esplanade ou palier , sur lequel s’élevoit un portique ; c’étoit lĂ  oĂč se plaçoient les femmes , et ceux qui Ă©toient en deuil 1 . Chaque partie du théùtre avoit son entrĂ©e et sa sortie distincte l’une de l’autre ; plusieurs corridors conduisoient de plein pied Ă  l’orchestre ; leurs ouvertures ou portes de ce cĂŽtĂ© s’appeloient vomitoria 2 , parce que la multitude du peuple sembloit ĂȘtre vomie par ces portes 3. e- Pour monter parmi ces degrĂ©s ou siĂšges , on les avoit coupĂ©s de distance en distance par des 1 Calp. B. Chap. v. 2C. 2 Macrob. saturna. 6. Chap, 4. 3 Yirgil..georg, liv. II. v. 462. L’ARCHITECTURE DE YITRUYE. 204 chemins qui formoient autant de petits escaliers appelĂ©s scalaria ; chacun avoit sa destination p ar _ ticuliĂšre , c’est-Ă -dire que l’un conduisoit jusqu’à la premiĂšre prĂ©cinclion , un autre jusqu’à la seconde , si le théùtre avoit trois prĂ©cinctions , un autre y conduisoit aussi ; finalement un autre encore conduisoit dans le portique supĂ©rieur. L’espace , entre deux chemins, s’appeloit cunei coins 1 , Ă  cause de leur forme , et ces coins Ă©toient destinĂ©s pour les personnes d’un rang diffĂ©rent 2 ; c’est pour cela que dans ApulĂ©e , on trouve excuneare 3 pour dire chasser une personne de sa place. Les parties du théùtre Ă©toient la scĂšne ou proscenium et le postscenium . La scĂšne ou proscenium Ă©toit le lieu oĂč les acteurs reprĂ©sentoient 5 il s’élendoit d’un cĂŽtĂ© du théùtre Ă  ,1’autre ; partant il occupoit le diamĂštre en entier. Au lieu de celte toile , qui , aujourd’hui , couvre le théùtre , avant le commencement de la piĂšce, et qu’on lĂšve aussitĂŽt qu’elle commence , chez les anciens c’étoit une tapisserie qui, pendant la reprĂ©sentation de la piĂšce , Ă©toit Ă  terre 3 , et que l’on Ă©levoit lorsqu’elle Ă©toit jouĂ©e ; ce qui Ă©toit tout simple , parce que leurs théùtres n’avoient pas de toits. Le postscenium Ă©toit le derriĂšre du théùtre , oĂč se passoit ce qui ne pouvoit convenablement se passer sur la scĂšne. Le fond du théùtre Ă©toit rempli par une superbe façade d’architecture, Perrault et d’autres interprĂštes ajoutent deux autres parties au théùtre le pupitre, pulpitum , et la scĂšne , scena 3 parce qu’ils n’ont pas compris que ces deux mots indiquoient la mĂȘme chose que le proscenium , comme nous le ferons voir dans nos remarques sur le \ I. mc Chap, de ce livre. Cette courte description des théùtres suffit pour commencer Ă  comprendre ce que l’auteur dit d’abord dans ce chapitre. A mesure qu’il dĂ©crira les diffĂ©rentes parties de ces Ă©difices , dans les chapitres suivans , nous tĂącherons de dĂ©velopper ses idĂ©es , et de les expliquer. On aura remarquĂ© combien les théùtres des anciens diffĂ©roient des nĂŽtres ; leur Ă©tendue sur-tout Ă©toit nien plus considĂ©rable. Le théùtre qu’on a dĂ©couvert dans les ruines d’Herculanum prĂšs de Naples, a 75 pieds de diamĂštre ; celui de Marcellus Ă  Rome avoit 366 pieds de diamĂštre et pouvoit contenir trente mille spectateurs. On est Ă©tonnĂ© , que, dans un aussi grand espace , qui Ă©toit entiĂšrement dĂ©couvert , la voix des acteurs Ă©toit entendue de tous les spectateurs. Ce n’est aussi qu’aprĂšs avoir Ă©tudiĂ© , avec la plus grande attention , comment le son se propage , comme il est possible de l’arrĂȘter en le concentrant et de l’augmenter par l’effet de la rĂ©sonnance , que les anciens sont parvenus Ă  rendre la voix si sonore dans leur théùtre. Vitruve compare l’effet du son qui s’étend dans l’air , Ă  celui que produit un caillou jetĂ© dans une eau paisible ; il fait naĂźtre autour du centre qu’il a mis en mouvement , un petit cercle-, qui ensuite s’étend , se multiplie , et deyient toujours plus grand , s’il n’est arrĂȘtĂ© par la rive qui contient l’eau. Cette comparaison'n’est pas bien exacte. Quand l’agitation commuaiquĂ©e Ă  l’air par la collision d’un corps frappĂ© par un autre, parvient jusqu’à l’organe auditif, elle y produit une sensation qu’on 1 Juren. Sat. 6. v. 61. 3 Horat. Ep. I. t. 189. 2 Suet. v. Aug. Chap. 44 - v LIVRE V, Ch ap. ĂŻiĂŻ. 20S Il bruit II faut supposer , il est vrai , quelque soit la nature du bruit ou du son , que son vĂ©hicule n’est autre chose que l’air mĂȘme premiĂšrement , parce que l’air est le seul corps intermĂ©diaire de l’existence duquel on soit parfaitement assurĂ© , entre le corps sonore et l’organe auditif i, faut nas multiplier les ĂȘtres sans nĂ©cessitĂ© ; que l’air suffit pour expliquer la formation du son * et de plus, parce que l’expĂ©rience nous apprend quun corps sonore ne rend pas de son dans un lieu tout-Ă -fait privĂ© d’air. Mais l’agitation que produit le son dans l’air ne se communique point par des ondes , comme l’agitaiion de l’eau. Celles-ci se font sur la superficie d’un corps fluide Ă  la vĂ©ritĂ© comme l’air; mais beaucoup lus dense et plus pesant , presque incompressible et trĂšs-peu Ă©lastique ; elles ne paraissent que sur P np s’étendent crue sur sa superficie un autre fluide qui est l’air se trouve au-dessus. Celui-ci Ă  cause de son extrĂȘme rarĂ©faction, qui obĂ©it a la moindre impulsion, et dont 1 Ă©quilibrĂ©, sans cesse rompu, cherche sans cesse Ă  se rĂ©tablir, ne gĂȘne pas plus l’impulsion donnĂ©e aux ondes que ne feroit le vuide. Le son au contraire , se transmet par les vibrations de l’air qui est un corps singuliĂšrement Ă©lastique, qui remplit tout, Ă©tant serrĂ© contre tous les corps , et tellement entassĂ©, qu’il est impossible que tes impulsions qu’il souffre soient vaines et sans effet. Ses vibrations nous transmettent dans un mĂȘme moment tes sons dans tous tes sens , horizontalement, verticalement , etc. Il n’est pas plus difficile Ă  l’air de transmettre Ă  l’oreille, sans confusion , mille agitations Ă  la fois, qu’une seule. Il est possible, cependant , d’augmenter le son en l’arrĂȘtant, et 1e concentrant , en passant par un tube , comme un porte-voix il s’augmente et devient plus fort* Le son des instrumens, la voix de l’homme , font plus d effet et sont bien plus sonoies dans un appartement qu’en plein air. Les salles d’une forme circulaire , sur-tout couvertes d’une voĂ»te concave , sont tes plus propres pour cela. 11 paroĂźt qu’elles rassemblent le son , 1e grossissent et le rĂ©flĂ©chissent, Ă -peu-prĂšs comme il arrive aux rayons de lumiĂšre rassemblĂ©s dans un miroir concave. Il existe des rotondes , tels que le tambour du dĂŽme de S. 1 Pierre du Vatican, au-dessus de la grande corniche ; celte qui forme le temple de Mercure dans tes ruines de Baya ; cette voĂ»te en Sicile , prĂšs de Siracuse, qu’on nomme l’Oreille de Denis le tyran. La voix de quelqu’un qui parte, mĂȘme fort bas , contre 1e mur d’une de ces rotondes , est entendue tout autour , meme a 1 extrĂ©- miiĂ© opposĂ©e , aussi distinctement que si l’oreille Ă©toit placĂ©e devant la bouche qui parte. 11 paroĂźt donc que tes enceintes circulaires sont plus propres que les'autres pour augmenter le son de la voix , et que c’est pour cela que tes anciens ont prĂ©fĂ©rĂ© cette forme pour le plan de leurs théùtres. 3 o6 L’ARCHITECTURE DE V I T R U Y E. "I CHAPITRE IV. De lHarmonie i. L A musique harmonique est une science obscure et difficile , sur-tout pour ceux qui ne savent pas la langue grecque. Nous ne pouvons cependant expliquer ici, ce qu’il est nĂ©cessaire d'en savoir , sans nous servir d’une quantitĂ© de mots grecs , parce qu’il y a beaucoup de choses , que notre langue , faute de termes propres , ne peut signifier. Je ferai cependant mon possible pour rendre d’une maniĂšre intelligible , ce qu’en a Ă©crit AristoxĂšne ; je rapporterai mĂȘme sa table , et dĂ©terminerai, avec exactitude , la diffĂ©rence des sons , afin que ceux qui y voudront apporter un peu d’attention, comprennent aisĂ©ment ce que j’en dirai. > La voix change ses inflexions ; les unes sont graves , et les autres aiguĂ«s elle a en outre deux sortes de mouvemens ; l’un se fait quand elle est continue et toujours Ă©gale , l'autre quand elle procĂšde par des intervalles sĂ©parĂ©s. Le mouvement que fait la voix continue , ne s’arrĂȘte nulle part ; il n’est bornĂ© par aucuns termes ; ses deux extrĂ©mitĂ©s sont insensibles Ă  l’ouĂŻe ; il n’y a que les seuls intervalles du milieu qui s'entendent, comme il arrive quand on prononce les mots , sol , lux , flos, nox car alors on ne discerne point, ni d’oĂč elle part, ni oĂč elle se termine ; l’oreille ne s’aperçoit d’aucune inflexion , ni qu’elle passe du grave Ă  l’aigu , ni de l’aigu au grave. Tout le contraire arrive dans les mouvemens qu elle fait par des intervalles sĂ©parĂ©s car quand la voix fait des inflexions diffĂ©rentes , elle devient alors tantĂŽt haute , tantĂŽt basse ; elle s’arrĂȘte Ă  un certain son dĂ©terminĂ© ; puis elle passe Ă  un autre ; et ainsi parcourant souvent divers intervalles , elle paroĂźt inĂ©gale Ă  l’oreille , comme il arrive lorsqu’on chante et que la voix se rĂ©flĂ©chit par diverses modulations. En effet ; quand elle parcourt diffĂ©rens intervalles , ses sons sont tellement marquĂ©s et dĂ©terminĂ©s , qu’il est aisĂ© de connoitre d'oĂč elle vient, par oĂč elle commence , et oĂč elle finit ; tandis que les sons du milieu sont obscurcis , parce qu’il n’y a pas d intervalles 2 . j Pour bien comprendre ce chapitre , il faut lire 2 Tous les musiciens distinguent ces deux mouve- auparavant l’explication de la table d’AristoxĂšne, qui se mens de la voix l’un continu et Ă©gal ; l’autre , par des trouve Ă  la fin» intervalles sĂ©parĂ©s le mouvement coniinu et Ă©gal de la J i LIVRE V, C h A p. iv. Ăźtoj Il existe trois genres de chant les Grecs appellent le premier Ă©narmonique i, le second chromatique 2 , et le troisiĂšme diatonique 3. La modulation Ă©nĂąrmo- nique doit son origine Ă  l’art; aussi prĂ©fĂšre*t-on sa grave mĂ©lodie Ă  celle des autres genres. Le genre chromatique , par les douces nuances de ses sons serrĂ©s * est le plus agrĂ©able. Enfin le diatonique , qui doit tout Ă  la nature , est le plus facile de tous, Ă  cause de la distance des intervalles. Ces trois genres forment les trois diffĂ©rentes dispositions du telracorde 4 , puis- que le tĂ©tracorde de l enarmonique se compose d’un diton h et de deux diĂšses 6 , Le diĂšse est la quatriĂšme partie d’un ton , ainsi deux diĂšses font un demi-ton. Dans le chromatique ; il y a deux demi-tons , et le troisiĂšme est un intervalle de trois i demi-tons 7 . Dans le diatonique, il y a deux tons de suite, et le troisiĂšme qui est ; un demi-ton termine l’intervalle du tĂ©tracorde. Ainsi tous les tĂ©tracordes , dans chacun des trois genres, sont composĂ©s de deux tons et d’un demi-ton B. Mais si l’on considĂšre comment chaque genre, pris sĂ©pĂą- ? voix , c’est quand on parle simplement sans chanter ; Ăź on l’appelle ainsi , parce que la voix ne passe pas Ă  diffĂ©rens tons , et ne forme aucune cadence au con- r traire!, quand on chante elle passe par diffĂ©rens tons ; ou , comme dit l’auteur , effectus distantes. 1 C’est-Ă -dire tempĂ©rĂ©. 2 ColorĂ©. 3 Tendu. 4 La voix modifie les sons qu’elle rend , elle les Ă©lĂšve vers l’aigu ou les fait descendre au grave. La distance d’un son Ă  un autre s’appelle intervalle. L’intervalle principal, celui qui rĂšgle tous les autres, s’appelle ton. Les tons mineurs sont le demi-ton , et le diĂšse , qui est le quart de tons Les tons majeurs sont le trie— miton , c’est-Ă -dire un ton et demi ; le diton , c’est-Ă - dire deux tons, etc. Ce principe Ă©tabli , on verra tout Ă  l’heure que tous les tĂ©tracordes , dans chacun des trois genres, contenoient toujours un intervalle de deux tons et demi ; ou , si l’on veut , ils Ă©toient composĂ©s d’un demi-ton et de deux tons , comme dans le diatonique, ou de deux demi-tons et d’un triemiton, comme dans le chromatique ‱, ou finalement de deux diĂšses et d’un diton, comme dans l’énarmonique. C’est donc dans la disposition des demi-sons des tĂ©tracordes , qu’existe la variĂ©tĂ© dont il est ici parlĂ©. 5 Diton dans la musique grecque est un intervalle composĂ© de deux tons , c’est-Ă -dire une tierce majeure. 6 AristoxĂšne divisoit le ton en deux parties Ă©gales* en trois ou en quatre de cette derniĂšre division rĂ©sul- toit le diĂšse Ă©narmonique mineur ou quart de ton , qui est celui dont parle ici Vitruve; de la seconde le diĂšse mineur chromatique , ou le tiers d’un ton ; et de la troisiĂšme le diĂšse majeur, qui faisoit juste,un demi-ton. Le diĂšse chez les modernes n’est pas proprement comme' chez les anciens , un intervalle de musique , mais un signe de cet intervalle qui marque qu’il faut Ă©lever le son de la note devant laquelle il se trouve au-desSus de celui qu’elle devroit avoir naturellement ; sans cependant 1 faire changer de degrĂ© ni mĂȘme de nom. 7 En parlant des genres diatonique et Ă©narmonique ,- Vitruve nomme les tons ou les intervalles, en commençant par les bas et allant vers les hauts, comme dans la? table, ou bien par les aigus et descendant aux gravĂ©s. 8 Dans tous les tĂ©tracordes , les deux cordes extrĂȘmes’ formoient un accord de quarte la consonnancĂ© de’ quarte est produite par un intervalle de deux tons et demi, par-consĂ©quent tous les tĂ©tracordes, dans chacun 1 des trois genres , contenoient toujours un intervalle de' deux tons et demi ou si l’on veut ils Ă©toient composĂ©s 1 d’un demi-ton et de deux tons ; comme dans le diatonique , ou de deux demi-tons , et d’un triemiton', comme' dans le chromatique ou finalement de deux diĂšses Ă©t d’un diton comme dans l’énarmonique. 2q8 L’ARCHITECTURE DE VIT RU VE. rĂ©ment, se termine , on verra qu’ils le font tous par des intervalles diffĂ©rens. La nature qui a dĂ©terminĂ© le ton , le demi-ton , et le tĂ©tracorde qu’exprime la voix humaine , a fixĂ© leur mesure , la quantitĂ© des intervalles , et Ă©tabli le mode et la qualitĂ© des distances les ouvriers qui font des instrumens de musique , suivent ces rĂšgles Ă©tablies par la nature , pour leur donner des justes mesures. Dans chacun de ces genres, il y a dix - huit sons, appelĂ©s pĂŽiyyoi par les Grecs ; de ces sons il y en a huit qui ne varient point et sont toujours stables dans les trois genres. Les dix autres varient selon les modulations i. Les stables sont ceux qui placĂ©s entre les mobiles , unissent les tĂ©tracordes les uns aux autres, et qui, dans tous les genres occupent toujours la mĂȘme place. On les appelle Proslambanomenos, Hypate-hipaton, Hypate-meson , MesĂ© , NetĂ©-sinemmenon, ParamesĂ©, JSĂ©tĂ©-diezeug- menon, NetĂ©-hyperbolƓon. Les mobiles sont ceux , qui, placĂ©s dans les tĂ©tracordes, entre deux immobiles , changent de place , selon les lieux , et les diffĂ©rens genres ; ils s’appellent ParhypatĂ© - hypaton , Lichanos - hypalon , ParypatĂ© - meson , Licanos- meson, TritĂ©-synemmenon , ParanetĂ© - synemmenon , TritĂ©-diezeugmenon, TritĂ©- hyperbolƓon, ParanetĂ© - hyperbolƓon. Ces sons mobiles, dans chaque espĂšce de genres, avoient diffĂ©rentes valeurs, parce que les intervalles et les Ă©tendues varioient. Ainsi, la parhypatĂ© , qui, dans l'Ă©nar- monique , est distante de XhypatĂ© d’un diĂšse , se change dans le chromatique , et a l’intervalle d’un demi-ton ; et dans le diatonique aussi d’un demi-ton 2 . Celle qu’on appelle lichanos est distante de 1 liypate d un demi-ton dans l’énarmonique ; dans le chromatique elle avance jusqu’à deux demi-tons ; et dans le diatonique , elle avance jusqu’à trois tellement que ces dix sons transposĂ©s et placĂ©s diversement dans chaque genre , produisent trois modulations diffĂ©rentes, Il existe cinq espĂšces de tĂ©tracordes ; le premier qui est le plus grave , s’appelle en grec Hypaton 3 le second , parce qu’il est au milieu , s’appelle Meson 4 le troisiĂšme s’appelle Synemmenon,, c’est-Ă -dire joint aux autres le quatriĂšme s’appelle 1 Quoique Vitruve mette ceux-ci gĂ©nĂ©ralement au yiombre de dix , ils n’étoient quelquefois qu’au nombre de neuf et mĂȘme de huit; parce que deux sons voisins quelquefois se confondoient et quelquefois se sĂ©paroient. 2 On lisoit dans les premiĂšres Ă©ditions , in diatono çpro tonum ; comme Perrault et Galiani , j’ai suivi la ©Direction de Meibomius , qui lit , in diatono quoque JieinitonĂźunh 3 L’épithĂšte d’Hypaton, qui signifie supĂ©rieur , ne convient pas prĂ©sentement Ă  ce tĂ©tracorde qui contient les sons les plus bas ; mais les anciens le nommoient ainsi, parce que la disposition de l’échelle qui contenoit leurs sons, Ă©toit toute contraire Ă  celle qui contient les nĂŽtres les sons graves dans la leur Ă©tant placĂ©s en haut comme on le voit dans la table Ă  la fin de ce livre. 4 C’est-Ă -dire moyen. Diezeugmenon 2°9 LIVRE V; C h A p. it. Diezeugmenon i; c’est-Ă -dire disjoint le cinquiĂšme , qui est le plus aigu, s’appelle pour cela HypcrbolcBon 2 . Les consonnances que la voix humaine peut exprimer , et que les Grecs appellent symphonies , sont au nombre de six , savoir la quarte , la quinte , l’octave , la quarte redoublĂ©e , la quinte redoublĂ©e , et la double octave. On leur a donnĂ© ces noms , Ă  cause du nombre des sons oĂč la voix s’arrĂȘte en changeant ses inflexions ; comme lorsqu’elle passe de son premier ton au quatriĂšme , on l’appelle quarte si elle passe au cinquiĂšme on l’appelle quinte si elle passe au huitiĂšme , on l’appelle octave si elle passe au huitiĂšme et demi, on l’appelle quarte sur l’octave si elle passe au neuviĂšme et demi , on l’appelle quinte sur l’octave si elle passe au quinziĂšme , on l'appelle double octave car dans la musique vocale , comme dans l’instrumentale , on ne peut tirer aucune consonnance du premier ton au second , ni au troisiĂšme, ni au sixiĂšme , ni au septiĂšme on les peut seulement tirer comme nous l’avons dit plus haut, Ă  la quarte , Ă  la quinte, et consĂ©cutivement jusqu’à la double octave qui est toute l’étendue que la voix peut avoir sans trop se forcer l’union de ces diffĂ©rens sons forme les accords que les Grecs appellent QQĂŽyyoĂŻ. 3 REMARQUES. L’épithĂšte d’harmonique , que Yiiruve ajouie au mot musique , la premiĂšre fois qu’il l’emploie au commencement de ce chapitre , indique qu’il traitera seulement de la musique harmonique qui est diffĂ©rente de la rhytbmique , de la mĂ©trique , de l’organique, de la poĂ©tique et de l’hipo- critique , qui contiennent les prĂ©ceptes de la danse , de la rĂ©citation , du jeu des instrumens , des vers et des gestes des pantomimes , de mĂȘme que l’harmonique contient les prĂ©ceptes du chant; les six objets que nous venons de citer Ă©toient le sujet de six espĂšces de musique , selon la division de Porphyre sur l’harmonie de PtolomĂ©e. Revenons prĂ©sentement Ă  l’harmonie. Toute celte science consiste principalement dans la comparaison des sons du grave Ă  l’aigu de sorte que , comme le nombre des sons est infini , l’on peut dire , dans le mĂȘme sens , que celte science est infinie dans son objet. On ne connoĂźt point de bornes prĂ©cises Ă  l’étendue des sons du grave Ă  l’aigu , et quelque petit que puisse ĂȘtre l’intervalle qui est entre deux sons , on le concevra toujours divisible par un troisiĂšme son ; mais la nature et l’art ont limitĂ© celte infinitĂ© dans la pratique de la musique. On trouve bientĂŽt , dans les instrumens , les bornes des sons praticables , tant au grave qu’à l’aigu. Alton gez ou raccourcissez jusqu’à un certain point une corde sonore , elle n’aura plus de son. L’on ne peut pas non plus augmenter ou diminuer Ă  volontĂ© la capacitĂ© d’une flĂ»te ou d’un 00 Ce tĂ©tracorde se nommoit en grec diezeugmenon, 2 C’est-Ă -dire extrĂȘme, e’est-Ă  dire sĂ©parĂ© , parce qu’il n’étoit pas liĂ© au tĂ©tra- 3 L a ta bl e d’AristoxĂšne se trouve Ă  la fin des recorde synemmenon, comme celui ci l’étoit au tĂ©tracorde marques de ce chapitre, meson , et ce dernier Ă  l’Hypaton. a 7 210 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. tuyau d’orgue , ni sa longueur; il y a des bornes, passĂ© lesquelles, ni l’un ni l’autre ne rĂ©sonne plus. L'inspiration a aussi sa mesure et ses loix trop foible elle ne rend point de son , trop forte elle ne produit qu’un cri perçant qu’il est impossible d’apprĂ©cier. Enfin il est constatĂ© par mille expĂ©riences que tous les sons possibles sont renfermĂ©s dans une certaine latitude , passĂ© laquelle , ou trop graves ou trop aigus , ils ne sont plus apperçus , ou deviennent inapprĂ©ciables Ă  l’oreille. D’un autre cĂŽtĂ© , l’on voit par la gĂ©nĂ©ration harmonique des sons , qu’il n’y en a , dans leur infinitĂ© possible , qu’un trĂšs-petit nombre qui puissent ĂȘtre admis dans le systĂšme harmonieux , car tous ceux qui ne forment pas des consonnanoes avec les sons fondamentaux , ou qui ne naissent pas , mĂ©diatement ou immĂ©diatement des diffĂ©rences de ces consonnances , doivent ĂȘtre proscrits du systĂšme. On appelle donc systĂšme , la somme de tous les sons qui peuvent ĂȘtre employĂ©s dans la musique ; on appeloit encore systĂšme , une mĂ©thode de calcul qui dĂ©terminoit leurs rapports , c’est dans ce dernier sens , que les anciens distinguoient le systĂšme pythagoricien et le systĂšme aris- toxĂ©nien ; il ne sera ici question que du second , qui est le seul dont parle Yitruve. Les pythagoriciens fixoient tous les intervalles , tant consonnans que dissonans , par le calcul des rapports. Les aristoxĂ©niens , au contraire , disoient s’en tenir au jugement de l’oreille. Leur dispute comme l’observe Jean-Jacques Rousseau n’étoit dans le fond qu’une dispute de mots , puisqu’ils rendoient tous deux les mĂȘmes idĂ©es , mais avec des termes diffĂ©rens. Les anciens avoient formĂ© des tables ou modĂšles , qui prĂ©sentoient Ă  l’oeil l’étendue gĂ©nĂ©rale de tous les sons d’un systĂšme; ils nommoient ces tables, diagrame 3 c’est ce que nous appelons aujourd’hui Ă©chelle , gamme , clavier. Celle qui reprĂ©sentoit le systĂšme d’ArisloxĂšne , que Yitruve avoit placĂ© dans son ouvrage , est perdue , elle ne se trouve pas non plus dans les trois livres des Ă©lĂ©mens de la musique harmonique d’AristoxĂšne , qui est le seul ouvrage de ce cĂ©lĂšbre philosophe , disciple d’Aristote , qui soit parvenu jusqu’à nous ; quoique , d’aprĂšs ce que dit Suidas , il avoit Ă©crit quatre cents cinquante- trois volumes. Tous les interprĂštes ont cherchĂ© de supplĂ©er Ă  celte table , par une autre qu’ils ont composĂ©e sur son systĂšme. Je donne ici celle de M. Galiani. Pour bien comprendre cette table , ou diagramme , il faut savoir , avant tout , que par son , sonitus 3 pĂŽcyyoi , on* entend la position d’un son, ou, pour parler comme lĂšs modernes , la position d’une note. Les anciens Grecs avoient donnĂ© aux diffĂ©rens sons , ou plutĂŽt aux cordes de leurs lyres , comme on le verra tout—à-l’heure , les noms suivans ; j’y joins leur signification françoise proslcimbanomenos 3 ajoutĂ©e HypatĂ© 3 supĂ©rieure ; ParhypatĂ© 3 prĂšs de la supĂ©rieure ; ' Lichanos 3 Ă©loignĂ©e ou indexte ; JMese 3 moyenne; P arcanes e 3 prĂšs de la moyenne; Trite, troisiĂšme ; Paranete 3 prĂšs de la derniĂšre ; Nete 3 la derniĂšre. La musique moderne a abandonnĂ© tous ces noms ; elle y a suppléé d’abord par les premiĂšres lettres de l’alphabet, et ensuite par les notes dont nous nous servons aujourd’hui. Ainsi on appelle le premier A mi la 3 ou simplement la j le second B fa si 3 ou si ; le troisiĂšme C sol ut 3 ou > LIVRE V, C h a p. iy. 211 ‱K ut j le quatriĂšme D la re , ou re y le cinquiĂšme E si mi, ou mi; le sixiĂšme F ut fa, ou fa y le septiĂšme G re sol , ou sol. Ensuite on commence d’autres octaves, en haut ou en bas, avec les mĂȘmes notes. La position des sons ou des notes, variant continuellement du grave Ă  l’aigu, et de l’aigu. au grave , dans la musique ancienne comme dans la moderne , on entend par intervalle , la diffĂ©rence d’un son Ă  un autre , entre le grave et l’aigu ; c’est - Ă  - dire tout l’espace que l’mi des deux auroit Ă  parcourir pour arriver Ă  l’unisson de l’autre. Souvent la distance d’un son Ă  un autre n’est pas d’un ton entier , mais d’un demi-ton ou d’un quart de ton ; pour indiquer cela , on se sert de ce signe X , qui signifie un diĂšse proprement dit , qui Ă©quivaut Ă  un intervalle d’un quart de ton ensuite de cet autre signe ^ qui indique le demi-ton que nous appelons trĂšs-improprement le diĂšse. Les lettres a , b , c , d , etc., placĂ©es Ă  cĂŽtĂ© de chaque nom ancien , font connoitre les notes modernes qui correspondent aux anciens termes grecs ; et la colonne des lettres majuscules , avec celle des noms des notes modernes , qui sont mises Ă  cĂŽtĂ© de la table , font connoitre les notes que ces lettres indiquent. Celte table forme le recueil complet de tous les sons que les anciens employoient dans les trois dilfĂ©rens genres. Les anciens divisoient l’échelle , qui contenoit tous les sons dont ils se servoient , en plusieurs tĂ©tracordes , composĂ©s chacun de quatre sons ou cordes , qui formoient l’accord de leur lyre ou C3 , thare. Chacune des cordes ne rendoit qu’un son , ainsi le terme de corde ou de son , en parlant de la musique des anciens , signifie la mĂȘme chose , parce qu’ils ne touchoient pas les cordes pour leur donner des sons dilfĂ©rens comme nous faisons. Chaque son avoit sa corde , comme il l’a encore aujourd’hui dans la harpe , le forlĂ©-piano , etc. Voici les noms de ces tĂ©tracordes le plus grave de tous, et qui se trouvoit placĂ© un ton au- dessus de la corde proslambanomenos, s’appeloit le tĂ©tracorde-hypaton , ou des principales ; le second en montant , lequel Ă©toit toujours conjoint au premier , s’appeloit le tĂ©tracorde-meson ou des moyennes ; le troisiĂšme , quand il Ă©toit conjoint au second et sĂ©parĂ© du quatriĂšme , s’appeloit le tĂ©tracorde-synemmenon ou des conjointes ; mais quand il Ă©toit sĂ©parĂ© du second , et conjoint au quatriĂšme , alors ce troisiĂšme lĂ©lracorde prenoit le nom de diezeugmenon ou des divisĂ©es ; enfin le quatriĂšme s’appeloit le tĂ©tracorde-hyperbolƓon ou des excellentes. L’ArĂ©tin ajouta Ă  ce systĂšme , un cinquiĂšme tĂ©lracorde que Meibomius prĂ©tend qu’il ne fit que rĂ©tablir. Quoiqu’il en soit, les systĂšmes particuliers des tĂ©tracordes firent enfin place Ă  celui de l’octave qui les fournit tous. Celui-ci est composĂ© de huit sons comme l’autre l’étoit seulement de quatre. Les anciens distinguoient en outre trois dilfĂ©rens genres , qui sont le diatonique , le chromatique et l’enharmonique, nommĂ© simplement harmonique par Vitruve. Par genre, les anciens entendoieut la division et la disposition du tĂ©tracorde , considĂ©rĂ© dans les intervalles des quatre sons qui le composent. La bonne constitution de l’accord du tĂ©tracorde , c’est-Ă -dire, l’établissement d’un genre rĂ©gulier, dĂ©pendoit des trois rĂšgles suivantes tirĂ©es d’AristoxĂšne , et rapportĂ©es par Vitruve dans ce chapitre. La premiĂšre Ă©toit , que les deux cordes extrĂȘmes du tĂ©tracorde dĂ©voient toujours rester immobiles , afin que leur intervalle fĂ»t toujours celui d’une quarte juste ou du diatessaron. Quant aux deux cordes moyennes , elles varioient Ă  la vĂ©ritĂ© j mais l’intervalle de la lichanos Ă  la mĂšse ne 2 7 . DES TETRA CO R DE S. 212 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. devoit jamais passer deux tons , ni diminuer au-delĂ  d’un ton j de sorte qu’on avoit prĂ©cisĂ©ment l’espace d’un ton pour varier l’accord de la lichanos , et c’est la seconde rĂšgle. La troisiĂšme Ă©loit que l’intervalle de la parypate ou seconde corde Ă  l’hypate, n’excĂ©dĂąt jamais celui de la meme parypate Ă  la lichanos. Comme en gĂ©nĂ©ral cet accord pouvoit se diversifier de trois façons , cela constituoit les trois principaux genres dont parle Vilruve , savoir le diatonique , le chromatique et 1 enharmonique. Ces deux derniers genres, oĂč les deux premiers intervalles faisoient toujours ensemble une somme moindre que le troisiĂšme intervalle , s’appeloient , Ă  cause de cela j genres serrĂ©s ou Ă©pais. Chaque genre avoit son Ă©chelle particuliĂšre. Pour faciliter l’intelligence de tout ceci, j’ai cru devoir employer les signes , ou caractĂšres , dont on se sert pour Ă©crire aujourd’hui la musique , et auxquels nous sommes accoutumĂ©s. On trouvera donc ci-dessous indiquĂ©s , avec les notes modernes , tous les sons ou cordes , tels qu’ils etoient divisĂ©s et disposĂ©s dans les trois genres des anciens. Les notes blanches indiqueront les extrĂȘmes de chaque tĂ©tracorde qui sont les sons immobiles qui ne changent point et sont toujours les mĂȘmes dans tous les genres. Les noires indiqueront les sons mobiles qui varient selon les diffĂ©rens genres. /mmĂ timm,' ifnzmmeww / Quoique Yitruve dise qu’il y a dix-huit sons dans chacun des trois genres , ce n’est que dans ! le seul genre enharmonique qu’on trouve vraiment dix-huit sons diffĂ©rens , comme on le voit dans i la table placĂ©e Ă  la fin des remarques de ce chapitre. Car dans le genre chromatique , on n’en trouve que dix-sept 5 puisque le son de la paramĂšse du tĂ©tracorde - diezeugmenon est le mĂȘme que celui de la paranete du tĂ©lracorde-synemmenon. Dans le genre diatonique , il y a seulement seize sons -, parce que celui de la trite et de la paranete du tĂ©lracorde-diezeugmenon , sont les mĂȘmes que ceux de la paranete et de la nete du tĂ©tracorde - synemmenon. MalgrĂ© cela, Vitruve a raison de dire que , dans chaque genre , il y a dix-huit sons ; car ceux-ci , quoique rĂ©pĂ©tĂ©s deux fois dans le mĂȘme genre , doivent toujours faire nombre , puisque dans chaque tĂ©lracorde oĂč ils se trouvent , ils ont des rapports diffĂ©rens avec les sons qui les composent. Nous avons vu , tout-Ă -l’heure 3 que , nonobstant que le genre enharmonique procĂšde par deux diĂšses et un diton , le chromatique par deux demi - tons et un triemiton et le diatonique par un demi ton et deux tons ; que cependant dans tous les trois genres , ces trois intervalles de chaque tĂ©lracorde Ă©galoient ensemble un intervalle de deux tons et demi , ce qui forme la consonnance de quarte. Il est clair , ensuite , que si les trois genres commencent par la mĂȘme corde ou son , qui est la proslambanomĂšne , ou si l’on veut , l’hypaie-hypalon , un mĂȘme son , par-consĂ©quent , doit commencer toute quarte ou tous les tĂ©lracordes de chaque genre , le son qui termine un tĂ©tracorde Ă©tant celui qui commence le suivant. * Les tĂ©tracordes n’étant qu’au nombre de cinq , il semble qu’il ne devroit y avoir que six cordes immobiles ; cependant il s’en trouve huit, comme le dit l’auteur , et comme on peut le voir dans la table, parce que le tĂ©tracorde diezeugmenon , c’est-Ă -dire des sĂ©parĂ©es ne commence pas par la nete 3 ou derniĂšre corde du tĂ©lracorde synemmenon , comme les autres tĂ©lracordes ; mais par une corde particuliĂšre , nommĂ©e paramese , qui forme la septiĂšme corde immobile. La huitiĂšme est la proslambanomĂšne, la premiĂšre de toutes et la surnumĂ©raire ou ajoutĂ©e, comme son nom le signifie , laquelle n’entre dans aucun des tĂ©tracordes. Dans la table Ă  la fin des remarques de ce chapitre , on a dĂ©signĂ© toutes les cordes immobiles avec des lettres majuscules, comme ProslambanomĂšne 3 Hypate, etc. Dans la table avec les signes de la musique moderne , elles le sont par des notes blanches. Il faut encore remarquer que , quoique les sons n’eussent que neuf noms diffĂ©rens comme nous l’avons vu dans la table citĂ©e , ils Ă©toient cependant au nombre de dix-huit dans chaque lĂ©lra— corde ; et cela , parce que les sons du deuxiĂšme tĂ©tracorde avoient les mĂȘmes noms que ceux du premier ; et ceux des trois derniers avoient les mĂȘmes noms entre eux , tellement que pour les distinguer on ajouloit, au nom de chaque son , celui de leur tĂ©tracorde aiusi l’on disoit l’hypate- liypalon , c’est-Ă -dire du tĂ©tracorde hypaton , hypate-meson , c’est-Ă -dire du tĂ©lracorde meson. On disoit de mĂȘme la trite du synemmenon , la trite du diezeugmenon , et la trite de l’hyperbolĂŠon. Mous observerons enfin que les huit sons consians ou immobiles , ont , dans tous les trois genres , un nom et une valeur commune ; et les dix autres , qui sont les mobiles , ont des noms communs, mais des valeurs diffĂ©rentes par exemple, la tierce de l’hypate-hypaton , s’appelle dans les trois genres , lichanos - hypaion cependant sa valeur diffĂšre dans chacun , puisque la lichanos est un demi-ton plus haut que celui de l’enharmonique , et la lichanos du diatonique est L'ARCHITECTURE DE VITE EVE. 2l4 encore un demi-ion pins haut que celle du chromatique. Il rĂ©sultoit de cela , que quelques tons qui se trouvoient dans un genre , ne se trouvoient pas dans un autre , et que rĂ©unissant ensemble tous les sons dont les anciens se servoient dans les trois genres , au lieu de dix—huit, ils en avoient vingt-cinq ? diffĂ©rons l’un de Pautre , rĂ©pandus dans les trois genres, comme Pindiquent les lettres majuscules placĂ©es en marge de la table ciiĂ©e. Les anciens, comme nous le voyons Ă  la fin de ce chapitre , comploient six consonnances. i.° Le diatessaron , que nous nommons la quarte ; 2 .° la diapente , que nous nommons la quinte ; 5.° Ic diapason , que nous nommons Poctave ; 4-° le diapason avec le diatessaron que nous nommons la quarte redoublĂ©e ; 5.° le diapason avec la diapente que nous nommons la quinte redoublĂ©e ; 6.° le disdiapason que nous nommons la double octave. Si l’on examine bien la chose , il n’existe cependant que trois consonnances , qui sont la quarte , la quinte et l’octave ; parce que les trois autres sont du mĂȘme genre , et ont les mĂȘmes valeurs que les premiĂšres ^ comme leurs noms le dĂ©montrent. Elles ne different de ceux-ci que parce que les sons forment un octave plus aigus. Nous avons introduit dans la musique moderne , des sons trĂšs-aigus , ce qui a rendu notre Ă©chelle beaucoup plus Ă©tendue que celle des anciens , en lui donnant plus de deux octaves , et par- consĂ©quent plus de six consonnances ; mais l’échelle des anciens, n’ayant que deux octaves, Yitruve a raison de dire qu’il n’y avoit que six consonnances , parce que dans celte Ă©chelle , il ne pouvoit y en avoir davantage. Dans ce chapitre et dans le suivant , nous avons conservĂ© beaucoup de termes grecs , parce que notre musique diffĂšre trop de celle des anciens , pour que nous y puissions trouver des exemples et des termes qui nous donnent des idĂ©es exactes de tous les objets qui faisoient, chez eux , partie de cette science. Si Yitruve s’excuse d’avoir employĂ© des termes grecs , parce qu’ils n’avoient pas d’équivalent en latin , quoique la musique latine fĂ»t la mĂȘme que la grecque, son excuse sera bien plus valable pour nous , dont la musique est si diffĂ©rente. Ce n’est pas que les latins , ni nous , nous manquassions d’expressions pour rendre les mots grecs ; car on les trouve tous traduits en italien dans Barbaro et autres ; mais Yitruve enlendoit, ainsi que nous , que ces termes , devenus techniques, Ă©toient alors tellement propres et identiques Ă  l’art , que pour ĂȘtre entendus , lorsqu’on en parloit , il falĂźoit s’en servir tels qu’ils Ă©toient , et non en les traduisant. Encore aujourd’hui dans tous les arts que nous avons appris des Grecs , nous avons conservĂ© presque tous les termes techniques de leur langue. Ainsi un gĂ©omĂštre dira un cube et non un dĂ©. Quoique y-tĂ«oq en grec signifie en françois un dĂ© Ă  jouer. C’est Ă  ceux qui enseignent les arts Ă  expliquer ces termes. Par exemple , nous avons dit que ce que les anciens appeloient diagramme nous l’appelons gamme ou Ă©chelle , et qu’ils avoient des Ă©chelles pour chacun des trois genres. 1 en p LIVRE V, Chap. i n5- ARISTOXÈNE. GENERA. A / la . ut re la Y la Xk ut g DIÀTONICUM. hemitonium. tonus, tonus. A Proslambanomenos. b Hypate hypaton. c Parhypate hypaton. d Lichanos hypaton. e Hypate meson. f Parhypate meson. g Lichanos meson. A MeSE. ÂŁÂŁa Trite synemmenon. ef B PARAMESE CHROMATICUM. hemitonium. hemiton. trihemiton. a Proslambanomenos. c Paranete E {syn. re ^ D Nete syn. > § b Hypate hypaton. c Parhypate hypaton. ÂŁÂŁ c Lichanos hypaton, \ - e Hypate meson. f Parhypate meson. ^[f Lichanos meson. _ a Mese. ^ a Trite synemmenon. B Parames. HARMONICUM. diesis. diesis. ditonus. A Proslambanomenos. b Hypate hypaton. X b Parhypate hypaton. c Lichanos hypaton. e Hypate meson. X e Parhypate meson. f Lychanos meson. c Trite diez. b Paranete synemm. E q X E X mi g F fa " i J - g G s °/ A g la ^ d Paranete die- zeug. e -l e Nete diez. f Trite hyperbolƓon. g Paranete hyperbolƓon. A Nete hyperbolƓon. I l n Nete sy~ nemm. c Trite diez. Paranete diez. - a Mese. X a Trite synemmenon. Paranete synemmenon. 1 b Paramese. Xb Trite. c Paranete diez. e-, e Nete diez. f Trite hyperbolƓon. Paranete hyperbolƓon. A Nete hyperbolƓon. . d Nete syn. / e —- e Nete die, X e Trite hyperbolƓon. f Paranete hyperbolƓon. A Nete hyperbolƓon. L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. \ Ăąt6 CHAPITRE Y. Des Vases du Théùtre, Suivant ces principes et les rĂšgles de mathĂ©matiques, on fait des vases d'airain proportionnel Ă  la grandeur du théùtre ; c’est-Ă -dire qu’on les fabrique de façon qu’en les frappant, ils rendent l’un le son de la quarte , l’autre celui de la quinte, et ainsi jusqu’à la double octave. On les place ensuite dans les petites cases pratiquĂ©es entre les siĂšges du théùtre; en observant les rĂšgles Ă©tablies par la musique i, et de maniĂšre qu’ils ne touchent pas le mur , mais qu’il rĂšgne un espace vuide tout autour et au - dessus ; il faut aussi qu’ils soient inclinĂ©s, ayant le cĂŽtĂ© , qui regarde la scĂšne, Ă©levĂ© par un soutien qui ne peut avoir moins d’un demi-pied de haut. On laisse devant ces petites cases, perpendiculairement, au degrĂ© d’en-bas , des ouvertures longues de deux pieds , et hautes d’un demi-pied. Voici la rĂšgle dont on se sert pour dĂ©terminer la place oĂč il faut les faire. Si le théùtre n’est pas bien grand , au milieu de sa hauteur 2 on trace une ligne, autour de laquelle on dispose les voĂ»tes des treize petites cases qu’on sĂ©pare par douze intervalles Ă©gaux. Les vases dont nous avons parlĂ© plus haut, qui sonnent la netĂ©-hyperbolĂŠon , se placent dans les premiĂšres cases Ă  l une et Ă  f autre extrĂ©mitĂ©s. Les secondes cases , Ă  cĂŽtĂ© des premiĂšres seront pour les vases qui sont accordĂ©s Ă  la quarte avec les premiers , et qui sonnent la netĂ© - diezeug- menon. Les troisiĂšmes seront pour ceux qui sont accordĂ©s Ă  la quarte 3 qui forme la paramĂšse. Les quatriĂšmes seront pour ceux qui sont accordĂ©s Ă  la * Planche XVII. me fig. 3 et 4- 1 C’est-Ă -dire que celui qui sera placĂ© dans la deuxiĂšme case , rendra un ton qui sera la quarte de celui qui sera placĂ© dans la premiĂšre ; teĂŻui de la troisiĂšme case rendra un ton qui sera la quinte du deuxiĂšme, et ainsi de suite , comme on le verra tout-Ă -l’heure, 2 Il faut faire attention que par le mot Théùtre les Romains entendoient proprement la masse de tous les degrĂ©s sur lesquels les spectateurs Ă©toient assis, et qui > formoicnt plusieurs demi-cercles ; la place oĂč les acteurs rĂ©citoient leur rĂŽle , se nommoit pulpitum , scena ou proscenium. Ainsi lorsque Yitruve dit qu’il faut tracer un ligne au milieu de la hauteur du théùtre , media altitu- dinis transversa regis designetur , c’est-Ă -dire , en traduisant littĂ©ralement , qu’il faut Ă©tablir un plan qui traverse le milieu de la hauteur du théùtre , il entend qu’il faut tracer au milieu de la hauteur de toute la masse des degrĂ©s , une ligne qui suive le contour du demi-cercl que forment les degrĂ©s, dans toute son Ă©tendue. 3 11 faut entendre que c’est avec les seconds que ces troisiĂšmes vases sont accordĂ©s Ă  la quarte. quarte LIVRE V , C h a p. y. 217 1 ‱f b* quarte et qui sonnent la nele-synemmenon. Les cinquiĂšmes seront pour ceux qui sont Ă  la quarte et qui sonnent la mese. Les sixiĂšmes seront pour ceux qui sont Ă  la quarte et qui forment 1 hypate - meson enfin il y en aura une au milieu dans laquelle sera le vase accordĂ© Ă  la quarte qui sonne l’hypate-hypaton. La disposition de ces vases fait que la voix qui vient de la scĂšne comme d’un centre , s’étend en rond, rĂ©sonne dans la cavitĂ© des vases et devient plus sonore et plus harmonieuse Ă  cause des consonnances que forment ces diffĂ©rens accords. Mais si cest un théùtre ample et fort grand , on divise alors sa hauteur en quatre parties , pour y faire trois rangs de petites cases ; le premier pour le genre enharmonique , le second pour le genre chromatique et le troisiĂšme pour le genre diatonique. Le premier rang, commençant par en bas, sera destinĂ© aux tons enharmoniques ; on le dispose d’aprĂšs les rĂšgles que nous venons de prescrire pour les petits théùtres. Quant au rang du milieu , voici comme on le dispose on placera d’abord aux deux extrĂ©mitĂ©s, dans les coins, les vases qui sonnent l’hyperbolĂŠon du chromatique ; dans les deux cases suivantes , ceux qui sont accordĂ©s Ă  la quarte et qui sonnent le diezeugmenon du chromatique; dans les troisiĂšmes, ceux qui sont accordĂ©s Ă  la quarte et qui sonnent le synemmenon du chromatique ; dans les quatriĂšmes , ceux qui sont accordĂ©s Ă  la quarte et qui sonnent le meson du chromatique ; dans les cinquiĂšmes, ceux qui sont Ă  la quarte et qui sonnent 1 hypaton du chromatique ; dans les sixiĂšmes, ceux qui sonnent la paramĂšse, qui , par une mĂȘme conson- nance , sont accordĂ©s Ă  la quinte avec l’hyperbolĂŠon et Ă  la quarte du meson du chromatique. On ne place rien dans la case du milieu , parce que les tons qu’on vient de nommer, sont les seuls dans le genre chromatique , dont on puisse tirer des consonnances. Dans la division ou le rang des cases d’en-haut, on placera dans les premiĂšres, qui sont aux extrĂ©mitĂ©s , les vases qui sonnent 1 hyperbolĂŠon du diatonique ; dans les secondes , ceux qui sont Ă  la quarte et qui sonnent le diezeugmenon du diatonique ; dans les troisiĂšmes, ceux qui sont Ă  la quarte et qui sonnent le synemmenon du diatonique ; dans les quatriĂšmes , ceux qui sont Ă  la quarte et qui sonnent le meson du diatonique ; dans les cinquiĂšmes, ceux qui sont Ă  la quarte et qui sonnent l’hypaton du diatonique ; dans les sixiĂšmes, ceux qui sont Ă  la quarte et qui sonnent la proslambanomenos. Le vase de la case du milieu sonnera la mese , qui est accordĂ©e Ă  l’octave de la proslambanomenos et Ă  la quinte de l’hypaton diatonique. Si l’on veut mieux et plus aisĂ©ment comprendre ceci , il faut jeter un coup-d’Ɠil sur la table diagrammatique qui se trouve Ă  la fin de ce livre , dans laquelle Aris- loxĂšne , avec un travail infini et la plus grande intelligence , est parvenu Ă  rĂ©unir 28 218 L’ARCHITECTURE DE Y I T R U Y E. tous les accords et les consonnances qui peuvent entrer dans les modulations de la h musique ; si l’on fait attention aux rĂšgles qu elle contient, Ă  l’effet que produit la i'L voix et Ă  ce qui peut la rendre plus agrĂ©able, il sera aisĂ© de donner aux théùtres ;U toute la perfection possible. On dira , peut-ĂȘtre , que dans tous les théùtres qu’on Ă©lĂšve tous les ans Ă  Rome, on ne remarque pas qu’on ait employĂ© aucuns de ces moyens. On se trompe en cela , puisque si on rĂ©flĂ©chit que tous nos théùtres publics sont entiĂšrement faits de bois et couverts de planches , on trouvera qu’ils rĂ©sonnent naturellement; comme les musiciens nous le font assez connoĂźtre , lorsqu’ils veulent entonner des tons aigus car ils se tournent alors vers les portes de la scĂšne , ce qui contribue Ă  rendre leur voix plus sonore ; mais chaque fois qu’on bĂątit un théùtre avec des matĂ©riaux solides , c’est-Ă -dire , oĂč l’on emploie le ciment avec les pierres de tailles, le marbre , ou d’autres matiĂšres qui ne produisent aucune rĂ©sonnance , il est indispensable , alors , d’observer toutes les rĂšgles que je viens de prescrire. Si l’on nous demande l’exemple d’un théùtre oĂč ces choses sont pratiquĂ©es , nous ne pouvons le montrer dans Rome ; mais il en existe dans plusieurs endroits de l’Italie , et dans beaucoup de villes de la GrĂšce. INous savons de plus , que Lucius Murmuras, aprĂšs avoir dĂ©truit le théùtre de Corinthe , transporta Ă  Rome les vases d’airain qui s’y trouvoient, et qu’il les consacra avec les autres dĂ©pouilles dans le temple J dc la Lune. Plusieurs architectes trĂšs-habiles , qui ont construit des théùtres dans de petites villes qui n’avoient pas de moyens sufiisans, se sont aussi servis de vases de poterie, qu’ils ont choisi bien sonores , et les ont disposĂ©s de la maniĂšre indiquĂ©e , ce qui a produit le meilleur effet. REMARQUES. Les premiers théùtres dans la GrĂšce Ă©toient de charpente , elle n’en ent pas d’autre jusqu’au temps de Craterus ; mais un jour que ce poĂšte faisoit jouer une de ses piĂšces , la partie du théùtre oĂč les spectateurs Ă©toient assis , se trouvant trop chargĂ©e-, se rompit et fondit lout-Ă -coup. Cet accident engagea les AthĂ©niens Ă  Ă©lever des théùtres plus solides , comme nous le voyons dans ce, livre ; ils en firent construire qui ne le cĂ©doient en magnificence Ă  aucun Ă©difice public, pas mĂȘme aux temples des dieux. On a dĂ©jĂ  vu qu’à Rome aussi, les théùtres ne se bĂątissoient anciennement que de bois , et ne servoient que pendant quelques jours. Lucius Mummius fut le premier qui rendit ces théùtres de bois plus splendides , en enrichissant les jeux qu’on fit Ă  son triomphe , des dĂ©bris du théùtre de Corinthe. Ensuite Scaurus Ă©leva le sien avec une telle magnificence , que la description du théùtre paroĂźt appartenir Ă  l’histoire des fĂ©es. Le théùtre suspendu et brisĂ© de Scribonius Curion , moins magnifique que celui-ci , mais bien plus Ă©tonnant , par le Vf ‱>*' J* jldlf .lĂ©lti' 0 ;lal 1 , j ami Ă© ' twa Ăźiilffl fi* j j 1 il- LIVRE V, Chap. y. 219 ĂŻ genre d’industrie qu’il offroit , Ă©toit de bois , et composĂ© de deux hĂ©micycles de gradins , aussi considĂ©rables que ceux des deux autres théùtres ; ces deux parties se tournoient Ă  volontĂ© , par le moyen d’un pivot qui les supportoit ; de plus , elles s’éloignoient et s’approchoient comme on le jugeoit Ă  propos. Les fĂȘtes et spectacles que Curion donnoit avant le repas , Ă©tant terminĂ©s , crainte que ceux qui Ă©toient sur les deux théùtres ne se moquassent les uns des autres , il fit t tourner les faces de ces deux théùtres , et ensuite les remettre de front l’un vis-Ă -vis de l’autre 1. PompĂ©e bĂątit, le premier, un magnifique théùtre de pierre et de marbre, Ă  l’imitation de celui de MitylĂšne, dont il rapporta le plan. Nous voyons dans ce chapitre que c’étoit le seul qui existoit du temps de Yitruve. Marcellus en construisit un autre, dans la neuviĂšme rĂ©gion de Home, et ce fut Auguste qui le consacra. Les théùtres de pierres se multipliĂšrent bientĂŽt ; on en comptoit jusqu’à quatre dans le seul camp de Flaminius. Trajan en Ă©leva un des plus superbes qu’Adrien fit ruiner. '[ Ces théùtres de pierres n’étoient pas favorables Ă  la voix, comme le dit Vitruve dans ce chapitre; elle ne pouvoit y retentir comme dans ceux faits de bois , qui Ă©toient entiĂšrement revĂȘtus de plan- ^ ffi. ches ; ce qui formoit une caisse immense qui produisoit , en grand , un effet semblable Ă  celui que produit la caisse d’un violon , ou d’un autre instrument de ce genre. Pour obvier Ă  ce dĂ©faut des théùtres de pierres , les anciens employoient un moyen trĂšs-ingĂ©nieux , dont nous avons perdu l’usage. Nous retrouvons , dans ce chapitre , tous les dĂ©tails de cette industrie on pratiquoit de petites cases sous les gradins, ou siĂšges; elles aVoient une ouverture dans le plan vertical des siĂšges , en face de la scĂšne ; on y plaçoit des vases de bronze faits en forme de doche , et de diffĂ©rentes grandeurs , cependant proportionnĂ©s les uns avec les autres, afin de rendre les dilfĂ©rens tons du grave Ă  l’aigu. On verra leur forme , et la maniĂšre de les placer, dans la troisiĂšme et quatriĂšme figures de la XVII e pl. Vitruve nous apprend dans ce chapitre que tous les théùtres , mĂȘme faits de pierres , n’avoient ! pas toujours des vases de cette espĂšce. Je ne sache pas qu’on en ait trouvĂ© , non plus que les cases f qui les contenoient , dans les théùtres d’Herculanum ni de Pompeia qu’on vient de dĂ©couvrir. ^ 1 Les petits théùtres n’avoient qu’un seul rang de vases , qui rendoient les sons du genre enharmo- nique , et qui formoientwdes accords de quarte , les Tins avec les autf%s ; mais, dans les grands ^ théùtres , il y en avoit trois rangs , un pour chaque genre , et qui formoient les mĂȘmes accords. uslq Mut x Ü* 0^ [ jdI 1 Ces vases Ă©toient uniquement lĂ  , pour augmenter le son de la voix , en la faisant retentir, et non pour ĂȘtre frappĂ©s avec des marteaux , comme Cesarini et le pĂšre Kirker l’ont cru mal-Ă -propos. On plaçoit les vases qui rendoient les sons les plus aigus', vers les extrĂ©mitĂ©s des coins du théùtre, et ceux qui rendoient les tons graves, au milieu. Le retentissement se faisant sentir avec plus de force dans le milieu oĂč la voix est ramassĂ©e , il convenoit de donner cette situation avantageuse aux vases qui Ă©toient pour les sons graves qui ne se portent pas loin avec la mĂȘme force que les aigus. Dans les trois rangs y le deuxiĂšme Ă©toit accordĂ© Ă  la quarte avec le premier , et ainsi des autres. i { 1 Pline ,Liv. XXXVI, Ch. x5. 28. 220 L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. Le pĂšre Kirker , dans son traitĂ© intitulĂ© De arte magna consoni et dissoni , se vante d’avoir corrigĂ© une faute dans le texte , oĂč Vitruve dit, que le quatriĂšme vase accordĂ© Ă  la quarte, sonnera la netĂ© synemmenon. Reperd hoc loco , dit-il , insignem errorem , qui cum musicis prƓceptis consistere non potest , estque diatessaron ad netem synemmenon. S’il avoit bien compris le texte, il n’y auroit pas trouvĂ© de faute , ni ajoutĂ© , mal - Ă  - propos , qu’il falloil supprimer le mot dia- tessaron , sans cependant se donner la peine de le remplacer par un autre , ou de donner quelque raison pour sa prĂ©tendue correction. Perrault soupçonne ici la mĂȘme erreur , et d’aprĂšs Meibomius , il substitue le mot diapente , Ă  celui de diatessaron , et traduit, comme si l’auteur avoit voulu dire , que la nelĂ©-synemmenon s’ac- cordoit Ă  la quinte avec la netĂ©-liyperbolĂŠon. Ils prĂ©tendent tous deux que la mĂȘme erreur s’est encore glissĂ©e , deux autres fois , dans les cas absolument semblables , oĂč Yiiruve parle des rangs des vases destinĂ©s aux sons chromatiques et diatoniques qu’on plaçoit dans les grands théùtres; ils veulent qu’on les corrige de mĂȘme, en lisant diapente, au lieu de diatessaron celte mĂȘme expression, constamment rĂ©pĂ©tĂ©e dans les mĂȘmes circonstances , auroit cependant dĂ»'les persuader du contraire. Ce n’est pas qu’ils eussent tort de dire que la nelĂ©-hyperbolĂŠon s’accorde Ă  la quinte avec la nelĂ©-hyperbolĂŠon ; mais l’auteur ne parle pas de cela , et a voulu dire toute autre chose en examinant bien le sens du texte, on trouvera qu’il n’a rien que de trĂšs-naturel , comme je vais le dĂ©montrer. 11 faut considĂ©rer les cinq lĂ©tracordes , dont se servoient les anciens , comme divisĂ©s en deux parties ; l’une contenoit les trois premiers, c’est-Ă -dire l’hypate, le meson et le synemmenon ; l’autre le diezeugmenon , et l’hyperbolĂŠon. D’aprĂšs cela , l’auteur nomme d’abord les trois sons de nelĂ©- hyperbolĂŠon, nelĂ©-diezeugmenon et paramĂšse , en ajoutant qu’ils s’accordoient entre eux Ă  la quarte, comme ils le font en effet. Il nomme ensuite les sons des deux autres tĂ©tracordes, comme dĂ©tachĂ©s, et n’ayant aucuns rapports avec ceux-ci ; tellement que , quand il dit que la netĂ© - synemmenon s’accorde Ă  la quarte , il n’entend pas que c’est avec les sons dont il a dĂ©jĂ  parlĂ© ; mais avec celui qu’il va nommer ensuite, c’est-Ă -dire avec la mese , qui s’accorde aussi Ă  la quarte avec l’hypate. YoilĂ , comme l’auteur a eu raison de le dire diatessaron ad neten synemmenon. Et si ces critiques avoient un peu rĂ©flĂ©chi , ils ne se seroient pas avisĂ©s de toucher ici au texte, en substituant le mot diapente Ă  celui de diatessaron. Nous reviendrons sur cet objet en parlant de la distribution des vases pour les deux autres genres. Yoici comme les tons du genre enharmonique Ă©toient distribuĂ©s dans les petits théùtres , qui a’avoient qu’un seul rang de vases. 2 te H tel f es te! cy- o I 4 O a S w h „ a, ÏN , H N 1 § O a > tel g H CB tel S te H tel i a CS a CS a o a H CB El ffl K} tel Ăź> H tel i w 3 H tel a I *i tel Ü> H tel i es Co i tel CB tel ' 5S tel H tel i CS es a o a > tel n» K tel CB tel S! tel H tel i 8 CS ta CS ! CS a o a 3 tel H ‱F § es te* o* o o a iitro il ĂŻfliokp St en n - 0as Ăźen'iu LIVRE V, C ii A p. y. 221 Dans les grands théùtres , on plaçoit trois rangs de vases , pour les trois genres ; ceux du rang d’en bas, destinĂ©s Ă  rendre les sons du genre enharmonique , Ă©toient distribuĂ©s de la mĂȘme maniĂšre que nous ayons vu qu’ils l’étoient dans les petits théùtres ; ceux du rang du milieu Ă©toient pour les sons du genre chromatique , et ceux du rang d’en haut, pour ceux du genre diatonique. L’auteur, en parlant des vases qui composent le second rang , soit pour la briĂšvetĂ©, ou par oubli, nĂ©glige de nommer quels Ă©toient les sons qui dĂ©voient rendre parmi ceux qui composent le genre chromatique ; il se contente de nommer les tĂ©tracordes d’oĂč ils Ă©toient tirĂ©s. Il est aisĂ© cependant de connoĂźlre aussi les sons , parce qu’il en spĂ©cifie quelques-uns , et l’on trouve les autres par les intervalles de quarte , de quinte et d’octave dont il exprime la distance de ceux qui sont spĂ©cifiĂ©s. Par exemple il dit que le vase de la sixiĂšme case de ce rang sonnoit la paramĂšse , et qu’il Ă©toit accordĂ© avec celui qui sonnoit l’hyperbolĂŠon dans la premiĂšre , et Ă  la quarte "avec lĂ© meson or la quinte de la paramĂšse dans l’hyperbolĂŠon , est la trite , et sa quarte dans le meson est la lichanos. D’aprĂšs cela , puisque tous les autres sons s’accordoient entre eux , Ă  la quarte , il est aisĂ© de les trouver tous , par le moyen de la table. Les premiers vases dĂ©voient donc sonner la trite- hyperbolĂŠon qui est la quinte de la paramĂšse; les seconds la trite - diezeugmenon , et formoient, entre eux , un accord de quarte ; les troisiĂšmes sonnoient la paranĂšle-synemmenon ; les quatriĂšmes la lichanos-meson ; les cinquiĂšmes la lichanos-hypaton ; ces trois derniers s’accordoient Ă  la quarte entre eux et avec la lichanos-meson , qui est la quarte de la paramĂšse fixĂ©e par l’auteur. Perrault, Kirker et Meibomius lisent encore diapente oĂč l’auteur dit diatessaron ad chromaticum diezeugmenon; par-lĂ  ils forment une Ă©chelle toute diffĂ©rente de la nĂŽtre. Je crois inutile d’ajouter quelque chose , pour la rĂ©futer , Ă  ce que j’ai dit tout-Ă -l’heure , dans la mĂȘme circonstance , en parlant des vases du premier rang. La disposition des vases du deuxiĂšme rang , pour le genre chromatique, Ă©toit comme il suit, 6 6 H >— ‱ O 6 3. O I a H "7 N ‱ c§ a O a hd P >-S p a o r* CD I a cd o ET* ÂŁ0 P O en I S CD CO O a CD et » Ci O en ? a s. O a TJ â–ș pi â–ș g bd os bd *‱0 Pi g bd en ba p a o 'T i a § a o CT* P ÂŁ3 O f » *-! P ÂŁ3 fl> a CO I O- es*. ta ! s a o a H ’-s h* ‱ CD $ o s o* o s* o a En parlant des sons du genre diatonique , employĂ©s pour le troisiĂšme rang de vases , l’auteur se borne encore , cette fois , Ă  nommer seulement les tĂ©tracordes et non les cordes mais comme il spĂ©cifie pour la sixiĂšme case la proslambanomene, et pour celle du milieu la meson , qui fait l’octave de la proslambanomene, et la quinte avec une des cordes du tĂ©tracorde hypaton , on comprend aisĂ©ment que celle-ci ne peut ĂȘtre autre que la lichanos-hypaton , qui forme un accord de quinte avec la meson. 222 L ARCHITECTURE DE V I T R U V E. D’aprĂšs cela , puisque tous les autres sons doivent s’accorder Ă  la quarte avec quelques-uns de ceux-ci, on trouvera facilement, avec un peu d’intelligence et le secours de la table , que ces autres sons doivent ĂȘtre ceux de la paranĂšte-hyperbolaeon, et de la paranĂšle-diezeugmenon , qui s’accordent entre elles Ă  Ja quarte , et avec la meson qui est spĂ©cifiĂ©e ensuite ceux de la paranĂšte-synemmenon , de la lichanos-meson et de la lichanos-hypalon , qui s’accordent entre elles aussi Ă  la quarte et avee la lichanos dont l’auteur fixe lui-mĂȘme le ton en l’appelant la quinte de la mese. On a vu la disposition des vases dans les rangs qui contiennent les sons des genres enharmoniques et chromatiques voici celle du genre diatonique. 4 3 ‱a ‱n P ‱-S P S CD r- CD Ă  Cfc 3 - O §* O » *0 fi? P D CD CD I B- CD ta CD Psi Cfq ’T » »-s P CS CD a CD o cr sa a O O a* W a O en 4 a ? a *0 ÂŁ o en ĂŻ> g td ï» Z O g fcd Z a a en a a o on a ĂŻ> g a z o g a z a o tr sa a o en I t a O a o ET 63 a o â–ș0 63 "S 63 a CD 63 63 a CD O, N . CD ta CD S CD a o a p ’-S P 3 CD r-p CD t CD >* O O §* a CHAPITRE VI. Zte la construction du Théùtre. On dessine le plan du théùtre de la maniĂšre suivante. AprĂšs avoir tracĂ© le circuit de la partie infĂ©rieure, on place un centre dans le milieu a et l’on dĂ©crit tout autour un cercle FFF on inscrit, dans ce cercle , quatre triangles Ă©quilatĂ©raux, et disposĂ©s par intervalles Ă©gaux , i de maniĂšre que l’extrĂ©mitĂ© de leurs angles touche sa circonfĂ©rence. C’est ainsi que les astronomes divisent le cercle pour placer les douze signes cĂ©lestes , d’aprĂšs le rapport qui se trouve entre la musique et les constellations. ** Planches XVI et XVII. gles marquent sur cette circonfĂ©rence douze points qui i C’est-Ă -dire que les pointes des angles de ces trian- la divisent en douze parties Ă©gales. ^ Le cĂŽtĂ© gg de ces triangles qui est le plus prĂšs de la scĂšne , dans l'endroit oĂč .il fait une section dans ce cercle, marque l’étendue de la façade qui termine la scĂšne. On tirera ensuite une autre ligne parallĂšle bb Ă  celle-ci, qui, passant par le centre, a sĂ©parera le pupitre du proscenium, G i de l’emplacement de l’orchestre A. Ainsi le pupitre sera bien plus Ă©tendu que celui des Grecs 2 , ce qui est nĂ©cessaire ; puisque chez nous, tous ceux qui reprĂ©sentent, le font sur la scĂšne, l’orchestre Ă©tant rĂ©servĂ© pour les siĂšges des sĂ©nateurs. Le pupitre ne doit pas avoir plus de cinq pieds de hauteur , afin que ceux qui sont dans Y orchestre puissent voir tous les gestes des acteurs. * On divise les amas de degrĂ©s 3 oĂč sont placĂ©s les spectateurs au théùtre, dans tous les endroits oĂč les angles eee des triangles touchent la circonfĂ©rence du cercle; ces angles dirigent l’alignement des escaliers qui sĂ©parent ces amas jusqu’à la premiĂšre prĂ©cinction , G au-dessus de laquelle d’autres escaliers sĂ©pareront les amas des degrĂ©s supĂ©rieurs , se dirigeant alternativement sur le milieu des amas d’en bas ; les angles dans le plan d’en bas , qui dĂ©signent les escaliers , sont au nombre de sept ; les cinq autres dĂ©signent les parties qui composent la scĂšne celui du milieu doit ĂȘtre vis-Ă -vis de la porte royale H les deux qui sont auprĂšs , l’un Ă  droite , l’autre Ă  gauche , doivent correspondre aux portes des Ă©trangers II les deux autres seront en face des passage's LL qui sont dans les coins. La hauteur des degrĂ©s, sur lesquels sont placĂ©s les siĂšges des spectateurs, ne peut avoir moins d’un pied et un palme 4 , ni plus d’un pied et six doigts leur largeur ne peut avoir plus de deux pieds et demi ni moins de deux pieds. REMARQUES. L’auteur nous apprend dans ce chapitre de quelle maniĂšre les anciens traçoient les plans de leurs théùtres. Ils dĂ©crivoient d’abord un cercle qui marquoit le fond du théùtre , ou l’orchestre c’est-Ă -dire l’espace qui est entourĂ© par les degrĂ©s. J’ai entendu du moins comme cela les expres- 1 Le proscenium ou le pupitre du proscenium Ă©toit la mĂȘme chose. Par pupitre on entendoit l’échafaud ou la masse de maçonnerie sur laquelle la scĂšne Ă©toit Ă©levĂ©e. Ainsi c’est comme si Vitruve avoit dit l’échafaud du proscenium. 2 En jetant un coup-d’Ɠil sur la planche XVI qui reprĂ©sente le théùtre des Romains , et sur la XVII e qui reprĂ©sente celui des Grecs, on verra d’abord combien le pupitre du théùtre romain Ă©toit plus large que celui des Grecs, et, au contraire, combien l’orchestre grec Ă©toit plus grand que celui des Romains. * Planches XVI. e et XVII.» 3 En latin cunei. Voyez l’explication de ce mot dans nos remarques Ă  la fin de ce chapitre. 4 Un pied et un palme des anciens romains faisoient un peu moins que quatorze pouces de France , et un pied sis doigts un peu plus de quinze. 224 L ’ A R C H I T E C T U R E DE Y I T R U V E. sions perimetros imi. Perrault et Galiani leur ont donnĂ© le mĂȘme sens , au lieu que Philander , Barbaro et autres ont cru , irĂšs-mal-Ă -propos , que ce cercle devoit contenir toute l’étendue du plan du théùtre prise en dehors ; aussi n’ont-ils pu parvenir Ă  en tracer la figure , ou celles qu’ils en ont tracĂ©es , d’aprĂšs ce principe , sont si opposĂ©es avec le reste du texte , qu’il est inutile de prendre la peine de les rĂ©futer. On divisoit ensuite la circonfĂ©rence de ce cercle en douze parties Ă©gales par le moyen de quatre triangles ou de trois carrĂ©s pour les théùtres grecs comme les astronomes , dit Yitruve , ont coutume de tracer les douze signes du zodiaque suivant le rapport qu’il y a entre la musique et les constellations. On voit que l’auteur en revient encore aux principes des pythagoriciens. Dans le i. er chapitre du I. er livre , nous avons vu que ces philosophes prĂ©tendoient que les mouvemens des corps cĂ©lestes formoient une harmonie. Pour comprendre donc comment ils trouvoient un rapport entre la musique et une circonfĂ©rence divisĂ©e en douze parties Ă©gales , comme le zodiaque , soit par le moyen de quatre triangles Ă©quilatĂ©raux , soit par le moyen de trois carrĂ©s qu’on employoit pour former le théùtre des Grecs , il suffit de connoĂźtre ce passage de PlolomĂ©e le soleil , dit-il , en parcourant le zodiaque , forme trois carrĂ©s , parce qu’il y a autant de consonnances de quarte. Il forme aussi quatre triangles, parce que c’est le nombre des consonnances de quinte. 1 Le cĂŽtĂ© d’un de ces triangles marquoit le fond de la scĂšne , dont le devant s’avançoit chez les Latins jusqu’au centre du cercle qu’on avoit tracĂ© d’abord par consĂ©quent le devant de la scĂšne Ă©toit aussi Ă©tendu que le diamĂštre de ce cercle. La partie que nous appelons aujourd’hui proprement théùtre, c’est-Ă -dire, celle destinĂ©e aux acteurs, se divisoit en deux, le proscenium et le postscenium. La plupart des interprĂštes ont cru , comme nous l’avons dĂ©jĂ  observĂ© , que par les mots scena et pulpitum que Yitruve emploie quelquefois, il entendoit autre chose que le proscenium y mais ils se sont trompĂ©s , ces trois mots Ă©tant synonymes j’ai fait voir dans les notes sur ce chapitre , que ces mots signifioient toujours la mĂȘme chose que le proscenium, a J’en ai Ă©tĂ© sur-tout convaincu en voyant les ruines des théùtres d’Herculanum et de Pompeia prĂšs de Naples. Ils ont Ă©tĂ© ensevelis tous deux sous les laves du YĂ©suve. Les couches qui couvrent le premier , ont plus de quatre-vingt pieds d’épaisseur. On est parvenu par des excavations Ă  dĂ©couvrir une grande partie de ce théùtre. Pour parvenir dans le vaste souterrain , sous lequel on le voit aujourd’hui , il faut suivre de longues galeries qu’on a creusĂ©es dans les laves. Mais on ne peut le voir tout entier , parce qu’on a Ă©tĂ© obligĂ© dĂ©laisser, de distance en distance, des piles pour soutenir l’énorme masse qui s’élĂšve sur sa voĂ»te. Ensuite on a dĂ» remplir une partie des excavations , parcequ’on craignoit pour la ville de Portici qui est bĂątie en partie au-dessus prĂ©caution d’autant plus nĂ©cessaire , que ce terrain , situĂ© au pied du mont YĂ©suve, est sujet Ă  ĂȘtre Ă©branlĂ© par des frĂ©quens tremblemens de terre. Les ingĂ©nieurs de Naples qui ont dirigĂ© ces fouilles , ont eu l’attention de faire exĂ©cuter un petit modĂšle, en relief, de ce théùtre, et l’ont placĂ© dans le souterrain. Il reprĂ©sente exactement toutes les parties qu’on en a dĂ©couvertes, et en facilite la recherche aux observateurs. Quant Ă  doit particuliĂšrement l’c'le'vation de la scĂšne , c’est-Ă -dire , la hauteur depuis le p&ve' de l’orchestre jusqu’à celui de la sçÚne. 1 Harmonie , liv. III , Ch. 9. Çü Sauf cependant que par le mgt pulpitum > il paroĂźt qu’on enten- celui LIVRE V, G h a p. ti. o 2 celui de Pompeia , les cendres du YĂ©suve qui l’ont enseveli comme tout le reste de celte ville , ne le couvre pas au-dessus du faĂźte de ses murailles ; lorsque je l’ai vu, il Ă©toit presqu’enliĂšrement dĂ©couvert ; toutes ses parties Ă©tant en plein jour , on n’est pas gĂȘnĂ© comme dans celui d’Hcrcu- lanum j on le voit tout entier au premier coup-d’oeil. Dans l’un et l’autre de ces deux théùtres , j’ai remarquĂ© toutes les parties dont parle Vitruve , entre autres le -proscenium , et je n’en ai rencontrĂ© aucune autre, Ă  laquelle on pĂ»t donner le nom de pulpĂŻtum ou de scena. Les angles des triangles tracĂ©s dans le cercle indiquoient la place des escaliers qui sĂ©paroient les amas de degrĂ©s sur lesquels les spectateurs Ă©toient assis. Les escaliers , qui tendoient droit au centre du théùtre , donnoient une forme de coin Ă  tout cet amas de degrĂ©s qui Ă©toient compris entre les prĂ©cinctions et les escaliers , Ă  cause que d’une base large , ils aboient en Ă©trĂ©cissant, d’oĂč on les a nommĂ©s en latin cunei. Nous n’avons pas de terme propre en françois pour rendre celte expression latine ; parce que nous ne nous servons plus de pareils théùtres. Cette division de siĂšges ou de degrĂ©s servoient, comme nous l’avons dĂ©jĂ  observĂ© , pour sĂ©parer les diffĂ©rĂ©es ordres de citoyens. Un de ces coins Ă©toit occupĂ© par les magistrats , d’oĂč on l’appeloit bulenticos y un autre par les jeunes gens , d’oĂč on le nommoit ephebeos y un autre par les chevaliers , d’autres enfin par le peuple. C’est de-lĂ  que sont venues ces expressions cuneaio et discunectto , pour dire que Quelqu’un Ă©toit admis dans sa place au théùtre , ou qu’il en Ă©toit chassĂ©. Nous avons dĂ©jĂ  observĂ© qu’une grande façade dĂ©corĂ©e de colonnes et d’autres ornemens d’architecture , occupe le fond de la scĂšne des théùtres anciens 1. Dans le milieu de cette façade se trouve une grande porte qu’on nomme la porte royale j aux deux cĂŽtĂ©s de celle - ci , il y en a deux plus petites nommĂ©es portes des Ă©trangers. L’usage des jeux scĂ©niques est venu Ă  Rome de la GrĂšce. Les piĂšces de théùtre latines sont presque toutes traduites ou imitĂ©es du grec , aussi retrouve-t-on, dans les théùtres romains, toutes les parties qui composent celui des grecs. On leur a mĂȘme laissĂ© les noms qu’elles avoient dans cette langue. Hormis la grandeur de l’orchestre et celle de la scĂšne, tout le reste est semblable , et a bien plus de rapport aux usages des Grecs qu’à ceux des Romains. * Dans le dixiĂšme chapitre du VI. e livre, nous verrons que, dans les maisons grecques , il y avoit dans le milieu , un grand bĂątiment occupĂ© par le propriĂ©taire , et sur les cĂŽtĂ©s deux plus petits destinĂ©s Ă  loger les Ă©trangers , ayant chacun leur porte particuliĂšre , ce qu’on peut voir dans la XX. c planche. Comme dans la plupart des piĂšces de théùtre , le principal personnage est censĂ© avoir son habitation sur la scĂšne, il convenoit, suivant l’usage des Grecs , que celles destinĂ©es aux Ă©trangers s’y trouvassent aussi ; puisque ceux-ci interviennent souvent dans les piĂšces c’est pourquoi la grande porte du milieu reprĂ©sentoit la principale entrĂ©e de la maison du maĂźtre ; et les deux petites sur les cĂŽtĂ©s, celles des Ă©trangers. Je ne sais , dit Galiani , oĂč M. r Boindin a Ă©tĂ© trouver que la seule porte Ă  gauche Ă©toit destinĂ©e aux Ă©trangerset que l’autre l’éùoit Ă  d’autres personnages. 2 Outre l’entrĂ©e du maĂźtre de la maison , et celles des Ă©trangers, qui Ă©toient logĂ©s chez lui^ il y avoit, pour 1 On a trouvĂ© les ruines de cette façade , et la plupart des colonnes qui s’y trouvoient, en dĂ©terrant le théùtre d’Herculanum. 2 Discours sur les théùtres antiques. MĂ©m. de l’acad. des insc. et belles lettres. T. 1. 29 2^6 L’ARCHITECTURE DE V I T II TJ V E. paroĂźtre sur la scĂšne , deux autres issues aux deux extrĂ©mitĂ©s de la façade du fond ; l’une Ă©toit pour les personnages qu’on suppose venir du forum ou des autres quartiers de la ville , et l’autre pour ceux qu’on suppose venir de la campagne. CHAPITRE VIL Du Portique et dautres parties du Théùtre , La couverture du portique D qu’on e'iĂšve au-dessus du dernier gradin, doit ĂȘtre de niveau avec celle qui termine le haut de la scĂšne ; parce que le son de la voix se rĂ©pandant d’une maniĂšre Ă©gale , s’élĂšve jusqu’au dernier, degrĂ© et parvient jusqu’au toit ; il se perdroit bientĂŽt, si, parvenu Ă  cette hauteur , elle se trouvoit moins Ă©levĂ©e que celle de la scĂšne. ** On prend ensuite la sixiĂšme partie du diamĂštre AF de l’orchestre qu’on porte sur les degrĂ©s infĂ©rieurs, et on coupe Ă  plomb de cette mesure, tant aux extrĂ©mitĂ©s que dans le circuit, pour y percer les entrĂ©es ; et dans l’endroit oĂč l’on aura fait cette coupure, on placera les chambranles des portes qui, comme cela, seront assez Ă©levĂ©es. *** Il faut que la scĂšne GG soit deux fois aussi longue que le diamĂštre de l'orchestre. i Le piĂ©destal, posĂ© sur le pupitre, doit avoir de hauteur, y compris sa base et sa corniche , la douziĂšme partie du diamĂštre de l’orchestre. Sur ce piĂ©destal,, on pose les colonnes , qui , avec leurs chapiteaux et leurs bases, auront la quatriĂšme partie de ce diamĂštre. Les architraves et les autres ornemens auront ensemble la cinquiĂšme partie de la grandeur des colonnes. LĂ  dessus il y aura un autre piĂ©destal qui, avec la base et sa corniche , n’aura que la moitiĂ© du piĂ©destal d’en bas. Les colonnes , qu’on posera sur ce piĂ©destal , seront moins hautes du quart que celles d’en bas. * Les architraves et les autres ornemens de ces colonnes seront de la cinquiĂšme partie de la colonne et si l’on met un troisiĂšme ordre de colonnes sur la scĂšne , il faudra que le piĂ©destal d’en haut soit de la moitiĂ© du piĂ©destal du Planche XVI. me pitre, que, par le diamĂštre de l’orchestre, il entend le ** Planche XVl. me demi-diamĂštre du cercle , sur lequel on a tracĂ© le plan *** Planche XVI. me fig. 3. du théùtre. i On verra dans les remarques Ă  la fin de ce cha- Planches XYI. mc et XVII. me %!‱ r , lĂŒle,J LIVRE V, Ch A p. r i i. ‱'! rp milieu. Les colonnes du dernier ordre doivent ĂȘtre plus courtes de la quatriĂšme partie que celles du second , et il faut que leurs architraves avec la corniche et les autres ornemens rĂ©unis , soient de la cinquiĂšme partie de la colonne , comme les autres. Il ne faut cependant pas croire que ces proportions et ces rĂšgles produiront toujours les mĂȘmes effets , et conviendront Ă©galement Ă  tous les théùtres ; mais l’architecte doit connoĂźtre ces proportions et Ă©tudier ces rĂšgles pour savoir les appliquer suivant la nature des lieux , et la grandeur de l’édifice. Il y a beaucoup de choses que l’usage , auquel elles sont destinĂ©es , oblige de faire de la mĂȘme grandeur dans les petits théùtres , comme dans les grands. Tels sont les siĂšges , les prĂ©cinctions , les balustrades , les passages, les escaliers, le pupitre , les tribunes et autres choses semblables , que leur destination particuliĂšre empĂȘche d’assujĂ©tir Ă  la proportion gĂ©nĂ©rale. On peut Ă©galement, lorsqu’on n’a pas de piĂšces de marbre ou de charpente , ou d’autres matiĂšres d une grandeur suffisante, retrancher ou ajouter un peu Ă  l’ouvrage , pourvu qu’on le fasse avec intelligence et discrĂ©tion ; ce qui exige dans l’architecte beaucoup d’expĂ©riences , d’habiliiĂ© et de talent. La scĂšne doit ĂȘtre dĂ©gagĂ©e et disposĂ©e de maniĂšre qu’au milieu, il y ait une porte ornĂ©e comme celle d’un palais royal ; H * Ă  droite et Ă  gauche deux autres portes pour les Ă©trangers II; i Ă  cĂŽtĂ© de celles-ci les espaces K destinĂ©s aux dĂ©corations. Les Grecs appellent cet endroit periactous 2 Ă  cause qu’on y place les machines M triangulaires qui tournent Ă  volontĂ©. Chacune de ces machines a trois diffĂ©rentes espĂšces de dĂ©corations, qui procurent des changemens en tournant leurs diffĂ©rentes faces , soit lorsqu’on change de piĂšce , soit lorsqu’on fait paroĂźtre les dieux accompagnĂ©s de leur tonnerre. Au-delĂ  sont les galeries LL qui conduisent sur la scĂšne ; on suppose que par l’une on vient de la ville , et par l’autre de la campagne. REMARQUES. Nous avons remarquĂ© qu’on pĂ©nĂ©iroit dans l’orchestre et sur les prĂ©cinctions , par plusieurs issues qu on appeloit vomitoires > vomitorium y parce qu’elles sembloient vomir la foule du peuple qui enlroit par-lĂ  sur l’orchestre , et les prĂ©cinctions , pour aller se placer ensuite sur les degrĂ©s. j ^ Il falloit naturellement que les degrĂ©s fussent interrompus , par une coupure , dans les endroits u taot i 1 toit »? »***’! * Planches XVI. me et XVII. me 1 Voyez le io. me Chap. du Vl. me Liv., et les remar= ques qui sont Ă  lĂ  fin. 2 C’est-Ă -dire que l’on fait tourner. 29. 228 L'ARCHITECTURE DE VIT R U VE. oĂč se irouvoient les portes des issues. Vitruve dit qu’il faut avancer cette coupure dans les degrĂ©s, de la longueur de la sixiĂšme partie du diamĂštre de l’orchestre. Orchestra inter gradus irnos quam diametron habuerit. * Par diamĂštre , on entend littĂ©ralement une mesure qui passe par le milieu ainsi par le diamĂštre de l’orchestre , Vitruve entend une ligne qui passe par son milieu ; et comme il n’occupe que la moitiĂ© du cercle e , F , a , b , g , g , b , e , FF , qui a servi Ă  tracer le théùtre , ce ne peut ĂȘtre que le demi-diamĂštre de ce cercle a , e , et non le diamĂštre b , a , b ; d’ailleurs une coupure de la sixiĂšme partie de ce dernier diamĂštre seroit disproportionnĂ©e. Comme Galiani, j’ai placĂ© ces portes , ou vomitoires , au milieu de chaque amas de degrĂ©s en F ; et non dans la place des escaliers , scalĂŠ en e , comme Perrault l’a fait en dĂ©pit de la raison et du bon sens car le peuple , comme nous l’avons dit , entroit dans l’orchestre par ces portes, et ensuite montoit. par les escaliers , pour aller se placer et s’asseoir sur les degrĂ©s ; ce qui lui eĂ»t Ă©tĂ© impossible de faire avec les escaliers du premier rang, placĂ©s immĂ©diatement au-dessus des portes , comme ils le sont dans les dessins du traducteur françois , oĂč ils semblent conduire les gens pour se prĂ©cipiter. Le meme auteur ayant aussi oubliĂ© de placer des portes ou vomitoires sur les prĂ©cinctions , les spectateurs suivant lui dĂ©voient d’abord monter au portique d’en haut par les escaliers 5,4, 5. Plane. XVII , fig. l et 2 ; et descendre ensuite par les escaliers dans les gradins. Quelle incommoditĂ© pour le beau-sexe qui se plaçoit dans cette galerie , et pourquoi faire monter et descendre aussi inutilement lĂšs spectateurs ? "Vitruve s’est d’abord principalement attachĂ© Ă  donner les principes d’aprĂšs lesquels on devoit construire la partie du théùtre occupĂ©e par les spectateurs ; c’est-Ă -dire l’hĂ©micycle des gradins sur lesquels on Ă©loit assis. ĂŻl s’attache ensuite Ă  dĂ©crire la partie destinĂ©e aux acteurs , que nous nommons la scĂšne c’est la portion du théùtre des anciens sur laquelle les savans sont le moins d’accord , et sur laquelle il leur reste encore bien des recherches Ă  faire. De tous les monĂ»mens antiques dont la conservation eĂ»t Ă©tĂ© si utile pour l’intelligence des auteurs anciens , et qui ont Ă©tĂ© renversĂ©s par la main destructive du temps , et plus encore par celle de la barbarie et de l’ignorance , nous devons sur-tout regretter la perte des théùtres. 11 est vrai que dans le midi de la France , en Allemagne et sur-tout en Italie , il n’y a pas de petite contrĂ©e oĂč l’on ne trouve les ruines de quelque théùtre , sur lesquelles les savans ont plusieurs fois exercĂ© leurs lalens , mais il faut convenir que presque toutes leurs recherches ont eu pour objet l’hĂ©micycle de degrĂ©s occupĂ©s par les siĂšges des spectateurs la chose la plus aisĂ©e Ă  comprendre , puisque celte partie ressemble en tout Ă  l’amphithéùtre , dont plusieurs sont encore sur pied en grande partie. Il Ă©loit bien plus intĂ©ressant de connoĂźtre la situation de la scĂšne et de tout ce qui la concerne,' cet objet Ă©toit bien plus digne de leurs recherches ; ils auroient pu , peut-ĂȘtre , parvenir Ă  en tracer un plan exact , en comparant les dĂ©couvertes qu’ils auroient faites parmi les restes Ă©pars des diffĂ©rentes ruines de théùtres qui existent encore. Les difficultĂ©s les auront sans doute dĂ©goĂ»tĂ©s * Planche SVI. me LIVRE V , C H A P. VIL je ne connois , Ă  cet Ă©gard , que le cĂ©lĂšbre Clerisseau , arcbitecie françois , qui ait des droits Ă  l a reconnoissance des amateurs des beaux-arts , pour ses recherches sur le proscenium du théùtre d’Orange. Il les a poursuivies avec un courage unique, sans ĂȘtre rebutĂ© par les peines , ni les fatigues, ni sur-tout par le spectacle affreux que les prisons , qui occupent ce monument , renouveloient sans cesse Ă  sa vue. On ne peut assez apprĂ©cier le mĂ©rite de ce travail rebutant et difficile ; son rĂ©sultat a Ă©tĂ© des plus»utiles et des plus curieux. Il laisse cependant encore beaucoup Ă  desirer. Galiani , qui a fait imprimer sa traduction de Vitruve en 1768 , dit avoir vu les plans de plusieurs théùtres qui avoient Ă©tĂ© engloutis et qu’on avoit dĂ©terrĂ©s ; mais que dans la plupart, la scĂšne ne se trouvoit pas dessinĂ©e , ou , ce qui Ă©toit pire encore , qu’on l’avoit ajoutĂ©e d’aprĂšs le caprice de quelque architecte. Depuis lors , on a dĂ©couvert le théùtre de Pompeia , que j’ai vu en 179a ; j’y ai remarquĂ© le proscenium , tel que le dĂ©crit Vitruve , et tel qu’il est reprĂ©sentĂ© dans les planches de l’édition de Perrault et de Galiani ; j’aurois dĂ©sirĂ© le dessiner sur les lieux et en prendre les dimensions ‱ mais cela Ă©toit dĂ©fendu. Les fouilles que l’on continue dans cet endroit produiront peut-ĂȘtre un jour de nouvelles lumiĂšres en attendant je tĂącherai d’expliquer cette partie de l’ancien théùtre , telle que nous la connoissons. Les anciens avoient , comme nous , des dĂ©corations versatiles ; c’étoit des triangles suspendus , faciles Ă  tourner , et portant des rideaux oĂč. Ă©loient peints diffĂ©rents objets suivant les trois genres de piĂšces, comme nous le verrons dans le chapitre suivant. Tous les interprĂštes , avant Galiani, avoient placĂ© ces dĂ©corations derriĂšre les trois portes qui sont dans la façade qui termine la scĂšne, c’est-Ă -dire derriĂšre la porte royale et les deux portes des Ă©trangers. Us n’auroient pas commis cette erreur , comme l’observe le traducteur italien , s’ils avoient bien rĂ©flĂ©chi sur les paroles tlu texte, et fait altĂ«nlion sur-tout Ă  l’ordre que l’auteur suit en dĂ©crivant cette partie de la scĂšne. On voit en effet qu’il commence par le milieu , et continue ensuite Ă  dĂ©crire , i’un aprĂšs l’autre, les objets qui se suivent sur les cĂŽtĂ©s Ă  droite et Ă  gauche. MecliƓ vcilvƓ ornatus habeant aulƓ regiƓ , dit-il} la porte du milieu aura la magnificence de celle d’un palais royal. Il continue ensuite en disant dextra ac sinistrci hospitalia. VoilĂ  donc qu’il parle immĂ©diatement aprĂšs ces deux objets qui Ă©toient aux deux cĂŽtĂ©s de celle-ci , c’est-Ă -dire des portes des Ă©trangers. Il continue toujours, et dit secundum ea , c’est-Ă -dire ensuite de celle-ci, Ă  cĂŽtĂ© de celle-ci. Spatia ad ornatus comparata , se trouve l’espace oĂč l’on place les dĂ©corations. 11 continue encore en disant secundum ea c’est-Ă -dire aprĂšs cet espace , en suivant toujours la mĂȘme ligue sur les cĂŽtĂ©s Ă  droite et Ă  gauche , versurƓ sunt procurrentes , etc. , sont les deux galeries qui conduisent en dehors et qui forment deux chemins pour les acteurs ; l’un qu’on suppose venir de la ville et l’autre de la * campagne. L’auteur comme nous voyons se sert deux fois du mot secundum si cette expression , comme on l’a cru jusqu’à prĂ©sent , avoit pu signifier , la premiĂšre fois qu’il l’emploie , le derriĂšre et non le cĂŽtĂ© des portes , elle auroil du signifier la mĂȘme chose la seconde lois , et dans ce cas il n’étoit plus possible de placer les galeries. * De plus , les portes de celle façade reprĂ©senloient, comme nous avons vu , les portes de vĂ©ri- 2 3o L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. tables habitations ; ne seroit-il pas souverainement ridicule d’aller placer dedans , des dĂ©corations qui reprĂ©sentant tantĂŽt un bois, tantĂŽt des habitations , et d’autres fois des rochers , auroient empĂȘchĂ© l’entrĂ©e de la maison du maĂźtre , et celle du logement des Ă©trangers ? On dira peut-ĂȘtre qu’il n’y avoit pas beaucoup plus de convenance Ă  placer sur les cĂŽtĂ©s de la scĂšne, les dĂ©corations qui reprĂ©sentent des bois , des rochers on des maisons , tandis que le milieu est occupĂ© par la façade d’un palais j’en conviens ; mais il faut avouer cependant , que cela ne rĂ©pugne pas autant que de placer ces dĂ©corations sous des portes. On sait que ces dĂ©corations chez les anciens servoient plutĂŽt Ă  indiquer le genre de spectacle qu’à reprĂ©senter 3 comme elles le font aujourd’hui , le lieu ou la scĂšne se passe , tel que la vue d’une ville , l’appartement d’un palais , une forĂȘt t etc. Il n’y a pas long - temps qu’on est parvenu , avec le secours de 1 la perspective , Ă  faire que le théùtre reprĂ©sente aussi exactement tous les changemens de scĂšne. MĂȘme encore Ă  prĂ©sent , dans les théùtres de petites villes d’Italie , le fond de la scĂšne ne change jamais , et reprĂ©sente toujours des habitations ; c’est pourquoi on l’appelle il domo , tirĂ© de domus , tandis que les dĂ©corations sur les cĂŽtĂ©s changent et reprĂ©sentent , suivant les circonstances , ou des les de la bois , ou des maisons , ou d’autres objets. Un passage de l’Electre de Sophocle vient encore Ă  l’appui de notre opinion. Dans la premiĂšre scĂšne du premier acte, le gouverneur d’Oreste lui dit cette ville qui est Ă  notre droite , c’est l’ancienne ville d’ que vous voyez Ă  votre Ăź gauche , c’est le cĂ©lĂšbre temple de Junon. et ce palais , c’est le malheureux palais des fils de PĂ©lops. Il indique absolument le lieu de toutes les parties de la scĂšne , comme nous avons cru devoir les placer d’aprĂšs le texte de Yilruve. Le palais est au milieu. La ville et le temple de Junon sont reprĂ©sentĂ©s sur les dĂ©corations ? l’une Ă  droite et l’autre Ă  gauche, ainsi sur les cĂŽtĂ©s de la scĂšne, CHAPITRE VIII Des trois espĂšces de ScĂšnes et des Théùtres Grecs. N ous avons trois diffĂ©rentes espĂšces de scĂšne , savoir la tragique ; la comique; et la satirique. Leurs dĂ©corations ne se ressemblent pas ; la scĂšne tragique est ornĂ©e de colonnes , de frontispices , de statues et autres ornemens qui conviennent aux palais des rois, La scĂšne comique reprĂ©sente des maisons particuliĂšres avec leurs balcons , leurs fenĂȘtres , disposĂ©es comme le sont les habitations ordinaires. La scĂšne satirique enfin reprĂ©sente des arbres, des rochers , des montagnes , des lieux agrestes elle imite , en un mot, des situations champĂȘtres. ! i JlftC li ! i Ifk U LIVRE V, C h a p, vin. sSi ' Dans les théùtres grecs, tout n'est pas exactement fait comme dans les nĂŽtres; d’abord, au lieu de quatre triangles, qui font la distribution du théùtre des Latins', et qu’on inscrit dans le cercle tracĂ© sur la terre , ils mettent trois carrĂ©s dont les angles touchent la circonfĂ©rence du cercle ; le cĂŽtĂ© [ hh ] de ces carrĂ©s, qui est lĂ© plus proche de la scĂšne , et fait une section dans le cercle, termine le devant de la scĂšne; on trace ensuite une autre ligne [gg] parallĂšle Ă  celle-ci et qui touche l’extrĂ©mitĂ© du cercle , pour terminer le fond de la scĂšne on tire encore une autre ligne [bb] parallĂšle aux deux autres, qui passe par le centre de l’orchestre, vis-Ă -vis du proscenium, et oĂč cette ligne coupe la circonfĂ©rence; Ă  droite et Ă  gauche, on marque les points [bb] on place ensuite le compas dans le point [b] Ă  droite , et avec l’intervalle gauche [bb] on trace la portion du cercle [b i ] jusqu'au cĂŽtĂ© droit du proscenium. On place Ă©galement le compas dans le point [$] Ă  gauche, et avec l’intervalle droit [bb] on trace une autre portion de cercle [b 2 ] jusqu’au cĂŽtĂ© gauche du proscenium. Par le moyen des trois centres que nous venons de dĂ©crire , les Grecs ont un orchestre plus spacieux; leur scĂšne est plus Ă©loignĂ©e , et leur pupitre, qu'ils appellent logeion , plus Ă©troit. C'est pourquoi , chez eux, il n’y a que les seuls acteurs des tragĂ©dies et des comĂ©dies qui jouent sur la scĂšne; tous les autres sont dans l’orchestre. DelĂ  vient que les Grecs appellent leurs acteurs, les uns scĂ©niques et les autres thymĂ©iĂ©ens. Le logeion ne doit pas avoir moins de dix pieds de hauteur ni plus de douze. Les escaliers qui sĂ©parent les amas de degrĂ©s jusqu’à la premiĂšre prĂ©cinction , seront dirigĂ©s sur les angles des carrĂ©s, [ eee ] * et on dirigera sur le milieu de ces amas de degrĂ©s, les escaliers de ceux qui seront au-dessus de la prĂ©cinction si l’on en fait encore dautres au-dessus de ceux-ci, on dirigera les escaliers de la mĂȘme maniĂšre. AprĂšs avoir soigneusement combinĂ© tout ceci, il faut s’appliquer Ă  choisir un local oĂč la voix s’arrĂȘte doucement et oĂč l’écho n’occasionne aucune confusion lorsqu’elle parvient Ă  l’oreille car, dans plusieurs endroits , les mouvemens de la voix sont naturellement interrompus. Tels sont les lieux dissonans que les Grecs appellent cathe- chondes , les circonsonnans qu’ils appellent pĂ©richondes , les rĂ©sonnans qu’ils appellent antechondes , et les consonnans qu’ils appellent synechondes. Les endroits dissonnans sont ceux dans lesquels les premiĂšres syllabes s’étant Ă©levĂ©es jusqu’en haut, sont repoussĂ©es par quelques corps solides , de sorte qu’en retom- * Planche XVI. me et XVIl. iai! ** Planche XVlI, Ine L’A Ăźi C H I T E C T U R E DE V I T R U Y E. bant, elles Ă©touffent celles qui les suivent. Les circonsonnans sont ceux dans lesquels la voix Ă©tant renfermĂ©e, se perd en tournoyant et ne paroĂźt pas bien articulĂ©e ; les rĂ©sonnans sont ceux oĂč quelques corps durs produisent une rĂ©flexion qui imite la voix, tellement que les derniĂšres syllabes sont rĂ©pĂ©tĂ©es; les consonnans enfin sont ceux qui aident Ă  la voix, augmentent sa force Ă  mesure quelle s’élĂšve, la conduisent nette et distincte jusqu’aux oreilles. Ainsi, dĂšs qu’on met tout le soin et le discernement nĂ©cessaire pour le choix d’un lieu propre, la voix produira l’effet convenable dans le théùtre. Quant Ă  la forme des théùtres , la diffĂ©rence consiste en ce que ceux, Ă  l’usage des Grecs , sont tracĂ©s par le moyen des carrĂ©s; et que ceux, Ă  l’usage des Latins, le sont par le moyen des triangles. Ceux qui veulent construire, avec toute la perfection possible, des théùtres, n’ont qu’à suivre ces principes. REMARQUES . Les anciens n’avoient pas multipliĂ©, comme nous, les changemens de dĂ©corations dans leurs théùtres; ils n’en avoient que de trois espĂšces* La premiĂšre reprĂ©sentoit des palais , et ofFrĂŽit toutes " les richesses de l’architecture ; elle Ă©toit destinĂ©e pour la tragĂ©die. La seconde reprĂ©sentoit des habitations privĂ©es; c’étoit pour la comĂ©die. La troisiĂšme reprĂ©sentoit des forĂȘts, des rochers, des lieux agrestes, pour les scĂšnes satiriques; genre de piĂšce dramatique, qui est absolument abandonnĂ©e et presqu’oĂ»bliĂ©e prĂ©sentement. De tous les ouvrages que les anciens ont composĂ©s en ce genre, il ne nous reste plus que le Cyclope d’Euripide. 11 paroĂźt que les piĂšces satiriques Ă©toient pleines de libertĂ©s brutales et grossiĂšres, comme il s’en trouve en effet dans le Cyclope. / II faut remarquer que chez les anciens, le lieu oĂč se passoit la scĂšne Ă©toit toujours censĂ© ĂȘtre un lieu public , et jamais un lieu fermĂ© ; parce que , d’aprĂšs les rĂšgles Ă©tablies pour le théùtre , la comĂ©die, et surtout la tragĂ©die, doit reprĂ©senter une action publique et visible. Ce n’est que dans une profonde ignorance des rĂšgles , qu’on a Ă©tabli la coutume de mettre la scĂšne dans lĂšs chambres et dans les cabinets, comme le remarque trĂšs-bien le traducteur françois de la poĂ©tique d’Aristote. Le lieu de la scĂšne, dans presque toutes les piĂšces de Sophocle et d’Euripide, est dans une place publique, vis-Ă -vis d’un palais. La grande façade, qui remplissait le fond du théùtreconvenoit donc Ă  presque toutes ces piĂšces. Si quelqu’objet particulier , comme un temple, une statue , un tombeau, etc. , devoit se trouver sur le théùtre, on le plaçoit parmi les dĂ©corations mobiles sur le cĂŽtĂ© ce qui se voit clairement par les piĂšces des auteurs grecs que je viens de citer. L I Y R E V, C h A p. y i ii. a33 im ifs,fcH d ^ .5 cba s* 11 La principale diffĂ©rence qu'il y avoit dans la distribution des théùtres grecs, et ceux des Latins , c’est que la scĂšne ou proscenium, de ces derniers Ă©toit bien plus Ă©tendue qu’elle ne FĂ©toit dans les premiers} et qu’en revanche l’orchestre occupoit un plus petit espace} parce que, dans les théùtres latins , c’éloit en grande partie aux dĂ©pens de l’orchestre que le proscenium s’avançoit aussi fort. Nous avons vu que l’orchestre droit son nom du mot grec ĂŽpXio'xai qui signifie sauter, parce que chez les Grecs , c’étoit lĂ  que s’exĂ©cutoient les danses , que se tenoit le chƓur , et les autres accessoires du drame. Le proscenium qui , comme on peut le voir sur le plan , Ă©toit trĂšs-Ă©troit dans leurs théùtres, Ă©toit rĂ©servĂ© pour les acteurs qui rĂ©citoient. II paroĂźt mĂȘme qu’en avant du proscenium dans le milieu , il y avoit une tribune qui * s’avançoit vers le milieu a de l’orchestre qui s’appe- loit le thymĂ©lĂ© , destinĂ©e particuliĂšrement Ă  placer l’acteur au moment oĂč il rĂ©citoit son rĂŽle ; Ă©tant ainsi placĂ© en avant de la scĂšne , presqu’au milieu des spectateurs , il en Ă©toit bien plus aisĂ©ment entendu. Yitruve nous parle bien de certains acteurs , qui , chez les Grecs , s’appeloient les thymĂ©- lĂ©ens} mais il ne nous dit rien de l’espĂšce de tribune qui s’appeloit le thymĂ©lĂ©. On peut en voir le dessin dans le plan du théùtre que M. l’abbĂ© BarthĂ©lemy a joint au voyage du jeune Anacharsis. Le pupitre, c’est-Ă -dire la scĂšne, Ă©toit beaucoup plus Ă©levĂ©e chez les Grecs que chez les Romains, parce que chez les premiers il n’y avoit point de spectateurs dans l’orchestre } ainsi les Grecs Ă©le- voient leur scĂšne jusqu’à douze pieds , tandis que l’orchestre des théùtres romains Ă©tant occupĂ© par les personnages les plus respectables qui se trouvoient au spectacle , ils n’élevoient pas leur scĂšne au-delĂ  de cinq pieds , pour que tous ceux qui Ă©toient dans l’orchestre pussent voir tout ce qui' se passoit sur la scĂšne. Nous venons d’observer , d’aprĂšs les rĂšgles qu’Aristote rapporte dans sa poĂ©tique , et d’aprĂšs l’exemple des meilleurs poĂštes grecs , qu’ils plaçoient toujours la scĂšne dans un lieu public 5 la tragĂ©die , sur-tout , Ă©tant la reprĂ©sentation d’une action publique et visible , qui se passe entre des personnages illustres , et de la plus grande Ă©lĂ©vation ; il n’est ni vraisemblable , ni possible , que cette action se passe en public , sans qu’il y ait beaucoup de gens , autres que les acteurs , qui y soient intĂ©ressĂ©s , et dont la fortune dĂ©pende de celle des premiers personnages. Aussi toutes les tragĂ©dies des poĂštes grecs sont-elles toujours accompagnĂ©es d’un chƓur composĂ© de diffĂ©rens ordres de citoyens , soit de prĂȘtres , de vierges , d’enfans , etc. Ils Ă©toient censĂ©s ĂȘtre le public prĂ©sent et intĂ©ressĂ© Ă  l’action. C’étoit au chƓur que les acteurs s’adressoient lorsqu’ils paroissoient interroger le public c’éloit le chƓur qui leur rĂ©pondoit , et se trouvant placĂ©s , comme nous le dirons loul-Ă -l’heure , dans l’orchestre au milieu des spectateurs , ceux-ci se trouvoient , pour ainsi dire , ne faire qu’un avec lui j ils s’identilioient bien davantage avec la scĂšne qui Ă©toit reprĂ©sentĂ©e. Le chƓur se plaçoit dans l’orchestre , dĂšs le commencement de la piĂšce , et y restoit jnsqu’à la fin. Il en faisoit tellement partie que , sans le chƓur , il n’y auroit plus eu de tragĂ©die. Sa j^rincipale fonction Ă©toit de marquer , par ses chants , les intervalles des actes, pendant que les acteurs , que la nĂ©cessitĂ© de l’action avoit fait sortir de la scĂšne , Ă©toient absens. Un autre motif rendoit le chƓur encore plus nĂ©cessaire au théùtre des Grecs } on sait que les jeux et les spectacles tenoient chez eux intimement Ă  la religion. On donnoit les spectacles les jours des fĂȘtes qu’on cĂ©lĂ©broit en l’hon- Planche 3o L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. neur des dieux. La plupart reprĂ©sentoient des actions qu’on atlribuoient aux dieux et aux hĂ©ros. Le but de ces piĂšces Ă©toit d’inculquer dans l’esprit des spectateurs les maximes et les principes de leur religion. C’est pour cela qu’Aristote dit , que la tragĂ©die n’a Ă©tĂ© inventĂ©e que pour l’instruction des hommes ; il falloit donc qu’elle rĂ©pondĂźt Ă  ce dessein. L’ancienne tragĂ©die atteignoit parfaitement le but de son institution par le moyen des chƓurs , comme on le voit dans les piĂšces de Sophocle et d’Euripide. Ces poĂȘles se conforment toujours Ă  l’esprit de la religion qui rĂ©gnoit dans leur pays ; et quand ils font avancer , Ă  leurs acteurs , des choses contraires Ă  cet esprit , comme cela arrive souvent , et comme il le faut meme , le chƓur ne manque jamais de les corriger par des rĂ©flexions pleines de sagesse et de piĂ©tĂ© ; et c’est ce qu’on ne sauroit bien faire dans les tragĂ©dies oĂč il n’y a point de chƓur car lorsque les acteurs , emportĂ©s par la passion , parlent et agissent selon les maximes du monde , qui sont ordinairement opposĂ©s aux rĂšgles de la religion , il n’y a personne qui les corrige ; ces maximes pernicieuses se forlifient dans l’esprit des spectateurs , qui eu sont dĂ©jĂ  prĂ©venus , et y nourrissent les passions , au lieu de les Ă©teindre ; et quand il n’y auroit que celle seule raison , elle dcvroit suffire pour qu’on rĂ©tablisse le chƓur , comme Racine l’a fait dans ses deux derniĂšres tragĂ©dies , Esther et Alhalie. Les personnages qui composoient ce chƓur , si nĂ©cessaires aux drames des anciens , Ă©toient trĂšs- nombreux ; ils occupoient l’orchestre, y restoient pendant toute la piĂšce, et rĂ©citoient leurs chants, tels qu’on les voit dans les tragĂ©dies des auteurs grecs. Il n’y avoit que les acteurs principaux qui paroissoient sur le proscenium , d’oĂč ils rĂ©citoient leurs rĂŽles. L’orchestre et le proscenium Ă©tant les seules parties du théùtre grec , qui diffĂ©rassent de celui des Romains, Vilruve indique , dans ce chapitre, les principes d’aprĂšs lesquels dĂ©voient opĂ©rer les architectes grecs, lorsqu’ils Iraçoient les plans de leurs théùtres. AprĂšs avoir dit qu’au lieu des quatre triangles employĂ©s par les Latins , pour tracer leur théùtre * , les Grecs employoient trois carrĂ©s , et que le cĂŽtĂ© de ces carrĂ©s hh , qui Ă©toit le plus prĂšs de la scĂšne , en marquoit le devant 3 il ajoute qu’on traçoit ensuite une autre ligne gg parallĂšle Ă  ce cĂŽtĂ© , qui marquoit le fond de la scĂšne. Il est bon de remarquer ici la diffĂ©rence que cela apportoit entre le théùtre grec et celui des Romains. ** Le fond de la scĂšne , dans le théùtre romain , Ă©toit terminĂ© par le cĂŽtĂ© du triangle gg tracĂ© dans Je cercle , et le devant l’étoit par le diamĂštre bb de ce cercle tandis que dans le théùtre grec *** , le fond de la scĂšne Ă©toit terminĂ© par la ligne gg tracĂ©e hors du cercle, et le devant l’éloit par le cĂŽtĂ© du carrĂ© hh tracĂ© dans le cercle tellement que la ligne qui marquoit le fond de la scĂšne dans le théùtre romain , marquoit Ă -peu-prĂšs le devant de la scĂšne chez les Grecs ; ce qui rendoit leur orchestre bien plus Ă©tendu. Yoici comme Yitruve veut qu’on trace les cĂŽtĂ©s de l’orchestre depuis les degrĂ©s bb jusqu’à la ligne qui marque le devant de la scĂšne 12, on trace, dit-il, une troisiĂšme ligne bb parallĂšle aux deux autres, cpii passe par le centre de l’orchestre, vis-Ă -vis du proscenium , et oĂč cette ligne coupe la circonfĂ©rence Ă  droite et Ă  gauche , on marque les points bb ; on place ensuite Je compas dans le point b Ă  droite , et avec l’intervalle gauche bb , on trace la portion du cercle 61 jusqu’au cĂŽtĂ© droit du proscenium j on fait la mĂȘme chose de l’autre cĂŽtĂ©. * Planche Planche J 1 Ăź reliai ; j Es s P e d g. Celle interprĂ©tation est de Galiani; il la trouve si naturelle, qu’aprĂšs une simple lecture du texte confrontĂ©e avec la ligure citĂ©e , tout Je monde , dit-il , sera Ă©tonnĂ© que tous les autres avant lui , sans en excepter , ajouie-l-il , rinlelligent Perrault , aient pu lui donner une autre interprĂ©tation , en formant des figures composĂ©es d’une quantitĂ© de cercles qui ne produisent rien de nouveau , puisque ces figures seroient toujours telles , quand mĂȘme on n’auroit pas tracĂ© ces cercles. Voici, suivant lui, ce qui a fait Ă©quivoquer les autres interprĂštes sur le vrai sens de l’auteur. Ils Ăźont lu, comme il est elfectivement prescrit, qu’il falloit placer le compas dans le point Ă  droite, et. dĂ©crire ensuite un cercle avec l’intervalle gauche vers la partie droite du proscenium ils ont cru que l’intervalle gauche Ă©toit le demi-diamĂštre du grand cercle , et qu’avec ce demi-diamĂštre, il falloir dĂ©crire un demi-cercle sur le mĂȘme cĂŽtĂ© droit , oĂč ils avoienl placĂ© leur centre ; mais comme ces deux demi-cercles , qu’ils ont ainsi tracĂ©s Ă  droite et Ă  gauche , sont absolument inutiles , Galiani a cherchĂ© et dĂ©couvert la nouvelle forme qu’il donne Ă  cette partie du théùtre grec , en interprĂ©tant le texte de la maniĂšre suivante lorsque l’auteur dit , circino collocato in dextra , il entend la droite des spectateurs, comme il entend leur gauche , lorsqu’il dit intervallo sinistro et cela parce que ces deux points qu’il nomme , sont Ă  l’extrĂ©mitĂ© des siĂšges ou gradins , sur lesquels les spectateurs sont assis au contraire lorsqu’il dit ensuite qu’on doit tracer le cercle vers la partie droite du proscenium , on doit entendre la droite des acteurs qui correspond Ă  la gauche des spectateurs ; et cela parce qu’elle se termine en joignant le proscenium. AprĂšs avoir distinguĂ© ces deux espĂšces de droite et de gauche , on trouve cette construction simple et naturelle , ainsi que l’interprĂ©tation qu’il donne Ă  ce passage. CHAPITRE IX. Des Portiques qui sont derriĂšre la ScĂšne et des Promenoirs. I l faut construire, derriĂšre la scĂšne , un portique , afin que s’il survient une pluie pendant le spectacle , le peuple puisse s’y mettre Ă  l’abri en sortant du théùtre ; il faut qu’il soit assez spacieux pour que les directeurs des choeurs puissent les y exercer commodĂ©ment. Tels sont les portiques de PompĂ©e ; tels sont Ă  AthĂšnes les portiques dEumenes , le temple de Bacchus, et l’OdĂ©on 1 qu’on rencontre Ă  gauche en sortant du théùtre. Cet OdĂ©on Ă  AthĂšnes fut dĂ©corĂ© de colonnes de pierre par PĂ©ri- clĂšs , qui le fit couvrir avec les mĂąts et les antennes des navires pris sur les Perses; mais cet Ă©difice ayant Ă©tĂ© brĂ»lĂ© pendant la guerre de Mithridate , il fut rebĂąti par 1 C’est-Ă -dire place destinĂ©e pour chanti 3o. * Planches XYl ." 16 et XYII." 236 L’ARCHITECTURE DE Y I T R U Y E. le roi Ariobarsane. Le strdlegeum i de Smyrne est encore de ce genre et Ă  Traites on remarque, des deux cĂŽtĂ©s du stade, des portiques semblables Ă  ceux des théùtres en un mot dans toutes les villes qui ont eu des architectes habiles, on voit, prĂšs des théùtres, des portiques et promenoirs qui sont construits de cette maniĂšre, c’est-Ă -dire qui sont doubles , ayant les colonnes extĂ©rieures d’ordre dorique , ainsi que les architraves et les corniches , et rĂ©unissent toutes les proportions qui sont propres Ă  cet ordre. Il paroĂźt que la largeur du portique doit ĂȘtre telle , que la distance, depuis le bas des colonnes de dehors jusqu’à celles du milieu, Ă©gale la hauteur des colonnes de dehors , et qu’il ait une distance Ă©gale Ă  celle-ci , depuis les colonnes du milieu jusqu’au mur qui enferme les portiques des promenoirs. Les colonnes du milieu sont plus hautes d’un cinquiĂšme que les colonnes extĂ©rieures , mais elles sont d’ordre corinthien ou ionique. ' torp W e Ces colonnes doivent avoir d’autres proportions que celles que nous avons donnĂ©es aux colonnes des temples car celles-ci doivent avoir plus de gravitĂ© ; et celles des portiques plus de dĂ©licatesse. Tellement que si les colonnes sont d’ordre dorique, il faut partager toute leur hauteur , y compris le chapiteau , en quinze parties , dont l’une sera le module sur lequel on rĂ©glera tout l’ouvrage , en donnant deux de ces modules Ă  ! Ă©paisseur du bas de la colonne, cinq et demi Ă  Feutre-colonnement , et quatorze Ă  la colonne sous le chapiteau. La hauteur du chapiteau sera d’un module, et la largeur de deux et une sixiĂšme partie. On suivra , pour le reste de l’ouvrage , les mesures que nous avons indiquĂ©es pour les temples dans le quatriĂšme livre. iliien’ Si ce sont des colonnes ioniques , on divise alors sa tige , non compris le chapiteau ni la base , en huit parties et demie , pour en donner une Ă  la grosseur de la colonne la base avec sa plinthe aura un diamĂštre et demi de large la forme du chapiteau sera telle qu elle est dĂ©crite dans le troisiĂšme livre. Si les colonnes sont corinthiennes , leurs tiges et leurs bases seront semblables Ă  celles des colonnes ioniques, et leurs chapiteaux se feront d’aprĂšs les rĂšgles qui sont prescrites dans le quatriĂšme iivre. Les piĂ©destaux auront aussi des saillies inĂ©gales en forme d’escabeaux, comme on l’a expliquĂ© dans le troisiĂšme livre. L’architrave , la corniche et tous les autres! membres seront proportionnĂ©s sur les colonnes, d’aprĂšs les rĂšgles qu’on a donnĂ©es * dans les livres prĂ©cĂ©dens. I L’espace qui reste dĂ©couvert au milieu des portiques , doit ĂȘtre ornĂ© d’une plantation d’arbres verds; les promenades qui se font dans ces lieux dĂ©couverts, sont trĂšs- i C’est-Ă -dire l’arsenal. LIVRE V , Chap. i x. salutaires ; premiĂšrement pour les yeux, parce que l’air devenu plus subtile, et purifie par la verdure , s’insinue aisĂ©ment dans le corps , dont le mouvement a fait ouvrir les pores ; les humeurs grossiĂšres se dissipent ; la vue s’éclaircit et devient plus pĂ©nĂ©trante. Secondement, la chaleur qu’occasionne l’exercice, consume et attire hors du corps les humeurs et gĂ©nĂ©ralement tout ce qui s’y trouve superflu et Ă  charge Ă  la nature ; cette vĂ©ritĂ© se prouve par les eaux qui sont Ă  couvert et les sources souterraines , d’oĂč il ne s’élĂšve aucune vapeur ; tandis qu’au contraire , le soleil attire beaucoup d’humiditĂ© , dont il forme les nuages , de celles qui sont dans des endroits dĂ©couverts et exposĂ©es Ă  l’air. S’il est donc prouvĂ© que , dans les lieux dĂ©couverts * les mauvaises humeurs sont attirĂ©es hors du corps , comme les vapeurs le sont hors de la terre, on ne peut douter de la nĂ©cessitĂ© d’établir , dans toutes les villes , des lieux spacieux, agrĂ©ables , et qui soient Ă  dĂ©couvert pour servir Ă  la promenade. Voici ce qu’on fait pour que ces allĂ©es soient toujours sĂšches et jamais boueuses ; on creuse et on vuide le terrain par-dessous , aussi profond qu’il est possible ; on construit ensuite , Ă  droite et Ă  gauche , des Ă©gouts , et dans le mur de ces aqueducs , qui est du cĂŽtĂ© de l’allĂ©e , on place des tuyaux inclinĂ©s vers l’égout, comme les pendentifs d’un frontispice. Cela achevĂ© , on remplit avec du charbon le reste de l’espace qu’on a vuidĂ© , et l’on finit par le couvrir de sable pour applanir l'allĂ©e i tellement qu’au moyen de la porositĂ© naturelle du charbon , et des tuyaux inclinĂ©s , l’humiditĂ© sera Ă©puisĂ©e ou conduite dans les Ă©gouts , et l’ailĂ©e sera toujours sĂšche, L’intention de nos ancĂȘtres Ă©toit encore que ces plantations fussent une ressource, en cas de nĂ©cessitĂ©, pour les citoyens. On sait que, pendant un siĂšge , il n’y a rien dont on manque plutĂŽt, que de bois ; de toutes les provisions , c’est la plus difficile Ă  faire. En effet il est aisĂ© de- s’approvisionner de sel en temps ; de remplir de bled les greniers publics , et ceux des particuliers ; et, en cas de disette , les herbages , la viande et les lĂ©gumes peuvent y supplĂ©er de mĂȘme, si les eaux viennent Ă  manquer , on peut faire des puits , ou recueillir les eaux de pluie mais le bois , si nĂ©cessaire pour faire cuire les alimens, est de toutes les provisions la plus difficile * Ă  faire , parce qu’il faut employer bien du temps pour en amasser une quantitĂ© suffisante. Dans des besoins pressans , on peut couper les arbres de ces promenoirs et en distribuer Ă  chacun sa part. Ainsi l’on tire de ces promenoirs deux grands avantages ; ils entretiennent la santĂ© pendant la paix , et sont une ressource pour le bois en temps de guerre 5 il seroit Ă  propos qu il s’en trouvĂąt dans toutes les villes , non seulement derriĂšre les théùtres , mais encore prĂšs de tous les temples. Il me semble que j’ai suffisamment expliquĂ© ces objets ; nous allons donc passer Ă  la description des bains. *38 I/ARCHITKTURE DE V I T R U V E. REMARQUE S. IĂŠs théùtres des anciens Ă©tant dĂ©couverts , on Ă©levoit, par derriĂšre , des portiques , oĂč le peuple pouvait se mettre Ă  l’abri, quand il survenoit des pluies pendant les jeux. Le milieu de ces portiques Ă©toit occupĂ© par une plantation d’arbres, qui servoit de promenade en tout temps, et oĂč l’on se rĂ©unissoit sur-tout, en attendant le spectacle. Le dessin que Perrault donne de ces portiques et promenoirs , diffĂšre beaucoup de celui qu’en donne Galiani et que nous avons adoptĂ©. Dans le plan de Perrault, le double portique de colonnes se trouve placĂ© en dehors d’un mur qui les sĂ©pare des allĂ©es d’arbres qui forment le promenoir; au contraire dans le nĂŽtre , le mur est en dehors , et il renferme les portiques et les promenoirs. Yoici les raisons qui ont fait adopter ce plan Ă  Galiani l’auteur s’exprime ainsi parietes qui circumclu- dunt porticus ambuĂźationes. S’il avoit voulu s’exprimer dans le sens que lui prĂȘte Perrault, il auroit dit, hypƓthras ambuĂźationes, d’autant plus qu’il dit un peu aprĂšs , media vero spatia quĂŠ erunt sub divo inter porticus il dit inter porticus 3 tandis que, pour parler dans le sens de Perrault, il auroit dĂ» dire inter parietes. Perrault ayant placĂ© ce mur dans l’intĂ©rieur , a dĂ» changer plusieurs choses dans la suite du texte pour le mettre d’accord avec son plan. En plaçant ce mur Ă  l’extĂ©rieur, comme Galiani et nous l’avons fait, tous ces changemens deviennent inutiles; le reste du texte est parfaitement d’accord avec le nĂŽtre. Ces portiques , comme on l’a vu , formoient un genre d’édifice diffĂ©rent des autres ; quelques- unes de ses dimensions , il est vrai , Ă©toient rĂ©glĂ©es sur celles des temples ; mais la plupart PĂ©ioient par des rĂšgles particuliĂšres , comme l’observe Vilruve. De toutes ces particularitĂ©s , la plus remarquable Ă©toit cet assemblage de colonnes ^de diffĂ©rĂ©es ordres dans le mĂȘme portique ; Ă  droite , il en avoit de doriques, Ă  gauche d’ioniques ou corinthiennes ; les unes Ă©toient plus hautes , les autres plus basses. .Nous voyons, dans le'texte, que les colonnes ioniques ou corinthiennes de l’intĂ©rieur, doivent ĂȘtre plus hautes , d’une cinquiĂšme partie , que les colonnes doriques de l’extĂ©rieur. Cette diffĂ©rence d’une cinquiĂšme partie donneroit, aux colonnes de l’intĂ©rieur, une hauteur excessive en comparaison des autres ; c’est pourquoi Perrault a raison de dire qu’il faut lire XY au lieu de Y, ce qui au lieu d’une cinquiĂšme partie feroit seulement la quinziĂšme ; et qu’on doit croire que, du nombre quinze, le caractĂšre X Ă©toit effacĂ© dans la copie , et qu’il n’étoit restĂ© que le Y. Vitruve cite dans ce chapitre les principaux portiques de la GrĂšce ; il parle entre autres de l’OdĂ©on que PĂ©riclĂšs fit bĂątir Ă  AthĂšnes c’étoit lĂ  oĂč on disputoit des prix de musique , d’oĂč lui vient son nom dĂ©rivĂ© du grec qui signifie chanson. Plutarque fait la description de çet Ă©difice le dedans, dit-il, Ă©toit occupĂ© par plusieurs rangs de siĂšges ou gradins , et portĂ© par une infinitĂ© de colonnes, mais la couverture Ă©toit un seul comble rond , qui se courboit tout autour , et se terminoit en pointe. On dit, ajoute-t-il , que la tente ou pavillon du roi XercĂšs lui servit de modĂšle. 11 rapporte ensuite la plaisanterie que le poĂšte Cratinus fait de PĂ©riclĂšs dans sa comĂ©die des Thraciens , oĂč se moquant de la tĂȘte de ce grand personnage , qui Ă©toit pointue , il dit qu’elle fut le modĂšle sur lequel il fit construire la coupole de l’OdĂ©on» LIVRE V, C ii a p. x. 2 3 9 Perrault traduit le passage oĂč Vilruve parle de l’OdĂ©on , comme s’il entendoit qu’on dut en Taire un auprĂšs de tous les théùtres . Galiam , suivant moi , a bien mieux saisi le sens de l’auleur , en Ă»iilt; citant cet Ă©difice comme un exemple c’est-Ă -dire que l’OdĂ©on Ă©toit prĂšs du théùtre d’AthĂšnes, det* comme auprĂšs des autres Ă©loient les portiques -, ou pour mieux dire l’OdĂ©on servoit de portique ai* tps, tt théùtre d’AthĂšnes. Nous pouvons tirer de-lĂ  , une preuve de plus en faveur de la figure que Ga- liani a donnĂ©e Ă  ce portique , puisque Plutarque dit positivement que dans l’OdĂ©on , les colonnes Ă©loient dans l’intĂ©rieur de l’édifice. ! JĂźil C kt errai vatia çi ; de P. CHAPITRE X. De quelle maniĂ©rĂ© il faut disposer les bains, et quelles sont leurs parties. DH. et dW de^. ht ter * Il faut, avant tout, choisir la situation la plus chaude possible, c’est-Ă -dire , qui ne soit exposĂ©e ni au nord, ni au nord-est. Les places oĂč sont les bains chauds et les bains tiĂšdes , doivent avoir leurs fenĂȘtres au couchant d'hiver ; ou si remplacement ne le permet pas , il les faut tourner vers le midi ; parce que le temps oĂč l’on a coutume de se baigner, est principalement depuis le midi jusqu’au soir il faut aussi faire en sorte que le bain chaud pour les hommes et celui pour les femmes, soient prĂšs l’un de l’autre , et qu’ils tirent le jour du mĂȘme cĂŽtĂ©, pour qu’on puisse Ă©chauffer l’eau dans les vases de ces deux bains avec le mĂȘme fourneau. On mettra sur le fourneau trois vases d’airain ; l’un sera pour l’eau chaude, l’autre pour l’eau tiĂšde , et le troisiĂšme pour l’eau froide ; il faut placer et disposer ces vases de maniĂšre que de celui qui contient l’eau tiĂšde , il aille dans le vase qui contient l’eau chaude , autant d’eau qu’on en aura tirĂ© de chaude ; et qu’il entre la mĂȘme quantitĂ© du vase qui contient la froide, dans celui qui contient la tiĂšde. Par-lĂ  le mĂȘme feu Ă©chauffera tous les fourneaux. ** Le pavĂ© des Ă©tuves se fait de la maniĂšre suivante. Il faut premiĂšrement faire un pavĂ© avec des carreaux d’un pied et demi , qui soit inclinĂ© vers le fourneau , de sorte que si l’on y jette une balle , elle n’y puisse demeurer , mais qu’elle retourne * Planches XY.ℱ et XYIII. m ** Planche XY. me L’ARCHITECTURE DE Y I T R U Y E. 24° vers l’entre'e du fourneau par ce moyen , la llamme se rĂ©pand plus facilement sous le pave' on e'iĂšve sur le pavĂ© des piles avec des briques de huit pouces , qu’on espace et arrange de maniĂšre qu elles puissent soutenir des carreaux de deux pieds. Ces piles auront deux pieds de hauteur , et seront maçonnĂ©es avec de l’argile, mĂȘlĂ©e avec de la bourre ; elles porteront, comme on a dit, des carreaux de deux pieds sur lesquels sera le pavĂ©. Quant aux voĂ»tes des bains , le mieux est de les maçonner en pierre ; mais si elles sont en charpente , il faut les garnir et lambriser de poterie de la maniĂšre suivante. On fait des tringles ou des arcs de fer qu’on attache Ă  la charpente avec des crampons de la mĂȘme matiĂšre , placĂ©s prĂšs les uns des autres , de façon que les carreaux de poteries puissent se poser sur deux arcs ou tringles de fer sans les dĂ©border tellement que tout le lambris ne forme qu’une seule voĂ»te , soutenue par du fer; on Ă©tend au-dessus de ce lambris un enduit d’argile mĂȘlĂ©e avec de la bourre, et par-dessous, sur le cĂŽtĂ© opposĂ© qui regarde le pavĂ©, on en met un autre composĂ© de chaux et de ciment qu’on recouvre de stuc ou de quelque autre enduit. Il convient qu’au-dessus des bains chauds , il y ait une double voĂ»te , pour que la vapeur qui pĂ©nĂštre se dissipe dans l’intervalle qui les sĂ©pare et ne pourrisse pas aussi vite la charpente. On doit proportionner la grandeur du bain , d’aprĂšs la population , et lui donner les dimensions que voici la largeur, non compris le reposoir qui est autour de la baignoire et de la loge , doit avoir un tiers moins que la longueur. Le bain doit ĂȘtre Ă©clairĂ© par en haut, afin que l’ombre de ceux qui sont Ă  l’entour n’intercepte pas la lumiĂšre. Il faut que l’espace qui entoure le bain , soit assez large pour contenir ceux qui attendent que les premiers venus qui sont dans le bain , en sortent. La loge depuis le mur jusqu’à la cloison ne peut avoir moins de six pieds de large, parce que le degrĂ© infĂ©rieur et le coussin en emportent deux. Le laconicum et son Ă©tuve pour faire suer, doivent ĂȘtre auprĂšs de la chambre tiĂšde ; 1 la largeur du laconicum doit Ă©galer sa hauteur jusqu’à l’endroit oĂč commence la convexitĂ© de sa voĂ»te qui forme un hĂ©misphĂšre au milieu de cette voĂ»te , on doit laisser une ouverture pour y suspendre avec des chaĂźnes un bouclier d’airain , par le moyen duquel en le baissant ou haussant , on pourra augmenter ou diminuer la chaleur qui fait transpirer. Il faut qu’il forme une rotonde, pour que la vapeur chaude $e rĂ©pande Ă©galement dans le milieu et tout autour. 1 Voyez nos remarques Ă  la fin du chapitre suivant, REMARQUES. LIVRE V, C h a p. x. 241 REMARQUES. L'USAGE clĂ©s bains , si rĂ©pandu chez la plupart des nations , Ă©toit sur-tout trĂšs-frĂ©quent chez les anciens. Les Grecs s’en servoient beaucoup , ainsi que les Romains , pour entretenir la propretĂ© , parce qu’ils portoient des chemises de laine , le linge Ă©tant alors fort rare. Outre les bains des particuliers , il y avoit plusieurs bains publics dans Rome. Yilruve dĂ©crit dans ce chapitre les Ă©difices qui y Ă©loient destinĂ©s ; on connoĂźt encore l’emplacement de plusieurs qui existoient de son temps , entre autres les thermes de Paul Emile , sur les ruines desquels est aujourd’hui bĂąti le palais Cera. Mais par la suite les empereurs en firent Ă©lever dont rien n’égala la magnificence ; tels furent les thermes de NĂ©ron , de Titus , de DioclĂ©tien , dont les ruines existent encore en grande partie. Ces superbes Ă©difices Ă©loient non-seulement destinĂ©s aux bains , mais encore Ă  tous les exercices du corps , et Ă  l’élude de toutes les sciences ; ils renfermoient de plus de grandes places , de grandes galeries , des portiques ornĂ©s de peintures et des statues grecques , des allĂ©es d’arbres , et des espĂšces de bois pour la promenade , des jardins , des fontaines et toutes sortes de magnificences et d’agrĂ©mens. Les thermes de DioclĂ©tien Ă©toient les plus magnifiques et les plus cĂ©lĂšbres de tous ; ils occupoient un terrain immense , qui renferme aujourd’hui le couvent des Chartreux , l’église S. 1 Bernard , les gre'niers de la chambre apostolique , la place de Termini ; ce qui forme une enceinte de 1200 pas. Une grande partie des bĂąlimens subsistent encore ; la grande salle a Ă©tĂ© convertie en une superbe Ă©glise nommĂ©e Sainte Marie des Anges , qui est celle des Chartreux. Dans une autre partie des Ă©difices, on a placĂ© les greniei’s de la chambre apostolique , etc. Le nombre des statues qu’on a trouvĂ©es dans ces thermes , les incrustations des salles , les grandes colonnes , dont les Chartreux se sont servis pour orner leur Ă©glise , et les ruines qu’on voit encore , ne permettent pas de douter des richesses qu’ils renfermoient , non plus que de leur magnificence. On voit par-lĂ  combien les anciens Ă©toient recherchĂ©s dans leurs bains ; ils en avoient de plusieurs espĂšces ; outre ceux d’eau chaude et d’eau tiĂšde , ils prenoient encore des bains secs , en entrant dans des Ă©tuves, ou chambres chaudes destinĂ©es Ă  exciter la transpiration ; ces sortes de bains sont encore fort en vogue en Russie. Dans les environs de Naples , prĂšs de Pouzzole , j’ai vu les Ă©tuves , dites de b.* Janvier , dont on continue Ă  faire usage pour se faire suer , Ă  la maniĂšre des anciens. CicĂ©ron et Celse appeloient cette sorte de bain asseum, pour le distinguer du bain d’eau chaude qu’ils nomment calidam lavationem 3 qui est celui que Yilruve dĂ©signe ici sous le nom de caldarium. Comme il n’existe plus d’édifices semblables Ă  ceux des anciens pour contenir ces diffĂ©rens bains, ce chapitre, oĂč Yilruve en fait la description , Ă©toit assez difficile Ă  expliquer; aussi les interprĂštes ont peu d’accord dans la maniĂšre de le rendre. Nous voyons que l’eau destinĂ©e pour les bains , Ă©toit chauffĂ©e par un fourneau nommĂ© liypo- eauste , placĂ© sous les salles des bains ; il Ă©chauffoit aussi , Ă  ce qu’il paroĂźt , la chambre chaude ou l’étuve Ă  faire suer , et mĂȘme les autres places , par des tuyaux qui circuloient sous le pave. 3i L’ARCHITECTURE DE Y I T R U Y E. 242 Celle eau , Ă  ce que dit Yitruve , Ă©toit contenue dans trois vases ; un pour l’eau chaude , n n pour l’eau tiĂšde , et l’autre pour l’eau froide. Galiani trouve que ces trois vases ne dĂ©voient pas suffire pour contenir l’eau d’un bain public , ce qui lui fait croire que par lĂ  , l’auteur entend trois diffĂ©rentes especes de vases, dont il y auroit eu un certain nombre pour chaque sorte d’eau. 11 ne connoissoit pas , sans doute , la capacitĂ© des vases que les anciens employoient Ă  cet usage ; j’en ai vu plusieurs dans diffĂ©rens endroits de Rome , entre autres dans la cour du monastĂšre des BĂ©nĂ©dictins prĂšs de la basilique de S. 1 Paul, hors des murs et dans les jardins de la Yiila Borghese j on avoil ajoutĂ© Ă  ceux-ci des pieds et des piĂ©destaux , pour en faire, de trĂšs-beaux vases qui dĂ©co- roient , avec d’autres ornemens , le tour d’une des belles fontaines de ce jardin. Ces vases ont au moins six pieds de diamĂštre ; ils conienoient autant d’eau tiĂšde et d’eau chaude qu’il en faut pour un trĂšs-grand bain ; ils ont assez la forme de ceux qui sont reprĂ©sentĂ©s dans la peinture trouvĂ©e dans les thermes de Titus , qui est gravĂ©e Ă  la fin de ce livre. Il n’est pas aisĂ© de retrouver comment ces vases Ă©toient disposĂ©s , pour que , comme le veut Yitruve, de celui qui contient l’eau tiĂšde, il aille, dans celui qui contient l’eau chaude, autant d’eau qu’on en aura tirĂ© de chaude, et qu’il entre la mĂȘme quantitĂ© du vase qui contient la froide, dans celui qui contient la tiĂšde. Cesarianus et Caporali ont reprĂ©sentĂ© ces trois vases placĂ©s les uns sur les autres. Celui qui contient l’eau froide en haut ; celui qui contient la tiĂšde au milieu , et celui qui contient la chaude sur le fourneau. Quand mĂȘme tout iroit bien de cette façon , il s’y Irouveroit toujours un grand inconvĂ©nient, comme l’observĂ© trĂšs-bien Perrault ; c’est qu’il est impossible que la chaleur, qui monte trĂšs-vĂźte, ne se communique bientĂŽt , en passant du vase infĂ©rieur qui est immĂ©diatement sur le feu , dans celui du milieu et dans celui d’en haut , et que l’eau n’y devienne mĂȘme plus chaude que dans celui d’en bas. Pour Ă©viter cet inconvĂ©nient , Perrault a imaginĂ© de placer ces trois vases l’un derriĂšre l’autre sur un mĂȘme niveau ; et pour faire communiquer l’eau de l’un Ă  l’autre , comme le veut Vitruve , il place deux siphons dont l’un conduit l’eau froide dans la tiĂšde, et l’autre l’eau tiĂšde dans la chaude. Galiani, peu satisfait de ces deux moyens , en imagine un troisiĂšme beaucoup plus simple , oĂč il n’emploie le secours d’aucun instrument. Il place le dessus des trois vases de niveau , comme on le voit dans la 3. BlÂŁ fĂźg. de la XY.“* planche. Celui qui contient l’eau chaude est immĂ©diatement posĂ© sur le fourneau; celui qui contient l’eau tiede est un peu plus loin , et participe un peu de la chaleur , au moyen d’un rĂ©verbĂšre ; finalement celui qui contient l’eau froide est le plus en arriĂšre , posĂ© sur une masse de maçonnerie , oĂč il ne peut ressentir aucune impression de la chaleur. Des tubes placĂ©s au fond des vases , font communiquer l’eau de l’un Ă  l’autre ; tandis que d’autres tuyaux conduisent l’eau de chaque vase dans la baignoire , d’oĂč , par le moyen des robinets , on en pouvoil tirer Ă  volontĂ©. Finalement il place un autre conduit au niveau de l’embouchure du vase oĂč est l’eau froide , lequel y amĂšne l’eau pour le remplir Ă  mesure qu’il se vuide. Galiani observe que toutes les figures qu’on avoit imaginĂ©es , avant la sienne , exigeoient toutes le secours’ de quelqu’un , pour faire passer l’eau fjoide dans la tiĂšde, et la tiĂšde dans l’eau chaude ; tandis qu’on voit clairement, par les expressions Æ AĂŒS HTf O m' fjei^tubie antique tieke mes tiiimes uhe tittus 5 LIVRE V, C h A p. x. 243 de VitruvĂ© , que Cetle opĂ©ration se doit faire d’elle-mĂȘme , sans le secours de personne. lia collo- canda , uli ex tepidario in caldarium > quantum aquƓ caldƓ exierit, influĂąt de frigidaria in tepidarium ad eumdem modum ; or , dit-il, on voit clairement, dans la maniĂšre que j’ai inventĂ©e ci-dessus , que les trois vases Ă©tant de niveau , aussitĂŽt que l’eau diminue dans l’un , l’autre lui en fournit de suite , autant qu’il en est sorti et comme les dessous des vases ne sont pas exactement de niveau , le froid Ă©tant un peu plus Ă©levĂ© que le tiĂšde , et celui-ci un peu plus haut que le chaud , on conçoit aisĂ©ment que, lorsque l’eau tiĂšde diminue , l’eau froide y entrera plutĂŽt que l’eau chaude , dont le fond est plus bas si l’on suppose sur-tout qu’on a placĂ© des soupapes au bout des tubes de communication qui empĂȘcheroient l’eau de sortir. \ Galiarii, dans sa traduction , a placĂ© , Ă  la fin de ce livre , une gravure qui reprĂ©sente les bains des anciens ; il l’a fait graver d’aprĂšs une peinture antique qui a Ă©tĂ© trouvĂ©e Ă  Rome dans les thermes de Titus dans celte peinture que j’ai aussi fait graver , on voit les trois vases situĂ©s l’un au-dessus de l’autre , sur trois degrĂ©s , de maniĂšre que le fond du deuxiĂšme se trouve plus Ă©levĂ© que l’embouchure du premier, et le fond du troisiĂšme, plus Ă©levĂ© que l’embouchure du second; tellement qu’il est aisĂ© de voir comment le vase supĂ©rieur verse son eau dans le vase infĂ©rieur. Je ne serois pas Ă©loignĂ© , dit Galiani , d’adopter cetle disposition des vases , si je ne çroyois que le peintre les a placĂ©s ainsi par pure fantaisie , pour mieux exprimer comment l’eau passe d’un vase dans un autre , ce qui Ă©toit trĂšs-difficile Ă  rendre en peinture ou bien que du temps de Titus , ou du moins dans ses thermes , ils Ă©toient placĂ©s de cetle maniĂšre car il est impossible , dit-il, d’y rapporter aucune parole du texte de Yitruve. C’esi pourquoi il a imaginĂ© la maniĂšre que j’ai rapportĂ©e tout-Ă -l’heure , qu’il soumet au discernement des lecteurs Ă©clairĂ©s. On doit convenir , cependant , que cette peinture trouvĂ©e dans les thermes de Titus , est d’un grand secours pour expliquer ce que Yitruve rapporte clans ce chapitre sur les bains des anciens. La chambre chaude , ou l’étuve pour faire suer , s’y trouve reprĂ©sentĂ©e avec tous ses dĂ©tails , telle que Tilruve l’a dĂ©crite. 11 nomme suspensurƓ caldarium , et ensuite suspensio , le pavĂ© de cetle chambre ou Ă©tuve ; parce qu’il Ă©toit supportĂ© par quelques petits piliers , dont il fait immĂ©diatement la description , et qu’on voit reprĂ©sentĂ©s dans cette peinture des thermes de Titus. Ce vuide , qui se trouvoit sous le pavĂ© , Ă©toit Ă©chauffĂ© par un fourneau nommĂ© hypocauste ; ce qui procuroit dans la chambre qui Ă©toit par-dessus, une partie de la chaleur nĂ©cessaire pour faire suer. Dans le deuxiĂšme volume des nouvelles littĂ©raires de Florence de l’an 1741 , on lit dans une lettre , Ă©crite de Rome 1 , que lorsqu’on dĂ©molit une partie de la petite Ă©glise de S. Etienne in piscipola , pour l’agrandir , M. Palazzi , homme trĂšs-instruit , et versĂ© sur-tout dans les connoissances qui concernent l’antiquitĂ© , remarqua , sous les fondemens , un pavĂ© formĂ© avec des tuiles cassĂ©es ; il Ă©toit soutenu par plusieurs petits piliers isolĂ©s , formant dans tous les sens des lignes droites , ayant chacun la grosseur d’un palme carrĂ©, faits avec des briques qui avoient exactement celte mesure, et qu’on avoit placĂ©es l’une sur l’autre, sans y mettre de la chaux , mais seulement de l’argile ; la distance de l’un Ă  l’autre Ă©toit d’un palme et demi, et leur hauteur de trois palmes ils soulenoient 1 Page 180. 3i. L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. 44 des carreaux de terre cuite , qui avoient prĂšs de trois palmes carrĂ©s ; ce qui formoit un pavĂ© trĂšs- rĂ©gulier , sur lequel Ă©toit le pavĂ© formĂ© avec la mastique composĂ© de tuiles pilĂ©es et de plĂątre, semblable Ă  l’enduit qui couvre les murs de la piscine admirable qu’on voit au cap de MiscĂ©ne prĂšs de Naples. Il est aisĂ© de voir que ce pavĂ© Ă©toit celui d’une Ă©tuve ou d’une chambre chaude, comme celle que dĂ©crit ici "Vitruve; elle faisoit sans doute partie de quelque palestre ou de thermes. Cependant l’auteur de la lettre n’est pas de ce sentiment ; il la termine en disant que M. Palazzi est persuadĂ© que cette fabrique est celle d’une piscine ou d’un rĂ©servoir d’eau. Outre ces tuyaux de chaleur, qui Ă©toient sous le pavĂ© des Ă©tuves pour faire transpirer , il y avoit encore le laconicum qui servoit Ă  l’échauffer davantage, en augmentant la chaleur de diffĂ©rens degrĂ©s, suivant le dĂ©sir des personnes qui s’y trouvoient. Ce laconicum n’étoit autre chose qu’une petite rotonde terminĂ©e en coupole qui convroit une ouverture pratiquĂ©e dans le pavĂ© de l’étuve , pour y laisser passer la flamme de l’hypocauste , ou du fourneau. On augmenloit, par-lĂ  , la chaleur dans l’étuve , autant qu’on le jugeoit Ă  propos , par le moyen d’un bouclier d’airain , qu’on Ă©levoit ou baissoit avec une chaĂźne , Ă  laquelle il Ă©toit attachĂ©. Le laconicum ressembĂźoit assez Ă  certains poĂȘles modernes, et produisoit le mĂȘme effet, puisque, au lieu de la clef ou tiroir avec le secours desquels nous augmentons ou diminuons la chaleur des nĂŽtres, les anciens se servoient d’une espĂšce de bouclier. Avant Galiani, tous les interprĂštes avoient fait du laconicum 3 une chambre assez spacieuse , diffĂ©rente de l’étuve, mais destinĂ©e au mĂȘme usage. La peinture trouvĂ©e dans les thermes de Titus, et l’examen plus particulier que ce traducteur italien a fait du texte , l’ont persuadĂ© que ses prĂ©dĂ©cesseurs avoient pris la'partie pour le tout. Voici comme il s’exprime Ă  cet Ă©gard * Vitruve, dans le chapitre suivant , met l’étuve pour faire transpirer , au nombre des parties qui composent la palestre concamerata suclatio longitudine duplex , quam latitudine. En dedans de cette Ă©tuve se trouvoit, d’un cĂŽtĂ© , le laconicum , o , plane. XVIII et de l’autre , le bain d’eau chaude o 3 quĂŠ habeat in versuris ex una parte laconicum . ex adverso laconici caldam lavationem . Si donc le laconicum se trouve sur un des cĂŽtĂ©s de l’étuve , il est clair qu’il n’est pas l’étuve, mais qu’il en fait partie d’ailleurs si ce laconicum Ă©toit l’étuve, Ă  quoi auroit servi la chambre pour faire suer, concamera sudatio , ou plutĂŽt Ă  quoi auroit servi deux Ă©tuves? 11 est certain, ajoute Galiani , que le passage du dixiĂšme chapitre est obscur; mais que ces expressions du chapitre suivant laconicum ad eumdern modum , uti suprd scriptum est cornpositum , prouve que l’auteur n’a dĂ©crit dans ce passage du X. e chapitre, que le seul laconicum , malgrĂ© ces expressions dont il se sert, laconicum suclalionesque , qu’il a employĂ©es sans doute pour celles-ci laconicum in sudationibus , qui eussent Ă©tĂ© beaucoup plus claires. La maniĂšre dont est reprĂ©sentĂ©e dans la peinture tirĂ©e des thermes de Titus, la place destinĂ©e aux bains d’eaĂč chaude caldam lavationem , ainsi que les remarques faites par moi-mĂȘme dans les ruines des diffĂ©rents thermes, m’ont engagĂ© Ă  donner une nouvelle figure de cette place, qui diffĂšre assez de celles qu’en ont donnĂ©es mes prĂ©dĂ©cesseurs, mais qui me paroĂźt plus conforme au sens du texte. L I Y R E V, C ii a p. x. 245 Tous ceux qui ont figurĂ© ces bains avant moi, du moins que je sache , ont reprĂ©sentĂ© la baignoire enfoncĂ©e au milieu du pavĂ© , de maniĂšre que pour y descendre, ils ont placĂ© quatre petits escaliers dans les coins. Au contraire dans la peinture trouvĂ©e dans les thermes de Titus , la baignoire forme une cuve Ă©levĂ©e au-dessus du pavĂ© ; par-dessous se trouve l’hypocauste qui entretient une chaleur douce dans la place , afin que ceux qui entrent ou sortent du bain , n’éprouvent aucun froid. J’ai vu , Ă  Rome , plusieurs de ces baignoires qui avoient Ă©tĂ© tirĂ©es hors des anciens thermes ; il s’en trouve deux entre autres , formĂ©es chacune d’un seul morceau de granit d’Egypte , qui servent prĂ©sentement de bassin aux deux fontaines qui sont sur la place FarnĂšse ; elles ont 17 pieds 4 pouces de longueur et 4 pieds deux pouces de profondeur ; elles sont ovales et ressemblent Ă  celle qui est reprĂ©sentĂ©e dans la peinture que je viens de citer. Je ne veux pas dire par-lĂ  que les baignoires des anciens Ă©toient toutes formĂ©es d’une seule pierre , et qu’elles n’étoient pas plus grandes que celles-ci, qui ne seroient certainement pas suffisantes pour un bain public , comme celui dont il s’agit , qui devoit ĂȘtre trĂšs- spacieux , puisque Vitruve veut qu’il soit proportionnĂ© au nombre des habitans ; et d’ailleurs on sait qu’il y avoit des bains si grands qu’on y pouvoit nager, et qu’on nommoit pour celle raison colymbe - thrƓ. Mais je dis que ces bains, si spacieux qu’ils fussent, Ă©toient toujours Ă©levĂ©scomme celui que reprĂ©sente la peinture que j’ai citĂ©e ; soit qu’ils fussent faits de bois ou maçonnĂ©s. Pour faire comprendre prĂ©sentement qu’elle Ă©toit la construction de la salle oĂč l’on prenoit les bains, ainsi que les expressions dont "Vitruve se sert pour dĂ©signer les diffĂ©rentes parties qui la corn- posoient , je remarquerai d’abord que c’est Ă  celte salle qu’il donne particuliĂšrement le nom de bal- neum ; tandis qu’il appelle les autres, l’une tepidarium, frigidarium , etc.; il dit que-sa longueur , non compris le reposoir qui est autour de la baignoire et de la loge prceter scalam labri et alvei, doit avoir un tiers moins que sa longueur ; du moins c’est ainsi que j’ai interprĂ©tĂ© ce passage, parce que je crois , avec tous les autres interprĂštes , que labrum signifie les bords de la baignoire qui contenoit l’eau pour s’y laver ; elle est indiquĂ©e fig. a dans la XV. e planche. Que schola tirĂ© du mot grec ç%o\y signifie, comme dans cette langue , un lieu oĂč l’on demeure sans agir et sans travailler du corps , et qui Ă©loit l’endroit dans les bains oĂč ceux qui vouĂźoient se baigner , altendoient qu’il y eĂ»t place dans l’eau ; je l’ai rendu comme Perrault par le mot reposoir, en supposant, d’aprĂšs la peinture des thermes de Titus, que c’étoit des espĂšces de gradins, et d’aprĂšs les expressions de Vitruve , qu’ils s’élendoient autour de la baignoire et de la loge. J’ai indiquĂ© ces gradins C. C. fig. citĂ©e. Je n’ai pas cru qu ’alveus vouloit dire ici autre chose qu’une loge ou une niche , suivant sa vraie signification ; parce que dans la peinture des thermes de Titus , on voit , en effet, plusieurs loges ou niches , dans les salles destinĂ©es aux bains c’étoit sans doute lĂ  oĂč l’on alloil se dĂ©shabiller; il rĂ©gnoil autour un reposoir ou banc, schola , sur lequel Ă©toit un coussin avec un degrĂ© par-dessous; par-devant, Ă©toit une espĂšce de cloison , pluteum , faite dans Je genre de celles que j’ai indiquĂ©es , en interprĂ©tant le mot pluteum dans mes remarques , Ă  la fin du premier chapitre de ce livre ; cette loge est marquĂ©e dd dans la figure e. / 246 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. CHAPITRE XL De quelle maniĂ©rĂ© il faut construire les Palestres et les Xystes. *^uoique les palestres ne soient pas en usage clans l’Italie , il me semble cependant cpi’il convient de dĂ©crire ici la forme de ces Ă©difices, et de faire connoĂźtre comment les Grecs les construisent. Il faut faire clans les palestres des pĂ©ristyles carrĂ©s ou oblongs , qui aient deux stades de tour ; c’est ce que les Grecs appellent diavlon i. Trois de ces portiques doivent ĂȘtre simples , et le quatriĂšme , qui regarde le midi, doit ĂȘtre double , afin que le vent ne puisse pousser la pluie jusqu’au fond. Le long des trois portiques simples , on bĂątit de grandes salles , 2 oĂč sont des siĂšges , sur lesquels peuvent s’asseoir les philosophes , les rhĂ©teurs et les autres gens de lettres pour y discuter des sciences. Le long du double portique , doivent se trouver les piĂšces suivantes on place au centre , lephebeum ; c’est une trĂšs-grande salle avec des siĂšges , qui doit ĂȘtre un tiers plus longue qu elle n’est large ; Ă  sa droite est le coriceum , 3 et immĂ©diatement aprĂšs le conisterium 4 ; ensuite prĂšs de cette place , clans l’angle du portique , est le bain cl’eau froide que les Grecs nomment latron 5 ; Ă  gauche de l'e- phebeum est letƓoiesium 6. Ensuite prĂšs de ce dernier est la chambre froide, d’oĂč l’on va par un passage au prognigeum 7 qui est dans l’autre angle du portique Ă  cĂŽtĂ© ; mais en dedans , vis-Ă -vis de la chambre froide , est l’étuve voĂ»tĂ©e pour faire suer ; elle doit ĂȘtre deux fois plus longue que large en dedans de cette Ă©tuve , se trouve d’un cĂŽtĂ© le laconicum , construit comme nous l’avons expliquĂ© plus haut, et de l’autre cĂŽtĂ© le bain d’eau chaude. Il faut distribuer les portiques en dedans de la palestre, d’aprĂšs les rĂšgles que nous avons dĂ©jĂ  enseignĂ©es. * Planche XVIII. me 4 Le magasin fie la poussiĂšre. 1 C’est-Ă -dire long comme une flĂ»te. 5 C’est-Ă -dire le lavoir. 2 ExedrĂŠ, 6 C’est-Ă -dire le lieu oĂč l’on conserve l’huile. 3 C’est-Ă -dire le jeu de paume. Yoyez l’explication 7 C'est-Ă -dire le fourneau, Ă  la fin de ce chapitre, LIVRE V ; C h a p. xi H 7 On fait , en dehors, trois portiques ; l’un pour sortir de la palestre , et les deux autres Ă  droite et Ă  gauche sont pour les stades celui de ces portiques qui regarde le septentrion , doit ĂȘtre double , et fort large 1 autre sera simple , mais construit de façon qu’il se trouvera , tant le long du mur que le long des colonnes , des chemins Ă©levĂ©s qui auront au moins dix pieds de large ; entre les deux , se trouvera un chemin bas qui sera enfoncĂ© d’un pied et demi , dans lequel on descendra par deux petits escaliers ce chemin enfoncĂ© aura , dans le fond , au moins douzĂš pieds de large. Par ce moyen, ceux qui se promĂšneront habillĂ©s , tout autour, sur les chemins Ă©levĂ©s , ne seront pas dĂ©rangĂ©s par ceux qui s’exerceront dans le bas. Les Grecs appellent ce portique Ws i , il couvre un stade oĂč les athlĂštes peuvent s’exercer pendant l'hiver. Voici ensuite comme on fait les xistes on plante , entre les deux portiques , des bosquets , ou des platanes , en laissant entre les arbres , d’espace en espace , des allĂ©es, avec des places pour se reposer, faites en srnalte 2 . A cĂŽtĂ© du xiste, et du portique double , on laisse une allĂ©e dĂ©couverte , que les Grecs appellent peri- dromidas 3 qui sont nos xistes dĂ©couverts , dans lesquels les athlĂštes en sortant du xiste couvert, viennent s'exercer pendant l’hiver quand il fait beau. DerriĂšre ce xiste, on doit construire im stade qui soit assez ample pour que beaucoup de monde puisse s’y placer et voir Ă  l’aise les exercices de la lutte. Telles sont les rĂšgles qu’on doit suivre pour construire f comme il faut, les diffĂ©rons Ă©difices qui se trouvent dans l’enceinte des villes. REMARQUE S. On sait quelle importance les Grecs allacboieni Ă  la cĂ©lĂ©bration des jeux Olympiques; on les croyoit instituĂ©s par Hercule ; ils furent rĂ©tablis par iphitus , et ils avoienl lieu de 4 en 4 ans , ou pour parler exactement, de 5o mois en 5o mois , ce qui faisoit une olympiade , et c’étoit par les olympiades quon compioil chez eux le temps. S’ilexisloit une guerre entre quelques peuples de la GrĂšce, lors de la cĂ©lĂ©bration de ces jeux , on suspendoit, pendant ce temps-lĂ  , toutes hostilitĂ©s pour les reprendre aprĂšs. Rien n’étoit plus glorieux que d’y ĂȘtre proclamĂ© vainqueur. CicĂ©ron , dans son plaidoyer pour i Ce mot grec signifie un lieu uni aplani. L’auteur 2 Voyez l’explication de ce mot Ă  la fin de ce cha- entend ici le xiste proprement dit qui Ă©toit couvert , tan- pitre. dis que celui dont il parle ensuite Ă©toit dĂ©couvert et 3 C’est-Ă -dire , fait pour courir tout autour, diffĂ©rent de celui-ci. Voyez les remarques Ă  la fin du chapitre , ainsi que la planche XVlIL me et son explication. 48 L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. Flaccus, et ailleurs , remarque que le consulat dans son ancienne splendeur, et le triomphe dans toute sa majestĂ© , n’avoient rien de plus grand Ă  Rome , que la couronne olympique en GrĂšce. On proclamoit le vainqueur en prĂ©sence de toute la GrĂšce assemblĂ©e ; on lui Ă©levoit des statues, non seulement Ă  Olympie , mais encore dans sa ville natale , qui partageoit la gloire de sou triomphe. On sent combien la jeunesse grecque Ă©toit jalouse de cet honneur , et comme elle devoit s’exercer pour devenir habile dans ces sortes de jeux. Dans les villes, des Ă©difices publics Ă©toient destinĂ©s Ă  ces exercices ; de ce nombre Ă©toient les palestres dont Y'itruve fait la description dans ce chapitre. Ces jeux consistoient en neuf exercices, qu’on ĂŻrommoit gymnastiques, de yvfxvĂ q , nu, parce qu’on Ă©toit nu, ou presque nu, pour s’y livrer. C’éloit la lutte , le pugilat, le pancrace, la course, le saut, le disque , l’oplomachie. On les appeloit aussi jeux palestriques , parcequ’on s’y exerçoit dans les palestres dont nous parlons, lesquelles tiroient elles-mĂȘmes leur nom du mot grec ftaXaiçTpcc qui signifie lutte ou combat. Si l’on veut avoir une connoissance exacte de ces jeux ou combats si cĂ©lĂšbres dans l’antiquitĂ© , il faut lire les savantes dissertations que Burette a faites sur la gymnastique des anciens; elles sont imprimĂ©es dans le troisiĂšme volume des mĂ©moires de l’acadĂ©mie des inscriptions et belles- lettres. J’y renvoyĂ© donc le lecteur. La palestre , chez les Grecs , Ă©toit un Ă©difice public pour toutes sortes d’exercices tant de l’esprit que du corps. Il Ă©toit composĂ© d’une place entourĂ©e de colonnes qui avoit deux stades de tour. Le stade Ă©toit un espace de 125 pas qui faisoit environ go de nos toises. Le mot est dĂ©rivĂ© du verbe qru , qui signifie s’arrĂȘter , parce qu’on dit qu’Hercule couroit , tout d’une haleine , cet espace au bout duquel il s’arrĂȘloit. En dehors des portiques formĂ©s par ces colonnes, se trouvoient plusieurs autrĂ©s places ou salles. Trois cĂŽtĂ©s Ă©toient occupĂ©s par les salles oĂč les philosophes et les sa- vans alloient discuter des sciences. Pausanias, en faisant la description de la palestre, ou lieux d’exercices de la ville d’Elis, dit , 1 , que dans ce mĂȘme gymnase , ou lieu d’exercice, les ElĂ©ens ont leur sĂ©nat, oĂč les savans viennent donner des preuves de leur capacitĂ© , soit par des discours faits sur-le-champ , soit dans tout autre genre de littĂ©rature ce qui se rapporte , Ă  ce que dit Yitruve. On retrouve Ă©galement dans celle description que fait Pausanias du gymnase d’Elis , presque toutes les piĂšces qui composoient la palestre dont on vient de parler. ^ Le mot execlra } que Yitruve employĂ© ici pour dĂ©signer ces salies oĂč les savans se rĂ©unissoient , est grec. Les auteurs ne sont pas d’accord sur sa juste signification. Alexander ab Alexandro , croit que c’étoit une galerie ouverte en maniĂšre de loges. Accurse le prend pour une galerie entourĂ©e de fenĂȘtres ; il signifie nĂ©anmoins, Ă  la lettre, une figure qui a six cĂŽtĂ©s, comme un cube. Dans ce cas ce devoit ĂȘtre une salle couverte qui auroit six cĂŽtĂ©s et quatre murailles , le plafond et le pavĂ©. Il paroĂźt au contraire, d’aprĂšs ce que Yitruve dit dans le chapitre 5. mc du YI. me livre, et dans le g. me du YIÏ. me livre oĂč il parle encore des exĂšdres, que c’étoit des lieux fort ouverts , exposĂ©s aux rayons du soleil et de la lune; ce,qui sembleroit appuyer l’opinion d’Alexander ab Alexandro. O hiv- "VI. me » Cliap. 23 , D’aprĂšs » *49 D’aprĂšs cela les places dĂ©voient ĂȘtre trĂšs-Ă©clairĂ©es , soit qu’elles eussent beaucoup de grandes fenĂȘtres , soit qu’elles ne fussent fermĂ©es que de trois cĂŽtĂ©s , ayant l’autre ouvert , portĂ© par des colonnes , comme on voit qu’éloient faites celles qu’on nomme encore communĂ©ment aujourd’hui les exedres y dans l’enceinte des thermes de DioclĂ©tien Ă  Rome. Le long de l’autre portique de la palestre se trouvoient des places destinĂ©es Ă  d’autres usages. Le milieu Ă©toit occupĂ© par V ephebeum ; c’étoit lĂ  oĂč l’on apprenoil aux jeunes gens qui sortoient de l’adolescence , les premiers principes de la gymnastie. On appeloil ainsi cet endroit, parce que par spyÂŁov on entendoit en GrĂšce ceux qui avoient atteint la pubertĂ© qui commence Ă  i4 ans. A droite de l’ephebeum , se trouvoit le coriceum. Comme Perrault et Galiani , j’ai suivi le sentiment de Baldus , qui fait dĂ©river ce mot du grec %opĂčxtov qui signifie une balle ou ballon. Nous C savons que le jeu de paume Ă©toit en usage chez les anciens $ comme nous ne voyons pas que l’auteur assigne , pour ce jeu , un autre emplacement que celui-ci dans la palestre , nous devons croire qu’il y Ă©toit destinĂ©, d’autant qu’il y convient parfaitement, Ă©tant d’une Ă©tendue convenable., plus longue que large. D’autres interprĂštes font dĂ©river ce mot de qui signifie en grec une jeune fille , et d’aprĂšs cela , ils ont fait du coriceum un lieu d’sxercice pour les jeunes filles , sans rĂ©flĂ©chir qu’en GrĂšce il Ă©toit interdit aux femmes de s’approcher des lieux oĂč la jeunesse s’exerçoit Ă  ces sortes de jeux. ImmĂ©diatement aprĂšs , du mĂȘme cĂŽtĂ© , Ă©toit le conisterium y c’est-Ă -dire le lieu oĂč l’on conserve la poussiĂšre du mot grec %6viç , parce que c’étoit lĂ  que les lutteurs en alloient prendre , pour n jeter sur leurs adversaires , dont le corps Ă©toit couvert d’huile , afin d’avoir plus de prise. A gauche de Y ephebeum, Ă©toit YelƓotesium y lieu oĂč l’on conservoit l’huile tÀcucv et oĂč s’alloient oindre ceux qui s’exerçoient , non seulement pour rendre leurs membres plus glissans et moins capables de donner prise , mais encore pour les rendre plus souples , et plus propres aux exercices. Outre l’huile dont nous venons de parler , il y en avoit d’autres , qu’on employoit aprĂšs la lutte , sur les membres qui avoient Ă©tĂ© froissĂ©s , et d’autres encore qu’on prenoit avant d’entrer dans le bain. PrĂšs de YelƓotesium , ajoute Vitruve , Ă©toit la chambre froide , frigidarium y c’est ainsi du moins que j’ai interprĂ©tĂ© ce mot, qui ne peut signifier le bain d’eau froide , dont il a dĂ©jĂ  parlĂ© , en lui assignant une autre place en F , et le nommant lavatioi Ce devoit ĂȘtre une place prĂšs d l’étuve et du bain d’eau chaude , oĂč se tenoient , pendant quelque temps , les personnes qui en sortoient, pour se rĂ©froidir peu-Ă -peu, avant de se trouver en plein air. Nous lisons dans PĂ©trone , itaque intravimus balneum y et sudore calefacti momento temporis ad frigidam , ou bien fri- gidariam y eximus. \ Galiani croit que le frigidarium dont il est parlĂ© dans ce chapitre , est la mĂȘme chose que le tepidarium dont il est parlĂ© dans le chapitre prĂ©cĂ©dent. On l’appeloit, dit-il , tepidarium y Ă  cause qu’on y jouissoit d’une chaleur tempĂ©rĂ©e , produite par le rĂ©verbĂšre de l’étuve qui Ă©toit Ă  cĂŽtĂ© et on l’appeloit aussi frigidarium y parce que les personnes qui y enlroient, en sortant de l’étuve, 32 a5o L ’ARCHITECTURE DE VITRUVE. commençoient Ă  s’y refroidir. Ce qui le persuade de cela , c’est que dans le chapitre prĂ©cĂ©dent, il place le laconicum et J’éluve pour faire suer, Ă  cĂŽtĂ© du tepidarium . Laconicum , siidationescjue sunt conjungendĂŠ tepidaria tandis que dans celui-ci , il ne nomme pas le tepidarium ; mais il place le laconicum , et l’étuve auprĂšs du frigidarium. ProximĂš autem introrsus e regione frigidariĂź collocetur concamerata sudatio. D’aprĂšs cela il croit que le tepidarium et le frigidarium n’éioient qu’une mĂȘme chose. Si cependant , ajoute-t-il, on oppose Ă  mon opinion la peinture trouvĂ© dans les thermes de Titus , oĂč l’on voit que le tepidarium et le frigidarium forment deux places differentes , et ce qu’en ont Ă©crit au contraire Mercuriale, l’Aluisio , le Baccio et autres ; j rĂ©pondrai que Vitruve ne parle ici que de la palestre des Grecs dans laquelle il n’y avoit pas, Ă  beaucoup prĂšs , autant de piĂšces que dans les thermes, qui par la suite , furent, en quelque maniĂšre Ă  Rome, ce qu’étoient les palestres chez les Grecs ; mais Ă  cause de l’énorme population ‱t du luxe de cette ville, ces Ă©difices Ă©toient bien plus vastes, au point qu’ils paroissoient une provinc. Vitruve dit que de cette chambre froide on alloit, par un passage, au prognigeum , qui ne peut ĂȘtre autre chose que l’endroit oĂč l’on faisoit du feu pour Ă©chauffer les chambres et les bains ; du moins doit-on le croire, prognigeum Ă©tant le synonime à’hypocausis , et de prcefumium. Sur un des cĂŽtĂ©s de la palestre en dehors , se trouvoit un grand espace plantĂ© d’arbres, que les Romains appeloient le xiste , xystus ou xystum y quoique ce mot fut dĂ©rivĂ© du grec , il ne signi- fioit cependant pas exactement la mĂȘme chose dans cette langue qu’en latin , puisque le xiste proprement dit, chez les Grecs, Ă©toit un porlique couvert, sous lequel Ă©toit un stade 1 oĂč les AthlĂštes s’exerçoient Ă  la course ou Ă  la lutte; il occupoit, suivant Vitruve, un des cĂŽtĂ©s du xiste dont je viens de parler , et c’est celui dont il parle dans le io. me Chap. du VI. me Liv. , Ă  propos des mots latins dĂ©rivĂ©s du grec, auxquels on a donnĂ© Ă  Rome une signification diffĂ©rente que celle qu’ils ont dans celte langue. Les Grecs, dit-il, appellent xystos , un large portique, oĂč les athlĂštes s’exercent pendant l’hiver, tandis que nous autres , nous appelons xystus des allĂ©es dĂ©couvertes pour se promener , que les Grecs nomment peridrcmidas tellement que dans le chapitre que nous expliquons prĂ©sentement, Vitruve parle d’abord du xiste des Grecs , ensuite de celui des Romains , comme il le dit lui-mĂȘme. Voyez nos remarques Ă  la fin du io. me Chap. du VI. m * Liv. ; et quant Ă  ce pavĂ© fait en smalte dont il parle ici , voyez ce que nous en avons dit, dans nos remarques Ă  la fin du 4. me Chap. du II. me Liv. 11 appelle ici cette sorte de pavĂ© signinum opus. Il en parle encore dans le I. er Chap. du VIL Liv. Pausanias fait la description du gymnase d’Elis qui ressemble tant Ă  la palestre et au xiste dont parle Vitruve , que je crois devoir la rapporter, pour qu’on puisse les comparer ensemble , et voir en quoi elle m’a servi pour interprĂ©ter l’auteur latin. s’endurcir au travail, neitoyoit tous les jours ce lieu , et en arrachoit les ronces et les Ă©pines. Cette grande enceinte est partagĂ©e en plusieurs piĂšces, dont l’une est destinĂ©e Ă  l’exercice de la » course ; on la nomme le lieu sacrĂ©. Dans une autre , on s’exerce Ă  la course et au pentathle_ n PrĂšs de la grande enceinte , il y en a une plus petite qui est contiguĂ« , et qui, Ă  cause de sa Ăź figure carrĂ©e , se nomme TĂ©tragone. C’est lĂ  que les jeunes athlĂštes s’exercent au pugilat. 11 y a une troisiĂšme enceinte qui parce que le terrain en est plus doux et plus mou , s’appelle » Maltho ; ce lieu est ouvert aux enfans pendant tout le temps que durent les jeux Ă  Olympie. Dans le mĂȘme gymnase , ou lieu d’exercice , les ElĂ©ens ont leur sĂ©nat , oĂč les savans vien- ĂŻ> nent donner des preuves de leur capacitĂ© , soit par des discours faits sur le champ , soit dans w tout autre genre de littĂ©rature. » Le gymnase a une autre issue qui conduit Ă  la place publique , et Ă  un endroit oĂč les direc- l teurs des jeux tiennent conseil. » La place publique n’est point faite comme celles des villes d’Ionie , ni mĂȘme des villes voisines; » elle est bĂątie Ă  l’ancienne mode. Les portiques en sont distans les uns des autres et sĂ©parĂ©s par » des rues de traverse. Les ElĂ©ens appellent cette place l’Hippodrome , parce qu’en effet ils y dressent leurs chevaux. Le portique le plus exposĂ© au midi , est d’une architecture dorique ; trois rangs de colonnes le partage en trois , etc. 2 . » Ce xiste Ă©toit ornĂ© d’une infinitĂ© de statues , dont Pausanias fait la description ; je n’en parle pas , pour ne pas sortir de mon sujet. CHAPITRE XII. » Des Ports et de la Maçonnerie qui se fait dans leau. J e ne puis m’empĂȘcher de parler ici de l’utilitĂ© des ports de mer , et par quel art on parvient Ă  y mettre les vaisseaux Ă  l’abri des tempĂȘtes. Si la nature les a formĂ©s elle-mĂȘme ; s’ils ont des rochers ou des promontoires qui s’avancent dans la mer, formant naturellement une courbe ou un coude dans le milieu, il sera bien aisĂ© de les faire , puisqu’il n’y aura plus qu’à construire tout autour des portiques ou des arsenaux pour la construction des navires , et des passages pour aller du port dans les marchĂ©s , et Ă©lever, de chaque cĂŽtĂ© , des tours, d’oĂč, au moyen des machines, on puisse tendre des chaĂźnes de l’une Ă  l’autre. I»; Ayste dĂ©rivĂ© 25a L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. Dans le cas que l’emplacement ne soit pas de lui-mĂȘme propre Ă  mettre les vaisseaux Ă  l’abri des tempĂȘtes , voici ce qu'on peut faire, pourvu qu’il n’y ait pas de riviĂšre qui l’empĂȘche, et qu’il y ait seulement une plage convenable c’est de bĂątir du cĂŽtĂ© opposĂ© un mole qui s’avance dans la mer et qui enferme le port. Voici comme on construit ces moles qui s’avancent dans la mer il faut d’abord faire venir de cette poudre i qui se trouve dans la contrĂ©e qui s’étend depuis Cume jusqu’au promontoire de Minerve ; on en fait du mortier, en y mĂȘlant un tiers de chaux ; ensuite, dans l’endroit oĂč l’on veut bĂątir le mole , on enfonce dans la mer , une enceinte de pieux de bois de chĂȘne , qu’on lie fortement les uns aux autres , en les affermissant bien dans le fond. AprĂšs cela on Ă©galise et on nettoye , comme il faut, la plage par-dessous l’eau entre les pieux , pour y jeter le mortier dont on a parlĂ© plus haut, et l’entasser avec des pierres, jusqu’à ce qu’on ait rempli de cette maçonnerie toute l’enceinte destinĂ©e au mole. On ne peut employer ce moyen que dans les lieux oĂč la nature le favorise tels sont ceux dont nous venons de parler. Mais si l’agitation de la mer y est si grande qu’on ne puisse suffisamment y arrĂȘter ces pieux destinĂ©s Ă  former l’enceinte du mole, il faut alors bĂątir sur la terre mĂȘme , au bord de la mer , un massif dont la plus grande partie sera inclinĂ©e vers la mer et le reste mis de niveau. On bĂątira ensuite, tant du cĂŽtĂ© de l’eau que des deux cĂŽtĂ©s du massif, des rebords d’environ un pied et demi, jusqu’à la hauteur de la partie du massif qui est de niveau , dont on vient de parler , et on emplira de sable le creux du talus jusqu’au haut des rebords. On bĂątira alors sur cette esplanade une pile de maçonnerie , d’une grandeur suffisante ; et aprĂšs l’avoir laissĂ© sĂ©cher au moins pendant deux mois , on abattra les rebords qui soutiennent le sable , qui, Ă©tant emportĂ© par les vagues, laissera tomber et glisser la masse dans l’eau par ce moyen on pourra s’avancer peu-Ă -peu dans la mer % autant qu’il sera nĂ©cessaire. Dans les endroits oĂč il ne se trouve pas de cette poudre , voici comme il faut diriger l’ouvrage on enfoncera dans la mer un double rang de pieux , autour de 1 espace qu’on aura choisi ; ensuite on liera et joindra ces pieux les uns aux autres avec des chaĂźnes et des ais , et on emplira l’intervalle entre les deux rangs , avec de l’argile, mise dans des sacs faits de joncs de marais, aprĂšs les avoir bien battus pour les affermir ; puis avec des machines hydrauliques faites en limaçon, et par des roues, i La pouzzolane dont il est parlĂ© dans le 6. mc Ghap. du Liv. 253 L I V 1\ E Y, C h a p. xii. ou par des tympans , i on vuidera l'eau qui est entre ces deux digues; cet espace Ă©tant dessĂ©chĂ©, on creusera le fondement jusqu’au solide , si c’est de la terre , et on les bĂątira de libage, joint avec de la chaux et du sable , les faisant plus larges que le mur qu’ils doivent porter. Si le lieu n’est pas ferme , on y enfoncera des pilotis de bois d’aune demi-brĂ»lĂ© , ou d’olivier ou de chĂȘne , dont les intervalles seront remplis de charbons , comme on l’a dit en parlant des fondemens des théùtres et des autres murailles. LĂ  dessus , on Ă©levera le mur de pierres de taille ; celles qu’on posera en boutisse , seront les plus longues qu’il sera possible , afin que celles qui sont entre les boutisses soient plus fermement liĂ©es on emplira le dedans du mur avec du mortier et du moellon ou en maçonnerie ; ce qui formera une masse assez solide pour soutenir mĂȘme une tour , si on la bĂątissoit dessus. Quand on aura achevĂ© tout cela , il faut observer , en bĂątissant les arsenaux pour les navires, de les tourner vers le septentrion car la chaleur qu’occasionne l’aspect du midi, engendre et entretient les vers et autres insectes qui carient le bois ; sur tout il ne faut pas les couvrir de bois , crainte d’incendie. On ne peut guĂšre dĂ©terminer leur grandeur ; mais il faut qu’ils soient capables de contenir au large les plus grands vaisseaux et qu’on puisse les y faire entrer facilement. J’ai traitĂ© , dans ce livre , de tout ce qui m’a paru le plus nĂ©cessaire et le plus utile pour perfectionner la construction des Ă©difices publics dans les villes. Dans le suivant, je traiterai de l’utilitĂ© et des proportions des bĂątimens que font construire les particuliers pour leur usage. REMARQUES . Nous ne pouvons pas comparer les porls de mer des anciens avec les nĂŽtres. Pour bien comprendre ce que dit Aitruve de leur construction , il faut se reporter aux temps oĂč il Ă©crivoit. N’ayant point alors de boussole , on ne pouvoit guĂšre naviguer que sur les cĂŽtes ; aussi ne se servoit-on que de petits bĂątimens plats et-Ă  rames , qui n’avoient besoin que de trĂšs-peu de profondeur ; presque toutes les rades Ă©toient pour eux des porls et lorsqu’ils n’en trouvaient pas de naturels dans les lieux oĂč ils avoient besoin d’en avoir , ils en formoient bientĂŽt au moyen d’une simple jetĂ©e ou mole. Ainsi dans ce chapitre , qui a pour objet les ports de mer des anciens , ^ itruve ne parle que de la construction de ces moles ; de celle des arsenaux pour y construire les navires , et meme pour les y enfermer , puisqu’ils Ă©toient assez lĂ©gers pour pouvoir ĂȘtre tirĂ©s a terre Ă  volontĂ©. Il ajoute qu’ils Ă©toient entourĂ©s de portiques , qu’il y avoit des passages pour se rendre au marchĂ© , et qu’on Ă©levoit des tours, d’oĂč on tendoit des chaĂźnes pour les fermer du cĂŽtĂ© de la mer. x Il dĂ©crit ces machines dans les 9, e , ĂŻi. me et Chap. du X. me Lir. 254 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. Dans les plans et les descriptions que Labacco et. Lucatelli nous ont laissĂ©s du port construit Ă  Oslie , prĂšs de l’embouchure du Tibre , par l’empereur Claude , et achevĂ© , suivant quelques-uns , par Trajan , on voit qu’il Ă©toit entourĂ© de portiques , de magasins ou arsenaux, comme ceux dont parle ici Vitruve. C’est aux recherches de ces deux savans que nous devons les connoissances que nous avons sur ce port des anciens , dont il reste si peu de vestiges , qu’il a fallu toute leur intelligence et leur» lumiĂšres pour pouvoir en former les plans et la description qu’ils nous en ont donnĂ©s 1. Ce port si cĂ©lĂšbre autrefois, qu’on appeloil Ostie , pour marquer qu’il Ă©toit la porte du Tibre , ou de Rome , n’est presque plus d’aucune utilitĂ© aujourd’hui $ n’ayant pas assez de profondeur , on n’a jamais pu en tirer aucun parti pour nos gros navires qui prennent beaucoup trop d’eau , et en aucuns temps on n’auroit pu s’en servir pour des navires semblables il en est de mĂȘme des ports d’Anxur aujourd’hui Terracine , de MiscĂšne , et autres ports cĂ©lĂšbres de l’antiquitĂ©. Les vaisseaux des anciens , comme nous l’avons dit, Ă©tant infiniment plus petits que les nĂŽtres , et prenant trĂšs-peu d’eau , la nature leur offroit une infinitĂ© de ports que sa main seule avoit formĂ©s * lesquels pourroient Ă  peine servir prĂ©sentement pour les chaloupes de nos pĂȘcheurs. Si la nature n’en avoit pas creusĂ© elle-mĂȘme, dans les lieux oĂč on en dĂ©siroit , il, Ă©toit facile Ă  l’art, ;ii e comme nous l’avons vu, d’y supplĂ©er 5 une simple jetĂ©e ou mole suifisoit. Vitruve enseigne dans çe chapitre quelles Ă©toient les trois maniĂšres de faire ces jetĂ©es. Il faut faire attention qu’elles n conviennent qu’aux ports de la mer MĂ©diterranĂ©e , oĂč le flux et le reflux ne se font pas sentir. Par exemple, en parlant d’un emplacement oĂč l’on peut construire un port , lorsqu’il n’y en a pas de naturel, Vitruve dit si toutefois il n’y a pas de riviĂšre qui l'empĂȘche. Ceci ne convient qu’aux ports de la MĂ©diterranĂ©e , parce que leS riviĂšres sur-tout celles d’Italie qui viennent presque toutes des montagnes de l’Appennin qui sont la plupart volcaniques , composĂ©es de cendres , de pierres ponces , de terres et autres matiĂšres lĂ©gĂšres qu’elles charient auroient bientĂŽt rempli de limon , de cendres volcaniques et de sable, un port qui seroit Ă  son embouchure , si elle la trouvoit rĂ©trĂ©cie et en partie fermĂ©e par des moles construits en arcs , ou placĂ©s en face comme ceux dont parle Vitruve. Il n’en est pas de mĂȘme de ceux de l’OcĂ©an 5 l’agitation du flux et du reflux de la mer empĂȘche que la vase et les immondices des riviĂšres ne comblent les ports ; et le reflux qui Fait monter l’eau trĂšs-haut dans les ports , donne lieu Ă  l’art de se servir avantageusement de c© secours de la nature , en retenant l’eau qui est montĂ©e pendant le reflux dans les Ă©cluses et dans les barres que l’on ouvre quand la mer est descendue, et qui, par sa chute impĂ©tueuse, achĂšve de pousser hors du port ce que le reflux a commencĂ© Ă  Ă©branler. , i'tis t iflljU sut Les deux premiers moyens qu’indique Vitruve pour faire les jetĂ©es ou moles , ne peuvent ĂȘtre exĂ©cutĂ©s ainsi qu’en Italie , puisqu’on emploie pour cela la pouzzolane , qui ne se trouve mĂȘme que dans certaines contrĂ©es de ce pays , comme nous l’avons dĂ©jĂ  observĂ© dans nos remarques sur le 6. me Chap. du II."’e Liv. , en parlant des qualitĂ©s de cette poudre. Sa principale qualitĂ©, c’est que le mortier qu’on en fait , Ă©tant jetĂ© dans l’eau , s’y durcit et acquiert la soliditĂ© de la pierre. Dans les environs de Came et de Pouzzole et sur - tout de Baia, j’ai vu dans la mer beaucoup de subs- tructions d’anciens ouvrages des Romains , faits avec de la pouzzolane $ entre autres les piliers d’un { Ant Etrusques, tome YI. rac , premiĂšre Dissertation. t LIVRE V, Chap. xii. *5S pont qui traversoit la Baye, et conduisoit de Baia Ă  Pouzzole. La partie de ces ruines , qui Ă©toit dans l’eau , Ă©toit parfaitement conservĂ©e. Suivant le premier moyen indiquĂ© par Vitruve , on enfonçoit dans la mer deux rangs de pieux qui formoient une enceinte Ă  laquelle on donnoit la forme que le mole devoit avoir ensuite , sans Ă©puiser l’eau , on emplissoit l’intervalle qui Ă©toit entre les deux rangs de pieux avec des pierres et du mortier de Pouzzolane , qui, Ă©tant plus pesante que l’eau, la faisoit sortir; et par la propriĂ©tĂ© qu’avoit ce mortier de sĂ©cher et endurcir dans l’eau , formoit comme une masse fusible jetĂ©e dans un mole. Ce mole formoit une espĂšce d’arc dont une des extrĂ©mitĂ©s tenoit Ă  la cĂŽte , s’avançoit dans la tner , formoit une courbe et un angle pour prĂ©senter ensuite sa plus grande Ă©tendue en face du rivage. Du moins est-ce ainsi que Galiani a interprĂ©tĂ© les expressions d’arcƓ stipitibus dont s sert Vitruve. Voici ses rĂ©flexions Ă  cet Ă©gard il semble , dit-il, d’aprĂšs ce que nous apprend Vitruve, qu’ou doive seulement lier , avec des chaĂźnes , toute l’enceinte de pieux ; mais comme nous nous servons aussi d’ais terminĂ©s en queue d’hironde , pour unir ces pieux les uns aux autres , au moyen des rainures qu’on y creuse pour y recevoir ces tenons , Perrault, qui a cru cet usage antique , s’est persuadĂ© qu’ici, area, signifioit un poteau dans les deux cĂŽtĂ©s desquels on avoit creusĂ© des rainures propres Ă  recevoir le tenon d’une autre piĂšce de bois. MalgrĂ© toute l’érudition qu’il Ă©tale dans une trĂšs - longue note , pour adapter les paroles du texte au sens qu’il leur a donnĂ© , on n’y trouve, ajoute Galiani , que du verbiage. 11 me semble en effet trĂšs-clair, continue le traducteur italien, qu’une fois qu’on donne Ă  area l’épithĂšte d* inclus a , il ne peut signifier autre chose que la totalitĂ© de l’arc , formĂ© par les pieux, c’est-Ă -dire toute l’enceinte mĂȘme. L’expression de dimittere arcam , ne doit pas apporter une difficultĂ© ; il s’en sert probablement au lieu de dimittere stipites , quibus fiunt arcĂŠ . La seconde maniĂšre de faire une jetĂ©e ou mole , dont parle Vitruve , avoit lieu dans les endroits oĂč la mer trop agitĂ©e ne permettoit pas d’y enfoncer des pieux. On bĂątissoit une masse sur le rivage, dont plus de la moitiĂ© posoit sur un amas de sable soutenu par un petit mur, qu’on abattoit, lorsque la maçonnerie Ă©toit sĂšche ; la mer alors emportoit le sable , et la masse , qui se trouvoit dessus , lomboit dans l’eau. Virgile dĂ©crit cette maniĂšre de faire .des moles dans le g. me Liv. de l’EnĂ©ide. Qualis in EĂŒboico Baiarum littore quondam Saxea pila cadit magnis quam molibus antĂš Constructam jaciunt porito sic ilia ruinam Prona trahit , penituaque vadis illisa recumbit. * Telle aux rives de Baie, antique enfant d’EubĂ©e , Dans le golfe de Cume avec fracas tombĂ©e , Une masse de roc qu’unit un dur ciment Ébranle au loin la rive en son noir fondement. !7. _ Trad, de ^56 1/ARCHITECTURE DE V I T R U Y E. Il paroit d’aprĂšs ce qu’ajoute Yitruve , qu’on s’avanroit peu Ă  peu dans la mer ; sans doute en y jetant de nouvelles masses. Tri ctcjuam poterit esse progressas. Et l’on voit que les anciens ne faisoient pas leurs jetĂ©es, comme nous les faisons aujourd’hui, en jetant dans la mer des gros quartiers de pierres les uns sur les autres; ils n’avoient pas remarquĂ© sans doute, comme les moules et les huitres en s’attachant aux pierres roulĂ©es sur le rivage , les attachent et les lient les unes aux autres; ce qui en fait des masses d’une soliditĂ© inĂ©branlable, supĂ©rieure peut-ĂȘtre Ă  celle des rochers produits par la nature. Les anciens employoient le troisiĂšme moyen indiquĂ© par Yitruve , lorsqu’ils ne pouvoient se procurer de la pouzzolane; les autres matĂ©riaux n’ayant pas, comme elle, la propriĂ©tĂ© de se sĂ©cher dans l’eau , on fabriquoit des batardeaux ou digues qui entouroient l’espace dans lequel on vouloir Ă©lever le mole ; ils Ă©toient composĂ©s d'un double rang de pieux et d’ais; on en remplissoit ensuite l’intervalle avec des paquets d’argile ou terre grasse enveloppĂ©e dans des sacs ou cabas faits de joncs de marais. Ces joncs entrelacĂ©s empĂȘchoient l’argile, qui Ă©toit dedans , de se dissoudre trop vite dans l’eau. On avoit par-lĂ  le temps nĂ©cessaire pour battre et pĂ©trir ces paquets , aprĂšs que les batardeaux en Ă©toient remplis ce qui Ă©toit nĂ©cessaire non seulement pour rĂ©sister aux vagues et au courant , mais encore pour empĂȘcher les eaux extĂ©rieures d’entrer dans l’enceinte , tandis qu’on Ă©puisoit celle qui Ă©toit dedans avec les machines hidrauliques. Quand l’eau Ă©toit entiĂšrement Ă©puisĂ©e, on construisoit , dans cette enceinte , le mole Ă  sec , comme on l’auroit fait sur la terre. Le mot merones que Vitruve emploie ici , en parlant de l’argile qu’il faut jeter entre les deux rangs de pieux , a beaucoup embarrassĂ© les interprĂštes ; voici comme il s’exprime inter destinaias creta meronibus ex ulva palustri factis calcetur quelques-uns , au lieu de meronibus , ont lu peronibus , d’autres beronibus ; mais la vĂ©ritable signification de ce mot est trĂšs-incertaine ; c’est le sens seulement qui indique qu’il doit signifier des sacs ou choses semblables. J’ai donc suivi le sentiment des meilleurs interprĂštes , et j’ai traduit comme eux ces expressions meronibus ex ulva palustri } par des sacs faits de joncs de marais. Ce jonc ou plante de marais que les anciens appellent ulva, est demeurĂ©e inconnue aux botanistes; "Virgile en parle dans les II.* et le VI. livre de l’EnĂ©ide , comme d’une plante aquatique. Ce doit ĂȘtre cette espĂšce de joncs trĂšs-communs dans les marais , dont on se sert en Italie , pour rempailler les chaises , et mettre autour des bouteilles ; il s’appelle en italien sala j c’est le mot dont Galiani se sert dans sa traduction pour rendre celui d ’ulva. M. Delille le traduit comme nous par joncs de marais. WVWVVVWWVVVVmMMW LIVRE VI. L’ARCHITECTURE D E Y I T R U Y E. LIVRE SIXIÈME. INTRODUCTION. Ije philosophe Aristippe , disciple de Socrate , jetĂ© sur les cĂŽtes de l’isle de Rhodes aprĂšs avoir fait naufrage , remarque des figures de gĂ©omĂ©trie , tracĂ©es sur le sahle i ; il s’écrie , en s’adressant Ă  ses compagnons , soyons pleins d’espĂ©rance ! j’aperçois des traces d’hommes ! aussitĂŽt il se rend Ă  la ville ; il entre dans le gymnase 2 ; il y dispute de philosophie , et l’admiration qu’il inspire, fait qu’on lui prodigue des prĂ©sens qui le mettent Ă  mĂȘme, ainsi que ses compagnons , de se procurer des habits , et tout ce qui est nĂ©cessaire Ă  la vie. Ceux-ci voulant ensuite retourner dans leur patrie , lui demandĂšrent ce qu’il vouloit faire dire chez lui ? il les chargea de recommander Ă  ses enfans de s’appliquer de bonne heure Ă  acquĂ©rir des biens qu'ils pussent sauver avec eux , s’ils faisoient naufrage ; puisqu’il avoit reconnu qu’on ne devoit s’assurer dans la vie , que sur ce qui est indĂ©pendant des vicissitudes de la fortune , des changemens qui surviennent dans les gouvernemens et des malheurs de la guerre. 1 Gallien rapporte aussi cette histoire d’Aristippe, mais il dit que c’est prĂšs de Syracuse qu’il fit naufrage. A C’est ici le seul endroit de l’ouvrage , oĂč l’auteur emploie le mot gymnase , quoique dans le 22. me chapitre du livre prĂ©cĂ©dent ; il dit, en dĂ©crivant la palestre, que les exĂšdres, c’est-Ă -dire les salles oĂč les philosophes 7 les rhĂ©teurs et les autres savans alloient discuter des sciences , en faisoient partie. Il est probable que le mot nasium Ă©toit synonyme de palestru. 258 Introduction. ThĂ©ophraste, en soutenant ce principe que la science est prĂ©fĂ©rable aux richesses, ajoute qu’il n’y a que le savant seul qui n’est pas Ă©tranger hors de son pays ; que s’il vient Ă  perdre ses amis , il en retrouve par-tout ; qu’il est citoyen dans toutes les villes , et qui! ne doit jamais craindre les revers de la fortune qu’au contraire, celui qui met toute sa confiance dans les avantages de la fortune , et croit par-lĂ  ĂȘtre Ă  l’abri de tout accident fĂącheux , reconnoĂźtra enfin , s’il ne possĂšde aucun talent, que le cours de la vie se fait dans un chemin peu ferme, oĂč il est impossible de ne pas tomber. Epicure pensoit de -mĂȘme , quand il disoit , que ce qu'on peut attendre de la fortune est peu de chose pour le sage , qui ne doit fonder ses espĂ©rances que sur la grandeur et sur la force de son esprit. La plupart des philosophes ont dit la mĂȘme chose , ainsi que les poĂštes qui, dans leurs anciennes comĂ©dies grecques, ont fait rĂ©citer, sur la scĂšne, ces mĂȘmes sentences qu’ils avoient mises en vers tels furent Euchrates, Chionides , Aristophanes , et sur-tout Alexis qui dit. que les AthĂ©niens mĂ©ritent d’ĂȘtre louĂ©s , pour avoir corrigĂ© cette loi commune Ă  toute la GrĂšce , qui oblige les enfans de nourrir leurs pĂšres , en ordonnant que ceux-lĂ  seuls y seroient contraints, dont les parens auroient eu soin de les faire instruire dans quelque art car tous les biens que nous recevons de la fortune , elle peut les reprendre aussi aisĂ©ment qu elle nous les a donnĂ©s ; au lieu que les sciences que nous axons acquises, Ă©tant comme attachĂ©es Ă  nos Ăąmes, leur possession nous est tellement assurĂ©e que nous ne saurions les perdre qu’avec la vie. J’ai donc infiniment de grĂąces Ă  rendre aux auteurs de mes jours , qui , persuadĂ©s de la justice de cette loi des AthĂ©niens , m’ont fait Ă©tudier un art qui demande tant de connoissances , oĂč les lettres sont nĂ©cessaires , et qui , comme un cercle , renferme toutes les autres sciences. C’est donc aux soins de mes parens , aux leçons des maĂźtres qui ont augmentĂ© la masse de mes connoissances , Ă  l’étude que j’ai faite de la thĂ©orie , Ă  la pratique , et Ă  mon goĂ»t pour la lecture , que mon aine doit tous les biens qu’elle possĂšde , ce qui me procure l’avantage de n avoir besoin de rien , et de ne rien dĂ©sirer ; ce qui est la principale de toutes les richesses. Bien des gens, peut-ĂȘtre, mĂ©priseront cette façon de penser, eux qui n’accordent la sagesse qu’à ceux qui possĂšdent beaucoup d argent, et leur admiration qu Ă  ceux qui se sont faits une rĂ©putation en rĂ©unissant les richesses aux grandeurs. Quant Ă  moi, ĂŽ CĂ©sar , les richesses n’ont jamais Ă©tĂ© le but que je me suis pro- idrfrc ipj Ăź se Les ;r IBJDOX tonfi liai .consul -des r ‱test 1 ;inn I N T R O D U C T 1 O K s5 posĂ© , en me livrant Ă  mon art; j’ai toujours prĂ©fĂ©rĂ© rester dans la mĂ©diocritĂ©, avec une bonne rĂ©putation, que d’ĂȘtre dans l’abondance, avec une mauvaise il est vrai que, jusqu Ă  prĂ©sent, la renommĂ©e a fait bien peu de chose pour moi; mais j espĂšre que quand mes livres paroitront, iis me feront connoĂźtre , mĂȘme Ă  la postĂ©ritĂ©. Il n’est pas Ă©tonnant qu’on ne me connoisse pas davantage les autres architectes sollicitent et se donnent beaucoup de mouvement pour ĂȘtre employĂ©s. Quant Ă  moi , j’ai appris de mes maĂźtres, qu il faut qu un architecte attende qu on le prie de prendre la conduite d’un ouvrage , et qu’il ne peut , sans rougir , faire une demande qui le fait paroĂźtre intĂ©ressĂ© , puisqu’on ne sollicite pas les gens pour leur faire du bien , mais pour en recevoir. Dans le fond , que croyons-nous que doit penser celui que nous prions de vouloir nous confier une partie de son bien , pour l’employer Ă  une si grande dĂ©pense , sinon que nous lui faisons une telle demande pour nous enrichir Ă  ses dĂ©pens ? c’est pourquoi les anciens ne confioient jamais d’entreprise Ă  un af chi- i itej tecte sans s’ĂȘtre informĂ©s auparavant de sa naissance , et s’il avoit reçu une bonne ĂŻE'ii 3H !i il s 1 ÜJ'OĂŻl I Ă©ducation ils prĂȘter oient celui qui Ă©toit modeste , Ă  celui qui vouloit paroĂźtre fort capable. Les artistes alors n’enseignoient leur art qu’à leurs enfans, ou Ă  leurs parens ; s il ils s appliquoient sur-tout Ă  en faire d’honnĂȘtes gens , auxquels on pouvoit , sans crainte , confier ses richesses ; mais aujourd’hui que je vois qu’une science si noble l et si importante est traitĂ©e par des gens si peu entendus , qui ignorent non-seule- y ment les rĂšgles de l’architecture , mais mĂȘme celles de la maçonnerie, je ne puis ' assez louer le pĂšre de famille qui se fie sur ses propres connoissances , et dirige lui** ' mĂȘme la construction des Ă©difices qu’il fait bĂątir puisqu'il faut qu’il confie ses ou- . vrages Ă  des ignorans , il prĂ©fĂšre les conduire lui-mĂȘme et les faire Ă  sa fantaisie , il puisque c'est lui qui en fait la dĂ©pense. dif i fl j 5 s* Nous ne voyons pas en effet que personne s’avise chez lui de se mĂȘler d’autres mĂ©tiers ; on se fie sur la capacitĂ© du cordonnier , du foulon et des autres ouvriers qui exercent des arts faciles , et non pas sur celle de l’architecte pourquoi ? parce qu’on reconnoĂźt tous les jours , que ceux qui professent l'architecture , ne connois- sent pas cet art. Ces raisons m’ont dĂ©terminĂ© Ă  composer un traitĂ© complet de l’architecture , oĂč toutes les rĂšgles se trouvent rĂ©unies , et j’ose me flatter que cet ouvrage pourra plaire Ă  beaucoup de monde. Ăč ĂŒ'Ă  1 ai AprĂšs avoir enseignĂ© , dans le cinquiĂšme livre , les rĂšgles qu’il faut suivre dans la construction des Ă©difices publics, j’expliquerai dans celui-ci comment il faut distribuer et proportionner les maisons des particuliers. 33. 260 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. CHAPITRE PREMIER. * Comment il faut situer les Ă©difices dans les dijfĂ©rens climats. Pour bien disposer les habitations, il faut d’abord faire attention au pays et au climat dans lequel on les veut bĂątir car on doit les construire en Egypte autrement qu’en Espagne; autrement dans le royaume de Pont, qu’à Rome ; et de mĂȘme dans les autres pays ; parce qu’une partie de la terre se trouve prĂšs du cours du soleil ; qu’une autre partie en est trĂšs - Ă©loignĂ©e ; et que la partie la plus tempĂ©rĂ©e se trouve au milieu de ces deux extrĂ©mitĂ©s. L’aspect du ciel variant dans les diverses parties de la terre , Ă  cause du rapport qu elles ont avec le cercle du zodiaque et le cours du soleil, la tempĂ©rature y varie Ă©galement. C’est donc d’aprĂšs elle qu’il faut rĂ©gler la construction des Ă©difices dans les diffĂ©rens pays et les diffĂ©rens climats. Dans les pays septentrionaux , il faut voĂ»ter les habitations , bien les crĂ©pir ; faire les ouvertures 1 petites , et les tourner vers les parties du monde, oĂč rĂšgne la chaleur. Dans les contrĂ©es mĂ©ridionales , qui sont exposĂ©es aux ardeurs du soleil brĂ»lant, il faut au contraire faire de grandes ouvertures, et les tourner vers le septentrion et le nord-est. C’est ainsi que fart corrige les inconvĂ©niens qu’occasionne la nature ; et qu'on sait, par une bonne exposition , se procurer , dans tous les pays, une tempĂ©rature qui convient au climat. Pour y parvenir , il faut examiner la nature de chaque chose , et sur-tout celle du corps humain , parmi les. diffĂ©rens peuples. Dans les endroits oĂč le soleil n’attire pas beaucoup de vapeurs , le corps de l’homme conserve un tempĂ©rament modĂ©rĂ© ; dans ceux qu’il brĂ»le , par la proximitĂ© de son cours , il consume l’humiditĂ© qui entretient le bon tempĂ©rament au contraire dans les pays froids , et Ă©loignĂ©s du midi , la chaleur n est pas assez forte pour Ă©puiser l'humiditĂ© , et lair y contenant beaucoup de vapeurs , remplit le corps d’humeurs , le rend plus massif , et fait sur - tout grossir la voix. C’est pourquoi les peuples que produit le nord , ont la taille si forte , la peau blanche, les cheveux plats et roux , les yeux bleus et ont beaucoup de sang Ă  cause de la- i Il entend par-lĂ  celle* des portes et des fenĂȘtre*. I LIVRE VI, C h Ă  p. i. 26] u bondance de l’humeur et du froid de l’air. Ceux au contraire qui habitent vers l'Ă©quateur , prĂšs du cours du soleil, sont de petite taille , ont la peau basanĂ©e , les cheveux crĂ©pus , les yeux noirs , les jambes foibles , et peu de sang dans les veines , Ă  cause de l’ardeur du soleil cela fait que , quoiqu’ils soient plus timides dans les combats , ils supportent aisĂ©ment les chaleurs et les fiĂšvres auxquelles ils sont accoutumĂ©s. Au lieu que ceux qui naissent vers le nord , craignent les fiĂšvres et en sont affaiblis ; mais comme ils ont beaucoup de sang , ils sont plus forts au mĂ©tier des armes et ne craignent pas de le verser dans les combats. Le son de la voix n’est pas non plus le mĂȘme par-tout ; il varie de ton , suivant les diffĂ©rens peuples , parce qu’aux extrĂ©mitĂ©s de la terre , Ă  l’orient et Ă  l’occident, oĂč le globe paroĂźt en Ă©quilibre , la partie supĂ©rieure et infĂ©rieure du ciel, semble sĂ©parĂ©e par un cercle placĂ© de niveau , que les mathĂ©maticiens appellent l’horizon. Si l’on se pĂ©nĂštre bien de cette vĂ©ritĂ© , et qu’on tire une ligne depuis le bord septentrional de l’horizon , jusqu’au centre de l’axe du mĂ©ridien , ou de l’équateur, et que de ce point on trace une autre ligne oblique jusqu’au pĂŽle, qui est derriĂšre les Ă©toiles septentrionales, on verra clairement que ces lignes formeront, sur le globe , la figure d’un triangle , semblable Ă  celui de cet instrument appelĂ© sambuque par les Grecs, Il suit de-lĂ  que les peuples qui habitent l espace le plus prĂšs de la pointe infĂ©rieure de ce triangle , c’est-Ă -dire sous l’équateur , et vers le midi, Ă  cause du peu d Ă©lĂ©vation du pĂŽle , ont le ton de la voix mince et aigu , comme celui que rendent les tubes , qui , dans 1 instrument sont les plus prĂšs de l’angle. Les autres peuples Ă  mesure qu’ils s’élĂšvent vers le pĂŽle, les Grecs , qui sont dans le milieu , ont la voix moins haute. Enfin ceux qui habitent depuis ce milieu jusqu’à l’extrĂ©mitĂ© du nord, sous le pĂŽle , ont le son de la voix plus bas et plus grave. If 5s k 8 idf-f! i i]M nĂŻ F** On voit par-lĂ , comment l’obliquitĂ© du zodiaque , et les consonnances que forment les diverses influences du soleil, produisent l’harmonie qui compose le monde. Les peuples donc , qui habitent le milieu entre 1 Ă©quateur et le pĂŽle , ont, en parlant, un ton de voix moyen, semblable aux tons de musique qui occupent le milieu dans le diagramme 1. Ceux ensuite qui approchent du septentrion , parce qu’ils ont le pĂŽle plus Ă©levĂ© , ont le ton de la voix bas comme l’hypate ou la proslambanomenos , Ă  cause que 1 humiditĂ© remplit les conduits de la voix 5 et pour la mĂȘme raison , les peuples qu on rencontre depuis la rĂ©gion moyenne , en s’avançant vers le midi, ont le ton de la voix mince et aigu , semblable Ă  celui de la parallĂšle. {* Voyez les remarques Ă  la fin du 4- me Chap. du V. me Liv. 262 L’ARCHITECTURE DE Y I T R U Y E. Celte vĂ©ritĂ©' que les endroits humides grossissent la voix , et que ceux qui sont chauds la rendent plus aigue , peut se prouver par celte expĂ©rience. Qu’on prenne deux vases de terre cuits dans le mĂȘme fourneau , d’un mĂȘme poids , et qui rende le mĂȘme ton ; qu’on en plonge un ensuite dans l’eau, et qu’a- prĂšs l’en avoir retirĂ© , on les frappe tous les deux on trouvera une grande diffĂ©rence dans les sons qu’ils rendront l’un et l’autre et qu’ils ne sont plus du mĂȘme poids. Il en est de mĂȘme pour les hommes, quoiqu’ils naissent tous avec la mĂȘme ligure , et sous le mĂȘme ciel les uns , Ă  cause de la grande chaleur du climat, auront la voix aigue ; d’autres l’auront plus grave , Ă  causĂ© qu’une grande humiditĂ© est rĂ©pandue dans le leur. Cette subtilitĂ© de l’air , et la chaleur qui rĂšgne dans les pays mĂ©ridionaux , fait aussi que les habitans y ont l’esprit plus vif, et plus pĂ©nĂ©trant ; tandis que les peuples du nord, assoupis par l’air Ă©pais qu’ils respirent, et par les vapeurs humides dont il est imprĂ©gnĂ© , ont l’esprit beaucoup plus lourd. Les serpens nous font voir cela bien clairement ; pendant la saison des chaleurs qui Ă©puisent l’humiditĂ© froide qui est dans leur corps , ils sont fort agiles et pendant l’hiver, engourdis par le froid , ils deviennent mornes et assoupis. Il ne faut donc pas s’étonner , si la chaleur aiguise l’esprit et si le froid l’émousse. Les peuples du midi, malgrĂ© leur esprit pĂ©nĂ©trant, leur vivacitĂ© et toute leur intelligence , restent sans vigueur quand il s’agit de faire quelque action de bravoure , parce que l’ardeur du soleil les Ă©nerve et leur ĂŽte la force du courage ; d'un autre cĂŽtĂ© , ceux qui naissent dans les pays froids, quoique plus propres aux armes , et que pleins de valeur , ils s’exposent sans crainte Ă  toutes sortes de dangers, comme ils attaquent sans intelligence et sans prĂ©caution , ils Ă©chouent souvent dans leurs entreprises. La nature ayant donc elle-mĂȘme partagĂ© l’univers en plusieurs climats, d’une tempĂ©rature si opposĂ©e , qui rendent les nations si diffĂ©rentes les unes des autres , elle a voulu que le peuple romain occupĂąt le centre, et qu’il’fĂ»t placĂ© au milieu de tous ces peuples , entre les deux extrĂ©mitĂ©s du monde ce qui fait que la valeur et l’intelligence sont le partage des peuples d’Italie , parce qu’ils sont Ă©galement pourvus des forces du corps et de celles de l’esprit. C’est ainsi que la planĂšte de Jupiter parcourt un espace tempĂ©rĂ©, entre celui de Mars, qui est trĂšs-chaud, et celui de Saturne f qui est trĂšs-froid. De mĂȘme les peuples d’Italie , placĂ©s entre le nord et le midi, jouissent d’un climat tempĂ©rĂ©, et de tout ce qu’il y a de plus estimable dans ces deux extrĂ©mitĂ©s du monde 5 par leur prudence , ils surmontent la force des barbares ; et par leur valeur , la ruse et l’adresse des habitans du midi. Le ciel mit la ville du peuple romain dans le meilleur et le plus tempĂ©rĂ© de tous les climats , afin qu’il pĂ»t conquĂ©rir l’empire de l’univers. LIVRE VI, C h a p. i. 263 ' S’il esl vrai que la variĂ©tĂ© qu’on remarque dans les diverses contrĂ©es , dĂ©pend de l’aspect du ciel, dont 1 influence cause des effets si diffĂ©rens sur la structure du corps et les qualitĂ©s des peuples qui les habitent, on ne peut douter qu’il ne soit de la plus grande importance d’approprier les Ă©difices aux climats des divers peuples ; ce qui est bien aisĂ©, puisque la nature elle-mĂȘme nous montre la rĂšgle qu’il faut suivre. C’est pourquoi j’ai fait tout mon possible pour expliquer les propriĂ©tĂ©s naturelles de chaque endroit, et de quelle maniĂšre il faut disposer les Ă©difices, suivant les aspects du ciel et la nature des peuples. Je vais prĂ©sentement indiquer, en peu de mots , la distribution, les mesures , et les proportions qu’il faut donner en gĂ©nĂ©ral et en particulier Ă  ces Ă©difices. RE 31 ARQUE S. Quelque mauvais que soient les raisonnemens et la physique de Aitruve pour expliquer l’influence des climats sur Je corps humain , il n’en est pas moins vrai qu’un architecte doit diffĂ©remment construire les Ă©difices dans les diverses contrĂ©es , suivant le climat et la nature du pays ; et quoique l’auteur ne parle ici qu’en gĂ©nĂ©ral , il arrive souvent que dans un trĂšs-petit espace , le climat , ou plutĂŽt la tempĂ©rature de l’air , n’y est pas par-tout la mĂȘme. Les montagnes et les diverses expositions , causent cette variĂ©tĂ©. L’architecte doit alors savoir appliquer , Ă  ces cas particuliers , les rĂšgles gĂ©nĂ©rales qu’on lui donne dans ce chapitre. Vilruve revient encore ici aux. principes de Pythagore , qui prĂ©tend qu’une harmonie gĂ©nĂ©rale compose et fait mouvoir le monde. Pour dĂ©montrer , d’aprĂšs ce principe , comment la voix de l’homme n’est pas la mĂȘme dans les diffĂ©rens climats, il se sert d’une comparaison plus ingĂ©nieuse qu’exacte. Il suppose un triangle , placĂ© dans le globe , semblable Ă  l’instrument de musique appelĂ© sambuque } qui est composĂ© de plusieurs tuyaux inĂ©gaux qui vont toujours en augmentant, ce qui forme un triangle. Le dieu Pan dans ses statues, est toujours reprĂ©sentĂ© tenant en main cet instrument. L’embarras oĂč se trouvoil l’auteur , pour expliquer, en aussi peu de mots, comment tout dans le monde se rĂ©duit aux principes de la musique , rend l’interprĂ©tation de ce passage assez difficile. Jucundus que Perrault a suivi , l’a rendu d’une maniĂšre , et Barbaro , dont Galiani a adoptĂ© l’interprĂ©tation , le rend d’une autre. J’ai prĂ©fĂ©rĂ© celle de ce dernier , qui me paroĂźt plus conforme au texte. L’explication suivante la fera comprendre aisĂ©ment pour peu qu’on connoisse la sphĂšre. Soit i’horison du monde B bb du bord septentrional B ; on tire la ligne B À au centre de l’axe du mĂ©ridien ou de l’équateur A 5 et de ce point A , on tire par en haut une autre ligne i64 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. oblique , jusqu’au pĂŽle C. Ensuite , quoique l’auteur ne le dise pas , on tire encore une autre ligne du point C jusqu’au B , ce qui forme le triangle ABC, semblable Ă  l’instrument de musique nommĂ© sambuque. Cela posĂ© , voici son raisonnement. Les peuples qui ont le pĂŽle peu Ă©levĂ©, comme ceux , par exemple , qui , dans la figure , occupent l’espace B r , ont le ton de la voix semblable Ă  celui du tuyau de la flĂ»te sambuque e e, qui est Ă©gale Ă  l’élĂ©vation du pĂŽle B 1 . Ceux qui ont le pĂŽle plus Ă©levĂ© , comme seroit B 2 , ont le ton du tuyau qui est Ă©gal Ă  l’élĂ©vation du pĂŽle B 2 . Ceux qui ont le pĂŽle encore plus Ă©levĂ© comme B 3, ont le ton du tuyau g g , qui est Ă©gal Ă  l’élĂ©vation du pĂŽle B 3. Il en est de mĂȘme pour les autres. Nous ne nous arrĂȘterons pas davantage sur celte hypothĂšse de Pythagore , par laquelle il veut prouver que tout ce qui se fait dans le monde, est l’effet d’une harmonie gĂ©nĂ©rale. C’est une idĂ©e des plus ingĂ©nieuses des anciens. L’auteur pour complimenter le peuple Romain sur ce que les dieux l’ont placĂ© dans le plus heureux climat de l’univers , compare cette situation Ă  celle de la planĂšte de Jupiter , qui parcourt , suivant lui , un orbite tempĂ©rĂ© entre celui de Mars qui est trĂšs-chaud, et celui de Saturne qui est trĂšs-froid. On voit qu’il suit, en cela , le systĂšme qui porta par la suite le nom de PtolomĂ©e , qui place, comme on sait la terre au centre de l’univers , et fait tourner autour d’elle toutes les planĂštes, en les supposant s’éloigner de ce centre dans l’ordre suivant. La Lune , la plus prĂšs d’elle ensuite Mercure , YĂ©nus, le Soleil , Mars , Jupiter, et Saturne le plus loin ainsi Mars Ă©tant trĂšs-prĂšs du Soleil , on jugeoit qu’il devoit avoir trĂšs-chaud. 11 n’en est pas de mĂȘme , suivant le systĂšme des Pythagoriciens et de GĂ©ante de Samos que Copernic renouvela. Ils placent Mars beaucoup plus loin du Soleil qu’ils n’y placent la terre , tellement que , par rapport Ă  la terre , Mars seroit dans la classe des planĂštes les plus froides. CHAPITRE II Comme on doit rĂ©gler les proportions des Ă©difices d’aprĂšs la nature des lieux. I_j ’architecte doit avoir soin sur-tout que les proportions des diffĂ©rentes parties de l’édifice se rapportent entre elles pour former un bel ensemble. Quand il aura dĂ©terminĂ© , d’aprĂšs les rĂšgles , cette proportion, et qu’il aura trouvĂ© les mesures par le calcul , rien ne fera paroĂźtre davantage son gĂ©nie, s’il sait adroitement en ĂŽter ou y ajouter quelque chose, suivant que la nature du lieu, l’usage et la beautĂ© le demandent , et sans que ces retranchemens , ou additions , paroissent rien dĂ©ranger aux proportions, ni que la vue en soit offensĂ©e. En effet, les objets paroissent tout autrement, lorsqu’ils sont sous nos yeux , que quand ils sont Ă©levĂ©s fort haut ; et ce qui est dans un lieu enfermĂ© , produit un tout autre effet que quand il est Ă  dĂ©couvert. Il faut, pour bien rĂ©ussir en cela, ĂȘtre douĂ© d’un grand jugement car la vue ne nous rend pas toujours les objets tels qu’ils sont, et ses jugemens nous trompent souvent ; comme on l’éprouve dans la peinture, oĂč des colonnes , des mutules et des statues paroissent saillantes et avancĂ©es hors du tableau , que pourtant l’on sait ĂȘtre une superficie plate et unie. De mĂȘme les rames des navires , quoique droites, paroissent rompues dans l’eau , il n’y a que la partie , qui est dehors , qui paroĂźt droite , telle qu elle l’est effectivement ; et cela parce que la partie qui est enfoncĂ©e dans l’eau , devant renvoyer son image au travers du fluide transparent jusqu’à la superficie de l’eau , ce mouvement fait qu’elles paroissent rompues. Soit que nous voyions les choses par l’émission que les objets font des images , ou par les rayons que nos yeux rĂ©pandent sur les objets , comme les physiciens le prĂ©tendent , il n’en est pas moins vrai que les jugemens de nos yeux sont souvent trĂšs-faux. Si donc ce qui est vrai paroĂźt quelquefois faux, et si les choses semblent souvent ĂȘtre autrement quelles ne sont, je ne crois pas qu’on puisse douter de la nĂ©cessitĂ© d’ajouter ou de diminuer en changeant un peu les proportions, quand la nature des lieux le demande, pourvu toutefois qu’on ne touche point aux choses essentielles ; mais il faut pour cela beaucoup d’intelligence, et bien connoĂźtre les rĂšgles de l’art. On doit donc d’abord Ă©tablir la proportion suivant les rĂšgles, afin de voir prĂ©ci- 34 - 266 L’ARCHITECTURE DE Y I T R U V E. sĂšment de combien on peut s’en Ă©carter ; ensuite on trace le plan , en long et en large, de tout l’ouvrage qu’on entreprend, et de toutes ses parties. La chose faite, on s’occupe de leur donner les proportions qui conviennent et qui produisent cette beautĂ© d’aspect, qui fait qu’en voyant l’édifice, on s’aperçoit aisĂ©ment qu’on y a bien observĂ© l’eurythmie , dont je vais parler prĂ©sentement, et enseigner par quel moyen on peut y parvenir. Je commence par les cours des maisons , et je vais expliquer comme on doit les faire. REMARQUES. L’auteur nous avertit sagement dans ce chapitre , qu’il n’est pas aussi nĂ©cessaire de trouver les exactes proportions des diverses parties de l’édifice que de faire en sorte qu’étant chacune dans leur place , elles paroissent telles qu’elles doivent ĂȘtre. LĂ  maniĂšre dont la chose est situĂ©e , son Ă©lĂ©vation et d’autres causes semblables, altĂšrent souvent l’apparence ; c’est pour cela , cĂŽ'mĂŻne nous l’avons vu , qu’on doit faire les colonnes des angles, un cinquantiĂšme plus grosses que celles qui sont Ă  leurs cĂŽtĂ©s, afin qu’elles paroissent Ă©gales Ă  celles-lĂ  et les colonnes qui sont dans un lieu fermĂ© , plus minces que celles qui sont dans un lieu ouvert. Voyez le &. me Chap. du III. me Liv. Les raisons que Vitruve nous donne pour expliquer les causes des erreurs de notre vue , ne sont pas toutes conformes Ă  celles de notre physique moderne. Pa*r exemple lorsqu’il dit qu’une rame Ă  demi enfoncĂ©e dans l’eau , paroĂźt rompue , Ă  cause dĂč mouvement que doit faire la partie qui est dans l’eau, pour renvoyer son image jusqu’à la superficie , il se trompe. Le pli qu’offre ces rames , vient de la rarĂ©faction que souffrent les rayons visuels en passant obliquement d’un milieu plus dense, telle qu’est l’eau, dans un qui l’est moins, comme est l’air. CHAPITRÉ I I I. Des Cours des Maisons. * O n distingue cinq espĂšces de cours ; on les appelle, Ă  cause de leur figure, ou Toscanes , ou Corinthiennes , ou TĂ©trastyles 1 , ou dĂ©couvertes , ou voĂ»tĂ©es. Les cours Toscanes sont celles dans lesquelles les deux poutres CC. CC. traversent leur largeur en soutenant les poutres de traverses DD. DD. et les conduits des noues EB. EB. qui sont entre les angles E des murs et les croix que font les poutres. La * Planches XXI. rae et XXII. 1 C’est-Ă -dire Ă  quatre colonnes. ; ri HaĂŻ .ailles J iiĂ©jalt ĂŻtas pi toile- iils prs ^pob 'aetciTx 'SIC 10, 'las sur. sur ’^set K '71 269 LIVRE VI, Chap. iii. bĂąlimens qui les entourent sont trĂšs-peu Ă©levĂ©s ; ils n’ont que le rez-de-chaussĂ©e ; dans les murs de la galerie , sont les portes des appartenons. On y voit aussi quelques petites ouvertures assez Ă©levĂ©es qui Ă©loient les fenĂȘtres , qui ne ressembloient pas aux nĂŽtres. Il paroĂźt que les Romains dans l’intĂ©rieur de leurs maisons , prĂ©fĂ©roient l’obscuritĂ© Ă  la lumiĂšre , sans doute pour Ă©viter la chaleur. Ils ne prenoient non plus jamais le jour sur la rue ; mais toutes leurs fenĂȘtres Ă©loient dans l’intĂ©rieur ainsi ces toits avancĂ©s garantissoient de la pluie les portes et les fenĂȘtres , et empĂȘ- choient les rayons du soleil de pĂ©nĂ©trer dans les appartenons. Les gravures de Galiani nous donnent une idĂ©e assez exacte de ces cours des anciens. Il les reprĂ©sente trĂšs-petites , sans savoir prĂ©cisĂ©ment ce qu’éloit le compluvium, y il le reprĂ©sente au milieu de la cour , comme Ă©tant l’espace oĂč tomboit l’eau des pluies ; niais il n’indique pas l’enfoncement. Perrault, au contraire , reprĂ©sente ces cours entourĂ©es de grands bĂątimens , ayant un Ă©tage au- dessus du rez-de-chaussĂ©e, avec de grandes croisĂ©es, tant dans le bas que dans le haut, semblables Ă  celles de nos plus grands hĂŽtels. On ne voit rien qui ressemble Ă  cela dans les bĂątimens qui ont Ă©tĂ© dĂ©couverts jusqu’à prĂ©sent Ă  Pompeia. Il est vrai qu’on n’a encore dĂ©couvert qu’une rue et un quartier , qui se trouvoient l’un et l’autre aux extrĂ©mitĂ©s de la ville , et faisoient presque partie des faubourgs. Ce n’est pas lĂ  oĂč se trouvent ordinairement les grands Ă©difices. II se peut que quand on dirigera les fouilles vers le centre de cette ancienne ville , on dĂ©couvrira des Ă©difices plus considĂ©rables. Mais d’aprĂšs la hauteur , que Vilruve assigne, dans le chapitre suivant , aux galeries qui entourent les cours , je suis persuadĂ© que les cours des plus grandes maisons ne seront pas beaucoup plus vastes que celles des maisons des faubourgs. Puisque la hauteur de ces galeries jusqu’au faĂźte du toit doit Ă©galer toute la longueur de la cour > on sent que cette hauteur pouvoit devenir excessive si les cours avoient Ă©tĂ© un peu grandes , et qu’il seroit mĂȘme impossible de faire des galeries aussi hautes j d’ailleurs la plus grande longueur qu’il assigne aux cours est 100 pieds. Je vais prĂ©sentement rendre compte des interprĂ©tations que j’ai donnĂ©es aux mots qu’emploie Vitruve , pour dĂ©signer les diffĂ©rens .objets qui enlroient dans la construction des cours des anciens. Je commence par la cour Toscane, qui devoil avoir cette forme. Voyez la T. re fig. de la XXI, rae planche. La pente du toit BBBB devoit former une saillie considĂ©rable en avant du mur , comme on le verra dans le chapitre suivant. C’est pour cela qu’on le faisoit soutenir par quatre poutres. Les deux plus courtes CC , CC , traversoient la largeur 5 trabes in atrii latitudine trcijecta les deux autres qui Ă©loient plus longues, DDDD, traversoient la longueur 5 il les nomme interpensiva; elles s’appuyoient sur les deux premiĂšres. Ensuite les noues , ou Ă©gouts des noues colliquiĂŠ FB , FB Ă©loient soutenues par les chevrons , et ceux-ci par des piĂšces de bois nommĂ©es coyaux , qui posoient sur les angles EE du mur , et sur la croix formĂ©e par les poutres. D’autres chevrons appuyĂ©s Sur le mur et sur les quatre poutres, soulenoienl le toit qui regnoit tout autour et venoit verser ses eaux dans le rĂ©ceptacle compluvium ou impluvium K } qui Ă©toit au milieu de la cour. 11 est Ă©tonnant comment M. r Galiani a pu aussi bien interprĂ©ter ce passage , sans avoir vu les cours anciennes qu’on a dĂ©couvertes depuis Ă  Pompeia ; il n’a pourtant pas indiquĂ© 1 enfoncement du compluvium qu’il ne pouvoit connoĂźtre j et comme au-dessus du compluvium , il n’y avoit pas de \ 27 ° L’ARCHITECTURE DE Y I T R U V E. toit , il a cru que ce mot signifĂźoit la partie de la cour qui Ă©toit dĂ©couverte. Le reste de sa figure est si conforme aux cours des anciens que j’ai vues Ă  Pompeia, que je n’y ai rien changĂ©. Barbaro a cru que le mot interpensipa signifĂźoit une piĂšce de bois dont une des extrĂ©mitĂ©s Ă©toit appuyĂ©e sur l’angle des murs , et l’autre sur l’angle que formoient les poutres en se croisant ; et cela parce qu’il s’est imaginĂ© que les mots interpensipa et colliquice signifioient une mĂȘme chose. S’il avoit examinĂ© le texte avec un peu plus d’attention , il auroit vu qu’ils indiquoient deux choses trĂšs-diffĂ©rentes. Le premier , comme nous venons de le dire , signifĂźoit les deux poutres qui traversoient la longueur de la cour DD, et l’autre les conduits des noues , fig. 1, pl. XXL D’un autre cĂŽtĂ©, Perrault, qui suit ici l’interprĂ©tation de PhiĂźander, croit qu’interpensipa signifĂźoit des potences ou plutĂŽt des soutiens posĂ©s diagonalement , dont l’extrĂ©mitĂ© infĂ©rieure Ă©toit enfoncĂ©e dans l’angle des murs , et la supĂ©rieure portoit les poutres dans l’endroit oĂč elles se croisoienl. Son explication tirĂ©e aux cheveux , et les corrections ou plutĂŽt les changemens qu’il fait encore ici au texte, suivant sa coutume , prouve combien il s’éloigne du vrai sens de l’auteur. MalgrĂ© l’autoritĂ© de ces deux savans , Galiani croit que par interpensipa , on doit entendre , comme Baldus l’a entendu , les deux poutres qui Ă©toient posĂ©es sur les deux premiĂšres , et formoient avec elles un carrĂ© long. Si l’on analyse le mot interpensipa , on verra qu’il signifie proprement une poutre qui pend dans le milieu entre les deux autres ; on pourroit l’appeler , s’il m’est permis d’employer cette expression nouvelle , poutre interpensive. Ce que dit l’auteur un peu plus loin , en parlant des cours tĂ©traslyles , prouve que nous avons saisi la vraie signification de ce mot. Des colonnes doivent ĂȘtre placĂ©es pour soutenir les pioulres, dans l’endroit oĂč elles se croisent, ce qui produit, dil-il , deux avantages l’un , que les poutres qui traversent la largeur , auront moins de fatigue , et seront moins sujettes Ă  plier , quand mĂȘme la cour seroit un peu large neque ipsƓ trabes magnum impetum coguntur habere. Par trabes , comme nous l’avons vu tout-Ă -l’heure , il entend proprement les poutres qui traversent la longueur de la cour ; et quoiqu’en dise Perrault , par im- petus il entend la longueur de la poutre , et non la charge qui seroit dessus. En effet, des poutres supportĂ©es par des colonnes , ne fatiguent pas autant dans leur longueur , non coguntur habere magnum impetum. Ce qu’il dit ensuite , en parlant des cours couvertes ou voĂ»tĂ©es prouve encore davantage que c’est le sens qu’il faut donner Ă  ce mot. On peut les faire ainsi, dit - il , quand la longueur de la portĂ©e ou la distance le permet, ubi non sunt impetus magni. L’autre avantage , c’est que le poids de ces poutres , n’est pas augmentĂ© par celui de celles qui traversent neque ab inter- pensipis onerantur. Ces colonnes Ă©tant placĂ©es par-dessous , immĂ©diatement dans l’endroit oĂč elles ge croisent , les empĂȘchent de plier. \ Dans les GOurs corinthiennes , il faut nĂ©cessairement faire porter ces poutres tout autour par des colonnes ; parce qu’étant beaucoup plus Ă©tendues que les cours toscanes , il seroit impossible de trouver des poutres assez longues , pour les faire d’une seule piĂšce ; si mĂȘme on en trouvoit , on ne pourroit les employer, Ă  cause qu’elles Ă©prouveroient trop de fatigue et plieroient infailliblement, Yoye? la XXIX mc planche. J’ai donnĂ© aux cours dĂ©couvertes , dont parle Vitruve , une figure toute nouvelle , et qui me paroĂźt„ plus conforme au texte , que celles qu’on leur a donnĂ©es jusqu’à prĂ©sent. L’auteur dit, LIVRE VI, Chap, iv. 271 displu viatƓ autem sunt , in quibus deliquiƓ arcam sustinentes stillicidia rĂżiciunt ; on a remarquĂ© que les trois cours dont on a parlĂ© jusqu’à prĂ©sent, sont eu partie couvertes. Pour ne pas m’écarter du texte et donner au mot displuviata toute son expression , je snppose que cette cour est entiĂšrement dĂ©couverte , et que la pente des toits , au lieu de verser les eaux dans la cour, les verse de l’autre cote , c’est-a-dire , en dehors. Le mot stillicidium signifie ici , comme toutes les autres fois que l’emploie , la pente du toit qui est favorable Ă  l’écoulement des eaux. Dans le premier chapitre du second livre, il appelle les toits des cabanes des premiers hommes stillicidia ; et dans le septiĂšme chapitre du quatriĂšme livre, en parlant de la forme que doit avoir le toit d’un temple toscan , il dit stillicidium , tecti tertiario respondere debet. Pline appelle aussi stillicidia PĂ©paisseur du feuillage des arbres, quand elle est capable de mettre Ă  couvert de la pluie, parce que Peau s’écoule de l’extrĂ©mitĂ© des branches, comme de dessus la pente d’un toit. J’ai donc reprĂ©sentĂ© cette cour entiĂšrement dĂ©couverte , sans aucun auvent et au contraire des autres, lapente des toits n’est pas dirigĂ©e vers la cour, mais en dehors, du cotĂ© opposé’, comme l’indiquent ces expressions , stillicidia rejiciunt y par lĂ  rien n’empĂȘchoit la lumiĂšre de pĂ©nĂ©trer dans les salles Ă  manger , non obstant luminibus tricliniorum. Si l’on fait bien attention au texte , et si l’on se rappelle l’interprĂ©tation qu’on vient de donner au mot impetus , on verra clairement que les cours voĂ»tĂ©es testudinatum , Ă©toient entiĂšrement couvertes, et non entourĂ©es de portiques voĂ»tĂ©s, et dĂ©couvertes dans le milieu, comme Perrault l’a cru ; parce que , d’aprĂšs les expressions de l’auteur, on ne pouvoit faire des cours couvertes qu’autant qu’elles Ă©loient peu spacieuses , ubi non sunt impetus magni / et qu’on avoit besoin d’agrandir, par ce moyen, la partie supĂ©rieure de l’habitation, qui Ă©toit augmentĂ©e de tout l’espace qui se trouvoit au-dessus de la cour. Galiani observe en outre qu’il devoit naturellement y avoir une espĂšce de cour entiĂšrement couverte , et qu’il auroil Ă©tĂ© Ă©tonnant que Vitruve ne l’anroit pas mise au nombre des cinq dont il parle dans ce chapitre; elle ne s’y trouveroit pas en effet * si la cour voĂ»tĂ©e Ă©toit telle que Perrault la reprĂ©sentĂ©; et si elle Ă©toit 4elle, ajoute Galiani, elle ne mĂ«riteroit pas de faire une espĂšce sĂ©parĂ©e , puisqu’elle ne diffĂšre pas assez de la cour corinthienne , n’y ayant entre elles d’autre diffĂ©rence , sinon que la couverture des portiques de l’une Ă©toit portĂ©e par des voĂ»tes, et celle de l’autre par des poutres. » CHAPITRE IV. Des Cours , de leurs galeries , des Cabinets dĂ©lude et des PĂ©ristyles. * Les diverses dispositions de la longueur et de la largeui des cours, forment trois genres diffĂ©rens. Le premier, c’est quand on divise la longueur en cinq parties pour en donner trois Ă  la largeur. La seconde , c’est quand on la divise en trois pour en donner deux Ă  la largeur. La troisiĂšme , c’est lorsqu’ayant tracĂ© un carrĂ© Ă©quilatĂ©ral dont un cĂŽtĂ© lait la largeur de la cour, on prend la diagonale de ce carrĂ© pour la longueur i. La hauteur jusqu'au dessous des poutres doit avoir un quart moins que la longueur ; dans ce quart qui reste, on distribue l’épaisseur des plafonds et la hauteur du toit au-dessus des poutres. La largeur des galeries 2 qui sont Ă  droite et Ă  gauche, doit Ă©galer le tiers de la longueur de la cour 3, quand elle est de trente Ă  quarante pieds ; mais quand la longueur est de quarante Ă  cinquante pieds, on la divise en trois parties et demie; line de ces parties sera pour les galeries ; quand elle est de cinquante Ă  soixante, les galeries en auront la quatriĂšme partie; quand elle est de soixante Ă  quatre-vingts, on la divise en quatre et demie, et l’on en donnera une Ă  la largeur des galeries; si enfin, la longueur est de quatre-vingts Ă  cent pieds, la cinquiĂšme partie sera justement la largeur des galeries. Les poutres de cette galerie doivent ĂȘtre posĂ©es assez haut pour Ă©galer la hauteur Ă  la largeur 4. * Planches XXI.”* et XXII.”* 1 La deuxiĂšme figure de la XXI.ℱ 8 planche reprĂ©sente une cour dont la longueur contient trois parties-, et la largeur deux. La XXIL ra * planche reprĂ©sente une cour longue de cinq parties et large de trois. Les figures i et 3 de la XXI.” e planche sont celles qui ont la largeur du cĂŽtĂ© d’un carrĂ© et qui sont aussi longues que sa diagonale. 2 Dans nos remarques sur le premier chap. du Ill. me livre, nous avons observĂ© que les anciens appeloient ailes, les galeries, portiques ou colonnades qui Ă©toient aux deux cĂŽtĂ©s des temples , c’est pourquoi j’ai rendu ici le mot ah , par celui de galerie. 3 La raison nous dit que celte troisiĂšme ou quatriĂšme partie de la longueur qui est attribuĂ©e Ă  la largeur de* galeries , ne doit pas s’entendre pour chacune des galeries , mais pour les deux prises ensemble ; partant on en doit donner la moitiĂ© Ă  chacune , de maniĂšre que chaque galerie n’a que la sixiĂšme partie de la longueur de la cour. 4 - Pour concilier la hauteur qu’il assigne ici aux galeries , avec celle qu’il a assignĂ©e un peu auparavant pour les cours, il faut croire que ces galeries, dont la hauteur Ă©gale la largeur, sont seulement pour les cours qui ont plus de 80 pieds de long , et qu’il les cite compte faisant exception. j LITRE TI, C h a p, iy, ^ II faut donner au cabinet d’étude i les deux tiers de la largeur de la cour, quand elle est de vingt pieds ; quand elle est de trente Ă  quarante, on ne lui en donne que la moitiĂ©; et quand elle est de quarante Ă  cinquante , on divise cette largeur en cinq parties, et on en donne deux au cabinet d’étude. Les petites cours ne peuvent avoir les mĂȘmes proportions que les grandes , parce que si l’on suivait les proportions des grandes cours pour les petites, les cabinets d Ă©tude et les galeries des cours ne seroient d’aucun usage et si au contraire on se servoil des proportions des petites cours pour les grandes, les galeries et les cabinets d’étude seroient trop vastes. C’est pourquoi j’ai cru devoir rapporter les rĂšgles gĂ©nĂ©rales qui Ă©tablissent l’exacte grandeur quelles doivent avoir pour 1 usage auquel elles sont destinĂ©es, et pour quelles parois- sent agrĂ©ables Ă  la vue. La hauteur du cabinet d’étude, jusqu’au dessous des poutres, doit surpasser d’un huitiĂšme la largeur on Ă©lĂšve ensuite le plafond, en ajoutant Ă  cette hauteur le sixiĂšme de la largeur 2 . Les ouvertures, du cĂŽtĂ© de la cour, auront les deux tiers de la largeur des cabinets, s’ils sont petits ; s’ils sont grands, elles seront de la moitiĂ©. La hauteur des statues avec leurs ornemens sera proportionnĂ©e Ă  la largeur des galeries. Pour la largeur et la hauteur des portes, on suit les proportions doriques quand elles sont doriques, et les proportions ioniques quand elles sont ioniques , et toutes les rĂšgles que nous avons Ă©tablies dans le quatriĂšme livre pour la construction des portes. La largeur de l’ouverture , au-dessus du rĂ©ceptacle d’eau, ne peut ĂȘtre ^moindre du quart, ni plus du tiers de la largeur de la cour. La longueur doit ĂȘtre Ă  proportion et suivant celle de la cour. * Planche IX 1 * 1 '. 1 J’ai traduit tablinum par cabinet d’étude. C’étoit probablement ce que nous nommons les archives, oĂč l’on conservoit les registres de recette et de dĂ©pense , tabulƓ , comme dans la pinacotheca on conservoit les tableaux, G’étoit lĂ  oĂč l’onĂ©crivoit suivant les deux maniĂšres des anciens ; d’abord sur des tablettes enduites de cire, parce qu’ils traçoient ainsi leurs premiĂšres idĂ©es ; ensuite sur des feuilles de vĂ©lin ou de papier sur lesquelles ils les transcrivoient aprĂšs. Cet endroit devoit contenir plusieurs bureaux ou tables pour Ă©crire. Cependant comme tablinum est dĂ©rivĂ© de tabula , qui signifie aussi une planche , il se peut qu’on appeloit tablinum x une chambre entiĂšrement planchĂ©iĂ©e. Encore aujourd’hui en Italie, o* appelle tablino , une allĂ©e pour passer dans la cour d’un logis. 2 Si par lacunaria on n'entend pas ici le plafond d’une voĂ»te cintrĂ©e que l’auteur dĂ©signe dans le chapitre suivant par ces expressions, curva acunaria ad circĂ»nim delumbala , il faut absolument supposer avec Perrault qu’il y a une faute du copiste, et lire VI au lieu de III ; on aura facilement fait cette faute en Ă©crivant le six de cette façon VI en supposant que l’auteur ne veut qu’un enfoncement ordinaire dans le plafond , il est Ă©vident qu’en le faisant du tiers de la largeur de la galerie , il seroit plus d’une fois plus grand qu’il ne doit ĂȘtre. 36 L'ARCHITECTURE DE V I T R U V E. 274 Les pĂ©ristyles 1 doivent ĂȘtre un tiers plus longs en travers qu’ils ne sont, en avant ; leurs colonnes seront aussi hautes que les portiques sont larges les entre- colonnemens ne peuvent avoir moins de trois diamĂštres de colonnes , ni plus de quatre, si ce n’est qu’on veuille faire Ă  ces pĂ©ristyles des colonnes d’ordre dorique ; en ce cas il faut rĂ©gler les mesures , et distribuer les triglyphes, comme je l ai prescrit dans le quatriĂšme livre. RE MJ R Q UES. On a mal Ă  propos sĂ©parĂ© ce chapitre de celui qui prĂ©cĂšde , parce que traitant le mĂȘme sujet, c’est-Ă -dire , des cours, ils n’en devroient faire qu’un. Le premier qui a fait cette division et qui a induit tous les autres en erreur , s’est imaginĂ© que le mot atrium , que l’auteur emploie dans ce chapitre pour dĂ©signer les cours des maisons, n’étoit pas le synonyme de cavum Ɠdium qu’il emploie dans le chapitre prĂ©cĂ©dent pour exprimer le mĂȘme objet mais que atrium Ă©toit le synonyme de vestibulum. D’aprĂšs cela , ils ont fait de Yatriurn une espĂšce de vestibule. Ils auroient vu combien ils Ă©toient dans l’erreur , s’ils avoient fait attention Ă  ce que dit l’auteur dans le io. m * Chap. de ce liv. , oĂč l’on voit clairement que Vatrium et le vestibulum Ă©toient deux choses toutes diffĂ©rentes; comme nous le remarquerons alors; et s’ils avoient rĂ©flĂ©chi, ils auroient vu que l’auteur, aprĂšs avoir distinguĂ© dans le chapitre prĂ©cĂ©dent, les cinq espĂšces de cours, continue ensuite Ă  donner leurs proportions, et que ce sont ces proportions qu’on trouve dĂ©crites dans ce Chap. IY, quĂčm nĂčmroit pas dĂ» sĂ©parer de l’autre. Il Ă©toit cependant aisĂ© de voir que atrium cl cavum Ɠdium signifioient la mĂȘme chose. Dans le chapitre prĂ©cĂ©dent on lit cava Ɠdium tus- canica sunt in quĂŻbus trabes in atrii ĂŻatitudine trajectƓ , etc. ; Dans le 8. mB Chap. de ce Liv., en parlant de cette partie de la maison , dans laquelle tout le monde pouvoit entrer sans ĂȘtre invitĂ©, il dit d’abord vestibula > cava Ɠdium , peristylia, etc., et un peu aprĂšs, en parlant des maisons de la noblesse il dit qu’elles doivent avoir vestibula regalia , alla atrict et peristylia. En un mot, partout dans son ouvrage , on voit que les mots atrium et vestibulum signifient deux choses diffĂ©rentes , et au contraire que le mot atrium est le synonyme de cavum Ɠdium. Joconde , ayant reconnu cette vĂ©ritĂ©, n’a fait qu’un seul chapitre de celui-ci et du prĂ©cĂ©dent, dans son Ă©dition .Yitruye. 1 Outre la cour dont il a dĂ©jĂ  parlĂ© , les maisons de la ville en avoient encore une t autre beaucoup plus grande, appelĂ©e le pĂ©ristjie , c’est-Ă -dire, entourĂ©e de colonnes. Les logemens des maĂźtres se trouvoient tout autour, comme on le voit dans la XVIlI." ie planche , et comme on le comprendra mieux encore en lisant la description de toute la maison, dans le chapitre suivant. Ces pĂ©ristyles ressembloient parfaitement aux cloĂźtres des abbayes et des couvens des religieux ; usage qu’ils avoient pris de la maniĂšre de bĂątir des Romains, et qu’ils ont conservĂ© jusqu’à notre temps. LIVRE VI ? C h A p. T. 275 CHAPITRE V. Des Salles Ă  manger , des Salons, des Exedres , et des Galeries de tableaux. Les salles Ă  manger doivent ĂȘtre deux fois plus longues que larges. Quant Ă  la hauteur , la rĂšgle gĂ©nĂ©rale , pour toutes les chambres qui sont plus longues que larges, est de joindre la longueur Ă  la largeur , et de prendre la moitiĂ© de ces grandeurs rĂ©unies pour la donner Ă  la hauteur; mais si les salles et les salons sont carrĂ©s , on fera la hauteur Ă©gale Ă  la grandeur et demie d’un des cĂŽtĂ©s. Les galeries de tableaux et les exedres 1, doivent ĂȘtre grandes et spacieuses. Pour bien proportionner la longueur et la largeur des salons corinthiens et des salons tĂ©trastyles qu’on nomme aussi salons Ă©gyptiens , il faut suivre les rĂšgles que nous venons de prescrire pour les salles Ă  manger on doit seulement les faire plus spacieuses, Ă  cause des colonnes qui s’y trouvent. Les salons corinthiens et les salons Ă©gyptiens diffĂšrent , en ce que les corinthiens n’ont qu’un ordre de colonnes posĂ© sur un socle ou mĂȘme sur le pavĂ©, et ne soutiennent que l’architrave et la corniche faite en menuiserie ou en stuc , sur lesquelles s’élĂšve ensuite le plafond qui forme une voĂ»te concave et cintrĂ©e, tandis que les salons Ă©gyptiens ont des architraves sur les colonnes , et sur les architraves un assemblage de charpente qui va jusqu’aux murs d’alentour ; il porte un pavĂ© , et forme une galerie dĂ©couverte qui tourne tout autour ; ensuite sur l’architrave Ă  plomb des colonnes d’en bas, s’élĂšve un second ordre de colonnes , un quart plus petites que les premiĂšres , sur lesquelles il y a des architraves , et les autres parties de l’entablement sur lesquelles posent les ornemens du plafond. Entre les colonnes d’en haut, on place les fenĂȘtres , ce qui fait qu’ils ressemblent bien plus Ă  une basilique qu'Ă  une salle Ă  manger corinthienne. R E 31 J R Q U E S. J’aurois pu 5 en traduisant , rendre le mot triclinium que l’auteur emploie au commencement de ce chapitre , par celui de incline , comme j’ai rendu le mot exƓdra par exĂšdre , puisque ces expressions latines francisĂ©es, sont employĂ©es prĂ©sentement dans les ouvrages qui traitent des sciences. * Planche XlX. me des salles oĂč se l'Ă©unissoient les savans et les philosophes , 1 Les exĂšdres comme nous l’avons dit dans nos re- pour parler des sciences, marques sur le 2. me Chap. du V. me Liv. Ă©toient de granit; ilt/ ft \ 276- L'ARCHITECTURE DE VITRUVE. On les trouve entre autres , avec leur explication , dans l’excellent dictionnaire des sciences et des arts , que M. Lunier a fait imprimer en i8o5 j mais l’auteur , employant ici ce mot pour dĂ©signer une salle Ă  manger, tandis qu’il l’emploie ailleurs ponr dĂ©signer la table et les trois lits sur lesquels Ă©loient placĂ©s les convives , j’ai cru devoir le rendre par salle a manger , pour Ă©viter toute ambiguitĂ©. Le mot triclinium est composĂ© des mots grecs rpaç trois , et jcA ivy lit ; parce que les Grecs et les Romains avoient coutume de s’asseoir ou plutĂŽt de s’étendre sur des lits pour manger , et qu’il y en avoit ordinairement trois autour de la table. On meltoit, sur les lits, des maielals plus ou moins prĂ©cieux, suivant la richesse du maĂźtre de la maison. Il y avoit, sur chaque lit , trois convives et rarement quatre 1 il n’étoit pas honnĂȘte d’y en admettre davantage 2 ils avoient la partie supĂ©rieure du corps appuyĂ©e sur le coude 3 , et le reste Ă©tendu ; de maniĂšre que le premier convive avoit les pieds derriĂšre le dos du second , et que la tĂȘte de celui-ci Ă©loit vis-Ă -vis le milieu du corps du premier , avec un coussin entre deux les autres convives Ă©toient rangĂ©s de mĂȘme. Aux .pieds des lits Ă©toient assis ceux qu’on appeloit les parasites 4 , les amis familiers et sans consĂ©quence 5 , et les enfans 6 . Quoique Vitruve , comme nous venons de l’obseryer , se serve ici du mot triclinium 3 pour dĂ©signer la salle Ă  manger , on voit , d’aprĂšs ce qui prĂ©cĂšde , que ce mot signifioit proprement la table , avec les trois lits , sur lesquels les convives Ă©loient assis ou plutĂŽt couchĂ©s. Vitruve l’a entendu dans ce sens au dixiĂšme chapitre de ce livre, oĂč, en parlant des grandes salles Ă  manger des Grecs , il ne les appelle point triclinia mais Ɠcos 7 ; il dit qu’elles Ă©loient si grandes , qu’elles pouvoient contenir quatre iriclines , quatuor triclinia ; mais ici , dans ce cinquiĂšme chapitre , on ne peut pas douter que Vitruve n’ait entendu par triclinium la salle mĂȘme oĂč on dressoit uri table Ă  trois lits. Outre les proportions des salles Ă  manger ou iriclines , Vitruve nous donne encore , dans ce chapitre , celles des pinacotĂ©es > qui correspondent Ă  nos galeries de tableaux , des exĂšdres ou salles de conversations , et des deux espĂšces à’cecus que j’ai rendu par le mot salon. ‱ Perrault a cru que Vitruve distinguoil jusqu’à trois espĂšces à’Ɠcus 3 c’est-Ă -dire le corinthien , le tĂ©trastyle et l’égyptien ; s’il avoit cependant bien rĂ©flĂ©chi sur les paroles du texte , il auroit bien vu qu’il n’en distinguoit que deux. Eci corinihii tetrastylique s quique Ɠgyptii vocantur d’aprĂšs ccs expressions , il faut que les salons lĂ©trastyles soient la mĂȘme chose que les salons corinthiens , ou la mĂȘme chose que les Ă©gyptiens. Barbaro Ă©toit du premier avis , et Galiani, avec bien plus de raison , Ă©toit du second ; puisqu’un peu aprĂšs on voit, dans le texte , la diffĂ©rence qu’il y avoit entre les salons corinthiens et les Ă©gyptiens , et il ne fait plus aucune mention des lĂ©trastyles ce qui prouve que ce salon Ă©toit la mĂȘme chose qu’un des deux autres. 1 Virgile AEneid. L. I. V. 699. 5 Plaut. stich. , Act. III, Sce. 6. 2 Ilor. lib. I. Sat. v. 86. 6 Suet. vita Terentii. 3 Cicer. in Pis. C. 27. 7 On les appeloient Ɠcos , c’est-Ă -dire des maisons , et cela 4 4 Horat. sat. a lib. II. Sat. 8, Ep. I, Y. 28. eause de leur grandeur. L I Y R E VI, C h a p. v. 277 Les salons Ă©gyptiens , dont il est parlĂ© dans ce chapitre , ressemblent beaucoup Ă  ce que nous appelons une chambre italienne. L essentiel de ce genre d Ă©difice consiste a ne prendre le jour que d’en haut, et Ă  avoir l’exhaussement de deux Ă©tages; ce qui procure trois grands avantages le premier, c’est que cette piĂšce peut ĂȘtre dĂ©gagĂ©e des quatre cĂŽtĂ©s, et rĂ©pondre Ă  quatre appartenions ; le second , qu’on y respire un air trĂšs-frais en ete ; le troisiĂšme , que le jour qui vient des quatre cĂŽtĂ©s , et par en haut, n’eblouit pas autant , et laisse, tout a l’entour, l’espace vuide pour y placĂ©r des tableaux et autres ornemens dont on le veut decorer espace qui est ordinairement occupĂ© en grande partie par les fenĂȘtres. INous voyons clairement , dans ce chapitre , comme nous l’avons dĂ©jĂ  observĂ© dans nos remarques sur le 1." Chap. du 111 . m ' Liv. , qu’entre deux ordres de colonnes , les anciens supprimoient quelquefois la frise et la corniche , n’y mettant que la seule architrave. Quoiqu’on voie fort peu d’exemples de cette maniĂšre , dans les Ă©difices anciens qui subsistent encore , on peut dire nĂ©anmoins qu’elle est appuyĂ©e sur la raison , qui veut que les ornemens d’architecture soient fondĂ©s sur quelqu’usage. L’usage des corniches Ă©tant de dĂ©fendre les murs et les colonnes des injures du temps , elles sont inutiles dans les lieux qui sont couverts; elles seroient mĂȘme nuisibles dans un appartement tel que le salon Ă©gyptien dĂ©crit dans ce chapitre , oĂč elles ne feroient qu’intercepter le jour d’en haut, le seul qu’elle puisse recevoir. Je suis donc persuadĂ© , avec Perrault et Galiani, que , malgrĂ© que le mot epistylium signifie par fois tout l’entablement , ici il ne signifie autre chose que l’architrave. On peut encore ajouter, en faveur de cette opinion , comme l’observe Galiani , que l’auteur s’est servi , un peu auparavant, de ces expressions , en par^ lant des salons corinthiens; mais lĂ , aprĂšs le mot epistylia , il ajoute celui de coronas supraque hcibeant epistylia coronas y s’il avoit aussi voulu avoir la mĂȘme chose au-dessus du premier ordre de colonnes du salon Ă©gyptien, en en parlant, il n’auroit pas nĂ©gligĂ© de citer la corniche. Perrault , Ă  celte occasion , rapporte l’exemple d’un ancien Ă©difice qui exisloit encore de son temps , auprĂšs de Bordeaux , nommĂ© les Tuteles 3 dont il donne la figure ; elle reprĂ©sente une colonnade d’ordre corinthien, au-dessus de laquelle rĂšgne un atlique ; entre l’attique et les chapiteaux des colonnes, il n’y a que l’architrave. Cet Ă©difice ancien, l’un des plus beaux qui nous Ă©toient restĂ©s des Romains, en deçà des Alpes , a Ă©tĂ© dĂ©truit , comme nous l’avons dit , vers l’an 1680 , lorsqu’on a construit les nouvelles fortifications uuttwuvuuiwuutiM 0 > 278 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. > ' ' 1 . CHAPITRE V I, Des Salons Ă  la maniĂ©rĂ© des Grecs. * O n fait encore des salles d’une autre maniĂšre que celles qu’on voit en Italie ; les Grecs les nomment cyzicĂšnes 1. Ces salles sont tournĂ©es vers le septentrion , de sorte qu’ elles ont, le plus souvent, vue sur les jardins ; et leurs portes sont dans le milieu. Ces salles doivent ĂȘtre assez larges, pour contenir deux tables Ă  trois lits, en face l’une de l’autre , avec l’espace nĂ©cessaire tout Ă  l’entour pour le service. Elles doivent avoir Ă  droite et Ă  gauche des fenĂȘtres, qui s’ouvrent comme des portes , afin que de dessus les lits 2 , on puisse voir dans les jardins. La hauteur de ces salles doit surpasser leur largeur de la moitiĂ©. 1 . Il faut proportionner tous ces genres d’édifices , suivant la situation du lieu , et i de maniĂšre qu’il n’en rĂ©sulte aucun inconvĂ©nient. Il sera aisĂ© de prendre le jour , si les murs voisins , par leur hauteur , n’interceptent pas la lumiĂšre ; si nĂ©annoins cela arrivoit Ă  cause du peu d’espace , ou pour toute autre raison , il faut alors avec beaucoup d’intelligence et d’adresse, ajouter ou diminuer les proportions que nous avons prescrites , de maniĂšre cependant que l’ouvrage conserve toute sa beautĂ©, et paroisse avoir ses vĂ©ritables proportions. REMARQUES. Toutes les proportions des salles cyzicĂšnes , ne sont pas indiquĂ©es dans ce chapitre cependant d’aprĂšs la hauteur qui leur est assignĂ©e , laquelle doit Ă©galer une fois et demie leur largeur , on pour- roit supposer qu’elles Ă©toient carrĂ©es , puisque nous avons vu , un peu auparavant, qu’on prescrivoit cette hauteur aux salles carrĂ©es si cependant elles avoient Ă©tĂ© telles , il Ă©loit inutile de rĂ©pĂ©ter quelle devoit ĂȘtre leur hauteur. 11 est donc plus probable qu’elles Ă©toient deux fois aussi longues que larges, parce que cette forme est la* plus convenable pour placer, comme l’auteur le prescrit, * Planche XIX.ℱ * i Suivant Perrault on appelle ces salles cyzicĂšnes, parce que la ville de Cyzique, situĂ©e dans l’isle du mĂȘme nom , qui se trouve dans la mer de Propontide, est for* renommĂ©e pour la magnificence de ses bĂątinaens , qu 1 Ă©toient tous de marbre , jusqu’aux murailles de la ville. 2 Dans la plupart des exemplaires , au lieu de lectis, on lit de tçctis ce qui n’a aucun sens. J’ai donc suivi la correction de Philander, Ă©tant tout naturel de croire que- fauteur aura Ă©crit de leciis , LIVRE' VI, C h a p. VII. 2 79 deux triclines en face l’une de l’autre. Les triclines, comme nous l’avons dit , consistoient en une petite table ronde , entourĂ©e de trois cĂŽtĂ©s par de petits lits , dont chacun pouvoit contenir trois personnes , qui mangeoient Ă©tant couchĂ©es dessus. Je suis d’autant plus persuadĂ© que ces salles dĂ©voient avoir ces dimensions , que ce sont celles que Vitruve , au commencement du 5. me chapitre de ce livre , assigne aux salles destinĂ©es aux triclines. Ces salles avoient de grandes et hautes fenĂȘtres qui descendoient jusqu’à terre ; elles ressembloient probablement Ă  nos portes vitrĂ©es. 'llf CHAPITRE VII. iĂčtusj ir \ĂŻ 0 l Lafe De laspect quil convient de donner a chaque partie de lĂ©difice. Nous allons maintenant expliquer les qualitĂ©'s que doivent avoir les diffe'rens genres d Ă©difices , suivant l’usage auquel ils sont destinĂ©s , et vers quel aspect du ciel il convient de les tourner. Les salles Ă  manger d’hiver, et les bains , auront la vue sur le couchant d’hiver; parce que ces places ont besoin de la clartĂ© du soir ; et que le soleil, parvenu Ă  l’occident, renvoie directement ses rayons sur elles , et y rĂ©pand , vers le soir , ylfmtiĂŻ une chaleur assez douce i. Il faut tourner les chambres Ă  coucher et les biblio- iifwf thĂšques vers l’orient ; parce que leur usage demande la lumiĂšre du matin ; ensuite site" j es h vres se gĂątent moins dans ces bibliothĂšques que dans celles qui regardent le midi ou le couchant , lesquelles sont sujettes aux vers et Ă  l’humiditĂ© , produits et entretenus par le souffle des vents humides ; ce qui fait moisir les livres. D eur I" g**! Les salles Ă  manger , dont on se sert au printemps et pendant l’automne , doivent recevoir le jour de l’orient ; parce qu’en tenant les fenĂȘtres fermĂ©es , jusqu’à ce que la chaleur du soleil soit passĂ©e Ă  l’occident, ces appartenons restent tempĂ©rĂ©s pendant les heures qu’on a coutume de s’en servir. Les salles d’étĂ© regarderont le septentrion , parce que , dans cette situation , on n’est pas , comme dans les autres, suffoquĂ© par la chaleur , pendant le solstice d Ă©tĂ© ; opposĂ©e au cours du soleil, on respire toujours , dans ces lieux , un air frais , sain et agrĂ©able. tl^ 0 On sait que les anciens se baignoient et faisoient leur principal repas vers le soir. Celte exposition convient egalement pour les galeries de tableaux , pour les atte- liers oĂč l’on fait les tapisseries, et pour ceux des peintres. La lumiĂšre qu’ils reçoivent, toujours Ă©gale en tout temps , fait que les couleurs n’y changent jamais. \ CHAPITRE VIII. Des formes que doivent avoir les Biaisons , d'aprĂšs la condition de ceux qui les habitent. * A prĂšs avoir-observĂ© quel est l’aspect du ciel le plus favorable Ă  chaque partie de l'habitation, il faut dĂ©terminer la maniĂšre dont on devra construire les piĂšces qui sont seulement pour loger le maĂźtre de la maison , et celles qui doivent ĂȘtre communes aux Ă©trangers ; puisqu’il n’y a que les personnes invitĂ©es qui entrent dans les appartemens particuliers du maĂźtre , tels que les chambres Ă  coucher , les salles Ă  manger , les bains et autres de ce genre tandis que tout le monde a droit d’entrer, sans ĂȘtre invitĂ© , dans celles qui sont publiques, tels que les vestibules , les cours , les pĂ©ristyles et autres endroits qui sont destinĂ©s Ă  des usages communs. Les gens d’une condition mĂ©diocre n’ont pas besoin d’un magnifique vestibule, ni d’un bureau, ni d’une cour , parce qu’ils vont ordinairement faire la cour aux autres , et qu’on ne vient pas la leur faire chez eux. Ceux qui cultivent des biens de campagne , doivent avoir, Ă  l’entrĂ©e de leur maison, des Ă©tables , des boutiques ; et au-dedans , des caves , des greniers , des celliers et d’autres commoditĂ©s de ce genre, plus convenables pour conserver les fruits de la terre , que pour procurer l’élĂ©gance et la beautĂ© Ă  l’édifice. Les banquiers et les partisans ont besoin d’appartemens plus commodes et plus beaux, et sur-tout bien fermĂ©s pour ĂȘtre en sĂ»retĂ© contre les voleurs. Les avocats et les gens de lettres veulent des habitations plus Ă©lĂ©gantes et plus spacieuses encore , Ă  cause des assemblĂ©es qui se font chez eux. La noblesse enfin, qui occupe les grandes charges de l’état et de la magistrature, devant donner audience * Planche XIX. m * au L I y R E VI, C II a P. vm. 281 au public, doit avoir des vestibules magnifiques, de grandes cours, 1 des pĂ©ristyles spacieux , des jardins plantĂ©s d’arbres , avec de longues promenades; il faut que tout chez elle soit beau et majestueux. Elle doit avoir en outre des bibliothĂšques , des cabinets de tableaux et des basiliques dont lu magnificence Ă©gale celles qui font partie des Ă©difices publics parce qu’il se fait souvent dans ces maisons des assemblĂ©es pour les affaires d'Ă©tat , et pour juger et arbitrer les diffĂ©rens des particuliers. Les Ă©difices Ă©tant disposĂ©s de cette maniĂšre , selon les diffĂ©rentes conditions des personnes , on aura satisfait Ă  ce qu’exigent les rĂšgles de la biensĂ©ance dont on a parlĂ© dans le premier livre. On n’y pourra rien critiquer , puisque , dans chaque habitation , tout sera commode et perfectionnĂ© d’aprĂšs les rĂšgles. Ceci ne doit pas seulement rĂ©gler la construction des Ă©difices qui se font en ville ; mais aussi celle de ceux qui se font Ă  la campagne , avec celle seule diffĂ©rence que les maisons de la ville ont la cour contre la porte , au lieu que dans les maisons de campagne , on rencontre d'abord le pĂ©ristyle, ensuite la cour entourĂ©e de portiques avec leurs trottoirs, qui ont la vue sur les palestres et sur les promenades. AprĂšs avoir enseignĂ© briĂšvement, et le mieux que j’ai pu , suivant ma promesse, la maniĂšre de construire les maisons de la ville , il me reste Ă  expliquer comment on doit disposer celles de la campagne, pour y trouver toutes les commoditĂ©s qu’exige leur destination. REMARQUES. A Rome , les juges et les arbitres Ă©loient toujours pris parmi les citoyens les pins distinguĂ©s. Lorsqu’ils survenoit un diffĂ©rent entre des particuliers , le demandeur prioit le prĂȘteur de lui donner un tribunal ou un juge s’il lui donnoit un juge , c’étoil , ou un juge proprement dit, ou un arbitre? s’il lui donnoit un tribunal , e’étoit celui des commissaires qu’on appcloit recuperaiores , ou celui des centumvirs. Ce fut d’abord parmi les sĂ©nateurs , qu’on prit les juges , pour les affaires des particuliers. Mais l’an 63i de la fondation de Rome, le tribun Sempronius Gracchus publia une loi, qui ĂŽtoit aux sĂ©nateurs le pouvoir de juger ,'et le transportoit Ă  l’ordre des chevaliers. Cependant quelque temps aprĂšs , le droit de juger fut commun aux uns et aux autres. Ces juges s’assembloient quelquefois dans les basiliques qui faisoienl partie des Ă©difices publics , dont Vilruve a dĂ©crit la construction et la forme dans le I. er Chap. du Y. me Liv. Mais on conçoit que dans le temps de la grande richesse, de Rome, il Ă©toit impossible de rendre dans les basiliques publiques tous les jugemens qu’en- traĂźnoit la quantitĂ© de diffĂ©rens qui survenoient entre les citoyens qui formoientson immense population* 1 L’auteur se sert ici des mots alla atria , parce que , cour devoit ĂȘtre grande et spacieuse , Ă  moins qu’on ne comme nous l’avons vu, la hauteur Ă©tant proportionnĂ©e veuille lire lata au lieu de alla, comme on le fait. Com- , Ă  la largeur , et celle-ci Ă  la longueur , il suffisoit. d’in- munĂ©ment. diguer l’une de ces quantitĂ©s pour faire connoĂźtre que la 36 282 L’ARCHITECTURE DE YITRUVE. Les juges et les arbitres rendoient donc celte justice chez eux. Le luxe ayant Ă©tĂ© portĂ© Ă  nn point incroyable dans celle ville , la noblesse , c’est-Ă -dire, les sĂ©nateurs et les chevaliers , auxquels Ă©toit rĂ©servĂ© le droit de juger , firent construire chez eux des basiliques , Ă  l’instar de celles qui faisoient partie des Ă©difices publics. VoilĂ  pourquoi Vitruve , dans ce chapitre, veut qu’une basilique, avec ses accessoires , se trouve au nombre des Ă©difices qui composoient l’habitation de la noblesse romaine. CHAPITRE IX Des Maisons de campagne. ,ic r 0 i r idoi'i TJ ouk bien situer une maison de campagne , il faut d’abord examiner l’exposition la plus saine , d’aprĂšs les principes que nous avons Ă©tablis dans le premier livre , pour choisir l’emplacement des murs d’une ville ; quand on l’aura trouvĂ©e , il faut y bĂątir la maison. On doit proportionner sa grandeur aux terres qui en dĂ©pendent, et aux fruits qu’on y recueille. On dĂ©termine le nombre des cours et leur Ă©tendue d’aprĂšs la quantitĂ© de bĂ©tail et des charrues qui seront nĂ©cessaires. On place la cuisine dans l’endroit de celle cour , oĂč la chaleur se fait le plus sentir , contre laquelle on bĂątira l’étable pour les bƓufs. Il faut que des crĂšches on voie la cheminĂ©e et le soleil levant; par ce moyen , les bƓufs , voyant habituellement la lumiĂšre et le feu, ne deviendront pas hĂ©rissĂ©s. Ce qui est tellement vrai que les laboureurs, quoiqu’igno- rant les effets des divers aspects du ciel, croient cependant qu’011 ne peut tourner les Ă©tables que vers l’orient. Ces Ă©tables ne peuvent avoir moins de dix pieds de large , ni plus de quinze. On rĂšgle la longueur , de maniĂšre que chaque couple de bƓufs puissent occuper au moins sept pieds. i ĂŻur ’ i 1 Bits? I, ĂȘftl'ĂźS , do il ' kds’ KljlOJ i 'ĂŻiffirD i km 4 'loin * iit* Les bains seront encore contigus Ă  la cuisine ; par-lĂ , le lavoir Ă  l’usage des gens de la basse-cour , ne sera pas Ă©loignĂ©. Le pressoir Ă  l'huile doit aussi ĂȘtre prĂšs de la cuisine , pour rendre plus aisĂ© , le travail nĂ©cessaire Ă  la prĂ©paration des olives. Contre le pressoir sera le cellier , dont les fenĂȘtres tireront le jour du septentrion; car si elles le liroient d’un autre cĂŽtĂ© , la chaleur du soleil feroit troubler le vin et affoibliroit sa qualitĂ©. Ko- , I 1 L’endroit oĂč l’on conserve les huiles demande , au contraire , l’exposition la plus chaude , celle du midi ; parce qu’il faut Ă©viter que l’huile ne se gĂšle , et faire qu’une IX. 283 LIVRE VI, C h a p. chaleur douce l'entretienne toujours liquide. On doit proportionner la grandeur de ces celliers Ă  la quantitĂ©' de fruits qu’on recueille , et au nombre de vases nĂ©cessaires ; si ces vases sont de la grande jauge , ils doivent avoir dans le milieu un dia. mĂštre de quatre pieds i. Si le pressoir n’est pas vis-Ă -vis, et qu’il serre avec un levier et- des poids , il faut que l’emplacement ait au moins quarante pieds de long, pour qu’on puisse y travailler Ă  son aise ; il ne peut non plus avoir moins de seize pieds de large , pour que l’espace ne'cessaire Ă  la manutention soit libre tout autour ‱ si l’on vouloit cependant y placer deux pressoirs , il faudroit alors que remplacement ait vingt-quatre pieds de large. On doit donner aux bergeries et aux e'tables pour les chĂšvres, une grandeur suffisante , pour que chacune de ces bĂȘtes n’ait pas moins de quatre pieds et demi de place , ni plus de six. Les greniers seront Ă©levĂ©s et tournĂ©s vers le septentrion ou la bise , afin que la fraĂźcheur du vent empĂȘche les grains de s'Ă©chauffer , et les conserve plus long-temps car les autres aspects engendrent les chalans et autres insectes qui gĂątent les bleds. Les Ă©curies pour les chevaux , sur-tout Ă  la campagne , doivent ĂȘtre bĂąties dans les endroits les plus chauds, pourvu qu’ils ne regardent pas vers la cheminĂ©e , parce que les chevaux qui sont prĂšs du feu deviennent hĂ©rissĂ©s. Il convient "assi que les Ă©tables qui sont en dehors de la cuisine, aient leur entrĂ©e et tirent le jour du cĂŽtĂ© de l’orient, cela fait que les bƓufs qu’on y met pendant 1 hiver, paroissent beaucoup plus beaux quand ils sortent le matin, lorsque le temps le permet, pour aller paĂźtre. Les granges , les fenils, les magasins de paille et les moulins , doivent ĂȘtre bĂątis assez loin de la maison pour Ă©viter le danger du feu. Si, de l’habitation , on veut faire une maison agrĂ©able, il faut suivre les propor- i Pour bien comprendre cette phrase latine , et nu- rherum doliorum .... quƓ cum sint cullearia , il faut savoir que les Romains conservoient le vin et l’huile dans des vases de terre , qu’ils appeloient dolium. J’en ai vu plusieurs dans les ruines de Pompeia , prĂšs de Naples ; ils Ă©toient encore dans la cave oĂč on les avoit trouvĂ©s. Il y avoit des dolium de plusieurs grandeurs suivant la capacitĂ© des mesures qu'ils employoient pour les choses liquides. La plus grande des mesures romaines s’appeloit culeus , elle contenoit vingt amphores. L’amphore qui Ă©toit la mesure principale contenoit quatre-wng/ livres pesant, ce qui faisoit deux urnes l’urne contenoit quatre conges. Le conge six septiers , le septier deux hemines ou demi septier ; le demi septier contenoit deux mesures qu’on nommoit quartam; chaque quartame contenoit deux cya- et demi ; ces cyathes contenoient autant de vin qu’on en pouvoit boire d’un seul trait. Pline, Liv. XXI, Ghap. dernier. Ainsi par le mot culeana , Vitruve entend que ces vases, doliorum' contenoient la plus grande mesure en usage chez les Romains pour les choses liquides. 36 . 284 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. lions que nous ayons indiquĂ©es ci - dessus pour les bĂątimens de la ville , pourvu qu’on note rien de ce qui est nĂ©cessaire au mĂ©nage des champs. Il faut avoir soin que tous les Ă©difices soient bien Ă©clairĂ©s ; ce qui n’est pas difficile Ă  la campagne , oĂč il n'y a pas d’autres murs assez prĂšs pour ĂŽter le jour mais en ville il n’en est pas de mĂȘme ; les murs i des maisons voisines sont souvent assez prĂšs et assez Ă©levĂ©s pour causer de l’obscuritĂ© voici le moyen qu’on emploie alors pour connoĂźtre si l’on aura assez de jour. On tend une corde depuis le haut du mur qui peut ĂŽter le jour , jusqu’à l’endroit qui doit le recevoir ; si, en regardant en haut le long de cette corde , on voit Ă  dĂ©couvert un grand espace du ciel, on sera assurĂ© que rien n’empĂȘchera la lumiĂšre dans cette place mais si l’on voit que les poutres , ou le haut des fenĂȘtres , ou le haut des planchers ĂŽtent le passage Ă  la lumiĂšre , il faut alors faire les ouvertures plus grandes , ou prendre le jour au-dessus des obstacles qu’il rencontre. En un mot, il faut disposer les choses de maniĂšre qu’on place les fenĂȘtres du cĂŽtĂ© oĂč l’on puisse dĂ©couvrir le ciel; ce qui est de la plus grande importance pour les salles Ă  manger, et autres de ce genre , et sur-tout pour les passages et les escaliers qui ont besoin d ĂȘtre trĂšs-Ă©clairĂ©s , Ă  cause que plusieurs personnes quelquefois chargĂ©es se rencontrent souvent l une devant l’autre dans ces endroits. Je crois avoir expliquĂ© assez clairement la maniĂšre dont nous construisons nos Ă©difices en Italie , pour ĂȘtre compris de ceux qui voudront en bĂątir. Et pour qu’on n’ignore pas non plus la maniĂšre dont les Grecs construisent les leurs , je vais la faire connoĂźtre en peu de mots. R E M ARQUES. La maison de campagne , dont Vilruve dĂ©crit la construction , dans ce chapitre , est uniquement destinĂ©e au mĂ©nage des champs ; c’est ce que nous nommons proprement une ferme , et non pas une maison d’agrĂ©ment. Il l’observe lui-mĂȘme , aprĂšs sa description , en ajoutant , si l’on veut y joindre une habitation agrĂ©able , il faut la construire d’aprĂšs les principes que nous avons Ă©tablis pour la construction des maisons de la ville. Si l’on veut connoĂźtre ces maisons d’agrĂ©ment, que les Romains batissoient Ă  la campagne , il faut lire les descriptions que Yarron et Pline le jeune en ont donnĂ©es. Rien n’est plus intĂ©ressant que celle du Laurentum de Pline le jeune , qui fait le *»,{ ees 1 1 -' i ' Cummunium panetum . Voici encore une nouvelle preuve , pour nous convaincre que paries commuais n’é- toit pas un mur mitoyen enĂŒâ€™e deux propriĂ©tĂ©s contiguĂ«s ; mais le mur extĂ©rieur qui rĂ©gncit le long de la rue , et qui Ă©toit censĂ© public , comme nous l’avons remarquĂ© dans nos observations sur le 5. me Chap. du I. er Liv. et celles sur le 8. me Chap. du ll. me bet * L IVIÎ E VI, C h a p. ix. 2 35 sujet de la 6. rao lettre du V. me livre du recueil que nous en avons. On voit combien les Romains s’attachoient Ă  choisir une situation agrĂ©able et saine pour bĂątir ces maisons ; combien ils recher- choient les agrĂ©mens de la campagne et les beautĂ©s de la nature. Ils y alloient chercher celte tranquillitĂ© et ce doux repos , dont ils ne pouvoient jouir au milieu des tracasseries de la ville de Rome. Ils cherchoient Ă  rĂ©unir , dans ces sĂ©jours champĂȘtres , une partie des voluptĂ©s orientales , dont ils avoient pris le goĂ»t en Asie , pendant les longs sĂ©jours qu’y firent leurs armĂ©es. Ce n’est donc pas ces demeures agrĂ©ables que fauteur dĂ©crit dans ce chapitre -, il ne s’agit que de constructions rurales, Ă  l’usage de l’agriculture. Par exemple lorsqu’il parle des bains, il n’entend pas des bains Ă  l’usage des maĂźtres , mais de ceux pour les domestiques et autres besoins ruraux , l’usage des bains Ă©tant gĂ©nĂ©ralement rĂ©pandu dans toutes les classes de la sociĂ©tĂ© , chez les anciens. Nous voyons dans la lettre de Pline , citĂ©e un peu plus haut , que , dans sa maison de campagne , il s’y irouvoit des bains pour les maĂźtres , semblables Ă  ceux dojat Vitruve prescrit les rĂšgles de leur construction dans le io. me Chap. du V. me Liv. Tous les riches de Rome en avoient Ă©galement, saris doute , dans leurs maisons de campagne. Dans celle de Pline , dont nous parlons , il y avoit un bain d’eau froide , un autre d’eau chaude , un bain sec , ou salle pour suer avec une Ă©tuve , sudatio , une autre plus tiĂšde tepidarium ; une chambre pour se dĂ©shabiller en un mot toutes les salles que Vitruve indique pour les bains publics dans le io. me Chap. du V. 6 Liv. Ceux qui voudront connoĂźtre plus en dĂ©tail ce qui concerne les constructions rurales des anciens , doivent avoir recours Ă  l’ouvrage de Varron et Ă  celui de Columelle , intitulĂ©s l’un et l’autre de re rusticĂą. Dans ces deux traitĂ©s de l’agriculture des anciens , qui sont parvenus jusqu’à nous , ils pourront acquĂ©rir une connoissance plus parfaite des moyens qu’ils employoient pour conserver , dans ces bĂątimens , les diverses productions de la terre ; sur-tout pour Ă©loigner des greniers, le charençon et autres insectes qui rongent le bled. Galiani nous apprend Ă  cet Ă©gard qu’un certain M. BarthĂ©lĂ©my Intieri , a publiĂ© une petite cĂźis-^- serlalion trĂšs-savante , sur la vraie maniĂšre de prĂ©parer toute espĂšce de grains , particuliĂšrement le bled , pour les conserver intacts trĂšs long-temps , et cela au moyen d’une nouvelle Ă©tuve trĂšs-ingĂ©nieusement construite , qui entretient un certain degrĂ© de chaleur , qui oie toute hnmidiiĂ© et tout principe de putrĂ©faction, et fait mourir les insectes. Il y a joint le plan de cette Ă©tuve , gravĂ© d’aprĂšs le dessin de M. Galiani. Ce dernier ajoute que M. du Hamel, dans son TraitĂ© sur la conservation dĂšs grains , a voulu enlever Ă  l’auteur italien , l’honneur de cette dĂ©couverte si la dissertation d’Inlieri, dit-il, n’a pas Ă©tĂ© publiĂ©e avant celle de du Hamel, il n’en est pas moins vrai que bien des annĂ©es auparavant , les dessins et les modĂšles de son Ă©tuve Ă©taient rĂ©pandus dans le monde , et que le plan de l’étuve qui se trouve dans l’ouvrage de du Hamel, n’est qu’une copie trĂšs-exaciĂ© de celle d’Intieri. Dans mes remarques sur ce chapitre , je me suis contentĂ© d’expliquer les passages de l’auteur , qm m’ont-pai u obscurs, sans parler des moyens qu’on a employĂ©s de nos jours pour perfectionner les constructions rurales. L’ouvrage que M. de Perlhuis vient de publier, intitulĂ© TraitĂ© de l’architecture rurale, qui est comme la suite du nouveau cours complet d’agriculture , ne laisse rien Ă  desirer Ă  cet Ă©gard. 286 L'ARCHITECTURE DE VITRUVE. CHAPITRE X. Comment les Grecs distribuent leurs habitations . * Les Grecs ne bĂątissent pas comme nous ,* ils n’ont pas de cours ; mais de la premiĂšre porte on entre dans un corridor ou passage qui n’est pas fort large ; d’un cĂŽtĂ© sont les Ă©curies ; de l’autre les loges du portier , et Ă  l’extrĂ©mitĂ© se trouve la porte de l’intĂ©rieur. Ce passage entre les deux portes s’appelle en grec thirorion i. De-lĂ  on entre dans le pĂ©ristyle qui a,des portiques dĂ© trois cĂŽtĂ©s seulement, parce que du cĂŽtĂ© qui regarde le midi, il y a deux antes, fort Ă©loignĂ©es l’une de l’autre, qui soutiennent une poutre qui forme une piĂšce dont l’enfoncement Ă©gale les deux tiers de l’espace qui est entre les deux antes; les uns la nomment prostas 2 , et les autres parastas 3. Dans la partie intĂ©rieure de cette piĂšce , sont situĂ©es les grandes salies, oĂč se tiennent les mĂšres de famille avec les femmes qui filent la laine. A droite et Ă  gauche du prostade , on trouve les chambres Ă  coucher , avec leurs antichambres." Autour des portiques sont les salles Ă  manger , d’autres chambres Ă  coucher, et celles oĂč habitent les servantes et femmes de chambre. Toute cette partie de la maison s’appelle GynĂ©cĂ©e 4. L’autre partie beaucoup plus Ă©tendue joint Ă  celle-ci ; ses pĂ©ristyles sont plus spacieux ; ils ont quatre portiques, d’une hauteur Ă©gale de chaque cĂŽtĂ© , hormis celui qui regarde le midi, dont les colonnes sont quatre fois plus Ă©levĂ©es, et qu’on appelle pour cela pĂ©ristyle Rhodien. Cette partie de la maison a des entrĂ©es magnifiques ; les portes en sont trĂšs-belles ; les portiques des pĂ©ristyles sont enduits et ornĂ©s de stuc ; et leurs plafonds , travaillĂ©s en bois , offrent divers compartimens , ou panneaux, enfoncĂ©s. Le long du portique qui regarde le septentrion, on trouve les salles Ă  manger nommĂ©es cyzicĂšnes , et les cabinets de tableaux ; Ă  l’orient sont les bibliothĂšques ; Ă  l’occident les salles de conversations , et au midi de grandes salles carrĂ©es, si vastes et si spacieuses , qu elles peuvent contenir , Ă  l'aise , quatre tables Ă  trois lits , avec tout l’espace nĂ©cessaire pour ceux qui font le service de la table, et pour les jeux. Les salles sont rĂ©servĂ©es aux festins que se donnent les hommes *, parce qu’il n’est pas d’usage chez eux d’admettre Ă  leur table les mĂšres de * Planche XX. rae 3 Ce qui est Ă  x C’est-Ă -dire qui appartient Ă  celui qui garde la porte, 4 Appartement des femmes. ÂŁ 3 Ce qui est auprĂšs. LIVRE VI, Chap. x. 287 famille. Ce pĂ©ristyle et cette partie de la maison s’appelle andronitide , 1 parce que les hommes y vivent sĂ©parĂ©s des femmes. Ils Ă©lĂšvent, en outre , Ă  droite et Ă  gauche , d’autres maisons plus petites qui ont leurs portes particuliĂšres ; des salles Ă  manger , des chambres , et des chambres Ă  coucher fort commodes , oĂč ils logent les Ă©trangers qui arrivent chez eux ; parce qu’ils ne les reçoivent pas dans le pĂ©ristyle , mais dans ces quartiers qui leur sont destinĂ©s. Lorsque les Grecs vivoient plus dĂ©licatement dans le temps de leur opulence , les voyageurs qui survenoient, trouvoient rĂ©unies, dans ces appartemens , toutes les dĂ©licatesses possibles , tant pour la table que pour le logement. Ils les invi- toient Ă  souper le premier jour ; ensuite ils leur envoyoient toutes les choses nĂ©cessaires qui viennent de la campagne comme des poulets , des Ɠufs , des lĂ©gumes et des fruits. De-lĂ  vient que les peintres appellent xenia 2 , les peintures qui reprĂ©sentent ces prĂ©sens qu’on envoie Ă  ses hĂŽtes. Ainsi ceux qui voyagent sont logĂ©s dans ces appartemens comme s ils Ă©toient chez eux ; ils y vivent en leur particulier et y jouissent d’une libertĂ© entiĂšre. Entre l’habitation du maĂźtre et celle des Ă©trangers, il y a des passages nommĂ©s mesaulƓ 3, parce qu’ils sont effectivement placĂ©s entre . deux palais ; nous appelions ces passages andronas , et il est Ă©tonnant que ce mot qui est grec , ne signifie pas , en cette langue, la mĂȘme chose qu’en latin car les Grecs appellent andronas , les salles oĂč les hommes donnent leurs festins , et oĂč les femmes ne sont pas admises. Nous nous servons encore de quantitĂ© de noms grecs avec le mĂȘme abus , comme de xistus , de prothyrus , de telamones et de plusieurs autre's. Le xistos 4 des Grecs est un large portique, oĂč les athlĂštes s’exercent pendant l’hiver; et nous autres , nous appelons xistes des allĂ©es dĂ©couvertes pour se promener , que les Grecs nom- 1 .Pour les hommes. 2 Choses destinĂ©es aux Ă©trangers. 3 Le mot latin aula signifie une grande salle , mais le mot grec Ăąv/.y signifioit dans son origine , la cour d’une maison, comme AthĂ©nĂ©e l’explique par le tĂ©moignage d'HomĂšre la cour d’une maison, dit-il , est appelĂ©e ainsi Ă  cause qu’elle est exposĂ©e au vent , en- sorte que le mot aide vient du mot au qui signifie souffler qu’ensuite les palais des rois , furent appelĂ©s aidas , parce qu’ils avoient des cours grandes et spacieuses , et par cette raison plus exposĂ©es au vent que les cours des maisons particuliĂšres ; et peut-ĂȘtre aussi parce que le vent y repaĂźt les courtisans. Perrault croit que notre langue a suivi cette mĂȘme Ă©tymologie car nous appelons la cour , l’endroit oĂč le roi rĂ©side avec ses princes et ses officiers , Ă  moins qu’on ne veuille dire qu’elle est prise du mot latin cuiia , qui , selon Festus, Ă©toit dit Ă  cura ; comme Ă©tant le lieu oĂč l’on traitoit les affaires publiques. Locus ubi magistratas pullicas curas gerebant. 4 Nous avons vu la description du xiste Ă  la fin du 2 . me Chap. du V. me livre. On voit le plan du xiste couvert et de celui qui est dĂ©couvert dans la XVHLe planche. a88 L ’ A R C II ITECTÜRE DE V I T R U V E. ment peridromidas x. De mĂȘme les Grees appellent prothyra 2 , les vestibules qui sont devant les portes tandis que prothyra signifie , parmi nous, la chose que les Grecs nomment diatyra 3. Nous nommons aussi telamones 4 , les figures d'hommes qui soutiennent les mutules ou les corniches ; nom qui n’a aucune origine dans fhistoire ; les Grecs appellent ces figures allantes. Les historiens reprĂ©sentent Atlas soutenant le ciel ; parce qu'il a le premier enseignĂ© aux hommes , quel Ă©toit le cours du soleil et de la lune , le lever et le coucher des Ă©toiles , et tous les mouvemens du ciel; son grand gĂ©nie lui avoit dĂ©couvert toutes ces choses. En reconnoissance de cela , les peintres et les sculpteurs le reprĂ©sentoient soutenant le ciel sur ses Ă©paules. C’est aussi pour la mĂȘme raison qu’on a placĂ© ses filles Atlantides , au nombre des Ă©toiles les Grecs les nomment les Pleyades 5, et nous autres les Vergiles 6. Mon dessein toutefois n’est pas de changer les noms Ă©tablis par l’usage , ni de rĂ©former la langue j ai seulement voulu apprendre aux curieux les diffĂ©rentes significations de ces mots, Nous avons fait connoĂźtre les plans et la maniĂšre de construire les Ă©difices tant en Italie que dans la GrĂšce ; nous avons prescrit les rapports qui doivent se trouver entre leurs diverses proportions, Nous n'avons donc plus rien Ă  dire sur ce qu’il convient de faire pour leur donner une forme agrĂ©able ; il nous reste prĂ©sentement Ă  parler de la soliditĂ© de leur construction , et des moyens qu’on emploie pour les faire subsister long-temps dans un bon Ă©tat. REMARQUES. La diffĂ©rence qui existent entre les mƓurs grecques et romaines , cause celle que nous voyons dans la maniĂšre de distribuer les habitations de ces deux peuples. La principale , c’est que chez les Grecs, le quartier des femmes est absolument sĂ©parĂ© de celui des hommes , ce qui fait , pour ainsi dire , deux maisons placĂ©es Ă  cĂŽtĂ© l’une de l’autre. Les Grecs , dit CornĂ©lius Nepos 7 , regardent comme qui sont parmi nous dans les rĂšgles de la biensĂ©ance qui se fĂźt un dĂ©shonneur de mener sa femme au festin ? ĂŻ Promenoirs. Çsj et 3 Par AidĂ»vpov en grec et par prothyra en latin * en entend une avant-porte , ou une barriĂšre. 4 Souffrans. 3 Qui montrent le temps propre Ă  la navigation, 6 Qui annoncent le printemps. contraire Ă  l’honnĂȘtetĂ© , plusieurs usages y a-t-il , par exemple , quelque Romain N’est-il pas d’usage que les dames 7 Conira ea pleraque nostris moribus sunt dccora quƓ apnd illos tur- pia pulantur ; quem enim Itomanorum pudet, vxorem ducere in conddum r aut cujus materfamilias non primum locum tenet adium , nique in cele- britate tersatur ? quart mulib fit aliter in Gracia; nam neque in conddum adhibetur, nisi propinquorum ; neque scdcl ni si in interiore parte adium , quƓ ginteconitis appeĂŒaiur ; quo nemo accedit, ni’si prnpinqud cognation çonjuncius , romaines LIVRE VI, C h a p. x. 289 » romaines occupent le premier appariement et le plus apparent du logis , et qu’elles reçoivent et > frĂ©quentent compagnie ? > Chez les Grecs, c’est tout le contraire; leurs femmes ne se rencontrent jamais Ă  aucuns festins, ĂŻ> si ce n est chez leurs parens ; dans leur maison elles habitent toujours l’appartement le plus retirĂ©, qui s’appelle pour cette raison l'appartement çles femmes l’entrĂ©e en est absolument interdite y aux hommes , exceptĂ© aux plus proches parens. » Le pĂ©ristyle qui eloit dans l’intĂ©rieur du gynĂ©cĂ©e , ou appartement des femmes , avoit des galeries, portĂ©es par des colonnes, seulement de trois cĂŽtĂ©s. Le fond Ă©toit occupĂ© par une grande loge, prostas , ouverte par devant , au fond de laquelle Ă©toit l’ouvroir , oĂč les femmes filoient la laine. Leurs chambres a coucher avec les antichambres occupoient les deux cĂŽtĂ©s de celte loge. Perrault place d un cote la chambre Ă  coucher , thalamus , et de l’autre cĂŽtĂ© , l’antichambre ou cabinet , amphithalamus. Galiani, que j’ai suivi, trouve cet arrangement trop incommode , pour croire que les choses etoient ainsi; il a prĂ©fĂ©rĂ© placer, de chaque cĂŽtĂ©, une chambre avec son antichambre, comme on les voit reprĂ©sentĂ©es dans la XX. rae planche. Nous avons placĂ© le quartier qu’habitoient les hommes , Ă  cĂŽtĂ© de celui des femmes , et non comme on le voit dans les plans de Perrault, oĂč, pour pĂ©nĂ©trer dans l’appartement des hommes, il falloit traverser celui des femmes. Il a probablement suivi en cela ceux de Barbaro , ce qui est absolument contraire Ă  toutes les notions que nous avons sur les moeurs grecques ; puisque , comme nous l’avons vu tout-Ă -l’heure dans un passage de CornĂ©lius Nepos , les femmes, dans leur maison, habitent toujours l’appartement le plus retirĂ©. XĂ©nophon , dans son Ă©conomie ; Plutarque , dans ses apophihegmes , et DiogĂšne LaĂ«rce , dans sa vie de DiogĂšne le Cynique , disent la mĂȘme chose. Nous voyons de plus' que les Grecs confioient Ă  des portiers la garde de l’appartement de leurs femmes , et qu’ils avoient ordre de n’y laisser entrer personne. Aussi Yitruve assigne-t-il un logement au portier , Ă  l’entrĂ©e du quartier des femmes. Il se peut, cependant, que les maisons grecques Ă©toient autrement distribuĂ©es ; il est possible , par exemple , que le quartier , ou l’appartement des femmes , Ă©toit plus reculĂ© , et que pour y parvenir , il falloit traverser celui des hommes ; mais en le plaçant sur le cĂŽtĂ© , dans notre plan , nous avons cru nous rapprocher davantage du texte. Nous voyons clairement dans ce chapitre , malgrĂ© ce que dit Perrault et d’autres traducteurs , que par les mots atrium et vestibulum , Vilruve entend deux choses toutes diffĂ©rentes. En effet, nous lisons au commencement, que les Grecs n’avoient pas de cour atriis Grceci non utuntur. Ensuite, dans la description qu’il fait de leurs maisons , il nomme positivement les vestibules vestibula egregia et januas } etc. Ainsi donc le vestibula Ă©toit autre chose que Vatria , puisqu’il dit que , dans les maisons grecques, il n’y avoit pas ftatria mais qu’il y avoit le vestibula . Le vestibule Ă©toit un espace quelquefois dĂ©couvert, mais toujours situĂ© en dehors, devant la porte de la maison ; au contraire l ’atrium , ou la cour , Ă©toit toujours en dedans de la maison. Ces entrĂ©es ou vestibules du quartier des hommes Ă©toient plus grands et plus magnifiques qu’à 3 ? L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. 290 celui des femmes. Les autres piĂšces de l'habitation Ă©toient Ă  proportion. La modestie rĂ©gnoit dans . celle des femmes , la grandeur et la magnificence Ă©toient rĂ©servĂ©es pour celle des hommes ; la salle oĂč ils donnoient leurs festins Ă©toit sur-tout trĂšs-spacieuse ; elle pouvoit contenir quatre inclines , c’est-Ă -dire quatre tables Ă  trois lits , et il restoit un espace suffisant pour le service de la table, et pour y donner des jeux et des spectacles , pour rĂ©jouir ces riches voluptueux, pendant qu’étendus sur leurs lits , ils jouissoient des plaisirs de la table. Cet usage existoit aussi chez les Romains Juvenal nous apprend que , durant leurs repas, ils regardoient des danses lascives , des pantomimes, ou des combats de gladiateurs 1 ; d’autres se contentoient de la lecture d’un livre 2 , de faire jouer quelques scĂšnes de comĂ©die 5 , ou d’entendre des vers rĂ©citĂ©s par quelques poĂȘles 4. Le plus souvent ils avoient un concert durant leurs repas 5. Les Chinois font encore reprĂ©senter des comĂ©dies pendant les festins qu’ils se donnent 6. Le mĂȘme usage a aussi existĂ© parmi nous Olivier de la Marche fait la description des spectacles trĂšs- singuliers , conformes aux mƓurs d’alors , qui furent reprĂ©sentĂ©s devant Charles le Hardi , duc de Bourgogne, et toute sa cour, pendant un festin qu’il^donnoit l’an i453 , dans la ville de Bruges 7.- Outre ces deux bĂąlimens , l’un pour le logement des hommes , et l’autre pour celui des femmes , les Grecs en avoient encore d’autres Ă  cĂŽtĂ© de ceux-ci pour loger les voyageurs. L’hospitalitĂ© , dans les premiers temps , Ă©toit fort pratiquĂ©e. Ce n’étoit pas seulement une vertu , mais un devoir de l’exercer envers tout le monde ; il n’y avoit rien de plus sacrĂ©. NĂ©e de la commisĂ©ration naturelle , on la trouve chez les peuples que la civilisation n’a pas absolument corrompus ; elle existe encore en Ecosse , dans une grande partie de l’orient, et sur-tout en Pologne. Qu’un voyageur se prĂ©sente chez un seigneur polonois , celui-ci le reçoit , lui donne tout ce dont il a besoin ; ce n’est ni politesse ni honnĂȘtetĂ© , il n’exige aucune reconnoissance ; il est persuadĂ© qu’il n’a rempli qu’un devoir. Nous voyons dans HomĂšre, combien, dans les anciens temps, les Grecs exerçoient l’hospitalitĂ©. L’opulence dont ils jouirent, aprĂšs avoir repoussĂ© les armĂ©es des Perses, qui vouĂŻoient envahir leurs provinces; celte opulence accrue encore par leur commerce rĂ©pandu chez toutes les nations connues, n’étouffa pas chez eux ce sentiment qui leur avoit Ă©tĂ© transmis par leurs ancĂȘtres. Ainsi la sainte hospitalitĂ© , Ă©teinte par-tout oĂč la police et les institutions sociales ont fait des progrĂšs , a subsistĂ© dans les plus beaux jours de la GrĂšce , dans les temps de sa plus grande richesse ; et ce pieux devoir s’exerçoit avec la plus grande magnificence , en un mot , d’une maniĂšre digne d’un peuple aussi riche. Les Grecs ne la nĂ©gligĂšrent pas non plus dans leurs malheurs, c’est-Ă -dire, aprĂšs le triomphe de Paul Emile , et la dĂ©faite des Perses , lorsqu’ils passĂšrent sous la domination des Romains c’est ce que Yitruve a certainement entendu par cette phrase Lorsque les Grecs , dit-il , vivoient plus dĂ©licatement dans le temps de leur opulence 8 , les voyageurs qui arrivoient chez eux , trouvoient en abondance, dans les maisons qui leur Ă©toient destinĂ©es, tout ce qui Ă©toit nĂ©cessaire, tant pour le logement que pour la nourriture. 1 Juven. S. XI. 2 Plut, sympos. 7 , quest. 8. 3 Juven. S. XI. Hin. jun. L. I. ep. i5. L. III. ep. 1. L. VI. ep. 3i. 4 Pers. Sat. I. 5 Sue'ton. Vita Terentii. 6 AbrĂ©gĂ© Je l’histoire ge'ne'raĂźe des voyages , tome VII. Liv. IV. Chap. 6, 7 Oliv. de la Marc. Chap. 2g. 8 Fuerunt GrƓci delicatiores > et ob fortunam opulenliores. % LIVRE VI, C h A p. xi. 29 ĂŻ Perrault n’a pas bien compris ce passage; il a cru qu’il signifioit que les plus riches des Grecs avoient des appariemens de reserve pour les Ă©trangers , tandis que Viiruve veut uniquement parler du temps de l’opulence de la GrĂšce. Nous avons dĂ©jĂ  vu , dans le 7. me Chap. du V.ℱ Liv. , que dans la façade d’architecture qui ter- minoit la scĂšne des théùtres anciens , il y avoit deux portes qui reprĂ©sentoient celles qui servoient d’entrĂ©e aux logemens des Ă©trangers , dans les bĂąlimens qui leur Ă©toient destinĂ©s Ă  cĂŽtĂ© de l’habitation principale. L’usage des Grecs Ă©toit que quand il survenoit des voyageurs , le maĂźtre de la maison les faisoit souper avec lui le jour de leur arrivĂ©e ; il les conduisoit ensuite dans ces appartemens sĂ©parĂ©s , oĂč il leur envoyoit toutes les provisions nĂ©cessaires pour y vivre indĂ©pendans , Ă  leur particulier. Vitruve nous apprend que les peintures, qui reprĂ©sentoient ces objets , qu’on envoyoit en prĂ©sens Ă  ses hĂŽtes , c’est-Ă -dire des fruits , des lĂ©gumes , des gibiers , etc. , s’appeloient xenia > du mot grec , qui signifie Ă©tranger. Ce genre de peinture , en gĂ©nĂ©ral, 11’étoit pas des plus estimĂ©s. Cependant un certain Pyreicus, ou, suivant d’autres, Pirricus , s’y est rendu trĂšs - cĂ©lĂšbre , par la dĂ©licatesse de son pinceau. Yoici comme Pline en parle dans le jo. me Chap. du XXXV. me Liv. L’art de Pyreicus Ă©toit de reprĂ©senter les objets dont on fait le moins de cas il peignoit des boutiques de barbiers , de cordonniers , de petits Ăąnes , des vivres , et choses semblables , d’oĂč il acquit le nom de thyparographos , c’est-Ă -dire peintre d’objets mesquins 1. CHAPITRE XI. X % .. De la SoliditĂ© des Édifices . Les Ă©difices qui sont au-dessus du rez-de-chaussĂ©e , auront toute la soliditĂ© nĂ©cessaire pour durer long-temps , si l’on construit leurs fondemens , d’aprĂšs les rĂšgles que nous avons rapportĂ©es dans le livre prĂ©cĂ©dent pour construire ceux des murs des villes et des théùtres ; mais s’ils ont des souterrains voĂ»tĂ©s , il faudra faire les fondemens plus larges que les murs de l’édifice qu’on doit Ă©lever au - dessus. Les murs , les pilastres et les colonnes doiv ent poser bien perpendiculairement au milieu de celles qui sont par - dessous ; tellement que le solide rĂ©ponde toujours au solide car si le poids des ^niirs ou des colonnes portait Ă  faux , elles ne pour- roient rĂ©sister long - temps. Il est encore bon de mettre des poteaux au - dessus de i Pyreicus acte paucis poslferenĂąus.. . . tonsirinas , sutrinasque pinxii et asellos , et obsonia, ac simili a ob hoc eognominalus thyparographos. 3 7 . L*ARCHITECTURE DE Y I T R U Y E. 292 chaque linteau des portes ou fenĂȘtres, au droit de l’un et de l’autre jambage 1, afin d’empĂȘcher que les linteaux , et les solives qui sont chargĂ©es de la maçonnerie qu’elles soutiennent, aprĂšs avoir pliĂ© Ă  l’endroit du vuide , ne causent la ruine du mur en se rompant ; ces poteaux mis dessus , et bien arrĂȘtĂ©s , empĂȘcheront que les linteaux ne s enfoncent. On peut encore allĂ©ger le poids du mur , au moyen d’une voĂ»te faite avec des pierres taillĂ©es en coins , bien divisĂ©es , et correspondant toutes Ă  un mĂȘme centre ; cette arcade formĂ©e avec des coins couvrant le linteau et les solives aux bouts desquels elle est appuyĂ©e , les empĂȘchera d’abord de plier en supportant le poids du mur; et si ensuite elles venoient Ă  se gĂąter par vĂ©tustĂ©, on pourroit les remplacer, sans qu’il fĂ»t nĂ©cessaire d’étayer. Dans les Ă©difices qui sont bĂątis sur des piliers , joints par des arcades formĂ©es de pierres taillĂ©es en coins , qui correspondent Ă  un mĂȘme centre , il faut Ă©galement avoir soin de faire les piliers des extrĂ©mitĂ©s beaucoup plus Ă©pais , afin qu’ils puissent rĂ©sister Ă  l’effort des pierres taillĂ©es en coins , qui , se pressant l’une l’autre vers le centre , Ă  cause du poids des murs qui sont dessus , pourroient pousser les impostes les pilastres des angles Ă©tant beaucoup plus larges , donneront plus de fermetĂ© Ă  l’ouvrage , en tenant les pierres taillĂ©es en coins bien serrĂ©es. Il ne suffit pas d’avoir suivi exactement tout ce que nous venons de prescrire , il faut encore avoir soin que toute la maçonnerie soit bien d aplomb, et quelle ne penche d’aucun cĂŽtĂ©. On doit sur-tout avoir le plus grand soin de bien faire les murs des souterrains , parce que ia terre qu’ils soutiennent peut causer une infinitĂ© d’inconvĂ©niens. L Ă©tat de la terre varie suivant les saisons , et n’a pas toujours le mĂȘme poids qu elle a pendant l’étĂ©. En hiver elle s’enfle et devient plus pesante , Ă  cause des pluies qui la pĂ©nĂštrent ce qui fait qu elle presse et qu elle rompt la maçonnerie. Pour remĂ©dier Ă  cet inconvĂ©nient , il faut d abord donner au mur une Ă©paisseur proportionnĂ©e Ă  la terre qu’il soutient * ensuite il faut faire 2 en dehors , sur le devant, des Ă©perons et arc boutans EB , qui seront bĂątis en mĂȘme temps que le mur , et sĂ©parĂ©s les uns des autres’ par une distance qui Ă©gale la hauteur du mur qui soutient ia terre ; et les faire de la mĂȘme Ă©paisseur que ce mur. Il faut / 1 Ces poteaux doivent ĂȘtre placĂ©s diagonalement au - dessus de la porte ; une de leurs extrĂ©mitĂ©s s’appuie sur le jambage, et les autres forment un angle en se rĂ©unissant au - dessus du milieu de la porte , comine font deux chevrons Ă  la pointe d’un toit. Voyez nos remarques Ă  la lin de ce chapitre. * Planche I. re , fig. 3 . ^ 2 In frontĂźbus. V oyez la fin des remarques qui suivent ce chapitre. LIVRE VI, C h A p. xi. s 9 3 qu’ils avancent dans la terre par le pied, autant que le mur mĂȘme a de hauteur; qu ils aillent en diminuant .par degrĂ©s depuis le bas , cependant en conservant autant de saillie sur le haut, que le mur a d Ă©paisseur. Puis en-dedans, il faudra joindre au mur et opposer Ă  la terre des dentelures HH en forme de se le ; chaque dentelure doit avoir la mĂȘme Ă©paisseur que le mur , et s’éloigner autant du mur, que la terre, que celui-ci soutient, est haute. Enfin dans les angles  aprĂšs s ĂȘtre Ă©loignĂ© de l’angle intĂ©rieur , d’un espace Ă©gal Ă  la hauteur du mur qui soutient la terre , on fera une marque ac. ac. de chaque cĂŽtĂ© , et de l’une de ces marques* Ă  l’autre , on fera une muraille diagonale cc du milieu de laquelle d il en partira une autre d a qui ira joindre l’angle du mur. Par ce moyen , les dentelures avec celte diagonale , empĂȘcheront que la terre ne presse et ne pousse le mur avec autant de force. J’ai enseignĂ© tout ce qu’il falloit pour faire bĂątir , afin qu’on puisse Ă©viter toute espĂšce de faute , et prendre toutes les prĂ©cautions nĂ©cessaires , sur - tout pour les premiers ouvrages. Les toits et la charpente qu’on doit renouveler de temps en temps , n’exigent pas autant de soins ; puisque s’il s’y trouvoit des dĂ©fauts , on peut aisĂ©ment les rĂ©parer tels sont les moyens qu'on doit employer pour rendis solides les parties de l’édifice qui paroissent le moins susceptibles de l’ĂȘtre. Il n’est pas au pouvoir de l’architecte de choisir les diffĂ©rens matĂ©riaux nĂ©cessaires pour bĂątir nous avons dĂ©jĂ  observĂ© , dans le livre prĂ©cĂ©dent i , qu’ils ne sont pas les mĂȘmes par tout ensuite il dĂ©pend de celui qui fait bĂątir , d’employer la brique , le moĂ«lon , ou la pierre de taille. Trois objets , dans tous les ouvrages , dĂ©terminent nos jugemens , la dĂ©licatesse et le fini du travail, la magnificence et la disposition. Quand on voit un ouvrage oĂč l’on a employĂ© tout ce que la fortune d’une personne opulente peut fournir , on loue la dĂ©pense si l’on remarque qu’il est d’un travail dĂ©licat et achevĂ© , on estime 1 artiste qui l’a fait ; mais s’il est recommandable par sa beautĂ©, et l’harmonie de ses proportions , alors on en admire f architecte. Ce dernier doit cependant savoir que , pour bien rĂ©ussir, il ne faut pas nĂ©gliger les avis que les moindres artistes et ceux-mĂȘmes qui ne sont pas de sa profession peuvent lui donner car ce ne sont pas les seuls architectes, mais gĂ©nĂ©ralement tout i Dans le i2. e chapitre du livTe prĂ©cĂ©dent, en parlant des fabriques qui doivent ĂȘtre sous l’eau , il en dit quelques mots; mais il en parle bien plus au long V dans le second livre. Ce qui /ait croire Ă  Galiani , qu’il y auroit ici une faute dans le texte. 2 nous mettent toujours le plein sur le vuide. Si l’on veut » faire des dĂšmes, qu’on les fasse autrement qu’ils ne sont. Un ar- » chitecte donnera idĂ©e de son gĂ©nie , s’il invente une maniĂšre de les » construire , qui en conserve les agrĂ©mens , en Ă©vitant le dĂ©faut iu- » supportable du porte-Ă -faux. Si la chose n’est pas possible , il vaut » beaucoup mieux n’en pas faire. Essais sur l'Arch ., chap. I,** , art. a. L’ARCHITECTURE DE VITRÜVE. zg" Un inconvĂ©nient qu’on rencontre quelquefois en bĂątissant , c’est qu’on ne peut pas toujours le faire en plat terrain. L’Italie sur-tout, qui est traversĂ©e dans toute sa longueur , et presque composĂ©e de» montagnes de l’Apennin , n’offre presque par-tout que les pentes de ces montagnes , pour y asse’oir les fondemens des Ă©difices. Si l’on en excepte les villes qui sont dans la belle plaine de la Lombardie , la plupart des autres sont bĂąties au milieu des montagnes. On sait que l’ancienne ville de Borne Ă©toit assise sur sept de ces montagnes. Pour construire les maisons Ă  mi-cĂŽte , on sent qu’il falloil commencer par niveler le terrain; ce qu’on faisoit en coupant dans la pente de la montagne , et en jetant les terres plus bas ensuite on soutenoit ces terres avec une muraille et des arcs-boutans ou Ă©perons. Yitruve se sert des mots grecs cintecides et erismƓ > pour dĂ©signer ces sortes d’appuis ; ils viennent du verbe spi qui signifie appuyer , rĂ©sister , pousser contre. On employoit ces espĂšces d’arcs-bouians , tels qu’ils sont dĂ©crits par "Yitruve et reprĂ©sentĂ©s dans la i. TC plane, fig. 5. BB. pour soutenir les terres jetĂ©es en avant, oĂč Ă©toit le frontispice, in frontibus. Ensuite, du cĂŽtĂ© opposĂ© par derriĂšre, pour soutenir les terres de la montagne, dont la cĂŽte Ă©toit coupĂ©e verticalement , on employoit les dentelures en forme de scie qui se trouvoient effectivement en dedans de l’édifice ; c’est pourquoi Vilruve en en parlant, se sert de l’expression intror- sus ; elles'sont indiquĂ©es clans la mĂȘme figure par les lettres. Hoc ,. Nous reviendrons encore sur cet objet dans nos remarques sur le chapitre 4- me du YH. me livre. Quoique Vitruve ne dise pas bien positivement qu’il faut se servir de ces deux espĂšces d’arcs-bou- tans , de la maniĂšre que je viens d’indiquer , je crois cette explication meilleure que celle qui fait soutenir la muraille en dedans et en dehors par des arcs-boutans , comme Perrault l’a cru. Je crois avec lui qu’il s’est glissĂ© quelque faute dans ce passage ; par exemple , lorsqu’on lit qu’il faut que la distance entre chaque arc-boutant , Ă©gale la hauteur du fondement, cela est contraire Ă  la raison , qui nous dit que plus un mur a de hauteur , plus il a besoin d’ĂȘtre appuyĂ© par un grand nombre d’arcs-boutans ; Perrault a voulu rĂ©tablir le texte, mais je n’ai pas trouvĂ© sa correc- “ lion assez heureuse pour l’adopter. /VVVXX / LIVRE VU D E V I T R U Y E. LIVRE SEPTIÈME. INTRODUCTION. Les anciens qui ont Ă©crit les productions de leur gĂ©nie pour les transmettre Ă  la postĂ©ritĂ© , ne pouvoient rien faire de plus sage ni de plus utile ; par-lĂ  non seulement leurs belles dĂ©couvertes sont parvenues jusqu’à nous ; mais ensuite chaque siĂšcle ayant ajoutĂ© quelque chose Ă  la masse de nos connoissances , les arts et les sciences sont parvenus au point de perfection oĂč nous les voyons aujourd’hui. On ne sauroit donc avoir assez de reconnoissance pour ceux qui, loin de nous priver par leur silence , envieux des connoissances qu’ils possĂ©doient en tout genre , ont eu l’attention de nous les faire connoĂźtre par leurs Ă©crits. S’ils n’en avoient pas usĂ© ainsi , nous eussions ignorĂ© les Ă©vĂ©nemens qui se sont passĂ©s Ă  Troie ; nous ne connoĂźirions pas les opinions de ThalĂšs, de DĂ©moerite 7 d’Anaxagoras , de XĂ©no- phanes , et des autres physiciens sur tout ce qui existe dans la nature. Saurions- nous quels Ă©loient les principes d’aprĂšs lesquels Socrate , Platon , Aristote , ZĂ©non, Epicure et autres philosophes vouloient que nous rĂ©glassions nos moeurs et notre conduite ? enfin nous n’aurions jamais entendu parler des actions de CrĂ©sus , d’Alexandre , de Darius ni des autres rois, si nos ancĂȘtres n’avoient pris soin d Ă©crire des livres pour conserver la mĂ©moire de ces Ă©vĂ©nemens , et les taire connoĂźtre Ă  la postĂ©ritĂ©. 38 L’ARCHITECTURE DE YITRUVE. *98 Si ces grands hommes mĂ©ritent notre reconnoissance , combien an contraire ne devons-nous pas mĂ©priser ceux qui ont pillĂ© leurs Ă©crits , pour les publier comme s’ils en Ă©toient les auteurs ? ceux qui cherchent ainsi Ă  briller aux dĂ©pens des autres , et qu’une coupable envie porte h s’attribuer une gloire qui ne leur est pas due , sont non-seulement trĂšs-reprĂ©hensibles, mais ils mĂ©riteroient encore d ĂȘtre punis. On sait que les anciens ne laissĂšrent jamais une pareille faute impunie ; et je crois qu’on ne sera pas fĂąchĂ© de connoĂźlrc quelques-uns des jugemens qu’ils rendirent Ă  cet Ă©gard. Les rois Àtlaliques qui aimoient beaucoup les belles - lettres , Ă©rigĂšrent une excellente bibliothĂšque publique dans la ville de Pergame. A la mĂȘme Ă©poque le roi PtolomĂ©e , animĂ© du mĂȘme zĂšle , pour le progrĂšs des sciences , en forma une semblable Ă  Alexandrie. ISon content d’y avoir rĂ©uni, avec tous les soins possibles , une infinitĂ© de livres , il chercha encore Ă  l’augmenter , et voulut qu elle fĂ»t comme une pĂ©piniĂšre , qui de voit produire de nouveaux ouvrages. Il fonda , Ă  cet effet, des jeux , en l’honneur des Muses et d’Apollon , comme on en avoit fondĂ© pour les AthlĂštes , et il proposa des rĂ©compenses et des distinctions pour tous les Ă©crivains qui remporteroient le prix. Ces jeux ainsi Ă©tablis , il fallut choisir des juges parmi les gens de lettres ; le roi en trouva d’abord six dans la ville ; mais il eut plus de peine Ă  dĂ©couvrir quelqu’un capable d’ĂȘtre le septiĂšme. Pour se tirer d’embarras , il s’adressa Ă  ceux qui avoient soin de sa bibliothĂšque , et leur demanda s’ils ne con- noissoient personne qui fĂ»t propre pour cela ? Ils lui proposĂšrent un certain Aristophane qui Ă©toit sans cesse occupĂ© Ă  lire, avec la plus grande attention, les livres de la bibliothĂšque. Ainsi les juges ayant pris place au milieu des jeux , sur leurs siĂšges, Aristophane y fut appelĂ© et placĂ© avec les autres. Les poĂštes ouvrirent la lice , et lurent chacun leurs ouvrages ; le peuple , par ses applaudissemens, lit connoĂźtre aux juges ceux auxquels il donnoit la prĂ©fĂ©rence. Ceux- ci Ă©tant priĂ©s de dire leur avis , les six dĂ©cernĂšrent le premier prix Ă  celui qu’ils remarquĂšrent avoir plu davantage au peuple , et le second Ă  celui qui le suivoit. Aristophane Ă©tant aussi priĂ© de dire son sentiment, il donna le premier prix Ă  celui que le peuple avoit le moins applaudi. Ce jugement ayant excitĂ© l’indignation du roi et de toute F as semblĂ©e , Aristophane se leva, et demanda qu’on lui permĂźt de parler. AprĂšs qu'on eut fait silence , il dĂ©clara que de tous ceux qui s Ă©toient prĂ©sentĂ©s , il n y en avoit qu’un seul qui fĂ»t poĂšte ; que tout ce que les autres avoient rĂ©citĂ© , ils 1 avoient dĂ©robĂ© ; qu il croyoit qu’on avoit Ă©tabli les juges pour rĂ©compenser les auteurs, et non pas ceux qui pilloient les ouvrages. Tandis que le peuple admiroit cette rĂ©ponse, Introduction, LIVRE VIL et que le roi indĂ©cis , ne savoit encore que penser , Aristophane fit apporter, de diverses armoires , plusieurs livres , dans lesquels il se souvenoit d’avoir lu ce qu’on venoit de rĂ©citer , et l’ayant montrĂ© dans ces livres , il obligea ces poĂštes d’avouer leurs larcins. Alors le roi leur fit faire leur procĂšs, et on les condamna comme des voleurs. Pour Aristophane , il le combla de prĂ©sens magnifiques , et lui confĂ©ra l’intendance de sa bibliothĂšque. Quelques annĂ©es aprĂšs , ZoĂŻie , qui se faisoit appeler le flĂ©au d HomĂšre , vint de MacĂ©doine Ă  Alexandrie , et prĂ©senta, au roi , les livres qu’il avoit composĂ©s contre l’Iliade et l’OdyssĂ©e. PtolomĂ©e, indignĂ© de ce qu’on attaquoit si insolemment le pĂšre des poĂštes, et que l’on maltraitoit ainsi, aprĂšs sa mort, celui, que tous les gens de lettres reconnoissoient pour leur maĂźtre , celui dont les Ă©crits faisoient l’admiration de l’univers , se retira en colĂšre , et ne lui lit aucune rĂ©ponse. ZoĂŻie ayant attendu trĂšs long-temps dans le royaume , se sentant Ă  la lin pressĂ© par la misĂšre , fit supplier le roi de vouloir lui faire donner quelque chose ; on rapporte que lĂ© roi lui lit rĂ©pondre que puisqu’HomĂšre, qui Ă©toit mort depuis mille ans, avoit nourri plusieurs milliers de personnes; Ă  plus forte raison , ZoĂŻie devoit bien avoir l’industrie non-seulement de se nourrir lui-mĂȘme, mais plusieurs autres encore , lui qui prĂ©- tendoit le surpasser en talent. On raconte diversement sa mort ; les uns disent que PtolomĂ©e le lit mourir en croix ; d’autres qu’il fut lapidĂ© ; d’autres qu’il fut brĂ»lĂ© vif Ă  vSmirne ; et tous s’accordent Ă  dire qu’il fut puni comme parricide. Quelle que soit la peine qu’on lui ait fait subir , il mĂ©ritoit ce chĂątiment ; certes il en Ă©toit bien digne celui qui s’avisa de critiquer un auteur , qui ne pouvoit plus se faire entendre , ni expliquer le vĂ©ritable sens des pensĂ©es rĂ©pandues dans ses. Ă©crits. Quant Ă  moi , ĂŽ CĂ©sar , quoique je publie cet ouvrage sous mon nom , je ne cherche pas Ă  cacher , oĂč j’ai pris une partie de ce qu’il contient, ni Ă  critiquer les inventions des autres pour faire valoir les miennes. Au contraire, j’ai la plus grande reconnoissance pour tous les Ă©crivains qui, dans les diffĂ©rens Ăąges , ont employĂ© leurs talens et leurs soins Ă  recueillir ce qu’on avoit composĂ© dans le genre de littĂ©rature qu’ils cultivoient. Ce sont comme des sources abondantes dans lesquelles nous pouvons aller puiser , et profitant du travail des autres , il nous est plus aisĂ© de composer de nouveaux ouvrages. J’avoue franchement qu’ils m’ont ouvert la route , et facilitĂ© l’exĂ©cution du plan que j’avois formĂ© , ayant trouvĂ© une infinitĂ© de choses toutes prĂ©parĂ©es. L’un des premiers c’est Agatharque qui faisoit les dĂ©corations pour le théùtre d AthĂšnes, lorsqu’Es chyle y faisoit connoĂźtre la bonne tragĂ©die. Il composa le premier traitĂ© 38 . / 3oo L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. qui parut sur l’art de les peindre ; DĂ©mocri le et Anaxagore en composĂšrent ensuite un autre d’aprĂšs le sien. Ils nous apprirent par quel artifice on pouvoit , selon le point de vue et celui de distance , si bien imiter la disposition naturelle des lignes qui sortent des yeux en s’élargissant, qu’on parvenoit Ă  faire illusion , et Ă  reprĂ©senter , sur la scĂšne, de vĂ©ritables Ă©difices ; quoique peints sur une surface droite et unie, les uns paraissent prĂšs, et les autres Ă©loignĂ©s. AprĂšs ces Ă©crivains , Silenus publia un traitĂ© sur les proportions de l’ordre dorique ; Theodorus Ă©crivit sur le temple de Junon, d’ordre dorique, qui est Ă  Samos ; CtĂ©siphon et MĂ©tagĂšne sur celui de Diane , d’ordre ionique , qui est Ă  EphĂšse , Pliileos i sur celui de Minerve , d'ordre ionique , qui est Ă  PriĂšne ; Ictinus et Carpion sur un autre temple de Minerve, aussi d’ordre ionique, qui est Ă  AthĂšnes dans la forteresse ; Theodorus PhocĂ©en sur la coupole qui est Ă  Delphes ; Philorr sur les proportions des temples, et sur l'arsenal qui Ă©toit au port du PyrĂ©e ; Iler- inogĂšne , sur le temple de Diane , qui est pseudodiptĂšre et d’ordre ionique , qu’on voit Ă  MagnĂ©sie 2 , et sur celui de Bac chu s qui est monoptĂšre, dans l'isle de ThĂ©os ; Angelius sur les proportions de l’ordre corinthien, et sur le temple d’Esculape, d’ordre ionique, situĂ© dans le pays des Trallicns, qu’il a bĂąti, dit-on, de ses propres mains. Nous avons enfin Satyrus et Phyteus , qui ont Ă©crit sur le MausolĂ©e auquel ils ont travaillĂ© avec le plus grand succĂšs ce chef-d’Ɠuvre a mĂ©ritĂ© l’approbation de tous les siĂšcles , qui n’ont cessĂ© de louer et d’admirer le gĂ©nie de ceux qui avoient conçu l'idĂ©e d’un tel ouvrage. Lcoehares , Briaxes , Scopas , PraxitĂšle, et selon quelques- uns, TimothĂ©e, travaillĂšrent, Ă  l’envi l’un de l’autre, pour orner cet Ă©difice. Chacun d eux entreprit une des faces , et l’on trouva leur ouvrage si parfait , qu’il fut mis au nombre des sept merveilles du monde. Il existe encore beaucoup d’artistes moins cĂ©lĂšbres qui ont Ă©crit sur les proportions tels que Nexaris , ThĂ©ocides , Demophilos , Pollis , Leonides , Silanion , Melampus , Sarnacus , et Euphranor. Beaucoup d'autres ont Ă©crit sur les mĂ©caniques comme Cliades, Architas , ArchimĂšde, CtĂ©sibius , Nymphodorus, Pliilon de Bysance , Di philos , Democles , Charidas , Polyidos , Phyros, et Agesistratos. J’ai pris dans leurs ouvrages tout ce que j’y ai trouvĂ© d'utile , pour le rĂ©unir et en former ce recueil , d’autant que j’ai remarquĂ© que les Grecs ont composĂ© beau- 1 Dans le premier chapitre du premier livre , il Ă©crit diffĂ©remment le nom de l'architecte de ce temple de Minerve. Il Ă©crit Pythius ; mais on doit croire que dans l’un ou l’autre endroit, il y a une faute de copiste. a Yitruve se sert de l’ancien nom de cette ville ; car de son temps elle s’appeloit DemĂ©triade, parce que DemĂ©trius-PoliorcĂšle l’avoit rebĂątie et augmentĂ©e considĂ©rablement. Introduction, LIVRE VIL 3oi coup de livres sur ce sujet, tandis que nos auteurs en ont Ă©crit fort peu. Puisque Fussitius est le premier , parmi nous , qui ait publiĂ© un bon ouvrage sur ces matiĂšres. Il est vrai que dans les neuf livres que Terentius Varro a Ă©crits sur les sciences , il s’en trouve un qui traite de l'architecture. Publius Septimius en a aussi Ă©crit deux ; mais hors ceux-ci , je ne crois pas que nous ayons , jusqu’à prĂ©sent, d’autres Ă©crivains qui aient travaillĂ© dans ce genre. Ce n’est pas qu’il y ait eu autrefois de trĂšs-* grands architectes , parmi les citoyens romains , qui auroient pu Ă©crire fort pertinemment sur cette science de ce nombre sont les architectes Antislates, Calleschros, Antimachides , et Porinos. Ils avoient jetĂ© Ă  AthĂšnes les fondemens du temple que Pisistralc faisoit bĂątir Ă  Jupiter Olympien , et qui demeura imparfait, aprĂšs sa mort i Ă  cause des troubles qui survinrent dans la rĂ©publique ; deux cents ans aprĂšs, le roi Antiochus promit de faire la dĂ©pense nĂ©cessaire pour l’achever, Ce fut encore un citoyen romain , nommĂ© Cossutius , qui montra tout le talent possible dans le plan qu’il fit pour sa vaste nef , pour la distribution des colonnes qui l’entourent, en formant un diptĂšre , et pour l’architrave et les autres parties de l’entablement. Cet ouvrage si cĂ©lĂšbre doit ctre comptĂ© parmi ce qu’il y a de plus beau dans l’univers. Nous ne connoissons en effet que quatre temples bĂątis en marbre , qui ont rendu cĂ©lĂšbres les endroits oĂč ils se trouvent. Leur plan en est si parfait qu’on les a mĂȘme admirĂ©s dans rassemblĂ©e des dieux. Le premier est le temple de Diane Ă  EphĂšse , d’ordre ionique , commencĂ© par CtĂ©siphon de Gnose , et par son fils MetagĂšne , et achevĂ© par DemĂ©trius servant de ! Diane, et par PĂ©onius d EphĂšse. Le second est celui que le mĂȘme Peonius et Daphnis MilĂ©sien bĂątirent Ă  Apollon dans la ville de Milet, oĂč ils ont aussi suivi les proportions de l’ordre ionique. Le troisiĂšme est le temple de CĂ©rĂšs et de Proserpine Ă  Eleusis , construit par Ictinus 5 il donna Ă  la nef qui est d’ordre dorique, sans colonne Ă  l’extĂ©rieur , une grandeur extraordinaire, pour laisser un plus grand espace Ă  l’usage des sacrifices. Par la suite, dans le temps que DemĂ©trius de PhalĂšre commandoit Ă  AthĂšnes, PhiĂźon fit ce temple prostyle, en plaçant des colonnes sur le devant du frontispice , ce qui rendit cet Ă©difice beaucoup plus majestueux , et procura aussi une place plus convenable Ă  ceux qui n’étoient pas encore initiĂ©s aux mystĂšres des sacrifices de ces dĂ©esses. Le oua- triĂšme enfin est le temple de Jupiter Olympien , que Cossutius construisit Ă  AthĂšnes 1 comme nous l’avons dit , et oĂč il a rĂ©uni tout ce que l’ordre corinthien a de plus magnifique , et observĂ© la belle harmonie de scs proportions. x Dans le latin on lit Asiy , qui signifie en grec pour la dĂ©signer. Les Romains les ont imitĂ©s en disant une ville ; parce que le* AthĂ©niens appeĂźoient leur v ille, urls, au lieu de Rome, la ville par excellence , et disoient .simplement Asty I/ARCHITECTURE DE V I T R U V E. 3Q3 Cependant on ne trouve pas que Cossutius ait rien Ă©crit sur ce sujet ; ce n’est pas le seul ouvrage qui nous manque ne devons-nous pas regretter de n’en avoir aucun de Gains Mutius , qui a Ă©talĂ© toute la science de son art , dans la construction des temples de l’Honneur et de la Vertu , que Marins fit bĂątir ; on voit avec quelle exactitude , il en a suivi les rĂšgles, pour proportionner la nef, les colonnes et les architraves. Ce temple i pourvoit ĂȘtre mis au nombre des ouvrages les plus magnifiques, s’il Ă©toit bĂąti en marbre , et si la richesse de la matiĂšre rĂ©pondoit Ă  la perfection du travail, * Puisque les grands architectes que nous avons eus autrefois, ainsi que les modernes, qui sont en assez grand nombre , ont si peu e'crit sur leur art, en comparaison des Grecs , j’ai cru que je ne pouvois mieux faire que d’entreprendre cet ouvrage , oĂč j’ai sĂ©parĂ© chaque objet, pour traiter de chacun eh particulier dans l’un des livres qui le composent. Tellement, qu’aprĂšs avoir prescrit la maniĂšre dont il faut bĂątir les Ă©difices des particuliers, dans le sixiĂšme livre, je vais dans le suivant 3 qui est le septiĂšme, traiter des diffĂ©rentes façons de faire les enduits, et faire voir comment ils contribuent en mĂȘme temps Ă  l’embellissement et Ă  la soliditĂ© des Ă©difices. REMARQUES Vitruve commence ce livre par l’éloge des lettres , et rend hommage aux savans , qui , avee leur secours , nous ont transmis les Ă©vĂ©nemens passĂ©s , et les dĂ©couvertes qu’on avoit faites de leur temps. Il cite les artistes et les premiers poĂštes qui ont commencĂ© Ă  faire fleurir les arts et les belles-lettres dans la GrĂšce , oĂč les siĂšcles de la belle littĂ©rature furent aussi ceux qui produisirent les plus fameux artistes. Il parle d’abord d’HomĂšre qu’il appelle le pĂšre des poĂȘles. Il fleurissoit environ cent ans avant la premiĂšre olympiade ; si l’on excepte peut-ĂȘtre HĂ©siode , qui , suivant quelques-uns, Ă©crivait trente ans avant lui; nous ne connoissons aucun autre ouvrage grec plus ancien que les siens. Rien ne peut ĂȘtre comparĂ© Ă  sa poĂ©sie ; il s’essaya dans le genre Ă©pique , le chef- d’eeuvre de l’esprit humain , et prenant un vol d’aigle , s’élança au plus haut degrĂ© oĂč peuvent atteindre les forces humaines , en composant son immortelle Iliade. En vain les plus grands gĂ©nies ont cherchĂ© Ă  l’imiter ; et la GrĂšce , qui, pac la suite , nous donna encore tant d’excellents poĂštes , en d’autres genres , ne produisit plus rien de semblable tellement que le plus ancien de ses poĂštes fut aussi le meilleur. Ce qui fait dire Ă  Velleius Pater" oulus , qu’il ria eu personne avant lui qu’il ait pu imiter ni personne aprĂšs lui qui ait pu le suivre 2 . 1 R ^ parlĂ© de ,ce temple , quil cite comme peiip- 2 Neque anle ilium quem ille tmitaretur ; neque post ilium qui euv 1Ăšre dans le i. cr Chap. du 111, e Ifiv. Voyez les remar- imilail posset, imenlus nsi, ques qui sont Ă  la fin, Introduction, LIVRE VIL 3 o 3 Les beaux-arts , et sur-tout l’architecture , Ă©toient dĂ©jĂ  connus dans le temps d’HomĂšre j il noĂčĂż apprend , qu’avant le siĂšge de Troie , la ville d’Orchestre Ă©loit cĂ©lĂšbre Ă  cause du temple de Neptune , qui s’y trouvoit , et que Minerve en avoit un magnifique Ă  AthĂšnes i. Nous voyons dans 1 * 3 Pline que le temple de 'Diane en Aulide , fut bĂąti plusieurs siĂšcles avant la guerre de Troie 2.. HomĂšre parle aussi de plusieurs palais qui existaient en GrĂšce avant cette guerre. Les Grecs , comme nous l’avons dĂ©jĂ  observĂ© , d’aprĂšs les savantes dĂ©couvertes de M. Desnon S ,- avoient appris l’architecture des Egyptiens. Les colonies Ă©gyptiennes que CĂ©crops , et ensuite Danaiis, amenĂšrent en GrĂšce, en faisant connoĂźtre le culte de leurs dieux, y firent aussi connoĂźtre cet art,' qui, chez eux , y Ă©toit entiĂšrement consacrĂ© 4 . Nous voyons effectivement que peu aprĂšs le temps de CĂ©crops, Deucalion fit bĂątir un temple, en l’honneur de Jupiter Pbixius , c’est-Ă -dire de Jupiter, par le moyen de qui il s’étoit sauvĂ© des eaux du dĂ©luge. Ce temple subsista environ neuf-cents- cinquante ans , jusqu’à la cinquantiĂšme olympiade 5 Ă©tant tombĂ© en ruine , Pisistrate entreprit d’en, bĂątir un autre , sous le nom de Jupiter Olympien , qui est celui dont parle Vitruve dans l’introduction de ce livre. L’histoire parle ensuite de deux cĂ©lĂšbres architectes , Trophonius et AgamĂšde, qui Ă©toient l’un et l’autre fils d’Erginus , postĂ©rieur Ă  Hercule et Ă  ThĂ©sĂ©e , d’une gĂ©nĂ©ration ; ils avoient bĂąti le temple de Neptune' Hippius , Ă©loignĂ© d’un stade de MantinĂ©e. Pausanias 5 nous apprend que l’empereur Adrien fit enfermer cet ancien temple dans un nouveau qu’il fit bĂątir. 4 Les Grecs ne sont donc pas les inventeurs de l’architecture j ils la doivent aux Egyptiens , auxquels ils doivent Ă©galement les autres arts. Nous savons par les tĂ©moignages de l’antiquitĂ© , et HĂ©rodote sur-tout nous l’assure , que la plupart des noms des dieux ont Ă©tĂ© portĂ©s d’Egypte en GrĂšce , avec leur culte. Aussi HomĂšre, avant de composer ses poĂšmes, parcourut-il l’Egypte, pour s’instruire plus particuliĂšrement de la thĂ©ologie mythologique , et apprendre des prĂȘtres Ă©gyptiens quantitĂ© de choses inconnues en GrĂšce , sur la gĂ©nĂ©alogie , les dignitĂ©s et lĂšs emplois de leurs dieux. Ce qui fait dire au savant Huet Ă©vĂȘque d’Avranche , qu’IIomĂšre , qui avoit visitĂ© les Egyptiens , rapporta de chez eux , cet esprit fabuleux qui lui fit inventer, non seulement les admirables poĂšmes qu’il nous a laissĂ©s , mais encore mille nouveautĂ©s dans la gĂ©nĂ©alogie , les dignitĂ©s et les emplois des divinitĂ©s grecques ; et ce fut lĂ  qu’il se perfectionna dans la poĂ©sie qui y a toujours Ă©tĂ© soigneu- > sement cultivĂ©e 6. » Ainsi ce n’est pas seulement Ă  cause de son anciennetĂ© que Yitruve cite HomĂšre le premier j c’étoit encore parce que les anciens ne regardoient pas les Ă©vĂ©nemens qui se sont passĂ©s Ă  Troie , comme une simple histoire, mais comme le fond de leur thĂ©ologie. C’est pourquoi les livres d’HomĂšre , oĂč ces Ă©vĂ©nemens sont rapportĂ©s, Ă©toient en grande vĂ©nĂ©ration ; on estimoit son histoire , on admiroit sa poĂ©sie, et ses livres Ă©toient rĂ©putĂ©s sacrĂ©s 5 aussi Yitruve les nomme avant de parler des ouvrages qui traitent de la philosophie et de la morale , avant de citer l’histoire de CrĂ©sus , d’Alexandre et de Darius , et si l’on a infligĂ© Ă  ZoĂŻle , surnommĂ© le flĂ©au d’HomĂšre , ce chĂątiment dont il parle ,>> 1 Iliade, IJv. VI. 4 Idem. Ăź Pline, Liy. XVI, Ch. 14. 5 Liv. VIII, Ch. 10. 3 Voyage dans la haute et basse Égypte , t. III. Descript. de 6 TraitĂ© de l’origine des romans , p. 16. la 5 g c et 60. e plane , Ă©dit, in-12. t 3o4 L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. pour avoir Ă©crit contre ce poĂȘle , c’est parce qu’il avoit tournĂ© en ridicule un ouvrage qui iraiioit de la religion. La plupart des tragĂ©dies, chez les Grecs, reprĂ©sentant les actions des dieux, Ă©toient aussi regardĂ©es comme des ouvrages sacrĂ©s. L’origine de ces spectacles , cliez eux , Ă©toit due aux fĂȘtes de Bacclius. La partie de ces fĂȘtes , qui se cĂ©lĂ©broient dans les temples , consistant en choeurs , c’est-Ă -dire en chants graves et monotones , Ă©toit nĂ©cessairement triste ; Thespis essaya d’introduire dans ces chƓurs, un personnage qui rĂ©citoit quelqu’un des exploits de Bacchus ; ce qui fit un Ă©pisode , c’est-Ă -dire un morceau Ă©tranger dans le chƓur. Eschyle essaya d’ajouter un second personnage qui forme un dialogue avec le premier. Les beaux jours de la GrĂšce commençoient alors Ă  paroĂźtre ; vainqueurs des Perses , dans les ‱journĂ©es de Salamine et de PlatĂ©e , on vit les Grecs assemblĂ©s en Elide pour les grands jeux , Ă©couter HĂ©rodote cjui avoit quittĂ© la Carie pour venir leur lire son histoire c’étoit dans la 77.° olympiade. Eschyle donna alors sa premiĂšre tragĂ©die rĂ©guliĂšre ; et les beaux-arts virent naĂźtre Ageladas d’Argos , maĂźtre de Phidias ; Onalus qui fit la statue de Gelon , Agenor , et Glaucias d’Epiie. Agalharque qui faisoit les dĂ©corations pour le théùtre sur lequel Eschyle faisoit reprĂ©senter ses tragĂ©dies, composa, suivant Yitruve , le premier traitĂ© de perspective. Perrault a trĂšs-mal saisi ce passage de Vin uve , suivant sa coutume; lorsqu’il ne comprend pas. bien , il suppose une faute dans le texte , et se sert ici d’une correction que Barbaro a faite dans son Ă©dition latine. Au lieu de tragƓdiam scenam , il lit tragicam scencim. Barbaro a certainement reconnu son erreur par la suite, puisque, dans sa traduction italienne, il a remis le mot tragƓdiam. Perrault seul met tragicam au lieu de tragƓdiam y par-lĂ  il fait Eschyle peintre de dĂ©coration. On sait qu’Esehyle rĂ©forma la tragĂ©die, et introduisit le bon goĂ»t dans ce genre de poĂ©sie Ă  AthĂšnes; mais qu’il ne fut jamais peintre de dĂ©coration. D’aprĂšs cela , le vĂ©ritable sens de celte phrase , est que Iorsqu’Eschyle faisoit reprĂ©senter ses tragĂ©dies Ă  AthĂšnes, Æschylo docente tragƓdiam , Agalharque en peignoit les scĂšnes , scenam fecit Agatarchus. La clartĂ© de ce passage est plus que suffisante pour convaincre ceux qui ont voulu douter si les anciens connoissoient l’art de la perspective. En effet Agalharque, DĂ©mocrite et Anaxogore , sont ici. citĂ©s comme ayant composĂ© des traitĂ©s de perspective ; puisque Vilruve dit qu’ils enseignoient la maniĂšre de reprĂ©senter , sur la scĂšne , des vĂ©ritables Ă©difices , qui , quoique peints sur une superficie plate* et unie, c’est-Ă -dire sur la toile, paroissoient les uns prĂšs , et les autres Ă©loignĂ©s; et cela en imitant la disposition naturelle des lignes qui rĂ©pondent toutes Ă  un mĂȘme point, lineas rations naturali resjrondere , que nous nommons le point de vue, ou le point de perspective; et radiorum extensionem , et selon le point de distance. Il est vrai que les rĂšgles de la perspective 11e sont pas observĂ©es bien exactement, dans les peintures anciennes qui se sont conservĂ©es et qui sont parvenues jusqu’à nous , hormis le morceau de peinture Ă  fresque qu’on a trouvĂ© dans les ruines de YilĂźeya , et qui se trouve Ă  Parme dans une des salles de l’acadĂ©mie , ou l’on voit qtr’on a observĂ© les rĂšgles de la perspective. Dans tous les autres morceaux de peinture antique que j’ai vus Ă  Rome, Ă  Naples, Ă  Portici , oĂč on en a rĂ©unis une infinitĂ© , qu’on a tirĂ©s des ruines d’Kerculanum et de Pompeia , je n’en ai remarquĂ© aucun qui ' \ik Ii l CD Épb Ăźflusir f te 9 d 5t Ăźij Ni tjtll -I N 3o5 Introduction, L I V K E V I I. qui indiquĂąt que le peintre connoissoit la perspective. Je dois cependant observer que tous ces morceaux Ă©toient peints sur des murailles , d’oĂč On les a sciĂ©s ; et que , d’aprĂšs le rapport de Pline * ceux qui peignoient dans ce genre n’étoient pas les meilleurs des peintres. Ces peintures prouvent , il est vrai , que ceux qui les ont faites ignoroient cet art ; mais non pas que l’art Ă©toit inconnu de leur temps. J’ose dire que , mĂȘme Ă  prĂ©sent , oĂč l’on connoĂźt certainement ces rĂšgles , il y a une infinitĂ© de tableaux oĂč on ne les a pas suivies , et qui sont remplis de fautes contre la perspective ; on n’en peut pas conclure cependant que cet art est gĂ©nĂ©ralement ignorĂ© , mais que les peintres qui les ont dessinĂ©s sont des ignorans 1 . La perspective , qui, suivant la remarque d’un grand maĂźtre 2 , est la premiĂšre chose qu’un jeĂ»ne peintre doit apprendre , pour savoir mettre chaque chose Ă  sa place , et pour lui donner la juste mesure qu’elle doit avoir, dans le lieu oĂč elle est , Ă©toit donc connu dans la GrĂšce , Ă  celte Ă©poque , oĂč les arts sembloient annoncer les rapides progrĂšs qu’ils alloient faire , oĂč les malheurs mĂȘmes de la GrĂšce servirent Ă  leurs progrĂšs. AprĂšs les ravages des Perses , il fallut rebĂątir AthĂšnes. Phidias , sous le gouvernement de PĂ©riclĂšs , dirigea la construction des nouveaux Ă©difices , et les dĂ©cora de chefs-d’Ɠuvres de sculptures, sortis de ses mains et de celles de ses Ă©lĂšves. Tout devint grand alors Ă  AthĂšnes , et le pas qui fut franchi, dut paroĂźtre Ă©tonnant , lorsqu’on compara les ouvrages d’Ageladas Ă  ceux de Phidias, c’est-Ă -dire ceux du maĂźtre et ceux de l’élĂšve. 11 en Ă©toit de mĂȘme pour les lettres ; ce mĂȘme temps vit paroĂźtre Euripide , Sophocle , Euphorion et Aristophane. On croyoit qu’Eschyle avoit portĂ© la tragĂ©diĂ© Ă  sa perfection , lorsque Sophocle fit eonnoĂźtre un genre nouveau ; il sut Ă©mouvoir, non par des paroles , mais par des images sentimentales , qui pĂ©nĂštrent jusqu’à l’ame ; il fit voir dans l’art de MelpomĂšne , des beautĂ©s inconnues jusqu’alors , et un talent supĂ©rieur Ă  tous ceux qui avoient , avant lui , parcouru cette carriĂšre. Les plus heureuses circonstances firent fleurir alors les arts dans la GrĂšce 5 l’esprit humain s’y dĂ©veloppa tout entier ; chaque olympiade vit Ă©clore de nouveaux prodiges. L’histoire nous a conservĂ© les noms des plus cĂ©lĂšbres sculpteurs de ce temps ; outre LĂ©ocharĂšs , Braxis, Scopas et PraxitĂšle dont parle Vitruve , PolyclĂšte et Myron dont il a parlĂ© dans le i. er chapitre du I. er livre, florissoient Ă  la mĂȘme Ă©poque. Les malheurs qu’éprouva AthĂšnes pendant la guerre du PĂ©loponĂšse > furent aussi funestes aux arts; mais Thrasybule lui [rendit sa libertĂ© et la dĂ©livra du joug des LacĂ©dĂ©moniens. L’art, dont le destin fut toujours liĂ© Ă  celui d’AthĂšnes , parut renaĂźtre alors , et les Ă©lĂšves des grands maĂźtres prĂ©cĂ©dens , CĂŠnacus , Numides, Dinomede et Patrocle , selon le tĂ©moignage de Pline , se signalĂšrent dans la qĂŽ .ℱ 9 olympiade 3. Peu aprĂšs la guerre du PĂ©loponĂšse , Epaminondas changea tout le systĂšme des Ă©tats de la GrĂšce; il fit prendre Ă  ThĂšbes sa patrie , la prĂ©pondĂ©rance. Vainqueur Ă  Leuctres des LacĂ©dĂ©moniens, qui, 1 Discours de M. Sallier sur la perspective des anciens , tome II 2 Le'onard de Vinci, traite’ de la peinture , Chap, I.** des me'm. de l’acad. des insc. et belles-lettres. 3 Pline, Liv, XXXIV , Chap. 8. / 39 3 o 6 L’ARCHITECTURE DE V I T R TJ Y E. » depuis trente ans, Ă©toient les maĂźtres de la GrĂšce, la crainte qu’il inspiroit occasionna la rĂ©conciliation de Sparte avec AthĂšnes, qui se liguĂšrent ensemble contre les ThĂ©bains , dans la io2. ra * olympiade. Pline place Ă  celle Ă©poque , le temps des cĂ©lĂšbres sculpteurs PolyclĂšs , Cephisodoie et Hypatodore 1. XĂ©nophon et Platon Ă©toient alors dans la force dĂȘ leur gĂ©nie. ThĂšbes et Sparte recommencĂšrent une guerre Ă  laquelle toutes les villes de la GrĂšce prirent part ; Epaminondas la termina par la bataille de MantinĂ©e , oĂč il remporta la victoire , et* termina sa glorieuse carriĂšre. Ses derniĂšres paroles , en expirant, furent pour conseiller aux ThĂ©bains de faire la paix , quoiqu’au moment de leur triomphe ; ils suivirent son conseil elle fut conclue la seconde annĂ©e de la 104. me olympiade. La tranquillitĂ© gĂ©nĂ©rale succĂ©da aux troubles dans la GrĂšce. Pline place Ă  cette Ă©poque le temps de la rĂ©putation de PraxitĂšle de Zeuxis, de Pamphile, d’Euphranor et d’autres artistes. Ce que PraxitĂšle Ă©toit dans la sculpture , Pamphile , Euphranor , Zeuxis, Nicias et Pharrasius le furent dans la peinture cet art ne fut portĂ© Ă  sa perfection que par ces maĂźtres, car Quiniilien nous apprend que Zeuxis et Apollodore son maĂźtre } passent pour ĂȘtre les premiers qui aient introduit les lumiĂšres et les ombres dans leurs tableaux 2. MĂ©nandre, l’ami d’Epicure , parut sur la scĂšne comique ; il rĂ©pandit dans ses piĂšces le sel attique, sans s’écarter des lois de la biensĂ©ance , et fĂźt voir l’affinitĂ© qui rĂ©gnoit entre la poĂ©sie et l’art auquel Apelles et Lysippe imprimoienl alors le caractĂšre des grĂąces; et DĂ©mosthĂšne se montra le plus grand orateur du siĂšcle dont nous parlons , et de tous les Ăąges. Enfin l’époque de la plus haute Ă©lĂ©gance et de la plus grande dĂ©licatesse de l’art, fut sous Alexandre-le-Grand , aprĂšs la 106. me olympiade. /Les Grecs, tranquilles sous son empire, s’adonnĂšrent aux plaisirs et aux beaux-arts. Outre Lysippe qui avoit seul le droit de jeter le portrait d’Alexandre en fonte, Apelles de le peindre, et Pyrgoteles celui de le graver en pierre fine , 3 on distingua encore, parmi les sculpteurs, Agesandre , Poly- dore et AthĂ©nodore, auteurs du Laocoon; et parmi les peintres , Aristide, ProtogĂšne et Nycomaque. Parmi les architectes , on distingue Dinocrate dont Vilruve nous a donnĂ© l’histoire, au commencement du deuxiĂšme livre. Ce fut lui qui traça le plan et fit le modĂšle de la ville d’Alexandrie 4* Le. temple de Diane d’EphĂšse , ruinĂ© par l’incendiaire d’Erostrate , fut reconstruit , et ce cĂ©lĂšbre architecte y mit la derniĂšre main. Alexandre-Ăźe-Grand mourut la premiĂšre annĂ©e de la n 4 - me olympiade ses gĂ©nĂ©raux se partagĂšrent son empire. L’Egypte, l’ancienne patrie des arts, Ă©chut Ă  PtolomĂ©e. Il fit bĂątir le Phare d’Alexandrie , qui passa pour une des sept merveilles du monde ; et son fils PtolomĂ©e-Philadelpbe fonda Ă  Alexandrie celte fameuse bibliothĂšque dont il est pariĂ© dans cette introduction. Au rapport d’Aulu- sippo duccret Ɠra forlis Alexandri Vulium simulantia. Horat. epist, I> Lib. II. Plin. Lib. XXXV, Ch. 10. 4 Pline, Liv. Y. Chap. 10. / 1 Pline , Liv. XXXIV, Cliap. 8 . 2 Quint, inst. oral. , Liv. XĂźl , Chap. 10. 3 Edich- teluit ne tjuis se prƓter Appellent pingeret, aut nlius Ly~ Introduction, LIVRE VI I. elle, elle contenoit sept cent mille volumes 1 . Gallien nous apprend que PlolomĂ©e et ses suc- i -i ‱_ vi ‱ cesseurs achetoieut trĂšs-cher tous les manuscrits qu’ils pouvoient se procurer , pour augmenter cette bibliothĂšque. Les soins en furent d’abord confiĂ©s au cĂ©lĂšbre DĂ©mĂ©trius de PhalĂšre qui s’éloit rĂ©fugiĂ© en Egypte. Ce grand homme avoit acquis beaucoup d’autoritĂ© Ă  AthĂšnes, sous Alexandre , et aussi-tĂŽt aprĂšs la mort de ce conquĂ©rant , il en fut regardĂ© comme le souverain. Il la gouverna pendant dix ans , et y fit construire un grand nombre d’édifices. C’est Ă  cette Ă©poque que Philon embellit le temple de CĂ©rĂšs Ă  Eleusis, en plaçant des colonnes sur le devant, pour le faire prostyle , comme "Vitruve nous l’apprend dans ce livrĂ©. Les AthĂ©niens , pour honorer la vertu de DĂ©mĂ©trius, lui Ă©levĂšrent 36o statues d’airain , ce qui n’empĂȘcha pas ses ennemis de le faire condamner Ă  mort ; mais il Ă©chappa Ă  cette sentence, en se retirant d’abord chez Cassandre , ensuite chez PlolomĂ©e. C’est par ses conseils que PlolomĂ©e fit traduire d’hebreu en grec , par des Juifs que lui envoya ÉlĂ©azar , les livres de la loi de Moyse ; c’est ce^ qu’on nomme la Version des septante. d’édifices. C’est Ă  cette Ă©poque que Philon em- Dans le mĂȘme temps , les rois de Pergame , Atlale et EumĂšnes , accueillirent l’art dans leur patrie. Ces deux rois qui se sont immortalisĂ©s par leur sagesse et leur amour pour leurs sujets, fondĂšrent une bibliothĂšque comme celle d’Alexandrie. Ce qui excita la jalousie des Egyptiens, au point que PtolomĂ©e-Philadelphe dĂ©fendit l’exportation du papyrus ou du papier d’Egypte ; il excita par-lĂ  l’industrie des PergamĂ©niens ,, qui trouvĂšrent l’art de prĂ©parer des peaux de mouton pour Ă©crire dessus; on les a nommĂ©es parchemin , parce que cette invention eut lieu Ă  Pergame. une bibliothĂšque comme celle d’Alexandrie. Ce qui excita la jalousie des Égyptiens Plutarque nous apprend dans la vie de Marc-Antoine , que la bibliothĂšque des rois de Pergame contenoit deux cents mille volumes. , J’ai cru qu’il convenoit de donner celte petite histoire chronologique des progrĂšs des arts dans la"GrĂšce , pour faciliter l’intelligence de ce que Vitruve nous dit de ceux qui ont Ă©crit, sur les arts, des ouvrages desquels il s’est servi. Toutes les Ă©poques que je rapporte se trouvent fixĂ©es dans le XXXIV. livre de l’histoire de Pline. Les ouvrages d’architecture que Vitruve cite dans cette introduction , sont prĂ©sentement perdus. La publication de son traitĂ© , qui rĂ©unit tout ce qui se trouvoit de mieux dans les autres , est sans doute cause qu’on les a nĂ©gligĂ©s , et qu’ils ne sont pas parvenus jusqu’à nous. Les anciens prĂ©fĂ©raient sans doute le sien Ă  tous les autres. En parlant d’architecture ils n’en citent presque pas d’autres. 2 Ou en a trouvĂ© un grand nombre de manuscrits , qu’on conserve encore dans les bibliothĂšques les plus cĂ©lĂšbres ; 5 tandis qu’on n’en a trouvĂ© aucun des autres auteurs. Je crois donc que nous devons un peu nous consoler de la perte de leurs ouvrages. Vitruve ayant traitĂ© de tout ce qui concerne la construction des bĂątimens , va parler dans ce septiĂšme livre , des moyens de les embellir il commence par les enduits. 1 Liv. VI, Cha. ult. EijsĂšbe , Àmien Marcelin en parle aussi. 3 Voyez en le catalogue au commencement de cet ouvrage. a Pline entr’autres, Liv. XXXV et XXXVI. x 3o8 L'ARCHITECTURE DE YITRUVE. CHAPITRE PREMIER. De la RudĂ©ration. J E commencerai par la rudĂ©ration, i qui est le principal de tous les enduits , afin qu’on ait la plus grande attention de le faire bien solide. Quand la rudĂ©ration se fait pour un payĂ© qui doit ĂȘtre au rez-de-chaussĂ©e , on examine si le sol est bien ferme par tout ; alors on Ă©tend la premiĂšre couche de cailloux et ensuite la rudĂ©ration. Mais si le local est entiĂšrement , ou mĂȘme en partie de terre rapportĂ©e , il faut avoir grand soin de bien l’affermir , en le battant avec la hie. On doit prendre garde ensuite que sous les planchers des Ă©tages , il ne se rencontre de ces murs qui ne s’élĂšvent pas jusqu’au haut de l’édifice , mais seulement jusqu’au plancher; s’il s’en trouvoit de cette sorte , il faut qu’il soit un peu plus bas , pour Ă©viter qu il ne le touche ; autrement le plancher venant Ă  sĂ©cher , et s’abaissant un peu alors, la partie qui seroit appuyĂ©e sur le mur , ne participant pas Ă  ce mouvement, il se feroit certainement des crevasses Ă  droite et Ă  gauche dans le pavĂ©. On nuit aussi beaucoup Ă  l’ouvrage , si, avec des planches de chĂȘne , on en mĂȘle d’autres de chĂȘne commun, parce que le chĂȘne commun qui reçoit l’humiditĂ© se dejette et fait fendre le pavĂ©. Si cependant on n’avoit point de chĂȘne verd , et qu'on fĂ»t obligĂ© de se servir de chĂȘne commun , il faudroit rendre les planches fort minces ; afin qu’étant ainsi affaiblies , on pĂ»t les arrĂȘter plus aisĂ©ment avec des doux , on les attachera en outre sur les solives , avec des doux de chaque cĂŽtĂ© , pour empĂȘcher qu’en se tourmentant, elles ne s’élĂšvent par les bords. Nous ne parlerons pas du cercus, du hĂȘtre, ni du farnia , parce qu’aucun de ces bois ne peut durer long-temps. Le plancher Ă©tant achevĂ© , il faudra le couvrir de fougĂšre , si l’on en a , ou bien de paille , pour empĂȘcher la chaux de gĂąter le bois. Ensuite on Ă©tendra par-dessus, un lit de cailloux qui seront au moins gros Ă  pouvoir remplir la paume de la main; et sur ces cailloux on jetera la rudĂ©ration dans laquelle on mettra une partie de chaux pour trois de cailloux, si on la fait avec de nouvelles pierres car si elles sont prises de vieilles dĂ©molitions , on mettra deux parties de chaux pour cinq de i La rudĂ©ration , comme on le verra , Ă©toit un mĂ©lange de pierres concassĂ©es avee de la chaux. 1 -s, a f, * parti % ! MĂ©r [ 4lnc ki LIVRE VII, G h a p. i. 309 cailloux. On affermira l’enduit de la rudĂ©ration , en le faisant battre long-temps par un nombre d’hommes suffisant, de sorte qu’aprĂšs l’avoir Ă©tĂ© assez, il n’ait pas moins de neuf pouces d'Ă©paisseur ; lĂ  dessus on fera le noyau ; celui-ci n’aura pas moins de six pouces d’épaisseur ; il est composĂ© de tuileaux concassĂ©s avec lesquels on mĂȘlera une partie de chaux sur deux de ce ciment. Sur ce noyau , on posera le pavĂ© bien dressĂ© avec la rĂšgle , soit qu’il soit fait de carreaux, ou bien en mosaĂŻque. Quand cela sera achevĂ© , et qu’on aura couvert de pavĂ©s toute la superficie , on le polira avec le grĂ©s , de maniĂšre que les piĂšces taillĂ©es en losange , en triangle, en carrĂ© , ou en exagone , n’offrent rien de raboteux, et qu elles soient parfaitement unies dans leurs jointures. Dans les pavĂ©s en mosaĂŻque , il faut Ă©galiser et polir tous les angles 5 parce que s ils netoient pas Ă©gaux , louviage ne paroitioit pas comme il faut lorsqu’il sera poli. On doit de mĂȘme dresser bien exactement les pavĂ©s de brique en forme d’épi de bled , comme on les fait Ă  Tivoly , de maniĂšre qu’ils n’offrent ni creux ni bosses, mais qu’ils soient bien polis , pour qu’on puisse les placer Ă  la rĂšgle. Lorsqu’on aura rendu le pavĂ© trĂšs-uni Ă  force de le polir , on cassera de la poudre de marbre et l’on jetera par-dessus une composition faite de chaux et de sable. Il faut prendre beaucoup plus de prĂ©caution pour les pavĂ©s qui sont Ă  dĂ©couvert , Ă  cause que la charpente qui soutient ces pavĂ©s , s’enfle et se tourmente d abord par l’humiditĂ© ; elle se dessĂšche et se rĂ©trĂ©cit ensuite ; ce qui fait entr ouvrir le pavĂ©. Les gelĂ©es et les bruines qui surviennent, achĂšvent bientĂŽt de les gĂąler. Tellement que si l’on veut un pavĂ© qui rĂ©siste aux injures de l’air , et subsiste long-temps , sans dĂ©faut, on doit le faire de cette maniĂšre. Quand le premier plancher sera achevĂ© , on Ă©tendra par-dessus en travers un second rang d ais, que l’on arrĂȘtera aussi avec des doux, ce qui formera un double plancher ; on fera ensuite la matiĂšre de la rudĂ©ration , composĂ©e de nouveau cailloux mĂȘlĂ©s avec une troisiĂšme partie de tuileaux pilĂ©s , ajoutant , Ă  cinq parties de cette- mixtion , deux parties de chaux. La couche de cailloux Ă©tant faite , on Ă©tendra dessus la matiĂšre de la rudĂ©ration , laquelle Ă©tant bien battue , aura encore au moins l’épaisseur d’un pied. IHous avons dit comme on devoit faire le noyau sur cette rudĂ©ration on mettra par - dessus de grands carreaux Ă©pais de deux doigts , et posĂ©s de maniĂšre qu’ils soient Ă©levĂ©s dans le milieu , pour mĂ©nager une pente de deux doigts sur dix pieds d Ă©tendue Si l’on fait bien cet ouvrage , et qu’on le polisse comme il doit l’ĂȘtre , il subsistera long-temps sans dĂ©faut. Pour empĂȘcher que la gelĂ©e ne pĂ©nĂštre par les joints des carreaux et ne pourrisse les planchers , il convient d’imbiber tous 3io L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. les ans avant l’hiver , les carreaux de lie d’huile , et de les en imprĂ©gner autant qu’il sera possible. » On empĂȘche par-lĂ  l’humiditĂ© de pĂ©nĂ©trer. Veut-on mieux faire encore ? qu’on couvre toute la rudĂ©ration avec des carreaux de briques qui auront deux pieds , et qu’on joindra avec de la chaux ; ces carreaux auront tout autour des rainures enfoncĂ©es de l’épaisseur d’un doigt, qu’on remplira de chaux dĂ©trempĂ©e avec de l huile , pour bien boucher les jointures ; lorsqu’elle s’y sera durcie , on la frottera au-dessus avec le grĂ©s. Cette chaux s’attachera fortement aux rainures, et venant Ă  durcir, empĂȘchera l’eau et toute espĂšce d’humiditĂ© de pĂ©nĂ©trer par les jointures. Sur ces carreaux ainsi assemblĂ©s, on Ă©tendra le noyau , qu’on aura bien battu avec la liie on pavera ensuite par - dessus , soit avec de grands carreaux , soit avec de pavĂ©s de briques placĂ©s en forme d’épis de bled , en observant de leur donner la pente indiquĂ©e ci-dessus. Si I on fait cet ouvrage, comme je viens de le dire , il subsistera long-temps sans se gĂąter. REMARQUES. Les anciens Ă©toient bien plus curieux que nous ne le sommes pour former de bons payĂ©s, On vient de voir , dans Vilruve , tous les travaux prĂ©paratoires et toutes les prĂ©cautions qu’ils prenoient avant de les placer. Beaucoup de ces pavĂ©s se sont parfaitement conservĂ©s. On en a trouvĂ© plusieurs trĂšs-entiers , particuliĂšrement dans les ruines des anciens Ă©difices de Rome , de Palestrine , de Naples , de Pompeia , d’HercuĂźanum ; on en a trouvĂ© dans toute l’Italie , et mĂȘme daus les autres parties de l’Europe 1 et de l’Asie , oĂč il existe des ruines d’édifices romains. Les pavĂ©s sont ordinairement les parties les plus intactes ; ce qui prouve leur grande soliditĂ©. Tous ceux que j’ai vus ont Ă©tĂ© construits , d’aprĂšs les rĂšgles rapportĂ©es par Vilruve dans ce chapitre ; on voit par-dessous les diffĂ©rentes couches dont il parle. Les Romains avoient , parmi leurs esclaves , des ouvriers appelĂ©s pavimentarii , 2 qui exĂ©cu- toient les dĂ©tails de tous ces ouvrages. La premiĂšre opĂ©ration Ă©toit d’étendre sur le sol, aprĂšs s’ĂȘtre assurĂ© de sa soliditĂ© , une couche de cailloux ou de petites pierres brisĂ©es , de maniĂšre Ă  pouvoir tenir dans la paume de la main. Celte premiĂšre couche se metloit Ă  sec , sans le mĂ©lange d’aucun mortier. Cela s’appeloit statuminare , et statuminalio. Sur cette premiĂšre couche on en jeloit une seconde aussi de pierres concassĂ©es , mais mĂȘlĂ©es avec de la chaux on appeloit cela ruderare parce que , comme le remarque l’auteur anonime qui a composĂ© l’abrĂ©gĂ© de Vilruve , rudus est majores lapides contusi calce misii , c’est-Ă -dire , a la rudĂ©ration est un mĂ©lange de grosses pierres n concassĂ©es avec la chaux. » Quand on prenoit , pour la rudĂ©ration , des pierres ou des cailloux nouvellement tirĂ©s de la carriĂšre , ou des Ă©clats de pierres de taille, cela se nommoitVwtfMS novum ; et lorsqu’on la composoit de fragmens^ de pierres tirĂ©es des dĂ©bris d’un vieux mur , on disoit redi- j M. r Coxe , dans ses lettres sur la Suisse , parle d’un superbe Tranche. Lett. XXX. me payĂ© en mosaĂŻque, trouve' dans les ruines de l’ancienne ville d’A- 2 Vulpii Tabula Antiana, p. 16. LIVRE VII, C h a p. i. 3n vivum. CeÂŁ vieilles pierres, tirĂ©es depuis long-temps, Ă©tant beaucoup plus* sĂšches, ou plutĂŽt plus poreuses , exigeoient une plus grande quantitĂ© de chaux , c’est pourquoi Yilruve veut qu’on mĂȘle avec ces cailloux deux parties de cliaux sur cinq de pierres ; tandis qu’avec de nouvelles pierres , il n’exige qu’une partie de chaux sur trois de pierres. Perrault s’est trompĂ© , et a confondu le statumen avec le rudus j d’oĂč il a trĂšs-mal-Ă -propos fait entrer de la chaux dans la composition du statumen. Son erreur vient de ce que Yilruve , vers la fin de ce chapitre , immĂ©diatement aprĂšs avoir rapportĂ© comment l’on composoit la rudĂ©ration , dit statuminatione facta 3 rudus inducatur ; ce qu’il traduit ainsi Celte couche Ă©tant faite , on mettra la matiĂšre de la rudĂ©ration ». Tellement que Perrault a cru que cette compo- ' sition, dans laquelle il entroit de la chaux, n’étoit pas celle de la rudĂ©ration, mais celle du statumen , Pour peu qu’on rĂ©flĂ©chisse cependant, on voit trĂšs-clairement que la matiĂšre, dont l’auteur rapporte la composition , ne peut ĂȘtre autre que celle de la rudĂ©ration y mais comme la rudĂ©ration s’étend toujours sur une couche de cailloux statumen 3 il suppose que cette couche de cailloux a Ă©tĂ© faite d’avance ; voilĂ  pourquoi , aprĂšs avoir indiquĂ© la composition de la rudĂ©ration , il dit statuminatione facta , rudus inducatur. L’essentiel pour la rudĂ©ration est d’ĂȘtre bien battue 5 Yilruve recommande de le faire faire par un nombre d’hommes suffisant , et il emploie pour cela cette expression decuriis inductis. Dans le 3 . 1316 chapitre de ce livre, il dit Ă©galement decuria homirium inducta. Ce qui est une expression gĂ©nĂ©rale , qui signifie une quantitĂ© d’hommes indĂ©terminĂ©e ; proportionnĂ©e d’aprĂšs l’ouvrage, et d’aprĂšs l’espace oĂč on peut les employer. Barbaro et Perrault ont entendu par-lĂ  des hommes disposĂ©s dix Ă  dix , mais ils se sont trompĂ©s. * On ne pratique plus pour les pavĂ©s la rudĂ©ralion , en-deça des Alpes; et comme l’observe Perrault, nous n’avons point mĂȘme de mot françois pour signifier ruderatio. C’est pourquoi il a dĂ» retenir le mot latin. Il n’en est pas de mĂȘme en Italie , oĂč on l’emploie encore pour les pavĂ©s des grandes salles , et cela de la mĂȘme maniĂšre que Yilruve vient de l’enseigner dans ce chapitre ; la premiĂšre couche statumen se fait de mĂȘme avec des pierres concassĂ©es sans chaux ni mortier; on la nomme en italien riccio , c’est-Ă -dire hĂ©rissĂ©e . La seconde , qui est la rudĂ©ralion , se nomme le smalte , smalto } dont nous avons dĂ©jĂ  parlĂ©. Les pierres concassĂ©es se joignent tellement avec la chaux, lorsque la rudĂ©ration ou le smalte est bien sec , qu’elles ne forment, pour ainsi dire, qu’un mĂȘme corps, qui acquiert une grande soliditĂ©; et, lorsqu’il est bien Ă©galisĂ© , prend le plus beau poli. Les Italiens ayant sans doute remarquĂ© cela , ont formĂ© des pavĂ©s avec la rudĂ©ration seule , sans la couvrir avec des carreaux ou de la mosaĂŻque , comme Yitruve le dit ici. _ * Yoici comme ils s’y prennent aprĂšs avoir formĂ© le smalte , ou la rudĂ©ration , comme Yitruve l’enseigne , sauf que j’y ai vu employer de la pouzzolane , on la bat avec la liie jusqu’à ce qu’elle soit parfaitement sĂšche ; alors on la frotte avec des grĂ©s , et ensuite avec d’autres pierres plus douces, jusqu’à ce que le smalte soit bien poli. Celte maniĂšre de pavĂ© fait le., plus bel effet; on cliroit qu’un seul morceau de marbre forme tout le pavĂ© de la salle. Un autre avantage , pour le climat de l’Italie , c’est qu’elle procure la plus grande fraĂźcheur. Plusieurs salles du palais de Milan , » 3l2 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. comme nous l’avons dĂ©jĂ  dit, sont ainsi pavĂ©es. Celles de l’arsĂ©nal de Venise, et du palais du Doge, celles du palais du T. Ă  Manloue , de la Villa BorghĂšse Ă  Rome , le sont Ă©galement. On rend ces pavĂ©s encore plus beaux , en sĂ©parant les Ă©clats de marbre , suivant leur couleur ; on en forme alors diffĂ©rens dessins , tels que des Ă©toiles , des compartimens , etc. Les plus beaux pavĂ©s que j’aie vus en ce genre, sont ceux de la Villa BorghĂšse Ă  Rome ; il faut que ces pavĂ©s soient bien solides , puisqu’à Boulogne , plusieurs loges , qui sont le long des rues , sont uniquement pavĂ©es comme cela ; ils restent trĂšs-intacts , quoique foulĂ©s continuellement par le public ; ce que j’ai remarquĂ© moi-mĂȘme. Nous avons dĂ©jĂ  parlĂ© des deux premiĂšres couches que les anciens metloient sous leurs pavĂ©s la troisiĂšme s’appeloit le noyau , nuclĂ©us ; elle Ă©toit composĂ©e de tuileaux concassĂ©s et rĂ©duits eu grains , Ă -peu-prĂšs de la grosseur d’un pois , et liĂ©s avec de la chaux. C’est ainsi qu’est fait le ciment des diffĂ©rens pavĂ©s antiques , que j’ai vus Ă  Pompeia , Ă  Herculanum , dans la Villa Adrienne Ă  Tivoli ; soit qu’ils fussent en mosaĂŻque ou autrement, ce ciment acquiert Ă  la longue une soli-. dilĂ© semblable Ă  celle du marbre ; on le taille dĂš mĂȘme, et il prend comme lui le plus beau poli. J’en ai vu faire Ă  Naples des tabatiĂšres et d’autres ouvrages , on ne peut pas plus jolis. X’étoil sur celte derniĂšre couche qu’on posoit le pavĂ© qui Ă©toit ou en brique ou en mosaĂŻque , ou en tout autre ouvrage dont nous allons parler. Nous avons vu combien les anciens cherchoient Ă  rendre leurs pavĂ©s solides , et les moyens qu’ils employoient pour cela. Us n’éloient pas moins recherchĂ©s pour les rendre Ă©lĂ©gans et agrĂ©ables Ă  la vue. C’éloit chez eux un luxe gĂ©nĂ©ralement rĂ©pandu. Tous les pavĂ©s que j’ai vus Ă  Pompeia , sont de la plus grande Ă©lĂ©gance ; il y en a de carreaux de marbre blanc ; mais la plupart sont en mosaĂŻque , et reprĂ©sentent de trĂšs-jolis dessins. Les plus petites maisons , celles des marchands , des artistes, ont des chambres pavĂ©es en mosaĂŻque. f' ;; Ă» Je ' y fit* ijĂŒĂ©toi ; .Ăźinats - 3 et I iiin di 1 ijiAĂźces jim, o qu’on a Ls et de a Je, T i, tt . L 1 V RE VII, C h a'p. i. 3i3 Les anciens arrĂąngeoient encore leurs pavĂ©s d’une autre maniĂšre , nommĂ©e spicatum opus ; parce que les briques en sont posĂ©es comme les grains de bled dans l’épi. Il paroit , d’aprĂšs ce que dit Vilruve , qu’elle Ă©toit sur-tout en usage Ă  Tivoli ; elle est encore pratiquĂ©e en Italie, oĂč on la nomme a spinadi pesce , Ă  cause de la ressemblance de celte espĂšce d’ouvrage avec les arĂȘtes de poisson. Ce sont des carreaux oblongs , ou des briques qu’on pose verticalement sur leur cĂŽtĂ© Ă©troit, de maniĂšre qu’elles forment un angle entr’elles. Les rues de Sienne, et de toutes les villes des Ă©tats d’Urbain , sont pavĂ©es de pareilles briques. Nos menuisiers exĂ©cutent, souvent cette espĂšce d’ouvrage dans leurs parquets. Il est Ă©tonnant , combien l’on a trouvĂ© de pavĂ©s anciens , exĂ©cutĂ©s en mosaĂŻque 1 ; on croireit que , formĂ©s avec d’aussi petites pierres , ils dĂ©voient plus aisĂ©ment se dĂ©sunir et par-consĂ©quent ĂȘtre dĂ©truits les premiers 2 5 on en a trouvĂ© cependant une infinitĂ© , parfaitement intacts , Ă  Her- culanum et Pompeia ; on est parvenu Ă  les enlever par grandes piĂšces , et on les a placĂ©s dans le musĂ©um de Porlici ; ils servent de pavĂ©s aux salles , oĂč l’on a rĂ©uni toutes les antiquitĂ©s trouvĂ©es dans ces deux villes anciennes. A Rome, on a pavĂ© de mĂȘme plusieurs salles du musĂ©um ClĂ©mentin au Vatican , avec des mosaĂŻques qu’on a dĂ©tachĂ©es dans les anciens Ă©difices de Tivoly , de Palestine , l’ancienne Preneste des Romains et de Rome mĂȘme. On distingue sur-tout celui de la grande salle de ce musĂ©um, nommĂ© la Rotonde. Tous les fragmens de mosaĂŻque y sont rĂ©unis avec beaucoup d’art 5 tellement que dans ce nouveau musĂ©um , nous marchons encore sur les pavĂ©s des anciens, et nous avons le plaisir d’admirer les jolis dessins dont ils les embellissoient ; ils sont parfaitement conservĂ©s , ainsi que les couleurs des diffĂ©rentes pierres et Ă©maux dont ils Ă©toient formĂ©s. L’invention des pavĂ©s , dit Pline , nous vient originairement des Grecs ; ils employoient beau- coup de pavĂ©s de couleur qu’ils peignoient avec le plus grand soin. Ces pavĂ©s perdirent leur vogue dĂšs que la mosaĂŻque fut connue. Sosus , Ă  ce qu’on dit , excelloit Ă  faire ces sortes de pavĂ©s $ > il fit le superbe pavĂ© de la salle du théùtre de Pergame , appelĂ© par les Grecs Àsaratos Ɠcos 5 » parce que ce pavĂ© Ă©toit fait avec un amas de petits coquillages et de petites briques peintes de diverses couleurs. On y admire sur-tout une colombe qui boit ; elle est si artistement faite que » sa tĂȘte porte ombre sur l’eau. On y voit d’autres pigeons qui se grattent et se pavanent au soleil, » sur le bord d’une coupe 4. Je crois , continue Pline , que les pavĂ©s de Mauritanie que nous » employons aujourd’hui, ont conservĂ© leur premiĂšre forme , comme aussi ceux que nous faisons pour paver nos maisons j puisque les uns et les autres sont sciĂ©s et battus d’oĂč leur est venu » le nom de pavĂ© 5. Les pavĂ©s faits de petites pierres taillĂ©es et carrĂ©es furent inventĂ©s et em- 1 Leur nombre est bien plus considĂ©rable que celui des autres paves. 2 MosaĂŻque , vient du mot latin mushum ouvrage fait en compartiment , dont on a fait par corruption , Musdium et ensuite Mosaicum. 3 C’est-Ă -dire qui n’a pas e'tĂ© balaye' on lui donnoit ce nom, pareequ’on voyoit si industrieusenaent reprc'sente'es, sur ce pave', les miettes et les salete's qui tombent de la table , qu’il sembloit que ces objets lussent rc'els, et que les valets n’avoient pas eu soin de les balayer. 4 On voit Ă  Rome , dans le muse'um d’antiquitĂ©' qui est au capi- tole , une mosaĂŻque ancienne qui repre'sente quatre tourterelles, sur le bord d’un vase ; elles ont les attitudes dont parle Pline. Il paroit que c’est une copie de celles qui e'toient sur le pave' du the'Ăątre de Pergame dont parle cet auteur. 5 Du mot latin patire , qui signifie battre , frapper, consolider, ce qu’on faisoit Ă  ces sortes de pave's pour les enfoncer dans l’enduit. Lo 34 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. ployĂ©s la premiĂšre fois pour le temple de Jupiter , au Capitole, au commencement de la troisiĂšm© » guerre punique. Quoique les pavĂ©s fussent dĂ©jĂ  trĂšs-communs Ă  Rome avant la guerre que nous D eĂ»mes contre les Balaves et les Teutons, on Ă©loit dĂ©jĂ  trĂšs-recherchĂ© alors pour les rendre agrĂ©a- blĂ©s ; mais on voit par ce que dit Lucilianus , que ces pavĂ©s Ă©loient faits en mosaĂŻque. Nous » devons encore aux Grecs l’invention des plates-formes qui se font au-dessus des maisons ; ils » avoient coutume de couvrir ainsi les leurs. Ce moyen rĂ©ussit Ă  merveille et convient beaucoup » dans les pays chauds ; mais il est rempli d’inconvĂ©nients dans les pays oĂč il neige beaucoup pen- > dant l’hiver. Pour bien faire ces plaies-formes , il faut, avant tout, faire un double plancher d’ais, n les uns couchĂ©s de long, et les autres de travers, et bien clouer ces ais Ă  leurs extrĂ©mitĂ©s , crainte » qu’ils ne se dĂ©jetlent et ne se tordent. Puis il faut prendre les deux tiers de plĂątre ou de moĂ«lon > de pierres nouvellement brisĂ©es ; y ajouter un tiers de tuileaux concassĂ©s et pulvĂ©risĂ©s ; on joindra » Ă  tout cela la cinquiĂšme partie de chaux ensuite on fera une couche de ce ciment, qui aura » la hauteur d’un pied et qu’il faudra battre trĂšs-fort avec la hie , pour bien l’entasser. Cela fait, » on Ă©tend par-dessus* le noyau, qui est une autre couche de ciment , de l’épaisseur de six pouces, » sur laquelle on place, les grands carreaux de pierres plates , qui ont au moins deux pouces d’épais- seur , et qu’il faut enfoncer Ă  la profondeur d’un doigt au moins dans celle derniĂšre couche de p ciment. Pour leur donner la pente nĂ©cessaire , on doit avoir soin de hausser le niveau de deux » doigts de dix pieds en dix pieds. AprĂšs cela, il faut l’applanif , ĂŽter l’écume du mortier, et le n rendre bien uni avec le polissoir. On doit avoir eu la plus grande attention de faire le plancher de bon bois de chĂȘne , dont les ais ne soient pas dans le cas de tordre car ils gĂąteraient tout l’ouvrage. Pour Ă©viter cet inconvĂ©nient, on a trouvĂ© qu’il Ă©toit bon de les couvrir de fougĂšre n ou de paille , pour empĂȘcher que la chaux n’y pĂ©nĂštre trop tĂŽt. 11 faut aussi de toute nĂ©cessitĂ© » les couvrir d’un lit de cailloux ronds. On emploie les mĂȘmes procĂ©dĂ©s pour les pavĂ©s faits en n arĂȘtes de poissons 1 . D Je ne veux cependant pas publier de parler d’unĂ© espĂšce de pavĂ© trĂšs-joli, employĂ© par les Grecs aprĂšs avoir bien battu et foulĂ© la place qu’ils veulent paver , ils Ă©tendent dessus un » lit de tuileaux concassĂ©s, sur lequel ils jettent une couche fort Ă©paisse de charbons pilĂ©s; puis ils n lui donnent le dernier ciment, qui est un mortier fait de chaux , de sable et de cendre enfin » ils mettent par-dessus , avec le niveau, l’équerre et la rĂšgle, des carreaux de pierre, qui ont » un demi - pied de large ; ils prĂ©tendent que c’est le vrai pavĂ© qu’on emploie Ă  Pise ; en effet, D quand le polissoir a passĂ© dessus , il semble que tout ce pavĂ© soit noir. Quant aux pavĂ©s Ă  la » mosaĂŻque , il paraĂźt qu’on commença Ă  les employer du temps de Sylla , qui fit paver, de petites d piĂšces rapportĂ©es Ă  la mosaĂŻque , le temple de la fortune Ă  PrĂ©nesie ; on a portĂ© la recherche » pour les pavĂ©s jusqu’à faire des pavĂ©s de verre 2 . Une partie de ce pavĂ© en mosaĂŻque , qui Ă©toit dans le temple de la fortune Ă  Preneste , aujourd’hui Palestrine , se conserve Ă  Rome dans le palais Barberini , cpii appartient au prince de Pales- trine , oĂč on l’y a fait conduire aprĂšs l’avoir enlevĂ© on regarde cette mosaĂŻque comme un des plus beaux monumens de l’antiquitĂ©. Elle est composĂ©e de petits fragmens de marbre ; on y voit plusieurs figures d’animaux et de plantes ; une tente avec des soldats, une galĂšre , des pretres qui 2 Pline. Hist. Nat. Liv. XXXVI, Chap. 26. S 1 O pus spicata testacea , forment un chƓur de musique , des personnages occupĂ©s Ă  des travaux rustiques , des tours , des obĂ©lisques , des temples , des cabanes et des barques. On voit que Pline a entiĂšrement tirĂ© de Yilruve tout ce qu’il dit sur la construction des pavĂ©s ;si ce n’est qu’il rapporte l’époque de l’invention de plusieurs de ces pavĂ©s , ou plutĂŽt le temps ou l’on en a introduit l’usage Ă  Home. Dans tout ce chapitre de Yitruve , on voit clairement qu’il l’a entiĂšrement consacrĂ© Ă  traiter des diffĂ©rens pavĂ©s , et qu’il n’a pas voulu parler d’autre chose. On ne peut donc douter que Je mot ' rucleratio qu’il emploie , n’indique particuliĂšrement cet enduit qui se faisoit sous les pavĂ©s , et non pas celui qui se faisoit sur les murs, comme Perrault semble l’avoir compris , suivant ce qu’il dit ^dans la premiĂšre note qu’il a mise au commencement de ce chapitre. Ce seroit plutĂŽt le mot expo- litiones qui comprendroit l’un et l’autre des enduits. X CHAPITRE'! I. Comment on doit prĂ©parer la chaux pour faire le stuc. AuprĂšs avoir soigneusement examinĂ© tout ce qui concerne les pavĂ©s , je vais indiquer de quelle maniĂšre on doit traiter les ouvrages en sluc. Le principal est de choisir les meilleures pierres possibles, pour faire la chaux * et de laisser dĂ©tremper celle-ci long-temps axant de l’employer ; alin que les morceaux qui auront Ă©tĂ© moins cuits que les autres dans la fournaise , puissent avoir le loisir de s’imprĂ©gner , et de se dissoudre comme ceux-ci ‱ car si l’on employoit la chaux en sortant de la fournaise , sans la dĂ©tremper , il se formeroit sur l’ouvrage des espĂšces de pustules , occasionnĂ©es par les petits morceaux qid s’éteignent plus tard que le reste de la chaux ; ils rompent l’enduit et en gĂątent tout le poli. Pour connoĂźtre si la chaux est bien Ă©teinte ,~et suffisamment dĂ©trempĂ©e, il la faut dĂ©couper avec le hoyau, comme on fait le bois avec une cognĂ©e. Si le hoyau rencontre de petites pierres , c’est une marque qu elle n’est pas encore bien Ă©teinte et si en le tirant dehors , le fer en sort clair et net, cela signifie que la chaux est maigre et pas assez abreuvĂ©e ; au lieu que si la chaux est grasse et assez gluante pour s’attacher au fer de cet outil, on sera assurĂ© qu elle est parfaitement dĂ©trempĂ©e. Alors il faut prĂ©parer les instrumens nĂ©cessaires pour enduire les voĂ»tes des chambres dont les planchers ne forment point un plafond horizontal. 3i6 L’ARCHITECTURE DE VITRÜYE, RE MARQUE S. Par les mois albarium opus , on entend le stuc et toute espĂšce d’enduit de couleur blanche , qu’on Ă©tend sur les murs pour les crĂ©pir en le polissant. Tectorium opus sont des termes plus gĂ©nĂ©raux , sous lesquels on comprend toute espĂšce d’enduits. Nous avons dĂ©jĂ  observĂ© , dans nos remarques sur le 2, me chapitre du Y. ma livre , que albarium et album opus y ne pouvoient signifier le blanchissage qui se fait avec la brosse imbibĂ©e d’eau de chaux , comme Philander l’a cru ; mais qu’il signifioit le stuc car premiĂšrement dans le blanchissage qui se fait avec l’eau de chaux , il ne peut survenir de ces espĂšces de pustules dont parle Vitruve , lorsqu’il dit cum fuerit inducta habens latentes calculos 3 pustulas amittit. Secondement , dans le 2. me chapitre du V. me livre , il dit qu’on droit des corniches avec ce qu’il y nomme opĂ©rĂ© albario } ce que nous avons observĂ© alors. Finalement, on remarque qu’en parlant des voĂ»tes, des Ă©tuves, dans le io. me chapitre du V. me livre , il dit primum testa cum calce trullissetur , deinde opĂ©rĂ© albario , sive tectorio poliatur ce qui fait clairement* voir que cet opĂ©rĂ© albario Ă©toit une matiĂšre qui avoit quelque consistance , c’est-Ă -dire que c’étoit un enduit propre Ă  couvrir la premiĂšre^couche qui Ă©toit faite avec des briques concassĂ©es, dont celui-ci devoit remplir toutes les fentes et cavitĂ©s. 11 seroit difficile de connoĂźtre en quoi cet enduit diffĂ©roit de celui nommĂ© marmoratum. Il se peut que ces mots Ă©toient synonymes et qu’ils signifioient tous deux du stuc Ă  moins que marmoratum ne signifiĂąt proprement le stuc qui se faisoit avec la poudre de marbre ; et albarium opus y celui qui se faisoit avec le plĂątre. Usus gypsi in albariis , dit Plin. , Liv. XXXVI, Chap. 5 g. ÉS,1 s creva i, o iS, 13 L’outil dont les anciens se servoient pour prĂ©parer le mortier , et que Vitruve nomme ascia , n’est autre chose que le hoyau , dont nous nous servons encore aujourd’hui, pour le mĂȘme usage; comme l’a trĂšs-bien dĂ©montrĂ© M. le chanoine Mozzocchi dans son traitĂ© de dedicatione sub as- cia , imprimĂ© Ă  Naples en 1739 , particuliĂšrement dans la note Ăź 52 , Ă  la page lo 3 et suiv., oĂč il explique, avec une clartĂ© et une Ă©rudition admirable, les diffĂ©rens enduits dont les anciens se servoient. j'i rete I te Les anciens faisoient les couvertures ou plafonds de leurs chambres de deux maniĂšres les unes Ă©toient voĂ»tĂ©es, et se nommoient camerĂŠ et concamerationes. Les autres avoient des plafonds horizontaux , faits en bois , et se nommoient lacunaria et contignationes. Comme il n’y avoit que les plafonds voĂ»tĂ©s qui Ă©toient couverts d’enduit, et que ceux faits en bois ne l’étoient pas , voilĂ  pourquoi Vitruve dit Ă  la fin de ce chapitre, qu’on prĂ©parera les inslrumens nĂ©cessaires pour appliquer le stuc sur les voĂ»tes des chambres , dont les planchers ne formeront pas des plafonds horizontaux H W LIVRE VII, C h a p, ni. 3i 7 CHAPITRE III. Des Enduits. C^uand on veut former une voĂ»te au-dessus d’une chambre , voici comme on doit la faire ĂŽn place parallĂšlement des soliveaux . Ă  la distance de deux pieds les uns des autres ; les meilleurs sont ceux faits de bois de cyprĂšs , parce que le sapin se corrompt trop vite. On dispose ces soliveaux en forme de cintre , au moyen des liens qu’on fait tenir en les attachant avec des doux de fer , qu’on enfonce fortement dans le plancher , ou dans le toit. On doit faire aussi les liens d’un bois qui ne soit pas sujet Ă  se gĂąter par le temps , la vermoulure, et l'humiditĂ©. Il faut employer le buis, le genĂ©vrier , l’olivier , l’yeuse , le cyprĂšs, et autres bois semblables , hormis le chĂȘne commun, qui est trop sujet Ă  se tordre , ce qui occasionne des crevasses dans tous les ouvrages oĂč l’on s’en sert. AprĂšs avoir arrĂȘtĂ© les soliveaux , on y attache , avec des cordes faites de joncs d’Espagne , des cannes Grecques , battues et Ă©cachĂ©es , afin qu’on puisse aisĂ©ment les plier - selon la courbure de la voĂ»tĂ©. On Ă©tendra , par - dessus la voĂ»te , une couche de chaux mĂȘlĂ©e avec du sable, pour retenir l’eau qui pourroit tomber des planchers ou des toits. Quand on n’a pas assez de cannes grecques , on prend de petits joncs de marais qu’on lie ensemble avec des cordes faites de mĂȘmes joncs pour en faire des fascines d une longueur convenable et de la grosseur la plus Ă©gale qu’on pourra , en observant de laisser au moins la distance de deux pieds entre chaque lien. On attache ces fascines, comnje on vient de le dire , avec des cordes faites de joncs d’Espagne, en les nouant sur dçs chevilles de bois fichĂ©es dans les soliveaux. Tout le reste se fait comme on la dit plus haut. Les voĂ»tes Ă©tant ainsi prĂ©parĂ©es , on commence Ă  les crĂ©pir par dessous, avec le premier enduit , composĂ© de chaux et de gravier ; on l Ă©galise ensuite avec du mortier fait de chaux et de sable; et on les polit*enfin avec une composition de chaux et de craie, ou de marbre. Les voĂ»tes Ă©tant polies , on fera , Ă  leur naissance , des corniches aussi lĂ©gĂšres qu’il sera possible ; le poids de celles qui sont massives 3i8 L’ARCHITECTURE DE Y I T R U V E. occasionne trop souvent leur chĂ»te. Il ne faut pas mĂȘler de plĂątre dans leur composition ; il ne doit y avoir que du marbre rĂ©duit en poudre , crainte que l’ouvrage ne se sĂšche inĂ©galement car le plĂątre se sĂšche et s’endurcit plus vite que le marbre. Nous ne devons pas imiter non plus , dans nos plafonds , les corniches saillantes des anciens ; leur poids les rend trop dangereuses. Nous avons deux sortes de corniches ; les unes unies , et les autres taillĂ©es de culpture. Dans les places oĂč l’on fait du feu , et oĂč l’on allume beaucoup de lumiĂšres , on doit les faire unies , pour qu’on puisse essuyer aisĂ©ment la suie qui s’y attache. Mais dans les apparlemens d’étĂ© et dans les exĂšdres i , oĂč rien ne produit de la fumĂ©e ou de la suie , on les peut faire taillĂ©es. La plus grande beautĂ© de ces sortes d’ouvrages consiste sur-tout dans leur extrĂȘme blancheur. Il faut donc Ă©viter que la moindre fumĂ©e , mĂȘme celle des appartenons voisins , ne viennent les souiller. AprĂšs avoir achevĂ© ces corniches , il faudra jeter , sur les murailles , un enduit composĂ© de chaux et de gravier , qu’on fera le plus rude qu’il sera possible ; et avant que cet enduit ne soit tout Ă  fait sec , on aura soin d Ă©baucher les moulures avec le mortier de chaux et de sable , en traçant celles qui traversent avec la rĂšgle et le niveau; celles qui montent avec l’aplomb , et les angles avec l'Ă©querre , alin qu’elles se rĂ©pondent exactement. Les encadremens faits de cette maniĂšre , embellissent beaucoup les peintures qui sont sur l’enduit. A mesure que l’enduit sĂ©chera , on Ă©tendra une seconde et une troisiĂšme couche ; plus ces couches seront Ă©paisses, plus l’enduit sera solide et subsistera long-temps. Lorsqu’on aura appliquĂ© trois couches de mortier sur le premier enduit, on Ă©tendra sur celles-ci , celles qui sont faites avec la poudre de marbre ; ce stuc doit ĂȘtre tellement corroyĂ© et pĂ©tri , qu’il ne s’attache pas Ă  la truelle ; il faut que son fer s’en retire bien net. On mettra sur cette premiĂšre couche de stuc, composĂ©e de poudre de marbre , Ă  gros grains , avant qu elle soit sĂšche , une seconde couche dont le grain sera plus fin. AprĂšs avoir rendu celle-ci bien unie , on Ă©tendra la troisiĂšme composĂ©e d’une poudre de marbre trĂšs-fine. Les murs Ă©tant ainsi couverts de trois couches de mortier de sable , et d’autant de celles de sluç , ils ne seront sujets ni Ă  se fendre ni Ă  se gĂąter d’aucune maniĂšre. Si ces couches sont bien battues et repoussĂ©es , et ensuite bien polies , la blancheur et la duretĂ© du marbre rendront les couleurs qu’on couchera dessus , et qui s’imbiberont dedans , on ne i Nous avons vu que c’étoit des salles oĂč l’on se rĂ©unissoit pour y faire la conversation. LIVRE VII, C h A r. in. 3 i9 peut pas plus vives et trĂšs-Ă©clatantes. Les couleurs qu’on applique Ă  fresque sur le stuc., ne se ternissent pas, et conservent toujours leur Ă©clat. La chaux ayant perdu toute son humiditĂ© dans la fournaise , devient aride et poreuse ; ce qui fait qu elle s’imprĂ©gne. AussitĂŽt des couleurs et autres matiĂšres qu elle touche , s’amalgament avec elles ; et de ces matiĂšres premiĂšres, qui se communiquent leurs diverses qualitĂ©s , il se forme un corps solide , qui, en sĂ©chant, conserve toutes celles des principes qui le composent. Tellement que les couleurs qu’on applique sur un enduit bien prĂ©parĂ© , ne se ternissent jamais en vieillissant, et ne s’effacent mĂȘme pas , quand on les lave, Ă  moins qu on ne les eĂ»t appliquĂ©es sur le stuc quand il Ă©toit dĂ©jĂ  trop sec et l’enduit fait sur le mur, d’aprĂšs les rĂšgles que nous venons de prescrire, sera solide , brillant et de longue durĂ©e. Au lieu que si l’on ne mettoit qu’une couche de mortier de sable et une de marbre , ce mince enduit se romproit aisĂ©ment, et ne pourroit jamais, Ă  cause de son peu d Ă©paisseur , recevoir un poli bien brillant. De mĂȘme un miroir fait d’une lame d’argent trop dĂ©liĂ©e, reluit foiblement, et rend les images d’une maniĂšre incertaine au contraire s’il est fort solide , il sera trĂšs-clair et reprĂ©sentera les images distinctement, parce qu’il aura pu recevoir le plus beau poli. Ainsi les enduits qui sont minces , sont sujets Ă  se gerser , et perdent incontinent tout leur lustre tandis que ceux, que plusieurs couches de mortier , de sable et de marbre, ont rendus assez Ă©pais pour recevoir un beau poli , Ă  force d’ĂȘtre bien repoussĂ©s et battus , demeurent si luisans , qu’on peut toujours s’y voir comme dans un miroir. Les ouvrages des stucaleurs grecs sont extrĂȘmement durs , parce qu’outre les moyens que nous venons d’indiquer , ils font encore battre avec des bĂątons , et corroyer par un nombre d hommes suffisant, le sable et la chaux mĂȘlĂ©s ensemble, dans un grand mortier , et nĂ© l’emploient qu’aprĂšs l’avoir bien prĂ©parĂ©. Il y en a aussi plusieurs parmi eux qui scient sur de vieux murs, des morceaux d’enduit, et s’en servent au lieu de brique , pour former les reliefs des moulures autour des encadremens. t Les enduits qu’on fait sur des cloisons de bois exigent d’autres prĂ©cautions les piĂšces montantes , et celles qui traversent, font nĂ©cessairement fendre l’enduit , parce qu’étant humectĂ©es, lorsqu’on les couvre de terre grasse , elles se retirent en sĂ©chant. Voici comme il faut faire pour Ă©viter cet inconvĂ©nient quand la cloison sera couverte de terre grasse, on attachera sur toute son Ă©tendue , avec des clous Ă  tĂȘte, des cannes Ă  cĂŽtĂ© les unes des autres, sur lesquelles on mettra de la terre grasse, 320 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. et ensuite un autre rang de cannes qui seront droites , si l’on a mis les premiĂšres en travers ; on enduira, comme on l’a dit 'tout Ă  l’heure , d’abord avec le mortier de sable , et aprĂšs, avec le stuc. Ce double rang de cannes posĂ©es en sens contraire les unes des autres , et arretĂ©es par tout, empĂȘchera l’ouvrage de se rompre et de se fendre. REMARQUES. Il faut remarquer avant tout, que le revĂȘtement des murs de grands Ă©difices publics , chez, les anciens, se faisoit avec le mĂȘme soin et la mĂȘme propretĂ© , soit qu’on voulĂ»t les enduire ou non j’en ai vu plusieurs dont l’enduit Ă©toit tombĂ© , et la muraille paroissoit aussi propre que si elle avoit Ă©tĂ© faite pour rester Ă  nud. L’enduit des murailles se faisoit avec beaucoup plus de soin qu’on ne le fait aujourd’hui car on en mettoit jusqu’à sept couches diffĂ©rentes, comme nous venons de le voir. Appliquer le premier enduit s’appeloit trullisare le mortier qu’on employoit pour cela , Ă©toit composĂ© de chaux mĂȘlĂ©e de cailloux, ou de briques concassĂ©es. Appliquer le second s’appeloit ctrenct dirigere. Celui-lĂ  se faisoit avec de la chaux- mĂȘlĂ©e de sable. ExceptĂ© pour les endroits humides ; alors on y mĂȘloit de la tuile pilĂ©e , et il ressembloit au premier. Appliquer le troisiĂšme , destinĂ© Ă  recevoir un plus beau lustre que les autres , s’appeloit creta aut marmora polire y il Ă©toit composĂ© de chaux , ou de chaux mĂȘlĂ©e avec du sable , ou de la poudre de marbre , ou de plĂątre ou d’autres matĂ©riaux semblables. C’est ce que nous nommons le stuc. Les anciens employoient souvent celui composĂ© avec le plĂątre , comme nous faisons encore aujourd’hui , c’est-Ă -dire avec le gypse ou sulfate de chaux , qui est une substance minĂ©rale composĂ©e de chaux et d’acide sulfurique et appelĂ©e pierre Ă  plĂątre. Cette substance se trouve abondamment dans plusieurs endroits de l’Italie et de la France la montagne de Montmartre prĂšs de Paris en est toute formĂ©e. Les stucateurs , pour s’en servir , lui donnent une demi-cuisson j ils la pulvĂ©risent ensuite, et en forment un mortier , en l’imprĂ©gnant d’eau. Il est Ă©tonnant, comme il s’endurcit vite , et il n’est plus possible, aprĂšs cela , de l’amollir en le mouillant. Comme ce stuc sĂšche bien plus vite que celui composĂ© de poudre de marbre , Yitruve recommande de ne les pas mĂȘler ensemble , parce qu’alors il s’y formeroit certainement des crevasses. On mettoit trois couches de ce stuc composĂ© de marbre pulvĂ©risĂ© , sur les trois autres faites avec le mortier de sable ou de gravier. La premiĂšre de Ces couches avoit le grain beaucoup plus gros que celui de la seconde, et le grain de la troisiĂšme, qui Ă©toit destinĂ©e Ă  recevoir le plus beau poli , n’étoit qu’une poudre extrĂȘmement fine, comme Yitruve le dit dans ce chapitre et le confirme dans le 6.* de ce livre, oĂč il s’exprime en ces termes eĂŠ autern excretĂŠ cissulƓ tusoe tribus generibus seponnntur et quĂŠ pars grandior fuerit quemadmodum suprĂ  scriptum est , arenato primĂčm cum calce inducitur, deinde sequens , ac tertio quĂŠ subtilior fuerit , etc. C’est-Ă -dire , il y a trois sortes de poudre de marbre. La plus grosse, comme on l’a dit, sert Ă  faire la premiĂšre couche que l’on met sur le mortier de chaux et de sable j la moyenne se met ensuite , et la plus dĂ©liĂ©e se met la derniĂšre , etc. » C’est la seule qu’on emploie aujourd’hui ; les stucateurs l’appliquent immĂ©diatement sur l’enduit composĂ© de sable et de chaux. Cette maniĂšre est bien plus expĂ©ditive que celle des anciens ; mais notre stuc n’a guĂšre la soliditĂ© du leur. Chacune des sept couches qu’ils met- toient, LIVRE VII, C h a p. ni. 3 2I toiellt, Ă©toient bien battues et bien repoussĂ©es, et le tout Ă©toit enfin couvert de marbre pilĂ© et passĂ© au tamis. Un pareil revĂȘtement n’avoit cependant pas au-delĂ  ,d’un doigt d’épaisseur. Les murs enduits de celte sorte acquĂ©roient une duretĂ© , une blancheur et un poli qui les rendoient luisans comme des miroirs ; j’ai vu des dessus de table faits avec des morceaux d’enduit qu’on avoit sciĂ©s de ces murs. Il n’est pas mĂȘme possible d’abattre le revĂȘtement des murs et des piliers de ce qu’on appelle le sette sale des bains de Titus Ă  Rome , et de la piscina mirabile proche de Bayes -, le revĂȘtement en Ă©tant aussi dur que le fer, et aussi poli qu’un miroir. Aux bĂątimens communs , et aux tombeaux, dont le cĂŽtĂ© intĂ©rieur du mur n’est pas fait avec la mĂȘme propretĂ© , le revĂȘtement a deux doigts d’épaisseur. Vitruve , en enseignant comme on doit enduire l’intĂ©rieur des Ă©difices , suit le mĂȘme ordre qu’il a suivi dĂšs le commencement de son ouvrage j c’est - Ă  - dire, celui que suit l’ouvrier qui construit l’édifice. Il a commencĂ© par enseigner comme on devoit faire les fondemeus, ensuite comme on devoit poser les stylobates , les bases, les colonnes , leurs chapiteaux , les enlablemens , etc. , parce que lorsqu’on Ă©lĂšve un bĂątiment, c’est par le bas que l’on commence. Mais pour enduire l’intĂ©rieur d’une salle, c’est au contraire par le haut qu’on commence. Aussi Vitruve enseigne-t-il d’abord comme on doit enduire les plafonds. On a dĂ©jĂ  parlĂ© des plafonds horisontaux dont la plupart avoit des comparli- mens ou panneaux enfoncĂ©s, comme est aujourd’hui le plafond de Sainte-Marie-Majeure, Ă  Rome, qui est dorĂ© comme l’étoient beaucoup de plafonds des anciens , ce que j’ai observĂ© entr’autres dans les ruines du palais des empereurs Ă  Rome, oĂč l’or s’est conservĂ© malgrĂ© l’humiditĂ© du lieu. Dans ce chapitre , Vitruve enseigne comment on doit former la voĂ»te d’un plafond. On place , dit - il, parallĂšlement , directi des soliveaux Ă  la distance de deux pieds les uns des autres. Le mot directi qu’il emploie ici , en parlant d’une voĂ»te , ne peut signifier droit ou direct il signifie certainement parallĂšle , comme le texte mĂȘme nous le fait comprendre clairement peu aprĂšs en ces termes. Hique asseres cum ad formant circinationis fuerint distributi , c’est-Ă -dire qu’on doit distribuer ces mĂȘmes soliveaux , en forme de cintre. Galiani trouve que Perrault en entendant par ad formam circinationis seulement une voĂ»te en demi-cercle, a donnĂ© Ă  ces mots une interprĂ©tation trop resserrĂ©e. 11 croit que , par ces expressions , l’auteur entend en gĂ©nĂ©ral toute spĂšce de cintre. D’aprĂšs cela , on voit qu’on disposoit ces soliveaux en forme de cintre , en les attachant avec des liens catenas qu’onj faisoit tenir avec des clous de fer, enfoncĂ©s fortement dans le plancher ou dans le toit. Vitruve nomme catenas , ce que nos charpentiers appellent des liens. Ce sont des morceaux de bois qui ont un tenon Ă  chaque bout, et qui, Ă©tant chevillĂ©s, entretiennent la charpente en tirant ; de mĂȘme que les esseliĂšres et les jambettes entretiennent en rĂ©sistant ; ils servent ici Ă  attacher les soliveaux aux solives du plancher, ou aux chevrons du toit. Quoique l’auteur ne le dise pas expressĂ©ment, il est aisĂ© de comprendre que ces liens doivent ĂȘtre de diffĂ©rentes grandeurs, conformes Ă  la distance qui se trouve entre la courbe du cintre et le plancher ou le toit. Vitruve continue, en disant les soliveaux Ă©tant arrĂȘtĂ©s, on y attachera avec des cordes faites de joncs d’Espagne , des cannes grecques, battues et Ă©cachĂ©es , afin qu’on puisse aisĂ©ment les plier selon la courbure de la voĂ»te. Si l’on n’a pas assez, ajoute-t-il plus bas , des cannes grecques, on 322 L’ARCHITECTURE DE VITRTJVE. prendra des petits joncs de marais qu’on liera ensemble pour en faire des fascines d’une longueur convenable , et d’une grosseur la plus Ă©gale qu’il se pourra , etc. Le contour ou cintre de la voĂ»te se faisoit donc avec des cannes qu’on avoit soin d’écacher , pour les plier Ă  volontĂ© , ou avec des fascines faites de joncs de marais , qu’on lioil sur les soliveaux avec des cordes faites avec le sparte ou joncs d^Espagne. Par canne grecque , l’auteur entend, certainement la grosse canne qui croĂźt abondamment en GrĂšce et en Italie , sur tout aux environs de Rome. Cette canne est aussi connue en France ; mais elle ne croĂźt ni aussi haute ni aussi grosse dans les provinces du nord. Le jonc de marais qu’il veut qu’on emploie en dĂ©faut de cannes, est connu de tout le monde, puisqu’il croĂźt dans toute l’Europe ; il ressemble Ă  la canne , mais est beaucoup plus mince et plus petit , puisque la canne a prĂšs d’un pouce de diamĂštre et souvent 25 Ă  3o pieds de hauteur. Perrault et Balde , en parlant de ces fascines de joncs , voudroient qu’au lieu de mataxƓ tomicƓ , on lĂ»t maxatƓ tomicƓ , et malgrĂ© que tous les manuscrits fussent d’accord sur ce passage, Phi- ĂŻander l’avoit dĂ©jĂ  corrigĂ©, et vouloit qu’on lĂ»t mataxƓ et tomicƓ. Galiani , que nous avons suivi , a trouvĂ© la vraie interprĂ©tation du texte sans y rien changer , en prenant le mot tomicƓ au gĂ©nitif, rĂ©gi par alligationibus ainsi par mectaxƓ il entend les fascines faites de joncs , et par tomicƓ , leurs liens faits du mĂȘme jonc. Le sens est donc que ces fascines mataxƓ , se lioient avec du jonc qu’on avoit soin de tordre, temperentur alligationibus tomicƓ 9 etc. , en observant qu’on dit tomica , Ɠ , et tomice , es. En Italie on cloue encore des cannes sur les plafonds et les cloisons pour appliquer l’enduit par dessus. Le sparte, ou jonc des montagnes d’Espagne, dont Yitruve veut qu’on fasse les cordes qui doivent lier les cannes ou fascines aux solives , est trĂšs-connu. La GrĂšce , Rome , Carthage , l’Europe et l’Afrique, en ont fait un usage constant et journalier. Les anciens fabriquoient avec ce vĂ©gĂ©tal, non seulement des cordages , mais des nattes , des panniers , des chaussures , etc. Les marins nomment sparton un cordage fait avec ce jonc. M. r de Gavoty, de Berthe , qui a rĂ©sidĂ© long-temps en Espagne , avoit Ă©tabli , il y a quelques annĂ©es , Ă  Paris, une manufacture de sparte , dans laquelle on exĂ©cutoit presque tous les ouvrages qui se font dans le pays mĂȘme oĂč celte plante croĂźt. Il se fait Ă  Paris une grande consommation de tapis de sparterie , auxquels on donne diffĂ©rentes couleurs; ils sont communĂ©ment verts, et imitent le gazon'; c’est sans doute ce qui a fait imaginer d’en envelopper les pots de Heurs qu’on place dans les apparlemens sur les consoles et les cheminĂ©es. La dĂ©coration des chambres que j’ai vues dans les ruines des bains de Titus Ă  Rome , et de Pompeia prĂšs de Naples, ressemble parfaitement Ă  ce que Vitruve nous dit dans ce chapitre. Sous la voĂ»te des chambres rĂšgne une petite corniche en stuc * qui s’avance en saillie de deux ou trois doigts ; elle est unie , ou bien ornĂ©e de feuillages. Cette corniche coupe la partie supĂ©rieure de / / LIVRE VII, C h a p. m. 3s3 la porta, laquelle , suivant les rĂšgles de l'architecture , doit avoir,trois cinquiĂšmes de la hauteur de la chambre j et de cette maniĂšre la chambre se trouve coupĂ©e en deux parties. La partie supĂ©rieure qui sert comme de frise Ă  la partie d’en bas, est Ă  celle-ci comme deux sont Ă  trois. L’espace aĂŒ-dessus et au-dessous de la corniche , est partagĂ© en compariimens ou panneaux , lesquels sont plus hauts que larges , et ont ordinairement la largeur de la porte , laquelle forme elle-mĂȘme un de ces compartimens ; il y en a d’autres plus petits , ronds ou carrĂ©s dans lesquels sont peints des figures , des paysages. Dans un de ces compartimens j long de deux pieds environ et haut de trois pouces , Ă©toient peints trĂšs en petit, dĂšs gladiateurs sur un fond noir. Le dessin des figures Ă©toit de la plus grande beautĂ©. Au-dessus de la corniche se trouve la mĂȘme division ; mais de maniĂšre cependant que les compartimens en sont plus larges que longs ; on y avoit aussi peint des paysages , des marines, ou sujets semblables. On voit une muraille divisĂ©e et dĂ©corĂ©e de cette maniĂšre dans la galerie des tableaux tirĂ©s d’Her- culanum , qui sont Ă  Porlici. C’est un morceau d’environ dix-huit pieds de long sur treize de large. Celte muraille a , comme nous l’avons dit , des panneaux au-dessous et au-dessus de la corniche , laquelle est enrichie de feuillage. Des trois compartimens d’en bas , celui du milieu est plus large que celui des deux cĂŽtĂ©s. Le premier est encadrĂ© en jaune, et les autres en rouge. Entre ces panneaux , on voit des paysages sur des fonds rouges ou jaunes. Àu-clessus de la corniche , il y a quatre autres panneaux , dont deux tombent sur le panneau du milieu d’en bas; sur l’un est reprĂ©sentĂ© un amas de mĂ©dailles sur une table , avec du papier , des tablettes , une Ă©criloire et une plume ; sur l’autre on voit des poissons et d’autres comestibles. Les anciens avoient deux maniĂšres de peindre sur les murs, l’une Ă  fresque , udo tectorio , l’autre Ă  sec , in cirido. La premiĂšre s’appelle Ă  fresque , parce que l’on peint sur l’enduit fraĂźchement appliquĂ© , et lorsqu’il, conserve encore toute son humiditĂ©. Les couleurs sont uniquement dĂ©trempĂ©es avec l’eau ou avec de l’eau de chaux ; celle-ci sert pour le blanc ; et, comme le dit trĂšs-bien l’auteur, celte peinture est la plus solide de toutes , et celle qui dure le plus long-temps , parce que les couleurs pĂ©nĂ©trant dans l’enduit , s’amalgament tellement avec lui qu’elles ne font plus qu’un mĂȘme corps. Au contraire les peintures Ă  sec , c’est-Ă -dire celles qui se font en appliquant les couleurs sur le mur lorsqu’il est entiĂšrement sĂ©chĂ© , ne subsistent pas, long-temps , parce que ces couleurs ne pĂ©nĂštrent pas dans l’enduit, et restent seulement attachĂ©es Ă  sa superficie , au moyen de la colle dans laquelle elles sont dĂ©trempĂ©es; la moindre humiditĂ© les ternit , ou les fait tomber. D’aprĂšs ce que dit le texte, les stucateurs Grecs faisoient des enduits beaucoup plus durs et plus solides que ceux des stucateurs Romains , parce qu’ils avoient soin de les fouler et corroyer davantage. Il paroĂźt aussi qu’au lieu de brique, pour former le relief des moulures, ils employoient des morceaux d’enduits qu’ils enlevoient de dessus des vieux murs , en les sciant du moins c’est ainsi que Galiani a interprĂ©tĂ© ce passage de Yitruve. Perrault , au contraire , a cru qu’il a voulu donner une preuve de la duretĂ© des enduits faits par les Grecs, dont il venoit de parler ; c’est pourquoi il a traduit ainsi Von se sert , dit-il , des morceaux d’enduits qu’on arrache des vieilles mu - railles , peur en faire des tables , etc. » Barbaro, d’un autre cĂŽtĂ©, croit qu’on arrachoit ce* L’ARCHITECTURE DE VITRUYE. 34 morceaux d’enduits pour en former des panneaux sur lesquels on peignoit , aprĂšs les avoir incrustĂ©s dans les nouveaux murs. L’erreur de ces deux interprĂštes vient de ce que l’un s’est persuadĂ© que le mot abacus signifioit une table , sans doute Ă  manger ou Ă  Ă©crire ; et l’autre , une table sur laquelle on pouvoit peindre. Galiani rĂ©fute ces deux opinions , et tient que le vrai sens de ce passage est, que les anciens Grecs tailloient hors des vieilles murailles des morceaux d’enduits en forme de brique, c’est ainsi qu’il interprĂšte ici le mot abacus , pour les employer dans les nouveaux murs, et en former le relief expressiones des moulures des encadremens speculorum . Nous voyons encore dans ce chapitre , comment les anciens appliquoient l’enduit sur les murs d cloisons formĂ©s par des entrelacs, dont il a parlĂ© dans le 8. e Chap. du II. 0 Liv. ; voyez la fig. de la IV. e planche et l’explication qui est Ă  cĂŽtĂ©. On cloue un double rang de cannes, l’un perpendiculaire , l’autre horisontal sur toute l’étendue de la cloison, et l’on applique l’enduit par-dessus. C’est encore ainsi qu’on le pratique en Italie pour les cloisons. Vilruve dit qu’on doit clouer les cannes avec des clous qu’il nomme muscarii , c’est-Ă -dire clous Ă  mouches. Il est assez singulier que les clous qu’on emploie encore aujourd’hui en Italie s’appellent muscarclini qui signifie la mĂȘme chose en italien. On les a probablement nommĂ©s ainsi, Ă  cause de la ressemblance que les tĂȘtes de ces clous ont avec le corps de la mouche. CHAPITRE IV. Des Enduits qui se font dans les lieux humides . J’ai enseignĂ© la maniĂšre de faire les enduits dans les lieux qui sont secs ; je vais indiquer prĂ©sentement les moyens qu’on doit employer pour les faire dans ceux qui sont humides , afin qu’ils durent long-temps sans se gĂąter. D’abord on doit enduire le bas des appartenons qui sont au rez-de-chaussĂ©e , Ă  la hauteur de trois pieds , avec un mortier composĂ© de chaux et de tuiles concassĂ©es, pour Ă©viter que cette partie de mur ne souffre de l’humiditĂ© mais si l’humiditĂ© y Ă©toit continuelle , il faudroit construire en dedans , Ă  une distance suffisante du premier , un autre mur plus Ă©troit, laissant, entre les deux murs, un canal qui soit plus bas que le pavĂ© de l’appartement, et qui ait des ouvertures libres dans un lieu dĂ©couvert. Le petit mur Ă©tant Ă©levĂ© Ă  hauteur doit avoir aussi des soupiraux car si 1 humiditĂ© ne s’écouloit point par les conduits d'en bas , et ne se pouvoit Ă©vaporer par les soupiraux d’en haut , cette construction d’un nouveau mur ne l’empĂȘcheroit pas de nuire au bĂątiment que l’on construit. Cela Ă©tant achevĂ© , on Ă©tendra sur le petit mur* l’enduit fait de chaux et de tuiles concassĂ©es ; ensuite on le dressera avec le mortier de sable , et on polira avec le stuc. L’emplacement ne permet-il pas d’élever ce petit u 0 f; j;b !r> jtfc b Ï0 u mi iicttr; M If J] Ăźifflt musĂ©um de Portici, on distingue parmi les tableaux de ce genre , celui qui reprĂ©sente l’exploit de ThĂ©sĂ©e en CrĂšte , vainqueur du Minautaure qu’il a terrassĂ© Ă  ses pieds ; autour de lui sont reprĂ©sentĂ©s quatre jeunes athĂ©niens ou athĂ©niennes qui semblent lui rendre grĂące de leur dĂ©livrance. Vilruve trouve souverainement ridicule qu’on abandonne des genres de peintures aussi sages et aussi raisonnables qui nous rendent la vĂ©ritĂ© telle qu’elle est , pour reprĂ©senter des fantaisies qui n’existent pas , qui n’ont jamais existĂ© et qui n’existeront jamais. C’est ce genre que nous avons nommĂ© le grotesque , ou dessin arabesque. ' MalgrĂ© tout ce qu’il dit , le goĂ»t pour ces sortes de peintures existoit avant lui 3 elles plaisoient de son temps , et il n’a pu persuader Ă  la postĂ©ritĂ© de les rejeter ? en montrant combien elles sont ridicules. Comme je l’ai dĂ©jĂ  dit, beaucoup de peintures antiques , qu’on a dĂ©couvertes , Ă©toient de ce genre. RaphaĂ«l a fait revivre ce goĂ»t qui subsiste encore aujourd’hui, sur-tout en Italie. La composition de ces dessins , fruits d’une imagination vive , doit naturellement plaire aux Italiens. CHAPITRE VI. Comment on doit prĂ©parer le marbre pour faire le stuc . rw\ A ous les pays ne produisent pas le mĂȘme marbre. Dans quelques endroits on le trouve par bloc , remplis de petits grains luisans et transparens comme du sel ; ce marbre pilĂ© et broyĂ© est celui qui convient le plus pour faire les enduits et les corniches. Dans bien des pays cependant on ne peut s’en procurer de semblable; on se sert alors des Ă©clats qui tombent de tous les marbres, lorsqu’on les travaille ; on les pile dans un mortier de fer; ensuite on les sasse pour en faire trois sortes de poudre. Celle dont le grain sera le plus gros , aprĂšs l’avoir mĂȘlĂ©e avec de la chaux , servira, comme on l’a dĂ©jĂ  dit, Ă  faire la premiĂšre couche de l’enduit ; celle d’un grain plus fin sera pour la seconde couche ; et la plus dĂ©liĂ©e sera pour la troisiĂšme* On prĂ©pare ainsi toutes ces couches , et l’on polit bien l’enduit pour recevoir les couleurs , afin qu elles aient beaucoup d’éclat voici les diffĂ©rentes espĂšces qu’on emploie , et la maniĂšre de les prĂ©parer. \ĂŻrp jfit ^ ;iji f' H**P jljĂŻW» ji silices avec ! prem Ûtnce/' I Jules Ă  * pp° siseprtĂź ire,loL h» il h poit[ il prĂ©pi a I LIVRE VII, C h a p. vu. 333 REMARQUES. Outre le plĂątre , le sable et la chaux , les anciens faisaient aussi entrer la poudre de marbre dans la composition des enduits , comme on le fait encore aujourd’hui en Italie. L’auteur remarque , Ă  la fin du chapitre prĂ©cĂ©dent , en parlant des matĂ©riaux qui entrent dans cette composition , qu’il a dĂ©jĂ  parlĂ© de la chaux , par - consĂ©quent , que , dans le chapitre suivant , il traitera uniquement de la prĂ©paration du marbre. Il a effectivement traitĂ© de la chaux dans le' 5. me chapitre du II. iaet livre ; livre qu’il a consacrĂ© en entier Ă  expliquer les matĂ©riaux qu’on emploie pour la construction des Ă©difices. Dans le prĂ©sent chapitre, il entend parler uniquement de la poudre de marbre qu’on mĂȘle avec la chaux , au lieu de sable , pour faire les enduits car il ne parle en aucun endroit du marbre , ni de la maniĂšre de le tailler , Ă  moins qu’il ne l’ait compris sous la dĂ©nomination gĂ©nĂ©rale de pierre de taille. La premiĂšre espĂšce de marbre dont il parle dans ce chapitre , et celle Ă  laquelle il donne la prĂ©fĂ©rence, pour faire les enduits, c’est le marbre blanc Ă  gros grains, qui est mĂȘlĂ©, je particules brillantes , comme des grains de sel , et qu’on appelle pour cela en Italie marmo sçtlino. Il y a grande apparence que c’est celui que les anciens appeloient le marbre pentĂ©licien. ,Quand on ne peut se procurer de ce marbre , il dit qu’on doit se servir des Ă©clats qui tombent des piĂšces de marbre , lorsqu’on les taille , et les rĂ©duire en poudre dans un mortier de fer, pour les employer. Comme il ne donne la prĂ©fĂ©rence Ă  aucune des autres espĂšces de marbre , il paroĂźt que lorsqu’on ne pouvoit se procurer la premiĂšre espĂšce , dont il a parlĂ© , qui est toujours prĂ©fĂ©rable , les autre» Ă©tant prĂ©parĂ©es de la maniĂšre qu’il a indiquĂ©e , elles sont toutes Ă©galement bonnes. CHAPITRE VIL - Des Couleurs naturelles. v Plusieurs couleurs sont des productions naturelles qu’on trouve dans certains endroits d’oĂč on les tire de la terre beaucoup d’autres sont Iouvrage de l’art , compose'es de diffĂ©rentes choses qu’on mĂȘle et qu’on amalgame ensemble , pour qu elles produisent le mĂȘme effet que les couleurs naturelles, lorsqu’on les emploie. Nous allons premiĂšrement faire connoĂźtre les couleurs naturelles qui se tirent de la terre. Parmi ces couleurs nous avons d’abord celle que les Grecs appellent ocre i. O» i Du mot cc%pĂŽq qui signifie pĂąle , parce que cette couleur est le jaune pĂąle. A 334 L ’ A II C H I TE CTĂŒ II E DE V I T R U Y E. Ăźa trouve dans beaucoup de pays , particuliĂšrement en Italie ; mais la meilleure se tiroit de l’Attique , oĂč il ne s’en trouve plus aujourdhui ; parce que quand on employoit beaucoup de monde pour extraire les mines d’argent qui sont Ă  AthĂšnes, si dans les fouilles qu’on faisoit en creusant des galeries souterraines, pour chercher ce minĂ©ral, on venoit Ă  rencontrer quelques veines de cette terre jaune, on la suivoit et on l’extrayoit jusqu’à la frn, comme si c’eut Ă©tĂ© de l’argent ; aussi le sil i Ă©toiĂź alors en abondance , et l’on en faisoit les plus beaux ouvrages. Les terres rouges se tirent en abondance dans beaucoup d’endroits ; mais celle d'une excellente qualitĂ© est trĂšs-rare; on en trouve cependant dans le royaume de Pont, Ă  Synope , en Egypte, en Espagne, dans les isles BalĂ©ares, comme aussi dans l’isle de Lemnos, dont le SĂ©nat et le peuple Romain ont laissĂ© les revenus aux AthĂ©niens. La couleur parĂŠtonienne 2 tire son nom du lieu oĂč on la trouve; la Meline 3 tire de mĂȘme le sien de l’isle de MĂ©los l une des cyclades oĂč on trouve ce minĂ©ral en abondance. La terre verte se trouve Ă©galement dans beaucoup d’endroits, mais la meilleure vient de Smyrne. Les Grecs l’appellent Theodation , Ă  cause que ThĂ©o do- tus Ă©toit propriĂ©taire du fond oĂč l’on en trouva la premiĂšre fois. L’orpiment que les Grecs appellent Arsenicon , se tire du royaume de Pont. On trouve des mines de Minium dans beaucoup d’endroits; mais la meilleure est aussi dans le royaume de Pont, prĂšs du fleuve Hypanis. Il y en a Ă©galement, dis-je , dans quelques autres endroits, comme entre les confins de la MagnĂ©sie , et le pays d’EphĂšse, d’oĂč on la tire toute prĂ©parĂ©e, tellement qu’on n’a pas besoin de la broyer ni de la passer , puisqu’elle est aussi fine que si on l’avoit broyĂ©e pendant long-temps. RE M ARQUE S. L’auteur , comme nous venons de voir, distingue deux sortes de couleurs , savoir les couleurs naturelles , et les couleurs artificielles ; la seule diffĂ©rence qui existe entre ces deux espĂšces de couleurs , c’est que dans les premiĂšres , le mĂ©lange des oxides minĂ©raux avec les parties terreuses s’est fait naturellement ; au lieu que dans les autres , c’est l’art qui a imitĂ© ce mĂ©lange ; mais elles ne 6ont jamais aussi bien amalgamĂ©es ensemble que dans les premiĂšres. Dans ce chapitre et dans les deux suivans , Yilruve traite des couleurs naturelles , ou pour mieux dire, minĂ©rales. Dans le dixiĂšme, et ceux qui suivent, il traitera des couleurs artificielles. Ceux qui ĂŻ Sil, c’est, ainsi qu’on appeloit l’ocre en latin. Voyez 3 Il paroit, suivant le mĂȘme auteur, que c’étoit aussi les remarques Ă  la fin de ce chapitre. une espĂšce de blanc. Voyez nos remarques Ă  la fin du a D’aprĂšs ce que dit Pline, il paroit que cette cou- chapitre, leur Ă©toit blanche, ‱ jpreniK I dans ; >DÎ 1 L chose U ijans 1 y est-il dit ; or , on sait que le minium artificiel se fait avec du blanc de cĂ©ruse en le brĂ»lant. Dans ma traduction j’ai toujours rendu le mot sandaraca par le mot françois minium , et le mot latin minium par celui de cinabre. ‱ > ‱ ‱ * - l ‱ ' ‱ f Ji J ‱ * Celui de cinabre. Galiani observe que c’est d’aprĂšs un passage de Pline qu’il a avancĂ© que le cinnabaris des anciens Ă©toit ce que nous nommons le sang de dragon chose que Dupinet, ancien traducteur de Pline , avoit dĂ©jĂ  remarquĂ©e long - temps avant lui. Sic enim appeĂźlant illi indici saniem draconis elisi eĂźephantorum morientium pondĂ©rĂ© permisto utriusque sanguine. C’est en parlant du cinnabaris que le naturaliste latin s’exprime ainsi. Yoici comme je traduis ct passage Il y en a qui appellent inde , le sang que rendent les dragons qui sont Ă©crasĂ©s par le poids des Ă©lĂ©phans qui tombent morts , aprĂšs qu’ils en ont sucĂ© le sang qui se trouve mĂȘlĂ© avee le leur. Dans le fait, ajoute Pline , il n’y a pas de couleur qui approche plus, par sa vivacitĂ© , de la couleur du sang que le cinnabaris 3 appelĂ© prĂ©sentement sang de dragon 1. » Ce que dit ici Pline des dragons et des Ă©lĂ©phans , est une fable probablement accrĂ©ditĂ©e de son temps. On sait que le sang de dragon est une rĂ©sine qui dĂ©coule d’une plante de la famille des aloĂ«s. Mais en faisant abstraction de celte fable , nous voyons clairement, par ce que dit Pline , que le cinnabaris des anciens n’éloit pas notre cinabre , et que c’éloit vraiment la rĂ©sine appelĂ©e le sang de dragon. > Le cinabre , dont parle Yitru’ve dans ce chapitre , est le cinabre naturel , ou la mine de mercure , qui n’est autre chose qu’un mercure naturellement minĂ©ralisĂ© avec le souffre 3 il nous dit qu’on a trouvĂ© la premiĂšre de ces mines auprĂšs d’EphĂšse , et nous apprend quels procĂ©dĂ©s on employoit de son temps pour en tirer le mercure. Nous voyons qu’on avoit dĂ©jĂ  remarquĂ© alors, combien ce minĂ©ral se volalilisoit aisĂ©ment par la chaleur , puisqu’on employoit ce moyen pour l’extraire hors des matiĂšres hĂ©tĂ©rogĂšnes avec lesquelles il est mĂȘlĂ© , quand on le trouve dans la terre. On connois» soit aussi la propriĂ©tĂ© qu’il a de s’attacher fortement, et mĂȘme de pĂ©nĂ©trer plusieurs mĂ©taux, puisque Vitruve observe que , sans lui , on ne peut dorer ni sur l’argent , ni sur le cuivre. Plusieurs statues anciennes de bronze , furent dorĂ©es , comme on le voit encore par l’or qui s’est conservĂ© sur la statue Ă©questre de Marc-AurĂšle qui est au capitole sur les quatre chevaux de Yenisc sur l’Hercule du capitole et les dĂ©bris des quatre chevaux et du char , placĂ©s au fronton du théùtre d’Herculanum. 1 Pline. Liv. XXXIII , Chap. 38. f omĂŒ B Wtt ,.d $ LIVRE VII, C h A. p. ix. 339 C’est sur la propriĂ©tĂ© que le mercure a , de s’attacher aux mĂ©taux , qu’est fondĂ© l’art de dorer d’or moulu , qui ne consiste qu’à amalgamer l’or avec le mercure , Ă  appliquer cet amalgame sur de l’argent , ou sur du cuivre jaune , et ensuite Ă  mettre la piĂšce au feu. Le feu fait Ă©vaporer le mercure , et l’or reste Ă©troitement attachĂ© Ă  l’argent. Mais , d’aprĂšs ce que dit Pline , il paroĂźt que les anciens n’employoient pas tolit-Ă -fait ce moyen. Us doroient avec des feuilles, aprĂšs avoir enduit le mĂ©tal de mercure , ou aprĂšs l’avoir avivĂ© avec un outil 1. Nous voyons encore , dans ce chapitre , que les anciens avoient dĂ©jĂ  remarquĂ© le rapport de la gravitĂ© d’un corps , Ă  celle d’un autre , de mĂȘme volume , ce que les physiciens nomment gravitĂ© spĂ©cifique, puisque Yilruve observe qu’une pierre du poids de cent livres surnagera au-dessus du mercure, tandis qu’un grain d’or du poids d’un scrupule , s’y enfoncera incontinent et cela, parce que l’or seul se trouve avoir une gravitĂ© spĂ©cifique supĂ©rieure Ă  celle du mercure. Pline observe la mĂȘme chose 2. CHAPITRE IX. De la prĂ©paration du Cinabre. R evenons prĂ©sentement Ă  la prĂ©paration du cinabre. Quand les mottes sont bien sĂ©chĂ©es , on les pile avec des marteaux de fer et on les broyĂ© ; ensuite par plusieurs lotions et codions , on en retire la couleur. Ces extractions , et sur-tout celle du vif-argent, font perdre au-cinabre une partie de la force qu’il auroit naturellement; ce qui fait que cette couleur est trĂšs-dĂ©licate et se ternit aisĂ©ment, Ă  moins qu’on ne l’emploie pour peindre sur les murs des chambres fermĂ©es et couvertes car dans les endroits ouverts tels que les pĂ©ristyles, les exĂšdres *, et autres semblables , oĂč les rayons lumineux du soleil et de la lune peuvent pĂ©nĂ©trer , les parties colorĂ©es qui en sont atteintes , perdent leur Ă©clat et se noircissent ; on a plusieurs fois Ă©prouvĂ© cet inconvĂ©nient ; entr’autres , le secrĂ©taire Fabrius , qui voulant dĂ©corer, avec toute 1 Ă©lĂ©gance possible, la maison qu’il possĂ©doit sur le mont Aventin, lit peindre , en cinabre , tous les murs des galeries. Au bout de trente jours tout fut gĂątĂ© la couleur changea en plusieurs endroits , ce qui le contraignit de les faire peindre une seconde fois avec d’autres couleurs. 1 Pline. Lir. XXXIII, Chap. 3a. a Idem. * Nous avons vu dans le 5 . rae Chap. du Liv. YI, que les exĂšdres Ă©toient des lieux d’assemblĂ©es dont le devant Ă©toit ouvert. 43 . L' f ARCHITECTURE DE VITRUVE, 34 o Des personnes plus adroites ont trouvĂ© le moyen de conserver au cinabre sa belle couleur ; voici comment quand le mur est entiĂšrement peint et la couleur parfaitement sĂšche , on Ă©tend par-dessus , avec une brosse , une couche de cire punique fondue dans un peu d huile ensuite , avec un rĂ©chaud plein de charbon allumĂ© , qu’on tient fort prĂšs de la muraille , on rĂ©chauffe ainsi que la cire , afin de liquĂ©fier celle-ci. AprĂšs cela , on l’unit par-tout en la polissant avec des linges bien nets , comme quand .on cire des statues de marbre. Les grecs appellent cette opĂ©ration xaĂŒĂ§iç 1. La couche de cire dont je viens de parler, empĂȘche la lumiĂšre du soleil et celle de la lune de ternir et de manger la couleur. La prĂ©paration du cinabre se faisoit autrefois Ă  EphĂšse ; on a transfĂ©rĂ© cette fabrique Ă  Rome parce qu’on a trouvĂ©, en Espagne , des veines de ce minĂ©ral, qu’on transporte plus aisĂ©ment en cette ville , oĂč des fermiers ont entrepris de le purifier au profit du public. Ils ont leur attelier entre le temple de Flore et celui de Quirinus. On fait un cinabre artificiel avec de la chaux. Ceux qui voudront Ă©prouver s’il est d’une bonne qualitĂ© , doivent prendre une lame de fer , sur laquelle ils mettront du cinabre ; ils la feront chauffer dans le feu jusqu a ce qu elle soit rouge quand ils la verront commencer Ă  changer de couleur , dans le feu , et devenir noire , 011 l’en ĂŽtera ; et si , Ă©tant refroidie , elle reprend son ancienne couleur , c’est une preuve que le cinabre est pur si au contraire elle reste noire, cela indique qu’il est altĂ©rĂ©. VoilĂ  , autant que je puis me rappeler , tout ce qui concerne le cinabre. La chrysocolle vient de la MacĂ©doine ; les endroits d’oĂč on la lire sont prĂšs des mines de cuivre. Les noms du cinabre 2 et de 1 indigo , indiquent les pays qui les produisent. Il E M ARQUES. Le cinabre , qui est une des plus belles couleurs rouges qui existent , a l’inconvĂ©nient de se ternir , lorsqu’on ne prend pas certaines prĂ©cautions ; sur-tout quand on l’emploie au grand air. Ce n’est pas , comme dit -\itruve , parce qu’il a perdu sa force naturelle , par toutes les extractions qu’on a faites en le prĂ©parant , mais c’est parce qu’il se dĂ©compose ; et c’est le dĂ©sagrĂ©ment qu’on Ă©prouve presque toujours avec les couleurs composĂ©es , comme est le cinabre. 1 C’est-Ă -dire brĂ»lure. minium en latin, et voyez nos remarques Ă  la fin du 2 Qu’on se rappelle que le cinabre s’appeloit chapitre. t LIVRE VII, C II a 1. IX. 341 Quoiqu’on en distingue deux? sortes , le naturel et l’artificiel, le premier n’est pas moins composĂ© que l’autre , puisque l’un est minĂ©ralisĂ© avec le souffre par la nature , et l’autre l’est par l’art. Les anciens qui peignoient presque tous les murs intĂ©rieurs de leurs Ă©difices , et dbnt certaines parties telles que les galeries , les portiques , les vestibules , les exĂšdres , se trouvoient ouvertes des cĂŽtĂ©s oĂč les colonnes seules soutenoienl la couverture , avoient Ă©prouvĂ© combien cette couleur Ă©toit sujette Ă  changer dans ces sortes d’endroits, sur-tout lorsqu’elle Ă©toit exposĂ©e aux rayons du soleil. ^ On sera peut-ĂȘtre surpris de voir que Yitruve mette les exĂšdres au nombre des salles dont l’intĂ©rieur Ă©toit exposĂ© aux rayons du soleil; tandis que dans le livre VI , chapitre 4, il en parle comme Ă©tant des salles couvertes et entourĂ©es de murailles. La consĂ©quence qu’on doit tirer de lĂ  , c’est que toutes les exĂšdres ne se ressembloient pas ; que les unes Ă©toient ouvertes , et les autres entourĂ©es de murailles ; ou , ce qui est beaucoup plus probable , qu’elles Ă©toient ouvertes seulement d’un cĂŽtĂ© , qui Ă©toit occupĂ© par plusieurs fenĂȘtres , ou soutenues par des colonnes , comme paroissoit ĂȘtre la partie des thermes de DioclĂ©tien , qu’on nomme encore aujourd’hui les exĂšdres dans l’un ou l’autre de ces cas , une partie des peintures sur les murailles , Ă©toit exposĂ©e aux rayons du soleil, ce qui ternissoit la couleur. Pour obvier Ă  cet inconvĂ©nient , Yitruve nous donne la recette du vernis qu’employoient les anciens avec la maniĂšre de l’appliquer. Ce vernis , dit-il , Ă©toit composĂ© de cire punique , fondue dans un peu d’huile. La cire punique n’est autre chose que la cire blanche, dont la meilleure venoit probablement de Carthage. Pline , dans le XXXIll.ℱ Liv. Chap. 4o , rapporte tout ce que dit ici Yitruve Ă  cet Ă©gard-; mais il donne plus de dĂ©tail Il faut faire attention, dit-il, que les rayons » du soleil et de la lune affoiblissent fort le lustre du cinabre. Pour obvier Ă  cela , il faut , dĂšs » que la peinture sera sĂšche, la vernisser de cire blanche, fondue avec de l’huile , et enduire de » ce vernis , avec un pinceau , le dessus de la peinture. Il faut en outre la chauffer avec du » charbon de noix de galle , jusqu’à faire suer la muraille. Cela fait, il convient encore de la bien » frotter avec une bougie , et l’essuyer aprĂšs, avec du linge bien net, pour la rendre luisante comme y, du marbre. Postea çanclelis subigatur ac deincle Unteis puris sicut et marmora nitescant . Ces expressions sont plus claires que celles de Yitruve , qui dit postea cum canclela linteisque puris subigat. Il confond par lĂ  , l’opĂ©ration faite avec la bougie , et celle qu’on faisoit avec le linge. Le cinabre est la huitiĂšme couleur naturelle dont parle Vitruve. Il dit un mot du cinabre factice , et parle ensuite de la chrysocoile^, qui est la neuviĂšme couleur qu’il nomme. Le nom de cette derniĂšre couleur est composĂ© des mots grecs %pv veines des mines , pendant tout l’hiver , et jusqu’au mois de Juin alors on dĂ©tourne l’eau , et on laisse sĂ©cher , pendant les mois de Juin et Juillet , celle qui est restĂ©e dedans ; ensuite on > en extrait la chrysocolle , de sorte qu’à proprement parler celte couleur n’est autre chose qu’une 3 mine pourrie Ăź. » Vilruve ne nous dit pas quelle Ă©toit la couleur de la chrysocolle , mais il paroit que c’étoit verdĂątre , c’est-Ă -dire verd de pomme. Pline dit que cette pierre, dans son Ă©tat naturel , ne donne aucune couleur , mais qu’elle prend aisĂ©ment celle qu’on lui donne , au moyen de l’alun , et de la plante de pastel ; qu’ainsi prĂ©parĂ©e elle rend une couleur semblable au verd. Pingiturcjue , dit-il , cmtequam pingat , et il ajoute un peu plus bas, colorem in herba segetis lĂŠti virentis qnam simĂŻllime reddat. 2 Vitruve dit aussi la mĂȘme chose , dans le i4. e Chap. de ce livre Ceux , dit-il , qui ne veulent pas employer la chrysocolle , parce qu’elle coĂ»te trop cher , mĂȘ- 3 lent, avec la terre d’azur, le suc d’une plante nommĂ©e le pastel, et en font un fort beau verd. Dioscoidde et Isidore disent que sa couleur est le verd de porreau , prƓsinus , ce que nous nommons prĂ©sentement'le verd pomme. Quant au borax , connu aujourd’hui dans le commerce et qu’on croit ĂȘtre la mĂȘme chose que la chrysocolle des anciens, nous n’avons que des notions trĂšs-incertaines sur son origine , ainsi que sur la maniĂšre de l’extraire et de le purifier. Quelques-uns le regardent comme un produit de l’art qui se fait Ă  la Chine , en mettant dans une fosse , de la graisse , de l’argile et clu fumier par couches successives , en arrosant ce mĂ©lange avec de l’eau , et en le laissant sĂ©journer dans la fosse pendant plusieurs annĂ©es. D’autres soutiennent que le borax est aussi un produit de la nature, et qu’on le trouve dans la terre du Thibet, dans le lac Neibal, dans quelques cavernes de la Perse, dans l’isle de Ceylan et dans la grande Tartarie. On appelle plus particuliĂšrement Tincal , la soude boratĂ©e qui vient de Perse ; elle est verdĂątre et couverte d’un enduit gras. Vilruve nous dit que de son temps , on tiroit la chrysocolle de la MacĂ©doine. Que les noms du minium , c’est-Ă -jdire le cinabre et celui de l’indigo, faisoient connaĂźtre le pays qui les pro- duisoit. On ne voit pas trop de quel pays il entend parler, en disant que le nom de minium, c’est-Ă - dire notre cinabre, fait connoĂźtre le pays d’oĂč on le tire. Je . ne puis croire, dit Galiani, que son nom dĂ©rive de celui de la riviĂšre du Minho en Espagne j puisque Vilruve nous apprend lui- mĂȘme qu’on trouva cette couleur, la premiĂšre fois , dans les environs d’ËphĂšse ; il est plus probable , ajoute-t-il , que ce sera la couleur qui aura donnĂ© son nom au fleuve ; Ă  moins qu’on ait seulement commencĂ© Ă  donner Ă  cette couleur , le nom de minium, lorsqu’on en aura dĂ©couvert des mines prĂšs de cette riviĂšre en Espagne, d’oĂč il nous apprend qu’on la faisoit venir de son temps. Quant Ă  l’indigo, indicum, en latin, il lire son nom de l’Inde, d’oĂč les anciens le faisoient venir ; il donnoit ce bleu foncĂ© qui est presque noir. Pline, en parlant de celte couleur , dit il vient des Indes , oĂč il se fait avec le limon qui s’amasse autour de l’écume qui reste attachĂ©e i Pline , lir, XXXIII, Chap. a 6, a Pline, Ljv. XXXIII, Chap. a6. t 343 LIVRE VII, C h a p. x. » Ă  des roseaux. Cette couleur paroĂźt noire en la broyant; mais en la dĂ©trempant, elle rend un bleu purpurin , qui est de la plus grande beaute. > Ex India venit, arundinum spumas adhe — rescente limo eum teritur nigrum at in diluendo misturam purpuras cĂŠruleique mirabilem reddit. Pline. Liv. XXXV. Chap. 26. On tire Ă  prĂ©sent ce beau bleu de l’AmĂ©rique ; il se fait avec une plante nommĂ©e indigo , qui croĂźt dans la province de Guatimala. On fait aussi un bleu > Ă -peu- prĂšs semblable, et par les mĂȘmes procĂ©dĂ©s, avec la plante nommĂ©e la guĂšde ou le pastel. CHAPITRE X. Du noir artificiel. Nous allons prĂ©sentement parler des diffĂ©rentes matiĂšres dont on parvient Ă  dĂ©composer et changer la nature , pour en faire des couleurs. Nous commencerons par le noir de fumĂ©e , qu’on emploie beaucoup , et qui est nĂ©cessaire dans beaucoup d’ouvrages. Je vais faire connoĂźtre les moyens qu’on emploie pour prĂ©parer cette couleur. On construit une petite Ă©tuve 1 dont o n enduit' l’intĂ©rieur avec du st 11c, qu’ona soin de bien polir. On bĂątit, par-devant, un petit fourneau qui a un conduit qui entre dans l’étuve. Il faut que la porte , qui est Ă  l’ouverture , puisse se fermer exactement , pour que la flamme ne puisse sortir du fourneau par cet endroit. On fait brĂ»ler de la rĂ©sine dans le fourneau ; la force du feu pousse la fumĂ©e dans l’étuve , qui laisse sa suie attachĂ©e aux parois et Ă  la couverture. On ramasse cette suie , qu’on dĂ©trempe avec de la gomme pour faire l’encre Ă  Ă©crire. Ceux qui peignent les murailles s’en servent avec de la colle. Si on n’avoit pas tout ce qui est nĂ©cessaire pour faire cette couleur , et qu’on eĂ»t besoin de noir, on pourra, pour ne pas retarder l’ouvrage , en faire de la maniĂšre suivante on allume des sarmens ou des Ă©clats de bois de pin rĂ©sineux ; et quand ils sont rĂ©duits en charbon , on les Ă©teint. Ce charbon broyĂ© avec de la colle , donne un assez beau noir ; on s en sert pour peindre sur les murailles. La lie de vin dessĂ©chĂ©e , et brĂ»lĂ©e ensuite dans un fourneau , produit aussi, Ă©tant broyĂ©e avec de la colle, un fort beau noir, principalement si la lie est de bon vin; Ă»lors la couleur noire qu'on en tire, approche de celle de l’indigo. 1 Celte Ă©tuve s’appelle en laiia laconicum ; voyez nos remarques Ă  la fin du chapitre. 344 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. REMARQUES. Nous avons dĂ©jĂ  parlĂ© du laconicum , dans nos remarques sur 1 io. Cbap, du Y. e Liv. Les anciens se servoient de celte machine, pour* faire le noir de fumĂ©e* Il paroĂźt qu’elle ressembloit assez Ă  nos Ă©tuves sans ĂȘtre, toutefois , la mĂȘme chose; elle Ă©toit maçonnĂ©e, et faite en forme d’une petite tour ronde , voĂ»tĂ©e en cul de four. Nous avons vu que dans les bains, elle servoit au mĂȘme usage que dans nos Ă©tuves. YoilĂ  pourquoi je n’ai pas fait de difficultĂ© de rendre ici ce mot par celui d’étuve. Les anciens employoient beaucoup, Ă  ce qu’il paroĂźt, le noir de fumĂ©e; c’éloit la base de leur encre pour Ă©ciĂąre ; mais ils ne pouvoient s’en servir que pour peindre Ă  sec, en le mĂȘlant avec la colle car il seroit impossible de s’en servir dans la peinture Ă  fresque; pour celle-ci, il faut absolument des noirs faits avec du charbon. Nous voyons que les anciens connoissoient aussi la gomme et la colle , et qu’ils les employoient comme nous dans leurs peintures Ă  sec. LĂ  gomme est un suc vĂ©gĂ©tal concret, qui suinte naturellement par les gerçures de l’écorce de certains arbres. La colle se fait avec les nerfs, les cartilages, les rognures de peau etc. , qu’on fait macĂ©rer, bouillir et dissoudre dans l’eau sur le feu , jusqu’à ce que tout devienne liquide aprĂšs quoi on passe la matiĂšre avec un gros linge ou tamis; quand ce suc est assez Ă©paissi, on le verse sur des pierres plates , ou dans des moules , pour le couper par morceaux. Ensuite on met ces morceaux sur des rĂ©seaux de corde, pour les faire sĂ©cher. Quoique Yitruve ne parle pas du noir naturel , les anciens en connaissoient cependant un, comme Pline nous l’apprend. On met , dit-il, le noir au nombre des couleurs artificielles, On 3 en tire cependant de deux espĂšces de terre. » 1 i Airamcntum quoque inter jacliiios erit quamquam est et terme gĂ©minĂ©e originis. Pline , Lit. XXXV, Chap. a5. g t' CHAPITRE XI. LIVRE VII, C h a p. xi. 3jS CHAPITRE XI. Du bleu d’Azur et de b Ocre bmlĂ©e. Ce fut Ă  Alexandrie qu’on dĂ©couvrit la premiĂšre fois l’art de composer le bien d’azur ; Veslorius en a depuis Ă©tabli une fabrique Ă  Pouzzole. Il est assez curieux de voir comment avec les ingrĂ©diens qui entrent dans sa composition , on parvient Ă  faire cette couleur. On broie du sable avec de la fleur de nitre , aussi fin que de la farine ; on les mĂȘle avec de la limaille de cuivre de cypre qu’on a limĂ© avec de grosses limes ; on arrose le tout d’un peu d’eau pour en faire une pĂąte, dont on fait plusieurs boules avec les mains , et on les laisse sĂ©cher ensuite on remplit, de ces boules , un pot de terre qu’on met dans la fournaise ; lĂ  , le cuivre et le sable Ă©tant Ă©chauffĂ©s , et dessĂ©chĂ©s par la force du feu , se communiquent rĂ©ciproquement ce qui se liquĂ©lie de l’un et de l’autre ; ils perdent leurs qualitĂ©s naturelles pour ne former qu’un mĂȘme corps qui devient le bleu d’azur. La terre jaune brĂ»lĂ©e qu’on emploie pour peindre sur les murs , se prĂ©pare de cette maniĂšre on fait rougir , dans le feu , un morceau de bon ocre jaune , on L’éteint ensuite dans du vinaigre, ce qui lui donne une couleur de pourpre. RE M ARQUE S. C’est sans doute pour imiter l’azur naturel , ou lapis lazulĂ©, qu’on a composĂ© le bleu d’azur artificiel, dont il est parlĂ© dans ce chapitre. Le lapis lazulĂ© est une pierre prĂ©cieuse couleur bleue; elle est souvent parsemĂ©e des taches d’or, produites par des parcelles pyriteuses ; elle vient de la Perse ou de la JNatolie ; elle Ă©toit connue des anciens. Pline en parle dans le XXX'VIl . 6 Liv., oĂč il traite des pierres prĂ©cieuses ; mais il paroĂźt qu’ils n\en ont jamais extrait aucune couleur. Quant Ă  nous , nous nous sommes long-temps servis du beau bleu tirĂ© de cette pierre ; o n l’appeloit Outre mer, parcequ’on ü’apportoit d’orient. Nos anciens peintres l’employoient beaucoup dans leurs tableaux; mais ces tableaux ayant vieilli, il dĂ©range actuellement l’harmonie de leurs couleurs, parce que lui seul a rĂ©sistĂ©, et n’est pas altĂ©rĂ© .comme les autres couleurs. On l’imite grossiĂšrement en suivant le pxpcĂ©dĂ© qu’indique Yitruve. 44 L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. 346 Il est encore parlĂ© , dans ce chapitre , d’une autre couleur , nommĂ©e usta en latin. Nous avon s dĂ©jĂ  observĂ© dans nos remarques sur le chapitre 7 , de ce livre, qu’on appeloit , en latin, s il, la couleur que nous nommons ocre jaune; par consĂ©quent Pusta, qui se faisoit , comme dit Vi- iruve , avec le sil brĂ»lĂ© , Ă©loit la mĂȘme chose que notre ocre brĂ»lĂ©e. Il suit de-lĂ  , que la couleur que Yilrnve nomme cerussa usta dans le j2. e chapitre de ce livre , que Pline appelle simplement usta, dans le 20. me Chap. de son XXXY. e livre, n’étoit pas l’ocre brĂ»lĂ©e; mais e’étoit la couleur que nous nommons aujourd’hui le minium , connue des anciens sous le nom de sandaraque , puisqu’on la faisoit , comme Yitruve et Pline nous l’apprennent , avec de la ceruse brĂ»lĂ©e. La maniĂšre de composer le minium usta qui se fait avec la ceruse brĂ»lĂ©e , dit Pline u fut dĂ©couverte par hazard , lors de l’incendie du PirĂ©e. Les dames AthĂ©niennes trouvĂšrent que le v feu avoit changĂ© en minium , toute la ceruse qu’elles avoient laissĂ©e dans les boĂ«les oĂč elles metloienl leur fard et leurs parfums. » Usta casu reperta incendio PirĂŠei cerussa in arcis cre- mata il confirme la chose et ne laisse plus aucun doute dans le 22 e chapitre du mĂȘme livre, oĂč il s’exprime ainsi Fit et adulterina Sandaracha et cerussa in fornace coda. Yitruve dit la mĂȘme chose dans le chapitre suivant. CHAPITRE XII. Du Blanc de Ceruse, du Vert -de- Gris et du Minium. Ïl convient encore de faire connoĂźtre ici , comment se fait le blanc de ceruse , et le vert-de-gris que nous appelons eruca. Les Rhodiens mettent du sarment dans le fond d’un tonneau sur lequel ils versent du vinaigre ; ils arrangent ensuite des lames de plomb sur le sarment ; alors ils couvrent les tonneaux et bouchent bien toutes les ouvertures. AprĂšs un certain temps , ils ouvrent ces tonneaux et trouvent le plomb changĂ© en ceruse. Le vert-de-gris se fait de la mĂȘme maniĂšre, si ce n’est, qu’au lieu des lames de plomb , on met des lames de cuivre. Si I on met de la ceruse dans une fournaise , la force du feu change sa couleur et devient du minium. On a dĂ©couvert cela par hazard dans les incendies. L’expĂ©rience a prouvĂ© que ce minium Ă©toit prĂ©fĂ©rable Ă  celui qu’on trouve naturellement dans les mines. / LIVRE VII, C h a p. xm . RE M ARQUE S. ‱xr _ ‱Gv Les anciens prĂ©paroient la ceruse et le vert-de-gris , comme nous les prĂ©parons encore au jour-' d’hui. Vilruve appelle celte derniĂšre couleur, Ɠrugine , c’est-Ă -dire rouille de cuivre. Il ajoute nous Rappelons eruca je ne sais pourquoi il lui donne ces deux noms qui se ressemblent si fort. C Ă©toit sans doute pour abrĂ©ger, que les peintres de Home disoient erucci au lieu d’cerugine .c car il n est pas probable, qu on auroit donne au vert-de-gris , le nom Ă ? erucci qui signifie une chenille , parce que cette couleur ressemble beaucoup Ă  celle de la chenille verte qui est la plus commune de toutes. La fin de ce chapitre nous prouve clairement, que la couleur connue des anciens, sous le nom de sandaraque , etoit vraiment celle que nous nommons aujourd’hui minium , comme je l’ai observĂ© dans mes remarques sur les chapitres prĂ©cĂ©dents. CHAPITRE XIII. De la Couleur Pourpre. N ous parlerons prĂ©sentement de la pourpre , la couleur par excellence , la plus prĂ©cieuse et la plus belle de toutes celles qui existent ; on la lire d’un coquillage marin , qu’on regarde lui-mĂȘme comme une production des plus admirables de la nature en effet , la teinture pourpre qu’on en tire , n’est pas la mĂȘme partout ; ses teintes varient Ă  mesure que les climats qui la produisent sont plus ou moins Ă©loignĂ©s du cours du soleil. Celle qui vient du royaume de Pont , et de i la Gaule , est trĂšs-foncĂ©e, et presque noire , parce que ces contrĂ©es s’approchent du septentrion ; celle qui vient des pays qui sont entre le couchant et le septentrion , est pĂąle; mais vers l’orient, et l’occident Ă©quinoxial, elle tire sur le violet; enfin elle est parfaitement rouge dans les pays mĂ©ridionaux. L’isle de Rhodes en produit cependant qui est aussi rouge que celle qui vient des rĂ©gions les plus rapprochĂ©es de la ligne. Quand on a recueilli une certaine quantitĂ© de ces coquillages , on les coupe tout autour avec un couteau , pour faire Ă©couler la liqueur pourprĂ©e qu’ils contiennent ; on achĂšve de f exprimer en les pilant dans des mortiers. Cette teinture s’appelle oslrum , parce qu’en effet on la tire des huitres qu’on trouve dans la mer. Elle a le dĂ©faut de se dessĂ©cher aisĂ©ment , Ă  cause de la quantitĂ© de sel qu elle contient ; mais on obvie Ă  cet inconvĂ©nient en la mĂȘlant avec du miel. 44 - 348 0 . ‱ L’ARCHITECTURE DE VITRUYE. REMARQUES. La teinture pourpre qui Ă©toit si prĂ©cieuse et si renommĂ©e chez les anciens , se liroit d’un petit poisson Ă  coquille que Vilruve appelle ostrum , et que nous nommons la pourpre. Pline dit que c’est d’une veine blanche , que les pourpres ont au milieu du cou , qu’on tire cette riche couleur de rose purpurine, dont on se sert pour teindre les draps les plus fins. Il y a , ajoute-t-il, deux » sortes de coquillages qui la produisent l’espĂšce qu’on estime le moins , a la forme d’une » trompe ; son bec est rond , et un peu incisĂ© sur le cĂŽtĂ© ; ce qui le rend trĂšs-propre pour cor- ner ; aussi l’appelle-l-on buccin ou cornet de mer. L’autre , qu’on appelle proprement la pour- R pre , jette en avant son bec ; il a la forme d’un tuyau , il est cavĂ© , et se reploie plusieurs R fois d un cĂŽtĂ© pour y mettre la langue. Ce coquillage a la forme d’une poire sur laquelle s’élĂš- » vent sept pointes disposĂ©es comme celle d’une massue ce qu’on ne trouve pas au buccin quoi- R qu’ils aient l’un et l’autre autant de retours qu’ils ont d’annĂ©es. Le buccin se lient toujours R attachĂ© aux rochers et aux Ă©cueils c’est aussi lĂ  oĂč on va les chercher. » t On doit au hazard , dit-on , l’invention de cette prĂ©cieuse teinture; le chien d’un berger, pressĂ© par la faim, ayant brisĂ©, sur le bord de la mer, un de ces coquillages, pour le manger, le sang .qui en sortit lui teignit la gueule d’une couleur si belle, qu’elle ravit d’admiration ceux qui la virent on chercha les moyens de se la procurer, et on rĂ©ussit Ă  l’appliquer sur les Ă©toffes. Les lynens excellĂšrent dans l’art de teindre en pourpre ; mais on ignore quelle mĂ©thode ils employoient. J’ai vu, sur les cĂŽtes de la MĂ©diterranĂ©e , des coquillages nommĂ©s buccins ou cornet de mer, absolument semblables Ă  celui dont Pline fait la description ; comme ils n’éloient pas vivans , je n’ai pu essayer si l’on pouvoir en tirer la pourpre , et personne n’a pu me donner des renseigne- mens Ă  cet Ă©gard. Il existe encore aujourd’hui, dans les Indes , quelques coquillages qui rĂ©pandent et jettent, surtout par la bouche, une Ă©cume d’un rouge trĂšs-vif. Le pĂšre Charlevoix rapporte que dans les isles Antilles , on trouve un petit poisson appelĂ© bougan , semblable Ă  Ja limace ; l’intĂ©rieur de son corps contient une couleur rouge trĂšs-Ă©cĂŻatante ; l’écurne qu’il rĂ©pand, quand on l’écrase, est delĂ  meme couleur cependant rien de tout ceci ne peut ĂȘtre la pourpre des anciens. Cette teinture n’est plus en usage depuis plusieurs siĂšcles; mais nous devons ĂȘtre d’autant moins sensibles Ă  celte perte, que cette couleur donnoit une odeur forte et un coup-d’Ɠil qui seroit d’autant moins agrĂ©able pour nous , que les anciens n’estimoient que les couleurs foncĂ©es, et que la pourpre dont ils faisoient le plus de cas, Ă©toit celle qui approchoit le plus du sang de bƓuf. Ajoutons Ă  cela qu’elle Ă©toit d’un prix exorbitant, et que notre pourpre moderne, ainsi que le carmin qu’on fabrique Ă  beaucoup moins de fraix , au moyen de la cochenille , est d’un Ă©clat bien supĂ©rieur Ă  l’ancienne. l Pline, IX, Giiap. 3G. LIVRE VII, C h A P. siv. 349 Vilruve dit, Ă  la fin de ce chapitre, que pour conserver la couleur pourpre qui Ă©toit sujette Ă  se dessĂ©cher ^ Ă  cause des parties salines qu’elle contenoit , il falloit la mĂȘler avec du miel. Plutarque - rapporte dans la vie d’Alexandre, qu’a la prise de Suse , il se trouva, parmi le butin, le poids de cinq mille talens de pourpre , qui ayant Ă©tĂ© faite , cent quatre-vingt-dix ans auparavant, avoit conservĂ© la beautĂ© de sa couleur ; parce que, dit-il , la rouge Ă©toit faite avec du miel, et la blanche avec de l’huile. On est trĂšs-embarrassĂ© de savoir ce que c’étoit que cette pourpre blanche qu’on conservoit avec de l’huile. Mercurial, pour expliquer la chose, dit que les anciens avoient deux maniĂšres de conserver la liqueur pourprĂ©e. La premiĂšre Ă©toit de mettre, dans du miel, la chair pilĂ©e des pourpres avec son suc qui faisoit une masse rouge; la seconde en sĂ©parant de la chair la veine blanche , qui , suivant ce que dit Pline , contenoit la liqueur pourprĂ©e. C’est celle-lĂ  , dit-il , que Plutarque appelle la pourpre blanche , qui , Ă©tant plongĂ©e dans l’huile , s’y conservoit comme l’autre dans le miel. C H A P I T Pi E XIV. Des autres couleurs artificielles. On compose encore des couleurs pourpres en teignant la craie avec le suc des racines de la garance et de l’hysgine. On tire aussi d’autres couleurs de diffĂ©rentes fleurs , par exemple lorsque les teinturiers veulent imiter l’ocre jaune de l’Attique, ils mettent des violettes sĂšches dans un vase plein d’eau , qu’ils font bouillir sur le feu ; quand elle est bien imprĂ©gnĂ©e de la teinture des violettes , ils la passent dans un linge , et i expriment avec les mains dans un mortier , oĂč ils la mĂȘlent avec de la craie Eretrienne , et les broyant bien ensemble, ils en font une couleur pareille Ă  l’ocre jaune de l’Attique. Ils font de la mĂȘme maniĂšre une couleur de pourpre fort belle , on mĂȘlant du lait avec la teinture tirĂ©e du vaccinium. Ceux qui ne veulent pas employer la chrysocolle , parce qu elle coĂ»te trop cher , teignent de la terre d’azur avec le jus de la plante nommĂ©e le pastel, et font un fort beau vert. Tout cela s’appelle couleurs artificielles. Quand on n’a pas d'indigo , on peut l imiter en teignant la craie sĂ©linusienne ou l’annuaire avec le verre que les Grecs appellent yalon. J’ai expliquĂ©, dans ce livre , tout ce qu’il est nĂ©cessaire de savoir sur les diverses qualitĂ©s des couleurs ; et par quels moyens on les rend belles et durables dans la peinture. Dans les sept livres qui prĂ©cĂšdent, j’ai recueilli tout ce qui peut conlii- 35o L’ARCHITECTURE DE Y I T R U Y E. buer Ă  la perfection des Ă©difices , et Ă  les rendre commodes. Dans le huitiĂšme , je traiterai de tout ce qui concerne les eaux ; comment on en peut trouver dans les endroits qui en manquent ; comment il la faut conduire , et par quels signes on peut connoĂźtre si elles sont bonnes. R E M A R Q U E S. Les anciens possĂ©doient, comme nous , Fart de composer plusieurs couleurs artificielles, en teignant certaines espĂšces de craies. Nos stils de grains, les laques roses se composent encore de cette maniĂšre aujourd'hui. Yiiruve , au commencement de ce chapitre , n’indique pas quelle Ă©toit l’espĂšce de craie, qu’on teignoit avec le suc de la racine de la garance, ou de l’hysgine ; comme elle n’entroit dans la composition que pour donner du corps Ă  la couleur, on la choisissoit certainement trĂšs-lĂ©gĂšre, ne donnant par elle-mĂȘme presqu’aucune couleur ; mais propre Ă  recevoir toutes celles dont elle Ă©toit imprĂ©gnĂ©e. Il est probable qu’on se servoit de la terre ErĂ©irienne , qu’il nomme un peu plus bas, en parlant du jaune qu’on faisoit avec des fleurs de violettes dessĂ©chĂ©es. Dans la composition de nos stils de grains , et de nos laques , nous nous servons du blanc de Bougival , appelĂ© aussi blanc d’Espagne , petit blanc, et quelquefois blanc de Paris. C’est une espĂšce de craie ou marne blanche trĂšs-friable 3 qui vient aux environs de Troyes , en Champagne ^ qu’on lave plusieurs fois; on la laisse rasseoir ensuite on en fait des pains , ou petits bĂątons qu’on laisse bien sĂ©cher. C’est de ce blanc qu’on teint avec de la cochenille , qu’est fait la laque rouge. Au lieu de cochenille , les anciens employoient le suc de la racine de la garance qu’on emploie encore quelquefois aujourd’hui , pour teindre en rouge. Celle plante , haute de quatre Ă  cinq pieds , se cultive prĂ©sentement en Flandre , et dans le Brabant ; elle s’appelle rubia en latin ; elle est encore connue sous la dĂ©nomination de rubia tinctorum. Nous ne connoissons pas quelle est l’autre plante que Yiiruve appelle Hysginum suivant le texte mĂȘme de cetauteur, qui me semble ici ĂȘtre trĂšs-clair, la teinture qu’elle donnoit devoit ĂȘtre aussi un rouge de pourpre; puisque venant de traiter assez amplement, dans tout le chapitre qui prĂ©cĂšde, de la vĂ©ritable couleur pourpre qu’on extrait d’un coquillage, et qu’il nomme ostro , il achĂšve, au commencement de celui-ci, cette matiĂšre en enseignant comme on composoit une pourpre artificielle , au moyen des racines de la garance et de Vhysgine. On sait, comme l’observe trĂšs- bien Galiani , que ce n’est pas Yiiruve qui a divisĂ© par chapitre , les livres de son ouvrage cette division a Ă©tĂ© probablement faite long-temps aprĂšs lui, et assez mal, puisque la division des chapitres ne suit pas celle des matiĂšres ce qui est arrivĂ© ici , oĂč l’on a mis au commencement de ce quatorziĂšme chapitre , ce qui devoit finir le treiziĂšme qui traitoit des couleurs pourpres. Cela aura induit en erreur , et fait croire que Fauteur allait parler des couleurs diffĂ©rentes de celle dont il parloit dans le chapitre prĂ©cĂ©dent. On Fa Ă©tĂ© Ă©galement par le litre de ce quatorziĂšme chapitre qui est intitulĂ© de purpureis coloribus , comme s’il n’y Ă©toit traitĂ© que des cotdeurs pourprĂ©es ; tandis qu’on y parle de toutes autres couleurs , comme du jaune, du vert, de l’azur. Perrault Ă  donnĂ© dans cette erreur; il a cm que le mot latin purpureus signifioit du violet qui LIVRE VII, C h A p. x iv. 351 tient* du pourpre; cette couleur se compose comme on sait, de rouge et de bleu. Il Ă©loit incontestable que la racine de garance donnoit le rouge de lĂ  il a cru que celle de l’hysgine donnoit le bleu, ayant besoin de cette teinte pour fabriquer le violet, dont il croyoit qu’il Ă©loil ici question rien n’est plus contraire cependant Ă  ce que Pline nous dit de l’hysgine. Parmi les couleurs , dit le naturaliste Romain , que les propriĂ©taires sont obligĂ©s de fournir , Ă  leurs dĂ©pens , aux entrepreneurs , lorsqu’ils ^veulent qu’on les emploie dans les ouvrages faits par marchĂ©, on distingue d’aborl la plus belle pourpre , purpurissimum qui est certainement celle dont les dames com- posoient le fard qui servoit Ă  leur toilette ensuite , parmi les autres couleurs pourpres, il vante beaucoup celle de Pouzzole , et la prĂ©fĂšre aux autres parcequ’elle Ă©loit composĂ©e avec l’hysgine et la racine de garance. Quare puteolamen potiĂčs laudalur quod hisgino maxime inficialur , rubiamque cogitiir sorbere. l D’aprĂšs cela, on voit Ă  n’en pas douter, que l’hysgine donnoit une teinture rouge. Rien ne nous indique d’ailleurs ce que c’étoit que cette plante , non plus que le nom qu’on lui a donnĂ© aujourd’hui. Earbaro dit que l’hysgine, le vacciniet et la hyacinthe sont la mĂȘme plante sous dif- fĂ©rens noms ; il adopte en cela ce qu’HermolaĂŒs et Philander avoient avancĂ© avant lui. Baldus rapporte diffĂ©rentes opinions Ă  cet Ă©gard, et avoue qu’il est trĂšs-embarrassĂ© de dĂ©cider celle qu’on doit choisir. Galiani remarque qu’il n’y auroit pas d’impossibilitĂ© que l’hysgine fĂ»t le bois de BrĂ©sil , d’oĂč on extrait, comme tout le monde le sait, une trĂšs-belle teinture rouge semblable au carmin. Les sucs de diffĂ©rentes fleurs procuroient aussi, aux anciens, plusieurs belles couleurs. On sait qu’à la Chine et aux Indes , pour peindre les toiles de coton et les satins , on n’emploie que les sucs des herbes et des fleurs. Les teinturiers , pour imiter la couleur de l’ocre jaune , faisoient dessĂ©cher des fleurs de violettes dont ils faisoient une forte infusion; elle leur donnoit une teinte semblable Ă  la couleur de l’ocre, qui, Ă©tant une couleur opaque, ne pouvoit servir pour la teinture. Pline nous apprend qu’on imitoit encore l’ocre jaune , en faisant brĂ»ler de la terre rouge ou sanguine , dans une marmite neuvefermĂ©e hermĂ©tiquement. Ex ea fit ochra 3 exusta rubrica in ollis novis luto circum litis. 2 Encore aujourd’hui, comme le blanc de ceruse brĂ»lĂ© dans la fournaise produit du minium, de mĂȘme en faisant brĂ»ler de nouveau le minium, on produit un fort beau jaune que nous nommons massicot. Nous voyons qu’on faisoit aussi une couleur pourpre en trempant et mĂȘlant dans du lait, une plante qu’il appelle vaccinium. Les auteurs ne commissent pas trop quelle est cette plante ; Dios- coride, Mattiole et autres, disent que sa fleur Ă©toit couleur de pourpre. D’aprĂšs ce que dit Yirgile, elle Ă©loil certainement trĂšs foncĂ©e vaccinia nigra leguntur. On en distinguoit deux espĂšces, l’une qui croissoit en Italie , et, une autre dans les Gaules ; cette derniĂšre se nommoit aussi l’hyacinthe. En Italie, dit Pline, on seme le vaccinium pour chasser aux oiseaux; mais parce que celui, des ! 1 Pline. Liv. XXXV , Chap. 16. 2 Pline, liv. XXXV , Chap. 16. 35 a L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. Gaules est de couleur pourpre , on s’en sert pour teindre les gros draps Ă  l’usage des vaĂźe^Ă© i. Il dit encore dans un autre chapitre La hyacinthe croĂźt trĂšs-bien dans la Gaule j on s'en sert pour teindre et imiter la couleur de l’hysgine 2. COULEURS DONT PARLE YITRUVE. COULEURS N A TU RE L LE S. NOMS LATINS. 1 .SU . . . 2. Rubrica . . 3. ParƓtonium 4 . Melinium 5. Creta viridis 6. Auri pigmentum 7. Sandarctca . 8 . Minium . q. Chrisocolla . 10. Indicum . . . NOMS FRANÇOIS. L’ocre jaune. La sanguine ou la craie rouge. Le blanc minĂ©ral. La terre yerte ou le vert de montagne. L’orpiment. Le minium. Le cinabre. La chrysocolle ou le borax. L’indigo. COULEURS ARTIFICIELLES, 1. Atramentum 2. Ceruleo . 3. Usta . . . 4. Cerusa . 5 . Ærugine . . 6 . Sandaraca . y. Ostro . Le noir de fumĂ©e. La terre d’azur. L’ocre brĂ»lĂ©e. Le blanc de ceruse» Le vert de gris. Le minium. La pourpre. x Pline. Liv. XVI. Ch. 3x. 3 Pline, Liv. XXI, Ch, 97. Hyacinthus in Gallid maxime pm&nit. Hoc ibi fuco hysginum iingunt. LIVRE VIII. L’ARCHITECTURE D E VITRUVE. i r ' vr . . ir ' A LIVRE HUITIÈME. 4 INTRODUCTION. ThalĂšs de Milet , l’un des sept sages , soutenoit que l’eau Ă©toit le principe de toutes choses. HĂ©raclite disoit que c’étoit le feu. Les prĂȘtres mages admettoient deux principes , l’eau et le feu. Euripide , disciple d’Anaxagore, que les AthĂ©niens appeloient le philosophe du théùtre , croyoit que l’air et la terre , fĂ©condĂ©s par les pluies du ciel , avoient produit les hommes et tous les animaux qui sont dans le monde ‱ que tout ce qui a Ă©tĂ© procréé , retourne et se change en ces mĂȘmes principes , lorsque le temps les force de se dissoudre tellement que ce qui vient de l’air , retourne dans l’air ; que rien ne pĂ©rit , mais change seulement ses propriĂ©tĂ©s dans la dissolution , et les reprend ensuite pour devenir ce qu il Ă©toit auparavant. Pythagore , Empedocle , EpicharmĂ©, avec d’autres physiciens et philosophes , Ă©tablissent quatre principes savoir , l’air , le feu , l’eau et la terre , qui mĂȘlĂ©s et combinĂ©s de diverses maniĂšres , suivant la nature de chacun de ces Ă©le'mens, composent l’essence de tout ce qui existe. Nous voyons , en effet, que non - seulement ils produisent tout ce qui prend naissance , mais encore qu’ils nourrissent, augmentent et conservent tout. Les animaux ne sauroient vivre sans l’air quils insinuent et font circuler sans cesse dans leurs corps par la respiration. Dun autre 45 354 Introduction. cĂŽtĂ©, un corps oĂč la chaleur ne se trouve pas dans une juste proportion, manquera d’esprits vitaux ; -il sera d une foible complexion , et les alimens qu’il prendra, n’y trouvant pas de degrĂ© de coxion nĂ©cessaire, ne pourront le nourrir. Sans la nourriture terrestre , qui entretient toutes les parties de notre corps , il ne pourroit subsister , puisqu’il seroit privĂ© du plus solide de ses principes. Enfin tous les animaux seroient secs et privĂ©s de sang, s’ils n’avoient l’élĂ©ment liquide qui entretient en eux l’humiditĂ©. La divine Providence n’a donc pas voulu que des choses qui sont si nĂ©cessaires Ă  tous les hommes , fussent rares et difficiles Ă  trouver , comme le sont les perles , l’or , l’argent et autres choses semblables, qui ne peuvent satisfaire les besoins de notre corps et les* dĂ©sirs qu’inspire la nature; mais elle a , au contraire , rĂ©pandu, avec profusion , par tout l’univers , et a mis Ă  la portĂ©e de tout le monde , ces objets dont on ne se peut passer dans la vie. Le corps manque -t-il d’esprits vitaux i J l'air , destinĂ© Ă  les rĂ©parer , est toujours prĂȘt Ă  les seconder de mĂȘme la chaleur du soleil et du feu ne manque jamais de secourir et d’aider celle qui nous est naturelle et qui entretient notre vie. Les fruits de la terre nous offrent une nourriture toujours abondante , et qui surpasse tous nos dĂ©sirs ; ils nourrissent , ils alimentent les animaux qui s’en rassasient sans cesse. L’eau enfin, qui non-seulement sert de boisson , mais qui sert encore Ă  une infinitĂ© d’usages qui la rendent d’autant plus agrĂ©able qu elle est la chose qui coĂ»te le moins. Les prĂȘtres Egyptiens prĂ©tendent que tout ne subsiste que par la vertu de cet Ă©lĂ©ment ; ils couvrent le vase Ă  mettre de l’eau , le portent dans le temple avec un respect religieux , et se prosternant Ă  terre , les mains Ă©levĂ©es au ciel, ils rendent grĂące Ă  la bontĂ© divine de nous avoir accordĂ© ce bienfait. REMARQUES . On retrouve, dans celte introduction, Ă -peu-prĂšs tout ce qui a Ă©tĂ© dit dans le 2 . me chapitre du II. rae livre , oĂč l’auteur cherche Ă  appuyer par l’opinion des philosophes , les raisonnemens qu’il contient sur les divers matĂ©riaux qu’on emploie pour la construction des Ă©difices ; particuliĂšrement dans le g.ℱ 6 Chap. oĂč il traite des arbres. Tout ce qu’il dit dans ce deuxiĂšme livre , facilitera beaucoup l’intelligence de cette introduction. Il commence dans les deux endroits , par citer l’opinion de ThalĂšs , qui prĂ©tendoit que l’eau Ă©toit le principe de toutes choses ensuite il cite celle d’Heraclite qui disoit que c’étoit le feu. Dans cette introduction, il cite cependant celle des prĂȘtres mages dont il n’avoit pas parlĂ© dans le 2. me Chap, du II. me Liv. En parlant ici des prĂȘtres mages, il dit sacerdotes magorum les prĂȘtres des mages mais tout le monde comprend qu’il a voulu dire les prĂȘtres mages, sacerdotes magi , c’est-Ă -dire les prĂȘtres des Perses , parce que, comme nous 1 tĂ«,. , jiSie > pgles tiiik Ăżle ^ temple ijjii rendi ; »1 rĂ©; ms renr me estij ĂŻ bois, f Ă©toit Noce l.'iep! L Êst b ĂŒr il l V 11 E TII1, C n A >. II. 36ĂŻ prĂšs sous le cours du soleil , sont presque de'poumies d’eau , et n’ont que fort peu de fontaines et de riviĂšres , on en doit conclure que les meilleures sources sont cellĂšs dont lĂ©s"eaux s Ă©coulent vers le septentrion , ou l’Aquilon; Ă  moins qu elles ne passent par quelqu’endroit sulphureux , alumineux ou bitumineux ; alors elles changent de qualitĂ©, et les eaux de ces fontaines, soit qu’elles fussent chaudes ou froides, ont toujours une mauvaise odeur, et un goĂ»t dĂ©sagrĂ©able car il ne faut pas croire qu’il y ait des eaux qui soient chaudes de leur propre nature celles qui le sont, ne s’échauffent qu’en passant par quelqu’endroit brĂ»lant la preuve en est, que ces eaux , qui sortent bouillantes des veines de la terre , ne conservent pas long-temps leur chaleur, et deviennent bientĂŽt froides. Si cependant elles Ă©toient naturellement chaudes , elles ne se refroidiroient jamais , et conserveroient cette chaleur , comme elles conservent leur goĂ»t, leur odeur et leur couleur ; parce que la nature subtile de cet Ă©lĂ©ment , se mĂȘle et s’imprĂ©gne fortement des matiĂšres qui causent ces effets. RE M ARQUE S. L’auteur, dans ce chapitre, rĂ©pĂšte Ă -peu-prĂšs ce qu’il a dĂ©jĂ  dit dans le sixiĂšme du premier livre , sur les causes qui produisent les vents. L’air , comme on sait } est un fluide compres- 6Îble-qui se dilate par le chaud , et se condense par le froid. Quand une partie de l’atmosphĂšre s’échauffe, ou se refroidit, il se fait un mouvement de translation de l’air, par laquelle une partie assez considĂ©rable est poussĂ©e d’un lieu dans un autre , avec plus ou moins de vitesse ; c’est ce qu’on nomme le vent. Vitruve a donc raison de dire que la chaleur du soleil occasionne dans l’air chargĂ© de beaucoup d’humiditĂ© , l’expansibilitĂ© de ce fluide , qui pousse celui d’alentour , qui n’est pas rarĂ©fiĂ© mais l’attraction qu’il attribue Ă  la rarĂ©faction de l’air n’existe pas. Si dans quelque partie de l’atmosphĂšre , la chaleur du soleil occasionne l’expansibiliiĂ© de Pair, et que dans une autre partie , il se trouve condensĂ©, l’air qui se trouve entre eux, poussĂ© par celui qui se rarĂ©fie, se portera vers celui qui se condense tellement que toute l’impulsion de l’air rarĂ©fiĂ© agit vers l’endroit oĂč la condensation se fait ; parce que l’espace qu’occupoit l’air avant d’ĂȘtre condensĂ© , devenant moins rempli par la condensation, donne place Ă  celui qui est poussĂ© par l’air rarĂ©fiĂ© ; ce qui paroĂźt une attraction , quoiqu’en effet cela dĂ©termine seulement le lieu vers lequel l’impulsion se fait. Presque tous les corps liquides, exposĂ©s Ă  la chaleur de l’air , se dĂ©composent ; alors les parties les plus volatiles se dĂ©gagent des plus pesantes , et s’élĂšvent peu-Ă -peu dans l’atmosphĂšre. L’évaporation de l’eau est la plus abondante de toutes. De ce fluide, rĂ©pandu sur toute la surface du globe , qui occupe la vaste Ă©tendue des mers , il s’élĂšve sans cesse une quantitĂ© de vapeurs. L’hydrogĂšne , le plus lĂ©ger de tous les fluides pondĂ©rables , qui l’est treize fois plus que l’air que nous respironsest une des parties constituantes de l’eau. DĂšs que la chaleur agit sur celle-ci , et en dĂ©compose une partie, l’hydrogĂšne se dĂ©gage plus lĂ©ger que l’air atmosphĂ©rique , il s’élĂšve et 40 36a L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. emporte quelques parcelles d’eau ; celte Ă©vaporation continuelle et abondante forme les nuages que nous voyons dans les airs. Il est tout simple, qu’à mesure que les climats se rapprochent du cours du soleil, l’action de sa chaleur a plus de force , est plus continuelle par consĂ©quent l’évaporation est plus considĂ©rable, et le sol de ces climats en devient plus sec. Vitruve apporte pour preuve de cela , que les vents mĂ©ridionaux sont trĂšs-humides et amĂšnent beaucoup de pluie, parce que le soleil a pompĂ© beaucoup de vapeurs dans celte partie ; et pour la raison contraire , les vents du nord il'amĂšnent que la sĂ©cheresse ; ce qui est çn partie vrai, sur tout pour la GrĂšce et l’Italie ; parce- que pour ces pays, les vents du midi viennent de la mer; mais il n’en est pas moins vrai, que les vents du nord sont aussi trĂšs-pluvieux dans les pays qui ont la mer au septentrion, et qu’au contraire le vent du midi y sera trĂšs-sec , s’il y vient du cĂŽtĂ© de la terre. On sait, comme l’observe trĂšs-bien Yilruve , que les hautes montagnes arrĂȘtent les nuages ; que pour cette raison il pleut davantage sur les montagnes et dans le voisinage des montagnes que sur les plaines. Nous voyons en effet qne les fleuves et les riviĂšres ont toujours leurs sources dans les montagnes les plus Ă©levĂ©es au-dessus du niveau de la mer , et qu’elles descendent ensuite vers elle. Il Ă©toit aisĂ© Ă  Vitruve d’aprĂšs ce qu’il avoit dit d’abord de faire ce dernier raisonnement , qui a pour base la vĂ©ritĂ©. Au lieu de cela, pour appuyer ce qu’il a d’abord avancĂ© , que le soleil attire toute l’humiditĂ© du midi, que les vents poussent ensuite vers le nord , il dit que le plus grands fleuves'viennent du nord; ce qui n’est pas exact. Parmi ceux qu’il cite, plusieurs mĂȘme ont leur source au midi , et leurs eaux coulent vers le nord tels sont le Rhin et le Nil. La description qu’il fait du cours des fleuves , exige encore d’autres observations il dit, par exemple., que le Tigre et l’Euphrate sont dans la Syrie , tandis que ces deux fleuves passent au milieu, de l’Assyrie , fort loin de la Syrie ; c’est pourquoi j’ai lu Assyrie au lieu de Syrie. Les auciens gĂ©ographes ont souvent confondu ces deux pays. La description qu’il fait du cours du Nil est trĂšs-intĂ©ressante. Si on la confronte avec les caries modernes les plus exactes , on verra qu’il connoissoit le cours de ce fleuve jusqm’à sa source , Ă -peu- prĂšs comme nous le connoissons aujourd’hui. I ici* ecn to une Ce fleuve commence effectivement au mont Atlas , et comme les barbares , d ? aprĂšs ce que rapporte Strabon , appeloient cette montagne Dyris , on aura probablement donnĂ© aussi le nom de % ris Ă  la partie du Nil qui s’étend depuis sa source 3 et prend son cours vers l’occident, jusqu’au lac qui s’appeloit alors Eptabole 3 et aujourd’hui Dcimbea. Sorti de ce lac , il s’avance en tournant vers le midi jusqu’à ce qu’il entre dans le marais de Caloe. Cette partie du fleuve s’appeloit le Nigir. Les cartes modernes n’indiquent pas ce marais si on les suppose exactes , il faut croire que cette omission vient de ce que c’est le fleuve mĂȘme qui produit ces marĂ©cages , oĂč il doit couler pendant long-temps au travers de ses propres sables , tellement qu’on aura nĂ©gligĂ© d’indiquer ces marais ^ les regardant comme un accessoire qui sembloit faire partie du fleuve. Cellarius, qui ne connoissoit certainement pas ce passage de Vitruve , place mal-Ă -propos ce marais Ă  la source du fleuve Astasobas , dont nous allons parler. Vitruve dit que ces marais entourent le royaume de MĂ©roe 1 dans l’Ethiopie mĂ©ridionale. Plusieurs auteurs, parmi lesquels se trouve Pomponius MĂȘla, r* ĂŻ Cambyse avait bĂąti une ville dans cette partie'de il lui donna le nom de sa sƓur MeĂŻoĂ« qui y mourut. Ce aom a passe' Ă  tout le pars. "IVOl SI l tdrso ' / LIVRE VIII, C * A u 364 ant cru que ce royaume Ă©toit uue isle formĂ©e par le Nil ; ils le divisent pour cela eu deux branches, dont ils appelent l’une Astaboras et l’autre Astape 1, L’Aslaboras et PAstape ne sont pas deux branches du Nil qui forment une isle, mais deux riviĂšres diffĂ©rentes du Nil dont celui-ci s’approche dans son cours , comme le remarque trĂšs-bien ici Vitruve il s'approche , dit-il, par divers contours ? etc., il dit se circumagens et non pas se dividens.. Nous voyons en effet sur les caries r que le cours du Nil est trĂšs-tortueux lorsqu’il passe auprĂšs des riviĂšres Astasobas et Astaboras; mais on ne voit pas qu’il s’y divise en deux branches pour former une jsle. Les anciens gĂ©ographes , qui ont parlĂ© de ces deux riviĂšres, Ă©crivent tous de mĂȘme , le nom de l’Astaboras , cependant avec cette petite diffĂ©rence que les uns Ă©crivent Astaboras , d’autres Astaborras , d’autres enfin Astabores. Quant Ă  l’Astape dont, Strabon Ă©crit comme nous le nom, d’autres Ă©crivent Astosabas , Astapus et Astapes. Yoyez Pline , Strabon , Pomponius MĂȘla, PtolĂ©mĂ©e, Solinus , etc. Galiani avoue qu’il est trĂšs-surpris que les commentateurs de Pomponius MĂȘla , ainsi que le gĂ©ographe Cellarius avent ignorĂ© ce passage , oĂč Yitruve dit que le Nil s’approche des deux riviĂšres , l’Astape et l’Astaboras ; il l’est encore davantage , ajoute-t-il, qu’il n’ait pas Ă©tĂ© connu de Delisle , qui n’en dit pas un mot dans la dissertation qu’il prononça le i 4 Novembre 1708, Ă  l’acadĂ©mie des sciences , dont le but Ă©toit de dĂ©terminer la situation du royaume de MĂ©roĂ«, Sans se donner autant de peine, sans former autant de conjectures et d’argumens , il auroit trouvĂ© , d’aprĂšs ce que dit ici Yitruve, la vraie situation de ce royaume; et, quoiqu’en dise Pomponins MĂȘla, il auroit prouvĂ© que le Nil par ses contours, en faisoit une pĂ©ninsule et non pas une isle. Galiani observe encore que Perrault, qui avoit sous les yeux ce passage si clair de Yitruve , n’a pas laissĂ© de trar duire que le Nil s J Ă©lant divisĂ© en deux bras , nommĂ©s VAstasobam et VAstaboram etc. Vitruve ajoute que le Nil forme les cataractes, l’isle ElĂ©phantine , passe Ă  sienne, dans la ThĂ©baĂŻde, et dans le reste de l’Egypte. C’est de celte derniĂšre partie du cours du Nil que [Desnon nous a donnĂ© une description on ne peut pas plus inlĂ©resssanle, dans'le voyage d’Egypte qu’il vient de publier. CHAPITRE III. Des qualitĂ©s particuliĂšres de certaines eaux de fontaines. Nous avons plusieurs fontaines chaudes, dont les eaux sont fort agrĂ©ables Ă  boire; celle qui s’écoule de la fontaine de CamĂŠne , 2 et celle qui sort de la fontaine Martiale, ne sont pas meilleures voici comme la chaleur se communique aux eaux. Lorsqu’un feu ardent s allume sous la terre dans l’alun, le bitume ou le sou- 2 Voyez les remarques Ă  la fin de ce chapitre. 46 . 1 Powp. MĂȘla , Liv. I. Chap, 9. L’ARCHITECTURE DE YITRÜYE. 364 fre , il Ă©chauffe tout ce qui l’environne, et fait Ă©lever une vapeur brĂ»lante qui se porte vers la superficie de la terre. S’il se trouve au-dessus quelques fontaines d’eau douce, cette vapeur les Ă©chauffe dans leurs conduits souterrains, d’oĂč elles s’écoulent cependant sans prendre de mauvais goĂ»t. On rencontre au contraire des fontaines d’eau froide qui ont l’odeur et le goĂ»t trĂšs-dĂ©sagrĂ©ables cela vient de ce qu’elles ont passĂ© sous terre par quelqu’endroit brĂ»lant; elles coulent ensuite encore pendant trĂšs-longtemps cachĂ©es dans des canaux souterrains , tellement qu elles ne sortent de terre qu entiĂšrement refroidies ; mais elles retiennent dans leur goĂ»t, leur odeur et leur couleur, tout ce quelles ont contractĂ© de mauvais telles sont les eaux de l’Albuia sur le chemin de Tivoli ; telles sont encore les fontaines d eau froide prĂšs dArdĂ©e, 1 et celles de plusieurs autres fontaines d’eaux froides , qui ont comme celle-ci une odeur sulphureuse. Les eaux, quoique froides, semblent bouillonner, comme si elles Ă©toient chaudes, parce que passant dans les profondeurs de la terre , par quelqu’endroit brĂ»lant , le choc qu’occasionne la rencontre de l’eau et du feu excite une certaine commotion qui fait Ă©lever prĂ©cipitamment quantitĂ© d’air fixe 2 qu elles retenoient et qui sortant Ă  plusieurs reprises , cause ce bouillonnement. di f flou il an ban tondu t sflĂ f ils fl 0 po U les [les p! . *{ H ml LIVRE VIII, Ch Ă  P. 3CS appelĂ© Xante i, la riviĂšre qui arrose leurs campagnes les vaches qui naissent le long de ses rives Ă©tant toujours rousses, et les moutons bruns 2 . On rencontre aussi des eaux dont l’usage est aussi pernicieux que mortel, Ă  cause des sucs venimeux que contient la terre sur laquelle elles coulent telle Ă©toit, Ă  ce qu’on dit, celte fontaine de Terracine, appelle'e la fontaine de Neptune ; ceux qui buvoient par mĂ©garde de son eau, mouroient sur le champ, c’est pourquoi on la combla autrefois tel Ă©toit aussi un lac prĂšs de Cichros, dans la Thrace; non - seulement ceux qui buvoient de ses eaux mouroient, mais mĂȘme ceux qui s’y alloient laver. Il existe encore, dans la Thessalie , une fontaine ombragĂ©e par un arbre qui porte des fleurs de couleur pourpre; aucun troupeau ne veut boire de ses eaux, elles animaux, de toutes espĂšces, n’osent en approcher. On voit de mĂȘme en MacĂ©doine, prĂšs du tombeau d’Euripide, deux ruisseaux qui coulent, l’un Ă  droite et l’autre Ă  gauche du monument, et rĂ©unissent ensuite leurs eaux. L’eau d'un de ces ruisseaux est si bonne, que tous les voyageurs s’arrĂȘtent pour s’y rafraĂźchir ; mais personne n’approche de celle qui coule de l’autre cĂŽtĂ©, parce qu elle a la rĂ©putation d’ĂȘtre trĂšs-pernicieuse. Dans la partie de l’Arcadie nommĂ©e Nonacris, certaines montagnes distillent une eau trĂšs-froide, que les Grecs appellent stygos hydor 3 ; aucun vase , soit d’argent, soit de cuivre ou de fer, ne peut la retenir, parce qu elle saute dehors et se disperse ; on ne peut la retenir et la conserver que dans la corne du pied d un mulet. Antipater fit porter, dit-on, de cette eau, par son fils Iolas, dans la province oĂč se trouvoit Alexandre, et elle servit de poison Ă  ce roi. Dans les Alpes, au royaume de Gottus, il y a encore une eau qui fait mourir subitement tous ceux qui en goĂ»tent. Au pays des Falisques, prĂšs du chemin qui conduit Ă  Naples, dans un bois qui se trouve au milieu d’un champ appelĂ© Cornetus, il sort une fontaine dans laquelle on voit des os de serpents, de lĂ©zards et d’autres bĂȘtes vĂ©nimeuses. 1 BavSoç en grec signifie la couleur jaune, blonde ou rousse. a 2 Il est assez difficile de dĂ©cider quelle est cette couleur nommĂ©e en latin leucophƓus. Pline dit que ce mĂ©lange de la rubrique, du sil jaune et de la meline dont on composoit la couche qu’on appliquoit sur le bois , pour dorer , ‱ fait le leucophƓum. La difficultĂ© est dans la signification du mot grec Cpaioç que les grammairiens rendent par le mot latin fuscus ; ils disent Fusais est color suhniger , c’est-Ă -dire brun , sans spĂ©cifier quel brun ils entendent. Les auteurs latins se sont mieux expliquĂ©s, en parlant de la couleur des visages hĂąlĂ©s, et de celle des vins qui na sont ni tout - Ă  - fait blancs , ni tout-Ă - fait rouges ; ils la nomment fusais color c’est dans ce sens qu’Ovide dit fuscantur corpora campo , et que le vin de Falerne est appelĂ© fuscum par Martial. Il suit de lĂ , que la couleur nommĂ©e fuscus par les anciens, ressemble Ă  celle des visages hĂąlĂ©s , ou Ă  celle de ces vins d'Es pagne ou du midi de l’Italie qui sont d’un jaune foncĂ© ressemblant assez Ă  celui du visage halĂ© des habitans de ces contrĂ©es. 3 C’est-Ă -dire , eau de tristesse. kl 36 9 L’ARCHITECTURE DE V I T R Ü V E. On trouve encore plusieurs sources dont les eaux sont aigres, comme celles du Lynceste, celles du Velino, en Italie i , celles qui sont prĂšs de ThĂ©ano, dans la Campanie, et dans plusieurs autres endroits. Toutes ces eaux, quand on les boit, ont la vertu de dissoudre les pierres qui sont dans la vessie. Il paroit que cela vient de ce que ces eaux s'imprĂ©gnent des substances Ăącres et acides qu’elles rencontrent sous la terre ; ce qui fait, quand on les boit, qu elles dissipent tout ce qui se trouve endurci et coagulĂ© dans notre corps. Pour comprendre comment les acides peuvent dissoudre les corps endurcis , on n’a qu’à laisser tremper quelque temps un oeuf dans du vinaigre, et on verra sa coquille s’amollir et se fondre. Il en est de mĂȘme du plomb, qui s’éclate si difficilement, et qui est trĂšs-pesant mis avec du vinaigre dans un vase bouchĂ© bien exactement, il se dissout et se change en ceruse. Le cuivre , qui est encore plus dur, se dissout par la mĂȘme opĂ©ration , et devient du verd de gris les perles, et mĂȘme les cailloux que le fer ni le feu ne peuvent rompre, se cassent et tombent enȎclats*, quand aprĂšs les avoir Ă©chauffĂ©s, on les arrose avec du vinaigre. Il est aisĂ© de juger, d’aprĂšs cela, que les acides qui agissent sur ces corps, produiront le mĂȘme effet pour guĂ©rir ceux qui souffrent de la pierre. Il est d’autres fontaines dont les eaux paroissent mĂȘlĂ©es avec du vin ; on en voit une de ce genre en Paphlagonie ; ses eaux enivrent sans y mettre cette liqueur. À Equicole , en Italie, et au pays des Medulles 2 , dans les Alpes, certaines eaux font enfler la gorge de ceux qui en boivent. Dans les campagnes de Clitor., ville trĂšs- connue de f Arcadie, on remarque une caverne d’oĂč s’écoule une fontaine qui fait haĂŻr le vin Ă  ceux qui boivent de ses eaux. On a gravĂ© auprĂšs, sur du marbre, une Ă©pigramme, en vers grecs, qui porte quelle n’est pas propre pour s’y baigner, et qu elle est ennemie de la vigne ; parce que c’est dans cette fontaine que MĂ©lampus, aprĂšs avoir sacrifiĂ©, purifia les filles de Pretus, pour les guĂ©rir de leur folie; il leur remit, en effet, l’esprit dans l'Ă©tat oĂč il Ă©toit avant leur dĂ©mence. Voici cette Ă©pigramme " ;. , PrĂšs des antres obscurs d’oĂč coule ce ruisseau , Si la chaleur t’invite Ă  mener ton troupeau, J Berger, tu peux y boire, et dans^-leurs promenades, Suivre parmi ces prĂ©s les errantes INayades; 1 Avec Perrault et Galiani , j’ai suivi ici la correction de Budeus qui lit , in Italica Velino f campana Theano, au lieu de in llalica vircna. Il paroit que Vitruve cite ici ces deux eaux, en mĂŽme - temps, parce qu’au rapport de Pline , elles avoient l’une et l’autre la propriĂ©tĂ© de rompre la pierre dans le corps par leur aciditĂ© ; in ƒnaria insula calculosis mederi. Et guet eocatur acidula ah Theano sidicino. . . Idem contingit in Velino lacu po- taniihus. Liv. XXXI , Chap. 5 . 2 Les habitans des Alpes , sur-tout dans les vallĂ©es qui sont au midi, sont trĂšs-sujets aux goitres ; ces excroissances y parviennent souvent Ă  un Ă©norme volume. f jin U’ S0M iSuse, lents, s'y lu i les y i t; ' P TOJÛ jĂźlĂźlonf ^ le coi ^ Ă©toii i^'a; [Meurs 1 r LIVRE VIII» C H À P, 1 * in,' 1 370 Mais ne l’y baigne pas ces eaux, par un “poison Qui." fait haĂŻr le vin, corrompent la raison. Fuis donc celte liqueur ^ si contraire Ă  la vigne, Que MĂ©lampe infecta de celle humeur maligne, ; Qui des filles de PrĂȘte avoit troublĂ© les sens, Lorsqu’il passa d’Argos en ces lieux dĂ©plaisans. Il se trouve de mĂȘme, dans l’üle de Chio, une fontaine qui fait perdre l’esprit Ă  ceux qui vont imprudemment s’y dĂ©saltĂ©rer. On a placĂ© une Ă©pigramme qui avertit que son eau, fort agrĂ©able Ă  boire, rend l’esprit dur comme une pierre. Voici cette Ă©pigramme Si l’on boit celte eau fraĂźche et pure, Elle charme vos sens d’abord ; Mais elle rend l’ame plus dure Que le rocher dont elle sort, A Suse, capitale du royaume de Perse, il y a une petite fontaine qui fait tomber les dents. On y lit aussi une Ă©pigramme qui annonce que cette eau est fort bonne pour s’y baigner ; mais qu elle fait tomber les dents de ceux qui en boivent 1 . Voici les vers de cette Ă©pigramme Passants, l’eau que tu vois, est une eau qu’il faut craindre ' ' Tu peux, il est vrai, sans danger T’en rafraĂźchir les mains et mĂȘme t’y plonger ; Mais si dans son cristal ta soif alloit s’éteindre, Tu sentirois bientĂŽt ses effets malfaisans , A la bouche fatale , elle enlĂšve les dents. REMARQUE S. Nous voyons que les anciens connoissoient comme nous l’usage des eaux minĂ©rales. L’auteur parle d’abord des fontaines dont l’eau sort chaude de la terre, et qui sont nĂ©anmoins trĂšs-agrĂ©ables Ă  boire; il les compare, pour la bontĂ©, aux eaux de deux fontaines de Rome, qu’on sera peut-ĂȘtre curieux de connoĂźire. L’une Ă©toit la fontaine de Camoene ; elle existe encore prĂšs de cette ville, hors la porte de St;-SĂ©l>asiien ; elle se trouvoit autrefois dans un bois qui s’appeloit Casmoene, qui lui a donnĂ© son 110m, ainsi qu’à la porte de la ville, qui s’appeloit d’abord la porte Camoene, ensuite CapĂšne, et enfin de i On m’a assurĂ© , que , dans la Picardie , il se de ceux qui en boivent, trouve plusieurs fontaines dont l’eau fait tomber les dents 47 * 3ti L*ARCHITECTURE-DE YITRUVE. On sait qnc Numa Pompilius se retiroit souvent dans ce bois , oĂč se trouvoit une grotte d’oĂč sortoit la fontaine dont nous parlons. Lucus erat , dit Tite Live, L. ĂŻ., quern medium ex opaco specu fons perenni rigabat aqua. Il persuada aux Romains qu’il avoit, dans cette grotte, des frĂ©quents entretiens avec la nymphe ÉgĂ©rie, qui en Ă©toit la nayade, Ce fut lĂ  qu 5 il composa le premier code de lĂ©gislation qui servit Ă  adoucir les mƓurs de ce peuple grossier, Ă  lui inspirer l’esprit de sociĂ©tĂ© , le respect pour les dieux,, et des sentimens patriotiques qui l’ont rendu d’abord respectable Ă  ses voisins , et ensuite Ă  tout l’univers. D’aprĂšs cela , les Romains regardoient celte fontaine comme sacrĂ©e. Tout contribuoit Ă  la rendre agrĂ©able ; l’amĂ©nitĂ© de son site, la limpiditĂ© de ses eaux, enfin le bosquet toujours verd qui l’ombragçoit j non content de la voir ainsi dĂ©corĂ©e par la nature, ils y joignirent les ornemens de l’art. Ils la firent couvrir d’une voĂ»te spacieuse, sous laquelle ils pratiquĂšrent des niches pour y placer les statues des muses. La nymphe EgĂ©rie y eut aussi la sienne, de mĂȘme que Numa. Cette voĂ»te existe encore, ainsi que la statue de Numa, qui est cependant trĂšs-mutilĂ©e. PrĂšs de lĂ , se trouve un petit bois, reste, sans doute, de celui de CamĂšne, composĂ© d’arbres toujours verds, comme chĂȘnes verds , lauriers de diffĂ©rentes espĂšces, arbousiers, etc. Juvenal, accompagnant son ami Ambricius, qui partoit pour Cume, aprĂšs avoir passĂ© la porte CapĂšue, dit . In vallem EgeriĂŠ descendimus , et spelunccis Dissimiles yVeris , quanto prƓstantius esset , Numen aquĂŠ , viridi si margine cĂźauderet undas ’ Herba , nec ingenuum violarent marmora tophum? C’est-Ă -dire Nous descendĂźmes ensemble, dans celte vallĂ©e d’EgĂ©rie, prĂšs de ces grottes qui ne sont rien moins que naturelles. Ah ! que les Nayades qui rĂ©gnent dans ces eaux , en qu’il convient, quand on aura y un e pente raisonnable, depuis la source jusqu’aux murailles de la ville, de construire des regards, D distants l’un de l’autre de la longueur de quatre mille pieds, afin que, si l’on devoit rĂ©parer quelque chose dans les tuyaux, on ne obligĂ© de fouiller tout le long de la conduite, jj et qu’on trouve aisĂ©ment l’endroit oĂč est le mal. On ne doit pas, ajoute-t-il, faire ses regards, » Castella , sur les pentes ni dans les enfoncemens, etc. > D’aprĂšs celaj j’ai cru comme Perrault, que je devois rendre le mot castellum par celui de regard. Cependant, au commencement de ce chapitre, par le mot castellum , notre auteur n’entend pas prĂ©cisĂ©ment un regard , comme nous' venons de le dĂ©finir ; il entend un Ă©difice qui contient des rĂ©servoirs Ă©levĂ©s pour recevoir l’eau, qu’y amenoieni les aqueducs, Ăšt pouvoir ensuite faire commodĂ©ment la disiribuiion nĂ©cessaire, comme il est indiquĂ© par la lettre L, fig. 5 , plane. XXIII. Contre ce chĂąteau, ou regard, on construisoit trois rĂ©servoirs ou rĂ©ceptacles d’eau ; les deux qui Ctoient sur les cĂŽtĂ©s s’élĂšvoient davantage, et celui du milieu Ă©toit plus bas ; les tuyaux marquĂ©s j j , 2, 3 , versent Ă©galement l’eau du premier rĂ©servoir dans les trois autres, et les deux tuyaux marquĂ©s 4 et 5, versent dans le rĂ©servoir du milieu, l’eau qui est surabondant dans les deux i. i troi? faille d’Italie font une lieue de France, rĂ©servoirs, vu. 384 LITRE. TIU, Ch» Ă ; p. rĂ©servoirs j l’un envoyoit l’eau dans ' les- bains, 1 autre aux maisons des particuliers , et celui du milieu l’envoyoit aux lavoirs et aux fontaines jaillissantes» tels Ă«toient> les- grands regards, c’est-Ă - dire , les rĂ©servoirs principaux qu’on- faisoit pour chaque aqueduc , contre les murs de la ville. Celui de YAqua Claudia existe encore Ă  Rome , prĂšs de la porte Majeure ; mais ' comme nous l’apprend Frontin , il se trouvoit, dans l’intĂ©rieur mĂȘme de la ville , plusieurs regards particuliers qui servoient pour subdiviser et distribuer l’eau des trois premiers canaux. ' L’un des rĂ©servoirs de cĂŽtĂ© envoyoit ses eaux , Ă  ce que dit Vilruve, aux bains publics, et l’autre aux maisons des particuliers; et ce qui. Ă©toit de trop dans ces deux rĂ©servoirs, tomboit dans’ celui du milieu, qui envoyoit les siennes dans les lavoirs, de sorte, ajoute-t-il, que l’eau nĂ©cessaire au public ne manquera pas, et les conduits des particuliers ne pourront en dĂ©tourner le cours. Frontin rapporte un sĂ©natus-consulte, qui dĂ©fendoit aux particuliers de prendre l’eau ailleurs que du chĂąteau., sans doute pour les obliger de payer la taxe , Ă  laquelle on les imposoit pour cet objet, et qu’on employoit , comme nous l’apprend Vilruve , Ă  entretenir les aqueducs publics. Nous avons dĂ©jĂ  remarquĂ© que , dans l’ancienne Rome, les ouvrages se faisoient par entreprise * il y avoit donc des entrepreneurs chargĂ©s d’entretenir les eaux et les aqueducs ; c’étoit Ă  eux qu’on remettoit le produit de celle taxe. Frontin, que nous avons dĂ©jĂ  citĂ©, nous apprend qu’anciennement, c’est-Ă -dire , quand Rome n’avoit pas celle grande abondance d’eau qu’on y introduisit par la suite , au moyen d’une quantitĂ© d’aqueducs , toute l’eau qui entroit dans la ville , Ă©toit d’abord rĂ©servĂ©e pour le service public. Il n’étoit permis aux particuliers de dĂ©tourner pour leur usage propre que celle qui tomboit, c’est-Ă -dire, celle qui Ă©toit de trop pour l’usage commun. Apud antiques omnis aqua in publicos usus erogabaturlegeque cautum ita fuit , ne quis privatus aliam ducat , quam quoe ex lacu humum accedit. .... QuƓ ex lacu abun- davit eam nos caducam vocamus. Tellement que l’eau servoit d’abord pour les bains et pour les lavoirs publics ; ensuite, celle qui tomboit Ă©toit distribuĂ©e entre les particuliers , qui payoient pour cela une certaine redevance. Eratque vectigalis statuta merces quƓ in publicum penderetur. Ce fut d’abord le peuple qui choisissoit les entrepreneurs qui dĂ©voient avoir soin des eaux. Tute - lam autem singularum aquarum locari solitum invenio , positumque redemtoribus necessitatem certum numerum circa ductus extra urbem , et certum in urbe servorum opificum habendi 1 . Auguste, et, aprĂšs lui, tous les empereurs s’attribuĂšrent cette entreprise, s’emparĂšrent de la taxe imposĂ©e pour cet objet, et entretinrent Ă  leurs dĂ©pens, ou Ă  celui du public, les eaux et les aqueducs. Comme Perrault, j’ai cru que le mot lacus signifioit un lavoir, c’est-Ă -dire, des fontaines, oit le peuple alloit laver les draps, et chercher toute l’eau dont il avoit besoin. Au mot lacus , l’auteur ajoute, et salientes comme Perrault, j’ai rendu cette expression par fontaines jaillissantes. Galiani dit qu’il est tentĂ© de croire que lacus signifioit le bassin qui reçoit l’eau, et que salientes signifioit la fontaine avec le tuyau qui rĂ©pandoil l’eau, soit horizontalement , soit en la fusant jaillir dans ce bassin. Il ajoute qu’on devroit examiner si Nardini ne s’est pas trompĂ© , \ 0 Frontin , L. II. 49 385 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. r~ lorsqu’il avance que beaucoup de ces endroits de Rome, nommĂ©s lacus , Ă©toient de vĂ©ritables lacs, produits par les eaux de pluies ou de fontaine. Je ne puis cependant croire, ajoute-t-il, que la police de Rome auroit tolĂ©rĂ© de semblables cloaques au milieu de la ville ; je crois plutĂŽt qu’on doit entendre par-lĂ  une espĂšce de lac artificiel, c’est-Ă -dire, le bassin de la fontaine. v. * i ' AprĂšs avoir dĂ©crit le chĂąteau ou regard qui dislribuoit l’eau, pour les divers besoins des habi-, tans, l’auteur observe , cjue s’il se rencontre des montagnes entre la source de la fontaine et la ville, qu’il faut les percer en formant un souterrain ; que si ces montagnes sont formĂ©es de terre ou de sable , on doit construire des deux cĂŽtĂ©s du souterrain, dans toute sa longueur , deux murailles , pour soutenir les terres, et y faire des puits de 4 o toises en 4 o toises , 1 uti inter duos 1 sint actus 1. . L’aqueduc dont j’ai dĂ©jĂ  parlĂ© qui amenoit l’eau dans la piscine merveilleuse , au cap Mi- sĂšne , traverse plusieurs montagnes qu’on a dĂ» percer ; cet aqueduc a vingt milles de long ; il amenoit l’eau dans celte piscine , qui servoit de rĂ©servoir d’eau douce pour la flotte romaine. On voit qu’il a Ă©tĂ© dirigĂ©' d’aprĂšs les principes que Vitruve rapporte dans ce chapitre ; il ne sert plus prĂ©sentement, et se trouve mĂȘme dĂ©truit en partie;, mais dans plusieurs, endroits, entre-autres, lorsqu’il forme des souterrains au travers des montagnes, ces parties sont intactes, ce que j’ai vu moi-mĂȘme; il a quatre pieds de haut sur deux et demi de large; les parois intĂ©rieures des murs sont en opus reticulatum. La piscine elle-mĂȘme est un des monumens les plus admirables, et des mieux conservĂ©s que nous ont laissĂ©s les Romains. C’est un grand Ă©difice cape, long d’environ cent quatre-vingts pieds, sur cent vingt-huit de largeur, portĂ© par quarante-dmit pilastres, placĂ©s sur quatre lignes; il est construit dans l’intĂ©rieur de, la montagne qu’on a, creusĂ©e Ă  cet effet. Dans le chapitre i. er du I. er livre, l’auteur, voulant montrer que l’architecte doit connoĂźtre la philosophie, ou pour mieux dire, lĂ  physique, dit, que saris son secours , il ne pourroit obvier Ă ' l’effort des vents qui s’engendrent dans l’eaulorsqu’elle’est enfermĂ©e. C’est pour faciliter l’échappĂ©e K de ces vents qu’il veut qu’on fasse de 120 pieds en 320 pieds des soupiraux; il appelle ces soupiraux des puits, puteos , parce qu’ils sont enfoncĂ©s dans la terre en forme de puits , jusqu’à l’aqueduc , qui forme une voĂ»te souterraine. Un peu aprĂšs , quand il dit que l’aqueduc doit ĂȘtre portĂ© sur des arcades , il appelle ces soupiraux des colonnes, columnaria , parce qu’en effet elles ressemblent Ă  des colonnes. Voyez planche XXIlI, f fig. 5 , lettres C et D. j; - ’ Pour indiquer la distance qu’il doit y avoir entre chacun de ces soupiraux , l’auteur emploie le mot actus. On sait que Yactus chez les Romains, Ă©toit une longueur de 120 pieds. Je crois avec Perrault et Galiani, qu’aprĂšs le mot actus , il y avoit un nombre ainsi marquĂ© H, cpii manque dans les manuscrits, tellement qu’il fauclroit lire, uti inter duos scilicet puteos sint actus II. C’est-Ă -dire qu’entre chaque puits, il y avoit, comme nous l’avons dit, quarante toises car s’il n’y avoit qu’un actus, ce seroit environ 20 de nos toises; espace bien court et qui mullipheroit trĂšs-inutilement les soupiraux le long de l’aqueduc, au point'que sur une lieue, il faudroit 100 1 L 'aclus chez les Romains 'toit une longueur de no pieds comme on Je verra ci-aprĂšs. LIVRE VIII, C b k p, , , 36 puits. Ce qui prouve encore plus en faveur de cette correction , c’est que Fauteur dit, sint actus au pluriel ; il entend donc qu’il devoit y avoir plusieurs actus , autrement au .lieu de sint , il auroit dĂ» mettre sit. t r ‱ r ' * ' t; . Les anciens employoient, de mĂȘme que nous, des tuyaux de plomb oUjde poterie pour conr duire les eaux 5 ils indiquoient les divers ; palib res des tuyaux , par. le, nombre de doigts que conte- noit la largeur de la lame de plomb avant d’ĂȘtre tournĂ©e pour former un tube, c’est-Ă -dire, par sa circonfĂ©rence. On sait que la circonfĂ©rence est Ă©gale Ă  trois diamĂštres, plus , une septiĂšme partie du diamĂštre, c’est-Ă -dire , comme 22 est Ă  7; par consĂ©quent, il est aisĂ© d’aprĂšs le nombre de doigts que ! Yitruve assigne Ă  la circonfĂ©rence de chaque espĂšce de tuyaux, de connoĂźtre leur diamĂštre. ^ , Nous lisons dans Frontin , articles 24 et a 5 , que le doigt Ă©toit la quantitĂ© qui servoit Ă  rĂ©gler la proportion qui se trouvoit entre les mesures qu’on employoit pour l’eau 3 mais que c’éloit le diamĂštre , qu’on divisoit en plusieurs doigts et non la circonfĂ©rence. On ajoute qu’Agrippa , et suivant d’autres , Yitruve introduisit l’usage de mesurer l’eau, d’aprĂšs un certain module, appelĂ© quina - rius. Ceux qui en attribuent l’invention Ă  Agrippa, disent qu’on appelle ce module quinarius , parce qu’il Ă©toit divisĂ© en cinq modules trĂšs-petits , qui n’étoient pas plus gros qu’un tuyau de plume; que c’étoit d’aprĂšs ce petit module qu’on dislribuoit l’eau Ă  Rome, lorsqu’elle y Ă©toit encore rare, avant qu’on y eĂ»t introduit les fontaines dont nous avons parlĂ©. Ceux , au contraire , qui font Yitruve auteur de cette espĂšce de mesure , disent qu’on l’appeloit ainsi, parce qu’il conte- noit la largeur de cinq doigts, qui Ă©toit celle que Ailruve assigne Ă  la plus petite des lames de plomb dont on devoit former des tuyaux. D’aprĂšs cette derniĂšre rĂ©flexion, Galiani est portĂ© Ă  croire que c’est plutĂŽt Yitruve qu’Agrippa qui a introduit l’usage du module nommĂ© quinarius. Un des grands avantages qu’offrent les tuyaux pour la conduite des eaux, c’est qu’y Ă©tant enfermĂ©es, on peut les faire descendre dans le fond des vallĂ©es, et ensuite remonter sur la cĂŽte opposĂ©e ce qu’on ne peut faire avec des aqueducs, qu’il faut toujours maintenir de niveau ou en pente; tellement que quand ils doivent traverser des vallĂ©es , il n’y a d’autre moyen que de les faire porter par des arcades. Une prĂ©caution qu’on doit avoir Ă  l’égard des buses, c’est d’éviter dans tous les dĂ©tours verticaux ou horizontaux, de former des angles trop aigus; il faut de plus renforcer tous ces coudes, afin qu’ils rĂ©sistent au choc de l’eau qu’on dĂ©tourne dans cet endroit. C’est pour cela que Yitruve exige qu’on ne fasse pas remonter tout de suite l’eau qu’on aura conduit par des buses au fond d’une vallĂ©e , parce que l’angle ou le coude ne pourroit rĂ©sister au choc de l’eau ; il veut qu’on la conduise Ă  peu prĂšs horizontalement dans un certain espace, avant de la faire remonter; ç’est ce qu’il appelle un ventre. } Il seroit assez curieux de connoĂźtre ce qu’il entend par les pierres qu’il nomme saxi rubri , pierres rouges , et qu’il veut qu’on emploie pour former les coudes, lorsqu’on se buses de poterie. Il est probable que c’est celle terre pĂ©trifiĂ©e, ou tuf , dont la couleur est quelquefois d’un noir grisĂątre , et quelquefois rosacĂ©e , qui se trouve en abondance dans les environs de Rome 49 - L'ARCHITECTURE DE' VITRUVE. 3*7 ou comme le soupçonne Galiani, celte autre pierre d’une couleur rouge de feu, qui se trouve dans les environs de Sienne , et qui est aussi dure que la pierre de touche. Nous avons vu qu’on prĂ©fĂ©roit Ă  Rome les tuyaux de poterie Ă  ceux de plomb , pour conduire les eaux. Dans un climat comme celui oĂč se trouve la ville de Rome, les tuyaux de poterie n’avoient pas l’inconvĂ©nient, qu’ils ont souvent dans les nĂŽtres, de se briser par la gelĂ©e, lorsqu’ils ne sont pas enfoncĂ©s bien profondĂ©ment dans la terre. N’ayant pas cet inconvĂ©nient, il est tout simple qu’on leur donnoit la prĂ©fĂ©rence, puisqu’ils coĂčtoient moins ; qu ? il Ă©toit plus aise de les rĂ©parer, et enfin, qu’ils n’engendroient pas, comme ceux de plomb, la ceruse que les anciens croyoient vĂ©nimeuse. Nous avons vu dans le 12. chapitre du VII. e livre, que la ceruse se fait avec le plomb , par l’intermĂšde de l’acide. Il sembleroit donc que l’eau, qui sĂ©journe dans ce mĂ©tal, ne suffiroit pas pour en extraire la ceruse cependant comme on ne peut nier que, dans toutes les eaux, il ne se trouve quelques parties acides ou salines, nous devons adopter le senti* ment de Titruve. La ceruse , toutefois , n’est pas en elle-mĂȘme aussi dangereuse qit’il le croit ce n’est que ltf prĂ©paration des matiĂšres premiĂšres qui nuit souvent aux ouvriers. Les diverses opĂ©rations qu’exige la connexion du plomb avec les acides pour produire la ceruse, J le transport des matiĂšres, et le battage font naĂźtre une poussiĂšre fine, qui couvre les ouvriers, pĂ©nĂštre dans les poumons par le nez et par la bouche; ce qui leur cause des maladies le plus souvent mortelles. Les manufacturiers en Angleterre, ont trouvĂ© le moyen de parer Ă  cet inconvĂ©nient. Pour ne rien laisser Ă  desirer sur les moyens de procurer de l’eau aux habitations, l’auteur, aprĂšs avoir indiquĂ© tout ce qu’il faut faire pour amener l’eau courante, indiquĂ© ce qu’on doit faire lorsqu’on ne peut avoir celle-ci; c’est-Ă -dire, qu’il enseigne comme on doit enfoncer les puits,, et construire des citernes. Nous voyons par ce qu’il nous dit, qu’on connaissoit de son temps, l’effet du mauvais air, qui se fixe trĂšs-souvent au fond des puits, et qu’on connoissoit Ă©galement le moyen d’y remĂ©dier en approfondissant d’autres puits Ă  cĂŽtĂ©, et les faisant communiquer avec le premier par des galeries souterraines, pour Ă©tablir la circulation de Pair. C’est le moyen qu’on emploie depuis des siĂšcles dans les miniĂšres de notre pays. Nous voyons qu’il Ă©toit en usage dans les treiziĂšme et quatorziĂšme siĂšcles. Les LiĂ©geois, qui ont toujours eu une correspondance trĂšs-active avec Rome, avoient sans doute rapportĂ© dans leur patrie, ce qu’ils voyoient pratiquer dans les miniĂšres d’Italie, oĂč on avoit probablement toujours suivi le moyen indiquĂ© par Vitruve. L’expĂ©rience qu’il conseille pour s’assurer si l’air est mauvais au fond du puits, est immanquable ; on l’emploie encore tous les jours. U » faut y descendre, dit-il, une lampe allumĂ©e; si elle ne s’éteint pas, on peut y descendre sans » danger; mais si la force de la vapeur la fait Ă©teindre, il faut creuser, Ă  cĂŽtĂ©, deux nouveaux puits. Lorsque nos ouvriers mineurs voyent leur lumiĂšre s’éteindre , ou prĂȘte Ă  s’éteindre dans les puits ou les galeries souterraines, ils jugent alors que l’air y est malsain, et ils Ă©prouvent eux- mĂȘmes, s’ils y restent encore quelque temps, qu’il n’est plus respirable; ils ne peuvent rĂ©sister, ils tombent en foiblesse et pĂ©rissent si on ne les transporte bien vĂźte hors de la miniĂšre. II est Ă©ton*- nant quun homme aussi instruit que l’étoit Perrault , ignorĂąt tout cela; il ne peut concevoir qu’aprĂšs avoir creusĂ© un puits, on ait besoin d’y descendre une lampe , pour s’assurer si on peut y descendre soi-mĂȘme sans danger que cette lampe, en s’éteignant, fasse connoĂźlre si les vapeurs * 388 LIVRE VIII, CrH AP. VII . sont dangereuses; et que le remĂšde soit de creuser deux autres puits pour exhaler les vapeurs du premier. Car , dit-il , les deux nouveaux puits auront aussi leurs vapeurs dangereuses. Pour concevoir, » ajoute-t-il, que ces nouveaux puits diminuent la .vapeur du premier, il faudroit supposer qu’il n’y » avoit dans la terre qu’une certaine quantitĂ© de vapeur dans le premier puits , qui , Ă©tant partagĂ©e » entre les deux autres, doit diminuer la quantitĂ© de celui-ci. » Ce n’est pas , comme le croit Perrault , une vapeur qui se trouve sous la terre ; mais un air qui n’est pas respirable , qui se fixe au fond des puits et y devient stagnant ; on l’évite en Ă©tablissant un courant d’air au moyen d’un autre puits qu’on fait communiquer avec celui-ci par une galerie. Vilruve ne dit cependant pas ici le point essentiel ; c’est qu’il faut que l’ouverture de ce dernier puits soit plus Ă©levĂ©e -quenelle de -l’autre, pour prendre une colonne d’air moins dilatĂ©, et par consĂ©quent plus pesant, qui, par son poids, force l’air, qui est dans l’autre puits, de sortir, et le remplace continuellement , ce qui Ă©tablit la circulation. Vilruve est encore plus dans l’erreur, lorsqu’il veut qu’on fasse deux autres puits Ă  cĂŽtĂ© du premier; un seul suffit pour Ă©tablir cette circulation. Les mots latins signinis operibus ne signifient pas proprement une citerne, mais cette espĂšce d’ouvrage fait avec des cailloux , ce qui s’appelle en Italie le smalte dont nous avons dĂ©jĂ  parlĂ©. ÎPai rendu ces expressions par le mot citerne , parce que c’est ainsi qu’on nomme les rĂ©servoirs qui reçoivent les eaux qui tombent des toits. Gaiiani est Ă©tonnĂ© de ce que Vitruve n’exige qu’une seĂŒle couche de chaux et de cailloux concassĂ©s pour l’enduit des citernes, tandis que dans le i. cr chapitre du VII. livre, il en exige beaucoup plus pour le pavĂ© des maisons ; il croit que Vitruve n’a voulu parler ici que de la premiĂšre couche dite statumen , et tout au plus de la seconde dite rudus , et qu’il a nĂ©gligĂ© de parler des autres. Nous voyons que tout l’intĂ©rieur de la citerne dont nous avons parlĂ© , oĂč l’on conservoit l’eau douce pour la flotte romaine au cap MisĂšne , appelĂ©e la piscine admirable , Ă©toit couvert d’un dernier enduit, composĂ© de chaux et de tuiles concassĂ©es c’est celui que l’auteur nomme la trulisation. L’ARCHITECTURE DE Y I T R U y E. LIVRE NEUVIÈME. I N T R O ,D U C T I O N. . Ăź ; ; Les anciens Grecs accordĂšrent les plus grands honneurs aux AthlĂštes qui s etoient rendus cĂ©lĂšbres et qui avoient remportĂ© le prix aux jeux olympiques , Pithiens, Isthmiques et NĂ©mĂ©ens; non contens de les combler de louanges , dans les assemblĂ©es publiques , oĂč ils paroissoient portant des palmes et des couronnes, ils voulurent encore qu’ils retournassent dans leur patrie, sur des chars de triomphe , et que la rĂ©publique leur assignĂąt des pensions pour le reste de leur vie. Ka-t-on pas lieu de s’étonner qu’on n’ait pas rendu les mĂȘmes honneurs , et de plus grands encore , Ă  ceux dont les Ă©crits ont Ă©tĂ© si utiles Ă  tous les siĂšcles et Ă  tous les peuples? Cela, certes, eĂ»t Ă©tĂ© bien plus juste, puisque les exercices des AthlĂštes ne servent qu’à rendre leur corps plus fort et plus robuste ; tandis que l’étude de ceux qui composent des livres, perfectionne non - seulement leur esprit, mais dispose encore celui des autres Ă  apprendre les sciences. En effet, quel bien Milon de Crotone a-t-il fait aux hommes , pour n’avoir jamais Ă©tĂ© vaincu? Et qu’ont fait tant d’autres , qui ont remportĂ© de pareilles victoires ? si ce n’est d’avoir acquis pendant ,1e cours de leur vie , beaucoup de gloire et de rĂ©putation parmi leurs concitoyens Ăź Au lieu que les leçons de Pylhagore, de DĂ©mocrile, de Platon , d’Aristote et des autres grands hommes, lues et mises en pratique, devinrent d’abord un fruit utile pour leurs concitoyens , et ensuite pour tous les peuples , de quelque nation JĂź corn fi, cel] lITOTl Ès les Il l’adres Ăź Wt qu ’tloses e Ont tonj ĂŻws de f prouver ’ Siffle 1 ' PNcij ^Ăšme -, ! *loit $ Introduction. 3 9 ° qu’ils fussent; car, c’est Ă  ceux qui, dĂšs leur tendre jeunesse, ont ornĂ© leur esprit d’une bonne doctrine et des excellens principes de la sagesse, qu’il appartient de rĂ©gir les villes par de bonnes lois, sans lesquelles il est impossible que les Ă©tats puissent subsister. Si les grands hommes sont les premiers bienfaiteurs de l’humanitĂ© , par les ouvrages qu’ils publient, je crois qu’ils mĂ©ritent, non - seulement d’ĂȘtre honorĂ©s par des palmes et des couronnes, mais qu’on doit encore leur dĂ©cerner des’ triomphes , et les mettre ail rang des dieux. Je me propose de rapporter quelques exemples des dĂ©couvertes les plus utiles Ă  la vie humaine et Ă  la sociĂ©tĂ©, que des auteurs anciens nous ont transmises dans leurs Ă©crits ; on avouera qu’ils mĂ©ritoient autant d’honneur que de reconnoissance. t Je commencerai par une dĂ©couverte de Platon ; de toutes celles qu’il a dĂ©montrĂ©es, celle-ci est la plus utile ; voici comme il l’explique. REMARQUES. Aristote , dans la XXX. c section de ses problĂšmes , examine quelles sont les raisons pour lesquelles les anciens honoroient plutĂŽt les athlĂštes que les savans ; il en rapporte deux la premiĂšre est qu’on estime et qu’on admire les choses qui se font par la puissance humaine , et non pas celles que la puissance humaine trouve faites. Or, dit-il, la victoire d’un athlĂšte est l’ouvrage de la force et de l’adresse du corps ; au lieu que toute l’intelligence d’un philosophe ou des mathĂ©maticiens n’aboutit qu’à trouver ce qui existe dĂ©jĂ  sans elle, puisque les plus belles spĂ©culations se, font sur des choses existantes avant la spĂ©culation. Par exemple, les trois angles de toutes sortes de triangles auroient toujours Ă©tĂ© Ă©gaux,, Ă  deux droits, quand personne n’y auroic-jamais pensĂ©. La seconde raison , c’est que tout le monde peut juger de la force du corps. Il n’y a personne qui ne puisse dire quel est celui qui surpasse les autres Ă  la course, Ă  la lutte et dans les autres exercices de ce genre. Il n’en est pas de mĂȘme des productions de l’esprit les personnes qui ont assez de lalens et de lumiĂšres pour les juger, sont en trop petit nombre. Les trois premiers chapitres de ce livre , devroient faire partie de ü’fntroduction , puisqu’ils contiennent trois dĂ©couvertes faites par d’anciens philosophes , que l’auteur rapporte comme exemples, pour prouver l’avantage de la philosophie. Le premier chapitre en contient une de Platon , le second une de Pythagore , et le troisiĂšme , enfin , une d’ArchimĂšde. Elles n’ont aucun rapport avec l’objet principal de ce livre, qui traite de la gnomonique. Ensuite , la maniĂšre dont l’auteur termine le troisiĂšme chapitre, prouve Ă©videmment que c’étoit seulement lĂ  que finissoil l’introduction, et que devoit commencer le livre. Cependant, Ă  l’exemple de Galiani, je n’ai rien voulu changer Ă  l’ancienne division des chapitres; mais , comme lui, je me suis abstenu d’y mettre des titres pour les distinguer des autres. i L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. CHAPITRE PREMIER. Y eut-on doubler la grandeur d’une piĂšce de terre qui soit carrĂ©e, de maniĂšre que ce double soit aussi un carre' ? Il faut se servir de lignes, parce qu’on ne peut le faire par la multiplication des nombres. Voici comme cela se dĂ©montre Si l’on veut qu’une surface carrĂ©e T qui a , par exemple, dix pieds de long et autant de large, et qui fait par consĂ©quent cent pieds de surface, soit doublĂ©e, et qu elle contienne deux cents pieds, en conservant toujours la figure carrĂ©e, on doit chercher quelle doit ĂȘtre la grandeur des cĂŽtĂ©s de ce carrĂ©, pour que la multiplication de ces cĂŽtĂ©s produise les deux cents pieds, que doit avoir la superficie, ce qu’il est impossible de trouver par les nombres car si l’on fait les cĂŽtĂ©s de i4 pieds, leur multiplication fera 196 ; si on les fait de i5, ils produiront 225; de sorte que cela ne pouvant s’expliquer par les nombres, il faut dans ce carrĂ©, qui a dix pieds de long, et dix de large, tirer une ligne diagonale, d’un angle Ă  l’autre, pour le diviser en deux triangles Ă©gaux, qui aient chacun cinquante pieds de surface ; et sur la longueur de cette diagpnale, on dĂ©crit un autre carrĂ©. Il se trouvera alors que le grand carrĂ© aura quatre triangles Ă©gaux et pareils , tant pour la grandeur que pour le nombre de pieds, aux deux petits triangles de cinquante pieds chacun, qui ont pour base la diagonale du petit carrĂ©. C’est ainsi que Platon explique la maniĂšre de doubler le carrĂ©, en se servant de lignes, comme on le voit clairement par la figure. REMARQUES. . On voit par la figure ici jointe, que le carrĂ© ABEF, tracĂ© sur la diagonale AB, est double du petit carrĂ© AC BD, dans lequel on a tirĂ© celte diagonale. Il est reconnu engĂ©omĂ©lrie, qu’en multipliant par elles-mĂȘmes, les quantitĂ©s qui divisent la longueur d’un des cĂŽtĂ©s du carrĂ©, on aura l’étendue de sa superficie ; il est encore reconnu, par consĂ©quent, que le cĂŽtĂ© AC du carrĂ©, est incommensurable avec sa diagonale AB. 11 est donc impossible d’indiquer avec des nombres, la longueur de la diagonale d’un carrĂ© dont on connoĂźt le cĂŽtĂ©. C’est ce que Vitruve entend quand il dit qu’on ne peut trouver un nombre qui, multipliĂ© par lui-mĂȘme, donne un carrĂ© qui soit le double d’un autre , qui a Ă©tĂ© produit par un nombre donnĂ©. La dĂ©monstration qu’il en donne ici, est plutĂŽt pratique que gĂ©omĂ©trique. En gĂ©omĂ©trie, la dĂ©monstration de celte proposition ou problĂšme, dĂ©pend et se fait de la mĂȘme maniĂšre que celle de la cĂ©lĂšbre proposition d’Euclide, qui est la 47 . de son I. er livre, dont il sera parle dans le chapitre surfant parce que le carrĂ© de l’hypothĂ©nuse AB, LIVRE IX;' Ch A'p; n. 3 92 qui est ici la diagonale du petit carrĂ©, est Ă©gale aux deux carrĂ©s des cotĂ©s AC, CB; ici les deux cĂŽtĂ©s Ă©tant Ă©gaux , c’est la mĂȘme chose que si l’on disoit que ce carrĂ© est le double de celui dans lequel se trouve la diagonale. ĂȘs.\ Ă© s. ^.carres. p. carrĂ© s. CHAPITRE II. ythĂ gore a, de mĂȘme, inventĂ© la maniĂšre de tracer un angle droit sans employer l’équerre dont se servent les ouvriers. Par lĂ  , il a perfectionnĂ© cet instrument qu’ils avoient tant de peine Ă  fabriquer. Il a dĂ©montrĂ© les rĂšgles qu’on devoit suivre , et enseignĂ© la vĂ©ritable mĂ©thode de les faire trĂšs-exactes. Voici comment. ’llJÊ arrti lit f J y On prend trois rĂšgles, l’une de trois pieds , l’autre de quatre et la troisiĂšme de cinq ; on les dispose de maniĂšre que leurs extrĂ©mitĂ©s se joignent et qu elles composent ainsi un triangle qui formera une Ă©querre parfaite. Si l’on trace sur la longueur .de ces trois rĂšgles , autant de carrĂ©s , on verra que celui dont le cĂŽtĂ© sera de trois pieds , aura neuf pieds de superficie ; celui dont le cĂŽtĂ© en aura quatre , sera de seize pieds de superficie ; et celui dont le cĂŽtĂ© aura cinq pieds , sera de vingt-cinq de plus , si on rĂ©unit le nombre des pieds que contiennent les superficies des deux carrĂ©s , dont l’un a trois et l’autre quatre pieds de chaque cĂŽtĂ©, on trouvera qu’il sera Ă©gal Ă  celui que contient la superficie du carrĂ© qui a cinq pieds de chaque cĂŽtĂ©. On dit qu’aprĂšs avoir fait cette dĂ©couverte, Pythagore en rendit grĂące aux Muses , et qu’il leur fit un sacrifice , parce qu’il ne doutoit pas que cette invention ne lui eut Ă©tĂ© inspirĂ©e par ces dĂ©esses. no L'ARCHITECTURE DE V I T R U V E. Cette de'couver te est trĂšs-utile dans beaucoup de circonstances , principalement pour mesurer ; elle est aussi d’un grand usage dans la construction des Ă©difices sur-tout pour rĂ©gler la hauteur des degrĂ©s des escaliers puisqu’on divise en trois toute la hauteur AB, depuis-le rez-de-chaussĂ©e jusqu’au premier Ă©tage, on donne cinq de ces parties au limon de l’escalier AC, ce qui fait prĂ©cisĂ©ment la longueur de sa pente. Avec une grandeur Ă©gale Ă  chacune des trois parties qui divisent la hauteur , qui se trouve entre le premier Ă©tage et le rez-de-chaussĂ©e, du point B, oĂč la perpendiculaire de cette hauteur le joint, on mesure quatre parties BC, et Ă  l’extrĂ©mitĂ© on place les premiers degrĂ©s, qui, par ce moyen , seront Ă©galement bien proportionnĂ©s , ainsi que l’escalier. On verra la description de tout cela dans la figure suivante. RE M ARQUE S. Tout ce que fauteur avance dans ce chapitre , se trouve dĂ©montrĂ© dans la 47 . me et la 48. m * proposition du I. er Liv. d’Euclide , oĂč l’on voit que le carrĂ© de l’hypoihĂ©nuse , c’est-Ă -dire, celui q*u’on trace sur le cĂŽtĂ© d’un triangle, opposĂ© Ă  l’angle droit, est Ă©gal aux deux autres carrĂ©s tracĂ©s sur les deux autres cĂŽtĂ©s ; et cela est vrai de tous les triangles rectangles. Celui de Pythagore a cela de particulier^ que les cĂŽtĂ©s du sien sont comme de nombre Ă  nombre. LIVRE IX, C n a p," ni. Vi CicĂ©ron dit que Pylhagore avoit coutume d’immoler un bƓuf, toutes les fois qu’il dĂ©couvroit quelque chose de nouveau dans la gĂ©omĂ©trie ; mais AthĂ©nĂ©e rapporte qu’il en immola cent pour avoir dĂ©couvert la proposition dont il s’agit. Galiani reproche Ă  Perrault de n’avoir pas assez respectĂ© le texte, dans ce chapitre, et d’y avoir fait trop lĂ©gĂšrement plusieurs corrections. Par exemple ce traducteur françois veut qu’on lise, scapis scalarum , tandis que, dans tous les manuscrits , on lit scalis scaporum. Scapus signifie un fĂ»t de colonne, un trĂŽne , un poteau ; ainsi scapis scalarum , comme il veut qu’on lise, signifieroit le poteau qui sert de noyau ou de vis Ă  un escalier rond. Perrault dit ensuite cc les » degrĂ©s des escaliers qui sont carrĂ©s oblongs, et qui ont des rampes droites, sont appuyĂ©s sur des poteaux inclinĂ©s suivant la pente des rampes les charpentiers appellent ces poteaux les limons de l’échelle. J’ai cru, ajoute-t-il, que Yilruve les a voulu signifier par scapi scalarum » car je crois avoir eu raison de corriger cet endroit, en mettant scapi scalarum , au lieu de scala scaporum , parce qu’il est vrai de dire que les escaliers ont des poteaux , et non pas que r les poteaux ont des escaliers. Yoici comme il auroit pu et dĂ» faire la construction erit in scalis inclinatio scaporum. Rien ne rĂ©pugne donc Ă  laisser le texte tel qu’il est, pour signifier le limon de l’escalier, qui est une piĂšce de bois posĂ©e obliquement, et qui sert Ă  porter les marches, ou un ouvrage en pierre , ou en maçonnerie destinĂ©e au mĂŽme usage. Ce limon est , en quelque maniĂšre, le rĂ©gulateur de l’escalier ; on ne peut douter que ce ne soit de cette piĂšce que Yi- truve veut parler ici, et il Ă©loit trĂšs - inutile de toucher au texte. D’aprĂšs tout ce qu’on vient de lire, on voit que , chez les anciens, la longueur de la base d’un escalier Ă©toit, Ă  sa hauteur , comme 4 est 3 ; cette proportion Ă©toit pour les escaliers des maisons car ceux des temples avoient une proportion toute diffĂ©rente , comme nous Pavons vu dans le 3. me Chap. du III. me livre. Aujourd’hui, en gĂ©nĂ©ral, on fait la base de l’escalier le double plus grande que sa hauteur. CHAPITRE III. X Armi une infinitĂ© de dĂ©couvertes admirables qu’a faites ArchimĂšde ; on distingue, sur-tout, celle que je vais rapporter, oĂč il montre une grande intelligence d’esprit. HiĂ©ron, s’étant placĂ© sur le trĂŽne de Syracuse , et tout lui ayant heureusement rĂ©ussi dans cette entreprise, rĂ©solut d’offrir une couronne d’or aux dieux immortels dans un de leurs temples ; il convint avec un ouvrier de lui payer une somme considĂ©rable pour la façon, et lui donna l’or au poids. L’artiste livra son ouvrage le jour qu’il l’avoit promis au roi, qui le trouva parfaitement bien exĂ©cutĂ© ; et la couronne ayant Ă©tĂ© pesĂ©e, parut avoir le poids de l’or qu’il 5o. 3 9 5 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE; avoit donnĂ©. Par la suite, ayant quelqu’indice i que l’ouvrier avoit ĂŽtĂ© une partie de 1 or qu’il avoit remplacĂ© par autant d’argent , le roi fut trĂšs-offensĂ© de cette tromperie ; mais ne pouvant trouver le moyen de convaincre l’ouvrier du vol qu’il avoit fait, il pria ArchimĂšde d’en occuper son esprit. Un jour qu’ArchimĂšde, tout occupĂ© de cette affaire , se mettoit au hain, il s’aperçut par hasard qu’à mesure qu’il s’enfonçoit dans le hain , l’eau s’en alloit par dessus les bords 2 ; cette dĂ©couverte lui fit connoĂźtre la raison de ce qu’il cherchoit, et sans tarder davantage , il sortit tout joyeux du hain , et courant tout nud vers sa maison, il se mit Ă  crier qu’il avoit trouvĂ© ce qu’il cherchoit , disant en grec ssupputa 3. On dit qu aprĂšs cette premiĂšre dĂ©couverte, il fit faire deux masses de mĂȘme poids qu avoit la couronne, lune d’or et l’autre d’argent. Il plongea dans un vase plein d’eau la masse d’argent, qui, Ă  mesure qu’elle s’enfonçoit, fit sortir une quantitĂ© d’eau, Ă©gale Ă  sa' capacitĂ©; l’ayant ensuite ĂŽtĂ©e , il remit autant d’eau dans le vase qu’il en Ă©toit sorti, le remplissant jusqu’au hord , comme auparavant ; ayant mesurĂ© Jfeau qui Ă©toit sortie, il connut la quantitĂ© d'eau qui rĂ©pond Ă  une masse d’argent d’un certain poids aprĂšs cette expĂ©rience, il plongea de mĂȘme la- masse d’or dans le mĂȘme vase rempli d’eau ; l’ayant retirĂ©e, il mesura l’eau comme devant , et trouva que la masse d’or n’avoit pas fait sortir autant d’eau , et que le moins rĂ©pondoit Ă  celui qu’avoit le volume de la masse d’or comparĂ© avec celui de la masse d’argent, qui Ă©toit de mĂȘme poids ; ensuite il remplit encore le vase et y plongea la couronne , qui fit sortir plus d’eau que la masse d’or, d’égal poids , n’en avoit fait sortir. Calculant enfin combien cette quantitĂ© surpassoit celle que la masse avoit fait sortir, il connut ce qu’il y avoit d’argent mĂȘlĂ© avec l’or, et fit voir clairement ce que 1 ouvrier en avoit volĂ©. ... N . - - Quand on porte ses rĂ©flexions sur les pensĂ©es ingĂ©nieuses d’Architas de Tarente; et d’EratosthĂšne de CirĂšne , on voit combien ils ont fait de dĂ©couvertes utiles aux hommes, dans les mathĂ©matiques ; quoiqu’elles soient toutes intĂ©ressantes , il en est une pour laquelle ils se sont, sur-tout, attirĂ©s notre admiration chacun cherchoit Ă  rĂ©soudre le problĂšme qu’Apollon avoit proposĂ© dans sa rĂ©ponse aux 1 Philander et Perrault ont cru que le mot indicium dĂ©rivoit Ă 'index , dont on s’est quelquefois servi pour dĂ©signer la pierre de touche , qu’on emploie pour Ă©prouver les mĂ©taux. Le dernier d’aprĂšs cela a traduit dans ce sens ce passage de Vilruve. Galiani que j’ai suivi n’a pas adoptĂ© leur opinion ; il trouve que la signification qu’ils ont donnĂ©e Ă  ce mot , rĂ©pugne au sens de Fauteur ; si en effet , dit-il , le roi HiĂ©ron avoit connu , par la pierre de touche indicium , le vol qu’on lui avoit fait , en mettant de l’argent avec For , il n’auroit pas dĂ» avoir recours Ă  ArchimĂšde. Galiani croit donc que indicium signifie ici , que ce roi eut des indices par une dĂ©nonciation ou autrement. 2 Il appelle ici solium , les bords de la baignoire J qu il a appelĂ©s labrnm dans le Chap. io du Liv. V. 3 C’est-Ă -dire , je Fai trouvĂ© , je Fai trouvĂ©. LIVRE IX, C h a p. in. 3 9 6 habitans de Delos; elle portoit qu’on fĂźt un cube qui fĂ»t le double de celui de son autel ; que si on parvenoit Ă  le faire , les habitans de l’isle seroient dĂ©livrĂ©s des maux que leur avoit attirĂ©s la colĂšre des dieux. Àrchitas parvint Ă  le faire au moyen des hĂ©micylindres i , et EratosthĂšne par l'invention d’une machine appelĂ©e Misolabe 2 . Combien ne devoient-ils pas aimer les sciences, ceux qui ont fait de pareilles dĂ©couvertes ! car rien ne satisfait plus l’esprit, qui, naturellement portĂ© Ă  pĂ©nĂ©trer la vĂ©ritĂ©, cherche Ă  connoĂźtre l’effet de chaque chose. Parmi tous les livres , je ne puis m’empĂȘcher d’admirer ceux oĂč DĂ©mocrite traite de la nature, et son commentaire qu’il- a intitulĂ© Chirotoneton 3 , oĂč il a marquĂ© et cachetĂ© avec son anneau et de la cire rouge, tout ce qu’il connoissoit par sa propre expĂ©rience. Les ouvrages de ces grands hommes resteront et seront utiles Ă  jamais, non- seulement pour la morale, mais encore pour tout ce qu’il y a dĂ© plus important; au lieu que la bravoure qui illustre les AthlĂštes, pĂ©rit, en peu de temps, avec la force de leur corps. On peut mĂȘme ajouter que, ni ce qu’ils ont pu faire par eux-mĂȘmes, tandis qu’ils Ă©toient dans la vigueur de l’ñge, ou par ceux qui sont venus aprĂšs eux, ni par les prĂ©ceptes qu’ils ont donnĂ©s cle leur art, ils n’ont jamais pu procurer aucun avantage Ă  la vie humaine, comparable Ă  ceux qu elle reçoit des inventions des savants. Quoiqu’il n’y ait aucune coutume ou loi qui dĂ©cerne de grands honneurs aux Ă©crivains cĂ©lĂšbres, cependant leur aine, accoutumĂ©e Ă  mĂ©diter les objets sublimes, prend son essor avec le secours de la mĂ©moire; elle s’élĂšve. , pour ainsi dire , jusqu’aux eieux , d’oĂč elle aperçoit tout ce qu’il y a de plus Ă©levĂ© ; ils les transmettent Ă  la postĂ©ritĂ©, dans leurs Ă©crits, et dans les figures qu’ils en laissent. Parmi les amateurs des belles-lettres, en est-il un seul qui n’ait limage d’Ennius gravĂ©e dans lame, comme si c’éloit celle d’un dieu? Ceux qui aiment les vers d’Accrus sont toujours avec cet auteur, qui s’est si bien dĂ©peint dans ses ouvrages de mĂȘme, combien ne sera-1-il pas agrĂ©able Ă  ceux qui 1 viendront aprĂšs nous, de s’entretenir, avec LucrĂšce, des secrets de la nature, comme s’il Ă©toit prĂ©sent, et, avec CicĂ©ron, de la rhĂ©torique, ou, avec Varron, des propriĂ©tĂ©s de la langue latine? Tous ceux qui cultivent les belles-lettres ne confĂšrent-iis pas avec les sages de la GrĂšce, comme s’ils leur communiquoient leurs plus secrettes pensĂ©es ? Les conseils de ces anciens philosophes, quoiqu’ab- 1 C’est-Ă -dire demi - cylindres. ' * proportionnelles. Voyez les remarques Ă  la fin du chapitre.. 2 C’est-Ă -dire qui sert Ă  prendre deux moyennes 3 C’est-Ă -dire , choisi. % L’ARCHITECTURE D È Y I T R U Y E, sens, leur plaisent davantage ; et ils les trouvent plus solides que ceux qu’ils pourroient apprendre en confĂ©rant avec tous les philosophĂšs de leur temps. C’est pourquoi, ĂŽ CĂ©sar ! appuyĂ© de l’autoritĂ© de ces grands hommes et conduit par leurs conseils, j’ai Ă©crit mes sept premiers livres, qui traitent des Ă©difices, et le huitiĂšme, qui concerne les eaux. Dans celui-ci, j’expliquerai les rĂšgles de la gnomonique, et, comme on est parvenu aies Ă©tablir, d’aprĂšs l’ombre produite par l’interposition du gnomon aux rayons du soleil ; j’enseignerai encore dans quelle proportion cette ombre augmente pendant un certain espace de temps, et comme elle diminue ensuite. REMARQUES. Archilas de Tarenie ,’ cĂ©lĂšbre philosophe pythagoricien , florissoit vers fan 4o8 avant EratoslhĂšne de CirĂšne, en Afrique, Ă©loit un savant critique ; il fut disciple d’Ariston et de Callimaque , et bibliothĂ©caire d’Alexandrie , sous PtolomĂ©e EvergĂ©te , roi d’Egypte ; il mourut ig4 ans avant , Ă  81 ans; il s’éloit appliquĂ© Ă  tous les genres de sciences, et trouva, le premier, la maniĂšre de mesurer la grandeur de la terre ; ce qui lui lit donner le surnom de cosmographe et arpenteur de l’univers. Selon Yitruve, on doit, Ă  ces deux philosophes, la solution du problĂšme de la duplication du cube. Cette dĂ©couverte a Ă©tĂ© trĂšs-cĂ©lĂšbre dans la haute antiquitĂ©. Les Grecs, qui aimoient le merveilleux , ont arrangĂ© deux fables, pour la rendre plus intĂ©ressante ; elles sont toutes deux rapportĂ©es dans la lettre d’EratosthĂšne Ă  PtolomĂ©e, qui est parvenue jusqu’à nous. Nous venons de voir la premiĂšre dans Vilruve, qui prĂ©tend qu’on a trouvĂ© celle solution Ă  l’occasion de l’oracle rendu par Apollon. Dans la seconde, on dit qu’ayant demandĂ© Ă  Glaucus quelle forme il vouloit qu’on donnĂąt Ă  son tombeau? Il rĂ©pondit qu’il falloit faire un cube dont le solide fĂ»t double d’un autre cube, dont chaque face eĂ»t cent pieds de superficie. On crut d’abord parvenir Ă  le faire, en cherchant Ă  doubler les faces mais il arrivoit, qu’au lieu de les doubler, on les quadruploit ; ce qui produisoit un cube dont le solide* Ă©toit huit fois aussi fort que celui qu’on vouloit seulement doubler. On proposa la question Ă  plusieurs gĂ©omĂštres , qui ne purent la rĂ©soudre ; il n’y eut qu’un certain Hypocrate de Chio qui, aprĂšs avoir rĂ©flĂ©chi Ă  la nature relative des cubes, reconnut que tout le problĂšme se rĂ©duisoit Ă  trouver deux moyennes proportionnelles, entre deux lignes droites, dont l’une fĂ»t le double plus grande que l’autre ; parce qu’en formant un cube sur la premiĂšre des deux moyennes proportionnelles, celui-ci seroil au cube donnĂ©, en raison triple des cĂŽtĂ©s, comme la premiĂšre de ces quatre lignes proportionnelles est Ă  la derniĂšre, c’est-Ă -dire, le double. .‱Si nous en croyons les Grecs sur leur parole , voilĂ  comme fut trouvĂ©e la solution de ce fameux problĂšme. Il est plus probable cependant que les' Egyptiens la leur avoit fait connoĂźtre avec le reste de la gĂ©omĂ©trie ; mais il paroĂźt qu’on la perdit par la suite , puisqu’elle fut le sujet des recherches de plusieurs savants , parmi lesquels on compte Platon, ArchimĂšde, MĂ©nechme, Philon, HĂ©ron, LIVRE IX, C h a p. IV. 3 9 8 Pappus , Apollonius, etc. Ils parvinrent, par diffĂ©rentes mĂ©thodes, Ă  la retrouver; mais c’est Descartes qui nous a appris, par un moyen aussi ingĂ©nieux que facile 3 le moyen de trouver les deux moyennes proportionnelles. Philander et Barbaro ont cherchĂ© Ă  expliquer les mĂ©thodes d’EratosthĂšne et d’Architas , dont parle notre auteur ; mais ils l’ont fait d^une maniĂšre si obscure, qu’à peine peut-on les comprendre, sur-tout pour celle d’EratosthĂšne. Galiani y a suppléé; en suivant leur mĂ©thode, il a trĂšs - bien dĂ©montrĂ© et rĂ©solu ce problĂšme. CHAPITRE IV. De la sphĂšre et des planĂštes. Les inventions de la gnomonique semblent venir d’un esprit divin. Comme elles sont admirables pour ceux qui les considĂšrent avec attention ! On voit, par exemple, l’ombre d’un gnomon, pendant l’équinoxe, avoir une grandeur diffĂ©rente Ă  AthĂšnes, Ă  Alexandrie, Ă  Rome, Ă  Plaisance i et dans les autres endroits de la terre; de lĂ  vient que la maniĂšre de tracer les cadrans, diffĂšre quand on change d’un lieu Ă  un autre car c’est d’aprĂšs la grandeur des ombres Ă©quinoxiales, qu'on dĂ©crit les analĂšmes , au moyen desquelles on tire , suivant la situation des lieux et l’ombre des gnomons , les lignes qui indiquent les heures. On appelle analĂšmes 2 , les rĂšgles qu’on a Ă©tablies d’aprĂšs les observations, pour bien tracer le cours du soleil, selon l’accourcissement qui arrive aux ombres, depuis le solstice d hiver ; elles servent, Ă  l’aide d’un compas conduit avec art, Ă  dĂ©crire tous les effets que cet astre produit dans le monde. Par le monde, on entend tout ce que comprend la nature mĂȘme, le ciel et les Ă©toiles. 1 U est assez Ă©tonnant qu’il cite ici la ville de Plaisance, qui n’étoitpas une capitale comme Rome et AthĂšnes , mais une ancienne colonie Romaine. Il est probable que l’auteur y avoit fait quelque sĂ©jour pendant lequel il aura fait des observations sur l’ombre du gnomon. 2 Du grec ctvxXĂŻppcc, qui signifie hauteur, parceque ces rĂšgles servent Ă  trouver la hauteur du soleil, a une heure quelconque, par une opĂ©ration graphique. C est pourquoi on appeloit analĂšmes des espĂšces de cadrans qui montroient la hauteur que le soleil avoit tous les jours Ă  midi ; par la grandeur des ombres du gnomon, ils n’indiquoient pas les heures, mais seulement les mois et les signes. Depuis on y joignit des cadrans horaires, par lĂ  , ils marquoient ensemble et les mois par la longueur des ombres , et les heures par leur inclinaison ce qui Ă©toit nĂ©cessaire pour les cadrans d’alors , parce que, comme nous le verrons tout-Ă -l’heure, les Romains divisoient le jour en douze heures et les nuits Ă©galement tellement que pendant une partie de l’annĂ©e , c’étoit les heures du jour qui Ă©toient plus longues que celles de la nuit ; et pendant l’autre , c’étoit le contraire. L'ARCHITECTURE DE VITRUVE. 399 Le ciel tourne continuellement autour de la terre et de la mer, appuyĂ© sur les deux extrĂ©mitĂ©s de son axe. Dans ces deux endroits, la puissance qui gouverne la nature, a forme' et place' ces deux pivots comme deux centres, dont l’un va de la terre et de la mer, se rendre au haut du monde, auprĂšs des e'toiles septentrionales l’autre est Ă  l’opposite, sous la terre, vers le midi. Autour de ces pivots, comme autour de deux centres, elle a mis ce qu’on appelle en grec les pĂŽles 1, c’est-Ă - dire , de petits moyeux 2 pareils Ă  ceux d’une roue , ou de mĂȘme qu’à un tour sur lesquels le ciel tourne sans cesse. La terre et la mer sont .placĂ©es naturellement au milieu, pour servir de centre; et la nature a disposĂ© le tout, de maniĂšre que le plus Ă©levĂ© des pĂŽles se trouve vers la rĂ©gion septentrionale, et l’autre, du cĂŽtĂ© du midi, est cachĂ© sous la terre. De plus, entre ces deux pĂŽles, il se trouve comme une espĂšce de ceinture, qui traverse obliquement et s’incline vers le midi ; elle se compose de douze signes qui sont naturellement reprĂ©sentĂ©s par la disposition des Ă©toiles, divisĂ©es en douze parties Ă©gales. Ces Ă©toiles, avec le reste des astres qui luisent au firmament, tournent autour de la terre et de la mer, et suivent, dans leurs cours, la circonfĂ©rence du ciel. Ces Ă©toiles, de toute nĂ©cessitĂ©, sont alternativement visibles et invisibles, pendant un certain temps, puisqu’il y a toujours six signes qui tournent dans le ciel, sur lhorison ; tandis que les six autres , qui sont sous la terre , ne se voient point. Six de ces signes se trouvent toujours sur l horison , par la raison que voici autant le dernier signe se cache et s’abaisse sous la terre, emportĂ© par le mouvement circulaire du ciel, autant le signe opposĂ© , entraĂźnĂ© par le mĂȘme mouvement, s’élĂšve des lieux oĂč il Ă©toit cachĂ© , pour reparoĂźlre Ă  nos yeux ainsi le mĂȘme moteur les fait passer sans cesse de l’orient Ă  l’occident. Les douze signes qui occupent chacun la douziĂšme partie du ciel, ont donc perpĂ©tuellement leur cours d’orient en occident, tandis quau-dessous d’eux, par un mouvement contraire , la Lime, Mercure, VĂ©nus , le Soleil mĂȘme, Mars , Jupiter et Saturne , s’avancent comme s’ils montoient par des degrĂ©s du couchant au levant, chacun , par un cours particulier , sur des orbites de diffĂ©rente grandeur car la 1 C’est-Ă -dire les essieux, 2 Ce passage est assez obscur , d’autant que par orbiculos , il paroitroit qu’il auroit peut-ĂȘtre voulu entendre les cercles polaires, dans lesquels sont les pĂŽles de l’écliptique , et autour desquels, tourne par consĂ©quent le ciel particulier des planĂštes; mais en examinant bien les choses , jl/paroĂźt que , par orbiculos , il a tout simplement entendu deux anneaux ou deux espĂšces de moyeux dans lesquels il suppose que tournent les extrĂ©mitĂ©s de l’axe du monde. Aulugele dit , qu’outre les cinq cercles ordinaires , savoir l’équinoxial , les deux tropiques et les deux cercles polaires , M." Varro en mettoit encore deux autres plus petits qui touchent im- jxiĂ©diatement l’axe qui les traverse. ' Lune V LIVRE IX, C h a p, iy. ^ 00 Lune fait son cours en vingt-huit jours, et un peu plus d’une heure , et fait ainsi le tour du ciel, Ă  prendre du point d'un signe, jusqu’au mĂȘme point i ce qui fait le mois lunaire. Le Soleil, dans l’espace d’un mois, parcourt un signe , qui est la douziĂšme partie du ciel ; et passant ainsi en douze mois par l’intervalle des douze signes , il revient au point du signe d’oĂč il Ă©loit parti ; et il ne fait qu’une fois en douze mois , le circuit que la lune fait treize fois 2 . La planĂšte de Mercure et celle de Venus, trĂšs-rapprochĂ©es des rayons du Soleil, 3 dans leur rĂ©volution forment un cercle autour de lui , dont il est le centre ; elles retardent quelquefois leur marche, et restent en arriĂšre , faisant des espĂšces de stations Ă  cause du genre particulier de leur circonvallation ce qui se voit clairement, lorsque la planĂšte de VĂ©nus suivant le Soleil , paroĂźt encore trĂšs-luisante , aprĂšs son coucher , quand on lappelle vesperrugo 4 ; ou lorsqu’elle le prĂ©cĂšde et se lĂšve avant le jour , quand on la nomme Lucifer 5 de lĂ  vient aussi que ces deux planĂštes restent quelquefois plusieurs jours Ă  parcourir un signe , et d’autres fois passent trĂšs- vite dans un autre. Quoiqu’elles ne mettent pas un temps Ă©gal , pour parcourir chaque signe , celui de leur circonvallation l'est toujours , d’autant que si elles sont arrĂȘtĂ©es au commencement dans quelques signes , elles s’avancent ensuite plus vite dans les autres , lorsqu’elles sont dĂ©livrĂ©es de ce qui les arrĂȘtoit. Mercure fait sa rĂ©volution de maniĂšre qu’en trois cents soixante jours , il parcourt tous les signes et parvient au point d’oĂč il Ă©toit parti pour commencer sa course ; le temps de sa route est Ă©galement distribuĂ©, de sorte qu’il reste environ trente jours dans chaque signe. Lorsque la planĂšte de VĂ©nus n’est pas empĂȘchĂ©e par les rayons du Soleil , elle ne reste que trente jours Ă  parcourir l’espace d’un signe ; cependant, alors, et chaque fois qu elle s’y arrĂȘte moins de quarante jours , elle rĂ©tablit ce temps ensuite , en retardant davantage dans un autre signe ; tellement qu elle accomplit son cours , et 1 En astronomie , on distingue la rĂ©volution pĂ©riodique , et la rĂ©volution synodique cette derniĂšre est relative Ă  la conjonction des planĂštes avec le Soleil. Ainsi, par exemple la rĂ©volution synodique de la Lune , est l’intervalle qui se trouve entre deux conjonctions successives de la Lune et du Soleil ; mais ici , l’auteur entend la rĂ©volution pĂ©riodique , c’est-Ă -dire celle qui se termine au mĂȘme point oĂč elle a commencĂ©. 2 Le mois lunaire Ă©tant de 28 jours environ, il est clair qu’il s’en trouve treize , dans une annĂ©e composĂ©e de 364- jours. 3 On sait que VĂ©nus ne s’éloigne jamais du Soleil plus de 4^ degrĂ©s et Mercure plus de 28. 4 C’est-Ă -dire l’étoile du soir. 5 C’est-Ă -dire l’étoile du matin. 5i L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. retourne toujours au mĂȘme signe oĂč elle a commencĂ© son chemin , au bout de quatre cents quatre - vingt cinq jours. Celle de Mars fait son cours en six cents quatre-vingt trois jours, ou environ-, elle passe dans tous les signes, et revient Ă  celui d’oĂč elle Ă©toit partie d'abord; elle l’accomplit toujours dans le mĂȘme nombre de journĂ©es , parce que si elle a Ă©tĂ© un peu plus vite dans certains signes , elle s’arrĂȘte dans d’autres. Jupiter, par un mouvement qui est aussi opposĂ© Ă  celui du ciel, mais plus lent, reste environ trois cents soixante jours dans chaque signe; il reste onze ans et trois cents vingt-trois jours avant de revenir au signe dans lequel il se trouvoit douze ans auparavant. Enfin Saturne reste trente un mois et quelques jours Ă  parcourir un signe .et revient , aprĂšs vingt-neuf ans et cent soixante jours environ, au mĂȘme signe oĂč il Ă©toit d’abord. Cette planĂšte Ă©tant, pour ainsi dire, Ă  l’extrĂ©mitĂ© du ciel, elle dĂ©crit un cercle beaucoup plus grand, ce qui fait que son mouvement paroĂźt plus lent. Quand les planĂštes qui dĂ©crivent leur circuit au-dessus du soleil, sont en trine aspect, i avec lui, elles n’avancent plus; elles s’arrĂȘtent, ou mĂȘme reculent en arriĂšre, jusqu’à ce que le soleil, changeant cet aspect, passe dans un autre signe. Il y en a qui croient que le soleil, Ă©tant alors fort Ă©loignĂ© de ces planĂštes, n’éclaire pas assez cette partie de leur route, et qu elles doivent s arrĂȘter , ne pouvant se conduire dans l’obscuritĂ©. Ce n est cependant pas lĂ  notre opinion. 11 est trop visible que la lumiĂšre du Soleil s’étend par tout l’univers, pour qu’on puisse croire qu elle soit affoi- biie , et comme obscurcie par l’éloignement car nous ne cessons pas de la voir, lorsque ces Ă©toiles font ce mouvement rĂ©trograde, ou qu’elles s’arrĂȘtent. Si nous pouvons donc voir la lumiĂšre du Soleil qui se trouve si Ă©loignĂ©e., comment peut-on croire que les planĂštes , ces ĂȘtres divins, restent arrĂȘtĂ©es dans FobscuritĂ©, parcequ’elles ne peuvent apercevoir cette lumiĂšre ? il me paroĂźt plus vraisemblable d attribuer cela Ă  la chaleur qui attire tout Ă  elle; nous voyons quelle fait Ă©lever les fruits de la terre ; qu’elle fait monter, jusqu’aux nues , les vapeurs des fontaines , quand il se forme un i Comme je l’ai dĂ©jĂ  dit, les astronomes distinguent quatre aspects , pour les planĂštes , savoir trine, qua- drai, sextile et diamĂ©tral. Quand une planĂšte est sĂ©parĂ©e d’une autre , par l’espace de quatre signes , qui font justement le tiers des douze qui composent tout le cercle du zodiaque , Us appellent cela trine aspect quand elles sont sĂ©parĂ©es par trois signes qui en font le quart, ils appellent cela quadrat aspect quand elles sont sĂ©parĂ©es par deux signes qui en font le sixiĂšme , ils appellent cela sextile aspect et quand elles sont sĂ©parĂ©es par six signes, qui font la moitiĂ© du zodiaque, ils appellent cela diamĂ©tral aspect cm opposition, are-en? ciel la puissante ardeur du soleil, lorsqu’il envoie ses rayons en triangle, attire, de mĂȘme, Ă  lui, les Ă©toiles qui le suivent, arrĂȘte celles qui le prĂ©cĂšdent, et modĂ©rant leur course, les empĂȘche de s avancer, et les oblige au contraire de reculer pour rentrer dans le signe d’un autre triangle. On demandera, peut-ĂȘtre , pourquoi le Soleil, par sa chaleur , retient plutĂŽt les planĂštes Ă©loignĂ©es, comme quand elles sont dans le cinquiĂšme signe, que celles qui sont plus prĂšs dans les second et le troisiĂšme signes? voici comme je rĂ©pondrai Ă  cela. Les rayons du Soleil divergeant en ligne droite dans le ciel, forment des triangles Ă©quilatĂ©raux, dont les cĂŽtĂ©s s'Ă©tendent jusqu’au cinquiĂšme signe; lĂ  seul, ils peuvent produire un effet; en-deçà , ou au-delĂ , ils n’en ont aucun; s’ils n’étoient fixĂ©s par ces triangles, quand ils se rĂ©pandent circulairement dans tout le monde, ils brĂ»leroient tout ce qui seroit prĂšs de lui. C’est ce qu’a trĂšs-bien remarquĂ© Euripide, poĂšte grec , quand il dit dans sa tragĂ©die de PhaĂ©ton, que, qui est Ă©loignĂ© du Soleil, ressent plus ardemment sa chaleur, et quelle est plus tempĂ©rĂ©e Ă  mesure qu’on s’en approche. Voici comme il s’exprime De loin sa chaleur est brĂ»lante , De prĂšs elle est moins violente. Si la raison et l’autoritĂ© de cet ancien poĂšte dĂ©montrent que les choses sont ainsi, je ne crois pas qu’on puisse avoir une autre opinion que celle que je viens de faire connoĂźtre. La planĂšte de Jupiter faisant son circuit entre Mars et Saturne, le fait plus grand que celui de Mars et plus petit que celui de Saturne. Il en est de mĂȘme des autres Ă©toiles; plus elles s’éloignent du dernier ciel, et plus elles s’approchent de la terre, moins elles paroissent employer de temps pour achever leur cours; puisque celles qui font leur cours dans un plus petit cercle, devancent et passent plusieurs fois sous celles qui sont plus Ă©levĂ©es ; de mĂȘme que, si sur la roue d’un potier, on place sept fourmis, dans autant de cannelures creusĂ©es autour du centre de cette roue, qui formeront de plus grands cercles en s’éloignant de ce centre, et que les fourmis soient obligĂ©es de marcher en rond, pendant que la roue va d un mouvement contraire Ă  celui quelles font en s’avançant; il est certain que, malgrĂ© le mouvement contraire de la roue , elles ne laisseront pas de poursuivre leur chemin, et que celle qui marchera le plus prĂšs du centre, aura bien plutĂŽt achevĂ© son tour que celle qui le fera dans la derniĂšre cannelure , quoique l’une marchĂąt aussi vite que l’autre ; parce que l ime a un bien plus grand cercle Ă  parcourir que 1 autre. De mĂȘme les astres qui vont L’ARCHITECTURE DE VITRUYE. ! 4o3 contre le cours universel du ciel, achĂšvent chacun leur circuit particulier; mais ce cours universel qui se fait en un jour ne cesse de les transporter en arriĂšre vers le lieu d’oĂč ils viennent. Il y a quelques Ă©toiles qui sont tempĂ©rĂ©es, d’autres sont chaudes, et d’autres sont froides ; cela vient de ce que tout feu pousse *sa flamme vers le haut. C’est par cette raison que le Soleil enflamme et brĂ»le, par ses rayons, tout cet espace appelĂ© ÂEther, qui se trouve au-dessus de lui, et dans lequel la planĂšte de Mars fait son cours aussi ; l’ardeur du Soleil la rend elle-mĂȘme trĂšs-brĂ»lante. Celle de Saturne, au contraire , qui touche aux extrĂ©mitĂ©s du ciel, qui sont gelĂ©es, est extrĂȘmement froide. Je viens de faire connoĂźtre tout ce que m’ont appris mes maĂźtres, sur le cercle des douze signes; sur les sept planĂštes, sur leur mouvement et leur cours contraire Ă  celui des autres astres, sur la maniĂšre , et le temps qu elles mettent Ă  passer d’un signe dans un autre, et comme elles achĂšvent leur circuit. Je dirai prĂ©sentement, comme je l’ai encore appris des anciens, pourquoi la lumiĂšre de la Lune a son croissant ainsi que son dĂ©clin. BĂ©rose, i venu du pays des ChaidĂ©ens, publia le systĂšme qu’il avoit rĂ©pandu dans toute l’Asie ; il enseignoit que la Lune Ă©toit une boule, dont une moitiĂ© est Ă©clatante de lumiĂšre, et l’autre de couleur bleue lorsque dans son cours, elle se rencontre sous le globe du' Soleil, attirĂ©e alors par ses rayons, et par la force de sa chaleur, elle retourne vers lui sa partie brillante, Ă  cause de la sympathie que ces deux lu miĂšres ont enlr’elles; attirĂ©e directement ainsi sous le Soleil, elle tourne sa partie Ă©clatante vers le haut; l’autre qui ne l’est pas reste invisible parce qu’elle a la mĂȘme couleur que l’air quand donc elle se trouve perpendiculairement sous les rayons du Soleil, toute sa lumiĂšre se trouve rĂ©pandue sur sa partie supĂ©rieure, et on l’appelle, dans cet Ă©tat, premiĂšre Lune. Quand elle s’avance ensuite vers la partie orientale du ciel, elle ressent moins l’ardeur du Soleil, et l’extrĂ©mitĂ© de sa partie Ă©clatante paroĂźt Ă  ceux qui sont sur la terre, comme une petite ligne de lumiĂšre ; on l’appelle alors la seconde Lune. Quelques jours aprĂšs, quand elle s’éloigne davantage , on l’appelle troisiĂšme Lune, et enfin quatriĂšme Lune au septiĂšme jour, le Soleil se trouvant Ă  l’occident, et la Lune entre l’Orient et l'Occident, c’est-Ă -dire au milieu du ciel ; elle tourne alors vers la terre la moitiĂ© de sa partie Ă©clatante, parce que la moitiĂ© du ciel la sĂ©pare du Soleil* enfin quand la majeure partie du ciel se trouve entre le Soleil et la Lune ; que le Soleil passant Ă  l’Occident, regarde par derriĂšre le globe de la Lune qui est Ă  l’Orient, comme elle est Ă©loignĂ©e alors du Soleil, autant qu elle le i Voyez les remarques Ă  la fin du Chap. VĂŻl de ce livre. ' LIVRE IX, C h a. p. Ăźx. 4°4 peut-ĂȘtre , elle montre, en entier , la partie Ă©clatante de son globe ce qui arrive le quatriĂšme jour. Diminuant ensuite de jour en jour , elle accomplit le mois lunaire , en tournant sur elle-mĂȘme , et s’avançant vers le Soleil, elle passe de nouveau sous son disque, et achĂšve tout cela dans l’espace d’un mois. Le mathĂ©maticien Aristarque de Samos , a une autre opinion, qu’il fonde sur d’excellentes raisons, tirĂ©es des sciences qu’il possĂ©doit. La voici. Il est certain, dit-il, que la Lune n’a d’elle-mĂȘme aucune lumiĂšre; mais comme un miroir , elle reçoit celle du Soleil parmi les sept planĂštes, c’est elle qui fait son cours le plus prĂšs de la terre et en moins de temps ; chaque mois, elle passe sous le Soleil; le premier jour elle se trouve cachĂ©e sous son disque, et reste obscurcie; dans cet Ă©tat de conjonction avec le Soleil, on la nomme nouvelle Lune le jour suivant, on la nomme seconde Lune, parce qu’alors elle s’éloigne un peu du Soleil qui commence Ă  Ă©clairer l’extrĂ©mitĂ© de son disque; le troisiĂšme jour, s Ă©loignant davantage, cette lumiĂšre commence Ă  croĂźtre, et ainsi s’éloignant tous les jours jusqu’au septiĂšme , la moitiĂ© du ciel, environ , la sĂ©pare du Solçil, quand il se couche Ă  l oc- cident, et il Ă©claire seulement la partie de cette planĂšte qui est tournĂ©e vers lui. Le quatorziĂšme jour, lorsqu elle lui est diamĂ©tralement opposĂ©e, c’est la pleine Lune ; elle se lĂšve alors quand le Soleil se couche, parce que tout l’espace des ci eux se trouve entre eux ; ainsi elle a le Soleil en face , et tout son disque reçoit ses rayons qui le rendent brillant de lumiĂšre. Le dix-septiĂšme jour, quand le Soleil se lĂšve, elle se trouve prĂšs du couchant. Le vingt-uniĂšme jour, au lever du Soleil, la Lune est Ă  peu-prĂšs, au milieu du ciel; la partie qui regarde le Soleil, est Ă©clairĂ©e, le reste demeure obscur ainsi continuant sa course, elle se trouve le vingt-huitiĂšme jour sous le Soleil, et alors elle achĂšve le mois. % Il me reste Ă  expliquer comment le Soleil qui passe chaque mois dans un signe , augmente ou diminue et les jours et les heures. R E M A R Q U E S. Tout ce qu’on vient de lire sur la sphĂšre , et le mouvement des planĂštes , est bien informe ; le faux y dĂ©figure par-tout le vrai. C’étoit les lumiĂšres du temps; on Ă©loit trĂšs-ignorant alors, en fait de gĂ©ographie, et de sphĂšre. Les uns croyoient que la terre Ă©loit un corps plat ; les autres un cylindre ; les autres enfin un tirnpan. Vitruve partageoit une de ces erreurs ; on voit que ses idĂ©es sur le globe terrestre n’étoient pas justes; il ignoroit sur-tout les trois diffĂ©rentes positions de la sphĂšre , qui sont la sphĂšre horizontale, la sphĂšre verticale, et la sphĂšre oblique; car il considĂšre la sphĂšre, comme si on devoit toujours la placer obliquement ; parce que c’est la position qu’elle doit avoir Ă  Home ; il croit qu’elle ne doit pas en avoir d’autre, pour toutes les parties de la terre. L'ARCHITECTURE DE V I T R U V E. / f o5 A l’ordre qu’il suit en nommant les planĂštes, on reconnoĂźt qu’il adopte les principes qui furent par la suite la base du systĂšme de PtolemĂ©e , qui fait de la terre le centre immobile de Punivers. Ce fut cependant plus de cent cinquante ans aprĂšs 1 que PtolemĂ©e publia son livre intitulĂ© ^ de la grande construction clĂ©s planĂštes , qui contient les principes du systĂšme qui a portĂ© son nom ; mais il n’en Ă©toit pas l’auteuril existoit long-temps avant lui ; il a seulement rassemblĂ© dans son ouvrage , ce qu’Arislole et Possidonius avoient pensĂ© sur l’arrangement du monde , en y ajoutant toutefois quelques rĂ©flexions qui Ă©toient de lui. U est donc assez curieux de trouver dansYitruve, un traitĂ© d’astronomie Ă©crit long-temps avant que PtolemĂ©e n’ait publiĂ© le sien. Celui-ci en rĂ©digeant son ouvrage , avoit rectifiĂ© tous les calculs et perfectionnĂ© l’ouvrage de ses prĂ©dĂ©cesseurs. 11 paroĂźt que du temps de Vitruve , on n’avoit pas encore calculĂ©, d’une maniĂšre bien exacte , le temps que les planĂštes employent Ă  parcourir leur orbite, ou du moins , que Vitruve ne s’en Ă©loit pas assurĂ© ou que ses copistes auroieut fait plusieurs fautes ce qui est le plus apparent, puisque, dans le texte , on voit que Vitruve se contredit souvent. Je vais indiquer et tĂącher de rectifier ces erreurs. Dans toutes les Ă©ditions publiĂ©es avant celle de Galiani , on lit que la planĂšte de Jupiter reste 565 jours dans chaque signe. Il lui faudroit donc d’aprĂšs ce compte , douze ans et vingt-deux jours pour accomplir son cours. Cependant le mĂȘme texte porte qĂŒe cette planĂšte n’y emploie que onze ans et 323 jours. Par consĂ©quent il faut donc qu J il y ait ici une erreur , Galiani l’a corrigĂ©e en partie , en lisant que la planĂšte de Jupiter reste seulement 56o jours dans chaque signe. 11 a suivi en cela le manuscrit du Vatican, que j’ai Ă©galement adoptĂ©, parce qu’il est plus probable que c’étoit ainsi qu’il fall oit lire. En effet, dit Galiani, si la planĂšte de Jupiter reste 56o jours pour parcourir chaque signe il lui faudra onze ans et 3t6 jours pour achever toute sa circonvallation , ce qui est conforme au calcul de PtolemĂ©e. Il est vrai qu’on lit aussi dans le mĂȘme manuscrit, que , pour cette circonvallation , il lui faut onze ans et 3s3 jours y mais le mĂ©compte n’est que de sept jours, tandis que si l’on suivoit la maniĂšre de lire qui a clĂ© suivie dans toutes les autres Ă©ditions oĂč on lit que cette planĂšte reste 365 jours dans chaque signe ; il lui faudroit , pour accomplir son tour , douze ans et 22 jours ce qui se rapporte beaucoup moins avec le calcul de PtolemĂ©e et celui de Vitruve qui porte le tout Ă  onze ans et 323 jours. Il conviendroit de corriger de mĂȘme le calcul de l’auteur , pour la planĂšte de Mercure. Suivant PtolemĂ©e, elle emploie 124 jours environ Ă  faire son cercle ^ et Vitruve dit qu’elle en emploie 36o. Peut-ĂȘtre l’auteur aura-t-il Ă©crit de cette maniĂšre CXXIV , des copistes ignorants auront lu CCCLX. 11 aura de mĂȘme Ă©crit clenos dies, et ils auront lu trecenos clies. Le passage oĂč l’auteur parle de la circonvallation de la planĂšte de VĂ©nus , a paru trĂšs-obscur aux interprĂštes. Perrault n’en a pas du tout saisi le sens ; il a traduit comme si l’auteur avoit entendu que cette planĂšte ne devoit rester que 3o jours dans chaque signe , et que quand elle devoit demeurer 4o jours empĂȘchĂ©e par les rayons du Soleil , elle regagnoit le nombre de jours qu’elle avoit lardĂ© dans ce signe , en s’avançant plus vite dans les autres l’auteur n’a pas voulu dire cela ; il entend, au contraire , que le moins de temps que peut rester la planĂšte dans un signe c’est 3o 1 Vitruve e'crivoit sous le rĂšgne d’Auguste, et PtolemĂ©e sous celui de Marc-AurĂšle. LIVRE IX, C H A p. IX. 4o6 jours ce qui n’arrivoit, suivant l’opinion d’alors, que quand elle n’étoit pas empĂȘchĂ©e par les rayons du soleil ; qu’autrement elle devoit y rester 4o jours, et que quand elle y restoil moins de 4o jours, connue Vitruve l’a certainement entendu, elle retardoit sa marche dans les autres signes, puisqu’il lui falloil nĂ©cessairement 485 jours pour achever son orbite. Si on suppose qu’elle reste 4o jours dans chaque signe, il lui faudra 480 jours pour les parcourir tous les douze, parce que la multipliĂ© par 4o , produit 480. Dans le compte de Vitruve, il ne se trouve que 5 jours de trop; ce simple calcul auroit suffi pour prouver Ă  Perrault son erreur. Une note qu’il met sur ce passage est encore bien moins concevable que sa traduction, a Vitruve , dit-il a dĂ» entendre plus de 4o jours , parce que le chemin que VĂ©nus fait dans les douze signes, n’iroit qu’à 4oo jours, supposĂ© que n’étant a point empĂȘchĂ©e , elle ne demeurĂąt que 4o jours dans chaque signe » cependant en bonne arithmĂ©tique, douze fois 4o font bien 48o ; tellement qu’il n’y a , comme je viens de le dire, que 5 jours d’erreur, dans le compte de Vitruve , en donnant Ă  ce passage le sens que je viens de lui donner. On ne peut toutefois ĂȘtre assurĂ© qu’on a bien choisi entre les diverses leçons de ce passage , comme l’observe trĂšs-bien Galiani; puisqu’on ne peut s’appuyer sur aucune autoritĂ©. JNous voyons en effet que 'Vitruve dit, que VĂ©nus fait sa circonvallation en 485 jours. PtolemĂ©e dit qu’elle la fait en 5^5 jours, et d’aprĂšs les observations modernes, elle n’en emploie que 224. L’opinion de Vitruve , qui attribue aux rayons du Soleil la cause des stations ou rĂ©trogradations des planĂštes, est rapportĂ©e par Pline , qui en parle comme s’il en Ă©toit le premier auteur. Voici comme il l’explique stellƓ solis radio percussƓ inhibentur rectum agere cursum et igneci vi levantur in sublime. Comme nous l’avons remarquĂ©, Pline Ă©toit postĂ©rieur de beaucoup Ă  Vitruve ; nous avons vu mĂȘme qu’il avoit souvent compilĂ© notre auteur ainsi cette opinion n’est pas de lui; dans de fond elle n’est pas bien ingĂ©nieuse ; mais en supposant la terre dans le centre , et faisant tourner les planĂštes autour d’elle , il falloit bien se contenter de ces mauvaises raisons pour expliquer ces stations et rĂ©trogradations apparentes des planĂštes de Mercure et de VĂ©nus-. Dans l’hypothĂšse de Copernic , oĂč le Soleil est le centre de l’univers , toutes les difficultĂ©s disparoissent. Si nous voyons en effet passer la planĂšte de VĂ©nus sous quatre signes , et qu’ensuite nous la voyons s’arrĂȘter ou reculer, sous ces signes, ce n’est pas qu’elle ne tienne une route uniforme mais cette diversitĂ© d’apparence vient de ce qu’elle tourne autour du Soleil, et que la terre y tourne aussi; mais VĂ©nus plus vile et la terre plus lentement; d’oĂč suit la diversitĂ© des aspects et une apparence d’irrĂ©gularitĂ©. Ce chapitre et les trois suivants contiennent un petit traitĂ© d’astronomie qui est d’autant plus intĂ©ressant que nous y retrouvons les principes du systĂšme de PtolemĂ©e, et nous voyons qu’ils Ă«toient connus Ă  Rome long-temps avant que le philosophe d’Alexandrie n’eĂ»t publiĂ© son traitĂ©; il nous fait connoĂźtre en partie jusqu’oĂč les anciens avoient portĂ© alors cette science je dis en partie, car les opinions sur l’ordre des cieux , sur le mouvement des planĂštes, Ă©toient partagĂ©es comme elles l’ont Ă©tĂ© de notre temps. 11 y avoit alors plusieurs systĂšmes comme aujourd’hui long-temps; avant Vitruve, les Pythagoriciens, ensuite PhilolaĂŒs , Aristarque et ClĂ©anthe de Samos avoient enseignĂ© que le ciel Ă©toit en repos , et que c’étoit la terre qui Ă©toit transportĂ©e autour du Soleil , L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. 4°7 c selon la ligne oblique du Zodiaque, tout en tournant journellement sur son axe. w i Vitruve avoit donc adoptĂ© un systĂšme comme on feroit prĂ©sentement. Je suppose qu’il a suivi ce qu J ĂŒ a trouvĂ© dans Arislote , Hypocrate et Possidonius , sans se donner la peine de vĂ©rifier leur calcul. Son ouvrage , dans le fond , n’est pas un traitĂ© d’astronomie , il ne parle ici de celte science ,, qu’autant qu’elle est nĂ©cessaire pour expliquer tout ce qui a rapport Ă  la gnomonique. Il seroit assez intĂ©ressant sans doute, de dĂ©velopper Ă  la lin de ces chapitres les principes de l’astronomie moderne_, Ă  mesure que Vitruve dĂ©veloppe ceux qu’on suivoit de son temps ; mais cela nous meneroit trop loin , et nous Ă©carteroit de notre but qui est uniquement d’expliquer Aitruve et non pas de faire un traitĂ© d’astronomie. Ceux qui voudront faire cette comparaison , doivent avoir recours aux savants ouvrages de M. de la Lande. On trouvera Ă©galement de quoi satisfaire sa curiositĂ© dans le quatriĂšme volume du spectacle de la nature de M. Pluche , et dans le livre si intĂ©ressant de la pluralitĂ© des mondes par M. de Fontenelle, oĂč il a su mettre Ă  la portĂ©e de tous les lecteurs, les matiĂšres les plus abstraites , et revĂȘtir de la clartĂ© et des agrĂ©ments du style un sujet aussi ingrat. Quant Ă  moi je me contenterai d’expliquer, comme je l’ai dĂ©jĂ  fait, les passages que le commun des lecteurs auroit peine Ă  comprendre, ce qui arrive, sur-tout, lorsqu’il est question des usages anciens, qui sont contraires aux nĂŽtres. Par exemple la plupart des lecteurs ne comprendront pas ce qu’entend l’auteur, lorsqu’à la fin de ce chapitre, il s’exprime en ces termes je dirai prĂ©sence lement , comment le Soleil qui passe chaque mois dans un signe , augmente et diminue les jours ce et les heures. Ceux qui pensent que les anciens divisoient les jours comme nous, ne pourront s’imaginer comment le Soleil dans son cours peut diminuer les heures, qui, chez nous, sent toujours Ă©gales5 mais elles ne l’étoieul pas chez les anciens ; ils divisoient le jour en douze heures , et Ă©galement la nuit tellement que quand les jours Ă©toient plus longs, les heures l’étoient Ă©galement5 ainsi Ă  mesure que les jours augmenloient, les heures du jour s’allongeoient Ă  proportion , et celles de nuit s’accoureissoient de mĂȘme. Depuis l’équinoxe de septembre jusqu’à celle de mars, l’heure de jour Ă©toit plus petite que celle de nuit; et depuis l’équinoxe de mars jusqu’à celle de septembre, elle Ă©toit plus grande. Au solstice d’hiverl’heure de jour Ă  Rome n’avoit guĂšre que 40 de nos minutes ^ tandis qu’alors l’heure de nuit en avoit 90. Pendant le solstice d’étĂ© c’étoit le contraire toutes les horloges, dont nous verrons la description dans les chapitres suivants , sont construites d’aprĂšs ces principes. On sent qu’il Ă©toit assez difficile de tracer un cadran solaire, propre Ă  marquer de celte maniĂšre les heures , pendant tout le cours de l.’annĂ©e , et qu*il n’étoit pas plus aisĂ© de construire une horloge dans le mĂȘme genre. Nous verrons dans le g erae chapitre de ce livre , comme cela se praliquoii. C’est sans doute Ă  cause de la difficultĂ© qu’cntraĂźnoil leur exĂ©cution , et des connoissances qu’elle exigeoit, que cette partie Ă©toit attribuĂ©e aux architectes. L’augmentation et la diminution des jours est l’effet naturel produit par le cours du Soleil; mais connoĂźtre exactement la longueur que les heures doivent avoir chaque jour de l’annĂ©e, comme nous venons de dire, que les anciens divisoient le jour , et faire des cadrans et des horloges dans ce sens, cela demandoit une grande intelligence , qui n’est plus nĂ©cessaire aujourd’hui, puisque chez nous, toutes lĂ©s heures sont toujours Ă©gales, ĂŻ Plut, de jade in orbe Lun$, CHAPITRE''V. I LIVRE IX; Chap; Y. 4o 8 CHAPITRE V. Du cours que le Soleil fait dans les douze 'signes du Zodiaque . ^ijĂ nd le Soleil passe Ă  la huitiĂšme partie du signe du BĂ©lier , il produit l’équinoxe du printemps alors il passe la queue du Taureau , et s’avance ensuite vers les PlĂ©yades , au-delĂ  desquelles paroĂźt la moitiĂ© de devant du Taureau ; il a ainsi parcouru plus de la moitiĂ© du ciel , en s'avançant vers le Septentrion , sortant du Taureau , pour entrer par les GĂ©meaux ; au lever des PlĂ©yades , il s’élĂšve davantage sur la terre , et les jours croissent de plus en plus. Alors s’avançant depuis les GĂ©meaux jusqu’à l’Ecrevisse, celui des signes qui occupe le moins d’espace quand il parvient Ă  sa huitiĂšme partie , il marque le Solstice d’étĂ© , et continuant son cours , il va jusqu’à la tĂȘte et jusqu’à la poitrine du Lion, qui sont des parties attribuĂ©es Ă  l’Ecrevisse. Depuis la poitrine du Lion et les extrĂ©mitĂ©s de l’Ecrevisse, achevant de passer le Lion, il diminue les jours en diminuant les arcs qu’il fait sur l’horison, et revient Ă  faire les jours Ă©gaux Ă  ceux qu’il faisoit Ă©tant dans les GĂ©meaux. Ensuite passant du Lion dans la Vierge, il s’avance jusqu’au repli que forme son habit ; les arcs qu il fait alors sur l horison, deviennent encore plus petits, et les jours sont pareils Ă  ceux qu’il faisoit, tandis qu’il Ă©toit dans le Taureau; De lĂ  passant par le repli de la robe de la Vierge, qui occupe le commencement de la balance, il marque l’équinoxe d’automne , faisant des arcs Ă©gaux Ă  ceux qu’il faisoit Ă©tant dans le signe du BĂ©lier. AprĂšs cela il entre dans le Scorpion. Lorsque les PlĂ©yades se couchent, il diminue les jours en s’approchant des parties mĂ©ridionales , et les rend encore plus courts quand il sort du Scorpion et qu’il touche les cuisses du Sagittaire. DĂšs qu il commence Ă  entrer dans les cuisses du Sagittaire , partie du ciel qui appartient aussi au Capricorne, il occupe sa huitiĂšme partie c’est alors qu il parcourt le plus petit espace du ciel; et Ion appelle ces jours brama, Ă  cause de leur briĂšvetĂ©. AprĂšs avoir passĂ© du Capricorne dans le Verseau, il fait croĂźtre les jours et les rend Ă©gaux Ă  ceux du Sagittaire. Du Verseau, il entre dans les Poissons, tandis que le vent Favonius souffle, et Ă©gale les jours Ă  ceux du Scorpion. Ainsi le Soleil en parcourant les signes, allonge, pendant un certain temps , les jours et les heures, et ensuite les accourcit. 52 -H 4o 9 L ’architecture de yitruve. Il reste Ă  parler des autres constellations, qui sont Ă  droite et Ă  gauche du Zodiaque , et qui sont placĂ©es et reprĂ©sentĂ©es dans les rĂ©gions mĂ©ridionales et septentrionales du ciel. REMARQUES. Columelle rapporte la raison pour laquelle les anciens ne plaçoient pas les solstices et les Ă©quinoxes , au commencement des signes, mais Ă  leur huitiĂšme partie cela se faisoit, dit-il, parce qu’Eudoxe , Meton et les autres anciens astronomes,, avoient cru que c’éloit Ă  la huitiĂšme partie des signes qu’étoient les points des Ă©quinoxes et des solstices, et qu’on avoit Ă©tabli de leur temps des fĂȘtes, pour ces Ă©poques de l’annĂ©e, fĂȘtes qu’on cĂ©lĂ©broit encore; quoique, dans la vĂ©ritĂ©, les Ă©quinoxes et les solstices aient lieu au commencement des signes , comme Hipparcus Ea enseignĂ© depuis. Pline place les PlĂ©yacles dans la queue du Taureau; ce qui est contre l’usage des astronomes, qui n’attribuent les Ă©toiles de la constellation du Taureau qu’à la moitiĂ© de son corps , c’est-Ă -dire Ă  la partie de devant quand mĂȘme on entendroit par la queue du Taureau, l’extrĂ©mitĂ© de la constellation, il n’est pas vrai que les PlĂ©yades soient dans cette extrĂ©mitĂ©; mais entre celte extrĂ©mitĂ© et la tĂȘte , comme Vitruve le dit. Nous avons vu que les anciens appeloient le solstice d’hiver bruma , Ă  cause de la briĂšvetĂ© des jours, Ă  cette Ă©poque de l’annĂ©e. On voit dans Yossius, les diverses Ă©tymologies de ce mot ; celle qui le fait dĂ©river du mot brevis , lui paroĂźt mĂ©riter la prĂ©fĂ©rence; de brevis on aura fait brevissima , ensuite brevimas , breumas, brumas et enfin bruma. C’est ainsi que du mot exterrimus , on a dit extremus , ensuite extemus et enfin extimus. \b >. tĂšte I 1 And ijĂŒfhi linot 1 ation jbche lit le CHAPITRE VL lJuSj k; 3 ji Des Constellations Septentrionales . 1 i k constellation septentrionale que les Grecs nomment Arctos 'i ou bien HĂ©lice 2 a, auprĂšs Telle, son gardien; la Vierge n’en est pas Ă©loignĂ©e; Ă  son Ă©paule droite, se trouve une Ă©toile fort brillante que les Latins appellent provindemiam et les Grecs protrygeton 3 ; elle se fait remarquer, parce qu’elle est plus Ă©clatante que les autres. Vis-Ă -vis de celle-ci, il y a une autre Ă©toile qui se trouve entre les genoux du gardien de l’Ourse appellĂ© Arctur ; prĂšs de lĂ , directement Ă  la tĂȘte de l’Ourse, le long itymi jf iHfclion h'obal ail. L H ; 4va ?i Pour irait t 1 C’est-Ă -dire l’ourse; ÂŁ2 C’est-Ă -dire tournoyante. 3 C’est-Ă -dire qui donne le* vendanges. 1 L I V Pi E IX, C h Ă  a / v. vĂŻ, ^10 clĂ©s pieds des GĂ©meaux, est le chartier, dont les pieds sont au-dessus de la corne gauche du Taureau. Cette constellation a une Ă©toile qu’on nomme la main du chartier; et sur son Ă©paule gauche, sont les chevreaux et la chĂšvre. Au-dessus des signes du Belier et du Taureau , se trouve la constellation de PersĂ©c ; parmi les Ă©toiles qui la composent, celles qui sont Ă  droite, passent au-dessus des PlĂ©yades, et celles qui sont Ă  gauche au-dessus de la tĂȘte du Belier. PersĂ©e s’appuie de la main droite sur CassiopĂ©e, tenant de la gauche, qui est au-dessus du chartier, la tĂȘte de la Gorgone par le sommet du front, et la posant sous les pieds d’AndromĂšde. Les poissons sont prĂšs d’AndromĂšde; le long de son ventre, et du dos du cheval, vers l’extrĂ©mitĂ© du ventre de celui-ci, se trouve une Ă©toile fort brillante, qui fait aussi l’extrĂ©mitĂ© de’ la tĂȘte d’AndromĂšde. AndromĂšde tient la main droite au-dessus de la constellation de CassiopĂ©e , et la gauche sur le poisson septentrional. Le Verseau est au-dessus de la tĂȘte du cheval dont les oreilles i se dirigent vers les genoux du Verseau au milieu de la constellation du Verseau, est une Ă©toile qui fait aussi partie de celle du Capricorne 2 . Au- dessus du Capricorne se trouve l’aigle et le dauphin, et auprĂšs d’eux, la flĂšche. Le cygne est placĂ© Ă  cĂŽtĂ© ; son aile droite touche la main et le sceptre de CĂ©phĂ©e ; l’aile gauche s’étend sur CassiopĂ©e , et sa queue couvre les pieds du cheval. .3 Ensuite vient le Sagittaire, le Scorpion et les Balances; au-dessus d’eux, est le serpent qui 1 Jusqu’à prĂ©sent on a lu Equi unguia, ; cependant les pieds du cheval ne touchent pas les genoux du Verseau ; ils sont tournĂ©s du cĂŽtĂ© contraire et touchent les ailes du cygne. Philander et Perrault ont cru qu’au lieu d 'Aquarii gcnua , il falloit lire avis pennas. L’idĂ©e n’étoit pas mauvaise ; mais Galiani trouve, avec raison , cette correction un peu forcĂ©e ; il propose celle-ci il est plus probable , dit-il, qu’au lieu d’unguia , il faut lire auriculƓ. Les oreilles du cheval se dirigent en effet vers les genoux du Verseau ; ensuite , le mot attingere , dont se sert ici Vitruve , ne signifie pas toucher comme les ongles du cheval touchent les ailes du cygne ; fl signifie s’étendre pour atteindre , comme font les oreilles du cheval vers les genoux du Verseau. 2 Pour traduire le texte dans l’état oĂč nous l’avons , il faudroit dire que l’étoile du milieu de CassiopĂ©e est dĂ©diĂ©e au Capricorne , ce qui est impossible , puisque ces deux constellations sont trop Ă©loignĂ©es l’une de l’autre ; mais comme le remarque trĂšs-bien Galiani , l’étoile qui est au milieu du Verseau , fait partie du Capricorne ; cette Ă©toile est commune aux deux signes. D’aprĂšs cela , on voit donc qu’au lieu de CassiopeĂŠ , il faut lire aquarii. Philander a remarquĂ© l’erreur ; mais il ne l’a pas corrigĂ©e. Perrault, pour la corriger et con^ server le mot CassiopeĂŠ , a cru qu’au lieu de CassiopeĂŠ media est dedicata Capricorno, supra in altitudine aquila et delphinus il falloit lire., Cassiopea media est, scilieet Ce- phei et AndromedĂŠ dedicata est' Capricorno supra in altitudine aquila sien/’ et Delphinus. Combien voilĂ  de corrections , tandis qu’une seule suffisoit. 3 Pour expliquer ce qu’on vient de lire sur la constellation du cygne , qui n’est pas conforme Ă  ce que nous voyons sur les cartes cĂ©lesles modernes , il faut supposer que du temps de Vitruve on reprĂ©sentoit cette constellation tout autrement qu aujourd’hui, c’est-Ă -dire qu’on plaçoit son aile gauche oĂč l’on place prĂ©sentement sa queue , et sa queue oĂč l’on place l’aile gauche ; comme cela , l’aile gauche seroit Ă©tendue vers CassiopĂ©e et la queue couvriroit les pieds du cheval. 52 . L'ARCHITECTURE DE VITRUVE. 4n touche du bout, de sa tĂȘte, la couronne. Le serpentaire tient, par le milieu du corps, le serpent dans ses mains, et pose le pied gauche sur la tĂȘte du Scorpion. PrĂšs de sa tĂȘte se trouve cette constellation appelĂ©e l’homme Ă  genoux, i On distingue aisĂ©ment le haut de la tĂȘte de ces deux constellations, parce que les Ă©toiles qui les forment sont luisantes. Le pied de l’homme Ă  genoux s’appuie sur la tĂȘte du serpent qui est entre les ourses qu’on appelle les sept trions. On voit le dauphin se courber un peu 2 , et vis-Ă -vis du bec du cygne, on voit la lyre la couronne est placĂ©e entre les Ă©paules du gardien de l’ourse et celles de l’homme Ă  genoux. Les deux ourses sont placĂ©es dans le cercle Arctique, de maniĂšre que leurs dos se touchent ; la poitrine de l’une est tournĂ©e d’un cĂŽtĂ©, celle de l’autre l’est du cĂŽtĂ© opposĂ©. Les Grecs appellent la petite, Cinosura 3, et la grande Elice 4 leurs tĂȘtes regardent chacune d’un cĂŽtĂ© opposĂ©; l’une tourne sa queue vers la tĂȘte de l’autre, ce qui fait qu elles Ă©lĂšvent toutes deux leur queue. L’étoile qu’on nomme polaire est celle qui brille si fort dans la queue de la petite ourse 5i Le serpent comme on l’a dit, s’étend fort loin entre les queues des deux ourses ; il tourne autour de la tĂȘte de la grande qui est prĂšs de lui, ensuite il se replie et se jette aussi autour de celle de la petite, et s’étend encore le long de ses pieds, et ses replis se rĂ©flĂ©chissent depuis la tĂȘte de la petite ourse jusqu’à la grande, proche de son museau et de sa tempe droite. Les pieds de CĂ©phĂ©e sont aussi au-dessus de la queue de la petite ourse. PrĂšs de lĂ , au-dessus du Belier, on voit les Ă©toiles qui composent un triangle qui a deux cĂŽtĂ©s Ă©gaux. La petite ourse et CĂ©phĂ©e ont beaucoup d’étoiles communes Ă  elles deux., J’ai parlĂ© d’abord des constellations qui sont Ă  droite de l’orient entre le Zodiaque et les Ă©toiles septentrionales; je vais prĂ©sentement parler de celles qui sont Ă  gauche de l’orient dans les rĂ©gions mĂ©ridionales. 1 Cette constellation est celle d’Hercule, qui, comme le remarque trĂšs-bien Hyginus , est appuyĂ© sur le genou droit , et a le pied gauche sur la tĂšte du serpent. 2 Philander dont Perrault a suivi l’opinion , croit qu’au lieu de ces mots penve per eos, il faut lire equi parai per os. Il est vrai que le dauphin se trouve prĂšs de la bouche du petit cheval ; mais comme Vitruve ne parle pas de cetle constellation , qu’on n’avoit peut- ĂȘtre pas encore reconnue de son temps Galiani avoue qu’il n’a osĂ© changer le texte , d’autant que rien ire rĂ©pugnĂ© Ă  ce qu’il reste tel qu’il est. 3 C’est-Ă -dire queue de chien, 4 C’est-Ă -dire tournoyante. 5 Galiani a fait ici une correction que j’ai adoptĂ©e; on lisoit avant lui dans toutes les Ă©ditions. E qua Stella j quƓ dicitur Polit s plus elucct circum caput majoris sepien- trionis. Ce qui n’est pas vrai puisque l’étoile Polaire n’est pas auprĂšs de la tĂȘte de la grande ourse ; mais elle fait partie ou plutĂŽt termine la queue de la petite. Pour corriger cette erreur Galiani a substituĂ© le mot caudam Ă  celui de caput , et celui de minoris Ă  celui de majoris. Par lĂ  le texte se trouve d’accord avec nos cartes cĂ©lestes. LIVRE IX, Chap. ti. 4 12 REMARQUES. La division des cieux en constellation est fort ancienne. Les dĂ©couvertes qu’on a faites en Egypte y prouvent que, dans les plus anciens temps, ces peuples reprĂ©sentoient l’assemblage de plusieurs Ă©toiles sous la figure d’un homme, d’un animal ou de quelqu’autre chose. M. Desnon a trouvĂ© dans un des temples de Tintyra , un planisphĂšre reprĂ©sentĂ© en bas relief d’aprĂšs lequel on ne peut douter que ce ne soit chez les Egyptiens que les Grecs avoient pris les images de leurs signes. Le ciel Ă©toilĂ© a trois parties principales celle du milieu ou le Zodiaque; celle qui est au nord du Zodiaque , et celle qui est au midi. Yitruve a parlĂ©, dans le chapitre prĂ©cĂ©dent, de celle du milieu appelĂ©e le Zodiaque, qui renferme toutes les Ă©toiles qui se trouvent dans la route des planĂštes , pendant leur rĂ©volution. Cette zone, ou bande du Zodiaque , sĂ©pare les constellations de la partie borĂ©ale qui est au nord du Zodiaque , de celles de la partie australe qui est au midi. Yitruve a parlĂ© des premiĂšres dans ce chapitre, et il parlera des autres dans le suivant. D’aprĂšs ce qu’il dit dans ces deux chapitres, il paroĂźt que les figures des constellations n’étoient pas prĂ©cisĂ©ment placĂ©es de son temps , comme elles le sont aujourd’hui, ni composĂ©es des mĂȘmes Ă©toiles , Ă  moins qu’on ne suppose que les copistes ignorants celte matiĂšre , n’aient fait un grand nombre de fautes. On a vu combien il a fallu corriger pour accorder le texte de Yitruve avec nos cartes cĂ©lestes , publiĂ©es par Jean Boyer. Beaucoup d’auteurs ont prĂ©tendu que PtolemĂ©e Ă©toit le premier qui avoit dressĂ© un catalogue d’étoiles, et en avoit formĂ© 48 constellations, dont 12 autour de l’Ecliptique, 21 dans la partie septentrionale du ciel, et i5 dans la partie mĂ©ridionale. On voit combien ces auteurs se sont trompĂ©s; puisque Yitruve, qui Ă©crivoit au moins i4o ans avant l’astronome d’Alexandrie, parle de toutes ces constellations , et les divise de mĂȘme que lui et Yitruve suit la division que le philosophe DĂ©mocrite avoit fait avant lui , comme il le dit lui-mĂȘme dans le chapitre suivant. On a depuis ajoutĂ© de nouvelles constellations qui n’avoient pas Ă©tĂ© observĂ©es de leur temps telles que la chevelure de BĂ©rĂ©nice et Antinous dans la partie borĂ©ale. Les astronomes modernes, qui ont voyagĂ© dans l’hĂ©misphĂšre austral, aprĂšs en avoir observĂ© les Ă©toiles, en ont formĂ© aussi de nouvelles constellations. Jean Boyer en a ajoutĂ© 12 autres, et l’abbĂ© de la Caille i4. Dans le septiĂšme chapitre de ce livre, Yitruve parle des constellations de l’hĂ©misphĂšre mĂ©ridional connues de son temps. 4-i 3 L ’ A R CIIITECTURE DE Y Ăź T R U V E. CHAPITRE VIL Des Constellations qui sont au Midi . Nous avons premiĂšrement le poisson mĂ©ridional posĂ© sous le Capricorne ; il regarde la queue de la Baleine i. Entre lui et le Sagittaire, il se trouve un vuide. L’encensoir 2 est dessous l’aiguillon du Scorpion. PrĂšs de la balance et du Scorpion , on voit le devant du Centaure, qui tient dans ses mains cette constellation que les astronomes appellent la bĂȘte. PrĂšs de la Vierge, du Lion, et de l’Ecrevisse, le serpent Ă©tend une bande d’étoiles ; il entoure dans ses replis la rĂ©gion de l’Ecrevisse, et Ă©lĂšve sa tĂȘte vers le Lion; il soutient la coupe sur le milieu de son corps, et vers la main de la Vierge, il Ă©tend sa queue, sur laquelle se pose le corbeau les Ă©toiles qui sont sur son dos , sont toutes Ă©galement luisantes. Le Centaure est placĂ© directement sous la courbure du ventre du serpent et sous sa queue. Sous la coupe et le Lion se trouve le navire nommĂ© Argo; on n’aperçoit pas sa proue qui est obscure ; mais le mĂąt et les parties qui sont vers le gouvernail, sont plus apparentes. Le chien , par le bout de sa queue, touche le navire. Le petit chien suit les GĂ©meaux , vis-Ă -vis la tĂȘte du Serpent. Le grand chien suit le petit. L’Orion est placĂ© en travers sous le Taureau, qui le foule d’un pied; il tient dans la main gauche un bouclier et dans la droite une massue qu il lĂšve vers les GĂ©meaux 3. Il a, sous ses pieds, le chien 1 On lit dans le texte Cauda prospicĂźens Cephea. Phi- Ăźander ainsi que Perrault ont reconnu que c’étoit une erreur. Perrault a cru , et ce n’étoit pas sans quelque vraisemblance , qu’au lieu de cephea il falloit lire centau - reum ; il entendait par lĂ  le Sagittaire , auquel on a souvent donnĂ© ce nom. Cependant l’expression prospi- eiens dont Vitruve se sert ici, prouve que c’est de la tĂȘte du poisson dont il veut parler car les yeux sont dans la tĂȘte et non Ă  la queue. Philander , avec bien plus de raison , croit qu’on doit lire caudam prospicĂźens eeti , puisqu’effectivcment la tĂšte du poisson regarde la queue de la baleine. Dans le premier manuscrit du Vatican , on trouve ici le mot caudam ; mais aprĂšs on trouve celui de cephei. 11 n’est cependant pas possible que Vitruve ait pu dire que le poisson regardoit Ce- phĂ©e , qui est une des constellations du nord ; voilĂ  qui suit de prĂšs le liĂšvre. Sous le Relier pourquoi nous avons adoptĂ© la correction de Philander. 2 On appelle ordinairement cette constellation , ara, l’autel ; mais Vitruve la nomme ici thuribulum, l’encensoir. 3 Ce passage avoit certainement besoin d’ĂȘtre corrigĂ©. On lit communĂ©ment dans le texte , manu lava tenens clavam alteram ad geminos iollens. Perrault pour le rendre intelligible , a cru qu’il suffisoit de substituer les mots et eam Ă  celui de alteram ; mais cela ne convient pas Ă  la maniĂšre dont cette constellation est disposĂ©e , et est trĂšs-contraire Ă  l’usage , puisqu’on ne tient pas ordinairement une massue de la main gauche. Galiani que j’ai suivi, croit qu’on doit plutĂŽt lire manu leva tenens clypeam , clavam altĂ©ra ad geminos iollens ; ce qui est trĂšs-conforme Ă  la maniĂšre dont on a toujours reprĂ©sentĂ© cette constellation. 1 V i 1111' Ecris te re,ui Ăźitlcfi t >in l&l **{ mais^ nsi if jĂšrs ^ LIVRE IX, C n a p. vu /,/ i 1 i et les poissons se trouve la Baleine. Il sort de sa crĂȘte, sous les poissons, deux petites bandes dĂ©toiles rangĂ©es par ordre; on les appelle en grec Hermedon i, c’est le lien des poissons, qui dans un grand espace, se replie, se noue * et vient toucher le haut de la crĂȘte de la Baleine. Comme un fleuve d’étoiles , l’Eridan a sa source sous le pied gauche d’Orion. L’eau , que fait tomber le Verseau, s’écoule entre la tĂȘte du poisson austral, et la queue de la Baleine. Je viens de faire eonnoĂźtre les constellations dont l’esprit divin, auteur de la nature , a formĂ© les diverses figures dans le ciel, comme le philosophe DĂ©mocrite les a dĂ©signĂ©es. Je n’ai parlĂ© que de celles qui se lĂšvent et se couchent sur notre horizon, et que nous pouvons voir car de mĂȘme que les constellations du nord qui font leurs cours autour du pĂŽle septentrional, ne se couchent pas et ne passent jamais sous le globe , il s’en trouve d’autres qui tournent aussi autour du pĂŽle mĂ©ridional, et restent toujours cachĂ©es sans se lever sur la terre ce qui fait qu’on ne connoĂźt point leur figure. Cela est prouvĂ© par l’étoile nommĂ©e Canope 2 que nous ne connoissons que par le rapport des marchands qui ont voyagĂ© Ă  l’extrĂ©mitĂ© de 1 Egypte, et jusqu’aux terres qui terminent le monde. J’ai dĂ©montrĂ© exactement le cours que les astres font autour de la terre ; la disposition des douze signes du Zodiaque, ainsi que celles des Ă©toiles qui sont vers le septentrion et vers le midi, parce que la construction des anale mines 3 dĂ©pend de ce mouvement de rotation que fait le monde, du cours que fait le soleil dans les signes par un mouvement opposĂ©, et des ombres Ă©quinoxiales des Gnomons. Quant au reste de cette science qui concerne l’astrologie , et qui consiste Ă  faire eonnoĂźtre l’influence des douze signes, celle des cinq planĂštes, celle du Soleil et de la lune, sur la vie des hommes, il faut s’en rapporter aux CaldĂ©ens qui possĂšdent particuliĂšrement l’art de raisonner sur les naissances, et d’expliquer comment l’on peut eonnoĂźtre par les astres, le passĂ© et l’avenir. Les savantes dĂ©couvertes qu’ils nous ont transmises dans leurs Ă©crits, montrent combien ils Ă©toient habiles, combien ils possĂ©doient de lumiĂšres, ces grands hommes sortis de la nation CaldĂ©enne. Le premier fut BĂ©rose ; il descendit dans l isle de Coo et Ă©tablit une Ă©cole dans la ville de ce nom, oĂč il enseigna cette science ensuite le savant Antipater et Archi- napolus ont dĂ©montrĂ© que la gĂ©nethliologie 4 Ă©toit plutĂŽt fondĂ©e sur la conception 1 C’est-Ă -dire les dĂ©lices de Mercure. 2 Cette Ă©toile trĂšs-remarquable par sa grandeur , fait partie de celles qui composent la proue du navire ; elle n’est pas aperçue par ceux qui habitent le Ăź^ord, parce que , comme aous l’a observĂ© Vitruve , cette partie du navire reste invisible pour nous. 3 Voyez la deuxiĂšme note sur le IV. me Chap. de ce livre. 4 C’est-Ă -dire l’art de raisonner sur l$s naissances. 4x5 L’ARCHITECTURE DE I T R U Y E. que sur la naissance. Mais si l’on veut connoĂźtre le principe des choses qui sont dans la nature, il faut lire les ouvrages oĂč ThaĂŻes de Milet, Anaxagore de ClazomĂšne, Pytliagore de Samos, Xe'nophantes de Colophon, et De'mocrite d’AbdĂšre, ont Ă©crit leurs savantes dĂ©couvertes sur les ĂȘtres qui la composent, les puissances qui la gouvernent , et les causes qui produisent tous les effets que nous voyons dans le inonde. Sans s'Ă©carter de leur systĂšme, Eudoxe, Eudemon , Callistus, Melo, Philippus; Hipparchus, Aratus, et tous les autres astrologues ont fait, avec le secours de l’astrolabe , les observations les plus exactes sur le lever et le coucher des Ă©toiles, ainsi que sur les saisons de l’annĂ©e , observations qu’ils ont transmises Ă  la postĂ©ritĂ©. Les sciences que possĂ©doient ces grands hommes, sont faites pour exciter notre admiration; puisque, par leur application, ils sont parvenus Ă  prĂ©dire les changements du temps ce qui paroĂźt venir d’une connoissance plus qujhamaine. Rapportons-nous en donc Ă  leurs lumiĂšres sur des choses qu’ils ont Ă©tudiĂ©es avec le plus grand soin. REMARQUES. On regarde les CaldĂ©ens comme les pĂšres de l’astronomie; ils ne se bornĂšrent pas Ă  connoĂźtre l’état du cielj le cours des astres; ils cherchĂšrent Ă  tirer un meilleur parti de leur science, en se rendant plus importants aux yeux du vulgaire. D’aprĂšs Jes aspects, les positions des corps cĂ©lestes et les influences cpi’ils leur attribuoient, ils s’avisĂšrent de prĂ©dire l’avenir. Ils en imposĂšrent bien aisĂ©ment. En cfĂź'et comme ils annonçoient exactement, dans leurs Ă©plrĂ©mĂ©rides, le cours du Soleil pour chaque jour de l’annĂ©e, les changements de Lune, le mouvement des planĂštes; enfin qu’ils prĂ©disoient les Ă©clipses; on ne douta pas qu’ils n’eussent un commerce direct avec le ciel. On n’en- treprennoit rien d’important sans avoir consultĂ© les astrologues. Ils prĂ©tendoient sur tout, dĂ©cider quelle seroit la destinĂ©e d’un homme, en examinant quel Ă©toit l’aspect des astres Ă  l’instant de sa naissance ou de sa conception. Le Zodiaque , comme nous l’avons vu, Ă©tant divisĂ© en douze parties Ă©gales, ces douze portions avoient chacune leur attribut, comme les richesses, la science etc, etc. La portion la plus dĂ©cisive, Ă©toit celle qui Ă©toit prĂȘte Ă  monter et Ă  paroĂźlre sur l’horizon , lorsqu’un homme venoil au monde* Les planĂštes Ă©toient divisĂ©es en favorables, nuisibles et mixtes c’est cette science que Vilruve nomme GĂ©nethliologie. Elle pĂ©nĂ©tra daps la GrĂšce avec l’astronomie. Les Grecs , trĂšs amateurs du merveilleux , donnĂšrent beaucoup dans celle science chimĂ©rique. "Vilruve et Pline nous apprennent que BĂ©rose, qui Ă©toit prĂȘtre du temple de Belus Ă  Babylonefut le premier CaldĂ©en qui enseigna cet art dans la GrĂšce, Pline ajoute que les AthĂ©niens furent si contents de ses prĂ©dictions , quils firent placer sa statue, avec une langue dorĂ©e, dans leur gymnase [i. Les Grecs aimoient les sciences; ils y Ă©toient trĂšs-habiles; mais ils aimoient encore davantage le merveilleux. Il n’est donc pas i Plin. Ljv. VII, Chap. 38, Ă©tonnant if» sut On imei BC iwstra *4 l i y r e ix, ? u J il Ă©tonnant qu’ils rendirent de semblables honneurs Ă  BĂ©rose. A cĂšYprĂ©jugĂ©s prĂšs, on ne peut nier qu’ils ne fussent trĂšs-instruits dans l’astronomie. ^ T T , - J. j ! Nous avons vu par-tout ce que Yitruve a dit jusqu’à prĂ©sent , combien ils connoissoient l’état du ciel, et le cours des astres; quoique privĂ©s du telescope v , et'de beaucoup d’autres instruments, qu ont Ă©tĂ© si utiles aux astronomes modernes, ils n’en connoissoient pas moins le cours des planĂštes, et ils avoient formĂ©, Ă -peu-prĂšs, les mĂȘmes systĂšmes que nous avons aujourd’hui. Leurs voyageurs n’avoient pas encore pĂ©nĂ©trĂ© vers le pĂŽle austral , et par le raisonnement ils savoient que, dans la partie du ciel qui y correspond, les Ă©toiles ne se couchoient pas plus, qu’elles ne le font dans le nord. C’est dommage qu’à tant de connoissances, ils mĂȘlĂŽient les idĂ©es les plus absurdes. On voit que Yitruve Ă©toit persuadĂ© qu’on pouvoit j conriĂŽĂźirĂ« l’avenir par l’aspect des astres ; mais il ne dit pas comment, et il nous renvoie aux ouvrages des CaldĂ©ens parce que celte science Ă©toit inutile pour la confection des cadrans solaires, objet de ce livre. On a continuĂ© Ă  croire qu’on pouvoit lire dans l’avenir , en examinant les astres , au point que Je mot Astrologie signifioil Ă©galement l’art de connoĂźlre le ciel et celui de prĂ©dire l’avenir ; il n’y a pas long-temps qu’on est revenu de celte folie, et qu’on a dĂ©signĂ© par le nom d’Astronome ceux qui s’occupoient de l’étude du ciel et du mouvement des astres; et par celui d’AslroĂźogue ceux qui prĂ©lendoient prĂ©dire l’avenir par l’aspect, les positions, et l’influence des corps cĂ©lestes. On a remarquĂ© combien nous avons dĂ» corriger le texte dans ces deux chapitres. On voit Ă©videmment que les copistes avoient souvent changĂ© le nom des constellations. s Dans tous les exemplaires, comme nous l’avons observĂ©, dans une notĂ© , au commencement d© ce chapitre , on lit Piscis austrinus caudam prospiciens Cephei. J1 est Ă©vident qu’on aura mis ici un nom pour un autre car il est impossible que l’auteur ait voulu dire cjue la queue du poisson austral regardoit CĂ©phĂ©e, constellation qui est prĂšs du pĂŽle septentrional. Galiani soupçonne que les anciens dĂ©signoient chaque constellation par un signe particulier , dans le genre de ceux dont nous nous servons encore aujourd’hui pour dĂ©signer les constellations du Zodiaque ce que je crois aisĂ©ment, puisqu’on a trouvĂ© que ces signes , qu’on emploie pour indiquer les constellations du Zodiaque, Ă©toient employĂ©s par les Egyptiens pour les mĂȘmes objets 1 . Il est assez probable que dans leur Ă©criture hiĂ©roglyphique, ils auront eu des symboles pour chaque constellation, et que les Grecs et les Latins s’en seront servis pour abrĂ©ger. Si la chose Ă©toit ainsi, il ne seroit pas Ă©tonnant que les copistes eussent pris le signe qui indiquoit le Centaure pour celui qui indiquoit le Taureau; celui qui indiquoit le Serpent pour celui qui indiquoit le Poisson , etc etc. 1 Pioche, Spect. de la nat. tom, IV, page 3o6. 53 p* 7 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. CHAPITRE VIII. Description des Cadrans avec les AnalĂȘmes. Nous allons expliquer par d’autres principes que les leurs, la maniĂšre de tracer les cadrans, et indiquer comment les jours augmentent i ou diminuent selon les diffĂ©rents mois de TannĂ©e. Qu’on divise la longueur du Gnomon en neuf parties Ă©gales, pendant le temps de l’équinoxe, lorsque le Soleil se trouve, dans le signe du Relier ou dans celui de la Balance , l’ombre aura alors huit de ces parties Ă  l'Ă©lĂ©vation du pĂŽle de Ilome. Comme Ă  AthĂšnes quand le Gnomon a quatre parties, l’ombre en aura trois ; Ă  Rhodes, quand il en a sept, l’ombre en aura cinq ; Ă  Tarente quand il en a onze, l’ombre en aura neuf; Ă  Alexandrie, quand il en a cinq, l’ombre en aura quatre; il en est de mĂȘme par tout la grandeur de l’ombre Ă©quinoxiale change naturellement d’un endroit Ă  un autre. Quand on voudra donc tracer un cadran quelque part, il faudra d’abord chercher Ă  connoĂźtre sur ce point quelle est l’ombre Ă©quinoxiale. L’ombre a-t-elle , comme Ă  Rome, huit parties, et le Gnomon neuf ? on tire une ligne BT sur le plan, au milieu de laquelle on en Ă©lĂšve une autre d’aplomb et d’équerre avec celle-ci; c’est ce qu’on nomme le Gnomon BA; on la divise avec le compas , en neuf parties, Ă  commencer depuis cette premiĂšre ligne qu’on a tirĂ©e sur le plan; prĂšs du point qui termine la neuviĂšme partie, on mettra le centre marquĂ© À; et ayant ouvert le compas de la grandeur qu’il y a depuis ce centre jusqu’à la ligne du plan oĂč l’on mettra la lettre B, on fera avec le compas, un cercle appelĂ© mĂ©ridien. AprĂšs cela, dans les neuf parties qui sont depuis la ligne du plan jusqu’au centre, qui est l’extrĂ©mitĂ© du Gnomon, on prendra la grandeur de huit parties que l’on marquera sur la ligne du plan directement oĂč sera la lettre C; ce sera l’ombre Ă©quinoxiale du Gnomon. De ce point C, par le centre oĂč est la lettre A, on tirera une ligne, qui est le rayon du Soleil, lorsqu’il est Ă  l’équinoxe. Cela fait, on ouvrira le compas, pour prendre l’espace qu’il y a, depuis la ligne du plan jusqu’au centre; et l’on fera deux marques Ă©gales sur les extrĂ©mitĂ©s du cercle, lune Ă  gauche , vers E , et l’autre Ă  droite vers I puis on tirera par le centre une i Le mot Ă epalationes , que Vilruve emploie ici , ils ne doutent pas de sa signification cependant Galiarw pour la premiĂšre fois , et qui ne se trouve pas dans prĂ©fĂšre de suivre ici le deuxiĂšme manuscrit du Vatican , les autres auteurs Latins, a beaucoup intriguĂ© les inter- oĂč, au lieu de ce mot, on lit explanationes , expression prĂȘtes qui ont cherchĂ© Ă  dĂ©couvrir son Ă©tymologie, car qui est plus connue et plus intelligible. /M jjl' Ijdei iiirl Ou tes jek Ă« et fil doit naturellement se trouver deux autres signes , entre chacun de ceux-ci; voici comme cela se fait le cercle des mois GCH , Ă©tant comme on le dit, divisĂ© en douze , on tire des points de division sur ^ la ligne H G appelĂ©e lacotome , les perpendiculaires l. 2. l\. 5 . Ensuite du point À , par les points d’intersection que font ces lignes sur celle HG, on tire d’aiiires lignes jusqu’à celle du plan BT , oĂč l’on marquera les points a b d e qui indiqueront la grandeur de Pombre , pour chaque mois de l’annĂ©e. Ofi pourroit de mĂȘme la trouver pour chaque jour ; il suffi- roit de faire la figure beaucoup plus grande, et diviser sur le cercle GCH, les mois en autant de jours qu’ils contiennent , et tirer les autres lignes comme on vient de l’indiquer. OV ‱ ectacles, que je n’ai fait aucune difficultĂ© de me servir de ce mot. En parlant du peu de tçmps 43i L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. qu’on avoit pour faire construire ces siĂšges en amphithéùtres, l’auteur ajoute qu’on devoit aussi fairt tendre des toiles ou des voiles , velorum inductiones. » On distingue deux sortes de voiles dans les théùtres des anciens ; l’un se tiroit devant la scĂšne avant qu’on ne commençùt ; pendant le spectacle on le laissait tomber par terre, et quand il Ă©toit ĂŒui on l’élevoil pour le tendre de nouveau devant la scĂšne; cette sorte de voile s’appeloit siparium. L’autre servoit comme un toit Ă  couvrir tout le théùtre , pour empĂȘcher les spectateurs d’ĂȘtre incommodĂ©s par les rayons du soleil, ou par la pluie. Il paroĂźt que Yitruve entend ici ce dernier voile. Le premier n’étoit qu’un voile ordinaire qui faisoit nĂ©cessairement partie du théùtre ; ainsi, il Ă©toit inutile d’en parler , au lieu que l’autre Ă©toit un objet bien plus considĂ©rable; on Ă©toit obligĂ© de le soutenir par des cordes tendues, d’autant qu’il couvroit souvent un trĂšs-grand espace. On ne peut donc douter que ce ne soit de ce voile extraordinaire dont Vitruve veut parler. CHAPITRE PREMIER. Des diffĂ©rentes espĂšces de Machines et de leurs Organes. On entend par machine , un assemblage de bois bien jointqui sert sur - tout pour remuer de trĂšs-lourds fardeaux. L’effet de la machine dĂ©pend de l’art, et il est fondĂ© sur le mouvement circulaire des roues que les Grecs appellent kykliken kinesin i. Le premier genre de machine sert pour monter ; les Grecs l’appellent Acrobaticon 2 . Le second genre, qu’ils nomment Pneumaticon 3, s’emploie pour le vent. Le troisiĂšme est pour tirer ; ils l’appellent Banauson 4 - Les machines pour monter sont celles qui sont composĂ©es de deux piĂšces de bois d’une certaine hauteur , et jointes par plusieurs piĂšces traversantes , au moyen desquelles on peut monter sans danger pour voir et reconnoĂźtre tout ce qui se passe. Les machines pneumatiques sont celles qui , par l’impulsion compressive de l'air, imitent le son des instruments et mĂȘme celui de la voix humaine. Enfin les machines pour tirer, sont celles qui transportent ou qui Ă©lĂšvent de grands fardeaux. Pour monter Ă  des lieux Ă©levĂ©s, on a moins besoin d’art que de hardiesse. Tout l’art consiste Ă  assembler des montans et des Ă©chelons , de sorte qu’on en compose 1 C’est-Ă -dire mouvement circulaire. 3 Qui agit par le vent, 2 Qui monte en haut . 4 Qui dre, w * une v LIVRE X, C h a p. i. 432 une machine doublement liĂ©e , dont une partie sert de soutien Ă  l’autre. L’art de faire agir des machines par le moyen de l’air est trĂšs - ingĂ©nieux , et produit des effets Ă©tonnans. L’art de tirer de grands fardeaux est encore plus important ; il est utile , mĂȘme indispensable dans quantitĂ© de circonstances, sur-tout pour faire de grands et magnifiques ouvrages, dĂšs qu’on s’en sert avec prudence et adresse. Toutes ces machines se meuvent mĂ©caniquement ou organiquement. Il y a cette diffĂ©rence entre la machine et l’organe ; les machines font leur effet avec plus d’appareil et ont besoin de la force de plusieurs hommes , comme les ba- listes et les pressoirs ; au lieu que les organes font le leur par le moyen d’un seul homme qui les conduit avec adresse les arbalĂštes i et les anisocycles 2 sont de ce genre. Mais les organes et les machines sont d’un usage tellement nĂ©cessaire qu’on ne peut rien faire sans leur secours. L’art des mĂ©caniques est entiĂšrement fondĂ© sur la nature , ou sur l’étude qu’on a faite des mouvemens circulaires du monde. Qu’on rĂ©ilĂ©chisse comment le Soleil, la Lune et les cinq planĂštes exĂ©cutent mĂ©caniquement leur circonvallation, et l’on verra que , sans leur mouvement, la terre seroit privĂ©e de la lumiĂšre , et ses fruits n’atteindroient pas la maturitĂ© ; c’est sur ces^modĂšles , offerts par la nature , que les anciens , dĂ©sirant imiter ses divins ouvrages , inventĂšrent les machines qui sont si agrĂ©ables et si nĂ©cessaires Ă  la vie. Puisqu’au moyen de ces machines , de leur mouvement circulaire et de leurs organes , les ouvrages les plus difficiles sont devenus aisĂ©s Ă  faire , nos pĂšres ayant reconnu combien elles Ă©toient utiles , s’appliquĂšrent Ă  les perfectionner de plus en plus , et y employĂšrent 1 On ne peut douter que le mot Scorpiones dont se sert ici Vitruve ne signifie ce que nous avons appelĂ© des arbalĂštes. YĂ©gĂšce dit que, de son temps , Scorpiones s'appelaient Manubalista , pour les distinguer des grandes ba- listes ou catapultes qui n’étoient pas portatives. Il sera parlĂ© de ces machines dans les chapitres i5 et 16 de ce livre. Vitruve nous dit ici qu’il n’étoit besoin que d’un seul homme pour se servir de ces machines, qu’il met pour cela au nombre des organes , dans le chapitre 5 du livre I. cr , en parlant de la distance qu’on devoit laisser entre deux' tours ; il dit premiĂšrement On doit compasser les espaces qui sont entre les tours, de maniĂšre qu’ils ne soient pas plus longs que la por- tĂ©e des traits et. des flĂšches ; » il ajoute ensuite afin qu’on puisse x’epousser les assiĂ©geants en les battant Ă  droite et Ă  gauche , tant avec les Scorpions, Scorpio- niĂčus , qu’avec les autres machines qui servent pour lancer des traits. » On voit donc clairement que les Scorpions des anciens lançoient des flĂšches et dĂ©voient ressembler par consĂ©quent Ă  nos arbalĂštes ; on appeloit ces petites machines des Scorpions, parce qu’elles blĂ©s— soient avec des flĂšches , comme le Scorpion blesse avec son aiguillon.; et Ă  cause de la figure de leur arc qui re- prĂ©sentoit deux bx’as recourbĂ©s comme les pattes d’un Scorpion. 2 On ne sait pas prĂ©cisĂ©ment ce qu’étoit cette machine que l’auteur nomme anisocycle ; ce mot qui est grec , signifie des cercles inĂ©gaux. Il paroĂźt que c’étoit un fil d’acier , tournĂ© en vis ou en spiral , et enfermĂ© dans un canal ; en tirant Ă  soi les bouts de cette vis , et la'lĂąchant tout-Ă -coup , elle lançoit un trait placĂ© au bout telle est l’opinion de Baldus. D’aprĂšs ce que dit Vitruve , c’étoit, comme le Scorpion , une machine fort simple qu’un seul homme pouvoit faire agir. L’ARCHITECTURE DE VI T R U VE. 433 tout leur talent et toute leur industrie. Les choses les plus necessaires ont certaine-' ment Ă©tĂ© inventĂ©es les premiĂšres tels sont les vĂȘtemens on n’a cependant pu les faire qu’avec l’aide de plusieurs instrumens. Il a fallu trouver le moyen d’entrelacer la chaĂźne avec la trame ; cet entrelacement sert non-seulement Ă  couvrir le corps de l’homme , mais il en fait encore l’ornement. Nous n’eussions jamais eu de rĂ©coltes abondantes qui nous nourrissent, si l’on n’avoit trouvĂ© le joug, la charrue et le moyen d’y attacher des bƓufs. Sans les moulinets et les leviers qui servent aux pressoirs , on ne pourroit faire des huiles claires et des vins agrĂ©ables comme nous les avons. Et comment pourrions-nous les transporter ces objets d’un lieu Ă  un autre , si l’on n’avoit inventĂ© les chariots et charettes pour les conduire sur terre ? On a trouvĂ© de mĂȘme les balances et les trĂ©buchets pour connoĂźtre le poids de chaque chose et empĂȘcher les tromperies qui se font contre les loix. Il existe une infinitĂ© d’autres machines dont il est inutile de parler , parce que nous les avons tous les jours Ă  la main ; comme sont les roues , les soufflets des ouvriers , les chars , les chaises roulantes , les tours , et les autres instrumens dont il faut que nous nous servions habituellement nous commencerons Ă  parler de celles dont nous nous servons rarement et qui sont peu connues. REMARQUES. Nous entendons par machine ce qui sert Ă  transmettre l’action d’une puissance sur une rĂ©sistance Ăźi gĂ©nĂ©ral. Par son moyen on augmente et on rĂšgle les forces mouvantes. Les forces de l’homme Ă©tant bornĂ©es , il ne peut porter qu’un lĂ©ger fardeau ; mais son gĂ©nie a su les augmenter par le secours des machines. Plus rien alors ne lui a Ă©tĂ© difficile ; il a transportĂ© les fardeaux les plus lourds ; il les a Ă©levĂ©s Ă  de grandes hauteurs. C’est surtout pour l’architecture que l’art de les employer lui est devenu nĂ©cessaire. Sans cet art , comment auroit-il pu tiansporter d’énormes colonnes , les dresser , et Ă©lever au-dessus d’elles les diverses parties de l’entablement? On peut dire que l’architecture lui doit tout ce qu’elle a de grand , et une partie de sa magnificence. Ce n’est donc pas sans raison que ^itruve consacre un livre Ă  une science qui est si nĂ©cessaire Ă  l’art dont il traite. On distingue deux espĂšces de machines les machines simples que "Vitruve appelle les organes, et les machines composĂ©es. Les machines simples sont au nombre de six ; les autres peuvent se rĂ©duire Ă  celles-ci le levier , le treuil , la poulie , le plan inclinĂ© , le coin et la vis. Ces six machines peuvent mĂȘme se rĂ©duire Ă  deux , le levier et le plan inclinĂ© ; car le treuil et la poulie agissent comme le levier 5 et le coin et la vis agissent comme le plan inclinĂ©. Nous appelons machines composĂ©es , celles qui sont formĂ©es de plusieurs machines simples combinĂ©es ensemble. Pour les inventer 3 il faut connoĂźtre^ la puissance des forces motrices, leurnature, LIVRE X , C H a p. b 434 leurs lois , et leurs effets ; on les combine avec les loix du mouvement , et de l’cquilibve. Alors avec le secours des mathĂ©matiques , on parvient Ă  diriger les forces mouvantes et Ă  former les machines les plus ingĂ©nieuses. Nous avons conservĂ© Ă  celte science le nom qu’elle avoit chez les anciens. Nous l’appelons comme eux la science des mĂ©caniques. Ils l’avoient portĂ©e Ă  une grande perfection dĂšs les lems les plus reculĂ©s , si nous en jugeons d’aprĂšs les masses Ă©normes qui composent les anciens temples de l’Egypte , de la GrĂšce et de la Sicile. Il est certain que leur maniĂšre d’opĂ©rer Ă©loit beaucoup plus simple que la nĂŽtre. Toute l’Europe a retenti des prĂ©paratifs que Fontana fĂźt pour dresser, sur la place de au Vatican , l’obĂ©lisque de granit Ă©gyptien que Sixte V y fit Ă©leverĂ© II existoil en Egypte beaucoup de colonnes d’obĂ©lisques plus considĂ©rables , qui Ă©toient monolithes comme celui-ci ; les Egyptiens les transportoient dans leurs villes, quoiqu’ils tirassent ces pierres dures des carriĂšres qui en Ă©toient trĂšs-Ă©loignĂ©es. Celui dont nous venons de parler avoit Ă©tĂ© Ă©levĂ©, dans HĂ©liopolis par Noncoreo,, roi d’Egypte 1,} il fut transportĂ© Ă  Rome pendant la troisiĂšme annĂ©e du rĂšgne de Caliguia , qui le fit placer dans son cirque , situĂ© au pied du mont Vatican , prĂšs de l’endroit oĂč est prĂ©sentement la basilique de Quand Sixte A le fil transporter oĂč il se trouve aujourd’hui , il Ă©toit dans l’endroit oĂč est Ă  prĂ©sent la nouvelle sacristie de celle basilique , tellement qu^on n’eut qu’un trajet de quelques pas Ă  lui faire faire tandis que pour le faire venir de l’Egypte Ă  Rome , on dut d’abord le transporter d’IiĂ©liopolis Ă  Alexandrie , oĂč on l’embarqua pour Ostie sur un vaisseau plus considĂ©rable qu’aucun qu’on eĂ»t fait jusqu’alors. D’Oslie on le conduisit Ă  Rome. Il est vrai que ce transport se fit presqu’enliĂšrement par eau , comme Pline nous l’apprend puis qu’en Egypte on l’embarqua sur le Nil , et Ă  Ostie sur le Tybre ; en quoi on connut , dit Pline , que les eaux du Tybre Ă©toient aussi profondes que celles du Nil , et qrCon pouvoit y embarquer d’aussi pesants fardeaux. Pline nous apprend encore , en parlant de ces obĂ©lisques et des moyens que les Egyptiens emploient pour les Ă©lever , que Ramesses , qui rĂ©gnoit en Egypte Ă  l’époque dĂ© la prise de Troie , voulant Ă©lever un obĂ©lisque dans la ville oĂč Ă©toit autrefois le palais de MĂ©mo onium , il y employa vingt mille hommes. Lorsqu’il fut question de Je dresser , ce roi craignant que les machines qu’on avoit prĂ©parĂ©es pour cela , rie fussent pas assez fortes , malgrĂ© tout ce qu’on lui assuroit, et pour que les architectes et les ouvriers y missent plus d’attention , fit attacher un de ses fils au bout de l’obĂ©lisque , afin que la crainte de nuire Ă  ce jeune prince , obligeĂąt de prendre toutes les prĂ©cautions possibles pour Ă©viter que l’obĂ©lisque ne tombĂąt ; ce qui rĂ©ussit parfaitement. Cet obĂ©lisque , dit-il , fut trouvĂ© si admirable , que Cambise g aprĂšs la prise de cette ville, qu’il fit mettre Ă  feu et Ă  sang , voyant les flammes parvenues au pied de l’obĂ©lisque , ordonna de l’éteindre ; ayant, ajoute Pline , plus d’égards et de respect pour ce grand obĂ©lisque que pour le reste de la ville. Il avoit , dit-il , quatre-vingt dix- neuf pieds de long , et quatre coudĂ©es de chaque cĂŽtĂ©. Liv. XX X\ I , Chap, 8 et 9. On voit combien les anciens connoissoient cette science avec laquelle ils Ă©toient parvenus Ă  faire de si grandes choses. Il est trĂšs-curieux de retrouver dans "Vitruve un traite, qui nous lait voir comment la pratiquoient les Romains qui la tenoient des Grecs ? et ceux-ci des Egyptiens. - s**' / 1 Pline, livre XXXVI, chapitre 2. 55 . L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E, CHAPITRE IL Des machines pour tirer . * Nous parlerons d’abord des machines qui sont nĂ©cessaires pour la construction des temples et des autres ouvrages publics. Voici comme on les fait. On prend trois piĂšces de bois AAA proportionnĂ©es Ă  la pesanteur du fardeau qu’on veut Ă©lever ; on les joint ensemble par le haut avec une cheville B, ensuite on les dresse , et on les Ă©carte par en bas , aprĂšs avoir liĂ© en haut des cordes qu’on attache tout autour , pour tenir la machine droite et l’affermir. On attache en haut un moufle C, appelĂ© par d’autres rechamus. On met dans le moufle deux poulies qui tournent sur leurs axes , on fait passer sur la poulie supĂ©rieure le cable qui doit tirer DD; on le passe ensuite sur une autre poulie, qui se trouve dans un moufle qui est par dessous E ; alors on le fait revenir passer sur la poulie qui est au bas du moufle supĂ©rieur ; et on fait encore descendre le cable pour en attacher le bout dans le trou F qui est dans le moufle infĂ©rieur; l’autre bout du cable s’attache en bas de la machine. Sur les piĂšces de bois Ă©quarries , dans l’endroit oĂč elles se retirent en arriĂšre en s’écartant, on attache les amarres GG i qui reçoivent les deux bouts de l’axe du moulinet H , de maniĂšre qu’ils y puissent tourner aisĂ©ment. Le moulinet, vers chacun de ses bouts , a deux trous II disposĂ©s de façon qu’on y puisse poser des leviers KK. Finalement on attache sous le moufle d’en bas des tenailles de fer L, dont les crochets s’adaptent dans les trous qu'on a faits pour cela dans les pierres. Comme le bout du cable est attachĂ© au moulinet , il s'entortille tout autour , et se tend Ă  mesure qu’on tourne le moulinet avec les leviers , ce qui fait Ă©lever les fardeaux Ă  la hauteur oĂč on doit les placer. * Planche XXVL me comme on le verra dans le Chap. 5 , Ă  un morceau i J’ai rendu le mot chelonia , par le mot françois de bois , clouĂ© sur un montant , oĂč il forme un bos- amarres , ce que Perrault avoit fait avant moi. Les architectes et les charpentiers appellent ainsi les deux morceaux de bois , percĂ©s au milieu , oĂč l’on fait passer tes deux bouts du moulinet Oi/donne le mĂȘme nom, sage ou crochet pour arrĂȘter une corde liĂ©e autour du montant. On appelle aussi amarre, en terme de marine, les cables avec lesquels on attache un vaisseau ; mais on sent qu il n’est pas ici question de cette sorte d’amarre. 1 LIVRE X, C h a p. n. REMARQUES. 4 36 Le mot trochlea qu’emploie ici Fauteur, signifie ce que nos ouvriers appellent un moufle. On a donnĂ© ce nom en latin Ă  toute la machine , quoique ce soit seulement celui d’une de ses parties, Car trochlea en latin et rpo%aXicc en grec signifie proprement une poulie, appelĂ©e orbiczilus dans le texte de Vitruve. Le nom Sorbiculus et celui de trochlea qui signifie une roue , convient bien mieux Ă  une poulie qu’au moufle. D’autres, comme nous le voyons, nommoient celte machine en latin rechamus , mot qui ne se trouve que dans Yitruve. Ces moufles sont des morceaux de bois dans lesquels il y a des mortaises oĂč les poulies sont enchĂąssĂ©es. On lire le plus grand parti de cette machine pour Ă©lever toutes sortes de fardeaux. L’un des moufles Ă©tant attachĂ© au haut de l’engin et l’autre au fardeau, la corde qui le doit lever produit son effet en faisant approcher le moufle mobile de celui qui reste fixe au haut de la machine ; il facilite par lĂ  l’élĂ©vation du fardeau , par la raison que le cable, faisant deux replis sur les poulies des moufles, il arrive que le cable qui descend au moulinet, fait le double du chemin que fait le moufle infĂ©rieur en s’approchant de l’autre; et par consĂ©quent, il n’a besoin que de la moitiĂ© de la puissance qui seroit nĂ©cessaire si elle ne passoit que sur une poulie, et si la descente du cable vers le moulinet Ă©loit Ă©gale Ă  la montĂ©e du* fardeau. Nous avons vu qu’on employoit deux espĂšces de cordes pour confectionner cette machine que nous nommons aujourd’hui une chĂšvre ou engin. Les unes qui servent pour l’affermir, s’appellent en latin retinacula ; elles sont attachĂ©es par une de leurs exirĂ©mitĂ©s au haut de la machine, et par * l’autre Ă  de forts pieux qui sont chassĂ©s obliquement dans la terre , autour de la machine qu’elles soutiennent comme les haubans soutiennent le mĂąt d’un navire. Elles sont marquĂ©es MM, Fig. I. r , Planche XXVI. L’autre espĂšce de corde est le cable qui passe daus les moufles et qui sert Ă  Ă©lever le fardeau ; on le nomme en latin ductarii funes , que j’ai traduit par cable qui doit tirer. Il est indiquĂ© dans la mĂȘme figure, par les lettres DD. Pour prendre les pierres et les attacher au moufle qui devoit l’élever, les anciens se servoient d’une espĂšce de tenailles qu’ils nommoient forcipes. C’est ainsi que Philander, Perrault et Galiani ont lu , au lieu de forfices , qu’on trouve dans quelques manuscrits , qui signifie des ciseaux et qui ne voudrait rien dire ici. Ces tenailles Ă©toient composĂ©es de deux piĂšces de fer, jointes par un clou au milieu comme des ciseaux ou des tenailles. Ces piĂšces Ă©toient recourbĂ©es par en bas pour serrer la pierre , et elles avoient chacune un anneau par en haut comme des ciseaux, afin qu’une corde Ă©tant passĂ©e dans ces anneaux fĂźt approcher en tirant les deux branches d’en haut et serrer par consĂ©quent les deux branches d’en bas, qui, plus on tiroit, lenoient fortement la pierre dans les deux trous oĂč elle avoit les deux extrĂ©mitĂ©s de ses pinces. Voyez la Planche XXVII, fig. 2 , lettre L. On ne se sert plus prĂ©sentement de cette pince qui, pouvant se plier, laisse alors tomber la pierre; on emploie gĂ©nĂ©ralement l’instrument que nous nommons une louve , qui n’a pas le mĂȘme inconvĂ©nient. On le met dans un seul trou qu’on doit creuser de maniĂšre qu’il soit plus large dans le fond qu’à 1 entrĂ©e, Planche XXVI, lettre L, 1 437 L ’ A 11 C II I T E C T U R E DE V I T R U V E. On met clans ce trou les deux coins, 22 , dont la partie la plus large se trouve en bas. Au milieu de ces coins il y en a un troisiĂšme, 3, qui n’est pas plus large en haut qu’en bas, qui sert pour Ă©carter les deux autres et les serrer contre les cĂŽtĂ©s du trou. Les trois coins sont percĂ©s par en haut et enfijĂ©s avec une anse , I, par la cheville 44. Ces trois coins ainsi joints ensemble forment une queue d’hirondelle qu’il est impossible de faire sortir de la pierre sans ĂŽter les coins qui les serrent. Trois poutres composent l’assemblage de cette machine que nous nommons aujourd’hui une chĂšvre. Ce nombre est nĂ©cessaire pour qu’elle puisse se tenir dressĂ©e et s’appuyer sur elle-mĂȘme, en formant le trĂ©pied.. Les autres machines pour tirer que Yitruve dĂ©crit dans les chapitres suivans , sont de mĂȘme composĂ©es de trois poutres, Ă  l’exception d’une seule, dont il parle dans le Chap. 5, qui consiste en une piĂšce de bois retenue par des cordes. L’assemblage des autres est donc le mĂȘme que celui qu’il a dĂ©crit dans ce deuxiĂšme chapitre. Il observe au commencement de celui qui suit que les diffĂ©rentes dĂ©nominations qu’il donne Ă  cette machine , dĂ©rivent uniquement du nombre de poulies qu’on y a adaptĂ©es. Ainsi, la chĂšvre qu’il vient de dĂ©crire dans ce deuxiĂšme chapitre, ayant trois poulies, s’appelle tris- pctslo. Yoyez fĂźg. 3, Planche XXÏX. Une autre qui en a cinq s’appelle pentapasto. Y oyez fig. 4. U ne cite que ces deux lĂ  dont les noms dĂ©rivent du nombre de leurs poulies; mais il faut faire attention que ce sont les seules de celles dont il parle qui n’ont qu’un rang de poulies placĂ©es perpendiculairement les unes au-dessus des autres dans les moufles, et oĂč l’on n’emploie qu’un seul cable. On ne comptoit donc , Ă  ce qu’il paroĂźt d’aprĂšs cela , que les poulies d’un rang pour donner un nom qui Ă©loit dĂ©rivĂ© de leur nombre Ă  la machine. Les rangs de poulies qu’on meitoit Ă  cĂŽtĂ©, pour y employer un second ou un troisiĂšme cable, ne se comploient pas. Nous voyons en effet que, dans le quatriĂšme chapitre de ce livre, il parle, mais sans la nommer, d’une autre machine oĂč l’on a mis un second rang de poulies Ă  cĂŽtĂ© des premiĂšres 3 afin de pouvoir y employer deux cables pour tirer, ce qui n’est dans le fond autre chose que le trispasto dont on a doublĂ© les poulies pour y employer deux cables 3 machine qu’il auroit dĂ» nommer excispcisto > s’il lui avoit donnĂ© un nom d’aprĂšs le nombre de poulies qui s’y trouvoient. Dans le cinquiĂšme chapitre, il parle encore d’une autre machine oĂč on a ajoutĂ© un troisiĂšme rang de poulies pour y employer trois cables , ce qui n’est aussi que le trispasto dont on a triplĂ© les poulies. Comme il ne donne Ă  celte deVniĂšre machine que le nom gĂ©nĂ©rique de polispasto, c’est-Ă -dire, composĂ© de plusieurs poulies, il paroĂźt qu’on 11 e comptoit que les poulies placéçs perpendiculairement et qui jouoient avec le mĂȘme cable pour en faire dĂ©river le nom donnĂ© Ă  la machine , et qu’on ne comptoit pas celles qui Ă©toient dans les rangs placĂ©es Ă  cĂŽtĂ©. Il remarque , dans le mĂȘme chapitre , que plus ce fardeau sera pesant, plus on devra augmenter le nombre de cables, pour le tirer, et par consĂ©quent les rangĂ©es de poulies. J LIVRE X, C h a p. in. CHAPITRE III. D’une autre machine pour tirer . C^ommb il y a trois poulies qui agissent dans la machine dont je viens de parler , on la nomme trispastos i ; quand il y en a deux dans la partie infĂ©rieure et trois dans la supĂ©rieure, on l’appelle pentaspastos 2. Si l’on avoit besoin d’une machine pour lever de plus grands fardeaux , il faut employer des piĂšces de bois plus longues et plus Ă©paisses , et augmenter dans la mĂȘme proportion la force des chevilles et des autres liens qui sont en haut, et celle des moulinets qui sont en bas. * Quand on aura prĂ©parĂ© ces objets , on commencera par placer , mais sans les tendre, les cables DD qui doivent tirer; on attachera ensuite au haut de la machine les cordes MM qui doivent la retenir , et on les laissera lĂąches sans les tendre. Si l’on ne trouve aucun objet oĂč on puisse les lier , on fichera tout autour dans la terre des pieux en les inclinant, et on les enfoncera bien avant avec des maillets, afin de pouvoir y lier les cordes. AprĂšs cela , il faut attacher avec un cable la partie supĂ©rieure du moufle C au haut de toute la machine, et conduire ce mĂȘme cable vers un des pieux O fichĂ© en terre oĂč on le fait passer sur une poulie liĂ©e Ăą ce pieu. On le fait ensuite retourner sur une des poulies du moufle supĂ©rieur , et descendre sur le moulinet qui est au bas de la machine , et on l’y attache. Lorsqu’on tournera le moulinet avec les leviers , la machine se dressera elle-mĂȘme sans danger ; et quand on aura liĂ© les cordes qui doivent la retenir aux pieux qui sont disposĂ©s tout autour, elle sera bien affermie ; on pourra donc se servir du moufle et du cable comme 011 l’a dit ci-dessus. REMARQUES Le passage de ce troisiĂšme chapitre , oĂč Vitruve commence Ă  faire la description d’une machine assez forte pour pouvoir Ă©lever des fardeaux plus pesans, n’est pas de mĂȘme dans tous les manuscrits. On lit dans presque tous His explicatis cmtarii funes ante laxi collocentur 3 etc. * Planche XXVI.ℱ CO C’est-Ă -dire, tirant par trois. 2 C’est-Ă -dire, tirant par cinq. 43g L’ARCHITECTURE DE YITRUVE. Philander remarque que dans d’autres, au Heu antarii on trouve antaai; mais on sup- pose, sans cependant vouloir l’assurer, qu’on devroit plutĂŽt lire ductarii. Gali»ni a suivi cette derniĂšre opinion qu’il trouve la plus raisonnable de toutes; je l’ai Ă©galement adoptĂ©e. Nous voyons, en effet, que Vitruve parle d’une machine semblable, ou, pour mieux dire, absolument la mĂȘme que celle qu’il a dĂ©crite dans le chapitre prĂ©cĂ©dent, si ce n’est que les piĂšces de bois qui la composent sont plus grandes et plus fortes. Comme elle est plus pesante que la premiĂšre, il explique la maniĂšre de pouvoir l’élever, et c’est de cette opĂ©ration qu’il s’agit. Nous avons remarquĂ© cpte dans toutes les machines pour tirer , et particuliĂšrement dans celle qu’il dĂ©crit dans le chapitre prĂ©cĂ©dent, On employoit deux espĂšces de cordes, dont les unes Ă©toient des cables, qu’il appelle ductarii , lesquels serveienl pour tirer les fardeaux ; et les autres qu’il nomme retinacula qui servoient pour affermir la machine. On voit qu’il veut qu’on commence par attacher celles-ci Ă  la machine , tandis qu’elle est encore Ă©tendue par terre , sans doute pour qu’on le fasse plus commodĂ©ment ; et, pour la mĂȘme raison, il veut Ă©galement qu’on prĂ©pare les moufles et les cables destinĂ©s Ă  tirer, et ensuite qu’on attache le moufle avec un autre cable au haut de la machine , et que ce dernier cable serve aussi pour Ă©lever toute cette machine , comme l’indiquent ces mots et ex eo funes perducantur ad palum , etc. , ce que la lig. I. re de la Planche XXVI fait voir. D’aprĂšs cela , on voit que les deux premiĂšres cordes dont il parle , doivent ĂȘtre les mĂȘmes que celles employĂ©es dans la premiĂšre machine ; tellement qu’on doit lire , comme nous l’avons fait , ductarii . Baldus veut au contraire qu’on lise antarii , et il entend par lĂ  celte corde qu’on attache Ă  la pierre , qui sert Ă  la conduire et Ă  la tirer vers l’endroit oĂč on la veut poser. Mais il n’y a aucune apparence que ce soit lĂ  l’intention de l’auteur , puisqu’il aurait dĂ» faire connoĂźlre au moins l’usage de cette corde qu’il n’auroit fait que nommer , et qui , dans le fond, ne feroit pas partie de la machine. Je croĂźs donc, dĂ»iprĂšs ce que j’ai observĂ© , qu’il faut lire ductarii , comme Galiani a lu , le texte ayant de cette maniĂšre un sens trĂšs-raisonnable et trĂšs-apparent. CHAPITRE I Y. D une autre machine pour tirer. Si l'on doit employer dans un ouvrage des fardeaux d’une grandeur excessive et d’un poids Ă©norme , pi on ne se fie pas Ă  un moulinet ce moyen ne suffit pas ; il faut de plus faire passer un essieu dans les amarres oĂč tournent ses deux extrĂ©mitĂ©s; cet essieu aura dans le milieu un grand tympan P, que quelques-uns parmi nous appellent LIVRE X, C h a p. iv. 44 ° appellent une roue, et les Grecs amphireusin i, ou peritrockon 2 . Les moufles de cette machine se font encore autrement que pour les autres car le moufle supĂ©rieur , de mĂȘme que f infĂ©rieur , doivent avoir deux rangs de poulies 3 , et il faut passer le cable dans le trou du moufle infĂ©rieur , de maniĂšre que ces deux bouts soient Ă©gaux , quand il sera Ă©tendu ; et son milieu qui se trouve dans le trou du moufle infĂ©rieur , il faut l'attacher si bien avec une petite corde , qu’il ne puisse glisser ni d’un cĂŽtĂ© ni d’autre. Cela fait de la sorte , il faut passer les deux bouts du cable en dehors dans le moufle supĂ©rieur et sur les poulies basses pour redescendre et repasser en dedans sous les poulies du moufle infĂ©rieur , et ensuite retourner Ă  droite et Ă  gauche pour passer sur les poulies qui sont au haut du moufle supĂ©rieur , oĂč, Ă©tant passĂ©s par en haut , ils descendent des deux cĂŽtĂ©s du tympan , oĂč on les attache fortement Ă  l’essieu. Il faut entortiller autour du tympan un autre cable qu’on rattache Ă  un vindas R. Celui-ci en tournant fait aussi tourner le tympan , et tire Ă©galement les cables qui sont attachĂ©s Ă  son essieu , de maniĂšre qu’il lĂšve insensiblement les fardeaux sans occasionner de danger. Si l’on veut faire le tympan beaucoup plus grand , de façon que des hommes, en marchant dans le milieu ou sur un des cĂŽtĂ©s , puissent le faire tourner sans employer un vindas , la machine agira plus promptement. REMARQUES. Le vindas , dont il est parlĂ© dans ce chapitre , est une espĂšce de moulinet ou treuil, mais qui est posĂ© verticalement ; il est bon de remarquer que ce vindas et les autres moyens ingĂ©nieux que Yilruve attribue particuliĂšrement Ă  quelqu’une de ses machines , peuvent s’adapter indistinctement Ă  toutes les autres. Quand la force d’un homme ne suffit pas pour tirer une corde, on facilite l’opĂ©ration, comme on le sait, au moyen d’une poulie; on la facilite encore davantage en employant le vindas par lequel les forces rĂ©unies de plusieurs hommes agissent Ă©galement et sans gĂȘne. On la facilite enfin en doublant ou en triplant les cordes. Les anciens faisoient aussi tourner le tympan d’une machine , en faisant marcher des hommes dedans. Ln bas-relief antique, qui est encastrĂ© dans un mur , sur Je marchĂ© de Capoue , reprĂ©sente une de ces machines avec des hommes dans la roue ou le tympan 4. x C’est-Ă -dire qui roule Ă  l’entour. tiplier de meme les poulies. Ainsi il faudra doubler ou 2 C’est-Ă -dire qui tourne Ă  l’entour.. tripler les rangs de poulies , comme on le dit ici , et 3 Quand on juge qu’une seule corde ne peut sup- comme onle verra dans la description de la polys pastos. porter le fardeau , il faut en ajouter d’autres , et mul- O Mazocdu dis. Amplnth . Campania. 56 44* L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. CHAPITRE Y. D’une autre espĂšce de machine. * Il existe une autre machine assez ingĂ©nieuse qui agit fort vite; mais il faut beaucoup d’adresse pour s’en servir. Elle consiste dans une longue piĂšce de bois À, qu’on dresse et qu’on maintient dans cet Ă©tat , en la retenant des quatre cĂŽtĂ©s avec des cordes MM. Au haut de cette piĂšce de bois , sous l'endroit oĂč ces cordes sont attachĂ©es , on cloue deux amarres G sur lesquelles on attache le moufle avec des cordes. On appuyĂ© le moufle par une rĂšgle T longue environ de deux pieds, large de six doigts et Ă©paisse de quatre. Les moufles ont dans leur largeur chacun trois rangs de poulies , tellement que trois cables DDD attachĂ©s au haut de la machine , viennent passer du dedans au dehors sous les trois poulies qui sont au haut du moufle infĂ©rieur , et retournant au moufle supĂ©rieur passent de dehors en dedans sur les poulies qu’elle a en bas de lĂ  descendant au moufle , ces cables passent encore de dedans en dehors sous les poulies qui sont au second rang , et retournent au moufle supĂ©rieur , pour passer sur les poulies qui sont au second rang , et ensuite retourner au moufle infĂ©rieur , et enfin encore au supĂ©rieur , oĂč ayant passĂ© sur les poulies qui sont en haut, ils descendent au bas de la machine. Au pied de la machine , on place un troisiĂšme moufle que les Grecs appellent Ă©pagon i et nous artemon 2 ; ce troisiĂšme qu’on attache au pied de la machine , contient trois poulies , sur lesquelles passent les trois cables qui sont tirĂ©s par des hommes. Ainsi trois rangs d’hommes peuvent tirer et Ă©lever promptement les fardeaux sans employer le vindas. On appelle cette machine potys pastos 3 , Ă  cause que la multitude des poulies fait qu elle tire avec beaucoup de facilitĂ© et de promptitude. Elle offre encore un grand avantage Ă©tant composĂ©e d’une seule piĂšce de bois dressĂ©e sur elle - mĂȘme , qu’on peut incliner en avant ou de cĂŽtĂ© , Ă  droite ou Ă  gauche vers l’endroit oĂč l’on veut placer le fardeau. * Planche XXVII , fig. i. 1 C’est-Ă -dire , qui tire Ă  soi. 2 C’est-Ă -dire , qui est ajoutĂ©. 3 C’est-Ă -dire , qui tire par plusieurs poulies, LIVRE X, Ch ap. v . 44a % Toutes les machines qu’on vient de dĂ©crire , servent non seulement pour les objets que nous avons indiquĂ©s , mais encore pour charger ou dĂ©charger les navires ; pour les employer , il faut dresser les unes et coucher les autres sur des cylindres pour les tourner vers l’endroit oĂč l’on en a besoin. On peut aussi sans Ă©lever cette piĂšce de bois dont nous avons parlĂ© , tirer les navires hors de l’eau, en employant, d’aprĂšs les rĂšgles que nous avons Ă©tablies , les cables passĂ©s dans les moufles. REMARQUES .. La machine que Fauteur vient de dĂ©crire est extrĂȘmement simple, puisqu'elle consiste en une seule piĂšce de bois qu’on dresse et qu’on maintient dans cet Ă©tat avec quatre cordes , comme on maintient le mĂąt d’un navire avec les aubans. Toute la force de cette machine consiste en ce qu’on a multipliĂ© les poulies et les cordes. Elle offroit encore un avantage on pouvoit incliner sa cime au-dessus de l’endroit oĂč l’on vouloit placer le fardeau , ce que Vitruve fait remarquer. Perrault a cru qu’il entendoit par-lĂ  qu’aprĂšs avoir Ă©levĂ© la pierre Ă  la hauteur nĂ©cessaire, on pouvoit alors, en inclinant toute la machine, placer cette pierre Ă  droite ou Ă  gauche comme on le vouloit. Il est Ă©tonnant qu’un homme aussi versĂ© qu’il l’étoit dans l’art des mĂ©caniques , n’ait pas senti combien il Ă©toit difficile ou , pour mieux dire impossible de faire agir Ă  volontĂ© celte longue piĂšce de bois, quand elle seroit chargĂ©e , et porleroit en Pair ce pesant fardeau si on avoit dĂ©tendu un des aubans qui la retenoient, aucune force n’auroit Ă©tĂ© v capable de la diriger. Il falloir donc incliner la cime de la machine au-dessus de l’endroit oĂč on devoit placer la pierre, avant de commencer Ă  l’élever. C’est ce que Vitruve a entendu, comme le fait voir le texte latin, qui dit quod ante quantum velit , etc. Le mot ante , mis lĂ  tout exprĂšs, exprime clairement la chose. Je ne crois donc pas qu’on pouvoit baisser cette machine, chargĂ©e de la pierre , pour placer celle-ci dans l’endroit qui lui Ă©toit destinĂ© il Ă©toit bien plus simple et plus aisĂ© de la tirer avec une autre corde, tandis qu’elle Ă©loil suspendue , pour la conduire oĂč on vouloit la placer. On sent qu’il Ă©toit bien plus facile de faire celle opĂ©ration avec cette machine, composĂ©e d’une seule poutre, qu’avec celles qui l’éloient de trois. Celte machine, comme nous l’avons vu, s’appeloit polyspastos, c’est-Ă -dire, qui tire par plusieurs poulies. Plutarque nomme de mĂȘme la machine avec laquelle il dit qu’ArchimĂšde traĂźna lui seul sans peine hors de l’eau un grand navire chargĂ© de tout ce qu’il pouvoit porter sur la mer 1. Il paroĂźt qu’il y a de l’exagĂ©ration dans le rĂ©cit de Plutarque; on sait tout ce que la polyspasle peut faire, ce qui est bien Ă©loignĂ© des effets que Plutarque lui attribue. Nous avons prĂ©sentement des machines beaucoup plus commodes pour Ă©lever des fardeaux Ă  une grande hauteur et les placer oĂč nous voulons. Perrault en dĂ©crit quelques-unes dans ses notes sur ce chapitre. i Plutarque , vie de Marccllus. 56 . 443 L'ARCHITECTURE DE VITRUVE. CHAPITRE VI. Moyen quemploya ClĂ©siphon pour transporter des fardeaux trĂšs - pesants. * Il convient aussi de rapporter l’invention ingĂ©nieuse qu’employa ClĂ©siphon pour transporter les colonnes qui dĂ©voient servir au temple de Diane. Il falloit amener les fuis de ces colonnes depuis les carriĂšres oĂč on les prenoit jusqu’à EphĂšse. Les charrettes ne lui paroissoient pas un moyen assez sĂ»r, Ă  cause que les chemins traversant un terrain peu solide , il craignoit que la pesanteur du fardeau ne lit enfoncer les roues. Voici comme il fit. Il assembla quatre piĂšces de bois de quatre pouces en carrĂ© , dont deux Ă©toient jointes en travers AA avec les deux autres qui Ă©toient plus longues BB et Ă©gales Ă  la grandeur du fĂ»t des colonnes. 11 enfonça aux deux extrĂ©mitĂ©s de chaque colonne des boulons de fer C , faits en queue d’hirondelle i , et les y scella avec du plomb , ayant mis dans les piĂšces de bois traversantes des anneaux de fer dans lesquels les boulons entroient , et il affermit le devant de la machine en l’attachant aux traverses avec d’autres piĂšces de bois de chĂȘne DD. 2 Les boulons tournoient si librement dans les anneaux de fer , que les fĂ»ts des colonnes ne cessĂšrent de rouler tout le temps que les bƓufs les tiroient. Il lit amener ainsi tous les fĂ»ts des colonnes , sur le modĂšle de cette machine. MĂ©tagĂšnes , fds de CtĂ©siphon en lit une autre pour amener les architraves et les autres parties de l’entablement. Elle Ă©toit composĂ©e de roues de douze pieds environ dans le milieu desquelles il enferma les deux bouts des architraves , auxquelles il ajouta des boulons et des anneaux de fer. les boulons placĂ©s dans les anneaux de * Planche XXVIII."** 1 On comprend que ces boulons n’étoient en queue d’hirondelle que par le bout qui entroit dans la pierre , oĂč il Ă©toit scellĂ© avec du plomb pour l’y faire tenir. L’autre bout qui sortoit hors de la colonne devoit ĂȘtre rond afin de pouvoir tourner dans l’anneau. 2 Perrault a cru que les mots haciilis iligneis signi- fsuient deux limons placĂ©s devant la machine pour y Lorsque les bƓufs tiroient la machine, fer faisoient tourner les roues tellement attacher les bƓufs. Si l’intention de l’auteur avoit Ă©tĂ© telle , il auroit dit baculos iligneos cupitibus religavit au lieu de cela il dit, baculis iligneis capita religavit, Il paroit que par ces mots Vitruve entend qu’on fasse tenir plu* fortement le devant de la machine aux traverses, en les attachant encore avec de petites piĂšces de bois de chene, placĂ©es diagonalement dans les angles, comme on les voit reprĂ©sentĂ©s D D fig. 2 , planche XXVIII. LIVRE X, C h a p. vl s 444 que les architraves enfermĂ©es dans ces roues comme des essieux , furent amenĂ©es sur les lieux avec les fĂ»ts des colonnes. Nous avons un exemple de ces machines, dans les cylindres qu’on employĂ© pour applanir les promenoirs des palestres, i On n’auroit pu employer celte machine , si les carriĂšres avoient Ă©tĂ© plus Ă©loignĂ©es du temple ; mais leur distance n’est que de huit cents pas. La disposition du lieu Ă©toit d’ailleurs trĂšs - favorable , puisqu’elle prĂ©sente une campagne sans aucun enfoncement , mais toujours Ă©gale. On se rappelle de nos jours que la base de la statue colossale d’Apollon se rompit de vĂ©tustĂ© dans son temple ; de crainte que la statue ne vĂźnt Ă  tomber et se briser par sa chute , on fit marchĂ© pour faire une nouvelle base taillĂ©e dans la carriĂšre d’oĂč on avoit tirĂ© l’ancienne. Un certain Paconius l’entreprit. Sa longueur devoit ĂȘtre de douze pieds , sa largeur de huit et sa hauteur de six. Par ambition , il ne voulut pas employer les moyens de MĂ©tagĂšnes , mais il essaya de faire une antre machine dans le genre de la sienne. Il la composa de deux roues qui avoient quinze pieds environ ; il enchĂąssa les deux extrĂ©mitĂ©s des pierres dans ces roues , et fit passer des fuseaux de bois , de la grosseur de deux pouces, d’une roue Ă  l’autre , il les disposa circulairement, de maniĂšre qu’ils enfermoient la pierre, laissant entre chacun la distance d’un pied. Autour de tous ces fuseaux , il entortilla un cable qu’il fit tirer par des bƓufs , qui en dĂ©vidant le cable , faisoient tourner les roues; mais il ne fut pas possible de faire avancer cette machine par un chemin droit ; car elle se dĂ©tournoit continuellement Ă  droite ou Ă  gauche , tellement qu’il falioit toujours la retourner. Il arriva de lĂ  que Paconius dĂ©pensa tant d’argent pour faire tourner et retourner sa machine , qu’il ne put achever son entreprise. REMARQUES. » Perrault observe trĂšs-judicieusement que si, au lieu d’une corde entortillĂ©e dans le milieu de sa machine^ Paconius en eĂ»t entortillĂ© deux, c’est-Ă -dire, une de chaque cĂŽtĂ©, la machine au- roil avancĂ© trĂšs-droit. La machine de Paconius avoit un avantage sur celle de MĂ©tagĂšnes les ĂŻ En employant ici le mot palestre, il prend le machine que CtĂ©siphon inventa pour traĂźner les fĂ»ts tout pour la partie, c’est-Ă -dire, pour le xiste qui fai- des colonnes , qu’à celle de MĂ©tagĂšnes pour transpor- soit partie de la palestre, et qui Ă©toit l’endroit oĂč les ter les piĂšces de l’entablement. Ceci feroit soupçon- athlĂštes s’exerçoient Ă  la lutte , et qui pour cela n’étoit ner qu’on a transportĂ© toute la pĂ©riode depuis le mot pas pavĂ©, mais couvert de sable, qu’on avoit soin Exemplar jusqu’à ceux perpetuus campus, qui dĂ©voient se d’applanir et d’égaliser avec ces cylindres. Voyez Liv. trouver Ă  la fin du dernier alinĂ©a , avant ces mots , V. Chap. II. L’exemple de ces cylindres, qui ser- " cum autem scapos etc. voient Ă  unir les promenoirs , convient mieux Ă  la 445 L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. roues Ă©tant plus grandes et les cables tirant vers le haut sur la superficie de la machine, et non sur base, il falloit bien moins de force pour la faire agir que pour celle de MĂ©tagĂšnes. Mais elle avoit en revanche un grand inconvĂ©nient quand les cables Ă©loient dĂ©vidĂ©s , il falloit s’arrĂȘter chaque fois pour les entortiller de nouveau autour de la machine , ce cjui prenoit beaucoup de temps , et fut probablement cause qu’on s’en dĂ©goĂ»ta. CHAPITRE VIL Comment on dĂ©couvrit les CarriĂšres d’EphĂšse. j e ferai connoĂźtre par une petite digression comment furent dĂ©couvertes les carriĂšres d’ÉphĂšse. Un berger , nommĂ© Pixodore , conduisoit souvent son troupeau dans les environs ; dans le temps que les EphĂ©siens se proposoient de faire venir de Paros , de ProconĂšse, d’HĂ©raclĂ©e , ou de Thasis , les marbres nĂ©cessaires pour construire le temple de Diane , il arriva que le berger faisant paĂźtre son troupeau en cet endroit , deux bĂ©liers courant pour s’entre-choquer , passĂšrent l’un Ă  cĂŽtĂ© de l’autre sans se toucher ; et l’un d’eux alla donner de ses cornes contre un rocher dont il rompit un Ă©clat; le berger le trouva d’une blancheur si vive, qu’à l’heure mĂȘme, laissant ses moutons sur la montagne, il courut le porter Ă  EphĂšse , oĂč l’on Ă©toit trĂšs-embarrassĂ© pour trouver le moyen de transporter les marbres. On dĂ©cerna sur le champ de grands honneurs au berger. Son nom de Pixodore fut changĂ© en celui d’Evan- gelus i et Ă  prĂ©sent encore , le magistrat de la ville se rend tous les mois sur les lieux pour y faire un sacrifice , et il y est mĂȘme tenu sous peine de punition. CHAPITRE VIII. Des principes MĂ©caniques . J Ai su exposer en peu de mots tout ce que j ai cru nĂ©cessaire pour expliquer es machines qui sont faites pour tirer les deux moteurs ou puissances qui les font agir , diffĂ©rons l’un de l'autre, ne se ressemblent mĂȘme pas. Aussi produisent- ils les principes de deux actions ; l une est la force de la ligne droite appelĂ©e eutheia Çi G’est-Ă -dire , porteur de bonnes nouvelles. LIVRE X, Chap. vin. 446 par les Grecs ; l’autre la force de la ligne circulaire appelĂ©e cyclotes. Il n’en est cependant pas moins vrai que le mouvement qui va en ligne droite n’agit pas sans celui de la ligne circulaire , ni celui de la ligne circulaire sans celui de la ligne droite , quand on Ă©lĂšve des fardeaux en tournant des machines. Pour mieux faire comprendre la chose , je vais l’expliquer. Toutes les poulies , par exemple , ont des pivots qui les traversent dans le centre comme des axes. Une corde passe sur les poulies , va droit au moulinet , oĂč on l’attache quand on tourne celui-ci avec les leviers , il fait Ă©lever les fardeaux. Les deux bouts du moulinet qui s’étend d’une amarre Ă  l’autre, sont aussi comme des centres dans les trous des amarres , et les extrĂ©mitĂ©s des leviers dĂ©crivent un cercle, lorsque le moulinet tourne en Ă©levant les fardeaux. On peut de mĂȘme, au moyen d’une barre de fer, lever un fardeau que plusieurs hommes ne sauroient remuer. Pour servir de centre , on place sous la barre un appui, que les Grecs appellent Ypomochlion ; on fait entrer sous le fardeau un des bouts de la barre ; alors la force d’un seul homme qui pousse sur l’autre bout de la barre suffit pour faire lever le fardeau. Voici pourquoi. Cette partie antĂ©rieure de la barre qui entre sous le fardeau , jusqu’à l’appui qui sert de centre , est beaucoup plus courte que l’autre qui s’étend depuis ce centre jusqu’à l’autre extrĂ©mitĂ© ; tellement qu’en prenant cette extrĂ©mitĂ© et appuyant dessus , elle forme un mouvement circulaire, qui met la force de la main en Ă©quilibre avec le poids d’une masse aussi considĂ©rable. On peut de mĂȘme mettre le bout de la barre de fer sous le fardeau , et au lieu de pousser sur l’autre extrĂ©mitĂ© de la barre , la lever ; le bout antĂ©rieur appuyant sur le sol agira contre la terre comme il faisoit auparavant contre le fardeau , et la barre pressera l’angle du fardeau quelle lĂšve , comme elle pressoit Y Ypomochlion. Par ce moyen qui agit dans un sens opposĂ© Ă  l’autre , on lĂšve le poids, mais pas aussi aisĂ©ment. Si au contraire on enfonce fort avant sous le fardeau la barre soutenue sur Y Ypomochlion, de maniĂšre que l’autre extrĂ©mitĂ© se trouve trop rapprochĂ©e du centre, on ne pourra lever le fardeau , Ă  moins qu’on ne reprenne 1 Ă©quilibre , comme on a dit , en faisant que la plus grande partie de la barre se trouve du cĂŽtĂ© opposĂ© Ă  celui sur lequel pose le poids. On peut observer cela dans les balances , qu’on appelle statĂšres; i l’anse, qui est comme le centre du flĂ©au, est attachĂ©e prĂšs de l’extrĂ©mitĂ© oĂč on a suspendu le i C’est ce que nous nommons la balance romaine ou peson. 447 L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. bassin ; plus on fait avancer vers l’extrĂ©mitĂ© de l’autre partie du flĂ©au, sur les points qui y sont marques, le poids qui glisse tout le long, plus ce petit poids aura la force d’égaler une grande pesanteur , Ă  cause que le flĂ©au est en Ă©quilibre , et que le contre-poids est plus Ă©loignĂ© du centre. Tellement qu’un poids dont l’effet Ă©toit trĂšs-foible , lorsqu’il se trou voit trop prĂšs du centre , peut acquĂ©rir en un moment une grande force, et Ă©lever sans peine un trĂšs-lourd fardeau. i - » Cette mĂȘme force, qui agit loin du centre, fait que la main du pilote qui dirige avec la barre du gouvernail, que les Grecs nomment Oiax , peut tourner en un moment un Ă©norme navire chargĂ© de marchandises et de tous ses agrĂšs. Elle est encore cause que quand on n’élĂšve les voiles que jusqu’à la moitiĂ© du ‱ mĂąt, elles ne font pas aller le vaisseau aussi vite que quand on Ă©lĂšve les antennes jusqu’en haut ; parce que le vent agit avec moins de force sur les voiles qui reçoivent son soufle aussi prĂšs du pied du mĂąt, que l’on considĂšre comme le centre, que sur celles qui le reçoivent en haut Ă  une plus grande distance. De mĂȘme, quand on appuyĂ© sur le milieu d’un levier , on a beaucoup de peine Ă  remuer le fardeau qu’il doit lever , tandis qu’on le fait aisĂ©ment lorsqu’on le prend par l’extrĂ©mitĂ© du manche ainsi les voiles qui sont attachĂ©es au milieu du mĂąt, ont beaucoup moins de force, que quand elles le sont en haut ; comme elles se trouvent alors plus Ă©loignĂ©es du centre , quoique le vent ne soit pas plus fort, mais Ă©gal, l’impulsion qui se fait au sommet, accĂ©lĂšre la marche du navire. Nous voyons aussi que les rames attachĂ©es Ă  leur cheville avec des cordes, quand on les plonge et qu’on les ramĂšne Ă  force de bras, plus leurs extrĂ©mitĂ©s s’avancent loin du centre dans la mer, plus elles donnent une vĂ©hĂ©mente impulsion et un cours direct au navire en lui faisant fendre les flots. Six ou bien quatre portefaix i veulent-ils soulever de lourds fardeaux, ils mesurent d’abord les bĂątons dont ils doivent se servir, et font en sorte que le centre qui doit porter se trouve au milieu , afin de partager la charge Ă©galement sur les Ă©paules de chacun. Il y a pour 1 Le mot Phalangani signifie ceux qui portoient des fardeaux sur leur Ă©paules avec des bĂątons appelĂ©s phalanges. Le mot grec ÇaXa>y§ signifie proprement un rouleau de bois ; par mĂ©taphore c’étoit un bataillon rangĂ©, peut-ĂȘtre par ce qu’il avoit la figure d’un morcela des chevilles de fer au milieu de ceau de bois Ă©tant plus long que large , et aussi qu il en avoit la fermetĂ©. Il paroĂźt encore que c’est Ă  cause de leur ressemblance avec cette figure que Galien, et long temps avant lui Aristophane, au rapport de Fol- lux , appellent les os des doigts , phalanges. leurs L I Y 11 E X, C h a p. vin. 448 leurs bĂątons, qui empĂȘchent les courroies qui supportent le fardeau de glisser d'un cĂŽte ou d’autre. Or quand le fardeau s’éloigne du centre, il pĂšse sur celui des porteurs vers lequel il a glisse', comme quand on fait aller le contre-poids d'une balance vers son extrĂ©mitĂ©. Pour la mĂȘme raison , les bƓufs tirent Ă©galement, quand la courroie qui soutient le timon est liĂ©e au milieu de leur joug mais quand les bƓufs ne sont pas de force Ă©gale et que l’un fait trop travailler l’autre , on passe la courroie de maniĂšre qu’un des cĂŽtĂ©s du joug soit plus long que fautre , afin de soulager le bƓuf qui est le plus foible. Il en est des bĂątons Ă  porter comme des jougs, quand les courroies ne sont pas au milieu , et qu’une partie du bĂąton se trouve plus longue et une autre plus courte , savoir celle vers laquelle la courroie a coulĂ© ; si l’on fait circuler alors le bĂąton autour de 1 endroit oĂč se trouve la courroie qui sert de centre, l’extrĂ©mitĂ© de la partie la plus longue dĂ©crira un plus grand cercle, et celle de la plus courte un plus petit. C est pour cela que les petites roues roulent plus lentement et plus difficilement; c’est pour cela encore que les bĂątons et les jougs pĂšsent davantage du cĂŽtĂ© ou se trouve 1 intervalle le plus court, depuis le centre jusqu’à l’extrĂ©mitĂ© ; et au contraire , ils soulagent d’autant ceux qui les portent, qu’il y a un plus long espace depuis le centre jusqu’à l’extrĂ©mitĂ©. Ces exemples font voir que toutes les machines agissent par le mouvement direct ou circulaire , Ă  raison de la distance du centre ; c’est ainsi que les chars, les voilures , les pignons, les roues , les vis, les arbalĂštes, les baiistes, les presses et toutes les autres machines produisent les effets pour lesquels elles sont destinĂ©es , par la force de la ligne droite, du centre et de la ligne circulaire. REMARQUES. Ce n’est pas d’aprĂšs les principes de la gĂ©omĂ©trie ni d’aprĂšs ceux de la physique que l’auteur cherche Ă  dĂ©montrer, dans ce huitiĂšme chapitre, comment les machines produisent leurs effets y il se contente de faire connoĂźire ces machines et d’expliquer par diverses expĂ©riences et des exemples les effets qu’elles produisent; on ne peut douter cependant qu’il ne connĂ»t trĂšs-bien , comme on pouvoil en rendre raison par les rĂšgles de la gĂ©omĂ©trie et de la physique mais il est probable qu’il en a agi de la sorte pour se faire plus aisĂ©ment comprendre des artistes qui ignoroieut ces sciences. Ainsi il fait voir par des exemples que , quoique Je mouvement direct scit different du mouvement circulaire , il n’est pas d’opĂ©ration mĂ©canique oĂč ces rleux mouvement, n’agissent concurremment ensemble. Dans la poulie, par exemple, se trouve le mouvement circulaire, et dans la corde qui la fait agir le direct. Le levier agit directement, et la main qui l’emploie agit par un mouvement circulaire; il en est de mĂȘme des autres machines. 5 7 449 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. Il s'attache sur-tout Ă  faire connoĂźtre, et toujours par des exemples, les diffĂ©rents usages du levier , la plus simple et , en mĂȘme temps, la principale de toutes les machines. Pour appuyer 1 principe que plus la puissance qui fait agir le levier est Ă©loignĂ©e de l’appui, plus elle a de force, il cite les rames d’un vaisseau , qui, plus elles sont longues depuis le bord du navire qui est le centre, et atteindront par-consĂ©quent de loin la mer, plus elles accĂ©lĂ©reront la marche du navire. Philander et Perrault reprennent ici Yilrnve et prĂ©tendent qu’il applique mal Ă  propos la thĂ©orie des effets du levier Ă  celui des rames des navires. Ils disent qu’en cela il est contraire Ă  ce qu’enseigne Aristote qui veut que la longueur des rames est seulement nĂ©cessaire pour que Peau soit frappĂ©e avec plus de vitesse, ce qui arrive quand la rame est longue, l’eau rĂ©siste alors lavante tage car si Peau n’obĂ©issoit pas , il est certain que plus la rame seroit courte depuis la cheville jusqu’à la mer , plus les rameurs auroient de force pour remuer le vaisseau, et en ce cas il vau- droit mieux pour remuer le vaisseau avec plus de puissance, que la plus grande partie de la rame fĂ»t depuis les chevilles jusqu’à la main des rameurs. » Galiani croit que comme traducteur et interprĂšte de Vitruve, il a contractĂ© l’obligation de prendre sa dĂ©fense contre ces critiques qui n’ont pas bien saisi le sens de notre auteur, et qui veulent le reprendre en appliquant mal Ă  propos l’autoritĂ© d’Aristote. C’est un axiome de physique, dit Galiani, que la rĂ©action est Ă©gale Ă  l’action tellement que quand deux puissances agissent en sens contraire aux deux extrĂ©mitĂ©s d’un levier, elles peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©es indiffĂ©remment, l’une ou l’autre comme la force motrice et l’une ou l’autre comme le corps rĂ©sistant. Or donc Vitruve dit que quand la plus petite partie de la rame est depuis la main du rameur jusqu’à la cheville, et la plus grande depuis la cheville jusqu’à la mer, le mouvement du vaisseau est plus prompt. Ses critiques prĂ©tendent au contraire qu’on le feroit agir plu» aisĂ©ment, si la partie de la rame Ă©toit plus longue depuis la main du rameur jusqu J Ă  la cheville , que celle qui est depuis la cheville jusqu’à la mer. Dans ce sens ils ont raison de dire qu’on a plus aisĂ© de le faire agir, c’est-Ă -dire que les rameurs n J ont pas besoin d’y employer autant de force, mais ce n’est pas ce que Vitruve a entendu. Il a dit que le vaisseau iroit plus vite, vehe- menti impulsa. En supposant donc , comme l’a fait Vitruve, que la quantitĂ© des rameurs soit suffisante pour vaincre la force opposĂ©e, c’est-Ă -dire le poids du navire et la rĂ©sistance de l’eau, tout homme de bon sens sentira , sans ĂȘtre mĂȘme mĂ©canicien , que plus la rame sera t longue , depuis la cheville jusqu’à la mer, plus chaque coup de rame fera faire un long, trajet au navire. / N LIVRE X, Chap, ix. 45o CHAPITRE IX. Des machines pour tirer leau . .Nous parlerons prĂ©sentement des machines inventĂ©es pour tirer de l’eau il y en a de diffĂ©rentes espĂšces. Je commence par le tympan . cette machine n’élĂšve pas l’eau trĂšs-haut , mais elle en tire beaucoup en peu de temps. On fait un essieu qu’on arrondit au tour ou au compas, et on couvre de fer ses deux extrĂ©mitĂ©s. Il traverse un tympan fait avec des planches jointes ensemble. On pose le tout sur deux pieux , dont les bouts sont garnis de lames de fer pour soutenir les extrĂ©mitĂ©s de l’essieu. Dans la cavitĂ© du tympan on met huit planches en travers, depuis la circonfĂ©rence jusqu’à l’essieu, lesquelles divisent le tympan en autant d’espaces Ă©gaux on ferme le devant avec d’autres planches, auxquelles on fait des ouvertures de demi-pieds 'pour y laisser entrer l’eau. On creuse outre cela le. long de l’essieu autant de canaux qu’il y a d’espaces , et on les fait aboutir Ă  l’un des cĂŽtĂ©s de l’essieu. AprĂšs avoir enduit le tout de poix comme le sont les navires , des hommes font tourner avec les pieds la machine qui puise l’eau par les ouvertures qui sont Ă  l’extrĂ©mitĂ© du tympan, et la rend par les conduits qui sont le long de l’essieu. Une auge de bois reçoit l’eau qui coule en abondance par un tuyau qu’on y a adaptĂ©, et on la conduit dans les jardins qu’on veut arroser ou dont les terres salines ont besoin d’ĂȘtre tempĂ©rĂ©es. Si l’on devoit Ă©lever l’eau Ă  une plus grande hauteur , on peut le faire avec la mĂȘme machine , en y faisant les changemens que voici on fait autour de l’essieu une roue assez grande pour atteindre la hauteur oĂč on veut Ă©lever l’eau , et autour de la circonfĂ©rence de la roue on attache des caisses de bois enduites de poix et de cire. Des hommes feront tourner cette roue en marchant dedans ; par ce moyen les caisses remplies d’eau s’élĂšveront jusqu’au rĂ©servoir placĂ© en haut oĂč elles la verseront d’elles-mĂȘmes , ayant alors leur ouverture retournĂ©e par en bas. Doit-on faire monter l’eau Ă  une hauteur beaucoup plus Ă©levĂ©e encore ? il faut alors mettre sur l’essieu d une roue une double chaĂźne de fer qui descende jusque 5 7 * 451 L’ARCHITECTURE DE VITIl CJ V E. dans 1 eau , et attacher tout le long de cette chaĂźne des vases de forme conique faits en cuivre. Cette roue en tournant fera avancer sur elle la chaĂźne et monter les vases de cuivre , qui, en passant sur l’essieu , devront se renverser et verser dans un rĂ©- servoir l’eau qu’ils ont Ă©levĂ©e. REMAROUE S. Pour expliquer ces expressions , hominibus caĂźcantibus versatur dont fauteur se sert pour dire que des hommes font tourner cette roue en marchant dedans , il faut supposer qu’il y a une autre roue jointe au tympan dans laquelle ces hommes puissent marcher. Nous avons observĂ© , dans nos remarques sur le IV me Chap. de ce livre, que dans un mur du marchĂ© de lar ville de Capoue, on a encastrĂ© un bas - relief antique , oĂč. l’on voit reprĂ©sentĂ©e une de ces roues ou tympan que des hommes font tourner en marchant dedans. CHAPITRE X. i I'une autre espĂšce de Tympan et des Moulins Ă  leau. Les roues dont nous venons de parler , servent aussi pour Ă©lever l eau des riviĂšres. On attache autour de la circonfĂ©rence de la roue des ailerons , qui poussĂ©s par le cours de 1 eau , la font tourner tellement que , sans le secours d’aucun homme , les caisses puisent l’eau et la portent en haut. Les moulins Ă  l’eau i tournent de la mĂȘme maniĂšre et sont faits de mĂȘme , exceptĂ© qu’une des extrĂ©mitĂ©s de l’essieu passe au travers d’une roue Ă  dents , posĂ©e Ă  plomb et en couteau qui tourne avec la grande roue. Joignant cette roue en couteau ; il y en a une autre plus petite n , dentelĂ©e aussi et placĂ©e horizontalement Ă  l’extrĂ©mitĂ© supĂ©rieure de son essieu se trouve un fer en forme de hache , qui 1 affermit x Turnebe et Saumaise ont corrigĂ© ici le texte latin. Ils lisent hydrumylƓ qui signifie des meules que l’eau fait aller , au lieu de hydraulƓ qui signifie des machines qui conduisent l'eau avec des tuyaux. Perrault et Galiani ont adoptĂ© cette correction qui est plus conforme Ă  la suite du texte. J’ai suivi leur exemple. a D’aprĂšs les principes de la mĂ©canique .cette seconde roue , placĂ©e horizontalement, doit ĂȘtre plus petite que celle qui la fait mouvoir , autrement la meule tourneroit plus lentement que la roue qui va dans l’eau, ce qui ne doit pas ĂȘtre. C’est pourquoi Perrault a cru qu’il faiioit lire minus iiem dentatum piauum est collocatum , au lieu de Majus , etc. LIVRE X, Ch a p. xi. 452i dans la meule. Les dents de cette roue traversĂ©e par l’essieu de la grande poussent les dents de l’autre roue qui est placĂ©e horizontalement, et fait tourner la meule sur laquelle pend la trĂ©mie , qui fournit le grain aux meules pour le broyer en tournant et en faire la farine. C H A P I T R E X I. Ie la Vis. Nous avons une espĂšce de vis 1 qui puise beaucoup d'eau, mais ne l’élĂšve pas aussi haut que la roue , voici comme on la fait. On prend une piĂšce de bois qui doit avoir autant de doigts d’épaisseur que sa longueur a de pieds. 2 AprĂšs l’avoir bien arrondie , on divise les cercles qui terminent les deux extrĂ©mitĂ©s , en quatre parties Ă©gales ou en huit ; par ces divisions on trace autant de lignes , et on doit les tracer de maniĂšre qu’en dressant perpendiculairement la piĂšce de bois sur un fond uni , les extrĂ©mitĂ©s des lignes qui sont sur les deux bouts rĂ©pondent Ă  plomb l’une Ă  l’autre. De ces extrĂ©mitĂ©s on tire tout le long de la piĂšce de bois des lignes perpendiculaires, distantes l’une de l’autre de la huitiĂšme partie de la circonfĂ©rence de la piĂšce de bois. On marque ensuite tout le long d’une de ces lignes des espaces Ă©gaux Ă  ceux qui sĂ©parent les lignes l’une de l’autre , et de chacun de ces espaces on dĂ©crit autour du bois d autres lignes qui traversent toutes les lignes perpendiculaires et on marque des points oĂč les lignes s’entrecroisent. Cela fait avec exactitude , on prend une petite tringle de bois de saule ou d’ozier, on la frotte de poix liquide , et on l’applique sur le premier point ; ensuite on la conduit obliquement sur les intersections que forment les lignes droites avec celles qui entourent la piĂšce de bois. On traverse ainsi en tournant huit distances et on 1 Ce que l’auteur nomme ici eochlea , s’appelle vulgairement la vis d’ArchimĂšde ou pompe spirale, il paroit qu’on ne l’avoit pas encore attribuĂ©e Ă  ArchimĂšde du temps de Yitruve , quoique Diodore de Sicile , qui Ă©crivoit presqu’en mĂȘme-temps que \itruvd, fasse ArchimĂšde l’inventeur de cette machine. La grande utilitĂ© que cet auteur prĂ©tend qu’on en a tirĂ©e pour rendre l’Egypte habitable en Ă©puisant l’eau dont elle Ă©toit autrefois inondĂ©e , feroit cependant croire qu’elle est beaucoup plus ancienne qu’ArchimĂšde. 2 La longueur de cette piĂšce de bois devoit contenir seize fois son Ă©paisseur , parce que le pied des anciens contenoit seize doĂŻgts. 4^3 L ’ A R € Il 1 T E C T CJ RE DE V I T R ĂŒ V E, passe sur huit points , marques sur les lignes droites , jusqu’à ce qu’on parvienne Ă  la mĂȘme ligne par laquelle on avoit commencĂ© de maniĂšre que ns’avançant obliquement sur huit poinls de la circonfĂ©rence, on s’avance aussi de huit points sur la longueur. On attache de mĂȘme d'autres tringles obliquement , sur toutes les intersections pie font, jusqu’au bout, les lignes droites et les circonfĂ©rences , et suivant la division qu’on a faite en huit parties, on forme des canaux entortillĂ©s, semblables Ă  ceux qu’on voit dans les coquilles des limaçons. Sur ces premiĂšres tringles, on en applique d’autres Ă©galement enduites de poix liquide, on en met autant qu’il en faut, pour que tout le diamĂštre de la vis Ă©gale la huitiĂšme partie de sa longueur. Autour des circonvolutions des tringles , on cloue des planches enduites encore de poix liquide T et on les lie avec des cercles de fer , afin que l’eau ne puisse les sĂ©parer. On affermit les deux extrĂ©mitĂ©s de la piĂšce de bois, en douant autour deux cercles de fer, et l’on y enfonce les boulons. Ensuite Ă  droite et Ă  gauche des deux bouts de la machine , on plante des pieux qu on lie ensemble , avec d’autres piĂšces de bois mises en travers , oĂč il y a des viroles de fer enchĂąssĂ©es , dans lesquelles on fait entrer les boulons ; alors des hommes font tourner la vis avec les pieds. Quand on Ă©lĂšve un des bouts de la vis pour l’incliner , on suit les proportions du triangle de Pylhagore que nous avons dĂ©crit c’est-Ă -dire qu’on divise la longueur de la vis en cinq parties , dont on donne trois Ă  l’élĂ©vation de ce bout ; de sorte qu’il y en aura quatre depuis la ligne perpendiculaire de cette Ă©lĂ©vation jusqu’à l’ouverture d en bas. La figure qui est Ă  la lin de ce livre montre comme on doit faire tout cela. Je viens de parler, le plus clairement que j’ai pu de toutes les machines en bois qu’on emploie pour Ă©lever les eaux ; j'ai dit la- maniĂšre dont on doit les construire et les faire agir , et dĂ©montrĂ© enfin les avantages pour ainsi dire infinis qu’on en tire. REMARQUES. Tout le monde connolt la vis d’ArchimĂšde que l’auteur vient de dĂ©crire elle est composĂ©e d’un canal qui tourne en forme de spirale autour d’un cylindre. On plonge dans l’eau un des orifices du canal, on Ă©lĂšve l’autre au-dessus de son niveau , et en faisant tourner la machine, l’eau monte dedans et se dĂ©charge par ce dernier orifice. Mais il faut nĂ©cessairement pour cela que ce cylindre soit inclinĂ© Ă  l’horizon , sous un angle qui ait moins de 45 degrĂ©s. Tel est celui que forme l’hypotĂ©nuse avec la base dans le triangle rectangle de Pylhagore, dĂ©- LIVRE X, C h a p. xit. 454 ciii clans le a c Chap. du 1X U Liv. , puisque sa base esi plus grande que la perpendiculaire , corame dans tous les triangles rectangles dont la base et l'hypotĂ©nuse forment un angle moindre de 45 degres , la perpendiculaire de ce triangle n’ayant cpie 5 parties et sa base 4- Si le cylindre inclinĂ© forinoit avec l’horizon un angle de 45 degrĂ©s, tons les angles que forment les canaux de la vis , avec le cylindre, seroient Ă©gaux Ă  celui-ci, et tous les canaux seroient alors horizontaux et parallĂšles Ă  la superficie de l’eau qu’ils ne pourroient par consĂ©quent puiser. Il faut donc que le cylindre forme avec l’horizon un angle moindre de 45 degrĂ©s, l’eau entrant alors dans la machine , quand on la fait tourner , d’autant plus abondamment que cet angle aura moins de 45 degrĂ©s. O CHAPITRE XII. De la machine de CtĂ©sibius. Parlons maintenant de la machine de CtĂ©sibius qui Ă©lĂšve l’eau Ă  une grande hauteur. Cette machine se fait en cuivre ; on place en bas , assez prĂšs l’un de l’autre , deux barillets d une Ă©gale capacitĂ©. De ces barillets sortent des tuyaux qui forment une fourche en se joignant pour entrer dans un petit bassin , placĂ© au milieu, dans lequel sont des soupapes qui s’appliquent lĂ©gĂšrement sur l’ouverture supĂ©rieure des tuyaux , et qui, en fermant cet orifice , empĂȘchent de retomber tout ce qu’on a poussĂ© avec force dans le bassin par le moyen de l'air. Sur le bassin se trouve un couvercle , qui a la forme d’un entonnoir renversĂ© , il faut qu’il joigne exactement et qu’on l’attache avec des chevilles qui passent dans des pitons crainte que la force de l’eau ne l’enlĂšve lorsqu’on la pousse. Au-dessus du couvercle , on soude un autre tuyau qu’on nomme la trompe , et qu’on Ă©lĂšve Ă  la hauteur qu’on veut. Au-dessous de l’entrĂ©e des tuyaux placĂ©s au bas des barillets, il y a des soupapes qui ferment les trous qui sont au fond de ces barillets. On fait entrer par le haut des pistons polis au tour et frottĂ©s d’huile; ceux-ci enfermĂ©s dans les barillets, Ă©tant mis en mouvement Ă  l’aide d’une barre Ă  laquelle ils sont attachĂ©s , et d’une manivelle qui les Ă©lĂšve et baisse alternativement, pressent continuellement l’air qui s’y trouve avec l’eau ; les soupapes fermant les ouvertures par lesquelles l eau entre dans les barillets , la compression la force d’entrer dans le petit bassin par les tuyaux qui v 455 L ’ A R C H I T E C T U R E DE V I T R U Y E. aboutissent ; lorsqu’elle s’y trouve , la rencontre du couvercle l’oblige de s’élever dans la trompe. Par ce moyen on peut faire monter l’eau d’un endroit profond dam un rĂ©servoir Ă©levĂ© et former une fontaine jaillissante. Cette machine n’est pas la seule que CtĂ©sibius ait inventĂ©e ; 11 y en a beaucoup d’autres, de diffĂ©rentes espĂšces, qui montrent qu en comprimant les liquides au moyen de l’air, on produit des effets semblables Ă  ceux de la nature telles sont ces machines qui imitent le citant des oiseaux ; ces vases de verre i remplis d’eau dans lesquels on voit courir de petites figures; et plusieurs autres de te genre dont les unes rĂ©jouissent la vue et les autres rendent des sons trĂšs agrĂ©ables ;\ entendre. J’ai choisi celles dont l’usage m’a paru ĂȘtre le plus utile et nĂ©cessaire; j’en ai parlĂ© dans le livre prĂ©cĂ©dent, quand j’ai enseignĂ© comme on devoit construire les horloges ; dans celui-ci je me suis occupĂ© de celles qui font monter l’eau. Quant aux autres machines qui sont de pur agrĂ©ment et dont on ne tire aucune utilitĂ© , les curieux pourront en voir la description dans les ouvrages mĂȘmes de CtĂ©sibius. CHAPITRE XXII. Des Orgues hydrauliques. ci e ne puis cependant m’empĂȘcher d’expliquer en peu de mots , et le mieux qu’il me sera possible , par quel art on fait des orgues qui jouent au moyen de l’eau. On place un coffre de cuivre , sur une hase faite en bois. A droite et Ă  gauche de cette base on Ă©lĂšve de chaque cĂŽtĂ© deux rĂšgles , qu’on joint ensemble en forme d’échelle ; entre ces rĂšgles on enferme des barillets , dont les fonds sont itio- i L’auteur emploie ici le mot engilata. Baldus voudroit qu’on lĂ»t angibuta , mot qu’il fait dĂ©river du grec opyyiiov , qui signifie un vase. Le traitĂ© des machines pneumatiques de HĂ©ron lui a donnĂ© l’idĂ©e de faire cette correction. HĂ©ron fait la description d’une machine formĂ©e d’un vase transparent, dans lequel de petites figures se remuent. Ce vase ressemble Ă  ceux que font nos Ă©maiiieurs, oĂč de petites figures d’émail sont enfermĂ©es avec de l’eau, et soutenues dans ce liquide par de petites bouteilles de verre qui, Ă©tant fermĂ©es hermĂ©tiquement, les y soutiennent au moyen de l’air qui est dedans. Baibaro interprĂšte ce mot autrement il le lait dĂ©river du grec syyit'J qui signifie ce qui est prĂšs , comme si ces figures etoient _ si petites qu’il fallĂ»t les regarder de prĂšs. A l'exempte de Perrault et de Galiani j’ai adoptĂ© la correction de Baldus. biles XIII. 45 fr LIVRE X, Chap. biles i et parfaitement arrondis au tour. On les attache Ă  des barres de fer qui tiennent par des charniĂšres Ă  des leviers , enveloppĂ©s de peaux qui ont encore leur laine 2. Dans la plaque qui couvre le haut des barillets , il y a des trous qui ont environ trois doigts de large ; prĂšs de ces trous et des charniĂšres , des dauphins de bronze soutiennent a\ec des chaĂźnes pendues a leur gueule, des cymbales qui bouchent par - dessous les trous des barillets. 3 Dans le coffre de cuivre qui contient l’eau , il se trouve une espĂšce d’entonnoir 4 renversĂ© , sous lequel sont des billots de 1 Ă©paisseur de trois doigts environ, qui soutiennent son bord d’en bas Ă  une Ă©gale distance du fond du coffre. Le haut qui s’élĂšve en s’étrĂ©cissant forme une espĂšce de cou , et se joint Ă  un petit coffre qui soutient la partie supĂ©rieure de l’instrument ; les Grecs appellent cette partie canon musicos 5 ; par - dessus , et dans toute sa longueur , on creuse des canaux au nombre de quatre , quand l’instrument est tĂ©tracorde 6 ; au nombre de six quand il est exacorde 7 ; et au nombre de huit quand il est octocorde 8. Chacun de 1 Par fonds mobiles , il entend les pistons , qui occupent effectivement le fond des barillets lorsqu’ils sont baissĂ©s. 00 Il est assez difficile de deviner Ă  quoi servoit cette peau couverte de laine, il paroĂźt cependant que e'Ă©toit pour empĂȘcher le bruit que font les charniĂšres. 3 Avant Galiani on lisoit dans toutes les Ă©ditions, pendentia habentes catenis cymbala ex ore , infra forami— na modiolorum chalata intrĂ  arcam quo loci aqua sus— tinetur. Inest in id genus etc. De cette maniĂšre le sens de ce passage seroit trĂšs obscur. Perrault a changĂ© et ajoutĂ© quelques mots au texte , et cependant ne l’a pas rendu beaucoup plus clair. Galiani , que nous avons suivi , n’y a fait d’autre changement que de placer un point aprĂšs le mot chalata , et d’attribuer Ă  la suite du discours les mots suivants intrĂ  arcam quo loci aqua sustinetur; par ce moyen il a trouvĂ© le vrai sens de ce passage. Ces dauphins Ă©toient placĂ©s horizontalement soutenus par une cheville, ils jouoient comme le flĂ©au d’une balance, ils avoient dans leur gueule des petites chaĂźnes au bout desquelles Ă©toient attachĂ©es les soupapes des barillets, faites en forme de cĂŽne, que Vitruve nomme des cymbales , pai'ce que ces instruments de musique chez les anciens avoient une forme conique. La partie la plus pesante du corps de ces dauphins qui Ă©toit de l’autre cĂŽtĂ© de la cheville, opposĂ© Ă  celui oĂč Ă©toit la tĂȘte , servoit de contrepoids Ă  ces soupapes, et les fai— soit remonter dĂšs que l’impulsion de l’air qui les avoit poussĂ©es en bas en entrant dans les barillets, venoit Ă  cesser. 4 Dans le texte on lisoit phigƓos. TurnĂšbe a trĂšs-adroitement corrigĂ© ce passage , en substituant Ă  ce mot celui de pnigeos qu’il fait dĂ©river du grec -xviyziv qui signifie suffoquer , Ă©touffer, dont on a formĂ© le mot latin pnigeos, pour signifier un Ă©teignoir qui Ă©touffe la lumiĂšre et qui ressemble Ă  un entonnoir renversĂ©. 5 C’est-Ă -dire rĂšgle musicale. 6 A quatre jeux. 7 A six jeux, 8 A huit jeux. Il n’est pas vraisemblable que les or-* guĂ©s des anciens ne contenoient seulement que quatre tons, ou six et au plus huit. Elles dĂ©voient naturellement contenir leurs 18 tons. On ne doit donc pas entendre ici par tĂ©tracorde , exacorde etc. un nombre de tuyaux qui rĂ©pond Ă  pareil nombre de marches ou touches; mais le nombre rangĂ©es de tuyaux dont chacune rĂ©pond Ă  toutes les touches. C’est ce que nous appelons les diffĂ©- rens jeux. Il le prouve en disant que les canaux qui sont au nombre de quatre , de six ou de huit , et qui font appeler l’orgue tĂ©tracorde , exacorde ou octocorde, sont placĂ©s en long in longitudine, tandis que les marches ou touche» sont certainement placĂ©es, comme il le dit aussi, entravers, ordinqta in transverso foramina. Il ajoute ensuite que le vent entre dans ces canaux par des robinets qui apparemment font l’office de ce qu’on nomme registre dans nos orgues. 58 457 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. ces canaux a un robinet i dont la clef est en fer ; par ce moyen lorsqu'on la tourne , on ouvre chaque conduit par oĂč l’air qui est dans le coffre passe dans les canaux ; le long de ces conduits , il y a une rangĂ©e de trous, qui rĂ©pondent Ă  d’autres qui sont dans la table qui est au-dessus , et qu’on appelle en grec pinax 2. Entre cette table et le canon , on met des rĂšgles exactement percĂ©es l’une comme l’autre et huilĂ©es , afin qu’on puisse aisĂ©ment les pousser , les tirer en avant et les renvoyer en arriĂšre pour tĂ©rmer et pour ouvrir les trous qui sont le long des canaux ; on nomme ces rĂšgles pleuritides 3. Ainsi en les faisant aller et revenir elles bouchent une partie des trous et ouvrent les autres 4. } On attache Ă  ces rĂšgles des ressorts de fer 5 qu’on joint Ă©galement avec les touches, ce qui fait qu’en touchant celles-ci, elles font aussi mouvoir les rĂšgles dans la table sont les trous par lesquels le vent pĂ©nĂštre dans les tuyaux et dans les rĂšgles sont des ouvertures rondes 6 qui correspondent avec les embouchures de tous les tuyaux. Il sort des barillets, des conduits dont les ouvertures se rendent au cou de bois qui va dans le petit coffre lĂ  se trouvent des soupapes faites au tour , qui ferment ces ouvertures dĂšs que le vent est entrĂ© dans le petit coffre et l’empĂȘchent d’en sortir. De sorte qu’en levant le bout des lĂ©viers , les barres de fer font descendre les pistons jusqu’au bas des barillets ; cela fait que les dauphins qui agissent comme des charniĂšres , laissent descendre les cymbales pendues Ă  leur gueule , et par-lĂ  donnent entrĂ©e Ă  l’air dans la cavitĂ© clĂ©s barillets. Ensuite lorsque les barres de fer , par leurs mouvemens rĂ©itĂ©rĂ©s, font remonter les pistons, les cymbales, par l’action 1 Le mot Ă«pĂźslomium qu’on trouve dans le texte, signifie proprement la clef d’un robinet. Il s’en trouvoit de semblable Ă  l’extrĂ©mitĂ© de ces canaux. Quand le trou de cette clef Ă©toit directement vis-Ă -vis du canal ; l’air y entroit, et quand on le toumoit sur le cĂŽtĂ©, l’air ne pou- voit y pĂ©nĂ©trer. Ces clefs ou robinets faisoient dans les orgues anciennes l’effet des registres dans les nĂŽtres. 2 C’est-Ă -dire une table. 3 C’est-Ă -dire des cĂŽtes. 4 Chacune de ces rĂ©gies , comme on le voit un peu plus bas , servoit Ă  ouvrir ou fermer les trous qui corres- pondoient seulement Ă  un ton. Elles produisoient , mais par un moyen diffĂ©rent, le mĂȘme effet que les soupapes qui font aller les touches dans nos orgues modernes. 5 L’auteur employĂ© le mot chomgia , qui, d’aprĂšs son Ă©tymologie * ne peut signifier autre chose que des ressorts, puisqu’il est dĂ©rivĂ© du mot sauter, danser. On appelle encore sauterelles les piĂšces de bois , auxquelles sont attachĂ©s les morceaux de plumes qui font rĂ©sonner les cordes de nos clavecins. Ces ressorts repoussoientles touches de chaque ton , quand on avoit cessĂ© de les pousser en avant. TurnĂšbe et Baldus voudraient qu’on lĂ»t cnodada qui signifie des boulons de fer mais comme l’observe trĂšs-bien Perrault, des boulons de fer ne sont point propres pour repousser ces rĂšgles , qui ont besoin d’un ressort qui les fasse revenir en avant quand elles ont Ă©tĂ© poussĂ©es. 6 Le latin dit reguiĂŻs sunt annuli; j’ai entendu par-lĂ  des trous arrondis comme des anneaux. LIVRE X, Chu, ÏIIL 458 des dauphins , bouchent les trous qui sont au-dessus d’elles, et l’air enfermĂ© dans les barillets , pressĂ© par les pistons , est forcĂ© de passer dans les conduits, et de lĂ  par le cou de bois dans le petit coffre. L’air ainsi pressĂ© par de frĂ©quentes impulsions , entre par les ouvertures des robinets , et emplit les canau>. Alors en appuyant sur les touches , on pousse les rĂ©glĂ©s qui reviennent ensuite, et les trous Ă©tant tantĂŽt ouverts, tantĂŽt fermĂ©s , suivant les rĂšgles de la musique , la multitude et la variĂ©tĂ© des sons produisent des chants pleins de mĂ©lodie. J’ai fait mon possible pour expliquer clairement une chose qui est d’elle-mĂȘme assez obscure et oifficile a dĂ©montrer par Ă©crit. Hormis ceux qui commissent cet instrument pour l’avoir pratiquĂ© , tout le monde aura de la peine Ă  concevoir par quel art on peut le construire ; mais je suis persuade que ceux qui n auront pu le comprendre d aprĂšs ce que j en ai Ă©crit, seront obligĂ©s de convenir que tout cet arrangement est trĂšs - curieux et rempli d’industrie , lorsqu’ils verront l’ouvrage exĂ©cutĂ©. REMARQUES. On ne sauroit faire connaĂźtre d’aprĂšs le texte de Yitruve, quelle Ă©toit la vraie forme des orgue* anciennes. Quand mĂȘme on employeroit des figures, comme il l’observe Ă  la fin de ce chapitre , il n’y a que ceux qui connoissent cet instrument pour l’avoir pratiquĂ© , qui pourront comprendre aisĂ©ment ce qu’il en a Ă©crit. Il n’existe plus d’orgues anciennes, et on n’en trouve aucune, que je sache , reprĂ©sentĂ©e dans des monumens antiques, qui pourroil nous faciliter cette intelligence. Le seul moyen donc que nous avons de faire comprendre ce qu’il dit des orgues anciennes , c’est, d’aprĂšs la ressemblance que nous voyons qu'elles ont en beaucoup de choses avec les nĂŽtres , de les comparer ensemble. C’est ce que nous allons faire, Pour introduire Pair dans nos orgues modernes, on se sert de soufflets; un canal le conduit dans une caisse hermĂ©tiquement fermĂ©e, qu’on nomme vulgairement la caisse du vent. Au lieu de soufflets , les anciens employoient des barillets, avec des soupapes qui produisoient le mĂȘme effet en introduisant l’air dans une caisse nommĂ©e area dans le texte. Cette caisse Ă©toit couverte, comme elle l’est encore Ă  prĂ©sent, par une table nommĂ©e caput machinƓ , et en grec ko,vĂč>v. JNos artistes modernes l’appellent le banc. Dans nos orgues , le cĂŽtĂ© de cette table, qui est vers la caisse , est traversĂ© dans sa largeur par autant de rainures ou demi-canaux que nous avons de tons dans notre musique dans les orgues anciennes , au contraire, c’éloit des tubes entiers et non des demi-canaux qui Ă©toient placĂ©s dans toute la longueur de la table ; il n’y en avoit pas autant qu’il y avoit de tons dans leur musique, mais autant qu’il y avoit de diffĂ©rents jeux ou registres. Cette table Ă©toit percĂ©e , comme elle Pest encore aujourd’hui, par un nombre de trous Ă©gal a celui des tuyaux qu on devoit mettre Ă  l’orgue. Sur cette table on en placoit une autre , qui s’appeloit alors tabula summa 3 58 . L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. 4 % en grec irlvaÊ; , et aujourd’hui le sommier. Celle-ci Ă©toit, comme elle l’est encore dans nos orgues percĂ©e exactement comme l’autre ; c’étoit sur les trous de celte derniĂšre table tabula summa qu’on dressoit des tuyaux. Nous faisons glisser aujourd’hui entre ces deux tables autant de rĂšgles que nous voulons avoir d’espĂšces de jeux ou registres. Cgs rĂšgles placĂ©es dans la longueur de ces deux tables sont aussi percĂ©es comme elles tellement que quand leurs trous sont prĂ©cisĂ©ment placĂ©s entre ceux des tables de maniĂšre qu’ils se rĂ©pondent directement , l’air de la caisse du vent entre dans les tuyaux j mais si on tire ces rĂšgles , la partie qui n’est pas percĂ©e se trouve entre les trous des deux tables et intercepte la communication du vent. Les anciens ne faisoient pas comme cela Ă  l’entrĂ©e de chaque tube ou canal qui leur servoit de rĂ©gistres , ils avoient des robinets avec des clefs pour les ouvrir ou fermer , suivant qu’ils vouloient donner ou ĂŽter la communication Ă  l’air. Enfin dans les orgues anciennes comme dans les nĂŽtres , il y avoit autant de louches ou marches qu’il y a de tons ; les anciens nommoient ces touches pinnƓ elles produisoient l’une et l’autre le mĂȘme effet , mais elles agissoient diffĂ©remment. Celles de nos orgues , au moyen des ficelles qui passent sur des poulies et pĂ©nĂštrent dans la caisse du vent font lever , quand on appuie dessus , des soupapes qui laissent passer le soufle dans le tuyau qu’on veut faire jouer. Les louches des orgues anciennes , quand on appuyoit dessus , faisoient avancer de petites rĂšgles placĂ©es entre les deux tables dont nous avons parlĂ© , c’est-Ă -dire entre le canon musicos et la table supĂ©rieure , tabula summa y alors l’air pĂ©nĂ©lroit dans les tuyaux qu’on vouloit faire jouer, par le trou de la rĂšgle qui rĂ©pondoit directement Ă  ceux des deux tables ; ensuite un ressort, choragia , repoussoit la rĂšgle dont le plain interceploil la communication du vent. AthĂ©nĂ©e dit comme Vitruve , que CtĂ©sibius est l’inventeur de cet instrument ou du moins qu’il l’a perfectionnĂ© , parce que la premiĂšre dĂ©couverte en est 4 due Ă  Platon , qui inventa l’horloge nocturne, c’est-Ă -dire une clepsydre qui faisoit jouer des flĂ»tes, pour faire entendre les heures aux temps oĂč on ne peut les voir. Cette description que Vitruve fait des orgues de son temps , nous prouve que cet instrument est bien plus ancien qu’on ne le croit. Les ambassadeurs de l’empereur Constantin Copronyme, lors de l’assemblĂ©e de CompiĂšgne , tenue en 767 , firent prĂ©sent au roi PĂ©pin d’un orgue , et c fut Ă  ce qu’il paroĂźt le premier qu’on vit en France. Mais on voit , d’aprĂšs ce que dit "Vitruve, qu’il Ă©toit connu bien auparavant en Italie. On ne peut douter, sur le tĂ©moignage des historiens , qu’il ne fĂ»t aussi en usage chez les Orientaux long-temps avant les premiers qu’on apporta e* France. LIVRE X, Ch ap. xi r. 46 CHAPITRE XIV. Comment on peut mesurer les milles dans un voyage . P A s s o N s prĂ©sentement Ă  une autre matiĂšre , qui peut ĂȘtre de quelqu’utilitĂ©. Il s’agit d une invention des plus ingĂ©nieuses que nous devons aux anciens. Par son moyen , on peut connoĂźtre le nombre de milles qu’on a faits en voyageant, assis dans un char, ou naviguant sur la mer. Voici comment Les roues du char doivent avoir quatre pieds de diamĂštre , afin qu’ayant marquĂ© sur la roue l’endroit oĂč elle a commencĂ© Ă  rouler sur la terre , on soit assurĂ© qu elle aura parcouru un espace d’environ douze pieds et demi, quand en continuant de rouler , elle sera revenue Ă  cette marque , par laquelle elle a commencĂ©. On attache fortement au moyeu de la roue un tympan i , qui doit avoir une petite dent qui excĂšde sa circonfĂ©rence. On place dans l’intĂ©rieur du char une hoĂ«te qu’on'arrĂȘte bien ferme , dans laquelle il doit se trouver un autre tympan placĂ© verticalement qui tourne sur un axe. Sur la face de ce tympan , il doit y avoir quatre cents dents distribuĂ©es Ă  une Ă©gale distance l’une de l’autre , et correspondant Ă  la dent du premier tympan. Outre cela , le second tympan doit avoir sur le cĂŽtĂ© une autre dent qui excĂšde celles qui sont Ă  sa circonfĂ©rence. Sur le tout on place horizontalement un troisiĂšme tympan enfermĂ© dans une boĂ«te, et divisĂ© en autant de dents que le second ; elles doivent se rapporter Ă  la dent qui est Ă  cĂŽtĂ© du second tympan. Dans ce troisiĂšme tympan on percera autant de trous Ă  peu prĂšs que le char peut faire de milles par jour , et on mettra dans chaque trou un petit caillou rond qui devra tomber dĂšs qu’il sera arrivĂ© directement sur un autre trou, fait Ă  la boĂ«te, dans laquelle ce dernier tympan sera enfermĂ© comme dans un Ă©tui , et ce caillou coulera par un canal dans un vase d’airain placĂ© au fond du char ; tellement que quand la roue du char en avançant i Quoique le mot tympanum dont se sert ici Vitruve devroit ĂȘtre rendu en francois par le mot roue , j’ai cru comme Perrault que pour Ă©viter l’équivoque qu’il y auroit eu entre les roues du char et les roues dentelĂ©es de la machine , il falloit employer le mot tympan ; par ce moyen il y aura moins de confusion dans le discours. L’ARCHITECTURE DE Y I T R U Y E. 461 emporte avec elle le premier tympan , la petite dent pousse Ă  chaque tour une dent du second , Il arrive delĂ  que quatre cents tours du premier tympan font faire un tour au second , et que la petite dent qui est attachĂ©e Ă  cĂŽtĂ© ne fait avancer le troisiĂšme tympan que d’une dent ; ainsi le premier tympan en quatre cents tours n’en faisant faire qu'un au second , on parcourt l’espace de cinq mille pieds qui font mille pas , quand le second tympan a terminĂ© son tour. Le bruit que fait chaque caillou en tombant, avertit qu’on a fait un mille, et le nombre des cailloux qu’on trouve chaque jour au fond du vase, indique combien on a fait de milles. En changeant trĂšs-peu de chose , on emploie le mĂȘme moyen pour la navigation. Il faut faire traverser le navire d’un cĂŽtĂ© Ă  l’autre par un essieu dont les deux bouts passeront au delĂ  de ses bords. On y attache des roues qui auront quatre pieds de diamĂštre avec des ailerons tout autour qui doivent toucher Ă  l’eau. Cet essieu vers le milieu du navire traverse un tympan qui n’a qu’une seule dent qui excĂšde sa circonfĂ©rence. On place en cet endroit une boĂ«te , dans laquelle se trouve un second tympan , divisĂ© Ă©galement en quatre cents dents, proportionnĂ©es Ă  la dent du premier tympan , que traverse l’essieu , oĂč se trouve aussi une autre dent qui excĂšde sa circonfĂ©rence. Ensuite on joint une autre boĂ«te qui enferme encore un tympan posĂ© horizontalement et dentelĂ© comme l’autre , de maniĂšre que la dent qui est a cĂŽtĂ© du tympan posĂ© verticalement fasse tourner le tympan posĂ© horizontalement , en poussant Ă  chaque tour une de ses dents. Ce tympan posĂ© horizontalement est aussi percĂ© de trous dans lesquels On met des cailloux ronds. La boĂ«te ou Ă©tui qui 1 enferme, a une ouverture et un canal par lequel le caillou, lors qu’il n’est plus arrĂȘtĂ© par l'Ă©tui qui le retenoit, tombe et fait retentir le vase d’airain. Quand le navire sera donc poussĂ© par le soutte des vents ou par les rames , la rencontre de l’eau fera tourner en sens contraire les ailerons attachĂ©s Ă  la roue, qui fera tourner l’essieu et celui-ci le tympan dont la dent Ă  chaque tour poussant une dent du second tympan lui fera accomplir sa circonvallation par un mou vendent trĂšs-modĂ©rĂ©. D’aprĂšs cela quand les ailerons auront fait faire quatre cents tours aux roues du vaisseau , le tympan placĂ© horizontalement n’en aura tait qu’un par limpulsion qu’il recevra de la dent qui est sur le cĂŽtĂ© du tympan vertical. À mesure que le tympan horizontal fera son tour , et qu’il amĂšnera les cailloux sur le trou qui est Ă  son Ă©tui, ils tomberont par le canal ; tellement qu'on connoĂźtra par le bruit qu’ils feront et par leur nombre la quantitĂ© de milles qu’on aura faits sur l'eau. 4 t \ . K LIVRE X, Chap. xiv. * Il me_ semble quil ne me reste plus rien Ă  dire sur les machines dont on tire quelqu utilitĂ©, et qui procurent de 1 agrĂ©ment , tandis qu’exempt de crainte on jouit de la paix. RE 31 ARQUE S. Cette machine est tres-ingĂ©nieuse ; mais on ne pourroit l’exĂ©cuter de la maniĂšre que Vitruve la propose car une roue qui a 4 oo dents, doit avoir pour le moins deux pieds de diamĂštre, pour faire que chaque dent ait une ligne de largeur , qui est le moins qu’elle puisse avoir. Or les dents dune roue de deux pieds de diamĂštre ne sauroient donner prise de la sixiĂšme partie d’une ligne, Ă  une autre dent qui tourne de la maniĂšre que Yilruve l’entend. Le moyen quAI indique pour employer cette machine Ă  connoĂźire l’étendue de la route qu’on fait en naviguant, devoit donner des rĂ©sultats bien faux. CĂąr des roues qui vont par l’impression de l’eau tournent plus vite Ă  proportion quand la marche du navire est rapide que quand il va lentement, au point que le vaisseau pourroit aller si lentement que les roues ne tourneroient pas du tout pour peu que la machine apporte de rĂ©sistance , le mouvement du vaisseau , ne seroit pas capable de la surmonter , d’autant que l’eau obĂ©iroit et cĂ©deroit Ă  cette rĂ©sistance. Il n’en est pas de mĂȘme sur terre oĂč les roues Ă©tant poussĂ©es par le poids du char font toutes leurs rĂ©volutions uniformes, soit que le char aille vite ou lentement. I A prĂ©sent pour mesurer le sillage d’un vaisseau , on se sert du loch. C’est une piĂšce de bois qui par sa pesanteur et sa" forme , reste immobile dans l’eau. Il est attachĂ© Ă  une corde oĂč sont des nƓuds. Le nombre des nƓuds qui ont filĂ© avec la corde , fait connoĂźtre la longueur du chemin qu’on a fait. On jette le loch toutes les heures ou toutes les deux heures, et plus souvent lorsque le vent varie. Quoique ce moyen indique les lieues qu’on a faites plus exactement que celui des * anciens, il. laisse nĂ©anmoins beaucoup Ă  dĂ©sirer j c’est cependant le moins dĂ©fectueux que l’on con- noisse. Il se trouve au commencement de ce chapitre une faute dans les manuscrits oĂč on lit, que la roue du char doit avoir quatre pieds deux pouces de large , pedum quaternum et sextantis , afin qu’en achevant son tour elle parcoure l’espace de 12 pieds, pedum XII. Les rĂ©sultats que ces deux quantitĂ©s dĂ©voient produire a fait voir Ă  Perrault comme il falloir corriger ce passage. AprĂšs les mots pedum quaternum il a supprimĂ© ceux et sextantis , et a ajoutĂ© plus bas une S aprĂšs pedum XII, en lisant pedum XII S , ce qui signifie douze pieds et demi. Par-lĂ  tous les calculs de l’auteur se rapportent , ce qui ne seroit pas , si on n’avoit pas fait cette correction. Il faut en effet que la roue du char ait accompli un tour , afin qu’avec sa dent elle fasse avancer d’une dent, le tympan qui en a 400 j et quand ce tympan a achevĂ© le sien , comme on le lit ensuite dans le texte, on a lait un mille, ou 5 ooo pieds. Or il est certain que 4 o° tours d’une roue de 12 pieds ne parcourent que 48 oo pieds. Perrault a donc eu raison d’îter et sextantis , et de lire seulement pedum quaternum j ensuite de lire douze pieds et demi , pour que les 4 oo tours fassent les 5 ooo pieds. On o 463 L’ARCIIITECTORE sait outre cela que la circonfĂ©rence est au diamĂštre Ă  peu prĂšs, comme 22 est Ă  7. Par consĂ©quent celle d’une roue qui a 4 pieds de diamĂštre doit ĂȘtre d’environ 12 pieds et demi. Aussi dans l’édition “de Joconde on lit pedum XII S. C H A P I T R E XV. r »i 1 ; Des Catapultes et des Scorpions . J e vais traiter prĂ©sentement des proportions qu’on doit observer pour Ăźa construction des machines de guerre dont on a besoin pour se dĂ©fendre ; tels sont les scorpions, les catapultes et les batistes. Je commencerai par les catapultes et les scorpions. La proportion de ces machines se rĂšgle sur la longueur du dard qu’on doit jeter. On en prend la neuviĂšme partie pour dĂ©terminer la grandeur des trous qui sont aux chapiteaux et par lesquels on bande les cordes faites de boyau qui attachent les bras de la catapulte., Voici comme on rĂšgle la hauteur et la largeur des chapiteaux oĂč sont ces trous 1. L’épaisseur des planches qu’on appelle parallĂšles , qui composent le haut et le bas du chapiteau, doit ĂȘtre Ă©gale au diamĂštre d’un de ces trous ; leur largeur doit avoir un diamĂštre et un huitiĂšme , et Ă  leurs extrĂ©mitĂ©s avoir un diamĂštre et demi. Les poteaux qui sont Ă  droite et Ă  gauche doivent, outre les tenons , avoir la hauteur de quatre diamĂštres et la largeur de cinq ; les tenons doivent ĂȘtre de trois quarts de diamĂštre , et depuis le trou jusqu’au poteau du milieu il doit y avoir aussi trois quarts de diamĂštre. Le poteau du milieu aura un diamĂštre et un quart de large et un diamĂštre d’épaisseur. L espace oĂč l’on place le javelot dans le poteau du milieu, doit avoir le quart d un diamĂštre. Il faut garnir les quatre angles tant ceux des cĂŽtĂ©s , que ceux de devant t de bandes de fer attachĂ©es avec des clous de cuivre ou de fer. Le petit canal, appelĂ© en grec syrinx 2 doit avoir dix-neuf diamĂštres de long. 1 On se rappelle d’avoir vu dans le 2 e . Ch. du I er cation de ce principe pour la baliste , et nous venons Liv, que le diamĂštre du trou du chapiteau de la ba- de voir qu’il en Ă©toit de mĂȘme pour les catapultes, liste Ă©toit le module qui rĂ©gloit toutes ses proportions. 2 C’est-Ă -dire un canal. Dans le 17 e Ch. de ce X me Liv. nous verrons l’appli- Les .LIVRE X, C h a p. xy. 464 Les tringles nommĂ©es par quelques-uns huccula 1 , qui sont attachĂ©es aux deux cĂŽtĂ©s pour former le petit canal, doivent aussi avoir dix-neuf diamĂštres de long; on leur donne un diamĂštre d Ă©paisseur et autant de largeur, On ajoute en cet endroit deux rĂšgles dans lesquelles on passe un moulinet long de trois diamĂštres et gros de Ăźa moitiĂ© d’un diamĂštre. L’épaisseur du huccula qui s’y attache , appelĂ©e scamillum 2 par quelques - uns et loculamentum 3 par d’autres, est d’un diamĂštre. On joint ce huccula par des tenons Ă  queue d hirondelle longs de la grandeur d’un diamĂštre et larges d on demi Le moulinet doit avoir huit diamĂštres et une huitiĂšme partie de long. Le gros rouleau 4 a neuf diamĂštres. L 'Ăšpitoxis 5 doit avoir trois quarts de diamĂštre de long et un quart d’épais. Le chelo fi qu’on nomme aussi manucla 7 a trois diamĂštres de long , trois quarts de. diamĂštre de large et autant d Ă©paisseur. La longueur du canal d’en bas a seize diamĂštres. L’épaisseur contient la neuviĂšme partie d’un diamĂštre, et la largeur un demi-diamĂštre et une huitiĂšme partie. La petite colonne avec sa base qui est prĂšs de terre , a huit diamĂštres , et vis-Ă - vis de la plinthe qui est sur cette petite colonne, elle a un diamĂštre et un huitiĂšme. Son Ă©paisseur est d’un douziĂšme et d’un huitiĂšme de diamĂštre. La longueur de la petite colonne jusqu’au tenon Ă  douze neuviĂšmes de diamĂštre, et Ăźa largeur un demi- diamĂštre , et une huitiĂšme partie. L’épaisseur a le tiers de cette largeur ; les trois liens de la petite colonne ont neuf diamĂštres de long, un diamĂštre et une neuviĂšme partie de large et un huitiĂšme de diamĂštre d’épaisseur. La longueur du tenon a la neuviĂšme partie d’un diamĂštre. La tĂȘte de la colonne a un diamĂštre trois quarts de long. La piĂšce de bois qui est plantĂ©e devant aura de largeur un diamĂštre et trois quarts , et l’épaisseur d un diamĂštre. Cette colonne plus petite que les 1 ’ Les LĂšvres. 2 Dans tous les manuscrits il y a CamĂŻihim , qui signifie une boite. Baldus voudrait qu’on lĂ»t catillum, tqui signifie un petit plat , et Perrault Scamillum , c’est- Ă -dire un peiit banc. 3 C’est-Ă -dire un Ă©tui. 4 Dans le I er . Chap. du VII e . LĂźv. nous avons vu * que par le mot scutula dont l’auteur se sert encore ici, il entendoit des pavements dont la forme Ă©toit en losange ou ovale comme les boucliers des anciens. Dans le chapitre suivant , le 17 e . du livre que nous expliquons , on verra qu’il appelle scutula le trou par oĂč passoient les cordes de boyaux qui dĂ©voient rendre un mĂȘme ton , parce qu’ils Ă©toient ovales. Comme on appelle aussi scutula les rouleaux qu’on met sous les navires pour les faire avancer quand iis sont sur terre. Perrault, et Galiani, que nous avons suivis, ont n i interprĂ©tĂ© scutula par ce gros rouleau dont on va parler, 5 Qui est sur le dard. 6 tortue. 7 petite main. iKJ L’ARCHITECTURE DE VITRÜVE. 4^5 autres, qui se trouvent par derriĂšre , qu’on appelle en grec antihasis , 1 a huit diamĂštres de long , un diamĂštre et demi de large , et trois douziĂšmes de diamĂštre d'Ă©paisseur. Le chevalet a douze diamĂštres de large; son Ă©paisseur est Ă©gale Ă  la grosseur de lapins petite colonne. Le chelonium 2 ou coussin qui est placĂ© sur la petite colonne, a deux diamĂštres et demi de long , autant de haut ; sa largeur est d un diamĂštre et trois quarts. Les mortaises 3 du moulinet ont deux diamĂštres et demi, leur profondeur est aussi de deux diamĂštres et demi et leur largeur d’un diamĂštre et demi. Les travers avec leurs tenons ont dix diamĂštres de long, un diamĂštre et demi de large leur grosseur est aussi de dix diamĂštres. Les bras ont sept diamĂštres de long. Leur Ă©paisseur vers le bas- est d’un douziĂšme de diamĂštre et une sixiĂšme partie , et vers le haut d’un tiers de diamĂštre et une sixiĂšme partie, Leur courbure doit avoir huit diamĂštres. 11 faut faire toutes ces parties avec les proportions que je viens d indiquer, quelque soit la grandeur de l’ensemble cependant lorsque la hauteur du chapiteau surpasse la largeur de la machine, ce qui fait qu’on l'appelle dans ce cas anatonum , 4 il faut raccourcir tes bras , parce qu’ils sont moins tendus quand le chapiteau est aussi Ă©levĂ© ; c’est pourquoi on diminue alors leur longueur afin qu’ils frappent beaucoup plus fort. Quand au contraire la hauteur du chapiteau est moindre que la largeur de la machine , ce qui le fait appeler calatonum 3 , et qu’on doit tendre les bras davantage , il faut les alonger afin de pouvoir aisĂ©ment les courber jusqu’au point nĂ©cessaire. Ainsi avec un levier qui n’a que quatre pieds de long , il faut rĂ©unir les forces de quaire hommes , pour remuer un fardeau , tandis que deux hommes Ă©leveront aisĂ©ment ce fardeau avec un levier qui en a huit. Il en est de mĂȘme des bras de la catapulte ; on les bande aisĂ©ment quand ils sont longs ; mais plus ils sont courts , plus il faut y employer de force. * REMARQUES. Plusieurs interprĂštes, Ă  ce que remarque Juste-Lipse , ont cherchĂ© Ă  dĂ©couvrir, d’aprĂšs le texte de Yitruve , quelle Ă©loit la forme de la catapulte. Les descriptions qidont donnĂ©es de cette machine, JUh Ă©nĂ©e le mathĂ©maticien, Ammien Marcellin, A Ă©gece, Joconde et Robert Yallurius; les deux' 1 C’est-Ă -dire l'arc-boutant. 2 La tortue. 3 Dans presque tous les exemplaires, on lit earcheli , mot dont on ignore la signification. Barbaro met tracheli qui signifie le cou, et il entend par lĂ  les bouts des moulinets qui tournent dans les amarres. LaĂ«t, avec plus de vraisemblance , croit qu’oĂŻl doit lire carclesia qui signifie des gobelets , et il entend par ce mol les mortaises oĂč l’on passe les leviers. 4 C’est-Ă -dire qui lande vers le haut. 5 C’est-Ă -dire qui lande vers le bas. figures qui sont dans Je livre anonyme, intitulĂ© Notitia imperii , celle que G. du CLoul dit avoir tirĂ©e d’un ancien marbre, la catapulte qui se voit dans l’arsenal de Constantinople, celle qui se voyoil dans celui de Bruxelles , ni celles qui sont reprĂ©sentĂ©es sur la colonne Trajane , n’ont aucun rapport avec, celle dont Yilruve nous donne les proportions. Cet auteur auroit obligĂ© davantage la postĂ©ritĂ© , si , au lieu de ces proportions , il eĂ»t expliquĂ© cl dĂ©crit quelle Ă©toil la fmure et quels Ă©toient les usages des parties dont il donne si exactement les dimensions. Mais il est trĂšs-difficile , d’aprĂšs ce qu’il dit , de comprendre quelle Ă©toit la structure de cette machine. On sait en gĂ©nĂ©ral que les catapultes Ă©toient faites pour jeter des javelots , de meme que les balisles servoient Ă  jeter des pierres , quoique les derniers auteurs latins n’aient jamais fait ceUe distinction. Ils ont toujours employĂ© le 'mot baliste pour exprimer l’une et l’autre machine. Les catapultes lançoient leurs javelots avec une si grande force, qu’au rapport de Lucain ils percoient plusieurs hommes les uns aprĂšs les autres. Suivant l’auteur du livre intitulĂ© Notitia imperii elles portoient d’un bord du Danube Ă  l’autre ; il y en avoit enfin qui pĂ»ussoienl des javelots de la grosseur de nos chevrons. AthĂ©nĂ©e en dĂ©crit qni avoient douze coudĂ©es; il ajoute, et on aura peine Ă  le croire , qu’ÀgĂ©sislrate avoit fait une catapulte qui n’avoil que trois palmes de long , et porioit cependant au delĂ  de trois stades, c’est-Ă -dire environ 5oo toises. La description de Vilruve fait entendre que la catapulte avoit deux bras ou arbres, c’est-Ă -dire, des piĂšces de bois qu’on faisoit plier en les attirant avec des cordes qu’on bandoit par des mon-* linets ; mais personne n’a expliquĂ© comment ces bras frappoient le javelot, comment ils Ă©toient arrĂȘtĂ©s avant la dĂ©tente , et comment la dĂ©tente se faisoit , ni Ă  quoi servoit cette Ă©galitĂ© de tension qu’on connoissoit par l’égalitĂ© des tons que les cordes rendoient; on ne sait point non plus quel Ă©toit le mystĂšre de toutes ces proportions qu’on prenoil sur les trous par lesquels passoient les cables. Les monuments antiques nous offrent deux sortes de catapultes ; dans les unes ce sont les bras qui se plient comme ceux d’une arbalĂšte , en tirant une corde qui va de Lun Ă  l’autre pour lancer Je trait; quand on la lĂąchoit, les bras se redressant faisoient partir le dard. On sent que pour tirer Ă  soi cette corde , il falloit que l’art vĂźnt au secours des forces humaines et qu’on employĂąt un moulinet. Dans les autres catapultes ce sont les bras ou arbres qui frappoient immĂ©diatement le javelot, et il paroĂźt que la catapulte, dont parle Aitruve , agissoit de cette maniĂšre. Les deux bras de celle catapulte Ă©toient deux arbres placĂ©s debout Ă  cĂŽtĂ© l’un de l’autre, et arrĂȘtĂ©s au bas de la machine comme le mĂąt d’un navire. Leurs deux bouts d’en haut se rapporloient aux trous du chapiteau, quand on les droit avec des cables qui passoient par ces trous ; lorsqu’on les dĂ©ieudoit , ils frappoient d’un mĂȘme coup le javelot. On meltoil deux arbres pour augmenter l’effet de la machine. Qn observoit si les cordes rendoient le mĂȘme ton , pour s’assurer si les deux arbres Ă©toient tendus Ă©galement, ce qui Ă©toit nĂ©cessaire autrement le bras qu’on auroit moins tendu n’auroil servi Ă  rien , parce que l’autre auroit dĂ©jĂ  poussĂ© le javelot avant qu’il le pĂ»t toucher. Nous avons interprĂ©tĂ© comme Galiani les signes qui indiquent, dans le texte latin , les diffĂ©rentes grandeurs des parues de la catapulte et de la baliste. \ 4I7 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. C H A P I T R E X V I. - f' ijfj Des Batistes. ĂŽ. * ’ai fait connoĂźtre les parties qui composent la catapulte , et j ai indiquĂ© leurs proportions. Quant aux .batistes , quoi qu elles produisent toutes le mĂȘme effet, 011 les fait de diffĂ©rentes maniĂšres. On bande les unes avec des moulinets et des leviers, d’autres avec des moufles, d’autres avec des vnulas, d autres enfin avec des roues dentelĂ©es. On doit nĂ©anmoins toujours proportionner leur grandeur Ă  la pesanteur de la pierre quelles jettent; il n’est pas donnĂ© Ă  tout le monde de bien saisir ces proportions ; il faut pour cela connoĂźtre parfaitement les rĂšgles de l’arithmĂ©tique , surtout la multiplication. On fait au chapiteau de la baliste des trous par oĂč l’on passe des cables faits de cheveux et surtout de cheveux de femmes, ou de boyaux; il faut proportionner ces cables Ă  la grosseur et Ă  la pesanteur de la pierre que la baliste jette , comme on proportionne les catapultes sur la grandeur des javelots. Pour apprendre cela tout de suite Ă  ceux qui ne savent pas les rĂšgles de la gĂ©omĂ©trie et de l’arithmĂ©tique, et leur Ă©viter la peine de s’en embarrasser l esprit, pendant qu’ils sont exposĂ©s aux pĂ©rils de la guerre, je vais dĂ©crire tout ce que j’en ai appris de mes maĂźtres , et par ma propre expĂ©rience ; j’ajouterai le calcul que j ai fait, pour rĂ©duire les mesures grecques aux poids qui sont en usage parmi nous. C H A P I T II E X Y I I. Proportions de la Batiste. 1 Ă  k baliste jette-t-elle une pierre de deux livres? le trou de son avoir cinq doigts de large en jette-t-elle une de quaire livres ? il doigts en jette-t-elle une de six livres? il doit avoir sept doigts une de dix livres ? il doit avoir huit doigts en jette-t-elle une de chapiteau doit doit avoir sis en jette -1 - elle vingt livres? il L I V li E X, C n a P . XVII. 468 doit avoir dix doigts ; en jette-t-elle une de quarante livres ? il doit avoir douze doigts et demi et un seiziĂšme en jette-t-elle une de soixante livres? il doit avoir treize doigts et une huitiĂšme partie en jette-t-elle 'une de quatre-vingts livres ? il doit avoir quinze doigts ; en jette-t-elle une de cent vingt livres ? il doit avoir un pied et demi , et en sus un doigt et demi eii jette-t-elle une de cent soixante livres ? il doit avoir deux pieds en jette-t-elle une de deux cents livres? il doit avoir deux pieds et six doigts en jette-t-elle une de deux cent dix livres ? il doit avoir deux pieds et sept doigts enfin en j e lie-t-elle une de deux cent cinquante livres? il doit avoir deux pieds et onze doigts et demi. AprĂšs avoir dĂ©terminĂ© la grandeur de ce trou , qui s’appelle en grec peritrelos , r on trace un ovale dont la longueur aura deux diamĂštres du trou et en sus une douziĂšme et une sixiĂšme partie de ce diamĂštre ; sa largeur aura deux diamĂštres et une sixiĂšme partie on divise en deux parties Ă©gales la ligne qu’on a dĂ©crite, et aprĂšs cela on rapproche ses extrĂ©mitĂ©s pour les contourner obliquement, de maniĂšre que la longueur du contour soit d’une sixiĂšme partie , et la largeur que forme le pli d’une quatriĂšme partie. Depuis l’endroit oĂč commence le contour Ă  l’extrĂ©mitĂ© de l’angle qui entoure le trou , on rĂ©trĂ©cit la largeur de ce trou dans l’intĂ©rieur dĂźme sixiĂšme partie. La longueur de l’ovale de ce trou sera proportionnĂ©e Ă  la grosseur de lepizygis 2 ; aprĂšs en avoir tracĂ© les bords, on en amincit l’extrĂ©mitĂ© pour lui donner un lĂ©ger contour son Ă©paisseur de chaque cĂŽtĂ© sera d’un demi-diamĂštre et une seiziĂšme partie. Les barillets auront deux diamĂštres et un quart de long , un diamĂštre et trois quarts de large leur Ă©paisseur, sans y comprendre le vide du trou , aura un diamĂštre et demi et l’extrĂ©mitĂ© du trou aura la largeur d’un diamĂštre et une seiziĂšme partie. Les poteaux auront de longueur cinq diamĂštres et demi et un seiziĂšme ; de tour un demi-diamĂštre ; d Ă©paisseur un tiers et un neuviĂšme de diamĂštre entre les deux poteaux on laisse la meme largeur que celle qu’on a indiquĂ© devoir se trouver auprĂšs du trou ; tellement qu’elle aura de large et de profondeur cinq diamĂštres, et de haut un quart de diamĂštre. La rĂšgle qui est Ă  la table doit avoir huit diamĂštres de long , et un demi-diamĂštre tant de largeur que 1 C’est-Ă -dire percĂ© tout ,au tour. 'Il donne ce nom grec au trou de la batiste qu’il nomme fin latin sculula. Dans le Ăź. er chapitre du VIL rec livre et dans le XV. n,c de celui-ci nous avons vu que ce mot signifioit un bouclier de figure ovale. Le mot peritrelos peut se prendre de deux façons , et signifier une chose percĂ©e tout autour , ou composĂ©e d’un seul trou , qu’on a agrandi tout-Ă -l’entour par plusieurs coups de ciseau, qui font que ce trou va en s’élargissant comme un entonnoir ou le pavillon d’une trompette. Cette derniĂšre maniĂšre convient beaucoup Ă  ce que \itruve continue de dire de ce trou de la baliste, dont il faut Ă©largir et adoucir les bord, pournepas user les cables qui doivent y passer. 2 C’est-Ă -dire qui. est sur le joug. 4 % L’ A II C H I T E € T U II E DE VI T II U V E. d’épaisseur. Le tenon aura deux diamĂštres et un sixiĂšme de long la courbure de la rĂšgle sera d'un seiziĂšme et cinq quarts de seiziĂšme. La largeur et l Ă©paisseur de la rĂšgle extĂ©rieure doit ĂȘtre pareille. La longueur que donnera sa courbure, avec la largeur du poteau et sa courbure, sera d’un seiziĂšme de diamĂštre. Les rĂšgles supĂ©rieures doivent ĂȘtre semblables aux infĂ©rieures, c’est-Ă -dire avoir un seiziĂšme de diamĂštre. Les travers de la table auront deux tiers et un seiziĂšme de diamĂštre. Le fut du climakis i aura treize diamĂštres de long et trois seiziĂšmes de diamĂštre d’épais. L’intervalle du milieu aura un quart de diamĂštre de large , et de profondeur un huitiĂšme et un quart de ce huitiĂšme. La partie supĂ©rieure du climakis , qui est prĂšs des bras et qui touche Ă  la table, se divise dans toute sa longueur en cinq parties la piĂšce que les Grecs nomment chelo 2 occupera deux de ces parties la largeur de cette piĂšce sera d’un seiziĂšme de diamĂštre , son Ă©paisseur d’un quart et sa longueur de trois diamĂštres et demi et un huitiĂšme. La saillie du chelo aura un demi-diamĂštre, et celle du Plinlhigonalos 3 un douziĂšme de diamĂštre et un sicĂŒique 4. Quant Ă  la partie , qu’on nomme la face de traverse, qui est vis-Ă - vis de l’essieu , elle doit avoir trois diamĂštres de long les rĂšgles qui sont dans l’intĂ©rieur auront un seiziĂšme de diamĂštre de long, un douziĂšme et un quart de douziĂšme d’épaisseur. Le rebord 5 du chelo qui sert de couverture Ă  la queue d hirondelle , doit avoir un quart de diamĂštre de long ; la largeur des montants du climakis doit en avoir un huitiĂšme, et leur Ă©paisseur un douziĂšme et un quart de douziĂšme. L’épaisseur du carrĂ© qui est au climakis doit ĂȘtre d’un douziĂšme et d’une huitiĂšme partie de douziĂšme ; mais vers l’extrĂ©mitĂ© elle ne doit ĂȘtre que d’un quart de douziĂšme. Le diamĂštre du cylindre de l’essieu sera Ă©gal au chelo ; mais vers les clavicules, il sera plus mince de la moitiĂ© et une seiziĂšme partie. La longueur des arcs-boutans sera d’une douziĂšme partie et de trois quarts de douziĂšme. La largeur^ Ci C’ est-Ă -dire , petite Ă©chelle. 2 C’est-Ă -dire tortue. 3 Ouelques-uns lisent, plentigcnatos , d’autres plintigo- natos ; B al dus et TumĂ©fie lisent ptenfgomntos , parce que Ctesibius appelle toute cette machine pteryoo qui signifie une aile, et qu’elle s’avance effectivement en forme d’aile. 4 Joconde prend ici le mot siciliens pour la quatriĂšme partie du tout prĂ©cĂšdent. Le sicilique signifioit ordinairement deux dragmes , qui font le quart de Fonce. 5 Le mot replum dont Yitruve se sert ici, et qu’il a encore employĂ© dans le 6. n,e chap. du IV e livre, en parlant de la menuiserie des portes, oĂč je l’ai traduit par le mot feuillure, n’est pas expliquĂ© de la mĂȘme maniĂšre par les interprĂštes. Saumaise pense qu’il 1 employĂ© ici au lieu du mot rĂ©plication , comme il employĂ© diiplum au lieu de duplication. Suivant cette opinion adoptĂ©e par Perrault, nous avons mis ici rebord, Ă  cause qu’il dit ensuite qu’il sert de couverture Ă  la queue d’hirondelle. LIVRE X, C h a p. XVII. 4 7 o en bas, d’une treiziĂšme partie de diamĂštre ; 1 Ă©paisseur en haut, d’un huitiĂšme et d’un quart de huitiĂšme. La base qu’on appelle eschara i aura de longueur une neuviĂšme partie de diamĂštre. La piĂšce qui est devant la base aura quatre diamĂštres. L’épaisseur et la largeur de l’une et l'autre jusqu’à la moitiĂ© de leur hauteur aura un neuviĂšme et un seiziĂšme de diamĂštre. La colonne aura en largeur et Ă©paisseur un diamĂštre et demi . sa hauteur ne se rĂšgle pas sur le diamĂštre du trou du chapiteau, mais on la proportionne Ă  l’usage qu’on la destine la longueur du bras sera de six dismĂštres; son Ă©paisseur, vers le bas, d’un demi-diamĂštre, et Ă  son extrĂ©mitĂ©, d’un douziĂšme de diamĂštre. » n AprĂšs avoir fait connoĂźtre les proportions que j’ai jugĂ©es ĂȘtre les, plus convenables pour les catapultes et les balistes, je vais expliquer , le plus clairement qu’il sera possible, comme on doit les bander, en les tendant avec des [ Cordes de boyaux ou de cheveux. ‱ t CHAPITRE XVII II V ' De la maniĂšre de bander les Balistes et les Catapultes. U n prend deux longues piĂšces de bois sur lesquelles on attache les amarres pour passer des moulinets. Au milieu de chacune de ccs piĂšces de bois , on fait une entaille oĂč l’on met le chapiteau de la catapulte, qu’on y affermit avec ,' on * chevilles , afin qu’on ne puisse l’arracher en bandant la machine. AprĂšs cela .n enchĂąsse dans ce chapiteau les barillets de cuivre , dans lesquels on plac^ *s chevilles de fer que les Grecs appellent Ă©pi scindas. Ensuite on passe par i’un des trous qui traversent le chapiteau, le bout du cable qu’on attache au moulinet , autour duquel il s’entortille, quand on le fait tourner avec les leviers, et on le bande jusqu’à ce qu’étant frappĂ© avec la main on connoĂźt s’il rend le ton qu’il doit avoir. Alors on met la cheville dans le trou du chapiteau pour arrĂȘter le cable et empĂȘcher qu’il ne se lĂąche on passe de la mĂȘme maniĂšre le cable dans i C’est-Ă -dire l’ñire , le foyer, un gril. 471 L ’ A R C II I T E C T U K E D E Y I T R U V E. le trou qui est Ă  cĂŽte', et on le bande avec les leviers et le moulinet jusqu’à ce qu’il rende le mĂȘme ton que l’autre; au moyen de ces chevilles de fer on arrĂȘte les catapultes auxquelles on a donnĂ© le degrĂ© de tension nĂ©cessaire , en observant les tons que sonnent les cables. R Efl J R Q U E S. Dans le I. er cliap. du I. er Liv. nous avons vu qu’une des raisons pour lesquelle» Yitruve exigcoit que l'architecte connĂ»t la musique y c’éloit pour pouvoir piger si les cordes de ces machines de guerre rendroient un mĂȘme tou. AprĂšs avoir lu ce chapitre et ceux qui prĂ©cĂšdent, on sera convaincu de la difficultĂ© ou, pour mieux dire , de l'impossibilitĂ© d’ùxphquer aujourd’hui d’une maniĂšre satisfai-ante d’aprĂšs le texte, quelle Ă©loit la vĂ©ritable forme dĂ© ces machines. Pour en faciliter cependant l’intelligence , j’ai fait graver le plan de la catapulte qui se trouve dans l’édition de Perrault ; et j’y joins l’expli- caliou tirĂ©e du texte. Mais je suis loin d’affirmer que nous avons bien rencontrĂ©. Ou voit dans ce dernier chapitre que les diverses parties des catapultes et balistes , dont Vilruve adonnĂ© si exactement les proportions dans les chapitres prĂ©cĂ©dents , forai oient plusieurs assemblages, qu’on rĂ©unissoil seulement lorsqu’on employoit la machine. Ces assemblages consisloient 3 1 °. dans les deux longues piĂšces de bois oĂč l’on attachoit; 2°. le moulinet; et 3°. le chapiteau. On avoit ensuite 4°. les barillets qu’on enchĂąssoit dans le chapiteau; 5.° les chevilles; et enfin 6.° l’assemblage oĂč se irouvoient les bras qui frappoienl le javelot ou la pierre. Perrault est parvenu Ă  rĂ©unir dans sa figure toutes les. parties > de ces machines; je donne donc ici celte figure, en attendant qu’on parvienne Ă  dĂ©couvrir quelque monument , qui nous ofire quelque chose de plus satisfaisant. s ; r aie, $ou CHAPITRE XI X. ' 1 " ' \- i. ‱S Des machines pour assaillir les forteresses. J’ai traitĂ© le mieux qu’il m a Ă©tĂ© possible de ces objets ; il me reste prĂ©sentement Ă  expliquer les machines qu’on employĂ© pour assaillir et dĂ©fendre les villes. La premiĂšre qu’on inventa fut le belier ; voici comment ; Lorsque les Carthaginois firent le siĂšge de Cadix, ils rĂ©solurent de dĂ©molir au dus vile un chĂąteau qu'ils avoient pris. Comme il manquoient d’outils nĂ©cessaires» 4 7 2 ;»i Tpr f L l Y R ÂŁ .i. * X C II Ai i* * ’ > k.* X i X. L. -i V . i ils se servirent d’une .poutrç,- que plusieurs, howmes. r &outenoienl clans leurs mains,, et frappant du bout de cette poutre le diaut de la muraille, Ă  coups redoublĂ©s, ils firent tomber les pierres des rangs, den haut ainsi allant d’assiser en assise, ils abattirent toutes les fortifications. AprĂšs .,cela , un charpentier de la ville cle Tyr, nommĂ© Pephasmenos, instruit par cette premiĂšre expĂ©rience, planta un mĂąt, auquel il suspendit une poutre comme une balance, et par la force des grands coups que donnoit cette poutre, en allant et venant, il abaĂŒit les murs de la ville de Cadix. Cetras de CalcĂ©doine fut le premier qui lit pour celte machine une base de charpente portĂ©e sur des roues. Il Ă©leva sur cette base un assemblage i composĂ© de piĂšces montantes et de traverses, dont il lit une loge 2 ., dans laquelle il suspendit un bĂ©lier. Il couvrit celte loge de peaux de boeufs, afin de mettre en sĂ»retĂ© ceux qui travailloient Ă  battre la muraille. Comme on ne pou voit avancer cette loge que fort lentement, on 1 appela une tortue Ă  bĂ©lier. Tels furent les premiers commencemens de ces sortes de machines. Polyde de Thessalie leur donna la derniĂšre perfection, pendant le siĂšge que le roi Philippe, fils d’Amyntas, mit devant Bysance. Il en inventa plusieurs autres, de diffĂ©rents genres, dont l’usage Ă©toit beaucoup plus facile. Il eut pour disciples Biades et Chereas, qui servirent dans les armĂ©es d'Alexandre- le-Grand. Diades a laissĂ© quelques Ă©crits dans lesquels il prĂ©tend avoir inventĂ© les tours roulantes ; il dit qu’il les faisoit porter dĂ©montĂ©es quand l'armĂ©e marchoit. Il ajoute que c’est lui qui a encore inventĂ© la tarriĂšre et une machine montante , au moyen de laquelle on passoit de plein pied sur la muraille, de mĂȘme que le corbeau dĂ©molisseur, qu’on nomme aussi une grue. Il se servoit du belier posĂ© sur des roues dont il a expliquĂ© la structure. Les plus petites tours qu’on puisse faire , dit-il, doivent avoir au moins soixante coudĂ©es de haut et dix-sept de large il faut les Ă©trĂ©cir Ă  mesure qu’on les Ă©lĂšve, de sorte que le haut soit un cinquiĂšme moins large que leur base les montants auront par le bas trois quarts de pied, et par le haut un demi-pied elles auront dix Ă©tages, avec des fenĂȘtres devions les cĂŽtĂ©s. Les plus grandes tours, continue-t-il, doivent avoir cent vingt coudĂ©es de haut et vingt-trois coudĂ©es de large ; il faut, 1 Ce que Vitruve appelle arrectaria. AthĂ©nĂ©e l’appelle gzeXoi}, Ă©chelle , c’est-Ă -dire, la jambe. 11 paroĂźt que le mot sccila est dĂ©rivĂ© de ce mot grec, parce que l’échelle est composĂ©e de deux montants, comme de deux jambes et de plusieurs Ă©chelons en travers. a D’aprĂšs l’opinion de Baldus, nous avons rendu ici le mot latin çara par le mot loge. ĂŻl croit qu’il vient de varns , qui signifie courbĂ© et Saumaise dit que c’est de lĂ  qu’est dĂ©rivĂ© le mot français se garder , comme qui diroit guarare au lieu d e varare. Ainsi on dit guepe du .latin vespa. C’est pourquoi, ajoute Peiiault, qui a suivi de mĂȘme que nous 1 opinion de Daldus, il semble qu une couverture courhee sous laquelle on se garde, peut s appeler une loge. 60 . ' 47 3 L’ARCHITECTURE DE YITRUVE. comme les autres, les re'tre'cir d’un cinquiĂšme, depuis la base jusqu’au sommet les montants auront par le bas la grosseur d’un pied, et par le haut celle d’un demi-pied. Il divise ces grandes tours en vingt e'tages, qui ont chacun leurs parapets de trois coudĂ©es. Il les couvre de cuirs nouvellement Ă©corchĂ©s, pour les dĂ©fendre contre toutes espĂšces de coups. Il construit Ă -peu-prĂšs de meme la tortue Ă  belier. Elle a, dit-il, trente coudĂ©es de large, et quinze de haut, non compris le toit, qui doit en avoir sept, depuis la plate-forme jusqu’au sommet sur cette hauteur s’élĂšve en outre, dans le milieu, une petite tour qui aura au moins douze coudĂ©es de large elle contient quatre Ă©tages, dans le dernier desquels on place les scorpions et les catapultes ; dans les Ă©tages d’en bas on amasse une grande quantitĂ© d’eau, afin d Ă©teindre le feu qu’on pourroit jeter dessus pour lincendier. On place dans cette tortue la machine Ă  belier, qui s’appelle en grec criodocĂȘ , qu’on pose sur un rouleau parfaitement arrondi au tour , afin de lui donner l’impulsion en le poussant en avant et le retirant en arriĂšre avec des cables, ce qui produit un grand effet. De mĂȘme que la tour, on couvre ce belier de cuirs fraĂźchement Ă©corchĂ©s. Voici comme il dĂ©crit la taniĂšre elle ressemble beaucoup, dit-il, Ă  la tortue. Au milieu de celte machine, se trouve un canal semblable Ă  celui des catapultes et des balistes, posĂ© sur des montants. Il a cinquante coudĂ©es de long et une coudĂ©e de large. Au travers de ce canal on place un moulinet, et par devant, Ă  droite et Ă  gauche, on place des poulies qui servent Ă  faire mouvoir une poutre ferrĂ©e par le bout et placĂ©e dans le canal. Sous le canal il y a des rouleaux, au moyen desquels on la pousse avec beaucoup de force et de promptitude. Au-dessus de la poutre on forme une espĂšce de voĂ»te, pour la couvrir et soutenir les peaux fraĂźchement Ă©corchĂ©es dont on enveloppe la machine. Il croit qu il ne doit rien dire du corbeau, parce qu’on a reconnu que cette machine produit peu d’effet. Je sais qu’il avoit promis d’expliquer la structure d une Ă©chelle i, qu’on nomme en grec Ă©pibathra , et des machines navales ; mais japprends avec regret qu’il n’a pas exĂ©cutĂ© sa promesse. AprĂšs avoir parlĂ© de la structure des machines sur lesquelles Diades a Ă©crit, il me reste Ă  faire coanoĂźtrc Ă  quoi elles sont utiles, comme je l’ai appris de mes maĂźtres. i Dans le texte on lit accessu ; Perrault a cru que Vitruve nomme au commencement de ce chapitre as- e’étoit une faute et qu’il falloit lire ascensu, parce qu il cendens machina. En efFet, le mot grec csrtSccS-pa signifie paroĂźt que cette machine est la mĂȘme que celle que plutĂŽt ascensu que accessu. LIVRE X, C h a p. xix. 474 R E M'A R Q U E S. AthĂ©nĂ©e dit que ce fut GĂ©ras de Carthage qui adapta une base au belier. II ajoute que cet Architecte ne suspendit pas son belier, comme dit Vitruve, mais qu’il Ă©toit portĂ© par plusieurs hommes qui le faisoient agir. Il est vrai qu’il parle ensuite d’autres beliers qu’on faisoit rouler suides cylindres. TurnĂšbe croit que Vitruve a tirĂ© d'AthĂ©nĂ©e presque tout ce qu’il rapporte des machines de guerre quoique Casaubon pense qu’AthĂ©nĂ©e vivoit long-temps aprĂšs Vitruve, se fondant sur ce que Trebellius Pollio rapporte que l’empereur Gallien fit fortifier plusieurs villĂȘs par deux architectes de Bysance , dont l’un se nommoit ClĂ©odamus et l’autre AthĂ©nĂ©e. Mais il est certain que ce dernier n’éloit pas le mĂȘme qne celui que nous citons , parce que, comme l’observe Vossius, le nĂŽtre a dĂ©diĂ© son livre Ă  Marcellus, qui exisloit avant Vitruve. Il paroĂźt que c’est aussi dans AthĂ©nĂ©e que Vitruve a trouvĂ© qu’on avoit appelĂ© celle machine tortue Ă  cause qu’elle s’avançoit fort lentement. Ce qui Ă©toit si vrai qu’au rapport de Plutarque, l’HĂ©lepoĂźe de DĂ©mĂ©trius Ă©toit un mois Ă  faire un stade , c’est-Ă -dire, prĂšs de deux ans Ă  faire une lieue. VĂ©gece en donne une autre raison , qui est sa ressemblance avec l’animal dont elle porte le nom, qui avance la tĂȘte hors de son Ă©caille et la retire dedans, comme le bout du belier s’avance et se relire hors de la loge. On peut dire encore que son usage lui a fait donner ce nom, parce qu’elle sert de couverture et qu’elle est une forte dĂ©fense contre les pierres et les traits que les assiĂ©gĂ©s pourroient jeter d’en haut, et qu’elle met en sĂ»retĂ© ceux qui sont dedans, comme la tortue l’est dans son Ă©caille. AthĂ©nĂ©e parle, comme notre auteur, des hautes tours Ă  plusieurs Ă©tages qu’on faisoit avancer contre les murs des villes assiĂ©gĂ©es, pour passer de plein pied sur les remparts ; il ne donne aussi Ă  leur base que vingt liois coudĂ©es de large, ce qui ne lait pas six toises. Il paroĂźt que cet empĂątement ne peut suffire Ă  une tour qui avoit cent vingt coudĂ©es de haut, qui font trente toises. Comment cette tour n’éloit-elle pas renversĂ©e par le vent? Comment pouvoit-on la faire avancer? Et quel soin ne devoit-on pas prendre pour applanir les endroits oĂč elle devoit passer? Ces raisons font soupçonner qu’il pourroit ici y avoir une faute dans le texte , d’autant qu’il parle ensuite d’une tour que DĂ©mĂ©trius PoliorcĂšte fit faire pour le siĂšge de Rhodes, qui avoit un empĂątement bien plus considĂ©rable que celui dont il donne, ainsi qu’AthĂ©nĂ©e, les proportions Plutarque dit qu’elle avoit quarante-huit coudĂ©es de large et soixante-six de haut. On leur donnoit cette hauteur pour Ă©galer celle des murs des villes, qui alloient quelquefois jusqu’à trente-cinq toises. Pline parle de la hauteur des murs de Babylone , mais ce qu’il en dit n’est pas croyable car il seroit Ă©tonnant qu’une ville fut enfermĂ©e et comme Ă©touffĂ©e par des murs aussi hauts que des montagnes ; au point, Ă  ce que rapporte Quinte-Curce , qu’on avoit Ă©tĂ© obligĂ© de laisser un grand espace entre ces murs et les maisons. Ces hautes tours Ă©toient divisĂ©es en vingt Ă©tages, qui avoient chacun leur parapet. C’est ainsi du moins que j’ai rendu le mot circuitionem. AthĂ©nĂ©e se sert du mot grec peridrome pour exprimer le mĂȘme objet. SievĂ©cliius, dans une figure qu’il a mise Ă  son commentaire sur AĂ©gece, reprĂ©sente. 6o, J . r/ A II C H I T E C T OSE D E ’-V 1 T R U V E. ee pĂ©ridrome comme un corridor saillant Ă  chaque Ă©lage 3 en forme de mĂąchecoulis mais Philander croit que le mot circuitio signifie la mĂȘme chose que e que des anciens nommoient peribolon et lorica > que d’Ablancourt a rendu, dans sa traduction des commenlaires de CĂ©sar, par le mot parapet. PeridrĂčms . signifier une chosq qui tourne tout autour fait une enceinte et non pas un corridor qui .fait saillie. Nous voyons effectivement qu’il enlouroit chaque Ă©tage et y servoit d’appui. AthĂ©nĂ©e dit qu’il .devoit avoir trois coudĂ©es de haut, pour empĂȘcher le feu; cette hauteur convient beaucoup pour le parapet. Pollux dit que le mol peridrome signifie l’appui des plates- formes qui sont en haut des maisons. On voit donc qu’il doit signifier un parapet et non un corridor faisant saillie. Perrault et G*rhani avoient adqptĂ© avant nous la mĂȘme interprĂ©tation. AthĂ©nĂ©e nous fait connoĂźlrjÇ la hauteur de tous ces Ă©tagĂ©s que Vitruve a omise il donne sept coudĂ©es et demie au premier, cinq au 2 e , 4 e et 5 e , et quatre et demie Ă  tous les autres qui sont au-dessus. Mais Perrault croit qu’il, doit y avoir une faute dans le texte grec, car toutes ces hauteurs d’étages rĂ©unies ne font que g5 coudĂ©es, Ă  moins qu’AthĂ©nĂ©e n’ait pas conquis l’épaisseur des planchers. Mais dans ce cas elle auroil Ă©tĂ© trop grande, Ă©tant pour chacun d’une coudĂ©e et un quart, c’est- Ă -dire , de 22 pouces , qui est la moitiĂ© plus qu’il ne faut pour un plancher en bois. Vilruvei nous apprend que Diades a cru ne devoir rien Ă©crire sur la machine nommĂ©e le Corbeau dĂ©molisseur,-parce que, dit-il, elle ne produisoit pas beaucotq d’effet. Suivant Polybe., elle fut cependant cause de la premiĂšre victoire que les Romains remportĂšrent sur les Carthaginois, dans un combat naval. Les grands effets qu’on raconte des machines d’ArchimĂšde , pour la dĂ©fense de Syracuse, sont attribuĂ©s par Plutarque principalement Ă  ce corbeau. Polybe et Frontin disent que le consul C. Duelius, qui commandoit l’armĂ©e navale des Romains, fut l’inventeur de cette machine quoique Quinte-Curce en attribue l’invention aux Tyriens, lorsque leur ville fut assiĂ©gĂ©e. AthĂ©nĂ©e se plaint, comme Vitruve, que Diades n’a pas expliquĂ© plusieurs autres machines qu’il avoil promis de dĂ©crire; ce qui fait croire, dit Perrault, que Vitruvç a traduit d’AthĂ©nĂ©e ce qu’il rapporte de Diades, et qu’il n’a pas lu l’ouvrage de ce dernier. e ; CHAPITRE XX. , h . De la Tortue quon employĂ© pour combler les fossĂ©s. â–Œ o ici comme on construit ia tortue dont on se sert pour remplir les fossĂ©s et pour s’approcher Ă  couvert des murailles. On fait une base carrĂ©e, que les Grecs appellent eschara i ; chacun de ses cĂŽtĂ©s a vingt-cinq pieds. Ces cĂŽtĂ©s i C ’est-Ă ~dire, une grille. SOI ! ces le c tl ui asseĂŻ o fl / ; le ni 4 d !tlo Iqu i roi l'osier ;"be] 4 ah; o co i 1 D; entii ^lutĂŽi X X. L I V RE X, C Ăźi Ă  p. 476 sont joints par quatre travers qui sont arretĂ©s par deux autres, Ă©pais d’une douziĂšme partie de leur longueur et large de la moitiĂ© de leur Ă©paisseur. La distance entre ces travers doit ĂȘtre d’environ un pied et demi. Dans chaque intervalle il faut mettre par dessous de petits arbres, qu’on nomme en grec Amaxopodes 1 , dans lesquels tournent les essieux des roues qui sont affermis avec des laines de fer. Ces petits arbres sont ajustĂ©s de maniĂšre qu’au moyen de leur pivot et des trous dans lesquels sont passĂ©s des leviers, on dirige exactement les roues sur le chemin qu’on veut suivre , soit en avant ou en arriĂšre , soit Ă  droite ou Ă  gauche , soit diagonalement. On pose , en outre , sur chaque cĂŽtĂ© de la base une poutre qui tonne une saillie de six pieds , et sur cette saillie, tant par devant que par derriĂšre, on met deux autres poutres auxquelles on donne sept pieds de saillie, et qui ont l’épaisseur et la largeur que nous venons d’indiquer pour le bois de la base. Sur cet assemblage on Ă©lĂšve des poteaux assemblĂ©s qui ont neuf pieds de haut sans les tenons, et qui , dans tous les sens, ont un pied et un palme d’épaisseur. La distance de l’un Ă  l’autre est d’un demi-pied. On les assemble par le haut, en les emmortaisant dans des sabliĂšres sur ces sabliĂšres on place des forces 2 qu’on Ă©lĂšve et qu’on encastre l’une dans l’autre, Ă  la hauteur de neuf pieds. Sur ces forces se trouve une piĂšce de bois carrĂ©e qui les assemble. On doit encore arrĂȘter et affermir le tout avec des pannes 3, et le couvrir de planches de bois de palmier, si cela se peut, autrement de quelqu’autre espĂšce de bois fort, tel qu’on voudra, pourvu que ce ne soit ni de pin, ni d’aune, parce que ces bois se rompent et s’enflamment trop aisĂ©ment. On couvre les cĂŽtĂ©s de claies faites d’osiers verts entrelacĂ©s et trĂšs-serrĂ©s ; ensuite on recouvre le tout de peaux fraĂźchement Ă©corchĂ©es, qu’on double d’autres peaux semblables, en mettant entre deux des algues marines ou de la paille trempĂ©e dans du vinaigre ; par lĂ  elle rĂ©sistera aux coups des balistes et on ne pourra lincendier. 1 Pieds de chariot. 2 Dans le texte on lit capreoli, c’est-Ă -dire, des contre-fiches. Ce qui suit fait voir cependant que ce mot a Ă©tĂ© mis au lieu de caniherii , qui signifie des forces , ou plutĂŽt les chevalets dont nous avons parlĂ© dans nos remarques sur le 2. e chap. du liv. IV. 3 L’auteur employĂ© ici le mot laierarii; mais comme on voit clairement par le reste du texte, que cette piĂšce de bois sert au mĂȘme usage que les pannes , qu’il nomme templa , dans le 2. e chap. du IV. e livre , je n’ai fait aucune difficultĂ© de rendre ce mot par celui de pannes. 477 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. CHAPITRE XXL Des autres espĂšces de Tortues. Il y a une espĂšce de tortue qui a toutes les parties qui se trouvent dans celle qu’on vient de dĂ©crire, Ă  la rĂ©serve des forces mais un parapet rĂšgne tout autour, avec des anneaux faits dans des planches ; au-dessus se trouve une couverture inclinĂ©e, faite de planches et de cuirs, fortement attachĂ©s ensemble ; on Ă©tend par dessus un enduit d’argile pĂ©trie avec du crin ; on rend la couche assez Ă©paisse pour que le feu ne puisse endommager la machine. On peut, s’il est nĂ©cessaire, et si la nature du lieu l’exige, faire porter cette machine par huit roues. Les tortues qui servent Ă  couvrir les mineurs s’appellent en grec oryges i ; elles ressemblent en tout Ă  celles qu’on vient de dĂ©crire elles prĂ©sentent par devant un triangle , afin que les traits , qu’on lance de dessus la muraille , ne rencontrent pas une surface plate, mais que recevant les coups sur le cĂŽtĂ©, elle les rejette, tellement qu elle couvre les mineurs, qui travaillent dessous sans danger. Il me semble qu’il n’est pas hors de propos de rapporter les proportions de la tortue qu’AgĂ©tor de Bysance construisit. Sa hase a soixante pieds de long et dix- huit de large. Les quatre montants posĂ©s sur l’assemblage sont formĂ©s chacun de deux poutres de trente-six pieds de hauteur , sur un pied et un palme d’épaisseur et un pied et demi de largeur. Cette hase roule sur huit roues, hautes de six pieds et trois quarts , Ă©paisses de trois pieds ; elles sont composĂ©es de trois piĂšces de bois jointes ensemble par des tenons Ă  queue d’hirondelle et bandĂ©es de fer battu Ă  froid. Elles tournent aussi dans des pivots nommĂ©s amapopodes. Sur l’assemblage des poutres qui sont au-dessus de la base, s’élĂšvent des montants qui .ont dix-huit pieds et un quart de long, trois quarts de pied de large et un douziĂšme et demi d Ă©paisseur; la dislance de l’un Ă  l’autre est d’un pied et trois quarts. Ces montants sont enchĂąssĂ©s par le haut dans d’autres poutres qui rĂ©gnent tout autour, pour affer- j C’est-Ă -dire, pionniers, d’ç/jycrcrw, qui signifie fouir, creuser la terre. LIVRE X, ChĂ p. xxi. 47* mir tout 1 assemblage. Ces poutres orit un pied et un quart de largeur et trois quarts de pied d’épaisseur. Au-dessus de cela s’élĂšvent les forces Ă  la hauteur de douze pieds. Ces forces sont jointes et enchĂąssĂ©es dans une autre piĂšce de bois placĂ©e au sommet. Il y a aussi des chevrons placĂ©s en travers, qui sont chevillĂ©s, et au-dessus se trouve un plancher qui rĂšgne tout autour et qui couvre le bas. Au milieu est encore un autre plancher posĂ© sur des soliveaux ; c’est lĂ  qu’on place les scorpions et les catapultes on dresse en outre deux forts montants, longs de trente-cinq pieds, Ă©pais d’un pied et demi et larges de deux. On les lie en haut, par une piĂšce traversante, avec des tenons, et par une autre piĂšce qui lie encore les montants ensemble par le moyen des tenons ; le tout bandĂ© de lames de fer. Entre ces montants et le traversant il y a d’autres piĂšces de bois placĂ©es des deux cĂŽtĂ©s et fortement enfoncĂ©es entre le chelo i et les angles. Dans ces piĂšces de bois se trouvent deux rouleaux faits au tour, auxquels on attache les corjdes qui tiennent le belier suspendu. 2 Au-dessus de ceux qui font agir le belier, s’élĂšve un parapet qui a la forme d’une petite tour, oĂč peuvent s Ă©tablir, Ă  l’abri de tout danger, deux soldats, pour dĂ©couvrir et faire connoĂźtre toutes les entreprises de l ennemi. Le belier a cent et six pieds de long, sa largeur par le bas est d’un pied et un palme, et son Ă©paisseur d'un pied, Lar il va en rĂ©trĂ©cissant depuis la tĂȘte jusqu’à 1 autre extrĂ©mitĂ©, oĂč sa largeur n’a plus qu’un pied et son Ă©paisseur un demi-pied et une huitiĂšme partie. On arme sa tĂȘte de fer, comme le devant d’un long navire ; de cette tĂȘte partent quatre bandes de fer, longues environ de quinze pieds, qui servent Ă  l’attacher au bois. Depuis la tĂȘte jusqu’à 1 autre extrĂ©mitĂ© de la poutre, on Ă©tend quatre cables, de la grosseur de huit doigts, et on les y attache comme 1 Je crois que par le mot materiesj qui signifie en gĂ©nĂ©ral des piĂšces de bois, il entend celles qui servent d’arcs-boutants et qui sont eftectivement entre les mon - tants et les travers et entre le cbelo et les angles oĂč elles sont fortement enfoncĂ©es, inter scapos et transversarium trajecla, cheloniis et ancunĂŻbus inclusa. Nous avons vu que le mot chelo signifie en grec une tortue, et nous avons encore vu dans la description de la catapulte , qu’on nom- moit aussi manucla la partie de cette machine qui s’appelle le chelo , et que manucla signifie une petite main. Je crois donc qu’on appeloit chelo ou manucla , les deux extrĂ©mitĂ©s des travers sur lesquels les montants s’élevoient. a Je crois qu’un de ces rouleaux Ă©toit au haut de la machine, et que la corde oĂč le belier Ă©toit suspendu pas- soit sur ce rouleau ; l’autre Ă©toit au bas de la machine J l’extrĂ©mitĂ© de la corde y Ă©toit attachĂ©e ; en tournant ou dĂ©tournant celui-ci avec une manivelle, on Ă©levoit ou on baissoit le belier, pour le faire frapper plus haut ou plus bas. Appian d’Alexandrie dit que les habitans d’Utique empĂȘchĂšrent l’eflĂšt des beliers dont Scipion faisoit battre leurs murs, en descendant des poutres pendues Ă  des cordes et mises en travers pour soutenir les coups des beliers. Au moyen des rouleaux, dont je viens de parler, on Ă©lc- voit ou on abaissoit le belier, pour Ă©viter que ses coi ps ne portassent sur les poutres qu’on y opposoit. Nous verrons eftectivement, Ă  la fin du chapitre, qu’on pouvoit l’élever pour frapper la muraille jusqu’à prĂšs de cent piedr» 479, L ’ A II C II 1 T E C T ĂŒ 11 E DE VIT K U V E. on attache le mĂąt d'un navire Ă  la poupe et Ă  la proue. Ces cables sont relie's par des cordes, mises en travers, qui les entourent comme des ceintures, Ă  la distance l’une de l’autre d’un pied et un palme. On couvre entiĂšrement le belier de peaux fraĂźchement e'eorchĂ©es. A l'endroit oĂč pendent les cables Ă  la tĂšte du belier, il y a quatre chaĂźnes de fer recouvertes aussi de peaux fraĂźchement Ă©corchĂ©es i. Sur la saillie du plancher, il y a enfin une caisse qu’on lie aux cables ; elle est fortement asseinbie'e et pique'e de doux, afin que, par son Ăąprete', on puisse aise'- ment marcher dessus sans glisser, quand on veut parvenir jusqu’à la muraille. On faisoit mouvoir cette machine de trois maniĂšres , savoir en la faisant avancer en ligne droite, en la faisant tourner Ă  droite ou Ă  gauche, en la faisant hausser ou baisser. On l’élevoit pour frapper la muraille, jusqu’à prĂšs de cent pieds, et' l’espace qu elle pouvoit atteindre de droite Ă  gauche e'ioit aussi de cent pieds. Cent hommes la gouvemoient; elle pesoit quatre mille talents, c’est-Ă -dire, quatre cent quatre-vingt mille livres. 71 E M A R O U E S. c- Toules ces machines de guerre sont expliquĂ©es d’une maniĂšre si obscure qu’il paroĂźl presque inutile de se donner la peine de chercher Ă  y comprendre quelque chose. L’art de la guerre a tellement changĂ© depuis la dĂ©couverte de la poudre Ă  canon , qu’on ne connoĂźt plus ces machines que par le peu qu’en ont Ă©crit quelques auteurs anciens. On s’esi encore servi nĂ©anmoins des machines de ce genre dans le moyen Ăąge , mĂȘme aprĂšs la dĂ©couverte de la poudre. Nous lisons, dans la chronique de Zamfliet., que les LiĂ©geois employĂšrent encore en i43o, au siĂšge de Bouvigne, dans le comtĂ© de Namur, une machine appelĂ©e la catapulte j mais, outre qu’on ne connoĂźt pas i Le texte porte ex quibus autan funibus pendebant connu capita, fuerant ex ferro quadrupUces catenĂŠ. Il est impossible que par les mots, funibus pendebant , l’auteur ait entendu les cables qui suspendent le bĂ©lier; car les mots eorurn capita , qui suivent, font voir clairement que ce ne peut ĂȘtre ces cables ; parce que le bĂ©lier n’est pas suspendu parle bout, mais par le milieu. Je crois donc qu’il s’agit des quatre cables dont il a dĂ©jĂ  parlĂ©, qui ser- voient Ă  manier, Ă  tirer et Ă  pousser le belier, et qui Ă©toient liĂ©s Ă  son extrĂ©mitĂ© comme les aubans le sont au bout du mĂąt d’un yaisscau. On ajoutoit quatre chaĂźnes au le chat 2 , qui produisoit les mĂȘmes effets que bien comme elle Ă©toit laite, il ne paroĂźt pas bout de ces cables, c’est-Ă -dire , dans la partie qui s’avan- çoit hors de la tortue, pour Ă©viter qu’on ne les coupĂąt. 2 Cette machine , Ă  ce que rapporte la chronique de Zamfliet, avoit e'te' invente'e par un chanoine de Lie'gc , nomme' Henri de Pe- tersheim , et employe'e au siĂ©gĂ© de Bouvigne en i32o. Alors la poudre Ă  canon n’avoit pas encore e'te' trouvĂ©e. La mĂȘme chronique rapporte qu’en i43o , aprĂšs la de'couverte de la poudre, le canon ne faisant presque aucun effet contre les murs de Bouvigne, les Lie'geois prirent la rĂ©solution de les battre avec la ma- chinĂ© appele'e le chat, dont on s’e'foit servi Ă  l’autre sie'ge de Bouvigne dont nous avons parle'. Ainsi, maigre' la de'couverte de la poudre , on avoit encore alors recours aux machines de guerre. qu’elle LIVRE X, Chap. xxii. 4p qu’elle ressemblent Ă  celle des anciens. Ce qui dĂ©courage sur-tout dans les recherches qu’on fuit pour dĂ©couvrir la forme des machines dĂ©crites par Yilruve, c’est qu’on soupçonne avec raison qu’il *ne les comprenoit pas bien lui-mĂȘme, lorsqu’il ne les connoissoit que par les livres qu’il sc con- tentoit de copier, ce qu’on remarque aisĂ©ment en voyant la diffĂ©rence dans sa maniĂšre de les dĂ©crire, et comme il ehange de style en parlant de ces diverses machines. On ne peut douter eertainement qu’il ne connĂ»t trĂšs-bien les machines de guerre employĂ©es de son temps, parce que, comme nous l’avons vu dans l’introduction du premier livre, il Ă©toit chargĂ© de les entretenir. Mais il paroĂźt que la plupart de celles qu’il dĂ©crit, enlr’autres cette derniĂšre inventĂ©e par Agetor de Bysance, n’étoient plus en usage alors. CHAPITRE XXII. Des moyens quon emploie pour dĂ©fendre les places fortes. J’ai rapportĂ© tout ce qu’il convient de savoir sur les scorpions, les catapultes," les balistes, les tortues et les tours; j’ai fait connoĂźtre les inventeurs de ces machines, et comme on doit les faire. J’ai cru qu’il n’étoit pas nĂ©cessaire d Ă©crire sur les Ă©chelles, les guindages et autres objets semblables, qu’il est si aisĂ© de faire, au point que c’est ordinairement l’ouvrage des soldats d’ailleurs ces machines ne peuvent ĂȘtre employĂ©es de mĂȘme dans tous les endroits, c’est pourquoi on les construit de plusieurs maniĂšres. Les diversitĂ©s qu’on rencontre dans les fortifications et le courage des diffĂ©rents peuples, font qu’on doit avoir d’autres machines pour attaquer ceux qui sont hardis et tĂ©mĂ©raires, d’autres pour ceux qui sont vigilans, d’autres enfin pour ceux qui sont timides. Si l’on suit cependant les prĂ©ceptes que j’ai donnĂ©s, et qu’on sache choisir ce qui convient parmi les divers objets que j’ai traitĂ©s, on trouvera tous les expĂ©dients nĂ©cessaires, selon la nature des dieux, pour tout ce qu’on voudra entreprendre. On sent qu'il est pour ainsi dire impossible d’écrire sur les moyens que les assiĂ©gĂ©s peuvent employer pour se dĂ©fendre, car il est probable qu ils ne suivront pas nos Ă©crits pour leurs travaux de siĂšge ; l’expĂ©rience nous apprend qu’on a souvent renversĂ© les machines des ennemis , par des moyens ingĂ©nieux trouvĂ©s 6i L ’ ARCHITECTURE DE VITRUVE. 48 r sur-le-champ, comme il arriva autrefois Ă  Rhodes. Il y avoit Ă  Rhodes un architecte nomme DiognĂšte, qui recevoit tous les ans un salaire honorable de la rĂ©publique, pour les services qu’il rendoit dans la partie qui concerne son art un autre architecte nommĂ© Callias, venu d’Arad Ă  Rhodes, demanda audience- ' * ' rV 7 il exposa le modĂšle d’un rempart sur lequel il avoit placĂ© une machine, qui est ce guindage qui tourne aisĂ©ment, avec lequel il prit et enleva une hĂ©lepole i qu’il avoit fait approcher de la muraille, et la transporta au-delĂ  du rempart. Les Rhodiens, voyant l’effet de ce modĂšle, l’admirĂšrent. Ils ĂŽtĂšrent Ă  DiognĂšte la pension qu’ils lui avoient accordĂ©e, et la donnĂšrent Ă  Callias. Quelque temps aprĂšs, le roi DĂ©mĂ©trius, qu’on appela PoliorcĂštes 2, Ă  cause de l’opiniĂątretĂ© avec laquelle il avoit coutume de s’attacher Ă  tout ce qu’il entrepre- noit , dĂ©clara la guerre aux Rhodiens. Ce roi avoit amenĂ© avec lui un excellent architecte athĂ©nien nommĂ© Epimacque, qu’il chargea de construire une hĂ©lepole oĂč il employa une dĂ©pense et un travail extraordinaire. Elle avoit cent vingt-cinq pieds de haut et soixante de large ,* elle Ă©toit couverte de poils et de cuirs nouvellement Ă©corchĂ©s , de sorte qu elle Ă©toit Ă  l’épreuve d’une baiiste , qui auroit jetĂ© une pierre de trois cent soixante livres. Cette machine pesoit trois cent soixante mille livres. Les Rhodiens demandĂšrent Ă  Callias de prĂ©parer sa machine pour enlever l’hĂ©lepole et la transporter en deçà des remparts , dans la ville , comme il l’avoit promis mais il leur dĂ©clara qu’il ne pouvoit le faire, d’autant que toutes les choses ne s’exĂ©cutent pas de la mĂȘme maniĂšre ; qu’il y a effectivement des machines qui produisent, quand elles sont exĂ©cutĂ©es en grand , le mĂȘme effet, qu’a produit leur petit modĂšle; qu’il y en a dautres qu’on ne peut reprĂ©senter par un modĂšle, mais qu’il faut voir exĂ©cutĂ©es ; qu’enfin il y en a qui semblent devoir produire beaucoup d’effet quand on en voit le modĂšle, mais qui ne rĂ©ussissent pas quand on les exĂ©cute en grand. Qu’il est facile de se convaincre de cette vĂ©ritĂ©, si l’on considĂšre combien il est aisĂ© de faire avec une tarriĂšre un trou de la grandeur d’un demi-doigt, d’un doigt, 1 Philander remarque que ce nom est dĂ©rivĂ© d’ü'Aw ; deuxiĂšme aoriste subjonctif ou deuxiĂšme futur indicatif du verbe ccipsco, qui signifie s'emparer, vaincre, subjuguer, etc., et de -xoĂ uç, ville, c’est-Ă -dire, qui subjugue les villes. D’aprĂšs ce que disent les historiens et la description qu’en fait "Vitruve, il est certain que l’hĂ©lepole ne pouvoit ĂȘtre autre chose qu’une grande tour, 2 Le nom de PoliorcĂštes , qu’on donna Ă  DĂ©mĂ©trius, roi de MacĂ©doine, ne signifie pas l’opiniĂątretĂ© ; ce n’étoit pas en effet par une grande persĂ©vĂ©rance qu’il prenoit les villes ; car les historiens remarquent qu’il prit presque toutes les plus fortes places delĂ  GrĂšce, commeAthĂšnes, MĂ©gare, Sicyone,. HĂ©raclĂ©e, Gorintte et Salamine, le mĂȘme jour qu’elles furent assiĂ©gĂ©es. PoliorcĂštes signifie celui qui prend et ruine les villes. 482 LIVRE X, C h A p. xxii. ou d’un doigt et demi; et qu’il devient difficile» au-delĂ  de toute expression,’ de chercher Ă  le faire d’un palme ; qu’il ne peut mĂȘme entrer dans la pensĂ©e de tenter d’en percer un d’un demi-pied ou plus qu’ainsi, quoiqu’il paroĂźt que ce qu’on a fait avec un petit modĂšle puisse aussi s’exĂ©cuter dans une grandeur mĂ©diocre, on ne peut nĂ©anmoins le faire rĂ©ussir en grand. Les Rhodiens s'aperçoivent alors qu’ils se sont laissĂ©s tromper, faute d’avoir fait ces rĂ©flexions, et qu’ils ont mal-Ă -propos offensĂ© DiognĂšte. Ils voyent cependant l’ennemi s'opiniĂątrer Ă  la prise de la place au moyen de cette machine. La crainte d ĂȘtre rĂ©duit en captivitĂ© et dĂ© voir bientĂŽt la ruine de leur ville, les force de venir se jeter aux pieds de DiognĂšte, pour le prier de vouloir secourir sa patrie. D’abord il les refuse ; mais quand il vit des filles nĂ©es libres, les enfants et les prĂȘtres le venir prier, il promit de faire ce qu’on lui demandoit, Ă  condition que s’il prenoit la machine, elle seroit Ă  lui. Cela lui Ă©tant accordĂ©, il fait percer le mur de la ville directement Ă  l’endroit vers lequel la machine s’avance, et ordonne que chacun y apporte ce qu’il pour- roit d’eau, de fumier et de boue, pour les faire couler par des canaux au travers de cette ouverture et les rĂ©pandre devant le mur. Toute la nuit est employĂ©e Ă  jeter quantitĂ© d’eau, de boue et de fumier, tellement que le lendemain, quand on veut faire avancer l’hĂ©lepoie, avant mĂȘme d’ĂȘtre prĂšs de la muraille, la voilĂ  qui s’enfonce dans le gouffre humide qu’on lui a prĂ©parĂ©, de sorte qu’il est impossible de la faire avancer ni reculer. DĂ©mĂ©trius voyant que DiognĂšte, par son talent, avoit fait Ă©chouer ses projets, se retire avec sa flotte. Alors les Rhodiens, dĂ©livrĂ©s par l’industrie de DiognĂšte, se rĂ©unissent pour le remercier publiquement, et le comblent d honneurs et de rĂ©compenses, pour lui tĂ©moigner leur gratitude. DiognĂšte fait entrer l’hĂ©lepole dans la ville, et la met dans la place publique, avec cette inscription DiognĂšte a fait ce prĂ©sent au peuple, de la dĂ©pouille des ennemis. D’aprĂšs cela, on voit que, pour dĂ©fendre les places, l’esprit et l’industrie font autant que les machines. Les habitants de la ville de Chio firent Ă©prouver le mĂȘme sort aux ennemis qui vinrent les assiĂ©ger avec des machines appelĂ©es sambuques , placĂ©es sur des vaisseaux. Ces habitants, pendant la nuit, jetĂšrent, dans la mer, devant leur muraille, quantitĂ© de terre, de sable et de pierres quand les ennemis voulurent appro- 6r, 483 L’ARCHITECTURE DE VITRÜYE. cher le lendemain, leurs navires Ă©chouĂšrent sur ces bancs, et s’y engravĂšrent tellement, qu’il leur fut impossible d’avancer vers le mur ni de se retirer, de sorte que les assiĂ©gĂ©s ayant jetĂ© des flĂšches incendiaires sur ces machines, y mirent le feu et les rĂ©duisirent en cendres. Lorsque la ville d’Apollonie fut aussi assiĂ©gĂ©e, les ennemis creusĂšrent une mine; .par laquelle ils pensoient pĂ©nĂ©trer dans la ville sans qu’on s’en doutĂąt; les assiĂ©gĂ©s, avertis de ce projet par leurs espions, furent trĂšs-Ă©pouvantĂ©s, ne sachant quel parti prendre, parce qu’ils ignoroient en quel temps et par quel endroit les ennemis vouloient entrer dans leur ville cette incertitude leur faisoit perdre courage. Il se trouvoit parmi eux un architecte d’Alexandrie, nommĂ© Tryphon, qui indiqua le moyen de faire plusieurs contremines, qui passoient par dessous les remparts et s’avançoient par delĂ  la longueur d’un trait d’arc ; puis il fit suspendre, dans toutes ces .galeries souterraines, des vases de bronze. Quand les ennemis commencĂšrent Ă  travailler, les vases de la galerie dont ils Ă©toient le plus prĂšs, retentirent Ă  chaque coup de pioche qu’on dormoit. Par lĂ  l’on connut bientĂŽt l’endroit que les assiĂ©geans vouloient percer pour pĂ©nĂ©trer dans l’intĂ©rieur de la ville. AprĂšs s’en ĂȘtre assurĂ©, Tryphon fit prĂ©parer, au-dessus des travailleurs ennemis, des chaudiĂšres d’eau et de poix bouillante, avec des excrĂ©ments humains et du sable rougi au feu. Pendant la nuit, il lit percer plusieurs ouvertures dans leur mine, y fit jeter Ă  l’instant ces objets, et tous ceux qui y travailloient furent massacrĂ©s. Pendant le siĂšge de Marseille, les habitants furent de mĂȘme prĂ©venus que l’ennemi avoit pratiquĂ© plus de trente galeries souterraines ; ils rĂ©solurent aussitĂŽt de creuser autour de la place un fossĂ© ils le firent si profond qu’ils rencontrĂšrent et ouvrirent toutes les mines de l’ennemi. Dans les endroits oĂč ils ne purent creuser, iis firent, en face, dans l’intĂ©rieur de la ville, un Ă©norme fossĂ©, en forme d’étang, qu’ils remplirent d’eau tirĂ©e des puits et du port ; cette eau entrant tout- Ă -coup dans les mines, abattit les Ă©tais, et tous ceiix qui s’y trouvoient furent Ă©touffĂ©s par l’eau et par la chute des terres. Les assiĂ©geans tentĂšrent ensuite de s’élever plus haut que les remparts, en entassant vis-Ă -vis des arbres coupĂ©s et placĂ©s les uns sur les autres ; mais les Marseillois brĂ»lĂšrent tout cet ouvrage, en jetant dessus, avec les balistes, des barres de fer rougies au feu. Enfin, quand on approcha la tortue avec le belier, pour battre la muraille, les assiĂ©gĂ©s descendirent un lacs suspendu au bout d’une corde, dans lequel iis prirent le belier, LIVRE X, Chap. xxii. 484 et lui levĂšrent la tĂȘte si haut, par le moyen d une roue attachĂ©e Ă  un engin, qu’ils l’empĂȘchĂšrent de frapper la muraille ; puis , avec des flĂšches incendiaires et Ă  coups de balistes, ils dĂ©truisirent toute la machine. C’est ainsi que cette ville resta victorieuse , et fut dĂ©livrĂ©e, non par le moyen des machines, mais par le talent des architectes, qui rendirent inutiles celles qu’avoit employĂ©es l’ennemi. Tels sont les principes qui nous ont paru les plus utiles pour la construction des machines dont on se sert pendant la paix et pendant la guerre. J’ai tĂąchĂ© de les rĂ©unir dans ce dernier livre. Les neuf qui prĂ©cĂšdent traitent des diffĂ©rentes parties qui appartiennent Ă  notre sujet , tellement qu’on trouvera dans ces dix livres tout ce qui compose le corps de farchitecture. REMARQUES . "Vegece,, dans le 2i. e Chap. du IV. e Liv. des Institutions militaires , fait connoĂźtre les moyens qu’on emploie pour s’opposer aux effets des hĂ©lepoles, et ceux propres Ă  les anĂ©antir. Le premier moyen, dit-il, c’est de chercher Ă  les brĂ»ler.,Il rapporte ensuite celui qu’employĂšrent les Rhodiens , mais autrement que Vitruve suivant lui, ils creusĂšrent un souterrain, par dessous l’endroit oĂč devoit passer cette machine $ quand elle y fut parvenue, elle s’enfonça tout-Ă -coup, et il fut impossible de l’en tirer. Pour prouver combien l’intelligence et la prĂ©sence d’esprit est nĂ©cessaire Ă  ceux qui dĂ©fendent les places assiĂ©gĂ©es 9 Vitruve nous cite encore pour exemple ce qui s’est passĂ© pendant le siĂšge de Chio. Les ennemis voulant s’approcher de cette ville avec leurs vaisseaux, et y pĂ©nĂ©trer, au moyen des machines nommĂ©es sambuques, qui Ă©toient, Ă  ce qu’il paroĂźt, des Ă©chelles de cordes dont on se servoit sur les navires pour escalader les murs, et qui Ă©tant dressĂ©es avoient une forme triangulaire semblable Ă  celle de l’instrument de musique appelĂ© sambuque, dont on a parlĂ© dans le J. er Chap. du VI. e Liv., les habitants de Chio ayant dĂ©couvert les projets de l’ennemi, jetĂšrent pendant la nuit quantitĂ© de sable, de terre, etc., dans la mer vis-Ă -vis de leur muraille, tellement que les vaisseaux de l’ennemi s’approchant de la ville Ă©chouĂšrent sur ces bancs. Les assiĂ©gĂ©s incendiĂšrent alors leur flotte en lançant dessus des flĂšches enflammĂ©es que Vitruve nomme malleolii, J’ai rendu ce mot par flĂšches incendiaires , d’aprĂšs ce que dit VĂ©gece , Chap. 18 , Liv. III. Mal- leoli velut sagittƓ sunt , et ubi adhƓserint , quia ardentes sunt , unipersa conflagranb. On voit aussi dans Nonius que c’était des machines enflammĂ©es par une composition combustible dont elles Ă©toient entourĂ©es. Ammien Marcellin dit ^qu’elles etoient ferrees par le bout, qu on les lançoit avec des arcs, et que , s’attachant aux machines de guerre ou aux navnes, elles les melloient en feu. * 485 L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. Ces diffĂ©rentes machines de guerre, rendoient les siĂšges des anciens pour le moins aussi meurĂź triers que les nĂŽtres. Ils en avoient de tous les genres, tant pour l’attaque que pour la dĂ©fense, dont les effets Ă©loient Ă©tonnans. Les siĂšges de Rhodes, de Chio et de Marseille, dont parle Yitruve, prouvent combien leurs ingĂ©nieurs Ă©loient habiles. Ce que Plutarque 1 rapporte des machines employĂ©es par ArchimĂšde pour dĂ©fendre Syracuse est plus Ă©tonnant encore. ArchimĂšde et Eudoxe furent les premiers, suivant lui, qui appliquĂšrent les principes de gĂ©omĂ©trie aux mĂ©chaniques il dit qu’ArehimĂšde le fit pour s’amuser, et par ^dĂ©lassement* d’aprĂšs la demande d’HiĂ©ron, roi de Syracuse, son parent et son ami. Il ajoute que Platon fut indignĂ© de ce qu’ils avoient ainsi corrompu et gĂątĂ© l’excellence de la gĂ©omĂ©trie, en faisant descendre celte science, qui Ă©toit toute intel- lective et spirituelle, Ă  des objets sensibles et matĂ©riels. ArchimĂšde avoit composĂ© pour HiĂ©ron , quantitĂ© de machines pour assaillir et dĂ©fendre les villes mais ce roi n’en ayant pas fait usage, parce- qu’il jouit de la paix pendant tout son rĂšgne, elles servirent aux habilans de Syracuse, lorsque Marcellus, Ă  la tĂȘte des armĂ©es romaines, vint assiĂ©ger cette ville par mer et par terre. Us les trouvĂšrent toutes prĂ©parĂ©es, et ce qui valoit bien mieux encore, ils possĂ©doient ArchimĂšde, qui les avoit inventĂ©es. L’armĂ©e i*omaine, qui devoit assaillir par terre, s’avance vers les murs sous la conduite d’Appius. Marcellus, qui commandoit soixante galĂšres, s’avance du cĂŽtĂ© de la mer. Il avoit fait lier ensemble huit de ces galĂšres, et dresser dessus une Ă©norme machine pour rompre les murailles. L’épouvante s’empare alors des Syracusains qui se voyent attaquer des deux cĂŽtĂ©s. ArchimĂšde seul reste sans inquiĂ©tude, il fait agir ses machines. Une infinitĂ© de traits partent Ă  l’instant de tous les cĂŽtĂ©s; des pierres Ă©normes s’élancent dans les airs avec un bruit Ă©pouvantable, elles brisent et renversent tout ce qu’elles rencontrent, [sans que rien puisse rĂ©sister Ă  leur impĂ©tuositĂ© ; la confusion et le trouble rĂ©gnent dans les rangs des Romains. Ce fut bien autre chose encore quand les galĂšres vinrent attaquer du cĂŽtĂ© de la mer les unes sont plongĂ©es au fond des eaux par de longues piĂšces de hois semblables Ă  des mĂąts* qui sont jetĂ©es avec des machines de dessus les murailles; d’autres sont Ă©levĂ©es par la proue avec des mains de fer et des crochets en forme de bec de grue, qui les dressent perpendiculairement sur les ondes, et y enfoncent leur poupe. D’autres sont saisies en dedans par des machines tendues en sens contraire l’une de l’autre , qui leur font faire la pirouette dans les airs* et les vont ensuite briser contre les rochers qui sont au pied des murailles. Rien n’étoit plus horrible que de voir ces galĂšres s’élever et tournoyer dans les airs* oĂč elles paroissoient suspendues avec toutes les personnes qui Ă©toient dessus dont la mort Ă©toit certaine, puisque jetĂ©es au loin par le tournoiement, ces galĂšres, Ă  la fin, venoient se briser vuides contre les mitrailles, ou retomber dans la mer quand les machines les lĂąchoient. Lorsque Marcellus fit approcher la machine qu’il avoit placĂ©e sur plusieurs galĂšres jointes ensemble, Ăšt qui s’appele sambuque , Ă  cause qu’elle ressemble Ă  l’instrument de musique qui porte le mĂȘme nom; tandis qu’elle Ă©toit encore assez Ă©loignĂ©e, on lance sur elle de dessus la muraille* une pierre Ă©norme, qui pesoit mille livres, ensuite une seconde, et puis une troisiĂšme qui tombe sur celte machine avec un bruit de tonnerre* la fracasse et disperse les galĂšres qui la soutenoient, tellement que Marcellus ne sachant oĂč il en Ă©toit, fut obligĂ© de se retirer, et d’ordonner Ă  ceux qui attaquoient du cĂŽtĂ© de la terre, d’en faire autant. On tint conseil, et il fut dĂ©cidĂ© que le lendemain avant le jour, on s’approcheroit le plus prĂšs i Vie de Marcello*. LIVRE X, C h a p. x x 11. 486 de la muraille qu’il serait possible, d’autant que les machines fd’ArchimĂšde Ă©tant trĂšs-tendues, elles lanceroient leurs pierres et leurs traits au-dessus de la tĂȘte des assiĂ©geans, et ne pourroient leur nuire d’aussi prĂšs; mais ArchimĂšde avoit prĂ©vu cela il avoit prĂ©parĂ© des machines dont la portĂ©e Ă©toil proportionnĂ©e Ă  toutes les distances de sorte que les Romains s’approchant, croyant ĂȘtre Ă  couvert, sont tout Ă©tonnĂ©s de se voir assaillis de nouveau par une infinitĂ© de traits, et accablĂ©s de pierres qui leur tomboient Ă -plomb sur la tĂȘte. Ils furent contraints de se retirer encore une fois. Quoiqu’éloignĂ©s, les traits des ennemis venoient encore les atteindre, et ils ne pouvoient leur en envoyer aucun , parce qu’ArchimĂšde avoit dressĂ© presque toutes ses machines Ă  couvert derriĂšre les murailles. Il sembloit, dit Plutarque, qu’un dieu combattoit les Romains, puisqu’on ne pouvoit dĂ©couvrir d’oĂč tous ces coups partoient. Marcellus reprochoit aux ingĂ©nieurs, qu’il avoit dans son camp, qu’ils ne pouvoient venir Ă  bout de ce gĂ©omĂštre qui avoit enfoncĂ© dans la mer ses galĂšres, et repoussĂ© ses sambucjues, et qui avoit surpassĂ© les gĂ©ans aux cent mains dont parlent les poĂštes. Voyant ses gens si dĂ©couragĂ©s et si effrayĂ©s , que dĂšs qu’ils apercevoient le bout d’une corde ou de quelque piĂšce de bois sur les remparts, ils s’enfuyoient, criant qu’ArchimĂšde alloit les anĂ©antir avec ses machines. Il renonça Ă  tenter aucun assaut, et rĂ©solut de traĂźner le siĂšge en longueur. Il prit enfin cette ville par surprise, et ArchimĂšde y fut tuĂ© par un soldat qui ne le reconnut point, tandis qu’il Ă©ioit profondĂ©ment appliquĂ© Ă  rĂ©soudre un problĂšme de gĂ©omĂ©trie. J’aurois dĂ©sirĂ© pouvoir rĂ©pandre autant de clartĂ© sur la partie de l’ouvrage de Vitruve qui traite de l’architecture militaire des anciens, que j’ai cherchĂ© Ă  en rĂ©pandre sur celle oĂč il traile de l’architecture civile. Ceux qui voudront connoĂźtre davantage celte architecture militaire , doivent avoir recours aux ouvrages de G. C. Waller, de Juste Lipse, du chevalier de Follard, etc. F I K. a 1 1 kxte -.’SSS >a ^m PLANCHES. Les Figures sont expliquĂ©es en latin et en françois . Le latin est entiĂšrement tirĂ© du texte de Vitruve. Nous avons, en cela, suivi lexemple que nous a donnĂ© Galiani, dans sa traduction italienne . Les chapitres, pour lesquels on a gravĂ© ces Figures, sont aussi indiquĂ©s, tellement quelles peuvent servir pour lintelligence du texte dans les Ă©ditions latines, oĂč Ion ri a pas mis toutes les Planches nĂ©cessaires telles sont celles de Philander, de Laet, etc. L'ARCHITECTURE DE VITRUVE. PLANCHE I ” FIGURE I." Plan dune ville entourĂ©e de murs , Chap. 5, Lib. I. AAA. Murus. Mur simple. BBB. Cum aggere. Mur avec un rempart. CCC. Partarum itinera eraxict. Porte et le chemin qui s’y rend du cĂŽtĂ© gauche. FIGURE I I. Plan et Ă©lĂ©vation perspective dune partie des murs de la ville reprĂ©sentĂ©e ci-dessus. Chap. 5 , Liv. I. AAA. Murus . a a. Crassitudo. B B. Agger. DD. Turrus. LE. ĂŻnterior turrium murus divisas . FF. Itinera contignata. GG. Fundamenta transversa conjuneta exteriori et interiori pectinatim quemadmodum serrƓ dentes. Mur simple. Largeur du mur simple, Rempart. Tours. Le mur des tours qui est interrompu du cĂŽtĂ© de l’intĂ©rieur de la ville. Pont-levis. Mur en forme de dents de scie qui lie le mur extĂ©rieur AA avec le mur intĂ©rieur GG. FIGURE III. Plan du fondement sur lequel on doit Ă©lever un rempart. Chap. 2 , Liv. YI. AA. Fundamentum. Fondement. BB. Anterides sive erismoe. Contreforts ou Ă©perons. HH. Fentes cçnjnncti muro serrali/n. Mur en forme de dents de scie. J PI. I. -4M*** AXJ3!TBB- L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. 4i 3 PLANCHE III. FIGURE 1.” DiffĂ©rentes maniĂ©rĂ©s de bĂątir des Anciens. Chap. 3 et 8 , Liv. IL Le pentadoron ou brique de cinq palmes. Sa demi-brique. Le leiradoron ou brique de quatre palmes. Sa demi-brique, ou bien le didoron , c’est-a-dire , la brique de deux palmes, Maçonnerie en briques. — en pierres de taille. — isodome , c’est-Ă -dire , d’égale structure. — pseudisodome , c’est-Ă -dire , d’inĂ©gale stucture. — l’irrĂ©guliĂšre. — la maillĂ©e. — en remplissage. — en pierres Ă  deux paremens qui traversent le mur. FIGURE IL Les premiĂšres habitations des hommes, lorsqu ils Ă©toient encore barbares. Chap. i , Liv. IL. Maisons faites avec des poutres, de la paille et enduites avec de la terre grasse. Maison des liabitans de la Colchyde. Maison des habilans de la Phrygie, A. Parieles ex farcis erectis et çirgultis inter - positis j et luto tecti. B. Colchorum 1 / domus. C. Frigum / A. Pentadoron. B. Emilater. b Tetradoron. D. Didoron. E. Dater uni ordines. F. Structura quadrata. G. Isodoma. H. PseudisĂŽdoma. I. Incerta. L Rcticulata. M. Etnpleclon . N. Diatoni. ĂŒ \ l .!!!!l!!l!l!llĂŒl!lwi!l!jl!Hlwi**sw»H miwannuHmnnHiHiBĂ Ăźj^ tilllllllimillllllllllll lllllllllll IlIllIlHHIllllllItlIHU uiK»iiniiiHiiiiiiii ’fflMM Ht^llIlimmilltUIlttN nififirntHI !KW HIIIIHHUIIIIIIItHUIII ittHunMMni iiBI»H»linflllUHmUIHI 4 iH»IHW WHDltlIUi B»!» f VRfr 'mm * V„- ’mĂ©Mj fe»iilliiiBliiilimie /' ’lt r ĂźigafiBS iiffliiijiĂ mmiiiiifgvgg; 49' L'ARCHITECTURE DE VITRUVE. PLANCHE I Y. FIGURE I.ℱ Le corps humain placĂ© dans un carrĂ© . Les proportions se trouvent indiquĂ©es Ch. i, Liv. III. FIGURE IL Le corps humain placĂ© dans un cercle. FIGURE III. PiĂšces qui composent la charpente des toits. Chap. 2 , Liv. IY. Noms italiens. r a. Columen. Asinello. FaĂźtage, * b b. Transira. Asticcivole. Poutre de traverse. c c. Cantherii. Puntoni. Les forces. dd. Capreoli. Razze. Les contrefiches. e e. ColumnĂŠ. Monachi. Le poinçon. ff. Templa. Paradossi. Les pannes. SS- Asseres. Panconcelli. Les chevrons. b h. TegulĂŠ. Tegole. Les tuiles. 3N. Triglyphus. Trigiifo. . Trl g ] yr lie - O. Intertigmum , sive Metopt a. Meiopa. Metope. FIGURE I V. Mur de cloison fait avec des entrelacs. Chap. 8 , Liv. II. Chap. 3 , Liv. YII. AA. Arrectaria. Les montants. BB. Transversaria. Les travers. CC. Priores cannƓ perpĂ©tuas. Premier rang de cannes. DD. Lutum. Enduit de terre grasse. EE. SecundĂŠ cannƓ. Second rang de cannes. FF. Tectorium. Enduit de stuc. ^ G. Solum. Empalement un peu Ă©levĂ© sur le sol d5 !' ^ ^ ÂŁ I J J ' S3 ^ "S 2j -I -S -S * A *. fc* ^ J. IB"! I Hvn\m ‱‱*.‱ ; »;!' ‱; *m' jjéßHia i»llfli!P '' i&’ ‱. $4 L’ARCHITECTURE DE VITRUVE. PLANCHE XI. L' O R D R E DORIQUE. Chap. 3 , Liv. IV. FIGURE I." A. Columna XX stries plants. C. Capitulant. i. Cymatium. а. Abacus . 3 . Echinus. 4 . Anuli. 5 . Hypotrachelium. б. Aslragalum cum Apoplrygis, F ] D» Epistylium. 1. TƓnia. 2. GuttƓ. 3 . RĂ©gula. E. Zophorus, a. Triglyphus. ' 4 * Femora. 5 . CanalicuH. 6. Scmicanalicuh. b. Me topa. c. Semimetopia. 7. Capitulum triglyphi. 8. Cymatium doiicum. g. Corona. F I 1 5 . GuttƓ. 16. Fulmina. 17. ViƓ. 10. Menlum. ig. Scolia. 20. Lacunaria. F I Colonne avec 20 cannelures pleines. Le chapiteau. La cymaise. L’abaque ou le tailloir. L’ove ou quart de rond. Les annelets. Le gorgerin. L’astragale avec le listel. G U Fi E I I. L’architrave. Plate bande. Les gouttes. La tringle. La frise. Le triglyphe. Les rĂšgles. Les canaux. Demi - canaux. MĂ©tope. Demi-mĂ©tope. Le chapiteau du triglyphe. La cymaise dorique. Le larmier. G U R E III. Les gouttes. Foudres sculptĂ©es dans le plafond. Plates bandes en relief. Dessous de la gouttiĂšre. Ixainure. Plafond. G u R e 1 v. Les entrecolonnements de ĂŻordre Dorique. Chap. 3 , Liv. IV. FIGURE Y. Chap. G G. Ostium doricum lifore. 1 . 4 * Antepagmentum. 1. Super cilium. 2. Hyperthyrum. 5 . Corona plana. 5 . PrujecturƓ d extra , ac sinistra, 6. Scapi cardinales. . Replum. . Tympanum. g. Impages. , Liv. IV. Porte dorique Ă  deux battants. Le chambranle, 4 jambes du chambranle. L’architrave du chambranle. L’hyperliron , ou bien le dessus de porte avec une cymaise dorique et une astragale lesbien. La corniche plate. Saillies que fait l’architrave Ă  ses deux extrĂ©mitĂ©s. Les maĂźtres montants de l’assemblage. La plate bande ou feuillure. Les panneaux encadrĂ©s. Les piĂšces de traverse de l’assemblage. W RHI^iĂźHĂŒĂŒ Ü! $ a G. II. L'ORDRE 10NIQ UE et les parties qui le composent. Chap. 3 , Liv. III. FIGURE L" Eexplicalion^j^es lettres A. B. G. H. E. F. a Ă©tĂ© faite dans les deux planches prĂ©cĂ©dentes. Ostium ionicum qucidrifore. Porte ionique Ă  quatre pans. Protyrides. Console. Chap. 6 , Liv. IY. Les renvois i. 2 . 3. etc, , sont les mĂȘmes que pour la PI. XI, Jig. i. re , ou ils ont Ă©tĂ© expliques. F I G U R E I I. 1. 2 . 3. 4. B. 2. 1. 2 . 3. Ăź. 2 . 5. 4. 5. e. 7- 8 . 9- Ăźo. 11. a. 12. 13. 14. Elle BctsĂźs ionica. Piinthus. for Us. Trochilus superior. Trochilus inferior. Basis atticurges. Piinthus. Torus inferior. Scotia. Torus superior. Abacus. Oculus volutƓ. Canalis cum incarpis. PulviiĂŻorum balthei. Axes. Echinus. Cymatium 1 > , A. . > epislylu, Fctscice Cymatium zophoti. Denticuli. Intersectio. Sima. . Capita leoninci. Corona. Base ionique. Le plinthe. Le tore. - La scolie supĂ©rieure. La scolie infĂ©rieure. Base attique. Le plinthe. Le tore infĂ©rieur. La scolie. Le tore supĂ©rieur. FIGURE III. L’abaque. La volute. L’Ɠil de la volute. Creux avec la guirlande. Ceinture de l’oreiller. L’axe. L’ove. La cymaise I -, ,, . ‱ T i V de i architrave. Les laces J Cymaise de fa frise. Le denticule. Intervalle. La corniche. TĂȘtes de lions. Le. larmier. FIGURE I Y. Description de la volute. se trouve dans le Chap. 2, Liv. III du texte, dans les notes et remarques Ă  la fin de ce FIGURE Y. Distance des entrecolomements eustyles , tetrastyles et octastyles . ,Ghap, 3, Liv. III, chapitre. FÎjO. Ip. lfef~ If j 11111111 l U MP'i il Fut. 3. Ă©^t . ' X ^Æ bĂč-Ăźmi 3 1 1,1 Fia. z SttTƒ mmiT 5 i 3 L’ARCHITECTURE DE YITRUYE. PLANCHE X I I I. L' O R D R E CORINTHIEN. Chap. i , Liv. IY. FIGURE I. re Les lettres A. B. C. D. E. F. sont expliquĂ©es planches X et XI. FIGURE IL Plan et Ă©lĂ©vation du chapiteau corinthien. FIGURE III. Chapiteau des colonnes du temple de Jupiter tonnant au Capitole. FIGURE IY. PiĂ©destaux formant des saillies appelĂ©es scamilli impares. Chap. 3 , Liv. III. FIGURE Y. 1 Moyens de joindre dans les angles du fronton, la cymaise de la corniche. Chap. 3, Liv. III. F I G'U RE VI. G. Ostium atticurges valvalum , Porte Attique n’ayant qu’un battant. Chap. 6, Liv. IY. Les chiffres i. 2 , 3. etc.; sont expliquĂ©s PI. XI, Jig. i. re . i. 1 ! i ! ‱ M ; 1 I lljnill 'i'. 5x5 L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. PLANCHE XI Y. Plan du forum et de toutes ses parties adjacentes. Chap. i A; Forum. MM. A dit us. jNN. TabernƓ. L. ScalƓ. B. JBasilica. C. ChcdcidicƓ. D. Ædes Augusti. E. Pronaos. F. Tribunal. G. Templum Jovis. H. Curia. I. Ærarium. KK. Carcer. ii. 12. Lignes sur lesquelles on a pris les coupes du suivante, qui est la XV. ƓQ et 2 , Liv. Y. Le forum ou le marchĂ©. Les entrĂ©es. Les boutiques. Escaliers pour monter Ă  l’étage supĂ©rieur, La Basilique. Les chalcidiques. Le temple d’Auguste. Avant-temple. Le tribunal. Le temple de Jupiter. La maison de ville. Le trĂ©sor public. Les prisons. forum, et celle de la basilique qui sont gravĂ©es dans la planche / '/. juv; i 7 L'ARCHITECTURE DE VITRUVE. PLANCHE X V FIGURE I.ℱ Chap. i, Liv. Y. Coupe du Forum 7 prise sur la ligne 1 . 1 . du plan qui se trouve dans la planche prĂ©cĂ©dente, ou toutes les lettres qui se rapportent h celle-ci sont expliquĂ©es. FIGURE II. Chap. 1 et a , Liv. V. Coupe du Forum,, de la Basilique et du Temple , prise sur la ligne 2 . 2 . de la planche prĂ©cĂ©dente, oĂč toutes les lettres qui se rapportent Ă  celle-ci sont expliquĂ©es, exceptĂ© cependant les chiffres suivants. 1. 3. ParastratƓ altos pedes 20. 2. 2. Allas parastratƓ pedum 18. 5 . 3 , Spatia relicta luminibus. 4 . 4 . Trahes ex tribus tignis bipedalĂŻbus. Pilastres hauts de 20 pieds. Autres pilastres hauts de 18 pieds, fluide des fenĂȘtres. Architrave composĂ© de trois poutres de deux pieds cVĂšpaisseur. FIGURE III. Chap. 10, Liv. Y. Vianet coupe reprĂ©sentant l’intĂ©rieur d’une salle de bain. A. Balneum. a. a. Labrum. d. d. Alveus. 13 . Schola. C. Gradus. e. e. Pluteum. Le bain;, Le bord de la baignoire. La loge. Lieu oĂč l’on attend avant d’entrer dans le bain. Bains qui rĂ©gnent tout autour. Balustrade. FIGURE IV. Chap. 10, Liv. V. . i UL’H I ^iÀ’l 5 i 9 L’ARCHITECTURE DE YITRUVE. PLANCHE. XVI. FIGURE I.” Plan du théùtre des Romains. Depuis le Chap. 3 , jusqu’au Chap. 9 , Liv. Y. K. Spatia ad ornatus comparata. L. Itinera versurarum. M. Trigoni versatiles. N. Portions posi scenam. O. IlypĂŠthrƓ ambulationes. suivant les diverses espĂšces de scĂšne. Passages dans les cĂŽtĂ©s de la scĂšne. Machines triangulaires , sur lesquelles sont peintes les dĂ©corations pour les trois changements de scĂšne. Portique derriĂšre la scĂšne. Promenoir dĂ©couvert. FIGURE II. Coupe du mĂȘme théùtre sur la ligne XX. du plan. Ce sont les mĂȘmes lettres que dans le plan , puisqu ’elles indiquent les mĂȘmes parties ; on oient de les expliquer ci-dessus ftg. qui est celle du plan. PP. AperturƓ cellarinn, in quitus vasa Ɠrea. Ouverture des cases dans lesquelles on pĂźaçoit les vases de bronze. FIGURE III. 1 Vue de la scĂšne. tt Les lettres sont encore les mĂȘmes que dans le plan ; celle qui indique un objet dans le planl’indique aussi dans l’élĂ©vation voyez ci-dessus Jig. i. re a. Podium. b. ColumnƓ inferiores. c. ColumnƓ superiores. - PiĂ©destal. Premier rang de colonnes. Second rang de colonnes* r -, -dĂštjf' A. Orchestra. L’orchestre. j G. Proscenium. La scĂšne. B. Gradus. DegrĂ©s servant de siĂšges. i 1 r C, PrƓcinctio. PrĂ©cinction_, ou pallier semi-circulaire. D. Portions. Portique supĂ©rieur. '.j E. ScalƓ inter cuneos. Escaliers qui sĂ©parent les amas de degrĂ©s servant de siĂšges. ? 1 F. Aditus. Passages. li H. ValvƓ regiƓ. Porte royale. Porte des Ă©trangers. X _ 1 f 1 1 f _ . ‱ ? _ 1 . . . L Hospitalia. PI. XVI. _ in'font Ăżj . Mm MnwTHilirhHmHiiwwnwmiHiiHiiiiimirimrtintiiHimHiiumumĂźiiHinniiminnimi rtH WHHHW B ’fss ^HUHIIIIHIHIHIIIIIIItlIlllimi fMlM jk iu ,m*jJ 152 521 L'ARCHITECTURE DE V I T R U V E. PLANCHE XVII. FIGURE I.” Vlan du théùtre des Grecs. Depuis le Chap. 3 , jusqu’au Chap. g , Liv. V. our qu’on puisse comprendre plus aisĂ©ment comment l’on construisoit les théùtres, j’ai divisĂ©, en quatre sections , la partie de ce plan , qui, sans cela , auroit Ă©tĂ© absolument la mĂȘme que dans le théùtre des Romains , reprĂ©sentĂ© dans la planche prĂ©cĂ©dente. La premiĂšre division , depuis a , jusqu’à b, montre le plan infĂ©rieur, par consĂ©quent, les entrĂ©es de l’orchestre, par les passages ff. La seconde depuis b , jusqu’à o, indique le plan pris au niveau de la premiĂšre prĂ©cinction ; on y voit les escaliers II, par lesquels on monte Ă  cette prĂ©cinction. Dans la troisiĂšme., c’est-Ă -dire, depuis c , jusqu’à d, on voit la direction des escaliers qui conduisent au portique supĂ©rieur, oĂč se plaçoient les dames. Par les escaliers 33 , on montoil jusqu’à 44 ; et par ceux 44 , jusqu’à Ô5. La pointe des flĂšches, qui sont placĂ©es sur les escaliers, indique leur direction en montant. Finalement, la quatriĂšme division, depuis d , jusqu’à e, indique le plan de l’intĂ©rieur du portique d’en haut, et le circuit que forment les siĂšges. FIGURE IL Trois Coupes diffĂ©rentes , prises dans les degrĂ©s ou siĂšges des théùtres. I. Coupe de la premiĂšre division a b, qui reprĂ©sente les passages pour se rendre dans l’orchestre. II. Coupe de la deuxiĂšme division b c, qui fait voir comment on montoit Ă  la premiĂšre prĂ©cinction. III. Coupe de la troisiĂšme division c d , qui fait voir tous les escaliers qui conduisoient au portique supĂ©rieur. FIGURE III. Partie des siĂšges ou degrĂ©s BB. sur lesquels on Ă©toit au théùtre, et des escaliers EE. pour y parvenir, gravĂ©s sur une plus grande Ă©chelle. FIGURE IV. Vase de bronze renversĂ©, dont le bord du cĂŽtĂ© de la scĂšne est soulevĂ© par un support , qui ne peut avoir moins dĂ© un demi-pied de haut. 11 iiillĂŒi 1 ksiiii 523 L'ARCHITECTURE DE V I T R U V E. PLANCHE X Y I I I. Vlan dune palestre comme on les construit en GrĂšce. Chap. ii, Liv. 1Y. À. Peristylia quadrata duorum stadiorum. I, 2. 3. TrĂšs porticus simplices. 4. 4. Porticus duplex. BB. Exedrge spatiosƓ. C. EphƓbeum. D. Coriceum. E. Conisterium. F. Frigida lavatio. G. TlƓothesium. H. Frigidarium. J. lier in propnigeum. L. Propnigeum. M. Concamerata sudatio. N. Faconicum. O. Calida lavatio. Les dehors 5. 6. 7. Porticus Li'es. 6. Porticus duplex. 7. Xistus. aa. MĂ rgines sive semitĂŠ. bb. Medium excavatum. cc. Gradus bini. QQ. SilvĂŠ. !Ppy S'»\’~' ss%n W&R L’ ARCHITECTURE DE VITRUVE. PLANCHE XX. Plan dune Maison Grecque. Liv. YI, Gyneconitis. A. Itinera non spatiosci s eu tyrorion. B. Equilia. C. Ostiariorum cellos. D. JanuƓ inter tores. E. PeristyĂźion . i. 2 . 3. TrĂšs portions. 4. 4. AntĂŠ spatio cimplo distantes. F. Prostas seu Parastas. G. Eci magni ad lanificia. ' HH. Thalami. II. Amphithalami. KK. Triclinia quoiidiana , cubicula , et cellƓ familiaricƓ. Andronitides. 4 L. Peristylia latiora. M. Vesiibula egregia. N. Triclynia cizycena et pinacothecƓ. O. BibliothecƓ. P. ExedrĂŠ. Q. Eci quadrati. BR. ITospitalia. SS. MesaulƓ. Chap. io. Habitation des femmes. Petit passage. L J Ă© curie. ' La loge du portier. Les portes de l’intĂ©rieur. Le pĂ©ristyle. Trois portiques. Deux pilastres trĂšs-Ă©loignĂ©s l’un de l’autre. Prostade, ou grande loge ouverte par-devant. Grande salle servant d’ouvroir pour y filer de la laine. Chambres Ă  coucher. Antichambres. Tricline ou chambre Ă  manger journaliĂšre , et habitation pour les servantes. Habitation des hommes. PĂ©ristyle beaucoup plus spacieux. Vestibules magnilicptes. Salles Ă  manger nommĂ©es cizycĂšnes, et cabinets de tableaux'. BibliothĂšques. Salles pour recevoir , et pour y faire la conversation. Salles carrĂ©es. Habitation des Ă©trangers. Passages. r-denm erdeMi J0 Ăź *?»? *$& ĂŒĂŒ u ;i !i!Vi'iÜiiUl'ljj!! ' i '" ' ' *^ 1 ’’ ' 1 * 11 ! !}j. &ĂŒiĂźiĂŒTf^j;!jjj 3t PLANCHE XXII. La cour Corinthienne . Chap. 3 et 4-? Liv. VI; Ce sont les mĂȘmes lettres , et elles indiquent Us mĂȘmes parties que dans la planche prĂ©cĂ©dente , oĂč on en trouve Vexplication. iliÆli 'iVs' 533 L’A R C II I T E C T^U RE DE V I T R U V E, PLANCHE XXIII. Les acqueducs. Chap. 6 et 7 , Liv. VIII. FIGURE I. re Dioptra. LibrƓ aquariƓ. Chorobcttes. AA.. RĂ©gula peclwji XX. Ancones. L’alidate. FIGURE II ET IIL Les niveaux d’eau, FIGURE IV. Le cliorobale. ‱RĂšgle de 20 pieds. Bouts de rĂšgles encastrĂ©s daus la premiĂšre, et formant avec elle des angles droits, BB. Trans vers aria. Travers. CC. LineƓ acl perpendiculum sub partibus DD. Lignes perpendiculaires que doivent couvrir les plombs DD. FF. Canalis pedum V, Canal long de 5 pieds. F I G U R E V. C hap. 7, Liv. VIII. A. Rivus. B. Specus sub terra . ' ' C. Putei. D. Columnaria . E. Sctxa rubra in geniculis. EE. Venter , en grec J Ccifaci. F. Substructio. G. Decursus. H. Expression I. Arcuatio. KK. Castella. * ÂŁj- Castellujn ad jnƓnia cum, triplici immissario. Conduit d’eau. Conduit souterrain. Puits. Ventouses. Pie rres rouges qu’on emploie pour former les angles. Ventre, on nommoit ainsi la partie du conduit qui occupoit le fond de la vallĂ©e. Substruction pour maintenir l’eau de niveau dans le fond de la vallĂ©e. Descente du conduit sur la pente du coteau. MontĂ©e du conduit sur le coteau opposĂ©. Arcades. Regards. Regard ou chĂąteau d’eau, bĂąti contre les murs de la ville , avec trois Ă©missaires. Et1^ pĂšv ,-vA? »4ÇW ^ i%^ SS5r —- ' 5 CK ttTJ;. ,- l v =ĂąstÂŁÂŁ3t oiisuw U ph»1 t M jjj4N L^ jJj i U S 3 9 L'ARCHITECTURE DE VITRUV1 PLANCHE XXVI. FIGURE I". Chap. 3. Liv. X. Machine appelĂ©e la chéçre , vue au moment ou on l'Ă©lÚçe. FIGURE IL Chap. 4 -1 Liv. X. Vue de la chéçre quand elle est dressĂ©e. Les poulies } qui sont les mĂȘmes dans ces deux machines } y sont indiquĂ©es par les mĂȘmes lettres. A. A. A. Tigna tria. B. Fibula. C. Trochlea y sive Rechamus. D. Duclarius funis. E. Trochlea inferior. F. Foramen , in quo caput funis religatur. G. G. Chelonia. II. Sucula. II. B ina foramina in quoe convenire possint K. K. vectes, L. ForfĂźces feçrei. M. Retinacula, N. PĂąli resupinati. O. Palus cum trochleĂą. P. Rota sive tympanum. R. Ergata. Les trois poutres qui la composent. La cheville qui les assemble par le haut. Poulie ou moufle. Cable pour tirer. Le moufle de dessous. Anneau dans lequel on attache l’extrĂ©mitĂ© du cable. Les amarres. Le moulinet. Deux trous percĂ©s aux deux extrĂ©mitĂ©s du moulinet pour y placer K K. les manivelles. Tenailles de fer. Les cordes qui retiennent la machine y comme les haubans tiennent le mĂąt d’un navire. Pieux inclinĂ©s , enfoncĂ©s dans la terre. Pieu avec une poulie. Roue ou tympan. Yindas. Trispastos. FIGURE III. Machine Ă  trois poulies. FIGURE IV. Pentaspaslos. Machine Ă  cinq poulies. FIGURE Y. Polispastos . Machine Ă  plusieurs poulies. Q. TrochleƓ cum duplicibus ordinibus orbiculorum. Moufle ayant deux rangs de poulies. S. TrochleƓ cum ternis ordinibus orbiculorum. Moufle ayant trois rangs de poulies» \FĂč/. 3 a3 a wmmm R. &&£‱ ‱*»>»***.- Wm ĂŻsgSEr JltAa 4 Sil L’ARCHITECTURE DE V I T R U V E. PLANCHE XXVII. FIGURE I.» Chap. Polispastos. A. Tignum. MM. Retinaculci. y. Tertia trochlea sive arlemon . G. Chelonici T. RĂ©gula longa pedes duos . 5, Liv. X. Machine ayant plusieurs poulies. Poutre dressĂ©e et retenue par des cordes comme les haubans tiennent le mĂąt d’un navire. TroisiĂšme moufle , autrement dit moufle ajoutĂ© aux autres. lies amarres. RĂšgle longue de deux pieds. FIGURE II. Chap. 6 , Liv. X. S Moyen employĂ© par Ctesiphon pour transporter les colonnes . eta. Scapi irons versarii. bb. Scapi longi. ce. Codaces. dd. Baculi ilignei. PiĂšces de bois placĂ©es en travers. PiĂšces de bois placĂ©es de long. Roulons de fer. Petites piĂšces de bois placĂ©es diagonalement dans les angles, pour fortifier la machine. F I G U R E I I I. Chap. 6 , Liv. X. I Moyen employĂ© par MĂštagene pour transporter les piĂšces de Ientablement. FIGURE IV. Chap. 6, Liv. X. !Moyen employĂ© par Paconius pour transporter la base de la statue colossale d'Apollon. % Wxxm />,/ / FujJV. cCSS-r?' /rjJ ^‱^.V'A'; Vi_I»C .v\ V ^.ÂŁ1 ^'W, **= Fis/. m. ^Fu/ // À**'* t 5 > Wj mm &fM i y;-// 7 i/ffl WM Ft\yfc. Iggg HĂŒ mmm mmmmm ĂȘsmm v»»v**v.**v*vv KH ill ia yjiÏÏmit-L 543 L'ARCHITECTURE DE V I T R ĂŒ Y E. PLANCHE XXVIII. La Catapulte. Chap. i 5 , 16 , 17 et 18, Liv. X. A A, Tabules in summo et in imo capituli. B B, Les piĂšces de bois qui sont au liant et au Parastatas dextrci ac sinistrĂ . C C , Anguli qua- bas du chapiteau. B B. Les poteaux qui sont Ă  tuor qui sunt circcl in lateribus et frontibus , droite et Ă  gauche. C C, Les quatre angles , quij, laminis ferreis et clavis conjixi. tarit sur les cĂŽtĂ©s que sur les devants , sont garnis de bandes de fer. D D. Canaliculus , syrinx dictas. Le petit canal nommĂ© syrinx. E E. RĂ©gulas duƓ in quas inclitur sucula. Tigna Les. deux rĂšgles dans lesquelles passe un moulinet ; longitudine amplissima dicitur. elles sont formĂ©es de deux longues piĂšces de bois. E F. CheloniƓ quƓ supra tigna figuntur ? et in Les amarres qu’on attache sur ces deux longues quibus inclucluntur suculƓ. G, Bucula, scamil- piĂšces de bois, et dans lesquelles on passe des lum vocata , securiclatis cardinibus fixa. H. moulinets. G. Le Buscula ou scamillon , joint par Scutula. I. Epiloxis. des tenons Ă  queue d’hirondelle. K. Chelo , sive manucla . L. Canalis fiundi. Le clielo ou manucla. L. Le canal qui est en bas. M. Columella. La petite colonne. N. Subjectio , Eschara dicta. Le chevalet appelĂ© la grille. Os'Chelonium , sive pulvinus ^ quod est supra mi- Le chelonium ou coussin qui est au-dessus delĂ  norem columnam quƓ GrƓce antibasis dicitur. petite colonne nommĂ©e en grec antibase. c. Subjectio. Le chevalet. Q. Sucula. B.. Brachii radix. S. Brachii summum. Le moulinet. R. Le bas des arbres. S. Le haut des arbres. TT. Modioli Ɠnei qui in capitula includuntur. Les barillets de cuivre enchĂąssĂ©s dans le chapiteau de la catapulte. Ce chapiteau, qu’on a gravĂ© sur une plus grande Ă©chelle , se place entre les deux poteaux BB, oĂč U est reprĂ©sentĂ© en petit. XXJ 71/ Asphalte , voyez Bitume. A rrirXyvov, herbe qui consume la rate , 33. Asseres , les cbevrons, 149 , 32i. Asseum , lieu" pour faire suer dans les bains , 241. Astaboras et Astacobas , sont deux fleuves de l’Afrique , 36o , 363. Assiette pour coucher l’or , 337. Astragale , m. L’Astragale de la colonne ionique n’appartient, point au chapiteau, 134- L’Astragale lesbien , 167. Astronomie !’ est nĂ©cessaire Ă  un architecte, 6. Astrologie T est prise par Vitruve pour l'astronomie , ibid. Les prĂ©dictions merveilleuses des Astrologues , 4^4- nG. Asty , voyez AthĂšnes. Ateliers pour les tapissiers et les peintres, 280. TABLE DES AthĂšnes , les Grecs la nommoient Asty , c’est-Ă - dire, la ville , 3oi. Atiios le mont , proposĂ© Ă  Alexandre pour ĂȘtre taillĂ© en forme d nomme, 5a. Atlas , espĂšce de Charialides , 287 , 288. Atomes de DĂ©mocrife , 56. Atramentum, noir de fumĂ©e, 344, 35a. Atrium , signifie une cour et jamais un vestibule, comme Perrault l’a cru abusivement , 274. Est le synonyme de Qwrnn Ædhim , ibid. Atticurge, base atticurge , 118. Ses proportions et ses formes sont toutes harmoniques , 128. Aubier. , ce que c’est , 8g. Auguste est l’Empereur Ă  qui Vitruve dĂ©die son ouvrage, 1 et suivantes. Il aimoit l’architecture ; il fit Ă©lever beaucoup d’édifices Ă  Rome, ibidem. On lui a rendu des honneurs divins avant sa mort, 3. Avoit un temple Ă  Fano , ibid. igo. Au la , explication de ce mot ,son Ă©timologie, 287. Aune , arbre , 84. Avocats les doivent ĂȘtre bien logĂ©s , 280. Aurelius , chargĂ© avec Vitruve d’entretenir les machines de guerre , 2. Autels les doivent ĂȘtre tournĂ©s vers l’Orient 180. Les autels des dieux du ciel doivent ĂȘtre hauts , et ceux des dieux de la terre et de la mer doivent ĂȘtre bas , 186. Automates , 121. AutoritĂ© T est un des fondements de l’architecture , i3 , 27. Axe de la volute ionique , 120. Axe , une ligne dans l’Analemme , 4*8. ailpjov le lendemain , 45. AzurĂ© artificiel , 345. AzurĂ© naturel , ou lapis lĂŒzuli , ibid. B. bĂątie debriques et de bitume, 3g, 4i , 367^ Bains les doivent ĂȘtre tournĂ©s au couchant i4» 23g. Bains des maisons de campagne , 282. Le fourneau qui Ă©chauffe les bains, i3g. VoĂ»tes des bains, a4o. Grandeur et proportion des bains, ibid. Leur reposoir et leur corridor, ibid. Le bain appelĂ© Lalron , 246. Balance romaine, ou peson, 445. Baliste et Catapulte sont souvent pris pour une mĂȘme machine par les auteurs latins , 455* Baiiste , machine de guerre , 5. Son chapiteau , 467. Grosseur des cables qui bandoient les balistes, ibid. Explication de la structure des balistes, ‱* 468. Les proportion du trou de la baliste , 4674 Balle que l’on faisoit rouler dans les fourneaux des bains , pour juger s’ils avoient la pente nĂ©cessaire , 23g. Baltens , ceinture de la volute ionique ? ĂŻ3l ’ Balustre de la volute ionique , ibid. Banauson , genre de machine 7 43** MATIERES. 54G Barillets, ou corps de pompe dans la machine de Ctesibius, 454- Bans la machine hydraulique des orgues , 455, 458. Barillet dans le chapiteau de la catapulte et dans celui de la baliste , 47°. BarriĂšre , 288. Basiliques les 18g. La basilique de Fano bĂątie- par Vitruve , zgo. Les basiliques Ă©toient pour les marchands et pour y rendre la justice, ibid. Basilique julienne Ă  AquilĂ©e , ibid. Base la d’une colonne reprĂ©sente la chaussure d’une femme, i4i. Pourquoi elle “est appelĂ©e Spira , i44. Sa saillie appelĂ©e Ephoru , 118. Base atticurge , ibid. Base ionique , ng. Les colonnes anciennement n’avoient point de bases, 14. BeautĂ© la d’un Ă©difice dĂ©pend sur-tout de la proportion , g4- Belier , machine de guerre pour abattre les murs des villes que l’on assiĂšge , 3g. Sa premiĂšre invention , 471. Il Ă©toit enfermĂ© dans une tortue , 472. On appeloit criodoche la machine Ă  belier, 473. Description du belier , 478. Sa pesanteur , 479- Bergeries les, 283. Berose , chaldĂ©en, rĂ©pand son systĂšme astronomique en Asie et dans la GrĂšce , 4°3, 4*4* Bes , partie de l’as , ga. BibliothĂšques les doivent ĂȘtre exposĂ©es au levant , i4 , 27g, 286. BibliothĂšque la des rois Attaliques Ă  Pergame, 2g8 , 307. Celle du roi PlolomĂ©e Ă  Alexandrie , 2g8 , 307. BiensĂ©ance la dans l’architecture, 12, 25. Bi fores , des portes Ă  deux battants, 175. Bitume sert de mortier aux murs de Babylone, 3g , 4i , 366. Bitumeuses les causes purgent, 365. Blancheur la est superbe , 3i8. Bleu le des anciens, 345. Bleu d’outremer , ibid. Bois Ă  bĂątir , 82. Le temps propre pour le couper , ibid. Bois de platanes , 247. Borax, 347. Bouclier pour fermer l’ouverture qui Ă©toit au haut des Ă©tuves , 244. Bras , ou arbres des catapultes et des balistes , 465 et suivantes. Briques non cuites , 5g. EmployĂ©es Ă  des murs qui doivent soutenir des terres , 57. Orr les lais- soit sĂ©cher cinq annĂ©es avant que de les employer , ibid. Plusieurs Ă©difices de Rome et de la GrĂšce , bĂątis de ces briques crues , 5g. Quand elles sont bien sĂšches , elles nagent sur l’eau, 58. De quelle terre, en quel temps et de quelle forme on doit faire les briques, 57. Il y avoit trois sortes de briques , ibid. On mĂȘloit de la paille ou du foin avec la terre dont on les faisoit , ibid. Les Ă©difices de briques sont estimĂ©s durer davantage que ceux qui sont bĂątis de pierres , 75. 11 y a quantitĂ© de beaux palais anciens qui ne sont bĂątis que de briques, ibid. 547 TABLE DES Bruit le ne frappe point l’oreille par des cercles qui se font dans Pair agitĂ©, aoo. Les vĂ©ritables causes du bruit, 204. Bru ma , le temps de l’annĂ©e oĂč les jours sont plus courts , 4o8. Buccula , tringles de bois dans la catapulte , 464* Explication de ce mot , ibid. Buis , 34* c. Cabanes de la Coichide, 54- Celles des Phrygiens, ibid. La cabane de Romulus , couverte de chaume , se voyoit encore Ă  Rome du temps de Yitruve , 55. K Cabinets de tableaux doivent ĂȘtre tournĂ©s au septentrion, 38o. Proportions des cabinets de conversation, 37g. Cabinets de tableaux, ibid. Cables faits de cheveux de femme ou de boyaux pour les balistes , 467. Cadrans au soleil , iij. Les anciens en avoient de plusieurs sortes , savoir l’Hemicycle, la Scaphe, l’HĂ©misphĂšre, le Disque, l’AraignĂ©e, le Plinthe, le Prostahistoromena, le Prospanelima, le Pele- cinon , le Carquois, le Gonarque, l’Engonate, l’AnliborĂ©e , le CĂŽne, etc. 4 2 °- Calculi Rotundi , 4 22 - Caldarium , partie des bains , 243. Callimaque invente le chapiteau corinthien , Camahieu , 335. CamĂ©ra , voĂ»te , 3i6. Camillem , une des piĂšces de la catapulte, 464» Camaisseur, ibid. Ils Ă©toientdedeux maniĂšres, ibid. Les degrĂ©s des théùtres, 199, 223 . Leur hauteur et leur largeur , 200 , 228» Proportion de la hauteur des degrĂ©s des escaliers prise du triangle rectangle de PyĂźagore , 3 g 3 . DeliqĂŒ iĂŠ , les toits qui rejettent l’eau en dehors, 271. Deeubra , XII . Drlumbata Lacunaria , des planchers en voĂ»te surbaissĂ©e , 273. DeMETRIUS P O L l O R C. ETES , /,82. DĂ©mocrite a Ă©crit, un livre de physique. , il mettoit les atomes pour principe de toutes choses, 56 . "Vitruve lui attribue la composition des constellations , 4-i 4- D enier composĂ© de dix as, 92. Denticule , 122 Dans l’ordre dorique du théùtre de Marcellus , 27. La hauteur du denticule de la corniche ionique, 122. Proportions de sa coupure , ibid. Les denticules reprĂ©sentent les bouts des chevrons, i48. lis ne doivent point ĂȘtre mis sous les modifions , 148. Depalatio , situation du gnomon, 4 J 7 - Dextans, dodrans ,. portion de l’as, 9a. Diane d’EphĂšse, quel Ă©toit son temple, 1 4 1 ‱ Diane templede magnĂ©sie, 18, 3 oo. Diapason, octave, 214. Diapente, quinte, ibid. , 107. Di atessaron, quarte, 2i4- Diathyron , barriĂšre , 288. Diatonique, genre de chant, 207. U/atonous , pierre Ă  double parement, 74* Diaveon, 246. Diazomata , les prĂ©cinctions des degrĂ©s des théùtres, 2o3. Dichaeea , petite piĂšce de monnoie, 92. Diooron , sorte de brique , 57. DiĂšse , 207. Diezeugmenon , tetracorde disjoint, 209. Diminution des colonnes, diffĂ©rente Ă  proportion de leur hauteur, no. Raison de cette diffĂ©rente diminution , ibid. ManiĂšre pour tracer la diminution des colonnes, 116. Diminution des colonnes Ă  l’égard l’une de l’autre, lorsqu’elles sont mises l’une sur l'autre, 189. Dimoeron , portion de l’as , 92. DinocrĂątes , architecte d’Alexandre, 5 i. BĂątit la ville d’Alexandrie , ibid. Diognete, architecte maltraitĂ© par les Pihodiens, et bien vengĂ© ensuite , 481 ‱ Dioptres, 376, 377. DipecaĂŻce , deux cubes, 12. Diplacion , portion de l’as , 92. DiptĂšre , 98. Disdiapason, double octave, 214» matiĂšres. DisPLvyiATĂŒM , lieu oĂč il pleut, 271. Disposition la d’un bĂątiment se reprĂ©sente de trois maniĂšres, 12. La disposition des colonnes est de cinq espĂšces selon vitruve, 107. La disposition d’un bĂątiment doit ĂȘtre diffĂ©rente selon les climats, 279. Disque, espĂšce de cadran au soleil, 420. Distribution la , d’un bĂątiment consiste- Ă©n deux choses, i4 , 27. Distribution la du dedans des temples, 161. DitonĂŒm ou Diton , 207. Dix le nombre de est le plus parfait, g 5 . Do ei via , 283. DĂŽme des temples ronds ou tolus, 184. Dorique origine de l’ordre , x4o. La colonne dorique n’eut au commencement que six diamĂštres de hauteur, i 4 i. On lui en donna ensuite sept, ibid. Cet ordre est embaxrassant Ă  cause des tri- gĂźyphes, i 52 . L’ordre dorique pour les temples est plus grossier que celui qui est pour les portiques de derriĂšre les théùtres, i 54 - Proportion des membres de la colonne dorique, x 53 . La corniche dorique , ibid. Les cannelures, x 55 . La porte dorique, 166, 169. Doublement des colonnes, 114. Doubler la maniĂšre de le carrĂ©, 391. DuretĂ© ce qui fait la des corps, 62,64. Doucine , 171. E. Eau, principe de toutes choses, selon Taies, 353 , Il n’y a rien de plus nĂ©cessaire , ibid. , 3 y 4 - Elle est adorĂ©e par les Ă©gyptiens , 354 - L’eau de pluie est la meilleure, 35 g. Comment on peut connoĂźtre !a qualitĂ© des eaux, 375. La bonne eau est celle dans laquelle les lĂ©gumes se cuisent aisĂ©ment, ibid. Les mauvaises eaux causent les maladies des yeux et des jambes, 366 . Celles qui passent par des lieux alumineux , sulfurĂ©s et bitumineux ne valent rien pour la boisson ordinaire, 36 x. Et gĂ©nĂ©ralement toutes les eaux minĂ©rales qui Ă©chauffent, sont absolument contraires Ă  la vie , ibid. Les eaux sulfurĂ©es sont bonnes aux maladies des nerfs ; les alumineuses guĂ©rissent la paralysie ; les bitumineuses et les nitreuses purgent, 365 . Les eaux qui viennent des mines d’or, d’argent, de fer, de uivre , de plomb et des autres mĂ©taux , sont dangereuses Ă  boire, ibid. Elles causent la goutte, ibid. L’eau du fleuve Cidnus la guĂ©rit, 366 . Il y a des eaux qui ont une Ă©cume semblable Ă  du verre rouge, ibid. D’autres sont salĂ©es et produisent du sel, ibid. D’autres sont huileuses, ibid. D’autres ont une graisse qui surnage, qui a l’odeur du citron , 366 . D’autres jettent de la poix , du bitume liquide et du bitume endurci, ibid. D’autres pĂ©trifient ce qu’on y jette, 367. D’autres sont amĂšres, ibid. D’autres sont pleines d’os de serpens> ibid. D’autres ont une aigreur qui leur fait rompre les pierres de la 551 TABLE DES MATIERES. vessie, 369. D’autres enivrent; d’autres font haĂŻr le vin ; d’autres font enfler la gorge ; d’autres endurcissent l’esprit, ibid. D’autres font tomber les dents, 370. D’autres rendent la voix belle, 373. Les eaux ne sont point naturellement chaudes, 36i. Toutes les eaux chaudes ont une vertu mĂ©dicinale, 365. Les moyens de trouver de l’eau , 356. Les signes par lesquels on connoĂźt les lieux oĂč l’on doit trouver de l’eau , ibid. La maniĂšre de conduire les eaux, 376, 378. Quelle pente il faut donner aux eaux pour les conduire , 379. On mĂȘle du sel dans l’eau des citernes pour la rendre plus subtile, 382. Ecclesiasterium , c’est-Ă -dire , lieu d’assemblĂ©e. On nommoit ainsi le petit théùtre de la ville de Tralles, peint par Apaturius , 829. Echine ou quart de rond, i53. Proportion de l’échine du chapiteau dorique i53 , i58. EcpĂŒora , saillie des bases, 118. Saillie des parties de l’entablement, i58. Ecuries, 283. Edifices publics, comme on doit les placer, 4g- ElĂŠothesium , lieu oĂč l’on gardoit l’huile pour les athlĂštes, ElĂ©mens, tout estjcomposĂ© des quatre Ă©lĂ©mens, 32. InventĂ©s par Pytagore , 35, 353. ElĂ©vation T gĂ©omĂ©trale, 20. Et l’élĂ©vation perspective , ibid. ElevĂ©s les lieux sont plus sains, 3i. Embates , module ou particule servant de mesure, 28, i53. Emplecton , espĂšce de maçonnerie , 74. Encabpi, vignettes ou guirlande du chapiteau ionique,' „ *44- Enduits les doivent ĂȘtre faits avec de la chaux Ă©teinte depuis long-temps, 3o8. Ils doivent ĂȘtre de plusieurs couches, afin d’ĂȘtre polis, 317. Enduits des lieux humides, 324., EnĂŒibata , vases de verre , 455. Engonate, espĂšce de cadran au soleil, 420. Enharmonique le genre, 207. Ennius , poĂ«te latin, en quel temps il vivoit, 2. Entablement , i34- Parties qui le composent, ibid. Entasis , renflement de la colonne , 110, 116, i3y. Entre-colonnement, x 10. Les entre-colonnements Ă©troits font paroĂźtreles colonnes plus grosses, 10g, Les entre-colonnements serrĂ©s plaisoient aux anciens, xi3. Proportions des divers entre-colonne» rnents , ibid. Epagon , moufle qui tire Ă  soi, 44t* Eperon, 292. Epiikbeum , l’école des jeunes hommes, EpuectoN, epidimoeron, epipentamoeron, epitritos, partie de l’as , 92. Epibatra , machine montante , 4-7^. Episcenium , le second Ă©tage de la face de la scĂšne d’un théùtre, 3a6, 32g. Epistyle, io 3, 134,277. EpitĂ©thĂšdes , les grandes cymaises, 123, x35. Epitoxis , piĂšce de la catapulte , 464- Epizygis , une des parties de lĂ  baliste, 468. Equerre, la maniĂšre de la faire juste , inventĂ©e par Pytagore, 3g2. Equinoxes les et les solstices Ă©toient marquĂ©s par les anciens Ă  la huitiĂšme partie des signes, 4og. Erastostene a mesurĂ© le tour de la terre, 44> 47- A inventĂ© le mĂ©solabe, 3g6. Eruca , chenille, 347. ErysmĂŠ , arcs-boutants, Ă©perons, 296. Escabeaux piĂ©destal Ă  , 118, 127. Escaliers les des anciens Ă©toient bien plus rudes Ă  monter que les nĂŽtres, 126. Leur proportion Ă©toit prise du triangle rectangle de Pytagore, 3g3. Disposition des escaliers des théùtres, 204. Eschara , grille servant de base Ă  la machine appelĂ©e tortue, 475. Eschyle, poĂ«te tragique, 299. Esprit la beautĂ© de 1’ moins estimĂ©e par les anciens , que la force et l’adresse du corps, pourquoi, 389,3go. Etage chaque avoit son ordre dans les Ă©difices des anciens, 26. Etables Ă  bƓufs, 283. Etoiles, leur cours, 399. Ont des tempĂ©raments diffĂ©rents, 4o3. Etuves des bains , 240, ?44>246 1 2 49- Eu angĂ©lus y nom donnĂ© au berger qui dĂ©couvrit la carriĂšre de marbre dont le temple d’EphĂšse fut bĂąti, 445. Euripide , poĂ«te, surnommĂ© le philosophe du théùtre, 353. Eurhythmie, 12, 22. Eustyle , 108. Il est de la plus belle ordonnance, ibid. et 112. Eutheia , effet de la ligne droite dans la mĂ©canique , 445- Excunearb , explication de ce mot, 204. Exedra , salle de conversation, 248, 275, 3l8. Exisona , explication de ce mot, 179. Expolitiones , sorte d’enduit, 3i5. Exposition commode des appartements, 279. Express 10 , explication de ce mot, i65. 024. sv'pyxcc, c’est-Ă -dire, je l’ai trouvĂ©. ArchimĂšde emploie ce mot pour exprimer sa satisfaction, d’avoir trouvĂ© le moyen de dĂ©couvrir combien on avoit mĂȘlĂ© d’argent dans une couronne d’or, 396. F. Faces ou bandes des architraves , 122. Des chambranles , 168. FaĂźtage , i46. F*no , sa basilique bĂątie par - "Vitruve , 190. Fanum , diffĂ©rence qu’il y a entre le mot Faiium et celui Templum , ni , i4o. Farnio , arbre , §5 , 3o$. TABLE DES MATIÈRES, $5i FASTi&tĂŒM , fronton, *35 , 196. FAvi , carreaux hexagones , 3ia. Faux porter Ă , 291 , 292, Femmes les ne mangeoient pas avec les hommes chez les Grecs, 286, 28g. FĂ©mur , rĂšgle dans les triglyphes, *53. Fer Ă  moulin , J+Si. Ferme , assemblage de charpente, i4g. FĂȘtes il y avoit des aux solstices et aux Ă©quinoxes parmi les anciens, 409. Festons, 144. Feu le a Ă©tĂ© la premiĂšre occasion de la sociĂ©tĂ© des hommes, 53. C’est le principe de toutes choses selon HĂ©raclite, 56. Effet du feu sur la pierre calcaire , 62. Fleuron , au haut du temple pĂ©riptĂšre rond, 178. Fleuves les sources des grands viennent du cĂŽtĂ© du septentrion, 36o. Fleurs, roses du chapiteau corinthien, 147. Fenil , grenier au foin, 283. Foie le des animaux fait connoitre si les lieux sont sains ou non, 33. Fondements les des murs qui entourent les villes, comme on doit les faire, 3 t , 79. Quel doit ĂȘtre l’emplacement et la largeur aes fondements , 117, J25. Le fondement est la partie-la plus importante des Ă©difices, 291 , 294. Largeur des fondements quand il y a des caves, 291. * Fondi , fragment du mur de cette ville, bĂąti en maçonnerie irrĂ©guliĂšre, 80. FĂ»NTAiNESlesbouillantes, d’oĂč vient leur chaleur, 361. Il y a des fontaines d’eau fi’oide, qui bouillonnent comme si elles Ă©toient sur le feu , 364» Toutes les fontaines chaudes ont une vertu mĂ©dicinale, 365. Les meilleures fontaines sont celles qui existent vers le septentrion , 361. Forces les, i46. Les forces des toits des anciens, ou pour mieux dire, les extrĂ©mitĂ©s des chevalets, reprĂ©sentoient les modifions par leur saillie hors 1 du mur , 147. Fobcipes , tenailles pour prendre les pierres qu’on Ă©lĂšve, 436. Fortifications des anciens , 37 et suiv. Fortune Ă©questre temple de la, 107. Forum , la place publique, 189. Foudres , taillĂ©s dans la corniche dorique, i54- Fourneaux des Ă©tuves et des bains , 23g. FrĂȘne, arbre , 84. Fresque, maniĂšre de peindre, 3ig. Frigidarium , fieu dans les bains pour se rafraĂźchir, 245. Frise, 122. Etymologie de ce mot, ibid. Froids lespays sont plus sains que les pays chauds, 32. Les maladies causĂ©es par le froid sont difficiles Ă  guĂ©rir, 43. Fronton , est le Fastigium des anciens , i35. Sa pro- ortion selon \itruve, ibid.; selon Scamozzi, ibtd. es anciens ne mettoient daçs les frontons ni mo- * dillons ni denticules, i48. Le fronton doit toujours ĂȘtre sur la largeur du bĂątiment, et jamais sur la longueur, i 5 i. Il doit occuper la partie la plus Ă©levĂ©e, ibid. Fronton dans l’ordre toscan, 178. Frontons qui ne soutiennent point le toit, *35. Jamees les maux de sont souvent causĂ©s parles mauvaises eaux, 366. Jeux des anciens, 201, 247, 248. Jonc d’Espagne, nommĂ© sparte , 322. Joncs de marais, 256. Jour le des anciens Ă©toit partagĂ© en douze heures, depuis le lever jusqu’au coucher du soleil, 407. Jour le doit ĂȘtre recherchĂ© sur toutes choses dans les Ă©difices, 278, 284* Principalement pour les escaliers et les passages, 284. Jugement le de la vue, 122, 161,265. Le jugement de Fouie, 200. Jupiter la planĂšte de fait son cours en onze ans et trois cent vingt-trois jours , 4oi- Jurisprudence la est nĂ©cessaire Ă  un architecte, K oiXia, ventre, 38o. Voyez Coilia. KĂŻkliken Kinesin , mouvement circulaire, 43i. L. Labrum , le bord du bassin ou de la cuve oĂč l’on se baigne, 245 ,3g5. Laconicum , Ă©tuve, 240 , 244 ? 246 ? 343, 344- Lacotome, ligne pour marquer les signes dans l’ana- lĂȘme, 418 . Lacunaria , les plafonds, 170, 273, 3i6. La eus , endroit oĂč l’eau se rĂ©unissoit Ă  Borne, 384* Lait de chaux , n'est point Valbarium opus des anciens , 198, 3i6. Lambris, 325. Lampe une allumĂ©e , Ă©tant descendue dans un puits , s’éteint quand il exhale des vapeurs mĂ©phit tiques , 38x , 387 . TABLE DES Lamterme , la > d’un dĂŽme , i83. Lapis lazuli, azur naturel, 345, Laqueare , plancher, 3i6. Larix, arbre, 85. Histoire de l’incombustibilitĂ© du larix, ibid. Larmier le,ia3, i 5/ h . Laser, plante fĂ©rulacĂ©e du pays CirĂ©naĂŻque, 367. Lentilles, au nombre de cent huit dans la drachme, 101. Lepta , la plus petite partie de l’as , ibid. Legier , architecte , sa rĂ©ponse au roi de Prusse , 11. LeucophĂŠa , ' couleur, explication de ce mot, 3G8. 1,EVIER, 433. Llaison maçonnerie en, 73. Libella, de niveau , en ligne droite, i33. Liera ayucuia , niveau pour les eaux , 377. Liciianos , intervalle des tons de musique , 208. Liege, arbre, 84- Lien, piĂšce de charpente , 817. Lieux les sains , ou qui ne le sont pas, 3i. Limace , ou vis d’ArchimĂšde , 452. LimnĂ© AsphallU , lac bitumineux prĂšs de lĂźabylone, 366. Limon de l’escalier, 3g3. Linteau, 181. Liparis, fleuve de Cilicie, 366. Listeau , espĂšce de moulure , 181. LivellarĂŠ AquƓ , prendre le niveau d’eau, 377. Loculamentum , piĂšce de la catapulte, 4-64- Logeion , le lieu oĂč l’on rĂ©ciloit dans les théùtres , 23l. Lautron, bain d’eau froide, 246. Louve , instrument pour lever les grosses pierres , 436. JjUcifer , l’étoile du matin , 4°o- LĂŒdi , lĂ©s jeux, 201. Lune temps du cours de la , 4°°? 4°3. DiffĂ©rentes opinions des anciens sur les raisons des diverses apparences delĂ  lune, 4°3- Elle est comme un miroir, 4°4- M. Machine , ce que c’est, 431. 11 y en a de trois genres , savoir l’acrobatique , la pneumatique et la banautique, 43 i- Machine et organe', en quoi diffĂšrent , 43a, 433. Machine pour Ă©lever les fardeaux, 435. Machine inventĂ©e par Ctesibius, pour prendre un miroir , 4 21 - Autres machines de l’invention de Ctesibius, ibid. Machine pour savoir combien on a fait de chemin , 460- Plusieurs machines pour Ă©lever l’eau , savoir le tympan, 45o. La roue Ă  caisse , ibid. La roue Ă  chapelet, ibid. La vis d’ArchimĂšde , 45a. La pompe de Ctesibius, 454- Machine hydraulique qui fait jouer des orgues , 455. Machine montante, 4?3. matiĂšres. 554 Elle est appelĂ©e epibathra , ibid. Machines de guerre, savoir les scorpions, les catapultes, 463. L’onagre, la baliste, 467- 11 y a des machines qui ne rĂ©ussissent pas en grand comme en petit, 483. Maçonnerie, ses diffĂ©rentes espĂšces, 73. — Maçonnerie ou structure des grecs, 74* La maillĂ©e, 73. La structure en liaison, 74. Maisons , les doivent ĂȘtre diffĂ©remment disposĂ©es, selon les diffĂ©rentes qualitĂ©s de ceux qui les doivent habiter, 280. Les maisons de campagne, ibid. Les maisons des grecs, 286. Celles des romains, 275. Malleoli , des brĂ»lots, 485. Manacus , ligne pour les mois dans l’analĂȘme, 4i8. ManubalistĂŠ-, petites balistes , 432. Manucla , piĂšces dans la catapulte, 464? 4?8- Marais pontins rĂ©pandent un air trĂšs-malsain , 36. Marches des degrĂ©s des escaliers des temples des anciens Ă©toient beaucoup plus hautes que nous ne les faisons Ă  prĂ©sent, 118,. 126. MarĂ©cageux les lieux sont malsains, 33. Principalement si les marais sont des eaux dormant es, n’étant pas jointes Ă  des riviĂšres , 34- Les marais qui sont proche de la mer, et tournĂ©s au septentrion Ă  l’égard de la ville, ne sont pas si malsains, ibid. La vilie des Salapiens fut transportĂ©e ailleurs , Ă  cause des marais qui la rendoient malsaine , ibid. Ma ri us trophĂ©e de, io4- " Marqueterie , 176. Marbre , bon Ă  faire le stuc „ 332. Marmoratum , stuc, 3i6, 320. Mars la planĂšte de fait son cours en 683 jours,4oi. MataxĂŠ , fascines, 320. Materia , signification de ce mot ,478*. Mausole fait bĂątir son palais de briques, 75. MausoiĂ©e, une des sept merveilles du monde, ibid. MĂ©caniques les, 445- Le mouvement circulaire est le premier principe de la mĂ©canique, ibid. , histoire, genre de peinture, 33i. MĂ©lĂšze, arbre, 84. Melin uia , couleur mĂ©line, 334- Menuiserie des portes, 168. Mercure et de "VĂ©nus les planĂštes de tournent autour du soleil, 4°o. Mercure fait son cours en 36o j ours, ibid. ManiĂšre de trouver la ligne mĂ©ridienne, 417- MeroË, royaume d’Afrique, 36o. Sa situation, 363. Merones, des sacs pleins de terre grasse pour emplir les batardeaux, 256. Meros , c’est-Ă -dire, cuisses , partie du triglyphe, i53 et 154- MĂ©saule, petite allĂ©e entre deux corps de logis , 287. Mese , une des phtongues de la musique des anciens, 208. MĂ©solabe, inventĂ© par Eratosthene , pour prendre une moyenne proportionnelle , 3g5. Meson , le tĂ©tracorae du milieu, 208. 555 MĂ©taux et minĂ©raux n’étoient pas distinguĂ©s par les anciens, 336. Metagenes , invente une machine pour amener les architraves du temple d’EphĂšse, 443» Musique mĂ©trique, sog. MĂ©tochĂ©, coupure du denticule, 122. * MĂ©tope, les mĂ©topes doivent ĂȘtre aussi longues que larges, i 52. Anciennement cet espace Ă©toitvide, i5o. Les demi-mĂ©topes, i54, i58. Mine pour prendre les villes, 482. MinĂ©raux et mĂ©taux n’étoient pas distinguĂ©s par les anciens, 336. Minium , nom latin du cinabre, 327. La sandaraque des anciens se nomme minium en françois, 336 , 346. MitylĂšne , ville mal exposĂ©e Ă  l’égard des vents , 42. Mobiles fonds, Vilruve nomme ainsi les pistons des pompes, 456. ModĂšles les , pour les Ă©difices , 21. Ceux d’ArcĂ©silas , ibid. Les modĂšles sont utiles aux architectes pour se faire comprendre des ouvriers, ibid. Modillons et mutules , 147- Son contour appelĂ© Sinnare en latin, i 5 i. On les attribue quelquefois Ă  l’ordre ionique et corinthien, ibid. On ne doit point mettre de modifions au-dessus des den- ticules, i48. Les anciens n’en mettoient point aux frontons , ibid. Module , ce que c’est, 25. Vitruve emploie pour module, le diamĂštre entier de la colonne, hormis pour la colonne dorique, n3, i53, 157. Module est appelĂ© embales , pour quelle raison, 25 , i53. Moellons , ig3. MĂŽle, pour couvrir les ports, i 52 , i58. Trois maniĂšres de bĂątir les mĂŽles, ibid. Monochrome, genre de peinture, 335. Monogramme , genre de peinture, ibid. MonoptĂšre rond, 178. Monotriglypiie , 253. Mortier , par quelle raison il s’endurcit , 64- Mortier de chaux et d’huile , 3io. MosaĂŻque, 3og, 3i3, 3i4. M OUFLE , pour les machines , 435- Moulinet , servant aux machines , ibid. Moulins Ă  bled , 283. Moulures, 12g. 'Moyennes proportionnelles, 3g6. Murs les des villes, leur largeur, 37. Ils doivent faire une enceinte , ibid. Ils doivent ĂȘtre fortifiĂ©s par des piĂšces de bois mises en travers, 38. Largeur des murs des temples, 161. ManiĂšre de les construire, i65- Les murs qui sont bĂątis de petites pierres sont plus forts , 78. Construction des murs qui soutiennent des terres , 2g2. Dans les murs, rien ne doit porter Ă  faux, 2gi. Claoi ,, clous Ă  tĂȘte de mouche, 824. Musique la elle est nĂ©cessaire Ă  l’architecte , 5. Musique harmonique, 207 , 20g. MATIÈRES. Mutules , ils sont particuliĂšrement attribuĂ©s Ă  l’ordre dorique, 147- Les anciens les faisoient en penchant, ibid. Mutule dans l’ordre toscan, 178, 182. N Naissance ou congĂ©, 182. Nj os en ParaslasĂźn , temple Ă  antes , g7 Naufrage d’Aristippe , 257. Nectrum , filet du congĂ© , 182. Nef , ou intĂ©rieur des temples, 161. Nete , la corde qui sonne le ton le plus aigu , 208. Nil , description de son cours , 36o. Nitreuses les eaux purgent et fondent les Ă©crouelles , 365. Niveau , 376 Niveler, plusieurs maniĂšres de par le dioptre, le niveau pour l’eau et le chorobate , ibid. Noir de charbon , de fumĂ©e, de lie de vin brĂ»lĂ©e, 343. Nombres la division des , par dixaines est prise du nombre de nos doigts, g5, 101. Le nombre le plus parfait est le six, g5. Le nombre cubique deux cent seize fut choisi par Pitagore , pour y rĂ©duire ses prĂ©ceptes, r88. Noyau des pavĂ©s fait avec du ciment , 312. O ObĂ©lisques transportĂ©s d’Egypte Ă  Rome, 434* Obole, est la sixiĂšme partie de la drachme, cp. Ocre, couleur nommĂ©e Sil en latin, 333. Ocre attique , 334- Octave, 214. , g8. Odeon fi est prĂšs du théùtre d’AthĂšne , 238. , les grandes salles, 276. GEcqnomia , une des parties de l’architecture, i4- 2 7 OEĂŻl de Ja volute ionique , 120 , i 3 i. Oiax -, la barre ou le manche du gouvernail, 447> Oiseaux les ont peu d'humiditĂ©, selon Vitruve jj 32. Olivier 1’ n’est point sujet Ă  la vermoulure, on mettoitdes bĂątons d’olivier entravers dans les murs des .villes, 37. Opes , signification de ce mot, 147 , i5o. Ofisthodomos , la porte de derriĂšre d’un temple,’ 102. Optique 1’ est nĂ©cessaire Ă  l'architecte, 4. O pus reticulatum , en maçonnerie, maillĂ©e, 7g, 80, O RBi eu lu s , anneaux, 3gg. Poulie, 436. Orchestre , le milieu du bas du théùtre , 202. DiffĂ©rence entre l’orchestre des théùtres grecs et celui des théùtres romains, 281, 284. Ordonnance des bĂątimens, 11, i5. Ordre d’architecture, i3g , i4o. Selon les ordres diffĂ©rents , la disposition des colonnes doit ĂȘtre diffĂ©rente TABLE DES 556 TABLE DES MATIERES. Oreiller chapiteau Ă , i 3 . Organe et machine, quelle est leur diffĂ©rence , 432 . Organique musique, 20g. Orme , arbre, 84. Ornamenta , ce qui est sur les colonnes ,‱ savoir ; l’architrave, la frise et la corniche, 146, 148. Ornemens , Vitruve nomme ainsi les parties de l’en- tabiement, 146, i48. O rpin minĂ©ral, 334 - Orthographie reprĂ©sente l’élĂ©vation de l’édifice, espĂšce de dessin , 12 , 20. Ortges , des tortues pour couvrir les pionniers, 477. OsĂŻer , on emploie son bois pour former la spirale de la vis d’ArchimĂšde , 452 . Ostrum , pourpre , 347- Ove , membre du chapiteau ionique , 121. Ourse T, constellation, 4 ° 9 i 4 11 * P. Paconius, architecte, rĂ©ussit mal dans l’invention d’une machine avec laquelle il avoit entrepris d’amener la base de la statue d’Apollon, 444 - PagmentĂŒm , assemblage des portes, 174. Pays lesfroids sont plus sains que les pays chauds, 3 i. Les pays mĂ©ridionaux et les septentrionaux rendent les corps divĂ©rsement tempĂ©rĂ©s et les esprits diffĂ©rents, 32 . Paysage, genre de peinture, 328. Palestre, lieu d’exercices, 246, 248. Paliers de repos de nos escaliers , comparĂ©s aux prĂ©cinctions des théùtres anciens, 19g. Palme, les grecs l’appellent doron , 57. Grandeur du palme, 223 . Pannes, piĂšces de bois dans les couvertures, i 4 g. Panneaux de la menuiserie des portes , 168. PrĂŠtorienne couleur , 334 ? 335 . Paramese , Paranete , noms des cordes de la lire ou cithare, 208. Parapet , 475 . ParastatĂŠ, antes, piliers, carrĂ©s, 97. , 286. Paries communis , murs communs, 6, 284. Paripate , nom d’une corde des ^instruments de musique , 208. Pastel, teinture, 34 g- PavĂ© , 3 o 8 . P A y IM eistu iĂżl, sectile , 3i2. Pavibe , Ă©timologie de ce mot, 3 i 3 . Paume jeu de, 246. Pecunia , pourquoi on a donnĂ© ce nom Ă  la mon- noie, 100. Peinture, ce que c’est, 827. Elle est de trois espĂšces, savoir le paysage, l’architecture et l’histoire, ibid. La peinture ne doit reprĂ©senter que les choses qui doivent exister, 328. Peinture monogramme, mono cro me , 335 . Peinture Ă  fresque, 3 19. Peliciuon , espĂšce de cadran au soleil, 1^20. Pentadoron , sorte de brique, 57.' Pentamoeron , la cinquiĂšme partie d’un tout, 96. Pente pour la conduite des eaux, 38 o. Peper/no , sorte de pierre dont on se sert Ă  Rome , 7 l 1 7 2, . . , Periactous , les machines qui font les changements de scĂšne aux théùtres , 227. Peribolon, parapet, 475. PĂ©riclĂšs , son siĂšcle Ă©toit celui de la bonne architecture, 18, 3 o 5 . Il fait bĂątir l'Ă©difice appelĂ© l’OdĂ©on, 238 . Embellit AthĂšne , 3 o 5 . Perdrom/das , 247, 288. PĂ©ridrome , 47 5 . Perichondes , les lieux qui rĂ©sonnent tout Ă  l’entour, 23 l. PĂ©riptĂšres, genre de temple , 98. La proportion des pĂ©riptĂšres se prend du nombre des colonnes , io 3 , 106. PĂ©riptĂšre rond, 178. PĂ©ristyle, 146. Ses proportions, ibid. PĂ©ristyle des maisons des anciens, 274, 28G. PĂ©ristyle des palestres , 146. PĂ©ristyles rhodiens , 286. Peristretos , le trou du chapiteau de la balisie, 468 . Peritrochon, la roue d’une grue, 44 . Perles les se fondent dans le vinaigre, 36 g. Peron es , des sacs qu’on empioyoit pour contenir la terre grasse dans la construction desbĂątardeaux, 256 . Perse statues de en maniĂšre de cariatides, 5 . Perspective, 20. Pesanteur la des choses dĂ©pend de leur nature , 337, 33 g. Pestum. commentlesmursde cetĂźeville sontbĂątis, 18. PĂ©trification , comment elle se fait, 367. Peuplier , arbre, 84. Phegos , arbre, ibid. Pu a la n ga rii , des porte-faix, 447 * Phrygie, maniĂšre d’y bĂątir, 54 . ’pOoyyoi , sons en gĂ©nĂ©ral qui comprennent les tons, demi-tons, etc., 208. Ils sont ou mobiles, ou immobiles , 206. Philosophie la est nĂ©cessaire Ă  un architecte , 4 » Phisiologie, les grecs nomment ainsi la physique; ibid. Pied le de l’homme est,selon Vitruve, la sixiĂšme partie de tout le corps, g 5 . Le pied romain et le palme , 223. PiĂ©destal, 118. PiĂ©destal en maniĂšre d’escabeau, ibid. , 127. Les piĂ©destaux des temples monoptĂšres ronds, 178. Pied-droit, 196. Pierres , leurs espĂšces, 69. Elles doivent ĂȘtre tirĂ©es de la carriĂšre en Ă©tĂ©, 70. Pierres de taille carrĂ©es, 81. Pierre de touche, nommĂ©e quelquefois Index , 3 g 5 . Pilastre , 161. Pilastres joints Ă  des colonnes, io 3 . Pilotis d’aune, d’olivier et de chĂȘne, 117. PinĂ x , le sommier des orgues des anciens , 4^7. PinnĂŠ , les marches des orgues des anciens, 45 g. Pin , arbre, 84. Ă© 55 7 TABLE D Pinacotkecm , les galeries de tableaux , 296. Piramidale , les Egyptiens ramenoient sans cesse cette forme , comme Ă©tant la base de toute soliditĂ© , i 3 i. Piston de la pompe de Ctesibius , 454 - Pistons , des pompes, 4 - 54 -. Pistons de la machine hydraulique qui fait jouer des orgues, 457. Pixodore , nom d’un berger qui trouva la carriĂšre de marbre dont le temple d'RphĂšse fut bĂąti , 44 - 5 . Place la publique, ou le Forum , 18g, 192. Plan le ou ichnographie , 12. Principes d’aprĂšs lesquels on doit tracer les plans, 16. Ancien plan de Rome trouvĂ© dans le temple de Romulus, 21. Planchers les en voĂ»te , 3 o 8 . Les planchers qui boivent l’eau, ibidem. Les planchers ne doivent porter que sur deux murs, 3 o 8 . PlanĂštes les ont leur mouvement propre d’Oc- cident en Orient , 3 gg. Les planĂštes s’arrĂȘtent quand elles sont Ă©loignĂ©es du soleil, parce qu’elles ne voyent pas assez clair dans leur chemin , 4oi. Le cours des planĂštes expliquĂ© par la comparaison des fourmis qui marchent sur la roue d’un potier , 4°2. Platane, arbre, 82. Platon invente la maniĂšre de doubler le carrĂ© , 3 gi. Plafond des corniches, i 54 , i 5 g. De la corniche dorique , i 54 - Plate-bande de l’architrave dorique, i 53 .Du chambranle dorique, 167. Du chambranle ionique, ibid. Du chambranle attique , 186. PlĂ©iades les , 288. Elles sont dans la queue du taureau , 4 IO> Pleuritides , les rĂšgles qui servoient Ă  boucher et Ă  donner le vent aux tuyaux des orgues des anciens ,457- Plinthe , le tailloir du chapiteau de l’ordre toscan est appelĂ© plinthe , 177. Plinthe des bases, 118, 12g. De la base toscane, 117 , 180. Plinthe, espĂšce de cadran au soleil, 4 2 °- Plis des vĂȘtements des femmes ont donnĂ© lieu Ă  l’invention des cannelures des colonnes , i4i. Plomb. Sceller avec du plomb , 448 . Plomb proportion des tuyaux de , 379. Plomb le rend l’eau dangereuse, quand elle est conduite par des tuyaux de ce mĂ©tal , 38 i. Plomb Ă , il faut, prendre garde que les ouvrages soient bien Ă  plomb , 291. Pluies , comment elles se forment, 36 i. Elles tombent plus souvent sur les montagnes que dans les plaines , 35 g. Fluteus , appui , 118 , 127, ig4 , 245, Pluteus , mantelet employĂ© dans les machines de guerre , ig 5 . Pneumatique , 43 s. Pnigeos , une maniĂšre d’entonnoir dans la machine hydraulique des orgues , 453. Podium , ballustrade , 118 , 127. PoĂ©tique musique , 209. ES MATIÈRES. Poinçon , piĂšce de charpente , 146. Poissons les ont peu d humiditĂ© , 32. Pourquoi ils ne peuvent vivre hors de l’eau , 35. PĂŽle le , 3gg. Polaire l’étoile, 4 ”* Poliorcetes , preneur de villes , surnom du roi Demetrius , 482. Polyspate , machine qui a un grand nombre de poulies , 44 ĂŻ. PoMpe de Ctesibius , 454 * Porches des temples, ou vestibule, 161. Porches des temples toscans , 117. Poteaux au-dessus des portes , 292. Portes les des villes doivent avoir leur chemin Ă  gauche , 37. Portes des temples sont de trois sortes , 166 , 16g. Porte dorique -, ibid. Porte ionique, 167, 172. Ses consoles, ibid. La menuiserie des portes , 168. Portes atticurges , 168, 175. Portiques les des basiliques , 190. Les portiques de derriĂšre le théùtre , 226 , 235 . Le portique des palestres , 247. Le portique rhodien, 286. Portiques des pĂ©ristyles des maisons des grecs , 287. Portique de^PompĂ©e, 235 . Ports les de mer , gĂątĂ©s par les riviĂšres , a 5 i. Postscenium , le derriĂšre du théùtre, 204. Posticum , le derriĂšre du temple , 102. Poterie tuyaux de , 38 o. Pourpre , 347. Pourpre blanche , ce qu’on entend par la , 349 - PoussĂ©e la de la terre est plus grande en hiver qu’en Ă©tĂ© , 292. Pouzzolane fait un mortier qui durcit dans l’eau, 66. Par quelle raison , ibid. Ses anciens noms, 67. II n’y en a pas en Toscane ni en GrĂšce , 68. Elle est propre Ă  bĂątir les mĂŽles pour les ports de mer, 25 a , 254 - Pratique sans thĂ©orie ne sauroit faire un architecte, 3 . PrĂŠcinctiones , des théùtres, 199. Ressembloient en quelque sorte aux paliers de nos escaliers , ibid. PrĂŠfv rnium , le fourneau des bains , 25 o. Pressoir , 282. Principes les de toutes choses , 56 . Prisons les , 197. Prodoiuos , le devant d’un temple , 102. Promenoirs , 235 . Pronaos , le dĂ©part ou le vestibule d’un temple, 102 , 161 , 162. Propnigeum , le fourneau des bains, 246. Proportion, 12, 22. 11 faut changer les proportions selon la distança Ă  laquelle les choses sont Ă©levĂ©es, cela se doit faire avec beaucoup de discrĂ©tion , 122. Les proportions ne doivent point ĂȘtre changĂ©es dans certaines choses , telles que sont les siĂšges, les prĂ©cinctions* et les escaliers des théùtres , 227. Proportions , comme on doit les rĂ©gler d’aprĂšs la nature du lieu, 265. Comme on doit les rĂ©gler dans la longueur, la largeur TABLE DES et la hauteur des piĂšces cjui composent les appartements, 273. Les proportions du corps humain , 94 ; Savoir si les proportions des membres d’architecture sont naturelles ou arbitraires, 26. Proscenium, ou la scĂšne d’un théùtre, 204, 216, 223 . Proslambanomenos , le premier ton du systĂšme de la musique des anciens , 208. Upog 7 rav fui , espĂšce de cadran au soleil, 420. Prostas, 286. > Prothyrides , consoles, 167. Prostyle , genre de temple, 97. Protyron , barriĂšre , 288. Protrygeton , qui devance les vendanges , 409. Protyron , espĂšce de vin , 368 . Provin demi a , Ă©toile qui devance les vendanges , 409. Pseudisodomum , espĂšce de maçonnerie , 74 » 79, 82. PseudodiptĂšre, un genre de temple, il est de l’invention d’HermogĂšne , et il a plusieurs avantages sur les autres genres de temples , 98. PseudopĂ©riptĂšre , 179. Pteromata , ailes ou cĂŽtĂ©s d’un temple, 102, 162. Puits , servant de soupiraux aux aqueducs, 38 o , 38 7 . PrĂ©cautions qu’il faut prendre en creusant les puits , 382. Pulpitum , l’endroit du théùtre sur lequel les acteurs viennent rĂ©citer , 204 , 21G, 223 . Purgatives eaux , dissolvantes, etc, 365 . Pulvinata Capitula, les chapitaux ioniques, i 3 , l 32 . Pupitre, l’endroit du théùtre sur lequel les acteurs rĂ©citent leurs rĂŽles, 20^, 216, 223 . Pycnostyle , 107. Pyramide des temples pĂ©riptĂšres ronds, 178. Pytagore , ses opinions, 10, 56 . Invente l’équerre qui se fait par le moyen du triangle rectangle, 392. Il avoit choisi le nombre cubique de deux cent seize , auquel il avoit rĂ©duit ses prĂ©ceptes , 188. Pytagoriciens , leurs dĂ©couvertes, 10. Pythius , architecte , a bĂąti le temple de Minerve Ă  PriĂšne , 7. Q. Quadrant , la troisiĂšme partie de l'as , 96. Quadres , ou bordures , 3 i 8 . Qu adrifores valv ĂŠ 1 une porte Ă  deux battants brisĂ©s ,175. Quart de rond ou Ă©chine , i 53 , i 58 . Quercus , arbre , 84 - Oueue d’hirondelle en menuiserie , 182. Quinarivs , module pour mesurer la capacitĂ© des MATIÈRES. i>58 tuyaux qui conduisoient, Ă  Rome, l’eau dans les habitations , 186. Quircvnx , les cinq douziĂšmes de l’as, 96. Quintarium , les cinq sixiĂšmes de l’as , ibid. R. Rame une paroĂźt rompue dans l’eau, 265. Les rames ont plus de force quand elles s’avancent loin hors de la galĂšre , 4-4-7* Rapport des proportions , g 4 - RarĂ©faction la des nuĂ©es produit le vent, 36 i. Rechamus , un moufle , 435 . Regards des fontaines , 37g , 38 o. Registres des orgues , 457 , 43 g. RĂ©gion la moyenne de l’air est plus froide que la basse , par quelle raison , 4° 2 - RĂšgle appelĂ©e fĂ©mur dans les triglyphes, i 53 . Remparts , quelle figure doivent avoir les d’une ville , 38 . Renflement des colonnes, 110 , 116. Il est dĂ©- saprouvĂ© par la plus grande partie des architectes , ibid. Sa grandeur se prend sur la largeur de l’entre-deux des cannelures , 187. Replum , le chĂąssis d’un panneau, 168. Replum , un rebord , 46g. ReprĂ©sentation la des choses naturelles est le fondement de l’architecture , 148. Resaut , ou avant - corps des architraves , i 35 . RĂ©servoirs , au nombre de trois aux fontaines publiques des anciens , 379. Respiration et ses usages , 35 . Ressort de fer pour repousser les marches des orgues , 45 7 . Retinacula , les cordes qui retiennent les machines , 436 . Reticulatum , espĂšce de maçonnerie , 75. Retractiones Graduem , la largeur des degrĂ©s pour monter dans les temples , 126. RĂ©trogradation des planĂštes , 4 g 1 - Rhodiens les vaincus par un stratagĂšme de la reine ArtĂ©mise , 76. Portique rhodien , 286. Rhytmique musique , 209. Romaine ou siatĂšres , espĂšce de balance, 446 - Rome est placĂ©e dans un climat tempĂ©rĂ© selon Vi— truve , afin que son peuple fut capable de commander Ă  tout l’univers , 261. Romains les ont Ă©crit de l’architecture avant "Vitruve , 3 oo. Rose du chapiteau corinthien, 147. Rosee la s’engendre des vapeurs que le soleil lait sortir de la terre , 35 g. Roues les petites ne roulent pas si aisĂ©ment que les grandes, 448. Rvbri Saxi , pierres rouges des environs de Rome, ou de Sienne , 386 . Rubrique sinopique , espĂšce de couleur , 334 » 55g TABLE DES RudĂ©ration , mĂ©lange de pierres et de mortier qui se mettoit sous les pavĂ©s , 3 g 8. Rues les doivent ĂȘtre alignĂ©es de maniĂšre que les vents ne les enfilent point , 4s* Rvdus , signification de ce mot, 3io. S. Sable de cave , 6o. diflĂ©rentes espĂšces de sables , ibid. Le sable de la mer empĂȘche le mortier de se sĂ©cher , ibid. Celui des riviĂšres est bon pour les enduits , ibid. Salapiens les abandonnent leur ville et en bĂątissent une nouvelle dans un lieu plus sain , 34 - Saillies les doivent ĂȘtre Ă©gales Ă  la hauteur des membres saillants , 123. salientes , explication de ce mot, 384- Salix, erratica , arbre , 35y. Salles Ă  manger, 275. Salles corinthiennes, salles Ă©gyptiennes , ibid. Salles cyzicĂšnes , 278. Salles Ă  manger, d'une grandeur extraordinaire, ibid. Salles oĂč les mĂšres de famille filoient avec leurs servantes , 286. Salmacis , fontaine , 75. Salons, 278. A la maniĂšre des grecs, 278. Sambyque , instrument de musique, 261. Sambuque , machine de guerre. Sandaraque , minĂ©ral , aujourd’hui le minium , 336. Elle se fait de’ la cĂ©ruse brĂ»lĂ©e , ibid. Saturne , le temps que cette planĂšte emploie pour accomplir sa circonvalation , 4° l - ScĂšne la satyrique , 23o. Les piĂšces dramatiques, satiriques des anciens sont pleines de libertĂ©s grossiĂšres , 232. Ăźl ne nous reste plus de ce genre que le cyclope d’Euripiue, 282. Sapin , arbre, 83. Le supernas eXVinfernas , 86, gi; Saule , arbre , 84. ĂŽAxr rubri , pierres rouges pour joindre les tuyaux dans les angles , 386. Setamus , la cheville dans laquelle on attache les rames , 447- Scamilli maniĂšre de piĂ©destaux, 127. Scamillum , tringle attachĂ©e avec des queues d’hirondelles dans la catapulte , Jfili- Scaphe , espĂšce de cadran au soleil , 420. Scapi cardinales , les montants des portes , auxquels les gonds sont attachĂ©s , 168, 174. Scapi scalarum , les limons des ^escaliers , 3g4. Scapus , tige de la colonne , 44*^ ? 444* Sceller avec du plomb , 443. ScĂšne la des théùtres, 204, 225. Ses proportions, 226. Ses changemens, 23o. Il y avoit trois sorte de scĂšne , ibid. Machine qui en tournant change la scĂšne des théùtres anciens, 227 , MATIÈRES. ScĂ©nographie, le dessein du plan d’un Ă©difice, 12 , 20. , plan raccourci, 45. Schlateras , style qui fait voir l’ombre , 43. Sciographie , ou l’art de reprĂ©senter les ombres, 20. , dans les bains , 245. Scorpion , machine de guerre , 432. Scotie , partie de la base d’une colonne , 119. Scotinos , nom donnĂ© Ă  HĂ©raclite , Ă  cause de l’obscuritĂ© de ses Ă©crits , 56. Sculpture la est essentielle Ă  quelques membres d’architecture , 27. Il y a des endroits oĂč l’on n’en doit point faire, ibid. , 3i8. ScutĂŒea, losange, 3i2. Scutula , gros rouleaux dans la catapulte, 4&4 , dans la baiiste, 468. Sectilza , passĂ©., 3i2. SecurictĂŠ , des queues d’hirondelles, 182. Sels les de la chaux, ceux du sable et des pierres sont la cause de l’endurcissement du mortier , 63. On mĂȘle du sel dans l’eau des citernes pour la purifier, 882. Semiton , 207. Semisse la moitiĂ© de l’as , g6. , les Ă©toiles de la grande ourse , 4og. Septentrion , le vent de guĂ©rit la fiĂšvre et la toux, 42. Serpens , lieux oĂč les ne peuvent vivre , 373. , le demi joint au tout , 96. Sestertids , deux et demi , 96, C’est la quatriĂšme partie du denier , ibid. Sextans , la sixiĂšme partie , 96. SĂšve des arbres ,83. Sicilique , espĂšce de mesure ou de poids, 92. SiĂšges les des théùtres , 199 , 20a. Signes les du Zodiaque ont un mouvement contraire Ăą celui des planĂštes , 3gg. Sigia , nom grec du jong , 84. Sigxixvm opus , espĂšce de ciment employĂ© pour les pavĂ©s , 25o. Et pour les citernes , 382 , 388. Sil , ocre jaune , 327 , 335 , 346. Sil attique , 334. Silique , troisiĂšme partie de l’obole , g2. , voile qui couvroit la scĂšne pendant qu’on la changeoit , 431. Six est le nombre le plus parfait, 96. lĂ»xiciĂč»!pciii, le style qui indique l’ombre, 43. Smalte, enduit dont on forme des pavĂ©s en Italie, 61 , 3i 1. Socrate dĂ©siroit qu’on pĂ»t connoĂźtre les pensĂ©es des hommes, 92. Socle, ce qui est sous les bases, n3. S,oi%sia , Ă©lĂ©mens, 3e. Soleil le par sa chaleur , attire les planĂštes, et les arrĂȘte, 4oi. Le temps de son cours, 4°°; 4o8. Le soleil Ă©chaulfe davantage les corps qui sont les plus Ă©loignĂ©s, 4 00 * Solstices TABLE DES Solstices les et les Ă©quinoxes Ă©toient marquĂ©s parmi les anciens , Ă  la huitiĂšme partie des signes , 4°8* SoliditĂ© causes de la des corps , 63. Solive, 146 , 317. Son le , ce qui le produit, 2o5. Sonnerie , aux horloges des anciens , 422. Soufflets les des orgues modernes remplacent les barillets employĂ©s dans les orgues des anciens , 458. Soupape de la machine de Ctesibius , 454* Soupape en forme de cĂŽne, appelĂ©e cymbale , 456 . Soupiraux, le long des murs pour faire Ă©vaporer l’humiditĂ© , 324- Soupiraux aux cĂŽtĂ©s des puits pour faire Ă©vaporer les mauvaises vapeurs , 38i. Sources les des grands fleuves viennent du cĂŽte' du septentrion , 36o. Sourds les lieux ne sont pas propres pour y construire des théùtres , 200. Spectacles des romains , 201. SphĂšre de la 3q8. SpiCATUM opus , 3l3. Spira , la base d’une colonne , i44'* Stade , 246. StatĂšre , espĂšce de balance , appelĂ©e autrement Romaine , 446. Statio , signification de ce mot , i3. Station des planĂštes , 4°° ? 4°6 - Statues des dieux , comme il faut les placer dans les temples, 166.. Statuminare , signification de ce mot , 3io, 388 . , massif de maçonnerie , servant de fondement, ou de premier socle , 117- mu M , ce qui reçoit l’eau et la fait Ă©couler , io3 , 271. Striges , les cannelures des colonnes , i3j. Stria , l’erĂŒre-deux des cannelures , ibid. Stylobate ou piĂ©destal ,117. Sttgos hidor , eau de tristesse , 368. Strategeum , arsenal , 2 35. Stuc, espĂšce d’enduit, 3i5. 11 doit ĂȘtre fait avec de la chaux Ă©teinte depuis long - temps , ibiil. 31 faut plusieurs couches , 317. Choix du marbre pour le faire , 332. Su bscudes , tenons en queue d’hirondelle ou clefs . de bois , 182. SulpiiurĂ©es les eaux sont'bonnes aux maladies des nerfs , 365. Summum epistilium , le haut de l’architrave , i35 . SurbaissĂ©e voĂ»te, 317. _ 1 SymĂ©trie , est autre chose en françois que sim- metria en latin , 22. 11 y a deux espĂšces de symĂ©trie , 23 et suivantes. Syts’ECJIOndes , lieux qui rĂ©sonnent , i 3 i. Synemmenon , tĂ©tracorde des conjointes , 209. Systyle, 107. MATIEPiES. S60 T. Taele d’AristoxĂšne , 2x5. Tablinum , cabinet d’étude dans les appartemens des anciens , 273. Tableaux les galeries de doivent ĂȘtre exposĂ©es au septentrion , 279. Tailloir , appelĂ© plinthe dans l’ordre toscan , 177. Tailloir ou abaque du chapiteau corinthien ; il Ă©toit quelquefois aigu et non recoupĂ© par les angles , i45. Talon ou astragale , 11g. Tambour , vaisseau renversĂ© pour les clepsydi’es. 422. Tambour pour une autre espĂšce de clepsydre , 4 2 3. TarriĂšre , machine de guerre , 4?3. Tectorium , enduit , 3x6. Tegul , les tuiles , 149. Teeamones , espĂšces de cariatides , 287 , 288. TempĂ©rament le fait le caractĂšre de chaque animal , 3a , 260. Tempua , les pannes , 149- Temple , dans quel endroit de la ville chaque temple doit ĂȘtre placĂ© , 49- Quelles sont les parties des temples , 102. Quelles sont leurs espĂšces , 107. Division comprenant toutes les espĂšces de temples , 97 , 107. Temple Ă  antes. , 97. Temple prostyle , ibid. Temple amphiprostyle , ibid. Temple pĂ©rip- lĂšre , 98. Temple pseudodiptĂšre , ibid. Temple diptĂšre , ibid. Temple hypĂŠthre , ibid. Temple pseudodiptĂšre , ibid. Temple Ă  la maniĂšre toscane , 117. Temples monoptĂšres ronds , et pĂ©riptĂšres ronds , 178. La distribution du dedans des temples , 161. Le vestibule des temples , ibid. La proportion des temples pĂ©riptĂšres se. prend du nombre de leurs colonnes , io3. Comment les temples doivent ĂȘtre tournĂ©s , 166, Les portes des temples de trois sortes , ibid. Origine du mot temple , 111, i4o. Temple de CerĂšs Ă  Eleusis , 3oi , 807. Temple de la Vertu et de l’Honneur , 98 , 002. Temple de Diane Ă  MagnĂ©sie, bĂąti par Ctesiphon, 98, 3oo. Temple -> de Diane Ă  EphĂšse, 98 , io5 , i4o. Temple de Jupiter Stator, 98, io4 , io5. Temple de Jupiter Olympien , 98 , Soi. Temple de la Fortune Ă©questre , 107. Temple d’Hercule , bĂąti par PompĂ©e , 108 , Temple de Bacchus, ibid. Temple de la Concorde Ă  Rome , i3a , 179. Temple d’Apollon Panonien , i 4 i , x43. Temples de Pestum , i 43. Temple de Vesta , i45. Temple de Castor , 179. Temple de Yejovis , ibid. Temple de Diane , chasseresse , ibid. Temple d’Auguste, 190. Temple d’Esculape , temple de Flore, temple de Quh’inus, 98. Les quatre principaux temples de la GrĂšce , Soi. Les dieux tutĂ©laires doivent avoir leuf temple dans les lieux 561 TABLE DES MATIERES. s. les plus Ă©levĂ©s de la ville 49 - Les temples de VĂ©nus et ceux de Mars et de Vulcain doivent ĂȘtre hors de la ville , ibid. Les temples des dieux S ue l’on invoque pour la guĂ©rison des maladies, oivent ĂȘtre bĂątis dans 'des endroits sains , i 3 . Tenailles de fer pour Ă©lever les pierres , 4 - 36 . Terre la a 282000 stades selon EratostĂšne 44 - Terres il y a des sur lesquelles les serpens ne peuvent vivre , 073. Terre verte , couleur pour peindre, 342. Terrestres les animaux ont peu de terrestre , cela fait qu’ils ne peuvent vivre dans l’eau, 32 . Terrasses les doivent ĂȘtre pavĂ©es avec grand soin , 3 oq. Tessera , signification de ce mot, 3i2. TĂšte de lion dans les cymaises, ia 4 - Testudinatum , cours voĂ»tĂ©es , 271. Tetracoroe , suite de quatre sons , 207. Il y en a cinq espĂšces , ibid. Tetradoron , sorte dĂ© brique , 57. Tetrans , la quatriĂšme partie d’une chose , 96. Tetrantorum ac/ionibus, les quarts de cercles dont la volute ionique est composĂ©e , 121 , i 32 , i 33 . TĂ©tras , une chose partagĂ©e en quatre , 96. Tetrastyle cours , 267. Thalamus , chambre Ă  coucher, 28g. ThalĂšs mettoit l’eau pour principe de toutes choses , 56 , 353 . Théùtres les n’étoient anciennement que de bois , 202. Le théùtre doit ĂȘtre bĂąti dans un lieu sain , 199. Proportions des degrĂ©s du théùtre, ibid. Les vases des théùtres , 216. Trois rangs de cellules pour les vases dans les grands théùtres , 217. Le plan du théùtre des romains se traçoit par quatre triangles , 222. Celui des grecs par trois carrĂ©s, 23 i. Les voiles des théùtres, 43 i* ThĂ©orie , ce que c’est , 3 . Elle sert peu sans pratique , ibid. SrsfULTi cr yttoç,. Ă©tat des choses , i 3 . Thermes , les anciens thermes de Rome , leur magnificence , 241- Tholia , tholus , la coupole des temples ronds, i 85 . TiiymĂȘlĂ© , tribune qui s’avançoit dans le théùtre des grecs, 233 . ThymelĂ©eih s , sorte d’acteurs chez les grecs , 23 i. Tkyiiorion , passage d’une porte Ă  une autre, 186. Tilleul , 84 - Tirans de charpenterie, 3 a 1. Toit Ă  trois Ă©gouts ou Ă  trois pans , nommĂ© ter- tiaiia , 178 , 182. Les toits des anciens Ă©taient moins exhaussĂ©s que les nĂŽtres , i4q- Tomica , lien , 822. TonĂŠ, signification de ce mot, 422. Tore dans les bases des colonnes, 1x8. Tortue Ă  bĂ©lier, 473 . Ses proportions , elle est appelĂ©e criodochĂ© , ibid. La tortue Ă  bĂ©lier d’AgetĂŽr, 477- Tortue pour combler les fossĂ©s, 4 ? 5 . Tortue pour couvrir les pionniers , 477 * Le Torus , rouleau, lit oĂč matelas, le gros anneau des bases, 119, T oscan ordre , 177. Temples Ă  la maniĂšre toscane, ibid. Touches des orgues anciennes et modernes , 4^7, ’ Tours des fortifications des anciens, 37. Tour la d’Andronic Cyrrhestes pour les vents ; 4 - 3 . Tours x’oulantes pour les siĂšges des villes, 472. Proportion de la plus petite de ces tours, ibid. proportion de la plus grande , ibul. La plus grande , appelĂ©e hĂ©lepole, s’avançoit trĂšs-lentement; il lui f’alloil un mois pour faire une stade, c’est-Ă -dire, prĂšs de deux ans pour faire une lieue , 474 - Trabes , les poutres , 269. Tragique ' la scĂšne , 23 o. Transtrum , poutre de traverse, 149. Travertin , sorte de pierre, 70, employĂ© dans les temps les plus reculĂ©s , 81. TrĂ©sor le public, 197. Triangle , rectangle de Pytagore, 3g2. Tribunal dans les temples monoptĂšres, 178 tribunal du temple d’Auguste , 190. Triemitonium , un ton et demi, 207. Triglypue, Ă©tymologie de ce mot, 147, Son origine , ibid. 11 ne reprĂ©sente point une fenĂȘtre , ibid. Les iriglyplies doivent ĂȘtre au droit des colonnes, i 53 . Éauteur et. largeur des tri 182 et i 53 . Le chapiteau du triglyphe, i 44 Tri ch a le a , petite piĂšce de monnoie , 96. Triclinium , salle Ă  manger, 275, 276, 33 i. Tri ens , quatre parties des douze qui composent l’as , 92 , 96. Triones , les^Ă©toiles de la grande ourse, 4 ° 9 - Trispastos, machine qui tire par trois poulies, 4 ^ 8 . Trochilon , scotie dans la base de la colonne , ng. , moufle, instrument pour remuer les fardeaux , 436 . Truelle Ă  travailler au stuc , 3 i 8 . Trullisation , enduit, 3 x 6 , 820. Tuf , sorte de pierres employĂ©es Ă  Rome , 71 , 81, Tuteles , Ă©difices des romains Ă  Bordeaux , ie 5 ., 277. Tuyaux de plomb pour les fontaines et leurs proportions , 379. L’eau qui a passĂ© dans des tuyaux de plomb est dangereuse , 38 1. Les tuyaux de poterie, 38 o. La maniĂšre de les joindre ensemble, ibid. PrĂ©caution en mettant l’eau dans les tuyaux , 38 i. L’eau est meilleure dans les tuyaux de poterie que dans ceux de plomb , ibid. Tuyaux des orgues , 467. Tuyleaux pilĂ©s pour faire le ciment, 309,820. Tympan , le dedans du fronton , ses proportions x 35 . Tympan la hauteur du d’un fronton , 123 , i 36 . T'y m pan u m , le dedans d’un fronton , i 35 . Il signifie quelquefois le fronton entier, ibid. Quelquefois .glyphes, TABLE DES Une roue en forme de robinet pour une espĂšce de clepsydre, Quelquefois les roues dentelĂ©es , telles que sont celles d’une horloge, 460. Quelque' fois la roue d’une grue , 43 g. U. Tjdo teclorio , peinture Ă  fresque , SaS. L j lka , herbe de marais , i 56 . Un ci a , once, 96. Usage F j est une des principales choses qu’il faut considĂ©rer dans un Ă©difice , 1G. C’est la Kn pour laquelle chaque partie d’un Ă©difice est faite ; est la principale rĂšgle de ses proportions , ibul. Usta , ocre brĂ»lĂ© , 335 . V. Vaccinium , plante qui servoit Ă  la teinture, 35 i. ValvatĂŠ fores , une porte qui n’a qu’un battant, i 7 5. Vapeurs il s’élĂšve des du fond de la terre, 35 y. Va ra , une hutte , 47 2. Vases les d’airain des théùtres , 216. Il y en avoit trois rangs dans les grands théùtres , 217. Leur accord , ibid. Us n’étoient quelquefois que de poterie, 218. Les vases des bains oĂč les eaux sont rĂ©servĂ©es , 289 , 242. Veines les portent au dedans du corps les qualitĂ©s des choses qui les touchent en dehors, 32 . Vejovis , dieu malfaisant, 17g. Vent , ce que c’est , 4 2 - Celui du midi est fiĂ©vreux ; celui du septentrion guĂ©rit la fiĂšvre et la toux , ibid. Les qualitĂ©s des vents dĂ©pendent des lieux par lesquels ils passent , ibid. Le nombre des vents, 43 . Leurs noms , 44 - Faire que les vents n’enfilent point les rues , 4 2 Ces causes des vents , ibid. 35 g. Vents enfermĂ©s dans les tuyaux des fontaines , 38 o. Ventouses , aux tuyaux des fontaines , 38 o. Ventre , les grecs appellent ainsi l'Ă©tendue des tuyaux qui sont au tond d’une vallĂ©e , 38 o. VĂ©nus et Mercure tournent autour du Soleil , 4 °o* L’étoile de VĂ©nus appelĂ©e vespermgo le soir , et lucifer le matin , ibid. Son cours , ibid. Vert le couleur favorable Ă  la vue, 237. VERT-de-gris , 346 . Vmrgiles , constellation , 288. Vernis fait de cire , 34 o , 34 1. Versura , les cĂŽtĂ©s d’un temple , 97. Les cĂŽtĂ©s de la scĂšne , 22g. Vesperrugo , la planĂšte de VĂ©nus quand elle pa- roĂźt le soir , 4oo. VĂȘtemens les ont donnĂ© occasion Ă  inventer les premiĂšres machines , 433 . Vestibules des temples , leurs proportions, i6r, MATIÈRES. .562 ViĂŠ , des canaux creusĂ©s dans la corniche dorique , i 5 g. Vif argent , 337. Villes , on doit choisir un local sain pour les bĂątir , 3 i. Vinaigre, il dissout les perles, 36 g. Vin0as , machine pour tirer , 44 °- Violettes, on imite, avec une infusion de violettes dessĂ©chĂ©es , la couleur du sil atticpae , 34 g- Vis d’ArchimĂšde , 43 2 - Vitex , arbrisseau qui croĂźt dans les endroits humides , 357. VrmuvE , intendant des machines de guerre dans les armĂ©es de Jules-CĂ©sar et d’Auguste , 2. S’excuse de n’avoir pas mieux Ă©crit son livre , g. Peu estimĂ© pendant sa vie, 25 g. 11 a composĂ© son livre de ce qu’il a recueilli des grecs qui ont Ă©crit sur l’architecture , 299. Voiles des théùtres , 43 i. Voix la' , ce que c’est, 200. Elle fait des cercles en. l’air, de mĂȘme que l’eau quand elle est frappĂ©e , ibid. Elle a deux mouvemens , 206. Les peuples mĂ©ridionaux ont la voix aiguĂ« ; les septentrionaux l’ont plus grosse, 260. La sĂ©cheresse et l’humiditĂ© font la voix aiguĂ« ou basse , plutĂŽt que la chaleur ou le froid, 261. Volute , ng. La maniĂšre de tracer la volute ionique , 11g, i 3 i , i 33 . L’Ɠil de la volute , 120. Le canal de la volute, sa profondeur, 121. Sa ceinture, son axe, ibid. et i 3 i. Son balustre , 120. La volute ionique reprĂ©sente la coiffure d’ime femme , i4i. ; et ses cĂŽtĂ©s ressemblent Ă  un oreiller ou Ă  un balustre, i 3 i. VomiTORiA , nom donnĂ© aux portes des théùtres, O 200. VoĂ»tes , comme on doit les faire , 317. VoĂ»te double au-dessus des bains , 240. Vue la nous reprĂ©sente souvent les objets autrement qu’ils ne sont, 268. Vuide des portes, ses proportions, 167. X. Xanthus , riviĂšre , pourquoi ainsi nommĂ©e, 368 . Xenia , les prĂ©sens que les grecs faisoient Ă  leurs hĂŽtes , 287,291. Xrsros , parmi les grecs Ă©toit un portique large et spacieux dans lequel les athlĂštes s’exerçoient, 247, 25 o, 287. Pourquoi on les nommoit ainsi , a 5 i. Xrs7 us, chez les romains, Ă©toit une allĂ©e dĂ©couverte pour se promener , 247,287. Y. Yalon, nom d’une espĂšce de verre eriGrĂšce, 34 g. Ypomocheion , l’appui du levier, 44 ^- 563 TABLE DES MATIÈRES. Z Zodiaque, ses douze signes, ÂŁo8. Le zodiaque,’ est divisĂ© en parties inĂ©gales, dans la clepsydre anaphorique , 42 3 . ZoĂŻle Ă©crit contre HomĂšre, 299; Ztgia , nom donnĂ© par les anciens au bois de charme, parce qu’ils s en servoient Ă  faire les jougs, 84 - FIN DE LA ÏA15LE, 4k'1S&a&f*ÊSr. ' ***V - 4 *» WĂŻ 0 *' * < /** *- ApprenantĂ  s’écouter, Ă  faire circuler la parole entre eux mais aussi Ă  s’exposer, voire Ă  baisser les armes, ils ont fait place Ă  la pluralitĂ© des mondes vĂ©cus que portait leur petite communautĂ©. La succession des dĂ©bats et des temps d’écriture ont Ă©tĂ© l’occasion pour eux d’apprĂ©hender ce que signifie d’appartenir Ă  une population plutĂŽt protĂ©gĂ©e, voire Synopsis Le collectif de psychiatrisĂ©s Trames » est un rĂ©seau parisien de communication et de solidaritĂ© rassemblant des patients qui ont une expĂ©rience nĂ©gative de la psychiatrie asilaire, ainsi que des psychiatres, des psychologues et d’autres personnes voulant modifier le rapport entre folie et sociĂ©tĂ©. Le local est un lieu de rencontre et d’activitĂ©s culturelles pour les malades voulant renouer des liens avec la sociĂ©tĂ©. Quelques-uns d’entre eux prennent ici la parole avec force. De nombreux dĂ©bats et dialogues rĂ©vĂšlent l’émotion et une urgence vitale. Ils nous livrent une rĂ©flexion sur la folie, la vie avec elle, le regard que pose sur elle la sociĂ©tĂ©, son traitement psychiatrique qui est fortement remis en cause, la relation entre folie, peinture et autres formes de crĂ©ativité  L’action de Trames passe en particulier par la participation au Forum Pratiques de la folie » Nice, 1983, une commission sur les mĂ©dicaments neuroleptiques l’haldol, une Ă©mission sur Radio libertaire, un film Ă  propos d’un ami qui vient de se tuer, une visite au MusĂ©e d’art brut L’aracine » oĂč sont exposĂ©es des oeuvres de membres de Trames et de leurs et distribution 2PhotosMentions techniquesCourt-mĂ©trageLangue de tournage FrançaisAutre pays coproducteur FranceAnnĂ©e de production 1985Visa dĂ©livrĂ© le 03/09/1985Type de couleurs Couleur

Cesmurs, gardiens de mĂ©moire, ont la parole. AbonnĂ©s. De superbes dĂ©couvertes. Saint-Rome-de-Tarn. PubliĂ© le 19/07/2018 Ă  08:09. Ă  l’image des quelques hameaux ou corps de ferme qui

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Lesmurs ont la parole (78) On aurait retrouvé le (petit) fils (présumé) de Garou-Garou, le fameux passe-muraille qui fit parler de lui il y a une cinquantaine d'années, et dont chacun connait le sort (qu'il ait ou non Aymé cette histoire) comme
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